Ulrich Tadajeu

Paul Biya brillera encore par son absence au sommet de l’Union africaine

J’ai écouté le journal de 06h ce matin sur la Radio nationale du Cameroun, la CRTV. Le journaliste, Blaise Testelin Nana, a donné une information qui est devenue traditionnelle dans notre pays:

le chef de l’Etat Paul Biya sera représenté à ces travaux (sommet de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba les 30 et 31 Janvier prochain) par le ministre des relations extérieures Pierre Moukoko Mbonjo.

Eh oui! L’Union Africaine tient son 22ème sommet du jeudi 30 au vendredi 31 Janvier prochain c’est à dire à partir de demain. Et comme d’habitude, le président du Cameroun, Paul Biya, se fait remarquer par son absence. Or ce n’est pas un moindre sommet. Le thème est assez éloquent et d’actualité lorsqu’on connait le chemin que l’Afrique a à faire. Il s’agit de « Agriculture et sécuritaire alimentaire ». C’est un sommet d’une importance capitale quant on sait que le Cameroun importe encore beaucoup de denrées alimentaires de l’extérieur. En plus, le contexte africain marqué par les crises aux portes du Cameroun (République centrafricaine) et au Mali devraient permettre au chef de l’État de briller par sa présence et de mettre en valeur son « leadership ».  Au lieu de ça, il envoie le ministre des relations extérieures.

Paul Biya, President of the Republic of Cameroon, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly.25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/
Paul Biya, President of the Republic of Cameroon, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly.
25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/

Comme il avait déjà fait lors des obsèques de Nelson Mandela. En effet, le ministre des relations extérieures Pierre Moukoko Mbonjo avait également représenté le chef de l’Etat le 10 Décembre dernier à Soweto lors des obsèques rendus par la planète entière à Nelson Mandela. Plus de 90 chefs d’Etat étaient présents. Celui du Cameroun a trouvé mieux d’envoyer un représentant. C’est vrai que c’était une présence symbolique sans enjeux particuliers. Quelques temps après, au plus fort de la crise en Centrafrique, le président du Cameroun a encore snobé ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) le 09 Janvier dernier lors du sommet sur la crise en Centrafrique. Il y était question de:

réfléchir sur les voies de sortie de la crise qui ébranle la République centrafricaine depuis le coup d’Etat perpétré par les rebelles de la Séléka conduits par Michel Djotodia.

Quelques semaines plus tard, alors que la présidente de transition du même pays, Cathérine Samba Panza prêtait serment, le chef de l’Etat camerounais s’est une fois de plus fait représenté par le premier ministre, Philémon Yang. C’est une absence remarquée qu’on observe de plus en plus.

Certains diront peut-être que c’est le premier ministre, c’est le ministre de des relations extérieures et donc c’est toujours le Cameroun. Mais ils se trompent car la diplomatie personnelle compte en ces temps de mondialisation. Lorsque le chef de l’Etat est absent, on ne peut pas considérer les points de vue de ses représentants au même titre que les siens. Aussi, compte tenu des enjeux de telles rencontres, des objectifs du Cameroun de se positionner en tant que leader politique et économique de la sous-région Afrique Centrale, il est important pour notre président d’être souvent présent et de faire entendre la voix du Cameroun à ces sommets. D’autres personnes diront qu’il est fatigué (à cause de ses 81 ans donc 30 ans au pouvoir et plus de 50 ans dans la haute administration)  mais pourquoi dès que la France convoque un sommet, il court pour assister?  Dès qu’il est invité en Europe, il répond rapidement à l’invitation. Il y a dissonance.

Nous vivons une époque où il faut être rapide, compétitif mais également prendre les devant de la scène et les initiatives pour évoluer. Pendant que le président camerounais envoie des représentants, ses homologues du Gabon, du Tchad, du Congo… se déplacent pour faire entendre la voix de leur pays à cette rencontre. Pour être leader d’une sous-région, il ne faut pas seulement s’enorgueillir des atouts naturels que nous possédons. Mais il faut surtout poser des actions, prendre des initiatives, être au devant de scène. Dans l’optique de traduire ces atouts naturels (populations, position, superficie…) en réels facteurs de leadership dans la sous-région, il est nécessaire que Paul Biya soit  plus absent et concerné par les questions africaines.


Eric Mathias Owona Nguini a pris la bonne décision

Eric Mathias Owona Nguini est un politologue camerounais très médiatisé et qualifié par certains d’anti-système. Il se fait remarquer chaque fois sur les plateaux par ses critiques acerbes et ses analyses pertinentes sur le régime camerounais.

Eric Mathias Owona Nguini.  © CIN Archives
Eric Mathias Owona Nguini. © CIN Archives

Né en 1969, cet universitaire a encore frappé fort en refusant de faire partie du comité de normalisation. L’enseignant a envoyé une lettre à la ministre de la Culture camerounaise, Ama Tutu Mun, pour lui faire part de sa décision.

« Je viens auprès de vous solliciter votre compréhension au sujet de ma nomination au sein du Comité de normalisation dont vous avez désigné les membres en date du 21 janvier 2014. Je vous écris pour décliner ma nomination. »
Il faut dire que depuis l’invalidation de l’élection de Ndedi Eyango au poste de président du conseil d’administration de la Socam (Société civile camerounaise de l’art musical),  la ministre a certainement vu en Eric Mathias Owona Nguini une figure apte pour redresser cette structure très controversée.
 Eric Mathias Owona Nguini a décliné l’offre comme il l’avait déjà fait en 2011 lorsqu’il avait été courtisé pour être nommé à Elections Cameroons (ELECAM), l’organe chargé de l’organisation des élections au Cameroun. Il avait cette fois décliné la nomination avant qu’elle ne soit officielle et rendue publique.
Lorsqu’on écoute Owona Nguini dans les émissions et conférences, il ressort que sa réticence à l’endroit de ces postes s’explique par une analyse profonde de la situation politique du Cameroun. De cette analyse, il estime que le système est pourri. L’état avancé de dégradation de ce système fait qu’il est impossible pour un individu de flirter avec lui sans se faire détruire. Et si ça arrive, les mêmes qui vous ont nommé ainsi que les thuriféraires du pouvoir ne cesseront de vous dire que « tu parles aujourd’hui, tu étais là hier qu’est ce que tu as fait ? »,  « toi aussi tu mangeais, n’est-ce pas? »… Ce style de nomination s’apparente plus à un piège pour fermer la bouche de ceux qui, selon le régime, parlent un peu trop.
Je salue ces gestes de Eric Mathias Owona Nguini parce qu’ils montrent qu’il sera difficile pour un individu de changer ce pays. Car le système est vraiment pourri, et si tu y participes il t’avale avant que tu ne réalises. Ce refus du politologue  peut servir d’exemple et inspirer une jeunesse s qui parfois renie ses principes au profit d’avantages matériels et financiers. En ce sens, Eric Mathias Owona Nguini a pris une bonne décision en déclinant la nomination de la ministre de la Culture.


Boire pour noyer les soucis ou pour se noyer?

Un collègue mondoblogueur a rédigé un billet hier pour présenter la situation des jeunes à Haïti. Parmi les tares qu’il a citées, j’ai remarqué un « ‘excès d’alcool ». J’ai commenté son billet en lui disant qu’il y a une  grande similitude entre les faits décrits et les réalités de la jeunesse camerounaise. Quelques heures après avoir lu son texte, je me promène à l’entrée du campus de l’Université de Dschang. Qu’est ce que je vois? Une table de bière. C’est chaque fois la même chose. Des jeunes pour la plupart étudiants qui ont choisi d’avoir pour compagnon de route, jour comme nuit, l’alcool. Ils se brossent les dents, déjeunent, dinent avec l’alcool. Toutes leurs ressources financières s’en vont.

Dans le même temps, ces jeunes déclarent partout qu’ils n’ont pas l’argent pour faire les photocopies, pour acheter un livre. Bref pour s’offrir le savoir. Je me demande bien si c’est de cette manière que nos Etats avanceront. Ils en veulent au monde entier de ne pas les aimer. Ils disent que la France les a pillés, ils envient la Chine et autres pays. Alors que, pendant qu’ils sont entrain de « couper une », les jeunes de ces pays respectifs développent des stratégies d’invention et de création.

Des bouteilles de bière sur une table que nous avons filmées en fin de soirée ce jour à l'entrée du campus de l'Université de Dschang. Crédit image: ulrich Tadajeu
Des bouteilles de bière sur une table que nous avons filmées en fin de soirée ce jour à l’entrée du campus de l’Université de Dschang. Crédit image: ulrich Tadajeu

Cette triste réalité est devenue tellement récurrente dans les villes camerounaises. Le pire est que dans le même temps, toutes les bibliothèques et maisons de culture sont transformées en débit de boisson, snack-bar…pour permettre aux jeunes de se noyer et non de  noyer leur souci comme ils le disent souvent

La même table complétée par d'autres gouts de bière. Crédit image: Ulrich Tadajeu
La même table complétée par d’autres gouts de bière. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Le développement de l’Afrique se fera avec des jeunes lucides, des jeunes dynamiques, des jeunes compétents, des « Prométhée ». Or, ils ne peuvent être des créateurs et inventeurs de civilisation que s’ils vont comme Prométhée chercher la science et le savoir . Ce savoir peut se trouver partout sauf dans l’alcool. Que les jeunes cessent de dire qu’ils noient les soucis. Car ils se disent qu’il noient les soucis alors qu’ils se noient eux-mêmes. Et par la suite, ils noient le Cameroun entier qui a besoin de leur dynamisme, de leur lucidité et de leur santé.

 


L’identité africaine post-coloniale est une construction faite de retour sur soi et de rencontre avec l’étranger.

Je présente dans ce billet le compte rendu de la conférence qui s’est tenue jeudi 16 Janvier 2014 à l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang sur le thèmes: « l’identité africaine post-coloniale ».

La conférence sur le thème “l’identité africaine post-coloniale” s’est tenue hier à la sale Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang. Le panel était constitué ainsi qu’il suit : d’un côté, l’historien de formation et doctorant en science politique à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Yves Mintoogue ; de l’autre côté Moïse Nkohgue Balog, Kamitologue, étudiant en Master en Anthropologie et Histoire à l’Université de Douala au Cameroun. Les échanges étaient coordonnés par Ulrich Tadajeu Kenfack, étudiant en Histoire et Blogueur. Après le propos introductif de ce denier qui a consisté à présenter les motivations du choix d’un tel sujet (l’histoire africaine faite de rencontre avec l’occident, crises identitaires en Afrique, le phénomène de la mondialisation…), il a présenté le parcours et les activités des deux intervenants ainsi que les critères qui ont prévalu à les choisir comme intervenants. Et a fini en définissant les concepts clé.

De gauche à droite Yves Mintogue, Ulrich Tadajeu et Nkohgue Balog. Crédit image: Marius Fonkou.
De gauche à droite Yves Mintogue, Ulrich Tadajeu et Nkohgue Balog. Crédit image: Marius Fonkou.

Le premier intervenant Yves Mintoogue a organisé son propos liminaire autour de deux axes majeurs. Dans un premier temps, il a tenu à évoquer le contexte dans lequel se déploie cette question pour qu’on puisse saisir ses enjeux ainsi que les raisons pour lesquelles cette question crée autant la polémique. Selon Yves Mintoogue, c’est l’expérience de la rencontre qui s’est suivie de la négation  de l’Africain par les autres qui rend cette question intéressante et parfois même polémique. Mais il faudrait apporter des réponses puissent être efficaces pour la marche des Africains vers le développement. Il y a donc une exigence éthique à cette question qui est celle de savoir comment reprendre notre destin en main, comment reprendre le contrôle de notre histoire et de notre destin.

Il a, dans un second temps, parlé du caractère dynamique de l’identité africaine post-coloniale. Un dynamisme qui ne date pas d’aujourd’hui mais des siècles avant nous. A travers une approche pluridisciplinaire, il a parlé de l’identité africaine comme un phénomène dynamique et ambivalent qui s’est construit au cours du temps. Car l’histoire africaine et surtout l’histoire pré-coloniale africaine est faite de mobilités, d’itinérances, de migrations, de rencontres, de chocs et même de mariage. En ce sens, le doctorant en science politique estime qu’il est impossible d’enfermer, de figer l’identité africaine dans un carcan sous le prétexte d’une certaine authenticité africaine.

L'assistance très attentive aux propos des conférenciers. Crédit image: Marius Fonkou.
L’assistance très attentive aux propos des conférenciers. Crédit image: Marius Fonkou.

Le deuxième intervenant, Kohngue Balog a lui aussi organisé son propos autour de deux axes. Le thème de sa communication a été « mécanismes de construction de l’identité africaine et plaidoyer pour un retour aux sources ». A travers une approche linguistique et anthropo-sociologique, il a démontré que la construction de l’identité africaine jusqu’ici est un leurre, une aliénation. Il a dans un premier temps analysé les noms qui désignent ou qualifient l’Afrique. C’est le cas de « Africain » qui est pour sa part un terme utilisé pour la première fois par Cicéron  dans De republica liber primus . Ce terme est celui utilisé pour qualifier un général romain. Dire qu’on est africain, selon Moise Balog, signifie accepter qu’on est descendant de ce général romain. C’était également un nom utilisé pour humilier les cathaginois vaincus lors des guerres puniques. Ensuite, les termes désignant l’Africain à savoir « Noir », « Nègre » sont des termes péjoratifs qui sont utilisés pour désigner quelque chose de « mauvais », de « malheureux », de « sombre »…Bref, ce sont des constructions étrangères qui marquent bien, selon le Kamitologue, que l’identité africaine est le fruit des fantasmes de l’autre à l’égard du sujet africain. Cette réalité s’observe également au niveau des noms des pays africains. « Cameroun » qui vient de « Camaroes » c’est-à-dire crevette pour le Cameroun. Un nom qui est le fruit de l’émerveillement des portugais. Il a dans ce sens cité d’autres pays Africains comme la Côte d’Ivoire en référence à l’ivoire d’éléphant. Mais il a fait remarquer que certains pays africains sous la houlette de leurs leaders ont donné un autre nom à leur pays. C’est le cas de la haute-Volta qui a été rebaptisée en Burkina-Faso c’est-à-dire Pays des Hommes intègres par Thomas Sankara.

Dans un second temps, il a montré comment certaines institutions de socialisation avaient et continuent de participer à l’aliénation de cette identité. Il s’agit de l’école et de la religion. A travers l’école, les occidentaux ont, selon Balog, formé, conformé et déformé les Africains en faisant d’eux de simples collaborateurs. Ces Africains sont devenus une élite dont la pensée est désormais contrôlée et l’identité embrigadée. Ce contrôle de la pensée se fait également à travers la religion chrétienne qui, depuis la malédiction de Cham dans la bible, fait référence au noir comme un être maudit.

Il est urgent de repenser l’identité africaine loin des schémas qu’il a déroulés et qui sont construits depuis bien longtemps. Les Africains doivent revenir à leur source et non pas se replier sur eux. Car, l’identité africaine n’est pas une identité figée encore moins fermée. C’est une identité qui s’est construite au cours d’une histoire marqué par des rencontres, des itinérances et des chocs. Elle est comme Achille Mbembe le dit le fruit d’un double processus de dispersion et d’immersion. Il poursuit dans son article sur l’Afropolitanisme en disant:

Au demeurant, notre manière d’être au monde, notre façon « d’être-monde », d’habiter le monde – tout cela s’est toujours effectué sous le signe sinon du métissage culturel, du moins de l’imbrication des mondes, dans une lente et parfois incohérente danse avec des signes que nous n’avons guère eu le loisir de choisir librement, mais que nous sommes parvenus, tant bien que mal, à domestiquer et à mettre à notre service.
Les questions qu’il convient désormais de se poser sont celles de savoir: comment s’approprier ce double héritage constitué de l’ici et de l’ailleurs afin d’en faire quelque chose de particulièrement neuf? Comment s’approprier ce métissage culturel?


Au Cameroun, le Conseil des ministres a foutu le camp

Le Conseil des ministres est une réunion traditionnelle qui se tient dans un Etat sérieux. Il permet au chef de l’Etat de coordonner l’action gouvernementale. Son rôle effectivement est :

de rendre compte de l’action gouvernementale passée, de définir celle à venir et d’établir des projets de loi, de faire des communications sur différents sujets. Il doit délibérer et décider de la politique générale. Il est également le forum où, chaque semaine, on veille à la cohésion politique au sein de la coalition gouvernementale.

Un conseil des ministres présidé par M. Paul Biya, président de la République du Cameroun. Crédit image:cameroun-online.com
Un Conseil des ministres présidé par M. Paul Biya, président de la République du Cameroun. Crédit image:cameroun-online.com

Dans tous les pays sérieux, ce conseil se tient chaque semaine ou à défaut une fois en deux semaines. Mais au Cameroun, le dernier Conseil des ministres s’est tenu le 27 novembre 2012 après celui de décembre 2011. Depuis, plus rien. Pas de coordination de l’action gouvernementale. Rien! Le président de la République, monsieur Paul Biya, a d’ailleurs diagnostiqué, lors de son message à la nation le 31 décembre dernier, le manque de coordination comme frein de l’action gouvernementale et du développement du pays. On est en droit de se demander : si le Conseil des ministres censé se tenir chaque semaine n’a jamais lieu, comment l’action gouvernementale sera-t-elle coordonnée ? C’est cette institution qui permet au chef de l’Etat, le leader de vérifier si les différents managers (ministres) avancent dans leur cahier de charges les objectifs qui leurs sont assignés. Comme dans une entreprise, la réunion des ministres permet d’évaluer ce qui est fait par rapport à ce qui devrait être fait, extraire les raisons des lenteurs, trouver des moyens pour y remédier afin de mettre le pays sur la bonne voie. Mais, certains veulent nous faire croire qu’il est possible de gouverner un pays sans Conseil des ministres. C’est du leurre!

Pour rédiger ce billet, j’ai identifié les sites internet de quelques présidences des Etats africains et occidentaux. Je me suis rendu compte que dans tous ces pays, le Conseil des ministres est une activité normale, inscrite dans l’agenda de la nation et qui se tient au moins chaque semaine. Au Sénégal par exemple, le dernier en date s’est tenu le 15 janvier 2014 sous la présidence de Macky Sall. Un autre s’était tenu la semaine précédente.  Pour ce qui est de la France, le Conseil des ministres se tient chaque mercredi.

De toutes les façons, le Conseil des ministres est une tradition dans un pays. Le président de la République préside ce conseil en même temps qu’il coordonne l’activité gouvernementale.  Il est anormal, voire incompréhensible de gouverner un État sans tenir un Conseil des ministres en un an et qu’après, on déclare que l’action gouvernementale manque de coordination. Ceux qui nous gouvernent gagneraient à imiter les bonnes habitudes. Ils gagneraient à faire ce que les États sérieux font. Mais comme je l’ai dit dans un billet précédent, nous sommes dans le règne du ridicule. Ce qui est normal et universellement admis ne l’est pas au Cameroun. Le Conseil des ministres qui est normal dans un Etat sérieux et universellement admis ailleurs a foutu le camp chez nous. A quand le prochain Conseil des ministres au Cameroun ?


Ernest Ouandié: 43 ans après, le combat continue!

Lettre à Ernest Ouandié au pays des morts : « le Combat continue » !

En rendant l’âme le 15 janvier 1971 après la fusillade suite au procès expéditif dont il a été l’objet, voici la phrase que déclara Ernest Ouandié alors tête de proue de l’Union des Populations Camerounaises (UPC), parti nationaliste du Cameroun : « d’autres poursuivront le combat. » 43 ans après, on peut s’arrêter et se demander : ces autres ont-ils poursuivi le combat ? Ou encore, poursuivent-ils le combat ?

Ernest Ouandié menotté le jour de son assassinat. Crédit image: cameroonvoice.com
Ernest Ouandié menotté le jour de son assassinat. Crédit image: cameroonvoice.com

Pour combattre, cher ancêtre, il faut savoir ce qu’on doit combattre. Le combat de votre temps contre les forces coloniales puis néocoloniales est resté le même mais a évolué et a pris des formes internes. Maintenant, en plus des forces néocoloniales, il faut combattre les forces patrimoniales qui ont pris l’Etat en otage pour se servir et servir leurs besoins villageois, familiaux et claniques. Ça veut dire que même si la main du père est toujours visible, celle du fils l’est davantage et est plus nocive que la main du père car il s’agit d’un crime à la manière de Caïn et Abel dans la bible. Il y’a toujours quelque chose à combattre. Mais je me demande s’il continue.  En passant, après vous, Ahidjo ne s’est pas éternisé au pouvoir comme veut le faire son successeur. Le pays a connu des moments de relative gloire économique avec Ahidjo et est tombé dans une somnolence et une décrépitude avec son successeur. Une preuve : depuis 1982, nous sommes dans un régime de moralisation des comportements et de rigueur dans le travail mais en 201 3, tout un gouvernement est en prison, les détournements sont devenus le pain quotidien des Camerounais d’en haut, ceux que vous avez combattu à votre temps. Autre chose : en 1982, le seul président que j’ai connu depuis que je suis né, disait à nos ainés qu’il apporterait la prospérité ; au début des années 1990, il répéta la même chose en disant que le Cameroun doit retenir de lui l’image de celui qui a apporté la prospérité ; mais c’est en 2012 qu’après les grandes ambitions, notre pays entre dans les grandes réalisations dans les discours car sur le terrain ce sont encore les « grandes poses de premières pierres ». En 2013, il nous dit que le Cameroun va mal, ce qu’il dit depuis 10 ans maintenant autour du concept de l’inertie. Ce qui est curieux est qu’il pose les questions dans son discours de fin d’année alors qu’on attend de lui des réponses.

Cher ancêtre,

 Tu vois le chemin parcouru. Il n’est pas loin de ce que toi et tes vaillants compagnons aviez laissé. Après votre mort, vous avez connu un effacement complet des discours mémoriels et officiels des leaders de l’époque ainsi que de leurs successeurs.  Même si au début des années 1990, vous avez été réhabilité, seule une partie de la population fait référence à vous comme de véritables héros et martyrs, comme les véritables pères de notre nation. Pour d’autres, vous êtes des « inconnus », parfois même des « terroristes ». Mais, depuis que j’écoute les discours de notre « président fondateur », je ne l’ai jamais entendu faire référence à vous. Les documents qui parlent de vous n’en font qu’allusion sans mettre en exergue le combat élogieux et digne que vous ayez mené. Bref, à la différence de la formule « la patrie reconnaissante », au Cameroun, « la patrie assassinante ».  La montée fulgurante de Pierre Semengue que vous avez connu est assez illustrative.

Mais ce désir d’assassinat d’un parent mort pour nous n’a produit que l’effet contraire. En plus, il y a certains qui ont continué et continuent le combat. Ils sont nombreux d’ailleurs. Mongo Beti ou encore Alexandre Biwidi en est un. Il a continué le combat malgré les turpitudes à travers des actions notamment dans le domaine de la littérature avec ses romans et ses essais. L’un de ses essais est d’ailleurs consacré à toi. Main basse sur le Cameroun. Par ailleurs la revue qu’il a créée avec son épouse Odile Tobner, Peuples Noirs-Peuples Africains, est un exemple patent de ce combat ainsi que la librairie des peuples noirs qui se trouve dans la capitale du Cameroun, Yaoundé. Elle sert de cadre d’expression à plusieurs associations qui continuent le combat. Puisque ce combat a évolué, en plus de résister aux forces néocoloniales, Mongo Béti a beaucoup lutté contre les forces patrimoniales Africaines notamment au Cameroun. Mais, en Octobre 2001, il est allé se reposer pour l’éternité et des associations continuent le combat à sa suite. Je pense ici à la société des Amis de Mongo Beti (SAMBE). Au Cameroun, toujours, certaines personnes ont pris la relève pendant la période des villes mortes en 1990. De plusieurs manières, elles ont affirmé leur détermination à porter haut la flamme de la liberté que vous aviez allumée avec vos compagnons. Dans les rues, dans les universités, à travers les œuvres scientifiques, dans la presse. Nous pouvons citer Pius Njawé, Célestin Monga et Mboua Massok.   Ce dernier a réitéré le geste de manière plus symbolique et directe en 2008 à l’occasion du 37eme anniversaire de votre assassinat en déclarant cette phrase devant votre tombe : «…Je suis venu te dire que le combat continue… »

Aujourd’hui, ce combat est porté par des jeunes, par des associations. Car, soit dit en passant, le Cameroun que tu as laissé pour retrouver Um Nyobe et Félix Moumié a changé. La jeunesse est devenue la frange la plus importante de la population. Soucieuse de son avenir ainsi que de celui des enfants de leurs enfants, ces jeunes ont décidé de poursuivre le combat même s’ils ne sont pas nombreux. Ils poursuivent ce combat même s’ils sont découragés par des espions, des agents doubles du régime en place. Ils continuent ce combat contre vents et marées. Ils sont assez nombreux mais je citerai uniquement l’ADDEC (Association de défense des droits des étudiants du Cameroun).

Cher ancêtre,

En 1971, tu avais dit en quittant ce monde que d’autres poursuivront le combat. Cela veut dire que tu avais foi en la jeunesse Camerounaise et même Africaine. Certains t’ont déçu car, après que tu sois mort, ils t’ont assassiné à nouveau et de manière symbolique. Plus encore, ils ont continué dans la même lancée que ceux que tu combattais. Ils ont remplacé les forces coloniales et néocoloniales par les forces patrimoniales et néo-patrimoniales.  Mais d’autres ont été vaillants comme tu l’as été et ont continué le combat en le réaffirmant même devant ta tombe. C’est dire que la foi que tu avais en cette jeunesse de ton temps n’était pas veine. Ils ont poursuivi le combat mais doivent le transmettre afin que les générations futures accomplissent ou trahissent leur mission. Ce sera difficile car l’élite politique majoritaire actuelle a tout mis sur pieds pour qu’ils ne réussissent pas ce combat. Mais il continue !

Salut le sacrifié, salut le héros, salut le vaillant soldat qui tombe au front pour que tout le peuple vive !

NB: ce texte avait été publié dans mon ancien blog. Mais compte tenu de son actualité, je n’ai fait qu’apporter quelques modifications.


Cameroun : Personnification des institutions et lenteurs administratives, de véritables freins au développement.

Le président de la République du Cameroun, M Paul Biya, a dit dans son discours à la nation le 31 décembre dernier que le Cameroun va mal même si on peut noter quelques avancées. Ce malaise, 14 ans après le début du 3ème millénaire après Jésus-Christ et 20 avant l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035 a également été diagnostiqué par le chef de l’État camerounais. Les jours qui ont précédé et succédé ce discours de M. Paul Biya, je faisais une énième descente dans certaines administrations camerounaises pour des raisons personnelles. J’ai pu constater quelques fléaux qui freinent le progrès du Cameroun. A savoir la personnification du pouvoir et les lenteurs administratives.

La lenteur administrative est semblable à la lenteur de la tortue. Crédit image:investiraucameroun.com
La lenteur administrative est semblable à la lenteur de la tortue. Crédit image:investiraucameroun.com

Personnification des institutions

Au Cameroun, ce qui compte ce ne sont pas les institutions que sont censés représenter les individus. Mais les individus qui personnifient les institutions. Comment cela se passe ? Au niveau étatique, on a tendance à accorder tous les bénéfices à un individu Paul Biya plus qu’à l’institution qu’il représente à savoir le président de la République. Il est de même pour les autres sphères de pouvoir. Plusieurs ministres donnent l’impression qu’ils tiennent leur pouvoir ou leurs postes plus de la « bonne volonté » du chef M. Paul Biya que de la méritocratie qui doit être la base d’une république.

Dans les administrations, la personnification des institutions s’observe par une allégeance au chef. Les administrations ne fonctionnent pas si un individu n’est pas là. Que ce soit pour la signature d’un document important ou pour la certification d’un acte de naissance…, les employés de ce service vous disent que « celui qui doit signer n’est pas là… Il est en congé… Il est allé en campagne électorale… » Bref, l’institution ne pourra pas fonctionner parce qu’un individu est absent. Comment une institution peut être paralysée par ce qu’un individu est absent ? Ce sont les individus qui sont au service de l’institution ou le contraire ?  Cette personnification des institutions est l’une des raisons des  lenteurs administratives.

Lenteurs administratives

Les lenteurs administratives sont également observables dans les administrations camerounaises. A une époque et jusqu’à récemment encore, le président de la République l’appelait inertie. Ces lenteurs administratives sont même théorisées par certains juristes et universitaires. Ces derniers utilisent toutes les stratégies pour faire comprendre aux jeunes étudiants « naïfs » que les lenteurs administratives ne sont pas une spécialité camerounaise. Que ces lenteurs rentrent dans le fonctionnement normal de toutes les administrations. Mais une fois sur le terrain, on se rend compte que la personnification du pouvoir est une cause de la lenteur car, en l’absence d’un individu, les dossiers qu’il est censé traiter attendent dans son bureau. Il ne faut pas faire de la « sorciologie » pour le comprendre. Il ne faut pas être politologue pour observer que lorsque vous voulez obtenir une signature dans les services publics (préfectures, sous-préfectures…), ça varie d’une administration à l’autre. Dans une, vous pouvez le faire en 30 minutes et dans l’autre, vous aurez près de 4 heures d’attente.

Dans d’autres services publics, en fonction de votre enveloppe, un service qui fait habituellement un mois pour aboutir peut être rendu en une heure. Et ce phénomène de lenteur administrative habite toutes les institutions même les lieux les plus inattendus. Bref, elles vont jusqu’à habiter les individus. Mais pourquoi les lenteurs administratives prennent de l’ampleur dans notre pays au-delà des justifications sans tête ni queue que certains juristes pompent dans les oreilles des jeunes étudiants camerounais ?

Ces deux fléaux qui sont minimisés sont des maux sur lesquels il faudra s’appesantir dans les jours et années à venir si les Camerounais veulent effectivement donner un sens à leur décollage. Deux autres fléaux minent notre accélération. Il s’agit du déficit de lumière et du niveau de connexion internet qui est assez bas. Je reviendrai sur ces deux derniers fléaux dans un prochain billet.

Bonne année à tous mes lecteurs. Vivement qu’en 2014, nous participions tous ensemble à l’éradication de ces deux malaises qui minent certaines sociétés au-delà du Cameroun.


Cameroun : pourquoi des images du président Paul Biya dans une université?

Plusieurs Camerounais savent que les images du président de la République Paul Biya sont devenues une sorte d’emblème national qu’on retrouve partout : dans les services publics, les bureaux, les maisons, les chambres, les rues … Et récemment, j’ai découvert que ces images de notre président se trouvent également dans les amphithéâtres. Mais pourquoi ?

Images du président Paul Biya sur le podium de l'amphi 700. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Images du président Paul Biya sur le podium de l’amphi 700. Crédit image : Ulrich Tadajeu

J’ai récemment visité un des amphithéâtres les plus huppés et les plus prestigieux de l’université de Yaoundé 1. Il s’agit de l’amphi 700, situé en face du rectorat de ladite université. J’ai été impressionné par la qualité, la beauté de ce bâtiment. Une chose m’a surpris toutefois, ce sont les trois portraits du président de la République du Cameroun.

Lorsqu’on entre dans cet amphithéâtre, disais-je, on est étonné par la présence imagée du chef de l’Etat camerounais. Deux photos de Paul Biya sur le podium et une au fond de la salle. Que font ces images dans un tel endroit, lieu par excellence de production du savoir ? Ne représentent-elles pas un culte effréné de la personnalité qui habite les imaginaires depuis la fin officielle de la colonisation ?

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Photo du président Paul Biya au fond de la salle de l’amphi 700 de l’université de Yaoundé 1. Il se trouve en face du podium. Crédit image : Ulrich Tadajeu

A quoi serviraient ces images si ce n’est de renforcer et d’augmenter la présence du chef dans les imaginaires et les consciences des étudiants ? A quoi serviraient-elles si ce n’est d’inscrire dans la conscience des uns et des autres un unanimisme délétère alors même que l’université est un lieu où le pluralisme doit être encouragé ? Cette présence m’inspire deux réflexions.

Premièrement, on raconte partout que l’école, et donc l’université est apolitique. Avec une telle image qui est politique dans une université, on s’interroge ? Cet apolitisme de l’université est-il à géométrie variable ? Certains ont-ils le droit d’ habiter politiquement l’espace universitaire et d’autres non ?

Il est souvent dit que l’université est un lieu du savoir. Or les maîtres-penseurs sont d’avis que le savoir n’est produit qu’après un exercice rigoureux de critique. Mais avec l’inflation de l’image d’un homme politique sur les campus (amphithéâtre, bureaux…), on craint que l’université ne dise une chose et son contraire. Dire aux jeunes chercheurs d’être critiques, mais mettre sur pied l’habillage nécessaire pour contrecarrer cet esprit critique, c’est paradoxal.

Image du président Paul Biya à l'amphi 700. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Image du président Paul Biya à l’amphi 700. Crédit image :  Ulrich Tadajeu.

Ces images ont leur place dans des domiciles privés, dans les maisons du parti au pouvoir, dans d’autres lieux, mais pas dans un amphithéâtre.

Bonne année 2014! Vivement que cette année soit pour vous une année d’amour et de réalisation. Je vous souhaite, sous l’inspiration de Saint-Augustin:  » Aimez et faites ce que vous voulez. « 


Soweto: la planète rend hommage à Nelson Mandela

 La cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, héros africain de la lutte contre l’apartheid, lumière qui brille sur notre temps, s’est tenue hier à Soccer City dans le quartier de Soweto, ville de Johannesburg en Afrique du Sud. Près de 100 chefs d’Etat et de gouvernement étaient présents. Plus de 60 000 personnes ont bravé la pluie pour dire au revoir à « Madiba ». Dans ce billet, je vous propose des images obtenues sur des sites d’informations qui ont fait la retransmission en direct de la cérémonie qui s’est tenue hier à soccer city à Johannesburg. Au-delà de la grande liesse, de la joie du monde, il y a des images fortes comme les rencontres entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, Raoul Castro et Barack Obama.

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Soccer city à l’effigie de Mandela. Crédit photo: lefigaro.fr

La première escale est bien évidemment l’arrivée des hommes et femmes qui devaient participer à cette rencontre. Il s’agit pour la plupart des hautes personnalités, des chefs d’État mais également du public. Les photos ci-dessous présentent quelques personnalités à leur arrivée.

Arrivée de Barack et Michèle Obama. Crédit image: lefigaro.fr
Arrivée de Barack et Michèle Obama. Crédit image: lefigaro.fr

Le président Barack Obama, très attendu, a effectivement fait le déplacement de l’Afrique du Sud afin de rendre un hommage à celui qu’il considérait comme son modèle. Comme à l’accoutumée, il est accompagné de son épouse, Michèle Obama.

Koffi Anan et Desmond Tutu. Crédit image: lefigaro.fr
Koffi Anan et Desmond Tutu. Crédit image: lefigaro.fr

Koffi Annan et Desmond Tutu, tous deux amis de Nelson Mandela. Ils ont fait le déplacement pour rendre hommage à l’icône extraordinaire qu’a été Nelson Mandela.

Arrivée de Jacob Zuma, président Sud-Africain. Crédit photo: lefigaro.fr
Arrivée de Jacob Zuma, président Sud-Africain. Crédit photo: lefigaro.fr
François hollande et Nicolas Sarkozy à leur arrivée au soccer city. Crédit photo: lefigaro.fr
François hollande et Nicolas Sarkozy à leur arrivée au soccer city. Crédit photo: lefigaro.fr

Le président français François hollande qui fait son entrée dans le soccer city stadium en compagnie de son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Même si François Hollande n’a pas prononcé de discours, la complicité qu’il a eue avec Nicolas Sarkozy au cours de cette cérémonie n’est pas passée inaperçue.

L'arrivée du premier ministre Britannique David Cameron. Crédit photo: lefigaro.fr
L’arrivée du premier ministre Britannique David Cameron. Crédit photo: lefigaro.fr

Après les le bal des arrivées, nous présentons le public qui a répondu massivement présent à ce rendez-vous. La photo qui suit est une compilation d’images que nous avons réalisé à travers des photos tirées du site du figaro .

Un public présent. Crédit photo: lefigaro.fr
Un public présent. Crédit photo: lefigaro.fr

Le soccer city qui a abrité la finale de la coupe du monde en 2010 a fait le plein à l’occasion de cette cérémonie d’hommage à Nelson Mandela. Plus de 60 000 personnes, sud africains et étrangers confondus, ont fait le déplacement de ce somptueux stade. Ils tenaient à dire merci à Mandela comme en témoigne ce spectateur qui s’est confié aux journaliste de Libération:

Il fallait que je sois là. Pour dire merci à Mandela pour tout ce qu’il a fait pour nous. Aujourd’hui est un jour de deuil, mais c’est aussi un jour de fête.

Après l’arrivée des personnalités, suivies de la mise en place, la cérémonie a effectivement débuté avec l’hymne national de la République sud Africaine. Le collège de hautes personnalités présentes s’est mis debout pour l’exécution de cet hymne intitulé «Nkosi sikelel’ iAfrika» c’est à dire Que Dieu bénisse l’Afrique.

Près de 91 chefs d'Etats et de gouvernements ont fait le déplacement de Johannesburg. Crédit photo:lefigaro.fr
Près de 91 chefs d’Etats et de gouvernements ont fait le déplacement de Johannesburg. Crédit photo:lefigaro.fr

Par la suite, pendant que certains dirigeants prenaient la parole, d’autres profitaient pour discuter avec leurs voisins. Ou alors pour prendre des photos. Bref, c’était un moment de détente comme les photos ci-dessous l’indiquent.

Les couples Clinton et Bush étaient présents. Crédit photo: lefigaro.fr
Les couples Clinton et Bush étaient présents. Crédit photo: lefigaro.fr

Les prédécesseurs de Barack Obama, Georges W. Bush et Bill Clinton étaient également en Afrique du Sud en compagnie de leurs épouses respectives.

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Helle agace (première ministre danoise), Barack et Michèle Obama. crédit photo: lefigaro.fr

Arrivé près de 30 minutes après le début effectif de la cérémonie, Barack Obama a pris place à la tribune officielle en recevant une pluie d’ovations de la part du public du soccer city.

On a aussi remarqué ces complicités entre ennemis, ces salutations entre voisins qui ne s’entendent. L’esprit Mandela a fait taire les antagonismes le temps d’une journée.

François Hollande et Nicolas Sarkozy. Crédit photo: lefigaro.fr
François Hollande et Nicolas Sarkozy. Crédit photo: lefigaro.fr

On a pu remarquer une grande complicité entre les deux leaders politiques au cours de la cérémonie. Un geste qui va en droite ligne avec les valeurs prônées par Mandela à savoir la tolérance.

Barack Obama et Raoul Castro. Crédit photo: lefigaro.net
Barack Obama et Raoul Castro. Crédit photo: lefigaro.net

En allant prononcer son discours, le président des Etats-Unis Barack Obama a serré la main de Raoul Castro, président du Cuba. Un geste inédit lorsqu’on connait les relations tumultueuses qu’il existe entre les deux pays. Esprit Mandela oblige, tous à l’unisson!

Après cette mise en place, les discours ont été prononcés. De la famille aux personnalités en passant pas les anciens compagnons de lutte de Nelson Mandela. Le discours le plus attendu a été celui de Barack Obama, première président noir des Etats-Unis.

Barack Obama pendant son discours. Crédit photo: lefigaro.fr
Barack Obama pendant son discours. Crédit photo: itele.fr

Véritable vedette de cette cérémonie, Barack Obama partageait avec Nelson Mandela le privilège d’être le premier président noir d’un pays autrefois ségrégationniste à savoir les Etats-Unis. Dans un discours teinté d’émotion, le président américain a présenté Nelson Mandela comme un « géant de l’histoire »,  une « icône ». Il a également présenté Nelson Mandela comme son modèle en ces termes:

j’ai beaucoup appris de Mandela. Il me donne envie d’être un homme meilleur

Après le président des Etats-Unis, d’autres chefs d’Etat comme Raul Castro du Cuba, Dilma Roussef du Brésil, Jacob Zuma de l’Afrique du Sud ou encore la secrétaire générale de l’union Africaine Nkosazana Dlamini Zuma (cette dernière a pris la parole avant Barack Obama) ont prononcé un discours pour rendre hommage à Nelson Mandela. Mais également le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon qui a fait un éloge funèbre à Nelson Mandela.

Le Sécrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-Moon lors de son discours. Crédit photo: lefigaro.fr
Le Sécrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-Moon lors de son discours. Crédit photo: lefigaro.fr

Le secrétaire général des Nations Unies a présenté Mandela comme un « un triomphe pour les idéaux des Nations Unies » en notant qu’il a été un « baobab », qu’il a « éclairé le monde ». Il a surtout émis ce vœux fort:

À travers la pluie du chagrin, j’espère qu’un arc-en-ciel va illuminer nos cœurs.

Desmond Tutu. Crédit photo: lefigaro.fr
Desmond Tutu. Crédit photo: lefigaro.fr

C’est à Desmond Tutu, grand ami de Nelson Mandela et prix Nobel de la paix, qu’est revenu la charge de faire la prière de clôture de la cérémonie. L’archevêque anglican a présenté Mandela comme un « trésor merveilleux », une « icône de la réconciliation ».

C’est ainsi que s’est achevée cette grande cérémonie. Cérémonie de séparation d’avec Nelson Mandela. Une cérémonie d’hommage qui se poursuivra jusqu’à vendredi avec la présentation de sa dépouille à Prétoria, siège du gouvernement. Elle sera couronnée par son inhumation dimanche dans le village de son enfance, Qunu. Il est à noté qu’au cours de cette cérémonie, Jacob Zuma a été fortement hué par le public. La grande star de cette journée a été le président Barack Obama. On a pu remarquer la forte présence des dirigeants africains même si certains comme le président Paul Biya du Cameroun n’ont pas fait le déplacement.

Le monde entier a ainsi rendu un hommage grandiose et mérité à Nelson Mandela. Les opposants ou ennemis de tous les jours se sont salués le temps de cette cérémonie. La population était présente malgré la pluie qui s’est abattue sur le stade soccer city. Bref, Nelson Mandela aura été une grande figure du XXème siècle et, après avoir dépensé sa vie pour le triomphe des valeurs humaines, la planète lui a dit merci de fort belle manière.

Rest in peace Madiba!

 

 


Alvine Henry Assembe: «les droits de l’homme sont des droits inhérents à tout individu du seul fait de son humanité »

Alvine Henry Assembe. Crédit image: Marius M. Fonkou
Alvine Henry Assembe. Crédit image: Marius M. Fonkou

A l’occasion du 65ème anniversaire de la proclamation des droits de l’homme le 10 Décembre 1948, nous publions cet entretien que nous avons eu avec Alvine Henry Assembe. Enseignante vacataire au département d’Histoire de l’Université de Yaoundé 1, spécialiste des Droits de l’homme, du droit pénal international et du droit humanitaire,  l’ancienne stagiaire au conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à Genève en Suisse nous apprend que les droits de l’homme ne sont pas la propriété des autres mais qu’ils sont des droits inhérents à tous les êtres humains. En ce sens, le roi Njoya a été un artisan des droits de l’Homme.

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Tamaa Afrika: Bonjour Mademoiselle Alvine Henry Assembe. Nous vous rencontrons aujourd’hui en marge du colloque international sur le Roi Njoya qui se tient depuis hier à l’Université de Yaoundé 1. Mais également à quelques jours de la célébration de la journée des droits de l’Homme. Il faut dire que vous avez, au cours de ce colloque, présenté une communication sur la contribution du roi Njoya à la promotion des droits de l’Homme. Qu’est-ce que Njoya a fait dans le cadre de la promotion des droits de l’homme en pays Bamoun ?

Alvine Henry Assembe: Je vous remercie de l’opportunité que vous me donnez de parler de Njoya, ce personnage extraordinaire, original et très loin en avance par rapport à son temps. Il a vécu dans un royaume Bamoun conquérant et lui-même en a mené deux guerres : la première contre Gbentkom qui s’est révolté et la seconde contre Nkufet. Il a remporté ces guerres-là. Et à un moment, après avoir organisé la fête de la jeunesse comme c’était de coutume, pour les jeunes princes. Il a pensé que le royaume Bamoun avait longtemps vécu entre douleur et sang. Il a pris la résolution d’apaiser le royaume et pour le faire, il fallait modifier le squelette du royaume qui était le droit. Le droit se posant comme fondement d’une société, Njoya a pensé qu’il était nécessaire de faire un toilettage de ce droit. C’est dans cette logique qu’il va révolutionner le droit en pays Bamoun et restaurer la dignité de l’homme. Cette restauration de la dignité concourt à la promotion et à la protection des droits de l’Homme.

Quelles actions Njoya a-t-il posé ?

Njoya a abrogé la loi. Avec Njoya, « celui qui consulte l’araignée ne sera plus puni de peine de mort ». Parce qu’avant l’arrivée de Njoya, consulter l’araignée était une divination réservée aux sociétés sécrètes pour prédire le futur. Celui qui hasardait consiltait l’araignée n’étant pas initié, était condamné à mort.  Njoya va également penser que toutes les femmes ont des droits dans le royaume. Dans la tradition Bamoun, celles qui pouvaient se targuer d’avoir un certain droit c’étaient les princesses or, Njoya va restaurer la femme en tant qu’être et en tant que personne qui a des droits. Il libéralise le domaine économique et l’éducation pour la femme. Il permettra aux esclaves de pouvoir épouser des princesses ou des esclaves. Au nom de la liberté de conscience et d’opinion, il va ouvrir les associations sécrètes à tous les Bamoun. Il a pensé une société juste. Il autorisa les Bamoun à vendre ce qu’il voulait alors qu’avant lui, celui qui osait vendre ce qui n’était pas autorisé par la loi des ancêtres  était condamné à mort.  Il y a une évolution entre les édits de Njoya et ceux de ses prédécesseurs. En changeant les lois dans le royaume Bamoun, Njoya s’est posé en Homme intelligent, en un stratège et également en artisan des droits de l’homme.

Comment actualiser cet héritage du roi Njoya à l’heure où on observer sur la scène publique nationale et internationale une inflation du discours lié aux droits de l’Homme ?

La mise en œuvre des droits de l’homme en Afrique rencontre un problème parce que nous pensons toujours que les droits de l’homme ont été un héritage colonial. Or les droits de l’homme sont des droits inhérents à tout individu du seul fait de son humanité. Ça veut dire que les Africains, en pratiquant la solidarité, promouvaient déjà les droits de l’homme même si aujourd’hui, le droit à la solidarité est reconnu comme droit de troisième génération. Dans la vision africaniste qui est la nôtre, on pourrait parler de droit à la solidarité comme droit de première génération.

En se servant de Njoya, il faut nous approprier les réalités africaines, traduire les droits de l’homme dans nos contextes, dans nos coutumes.  Si nous rentrons dans nos sociétés, nous verrons  que les droits de l’homme sont simplement ce qu’on applique au quotidien, la promotion des savoir-faire endogènes. Les droits de l’homme ne sont pas la propriété des autres car Njoya est un exemple à copier pour la promotion des droits de l’Homme.

Merci pour votre disponibilité.

Entretien réalisé par Ulrich Tadajeu le 28 Novembre 2013 à l’Université de Yaoundé 1 (Yaoundé-Cameroun).


Sommet de l’Elysée: La France n’a aucun rôle à jouer en Afrique et les Africains n’attendent rien d’elle.

En marge du sommet de l’Elysée sur la Paix et la Sécurité en Afrique, certains médias ont lancé des débats sur le « rôle » de la France en Afrique, sur ce que les « Africains pourraient attendre de la France »… En dehors du principe infantilisant d’organiser un sommet sur la Paix et la Sécurité en Afrique mais « hors d’Afrique » et surtout l’idée même du sommet qui est entouré d’une bonne note économique, je pense dans ce billet que le temps de la France en Afrique tire vers sa fin. Ainsi, elle n’a plus aucun rôle à jouer en Afrique et les Africains n’ont plus rien à attendre d’elle.

Céremonie d'ouverture du sommet de l'Elysée le 06 Décembre 2013. Image: elysee.fr
Céremonie d’ouverture du sommet de l’Elysée le 06 Décembre 2013. Image: elysee.fr

On pourrait inverser la question du rôle de la France en Afrique en ces termes « quel doit être le rôle de l’Afrique dans la gestion des crises européennes? » Aucun. Idéalement, je suis contre l’implication de la France dans les conflits Africains. C’est aberrant qu’au XXI ème siècle, la France soit toujours en train d’intervenir en Afrique. Je pense que la justification ou la lecture coloniale qui a de plus en plus pignon sur rue est assez faible et dénote la paresse intellectuelle dans laquelle se trouve une intelligentsia africaine actuelle. La France a des intérêts en Afrique, qu’elle doit défendre parfois au prix de la vie des Africains. Les Africains de leurs côtés doivent se battre pour résoudre leurs problèmes eux-mêmes sans que la France n’y interviennent et qu’après on dise que c’est la logique coloniale. De ce fait, je n’attends rien de la France qui n’a pas reçu mon suffrage ou ma voix et envers qui je n’ai aucune réclamation précise. Elle n’a aucun rôle à jouer dans les crises africaines. J’attends presque tout de mes dirigeants qui doivent mettre de côté certaines sidérations pour apporter des solutions endogènes aux crises. ça ne sert donc à rien de partir organiser un autre sommet à l’Elysée, hors de l’Afrique pour apporter des solutions qui devraient être trouvées en Afrique et par les Africains. Ne dit-on pas souvent que le linge salle se lave en famille?

Ce sommet est une injure dans la mesure où il présente une Afrique qui n’arrive pas à résoudre ses problèmes mais est obligée d’aller en France dès convocation de son président pour bavarder le temps d’une, voire deux journées. Est-il possible de laver le linge sale d’une famille hors du domicile de cette famille? Est-il possible d’y inclure dans la résolution de tels conflits des étrangers qui on des intérêts avoués et inavoués à défendre?

La France, tout comme l’Europe, est une puissance en voie de disparition. Qu’est-il permis d’attendre de ce pays si ce n’est qu’elle se décolonise elle même et qu’elle lâche l’Afrique. Quant aux dirigeants africains des Etats francophones, ils doivent imiter l’exemple anglo-saxon et se rendre à l’évidence que l’avenir de leurs pays ne se fera pas avec la France. Il est important pour nous, Africains, de trouver des solutions endogènes à nos problèmes sans que les forces étrangères ne soient toujours obligées d’intervenir et qu’après on nous brandisse la logique coloniale française comme si elle datait d’aujourd’hui. La France a peut-être une logique coloniale mais elle a davantage des intérêts à faire valoir et à défendre. Tant que l’Afrique et les Africains ne l’auront pas compris, ils iront toujours à des sommets comme celui de l’Élysée pour ne rien faire. Ils continueront de croire que la France a été créée pour aimer, chérir et caresser le continent.

Le passé de l’Afrique s’est fait avec la France comme acteur majeur. Mais, la France n’occupera pas une place de premier choix dans l’avenir du continent. Le grand rôle que nos dirigeants ont à jouer c’est de faire comprendre à la France à travers des paroles et des actions qu’elle n’a aucun rôle à jouer en Afrique, et que par ailleurs les Africains n’attendent plus rien d’elle au XXI ème siècle.


Nelson Mandela, une lumière qui brille sur notre temps

Nelson Mandela, le héros de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, est mort hier après de longues années de combat. Il n’était pas seulement un héros africain, mais mondial. L’audience qu’il recevait ainsi que sa popularité ont fait de lui un patrimoine de l’humanité entière. Vivier de valeurs, il a orienté de manière extraordinaire le peuple sud-africain vers la liberté et la réconciliation après des années de ségrégation raciale.  J’aimerais davantage dire ce que je connais de Mandela. Car, l’héritage qu’il nous laisse doit être mis en valeur et actualisé pour le bonheur de l’Afrique. Sinon, les Africains et le monde seraient en train de faire du tapage pour ensuite « tuer » Mandela et mettre les valeurs qu’il a défendues sous silence.

Nelson Mandela. Image: madiba.mg.co.za
Nelson Mandela. Image: madiba.mg.co.za

A travers la littérature, les livres d’histoire, les médias et les films, j’ai connu le combat de Mandela. Un combat dans une Afrique du Sud marquée par de longues années d’apartheid. Ce régime de ségrégation prévoyait une division de la société entre Noirs et Blancs en privilégiant la minorité blanche au détriment de la majorité noire. Ce fut un régime odieux.

Mais, Nelson Mandela s’est résolu de combattre ce système en faisant preuve de patience et  persévérance dans son combat. Il a passé une bonne partie de sa vie en prison. Il a été détenu  27 ans à la prison de Robben Island devenue par la suite un lieu de pèlerinage.

Après sa libération en 1991, Nelson Mandela continue son combat en prônant la réconciliation du peuple sud-africain fortement diversifié. Il invite les Sud-Africains à la tolérance, au respect et à l’humilité. Son idéal était de faire parvenir la société sud-africaine à une démocratie, mais surtout d’accéder à une liberté plus grande :

 » Toute ma vie, je me suis consacré à la lutte du peuple africain. J’ai combattu la domination blanche et j’ai combattu la domination noire…Je chéris l’idéal d’une société démocratique et libre où tous vivent en harmonie avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’aspire à réaliser. Mais si cela s’avère nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »

C’est donc un géant qui s’est battu pour la liberté au prix de sa vie s’il le fallait.

Nelson Mandela. Crédit image: madiba.mg.co.za
Nelson Mandela. Crédit image: madiba.mg.co.za

A l’heure où le monde vit dans une diversité culturelle sans précédent, mais où également l’intolérance a fait son lit, aboutissant sur des conflits sans nulle autre pareille, les valeurs de tolérance, de pardon que nous apprend Mandela doivent être rappelées. Dans le contexte africain marqué par un  attachement bestial vis-à-vis du pouvoir, l’éthique du détachement dont a fait preuve Madiba devrait inspirer les dirigeants. Mandela, après des années de combat n’a pas cherché à s’attacher au pouvoir. Il a assuré la transition en posant les jalons de la réconciliation, de la tolérance  avant de se retirer. Mandela n’aura ainsi fait que 5 ans à la présidence sud-africaine pour près de 40 ans de combat.

A 95 ans, il s’en est allé. Il a dépensé sa vie jusqu’au bout pour l’Afrique et le monde. L’humanité est-elle en mesure d’assumer l’héritage qu’il a laissé ? Les dirigeants africains ne doivent-ils pas écouter la voix de cette lumière et développer, eux aussi, une éthique du détachement à l’égard du pouvoir ? Enfin, les jeunes Africains ne doivent-ils pas s’inspirer de l’humilité et la tolérance de ce héros pour guider leurs pas dans ce monde si divers ?

Dors en paix Madiba!


Elikia M’Bokolo: « Tous les processus de renaissance reposent sur une très bonne connaissance et une appropriation de l’histoire »

 Dans cet entretien, le Professeur Elikia M’Bokolo revient sur l’actualité du colloque, l’Histoire immédiate et la contribution de l’Histoire au développement de l’Afrique. Il finit en donnant quelques conseils méthodologiques aux jeunes chercheurs en Histoire.

 

Elikia M'Bokolo. Crédit image: Marius M. Fonkou
Elikia M’Bokolo. Crédit image: Marius M. Fonkou

Né dans l’actuelle République Démocratique du Congo (RDC), Elikia M’Bokolo est un Historien, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris. Il a présidé le comité scientifique du colloque international qui s’est tenu du 27 au 28 Novembre dernier à l’Université de Yaoundé 1 sur « la place de Njoya dans l’historiographie Africaine et l’impact de sa contribution à l’évolution de la civilisation Africaine ».  Il présente également l’émission « mémoire d’un continent » sur Radio France Internationale (RFI). Elikia M’Bokolo est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’Histoire de l’Afrique notamment L’Afrique au XXe siècle : le continent convoité et L’Afrique noire. Histoire et civilisation (2 vol) en collaboration avec Sophie Le Calennec.

Tamaa Afrika: Bonjour professeur Elikia M’bokolo. Nous vous rencontrons aujourd’hui en marge du colloque international qui se déroule depuis hier à l’Université de Yaoundé 1 sur la place de Njoya dans l’historiographie Africaine et l’impact de sa contribution à l’évolution de la civilisation Africaine. Il faut rappeler que vous assurez la coordination du comité scientifique de ce colloque internationale. Alors pourquoi parler de Njoya ?

Elikia M’Bokolo: En réalité, Njoya n’a jamais disparu de la scène de la recherche historique et même de l’actualité parce que déjà à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, les premiers témoins extérieurs au Cameroun et à l’Afrique qui le rencontrent (les Allemands, les Anglais) parlent de lui avec étonnement. Il est, à ce moment-là, un sujet d’étonnement. En outre, nous savons qu’il a eu une carrière très spéciale parce que son arrivée au pouvoir dans le pays Bamoun n’a pas été simple. Il arrive en plus au pouvoir au moment où les Européens sont en train de se disputer pour partager le continent africain.  Dans un continent convoité, sa marge de manœuvre va être limitée puisque l’Afrique va être colonisée sans que ce ne soit tout le continent.  Car, on sait que l’Ethiopie a réussi à repousser l’invasion italienne et que le Libéria qui était sous contrôle américain n’a pas été totalement colonisé. Ce que Njoya va faire c’est d’essayer de jouer entre ces colonisateurs. En fait, il réussit plutôt bien et c’est une sorte d’exception par rapport à cela. En tant que personnage qui gère un Etat et en tant qu’individu, Njoya a été d’une fécondité intellectuelle et politique tout à fait rare. Un Homme qui a su développer les compétences dans les domaines divers.

Il y a également l’invention d’une écriture qui pose une question centrale c’est que les sociétés africaines comme on dit souvent ne sont pas seulement des sociétés de l’oralité. L’écriture a été et est toujours présente sauf que les Européens et les Arabes ont cru que l’écriture c’est leur écriture sans penser qu’il y a d’autres écritures que les leurs. Pour toutes ces raisons, il nous a semblé que c’est quelqu’un qui n’est pas tout à fait connu parce que beaucoup de textes qu’il a écrits sont dans son écriture et dans sa langue. Ils ne sont pas ouverts à un public plus large. Beaucoup de Camerounais et même de Bamoun ne le connaissent pas.

Aujourd’hui, on se questionne sur la renaissance  africaine, il nous a semblé que plutôt que de discuter sur le plan théorique, il était intéressant de chercher des figures africaines de la renaissance représentant cette capacité de créer, d’inventer tout en restant eux-mêmes dans des situations difficiles. Njoya est l’exception la plus remarquable en période coloniale sur laquelle il fallait que nous travaillions.

Les échanges avec Elikia M'Bokolo. Crédit image: Marius M. Fonkou.
Les échanges avec Elikia M’Bokolo. Crédit image: Marius M. Fonkou.

Dans l’émission mémoire d’un continent que vous présentez sur les ondes de RFI, vous revenez depuis quelques temps maintenant sur « l’histoire immédiate », « l’histoire du temps présent ». De quel concept s’agit-il ? Qu’est-ce que cela renferme comme contenu ?

Histoire immédiate c’est un concept, une notion qui a été lancée par un journaliste, Jean Lacouture, dans une collection de livres qu’il a créés aux éditions du Seuil à Paris. C’étaient des livres de réflexion, d’analyse critique sur les problèmes du temps présent. Entre autres la guerre d’Indochine, les indépendances africaines, les figures de Bourguiba, de Kwame Nkrumah et de Senghor. A partir de lui, on a vu que le travail sur l’histoire immédiate au fond n’était pas très éloigné du travail que les Historiens font.

Les Historiens, surtout en France, vont s’emparer en lançant l’idée de l’histoire du temps présent. L’Histoire du temps présent ce n’est pas seulement l’histoire qui est en train de se passer aujourd’hui. C’est une histoire par rapport à laquelle nous, les historiens, sommes impliqués ou l’histoire par rapport à laquelle les gens qui vivent dans notre temps sont impliquées. Par exemple, si nous commençons à partir des années 1970-1980, toutes les personnes qui ont vécu la 2ème guerre mondiale, les résistants, les collaborateurs, les Juifs victimes de la persécution nazie, étaient encore vivantes et pouvaient de ce fait témoigner. On pourrait solliciter leurs témoignages, recouper avec d’autres sources (presse, radio…) qui existent et qui sont accessibles pour qu’à partir de celles-ci, qui ne sont pas forcément les sources de l’histoire, l’Historien puisse écrire l’histoire. En général, l’Historien trouve les sources alors que dans le cas de l’Histoire immédiate, il va produire les sources. A partir de là, on commence à parler d’Histoire du temps présent.

Vue sous cet angle-là, l’histoire immédiate ne date pas d’hier ?

Le concept n’est pas aussi nouveau. Si vous remontez chez le grand père à tous des Historiens, Hérodote, ses enquêtes, c’est de l’histoire immédiate, ce n’est pas l’ethnographie. Il va dans des pays, rencontre des gens, leurs pose des questions sur leurs origines, comment ils sont arrivés, quels sont leurs rois. Et ceci dans la tradition européenne gréco-romaine. Mais si vous prenez une tradition plus proche de nous, la tradition islamique, quelqu’un comme Ibn Khaldum s’est interrogé sur les Arabes, leurs origines, leur histoire et surtout l’Islam.

En fait, quand on parle aujourd’hui d’histoire du temps présent, on réchauffe un plat qui a déjà été cuit. On y ajoute des ingrédients nouveaux mais cela fait partie de notre discipline. Parce que l’histoire est née d’abord dans l’analyse du temps présent. Lorsque Thucydide écrit sur l’histoire de la guerre du Péloponnèse, il écrit sur son temps et pas seulement sur le passé. Pour toutes ces gens-là, l’histoire passée et l’histoire d’aujourd’hui ne sont pas des choses séparées. Parce qu’aujourd’hui peut être considéré comme la conséquence du passé et le passé comme le père ou la mère du présent.

Actuellement, un colloque. Dans les semaines à venir, un congrès et puis des séminaires. Nous sommes tentés de vous demander : que peuvent l’histoire immédiate et l’histoire plus globalement dans la marche pour le développement de l’Afrique ?

L’histoire est une donnée fondamentale parce que les Etats africains sont des Etats jeunes qui veulent devenir des nations. Or on sait qu’il n’y a pas de nation s’il n’y a pas un minimum d’identité commune. Cette identité ne repose pas sur la race encore moins sur les ethnies parce qu’on sait que les ethnies sont des productions historiques qui changent avec le temps. Ça ne repose que sur la connaissance de ce que nous avons fait en commun (Histoire), de ce que nous faisons maintenant (histoire immédiate) et de ce que nous pouvons faire dans le future c’est-à-dire éviter les erreurs du passé. Ça exige la connaissance de l’histoire pour inventer des choses nouvelles sans répéter simplement le passé même s’il a été glorieux. Joseph Ki-Zerbo disait que l’Histoire c’est le levier fondamental. C’est le levier fondamental à la fois de notre présent et de notre futur. Quand on parle de renaissance africaine, on suppose que l’Afrique a été grande dans le passé et qu’elle peut renaitre aujourd’hui. Tous les processus de renaissance (Europe, Japon, Chine, Brésil) reposent sur une très bonne connaissance et une appropriation de l’histoire. En ce sens, l’histoire n’est pas seulement les choses du passé qu’on connait. C’est également un savoir qu’on s’approprie, on le prend comme un bien qu’on peut utiliser, comme un outil qu’on peut mettre au service du développement.

Enfin, on constate que les jeunes chercheurs en histoire ont de plus en plus tendance à forcer l’histoire et à ne plus écouter les sources. Qu’est-ce que vous leurs conseillez ?

L’histoire est une science comme la physique, comme la chimie. Comme toutes sciences, elle a des règles. L’une des premières  règles étant qu’on ne peut pas dire n’importe quoi sur le passé. On est libre de dire n’importe quoi mais si on veut parler comme un Historien, il faut toujours évoquer les sources. Il n’y a pas d’histoire sans les sources mais les sources ne sont pas l’histoire. C’est ce dont on se sert pour faire l’histoire. L’historien doit ajouter ses propres analyses sur les sources, sa vision. On parle de problématique, la question qu’il se pose pour tirer le meilleur de ces sources.

Beaucoup de jeunes pensent que ce que dit le Président de la République ou le Premier Ministre est la vérité de la situation aujourd’hui. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas qu’ils mentent. Ce qu’ils disent c’est une des sources possibles de l’histoire mais ça n’est pas la seule source. Et l’historien n’est pas l’homme d’une seule source. Il est l’homme de plusieurs sources. Lorsqu’il a une source, il doit chercher les autres sources, il doit essayer de les découpler, de les mélanger, de les critiquer pour sortir le meilleur de ces sources et construire une meilleure histoire.

Un mot de fin sur votre prénom « Elikia » qui signifie en lingala Espérance.

Oui, on peut dire que ça veut dire pour nous « ne pas désespérer du continent ».

Merci professeur pour le privilège que vous nous avez accordé.

Entretien réalisé par Ulrich Tadajeu à Yaoundé (capitale politique du Cameroun).

Pour mener cet entretien, j’ai bénéficié de la collaboration de Marius M. Fonkou .


Njoya, inventeur et créateur de civilisation

 

Dans ce billet, je rapporte le colloque international qui s’est tenu du 27 au 28 novembre dernier à l’Université de Yaoundé 1 dans la capitale politique du Cameroun, Yaoundé, sur Ibrahim Njoya, 17ème roi de la dynastie Bamoun. Il en ressort qu’à travers son œuvre multidimensionnelle, Njoya était un inventeur et créateur de civilisation. Il représente ainsi une source intarissable d’imagination pour la jeunesse africaine.

Le Roi Ibrahim Njoya. Crédit image: wikipedia.org
Le Roi Ibrahim Njoya. Crédit image: wikipedia.org

Du 27 au 28 Novembre dernier, s’est tenu sur le campus principal de l’Université de Yaoundé 1 un colloque international sur la « place de Njoya dans l’historiographie africaine et l’impact de sa contribution sur l’évolution de la civilisation Africaine ».

Après la cérémonie d’ouverture très courue le 27 Novembre, présidée par le Ministre camerounais de l’Enseignement Supérieur, le Professeur Jacques Fame Ndongo en la présence du sultan roi des Bamoun à l’amphi 700, les travaux de réflexion se sont poursuivis en plénière dans les panels.

Une vue de l'amphi 700 de l'Université de Yaoundé 1 lors de la cérémonie d'ouverture. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Une vue de l’amphi 700 de l’Université de Yaoundé 1 lors de la cérémonie d’ouverture. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

34 communications ont été présentées dans plus de 4 panels. Ces panels étaient présidés par des éminents professeurs tels que Elikia M’Bokolo, Daniel Abwa ou encore Thierno Mouctar Bah. Chaque série de trois communications a été suivie par des discussions et des échanges. On a par ailleurs noté la présence de scientifiques de haut vol à l’instar du Professeur Joseph Owona qui était le premier intervenant et Théophile Obenga qui a participé aux discussions. Des grands noms de la littérature camerounaise comme Patrice Nganang, Gaston Kelman ont également été de la partie.

Le panel présidé par Elikia M'Bokolo. A ses côtés, deux intervenants: Pr Koufan Menkene et Mlle Alvine Henry Assembe. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Le panel présidé par Elikia M’Bokolo. A ses côtés, deux intervenants: Pr Koufan Menkene et Mlle Alvine Henry Assembe. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

Il ressort de ce festival intellectuel que Ibrahim Njoya, XVIIème de la dynastie Bamoun qui régna entre 1875 et 1933, est une grande figure de l’histoire Africaine parce qu’il portait un message et avait une vision. Il a déployé ce message et a mis en exécution sa vision dans des domaines variés. Nous pouvons citer entre autres les arts, la science, la culture, les savoir-faire et l’architecture.

Le panel dirigé par le Pr Matateyou. A ses côtés, de gauche à droite Patrice Nganang, Gaston Kelman et Ghozen. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Le panel dirigé par le Pr Matateyou. A ses côtés, de gauche à droite Patrice Nganang, Gaston Kelman et Salifou Mbémap Nji-Ghonzen. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

A ce sujet, des communications comme celles du Professeur Owona ou d’Alvine Henry Ndy Assembe ont montré la contribution de Njoya à la promotion des droits de l’Homme. Ceci en libéralisant la vie publique à travers des édits en matière de droit pénal, en mettant également sur pieds un gouvernement structuré.

D’autres communications ont présenté Njoya comme un planificateur, un pharmacien. Bref, selon les participants, il a été le précurseur de la science moderne. Son attitude qui consistait à toujours vouloir innover fit de lui un inventeur de civilisation. Il a, dans ce sens, inventé une écriture : le Shumom. Cette écriture encore très peu connue montre que l’Afrique à la différence des idées reçues n’est pas exclusivement une civilisation de l’oralité. D’autres exemples comme la construction du palais de Foumban ont été relevés.

Une vue de l'amphi 100 où se déroulaient les travaux. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Une vue de l’amphi 100 où se déroulaient les travaux. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

A travers toutes ces œuvres, Njoya cesse, selon les participants à ce colloque d’appartenir à l’Afrique. Il devient un patrimoine de l’humanité. L’immensité de son œuvre fait de ce créateur de civilisation un modèle pour l’humanité entière.

Il fallait donc organiser ce colloque afin que l’historiographie africaine explore davantage son œuvre mais, mieux, pour faciliter une meilleure transmission et réappropriation de ses œuvres par la jeune génération qui cherche des repères.

C’est pour pérenniser ce vœux en le mettant en exécution que la déclaration de Yaoundé, fruit du colloque et datée du 28 Novembre 2013, recommande la création à l’Université de Yaoundé 1 d’une fondation universitaire Roi Njoya. Ce club de réflexion aura pour mission de promouvoir la recherche africaine sur l’œuvre et la pensée du roi Njoya ; il devra par ailleurs promouvoir la renaissance africaine à travers ses grandes figures.

C’est sur cette note d’espoir dans la mise en perspective de l’Afrique que le colloque s’est achevé. Les participants étant tous d’accord que Njoya, en inventant et en créant une civilisation, a été un précurseur de la renaissance Africaine. Il reste ainsi un modèle pour la jeunesse africaine.

 

NB : le titre de ce billet est inspiré du titre du premier panel du colloque de Yaoundé.


Figures de l’histoire du Cameroun: connaitre l’histoire du Cameroun à travers des destins individuels.

C’est ce qui ressort de la conférence-dédicace de l’ouvrage collectif figures de l’histoire du Cameroun  co-dirigé par les docteurs Jules Kouosseu et Maginot Noumbissié Tchouake, enseignants au département d’Histoire de l’Université de Dschang. La conférence-dédicace s’est déroulée hier, mardi 26 Novembre, à la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-camerounaise de Dschang.

première de couverture de l'ouvrage dédicacé. Crédit image: éditions-harmattan.fr
première de couverture de l’ouvrage dédicacé. Crédit image: éditions-harmattan.fr

C’est autour de 16h que la rencontre scientifique a effectivement débuté sous la modération de Pokam Williams Kamdem, assistant au département d’Histoire. Ce dernier a présenté les directeurs du présent ouvrage ainsi que deux contributeurs présents sur le panel, les docteurs Celestine Fouellefack Kana et Théodore Ngoufo Sogang avant de remettre la parole au chef de département d’Histoire, le Docteur Zacharie Saha qui avait la charge de faire la note de lecture de l’ouvrage.

A ce propos, de manière synthétique, il a présenté le contenu de l’ouvrage qui se décline en quatre parties. Il en ressort qu’en dehors des personnalités politiques, l’ouvrage offre la possibilité aux Camerounais de se réapproprier leur histoire à travers des destins individuels. Lesquels destins jusqu’ici ignorés méritent d’être ressuscités. C’est bien cela l’objet de la biographie qui est « l’histoire de quelqu’un pour comprendre l’histoire de tous ».

Les panélistes lors de la conférence. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Les panélistes lors de la conférence. Crédit image: Ulrich Tadajeu

C’est à ce sujet que les destins de Fotentuoh à Bafou, résistant à l’administration allemande et Pierre Pounde, collaborateur de l’administration coloniale Française sont relevés dans l’ouvrage par les contributeurs. Loin des jugements rapides faits sur ces personnages, les historiens examinent leur parcours à travers des sources obtenues sur le terrain.

Globalement, Figures de l’histoire du Cameroun qui rassemble les historiens de divers grades et d’institutions universitaires différentes va au-delà des Hommes politiques pour présenter des personnages presqu’anonymes qui ont marqué l’histoire du Cameroun chacun dans son domaine de prédilection.

Des contributions sur les figures de l’espace socio-culturel et économique ressortent. C’est le cas de l’historien Mamoudou qui dresse la vie et l’œuvre d’une musicienne engagée en la personne de Golé Nyambaka. Ou encore François Wassouni qui s’appesantit sur des figures de l’histoire de l’artisanat du cuir au nord-Cameroun, Lawan Yougouda et Halilou.

Il n’y a de ce fait pas uniquement la politique pour permettre à un individu de contribuer à l’histoire du Cameroun car, quelque soit ce qu’on fait, en étant déjà Homme, on contribue à l’histoire parce que l’histoire se fait partout où il y a l’Homme.

Figures de l’histoire du Cameroun est donc un ouvrage à lire et à faire lire pour connaitre l’histoire du Cameroun à travers des destins individuels.

Après la conférence, la dédicace a effectivement eu lieu. Juste à la fin de la cérémonie de dédicace, les co-directeurs ainsi que le modérateur de la conférence ont répondu à nos questions.

Dr Kouosseu. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Dr Kouosseu. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Dr Jules Kouosseu  , Co-directeur de l’ouvrage, « il y a des personnes qui n’ont pas eu l’ampleur nationale mais qui ont marqué l’histoire de leurs régions et parfois même l’histoire du pays de leur empreinte et les personnes sont oubliées »

« Généralement, on écrit l’histoire des Hommes or il y a des personnes qui n’ont pas eu l’ampleur nationale mais qui ont marqué l’histoire de leurs régions et parfois même l’histoire du pays de leur empreinte et les personnes sont oubliées. Il était question de les faire connaitre. Voilà ce qui sous-tend ce projet. C’est un document riche. Il est souhaitable que chacun s’en procure un exemplaire afin de découvrir son contenu. »

M. Pokam Williams. Crédit image: Ulrich Tadajeu
M. Pokam Williams. Crédit image: Ulrich Tadajeu

M. Pokam Williams Kamdem, modérateur de la conférence de dédicace, « C’est un ouvrage bien écrit avec des contributions venant de diverses personnes de grades différents »

« Il faut se réjouir de l’initiative qu’ont pris les auteurs de publier cet ouvrage… Le genre biographique est un genre ignoré, il est parfois mal compris et la pratique biographique n’est pas répandue dans notre pays. C’est un ouvrage bien écrit avec des contributions venant de diverses personnes de grades différents. Il faut se réjouir qu’il y ait des suites prévues. »

Dr Noumbissié. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Dr Noumbissié. Crédit image: Ulrich Tadajeu.

Dr Noumbissié Tchouake Maginot, Co-directeur de l’ouvrage, « Le style biographique c’est le style du raccourci de l’information en histoire »

« On est satisfait du comportement du public et des étudiants. On a compris que l’histoire les intéresse. Cet ouvrage est un challenge pour amener les Camerounais à s’intéresser à l’histoire du Cameroun, aux acteurs et aux figures de l’ombre de l’histoire du Cameroun… Le style biographique c’est le style du raccourci de l’information en histoire. Le style de l’information de quelqu’un pour comprendre l’histoire de tous. La biographie c’est le propre de l’histoire politique. On fait l’histoire du petit-nombre pour comprendre celle du groupe. »


J’ai marre des coupures d’électricité !

 

Une fois n’est pas coutume. J’écris pour manifester ma détresse. La détresse dans laquelle ceux qui gèrent l’électricité dans mon pays ont plongé le public de Dschang depuis quelques jours maintenant. La coupure d’électricité.

Des jeunes qui révisent leurs leçons avec la bougie. Crédit image: cameroonvoice.com
Des jeunes qui révisent leurs leçons avec la bougie. Crédit image: cameroonvoice.com

En effet, entre jeudi avant 06h et Samedi autour de 15h, une grande partie de la ville de Dschang a été plongée dans une obscurité sans nulle autre pareille. Pas de lumière au centre-ville ainsi qu’à l’Université et même à Keleng, un quartier situé derrière l’Université.

Les étudiants de ces lieux bagarrent chaque soir avec la bougie s’ils veulent retenir quelque chose des cours qui ont été dispensés. L’entrée du campus universitaire est devenue une sorte d’usine où les bruits des groupes électrogènes mettent en mal l’environnement mais surtout les tympans des uns et des autres.

Selon certaines personnes, cette coupure est liée à une panne sur certains transformateurs qui servent de relai dans la distribution de l’électricité à Dschang. Peu importe les raisons évoquées çà et là, il faut bien se rendre compte que l’électricité devient de plus en plus un luxe pour le Camerounais moyen à Dschang. Ceci d’autant plus que le lendemain du rétablissement de la lumière c’est-à-dire hier dimanche, toute l’après-midi ainsi que la soirée et une partie de la nuit ont été obscures.

Longtemps resté bouche bée, je pense qu’il est temps de signifier notre ras-le-bol face à une situation qui dure depuis bien longtemps maintenant. C’est la raison pour laquelle j’en ai marre.

J’ai marre de cette ville où avoir l’électricité, dormir et se réveiller dans la lumière est réservée à quelques privilégiés. J’ai marre d’une ville où couper la lumière est devenu l’exercice favori de la « sonel ». J’ai marre du silence de la jeunesse. J’ai marre de cette jeunesse qui, malgré les coupures d’électricité, continuent de dire merci et de se consoler dans le « on va faire comment ? ».

Ce billet est un cri de ras-le-bol afin que le Cameroun et le monde entier sache que, malgré ce qui est dit dans les médias, ce qui est annoncé à grande pompe, les jeunes et les populations de Dschang vivent dans un noir obscur de plus en plus embêtant. Rien n’est plus prévisible. Vous m’avez souvent lu parler de la république de l’incertitude et de l’imprévision.

Eh oui ! Elle se vérifie également à ce niveau lorsqu’un jeune étudiant prévoit de préparer un bon repas. Malgré ses bonnes intentions, après avoir fait le marché et acheté les ingrédients qu’il est censé écraser à la machine, il est très vite rejoint par la triste réalité : tu ne peux pas écraser parce qu’il n’y a pas de lumière.

Cette réalité de notre pays m’écœure parce qu’elle a réussi à produire une race de résignés qui acceptent tout. Ces derniers finissent même par légitimer des situations telles que celle que j’évoque actuellement. A ce sujet, un ainé m’a un jour rétorqué en disant : « qu’est-ce que tu fais pour mériter la lumière ? L’Etat n’est pas obligé de vous donner la lumière ». C’est l’ampleur du mal. Le système camerounais a certainement réussi à le faire : inscrire dans l’esprit de certains que le vrai peut être faux et que le faux peut être vrai.

C’est clair que dans cette situation de pénurie de besoins primaires et surtout de précarité d’idées, no pays soit où il se trouve actuellement.

En tout cas, moi j’en ai marre de ce pays où les gens vivent dans le noir alors que nos dirigeants et ministres chantent un pays en lumière chaque jour. Mais de quel pays s’agit-il ?

Au Cameroun lorsque tu exprimes ce qui est vrai et vérifiable, on te classe dans la caste des révoltés et révolutionnaires ; des fauteurs de troubles, apprentis sorciers et vendeurs d’illusion. Mais justement c’est par manque d’idées alternatives qu’on utilise cette critique de provenance et non de contenu. Parce que les faits sont vérifiables. Seuls les aveugles ne peuvent pas les voir. Et comme on le dit, au pays des aveugles, les myopes sont rois. Il est temps pour nos dirigeants de cesser de bavarder sur des faits vérifiables. Mais il leur revient de poser des actions considérables en ce qui concerne les conditions de vie des populations qui vivent encore dans l’obscurité.

Je manifestais à travers ce billet mon ras-le-bol face à une situation qui prend de plus en plus de l’ampleur à Dschang que je connais mieux : les coupures d’électricité.

NB: j’ai été obligé de publier ce billet en soirée parce qu’en matinée, il n’y avait pas de lumière. Au moment où je m’apprête à le publier, il y a à nouveau interruption de la lumière. Heureusement pour moi, cette dernière interruption n’a duré que quelques minutes.


« La tolérance, une harmonie dans la différence »

 La journée internationale de la tolérance se célèbre demain alors même que le monde vire de plus en plus vers une intolérance extraordinaire. Du racisme au tribalisme en passant par les conflits générationnels, l’intolérance a fait son lit dans notre monde plombant ainsi notre marche vers un humanité noble et respectueuse. Dans ce billet, je profite de l’actualité pour chanter les louanges de la tolérance pour nos pays africains mais surtout pour notre monde assez diversifié.

Carte journée de la tolérance. Crédit image: cybermag.cybercartes.com
Carte journée de la tolérance. Crédit image: cybermag.cybercartes.com

La journée internationale de la tolérance est célébrée depuis 1995 à l’initiative de la conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Cette année avait été proclamée année internationale de la tolérance par l’UNESCO. Le 16 Novembre, les Etats membres de l’UNESCO ont adopté une Déclaration des principes sur la tolérance et un Plan d’action destiné à donner suite à l’Année.

Le 16 novembre 1995, les Etats membres de l’UNESCO adoptent alors la déclaration sur les principes de la tolérance dans l’optique de préserver le monde de toutes sortes de destruction et surtout de préparer un monde meilleur pour les générations futures. Dans ce document, la tolérance est définie comme « le respect, l’acceptation et l’appréciation de la richesse et de la diversité des cultures de notre monde, de nos modes d’expression et de nos manières d’exprimer notre qualité d’êtres humains ». A ce sujet, poursuit le document, elle est encouragée par « la connaissance, l’ouverture d’esprit, la communication et la liberté de pensée, de conscience et de croyance ». Bref elle est une harmonie dans la différence. Différence, un mot qui traduit bien le monde dans lequel nous vivons actuellement. Différences raciales, différences ethniques, différences religieuses sont notre réalité quotidienne.

Nous appartenons tous à la même humanité mais nous sommes différents de part nos cultures, nos croyances et nos styles de vie. En même temps, cette diversité est préoccupante dans la mesure où nous vivons l’ère par excellence de la circulation, des flux incroyables entre les différents territoires du monde. Certains penseurs ont parlé à cet effet de l’irruption de l’ailleurs dans l’ici et vice-versa. Dans un tel contexte, la diversité  peut être un inconvénient et conduire à des conflits monstrueux comme on l’observe de plus en plus. Cette diversité peut s’avérer être une réelle menace pour la paix dès lors que les uns n’acceptent pas les autres tels qu’ils sont malgré leurs différences. Depuis quelques mois, l’inflation du racisme et du tribalisme dans certains pays ainsi que des conflits religieux montrent que la tolérance n’est pas encore la chose la mieux partagée. Or, elle devrait l’être pour mettre en harmonie les différences que, naturellement, nous avons.

La tolérance ça fait gagner la paix. Crédit image:casafree.com
La tolérance ça fait gagner la paix. Crédit image:casafree.com

De ce fait, la tolérance devrait être vécue par chacun d’entre nous dans son univers le plus proche et institutionnalisée par les États. Au niveau des pays, la tolérance sera équivalente à l’acceptation et au respect des autres cultures ainsi que leurs modes d’expression. Ensuite, le dialogue et la connaissance de ces cultures permettraient aux uns et aux autres de mieux la connaitre, de l’accepter et ensuite de l’apprécier. Un tel processus ouvrira la porte à la liberté de pensée, à la créativité de toutes les sensibilités et les différences de nos pays et plus largement de notre monde. Laquelle liberté est la condition sine qua non pour la paix et surtout la modernisation de nos sociétés et de notre monde.

Condition même du dialogue entre les cultures, la tolérance n’est rien d’autre que le préalable à ce que des intellectuels comme Édouard Glissant ont appelé « poétique de la relation » ou encore Achille Mbembe qui parle de la « politique du semblable ». elle permet ainsi aux Hommes de comprendre qu’ils ne peuvent jamais parler tous de la même façon. Chacun parle à sa manière et la tolérance permet de mettre de l’harmonie et d’écouter ces voix divergentes avec un grand intérêt et surtout un respect inestimable. Ainsi, les Noirs ne regardent plus les Blancs avec des lunettes noirs ou par rapport à ceux qu’ils aimeraient que les Blancs soient. Mais ils regardent, comprennent et acceptent les Blancs tels qu’ils sont. Et vice versa. Au Cameroun ou en Afrique, telle ethnie ne regarde plus l’autre comme elle voudrait que celle-ci soit mais elle la regarde et l’apprécie telle qu’elle est. Egalement dans la science, les disciplines ne doivent plus se faire la guerre parce que telle discipline ne fait pas ce que l’autre fait mais elles doivent s’accepter mutuellement et se compléter. Et comme le disait si bien Gandhi,

‘La règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents’.

C’est alors qu’on pourra avoir un monde débarrassé des conflits, des tensions et des incompréhensions de tout genre. Un monde peuplé d’Hommes certes différents mais ayant à cœur de parfaire l’humanité et surtout de laisser aux générations futures un monde meilleurs. Un monde où la paix est la règle d’or, une paix des cœurs et des âmes sans que forcément ce ne soit la paix de façade arboré comme slogan politique.

In fine, la tolérance est cette harmonie dans la différence qui transformera la diversité actuelle de notre monde en dialogue entre les différentes ondes humaines.

NB: le titre de ce billet est inspiré de la déclaration de l’UNESCO sur les principes de la tolérance du 16 Novembre 1995.


« La controverse est une réalité permanente en histoire »

 

Dans la continuité du séminaire doctoral sur la controverse en histoire débuté le 31 octobre dernier, Daniel Abwa, professeur titulaire des universités, historien et directeur des affaires académiques et de la coopération à l’université de Yaoundé 1 a entretenu les étudiants chercheurs du département d’histoire de l’université de Dschang le 12 novembre dernier. Il en ressort que la controverse est une réalité permanente en histoire.

Pr Daniel Abwa et Dr Kouosseu Jules pendant le séminaire. Crédit image: Ulrich Tadajeu.
Le professeur Daniel Abwa et le docteur Jules Kouosseu pendant le séminaire. Crédit image : Ulrich Tadajeu.

A ce sujet, le professeur Daniel Abwa a présenté la controverse en histoire comme une évidence parce que l’interprétation du fait historique est fonction des sources utilisées et du contexte dans lequel se situe celui qui écrit l’histoire. Les historiens doivent donc se battre pour avoir plusieurs sources vérifiables et crédibles afin d’obtenir les faits.  Mais l’interprétation de ces faits varie le plus souvent en fonction des intérêts et des approches des uns et des autres. Il a, à ce propos, évoqué la controverse qui l’a opposé à Abel Eyinga au sujet du déclenchement de la guerre d’indépendance du Cameroun. Allant dans ce sens, il a également évoqué la controverse qui a opposé les professeurs Verjika Fanso et Victor Julius Ngoh au sujet de l’action de John Ngu Foncha dans le processus de réunification des deux Cameroun.

De toute évidence, l’histoire est une science humaine dont l’objet d’étude est l’homme. Or l’homme est « ondoyant et divers » comme l’entendait Montaigne. En ce sens, « aucune vérité sur l’homme n’est souveraine ». L’historien ne doit pas, selon Daniel Abwa, avoir peur de la controverse.  Bien au contraire, il doit se servir de cette controverse pour bâtir un argumentaire  pertinent. L’historien camerounais a proposé aux jeunes chercheurs du département d’histoire de l’université de Dschang une démarche à suivre pour prendre avantage de la controverse.

Le chercheur doit mentionner l’existence de la controverse en présentant les différents arguments exposés. Ensuite, partir de ces arguments et en fonction des sources obtenues sur le terrain pour présenter son point de vue. Ce dernier doit être justifiable, car « l’historien n’affirme rien sans l’avoir passé au crible de la critique ».

Photo de famille du Pr Daniel Abwa avec les enseignants et les étudiants du département d'Histoire. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Photo de famille du professeur Daniel Abwa avec les enseignants et les étudiants du département d’histoire. Crédit image : Ulrich Tadajeu

La controverse donne de ce fait sens à l’Histoire en ceci qu’elle défait la pensée unique pour introduire le débat contradictoire. Mais, comme il a été dit lors de ce séminaire, la controverse est une contradiction scientifique qui s’appuie sur des sources vérifiables et non des imaginations éphémères fruits des méditations illuminées.

Après cette leçon introductive, quelques étudiants chercheurs du département d’histoire ont présenté leurs projets de recherche ainsi que l’état d’avancement de leurs travaux avec la modération du docteur Kouosseu Jules, chargé de cours au sein du département et représentant du chef de département.