Ulrich Tadajeu

Je ne suis pas libre

Ce texte n’aurait jamais du sortir de mon disque dur. Mais, actualité oblige, je dois le sortir. Je veux être violent. Il s’agit essentiellement de dire que je ne suis pas libre, je ne suis pas libre de faire ce que je veux lorsque je suis chez moi. Je n’ai plus le droit de me distraire paisiblement, de regarder mes matchs en paix parce que la Sonel (l’entreprise concessionnaire  du service public de l’électricité au Cameroun) a échoué dans son boulot. Une fois de plus, je n’ai pas pu regarder le match hier 10 avril 2014, qui opposait l’Atletico Madrid au FC Barcelone en quarts de finale de la Ligue des champions parce que notre société nationale d’électricité, pardon de coupure d’électricité, nous a une fois de plus sevrés de lumière. De 15 heures à je ne sais quelle heure puisque je me suis endormi. Pour un fan de football et supporter du FC Barcelone, ce n’était qu’une répétition de ce qui s’était déjà passé le 21 mars lorsque le même FC Barcelone affrontait le Real Madrid lors du Classico espagnol. Une coupure d’électricité autour de 14 heures qui m’a empêché d’écouter Samuel Eto’o ce dimanche.  Pour certains, ça paraît bizarre.

crédit image: worldsalvation.info
Crédit image: worldsalvation.info

Mais pour ma part, c’est très significatif et ces coupures, à mon avis, empêchent le sujet d’être libre, de vivre dans la quiétude. Etre libre serait par exemple pouvoir faire ce que tu veux, quand tu veux, surtout lorsque ça ne nuit pas à la liberté d’autrui et du groupe. C’est également se distraire quand tu veux sans que personne ne t’en empêche. Car, de même que les façons d’habiter le monde sont diverses, de même que la société est essentiellement plurielle, les distractions également sont plurielles et varient en fonction des individus. Si certains aiment faire du tourisme, jouer au football ou aller à la discothèque. D’autres aiment regarder le football et ont des clubs qu’ils aiment particulièrement regarder.  Et ces distractions ne sont pas inutiles à la différence de ce que l’on pourrait pensait. Elles sont importantes, voire nécessaires pour permettre au sujet de changer d’idées, de se recréer parfois afin de se remettre à ses activités proprement dites. Or dans un contexte où, à cause des coupures récurrentes de lumière, l’individu ne peut plus rien faire parce que tout est incertain, l’avenir se conjugue avec incertitude. Il n’est plus libre de se distraire en regardant un film ou en regardant un match, parfois il ne peut même plus cuisiner parce qu’il lui faut écraser les condiments et que dame lumière a pris la poudre d’escampette. Désormais, le destin des individus ne dépend plus d’eux-mêmes. Leur agenda n’est plus fixé par eux, mais par la volonté de celui qui coupe la lumière.

Si avenir et incertitude se mélangent, l’individu est-il libre ? S’il est impossible pour lui de rentrer chez lui et de se distraire,de se recréer en toute quiétude et dans le respect de la liberté d’autrui, est-il libre ? Non, il est au degré zéro de la liberté. Il est enchaîné. C’est d’autant plus grave que l’individu, dans ce cas de figure, paie son enchaînement. A la fin du mois, les factures de l’électricité sont toujours plus élevées. On pourrait croire qu’il se réjouit de cette servitude, se sent à l’aise puisqu’il ne manifeste aucun ras-le-bol. Au fond, nombreux en ont marre. Mais ils préfèrent être asservis que mieux. Bien sûr, si mieux ne peut être obtenu que sous certaines conditions extrêmes. On va faire comment ? Mieux, on continue de manger indéfiniment nos beignets. Mais comme disait quelqu’un, il arrive des moments où on ne peut plus mentir le peuple, car il a marre des mensonges éternels. Il décide, peu importe les coûts, de reconquérir sa liberté, la vraie.

NB : ce billet aurait dû être mis en ligne hier, le 10 avril. Mais à cause des coupures de lumière, ça n’a pas été possible.


« Touche pas à mon anus ! Il est sacré! »

L’homosexualité est de plus en plus légalisé dans les pays occidentaux. Les dernier pays en date sont l’Angleterre et le pays de Galles en Europe. Cette actualité succède à une autre en Afrique: la pénalisation de l’homosexualité dans certains pays notamment l’Ouganda. Une loi a été en effet promulgué dans ce pays contre l’homosexualité. Face à cette loi, les pays occidentaux ont exercé des pressions économiques sur le pays de Yoweri Museveni comme ils le font d’ailleurs avec les pays africains qui s’écartent de leur vision du monde. C’est à croire qu’il n’y avait qu’une seule façon de penser la modernité. Et c’est pour réagir à ces pressions que le Pr Claude Abe, enseignant de sociologie politique à l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC) située dans la capitale politique du Cameroun, Yaoundé, a lancé le mouvement avec pour slogan «Touche pas à mon anus ! Il est sacré ! » 

Le pied de une de l'hebdomadaire "Integration" du 24 mars 2014.  ©  journalducameroun.com
Le pied de une de l’hebdomadaire « Integration » du 24 mars 2014. © journalducameroun.com

Dans un entretien qu’il a accordé à l’Hebdomadaire camerounais Intégration, n°133 du Lundi 24 mars 2014 et repris par le journalducameroun.com , il présente son mouvement comme une réaction au discours impérialiste occidentale qui veut, avec l’aide des médias, ériger l’homosexualité en droit de l’homme. Le mouvement vise donc à protéger cet organe sacré qu’est l’anus et qui entouré des « égards » et « interdits » comme il le déclare:

Il s’agit de défendre le droit à la différence de la société camerounaise contre le pseudo droit à la profanation et à la putréfaction humaine de quelques individus culturellement égarés car dans le contexte camerounais cet organe est sacré et, à ce titre, entouré d’un certain nombre d’égards et d’interdits de même que son utilisation est l’objet d’un contrôle de la part de la communauté car dangereux pour l’ordre social dont‐il contribue à la stabilité. Il est le médium de la communion entre l’individu, les forces de la nature, le cosmos, l’ordre de la création et la vie.

Claude Abé. © journalducameroun.com
Claude Abé. © journalducameroun.com

Ces pays aidés par les institutions internationales brandissent l’arme économique pour persuader les Etats africains de dépénaliser l’homosexualité. Le sociologue utilise les arguments sociologiques et démographiques pour justifier son mouvement. A ce sujet, il dit par exemple que « il ne faut surtout pas céder à ce chantage pour accepter de démocratiser l’usage d’un organe humain connu dans notre société uniquement pour ses aptitudes à expurger les déchets du corps plutôt qu’à recevoir une quelconque semence improductive », il poursuit « Aucun pays au monde n’a émergé sans une démographie forte ».

Il propose aux gouvernants camerounais de copier l’exemple chinois dans ses rapports diplomatiques. C’est-à-dire « parler de tout avec les partenaires étrangers sauf des sujets tel que la dépénalisation de l’homosexualité ». Le mouvement compte utiliser essentiellement la sensibilisation à travers les médias de masse pour atteindre ses objectifs. Après le passage sur les médias conventionnels, le Pr Abé compte imprimer des Tee-Shirts avec au dos le slogan  » Touche pas à mon anus ! Il est sacré ! ». Lesquels tee-shirts seront arborés uniquement les vendredi. Car, la journée de vendredi est, selon le professeur, une journée où les gens ont moins de préoccupations professionnelles. Aussi, ce jour, les gens fréquentent les coins chauds et les tee-shirts peuvent attirer l’attention et produire l’effet escompté.

L’enseignant de sociologie invite enfin les pouvoirs publics et la société civile à prendre leurs responsabilités. Il s’agit pour les pouvoirs publics d’assumer  » l’homophobie de la société camerounaise beaucoup plus clairement et ostensiblement afin que nul n’en ignore ». Ils doivent régulièrement citer la loi notamment la pénalisation de cet acte par le législateur. La société civile doit s’organiser pour protéger cette loi qui est l’émanation de la volonté générale de la société camerounaise exprimée par le législateur. Les jeunes doivent de leur côté travailler et ne pas céder à la facilité.

Claude Abé se distingue ainsi des autres intellectuels en choisissant son camp dans ce débat qui est de plus en plus d’actualité au Cameroun en particulier et en Afrique en général. Malgré la bonne volonté qu’on observe dans ses propos, le mouvement peut-il faire long feu? Aura-t-il le soutien nécessaire? Réussira-t-il à faire la part des choses entre les idées qu’ils défendent et la violence comme on l’a observé au Nigéria récemment? Finalement, le Cameroun en particulier et l’Afrique en général ont-ils les moyens de faire face aux pressions occidentales?


Démocrat(ismes) africaines!

Le collègue mondoblogueur Agbadje Adébayo Babatoundé  Charles  a fait une belle analyse au sujet des révisions constitutionnelles actuellement en cours sur le continent africain dans un de ses billets. Il a  indiqué à ce propos que la démocratie « est en perte de vitesse en Afrique ».  Cela suppose qu’elle avait pris une certaine vitesse. C’est peut-être vrai. Depuis 1990 et les fortes revendications populaires en Afrique, la démocratie se cherche encore. Malgré les revendications du peuple, le chemin parcouru n’a pas été si considérable. A la place de la démocratie, certains dirigeants ont servi le démocratisme. Une forme biaisée de la démocratie, une démocratie de façade à l’intérieur de laquelle persiste un autoritarisme, des dictatures subtiles et sévères. Celles-ci ont fait des inégalités, du manque de liberté leur marque de fabrique. Au début de la décennie 1990, un président français disait que la « démocratie est un luxe pour l’Afrique ». 24 ans plus tard, on est sur le point de se demander s’il n’avait pas raison ? La démocratie n’est-elle pas un luxe pour l’Afrique ? Il ne s’agit pas des peuples africains qui, d’une certaine manière, veulent cette démocratie. Mais de l’élite gouvernante. Est-elle prête pour la démocratie ?

crédit image: camer.be
crédit image: camer.be

L’actualité récente au sujet de la révision constitutionnelle, de la toute-puissance du pouvoir exécutif sur les deux autres pouvoirs  (Judiciaire et législatif) confirment que les élites africaines ne sont pas encore prêtes pour la démocratie, si oui le démocratisme. Elles ont toujours à cœur les plans dictatoriaux de privation de liberté, de modification de la loi fondamentale qu’est la constitution. Peut-être que, comme Platon, elles se disent que le bas peuple n’est pas apte pour la démocratie. Puisque la démocratie comme la Politique selon platon serait l’affaire des philosophes, donc des élites. Car lorsque les constitutions sont adoptées, elles sont censées être souveraines. Elles peuvent être amendées en cas de besoin. Le besoin ici n’est pas celui d’un « individu éclairé », « président fondateur », mais pour l’intérêt général, l’intérêt du peuple. Qu’est-ce qu’on observe ? Les constitutions sont modifiées pour qu’un vieillard, un papi, un monsieur qui a fait plus de 20 ans au pouvoir se présente à nouveau aux élections afin de continuer sa mission. Elles sont taillées sur mesure pour servir les intérêts d’un groupe de personnes.

Dans certains pays, les dispositions constitutionnelles relatives à la limitation du mandat présidentiel sont modifiées alors que dans le même temps, les dispositions relatives à la déclaration des biens des élus et des ministres ne sont pas respectées. Si ce n’est la démocratie de façade, ce que Mathurin Hougnikpo appelait le démocratisme, qu’est-ce que c’est ? Depuis plus de 20 ans, les Etats africains si on peut parler d’Etat ont fait semblant d’être des démocraties en présentant des éléments de forme de la démocratie (multipartisme, multi-presse, constitution, séparation des pouvoirs) mais dans le fond, elle reste un mythe. Les populations africaines n’ont pas le sentiment d’être souveraine. Malgré les différentes souffrances qu’elles endurent, comment comprendre qu’elles continuent de renouveler leur confiance à des satrapies ?

Ce qui se passe en Afrique depuis plus de deux décennies est une trahison du peuple par les élites. Celles-ci veulent rester indéfiniment au pouvoir même quand la mort frappe à leur porte. La décennie 1990 qui augurait des lendemains meilleurs s’est transformée en cauchemar avec des dirigeants qui ne lâchent pas prise. Dans cette logique, à défaut des formes constitutionnelles d’accession au pouvoir, la violence sera encore un mode d’accès au pouvoir. Comme on dit souvent, « à défaut du cheval, on prend l’âne. » Si ceux qui sont au pouvoir ne respectent pas la constitution, qui d’autre le fera ? Si la démocratie n’est pas une réalité en Afrique, on observera toujours une forme de démocratie qualifiée par certains de « démocratie au bazooka ». Nous ne le souhaitons pas. Les dirigeants africains doivent poser des actes politiques afin de les anticiper. Ils doivent respecter la loi fondamentale qu’est la constitution, cesser de se prendre pour des « élus de Dieu » ou des « Messi » qui auraient une mission sacrée pour le peuple. Et tant que cette mission n’a pas été accomplie, ils ne quittent pas le pouvoir. Ils doivent s’interesser davantage aux souffrances du peuple.

S’ils ne le font pas, le peuple prendra ses responsabilités. François Mitterrand déclarait à ce sujet qu’un « dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi ». Comme je l’ai toujours pensé, le peuple a le dernier mot. Il doit, quand cela est nécessaire, sanctionner les élus. Et si ça ne suffit pas, il peut utiliser tous les moyens nécessaires pour avoir sa liberté, pour sortir des chaines de ces satrapies. Car, la liberté est inhérente à l’homme. Il ne faut pas être d’une couleur de peau précise pour avoir droit à la liberté. L’égalité doit régner dans les sociétés d’hommes. Il ne s’agit pas de la propriété des sociétés occidentales comme veulent nous faire croire certains pseudo-panafricanistes.

De toutes les façons, comme le martelait Achille Mbembe en 2010, « si les Africains veulent la démocratie, c’est à eux d’en imaginer les formes et d’en payer le prix ». Parce que, poursuit-il, « personne ne le paiera à leur place, ils ne l’obtiendront pas non plus à crédit ». Si les Africains, entendus ici comme les peuples et les élites, ne le font pas, le continent continuera de sombrer dans une démocratie de façade avec toutes les conséquences politiques, économiques et sociales que ça implique.


En mémoire de l’esclavage, rompre avec les privations de liberté

L’humanité entière célébrait hier, 25 mars, la journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. Ce système odieux, fruit du capitalisme occidental, consistait à acheter, déporter les Noirs de leurs terres africaines pour en faire des machines de travail et de rentabilité économique dans les plantations du continent américain. C’est ainsi que près de 15 millions d’hommes, femmes et enfants ont été victimes de cette traite. Pendant des années, leur destin se conjuguait avec souffrance, chaînes, haines…Mais cet esclavage des temps antérieurs a eu comme conséquence des stéréotypes à l’égard des populations de couleur noire. A ces victimes de l’esclavage, se succèdent progressivement d’autres styles de victimes de privation de liberté notamment le racisme, le tribalisme et les conséquences des dictatures.

 

Crédit image: un.org
Crédit image: un.org

Car, il faut rappeler que cette journée est célébrée alors que le néolibéralisme est devenu la marque de fabrique de notre monde reléguant l’homme au second plan, au profit des accessoires, des machines, des objets qui sont « humanisés ». On ne se soucie plus des valeurs de l’homme, mais de sa rentabilité économique et matérielle. Comme c’était le cas à l »époque de l’esclavage, ce n’était pas l’esclave qui comptait, mais sa rentabilité, la force de travail et donc de production qu’il représentait.

Cette journée est célébrée alors que des images fusent de partout montrant une résurgence du racisme, du tribalisme et des discriminations liées aux préjugés. L’affaire Taubira en France, Cécile Kyenge en Italie, Yaya Touré en Angleterre, toutes ces affaires en disent long. On est rentré dans une phase de l’esclavage héritière de la première. Les individus sont rejetés par la société, ils sont marginalisés du seul fait de leur race, de leur ethnie, de leur obédience religieuse. Ces individus privés de liberté pour des choix qui ne dépendaient aucunement d’eux sont les esclaves du XXIe siècle.

D’autres victimes de l’esclavage sont ces milliers de personnes victimes des guerres dans leurs pays respectifs et qui sont obligés d’être privés de liberté. Soit en périssant sous le coup des balles, soit en fuyant leur terre-patrie pour se réfugier sur un territoire étranger. Ce sont ces enfants qui ne mangent pas, ces jeunes enfants obligés de devenir des enfants soldats pour servir les intérêts des satrapies au pouvoir et des seigneurs de guerre. Ces victimes sont également les multiples femmes violées lors des conflits, ces personnes terrorisées par la barbarie humaine manifestée par les frustrations et les violences atroces.  Voilà les victimes de l’esclavage de notre siècle. Ces individus sont enchaînés par la barbarie de certains, le côté animal des Hommes.

Enfin, les victimes de dictatures. Dans certains pays africains et même dans le monde, les populations n’ont plus la liberté de mettre aux fonctions qui ils veulent. Les dirigeants, élus du peuple pour servir la République, se transforment en président fondateur pour desservir le peuple. Ce dernier n’a plus la liberté de changer de dirigeant si celui-ci s’avère inefficace. Parce que la Constitution est modifiée, les élections sont truquées, la corruption est élevée. Le peuple cesse d’être le maître du jeu pour donner cette place à un président éclairé qui se croit tout permis, qui se dit être au début et à la fin de tout, créant de surcroît des individus. En 2008, le président camerounais avait levé le verrou sur la Constitution avec l’aide de l’Assemblée nationale soumise à lui pour se présenter une énième fois à l’élection présidentielle. Nous apprenons que le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) sont dans cette lancée depuis quelques semaines. Lequel acte leur permet de s’éterniser au pouvoir malgré les résultats peu encourageants.

L’impact social et économique est considérable. Un malaise social, un niveau de vie délétère et une économie qui continue de stagner malgré les prévisions encourageantes. Qui sont les victimes? Ce sont les étudiants, les subalternes qui ne peuvent pas obtenir les bourses pour étudier, qui ne peuvent plus rêver, qui ne peuvent pas se payer une évacuation sanitaire parce que le plateau technique des hôpitaux est indigent. Ces étudiants obligés après leurs études par manque d’emploi de rentrer au village pour travailler dans l’agriculture, une agriculture archaïque. Alors que dans le même temps, ceux qui gouvernent réussissent à payer les meilleures écoles à l’étranger pour leurs enfants et leurs proches.

Mais les peuples du monde doivent prendre conscience des dérives de ces satrapies en s’appropriant ces mots de François Mitterrand :

Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi.

Il est important qu’en cette commémoration des victimes de l’esclavage, les organismes, institutions et personnalités ainsi que les individus luttent pour que les dominations, les inégalités, les violences symboliques et physiques, le racisme, le tribalisme, les discriminations cessent définitivement pour que notre monde devienne enfin une humanité au sens noble du terme. C’est-à-dire un monde peuplé par des hommes, mais aussi bâti sur des valeurs de respect, d’égalité, de fraternité et de liberté. En mémoire de l’esclavage, rompons avec les inégalités, les privations de liberté, les dominations du XXIe siècle.


Cameroun: en route pour l’émergence sans volonté d’émerger?

Depuis plus de quatre années que le document « Vision Cameroun émergent à l’horizon 2035 » a été adopté par les gouvernants du pays, le mot « émergence » est devenu un mot passe-partout qui sert à justifier tout, erreurs, mensonges, laxismes…Il est aussi présent dans les discours des jeunes, des hommes de la rue. Bref, il est devenu une banalité populaire, un échappatoire quand des difficultés se posent.

Crédit image: https://tchadinfos.com
Crédit image: https://tchadinfos.com

Le document en lui même de 76 pages rédigé par le Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) vise à faire du Cameroun un  «UN PAYS EMERGENT, DEMOCRATIQUE ET UNI DANS SA DIVERSITE» à l’horizon 2035.  Si l’objectif global est de faire du Cameroun, un pays émergent, des objectifs intermédiaires sont clairement présentés.  Il est question de réduire  la pauvreté ;  atteindre le stade de pays à revenus intermédiaires et ensuite le  stade de Nouveau Pays Industrialisé et enfin la consolidation du processus démocratique et de l’unité nationale dans le respect de la diversité qui caractérise le pays. C’est ce projet davantage détaillé qui se retrouve dans ce document. Il comprend une première étape qui va de 2010 à 2020 présenté dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE).

Depuis que ce document existe, les enfants, les jeunes, les vieux; les femmes, les hommes; les élèves, les étudiants, les benskinneurs, les débrouillards, les fonctionnaires… ont fait de ce mot un mot passe-partout, une sorte de carte d’identité du Camerounais. Il ne se passe plus un jour sans que vous n’entendez quelqu’un vous dire « nous serons émergent en 2035 », « Paul Biya a fixé le cap pour l’émergence en 2035 », on le suit. Tous les thèmes des différentes manifestations culturelles ou scientifiques sont désormais faciles à trouver. Pour les jeunes ressortissants de Foto (un groupement situé à Dschang), ils n’ont qu’à à avoir pour thème « Jeunes Foto et émergence du Cameroun ». Pour les étudiants de la Filière Sciences Biomédicales, ils disent juste « Sciences Biomédicales et émergence du Cameroun. » Bref, le terme Émergence est devenu la solution à tous les problèmes, une sorte d’échappatoire pour qui se trouve dans les difficultés. En fin de compte, ça joue les jeux du régime en place qui est fier de savoir que la population utilise ce concept même si elle ne sait pas toujours à quoi ça renvoie; même si elle n’est pas au courant de la philosophie qui la sous-tend. Pour un régime qui a tant besoin d’être aimé comme le nôtre, ce n’est qu’une bonne nouvelle.  Pour les populations et les jeunes, le mot « émergence » est une sorte de mot clé qui ouvre les portes à tout, qui flatte les potentiels bailleurs de fonds dans le cadre des événements organisés. Dans l’imaginaire des uns et des autres, les gouvernants ont l’impression que le message politique passe, les populations sentent qu’utiliser ce terme à tous les coups peut leur attirer des financements possibles.

De l’autre côté, l’inflation de ce concept sur la scène publique Camerounaise est aussi l’excuse au laxisme et à l’inertie chère à l’élite gouvernante. Toutes les raisons avancées désormais pas ceux qui gouvernent les Camerounais sont « nous sommes en route vers l’émergence », « Rendez-vous en 2035 », « les choses avancent progressivement », « en 2035, le Cameroun sera émergent »… Certaines personnes ont fini par croire que 2035 n’arriverait jamais ou que les Camerounais vont se coucher et se réveiller en 2035, les choses auront changé. Peut-être que ceux qui nous gouvernent chantent cette date parce qu’ils ont de faibles chances d’être encore des nôtres à cette date vu qu’ils ont tous dépassé 70 ans?  Puisque partout, c’est ce concept qui est à la mode, sans réflexion, sans volonté de travail, on se demande bien s’il suffit seulement de laver le cerveau des Camerounais avec le terme émergence pour que la « Vision Cameroun Émergent à l’horizon 2035 » soit une réalité? N’est-il pas question d’éduquer les Camerounais à cette philosophie, à cette vision si ceux qui sont au pouvoir veulent effectivement qu’elle prospère? Comment comprendre que des Camerounais chantent les louanges d’une vision politique qu’ils ne connaissent pas?

5 ans après la rédaction de la Vision Cameroun émergent à l’horizon 2035, 4 ans après celui du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), malgré l’omniprésence et l’inflation du termes Émergence sur la scène publique et dans les discours politiques, les résultats restent peu reluisants. Parce que les dirigeants sont plus préoccupés par la figuration, le contenant et non le contenu. Ce qui les intéresse, ce n’est pas tant que les conditions de vie des populations s’améliorent, ce n’est pas l’émergence au sens réel du terme des Camerounais mais que les pays étrangers aient l’impression que ces derniers vivent dans la paix, la prospérité et l’unité.  L’émergence en soi, à partir du document cité plus haut, se présentait comme un projet de vie ambitieux, optimiste et intéressant pour les Camerounais. Son malheur a été de voir le jour au Cameroun. Les dirigeants comme ils le font depuis plus de 30 ans ont davantage mis en avant le contenant, le folklore politique qui l’entoure au détriment du projet en lui même, de la philosophie qui est à la base.  Conclusion: nous sommes en route pour l’émergence sans volonté d’émerger.


Le Rapport Brazza dans les librairies

Le Rapport Brazza du nom de l’explorateur Français Sarvognan de Brazza qui effectua sa dernière mission au Congo Français en 1905 est sorti des archives pour prendre sa place dans les librairies. Publié par les éditions Le passager Clandestin dans la collection « les Transparents » le 15 mars 2014, c’est un document fondamental pour appréhender l’histoire coloniale européenne au tournant du XXe siècle ainsi que ses enjeux, ses pratiques et ses effets. Il est publié sur le titre de Le Rapport Brazza. Mission d’enquête du Congo : rapport et documents (1905-1907).

Pierre Savorgnan de Brazza. Crédit image: brazza.culture.fr
Pierre Savorgnan de Brazza. Crédit image: brazza.culture.fr

Ce rapport est le fruit des données recueillies par l’explorateur français au cours de sa dernière mission au Congo français entre juin et septembre 1905. Malheureusement à son retour, il trouva la mort lors d’une escale à Dakar. Le rapport, jugé explosif pendant plusieurs décennies, fut conservé jusqu’à sa récente publication. 

Première de couverture du livre. Crédit image: https://lepassagerclandestin.fr/
Première de couverture du livre. Crédit image: https://lepassagerclandestin.fr/

Présenté par l’historienne Cathérine Coquery Vidrovitch, spécialiste de l’Afrique pour avoir consacré la majorité de ses travaux de recherche à ce continent, ce rapport met en lumière, selon les éditions Le passager clandestin

un système inefficace, coûteux pour l’État et surtout à l’origine d’abus massifs et intolérables. Il montre le poids exercé par les intérêts privés sur la politique coloniale. Il prouve que l’administration française ne pouvait ignorer ces dérives, qu’elle les tolérait et que, dans une certaine mesure, elle les couvrait.

Pour en savoir plus sur les raisons d’être d’un tel ouvrage, voici ce que dit l’historienne française dans la préface ;

 » La raison d’être de la présente édition est, sur des faits précis, d’établir aussi fidèlement que possible le savoir tel que nous l’ont transmis des documents originaux, inédits, abondants et librement consultables, seule façon de prendre sereinement connaissance de la totalité de notre passé. « 

Il s’agit donc de faire connaitre l’histoire coloniale, les pratiques coloniales françaises afin de les inventorier. Un ouvrage qui rassemble les sources de première main pour l’historien. Il s’agit principalement des archives écrites coloniales qu’il conviendrait de lire pour comprendre les pratiques et les dynamiques en cours durant cette époque. Un livre que nous recommandons à nos lecteurs pour connaître l’histoire coloniale. 

 

 


Où sont passés les passagers du vol MH370?

Depuis 5 jours, la planète entière retient son souffle. En effet, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, le Boeing 777 du vol MH370 de la compagnie Malaysian Airlines a disparu quelques heures après le décollage.

Un avion de Malaysian Airlines. Crédit image: lemde.fr
Un avion de Malaysian Airlines. Crédit image: lemde.fr

Ayant à son bord 239 personnes constituées des passagers et des membres de l’équipage, l’avion faisait la liaison entre Kuala Lumpur (la capitale de la Malaisie) et Pékin. Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer cette disparition; d’abord celle d’un crash aérien. Selon les enquêteurs qui auraient découvert des débris et traînées de carburants, l’avion se serait désintégré en mer. Mais, cette hypothèse a été démentie par la suite puisque le porte parole de la police maritime malaisienne indiquait qu’il s’agit plutôt des traînées de carburant. L’autre hypothèse qui a été avancée est celle de l’attentat terroriste. Après avoir découvert des faux passeports qui ont été volés, les enquêteurs ont évoqué la thèse d’un attentat. Mais selon Interpol, il s’agissait juste des passeports des jeunes individus qui voulaient émigrer clandestinement. Cette thèse a donc été balayée.

Où sont donc ces 239 personnes ainsi que l’avion qui les transportaient? D’autres thèses ont également été évoquées. Mais certains mystères persistent notamment le mystère des téléphones qui continuent de sonner. En effet, plusieurs familles disent avoir essayé de contacter leurs proches présents dans ce vol, les téléphones de ces derniers sonnaient. Ces passagers apparaissent également connectés sur les réseaux sociaux.  Est-il possible qu’ils soient joignables, qu’ils apparaissent connectés sur les réseaux sociaux et que leur avion ait été détruit? Qu’est devenu cet avion de la malaysian Airlines? A-t-il été détourné vers une autre destination ou a-t-il eu un crash? S’est-il désintégré en plein air comme certains l’affirment? Bref, où sont passés ces passagers de la Malaysian Airlines?

Même si ce style de disparation d’avion n’est pas récurrent, il a existé.  On se souvient encore de la disparition en 2009 de l’A330 d’Air France. Cet avion qui assurait la liaison entre Rio et Paris avait disparu au dessus de l’Atlantique. Ses épaves n’avaient été retrouvés que deux ans plus tard, en 2011. Quand retrouveront-ils cet avion ou à défaut ses épaves?

Courage aux familles!


Contestations 2.0 : les nouvelles formes de contestations populaires

Les réseaux sociaux sont depuis 2010 un puissant lieu de mobilisation collective aboutissant aux contestations populaires. On l’a observé en Egypte et en Tunisie au début de cette décennie. On l’observe de plus en plus ces jours ci. En Ukraine comme au Venezuela, les manifestants ou les leaders qui mènent le mouvement se servent des réseaux sociaux, soit pour communiquer, soit pour inciter les gens aux manifestations ou encore pour se mobiliser. Notre intention dans ce billet est de montrer que les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) sont devenus de réels catalyseurs et accélérateurs de contestations populaires. Et qu’ainsi, nous sommes rentrés dans de nouvelles formes de  contestations qu’on pourrait appeler contestations 2.0. Mais avant d’y arriver, il est important de revenir sur quelques explications d’ordre théorique.

Les manifestants Venezueliens

Les manifestants venezueliens lors d'un meeting avec Leopoldo Lopez. Crédit image: Léopoldo Lopez via Facebook.
Les manifestants vénézueliens lors d’un meeting avec Leopoldo Lopez. Crédit image: Léopoldo Lopez via Facebook.

L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes et les adolescents répond à une exigence, celle de se mettre ensemble et de faire entendre leurs voix. En effet, les jeunes se disent qu’ils ne sont pas assez écoutés comme ils devraient l’être ou alors ils sont embastillés. Pour la blogueuse, chercheuse et enseignante à l’université de New York Danah Boyd qui vient de publier l’ouvrage It’s complicated : the social lives of networked teensil s’agit de lieux de retrouvailles, mais également de lieux où ils parlent avec des amis en privé c’est-à-dire en dehors du contrôle parental.

En Ukraine, par exemple, certains ont fait remarquer que « grâce à internet, ils ont arrêté d’avoir peur ». Cette situation est aussi due au fait que les réseaux sociaux sont de plus en plus courus par les citoyens des différents pays, mais surtout les habitants du monde. Lorsque les contestations sont déclenchées dans un pays, utiliser Facebook ou Twitter permet non seulement de mobiliser une bonne partie de la population nationale, mais aussi d’informer le monde entier de la situation. La finalité pourrait être le soutien diplomatique et financier des forces extérieures. Comprenant tout ceci ainsi que d’autres avantages, les populations dans ces pays ont modifié leur « répertoire d’action collective ». Si avant, les individus se limitaient aux actions précises dans la rue, aux revendications, désormais ils se servent des réseaux sociaux pour mobiliser et surtout pour revendiquer.

Au Venezuela, depuis le début des manifestations, Léopoldo Lopez, économiste et ancien maire de Chaco, âgé de 42 ans a pris d’assaut le site de microblogging Twitter pour organiser les manifestations. Avec ses partisans, il appelle à des nouvelles manifestations, s’en prend à son adversaire. Partisan du parti « Volontad Popular », il a également créé le mouvement #lasalida (la sortie). Il tweete régulièrement. C’est le cas du tweet du 24 février alors qu’il était emprisonné :

 A mon pays, nous ne devons pas quitter les rues, continuons à protester de manière pacifique et non violente, c’est le peuple qui décide qui commande.

En plus des simples tweets, il se sert aussi des  lettres tweetées c’est-à-dire des lettres écrites qui sont filmées, tweetées et ensuite retweetées par ses fans.

Cette situation émerge dans un pays qui a une renommée dans le domaine des réseaux sociaux. En plus d’être le 5e pays le plus présent sur le site de microblogging, avec un taux de pénétration de 21 %, on constate aussi que les leaders politiques vénézuéliens depuis Chavez accordent une grande importance à ce réseau social. C’est d’ailleurs sur Twitter que Nicolas Maduro répond aux manifestants en dénonçant par exemple ce qu’il appelle le « coup d’Etat » ou en postant des photos sur lesquelles il pose avec des personnalités qui le soutiennent à l’instar de Maradonna. Un hashtag a par exemple été créé avec pour nom #MaduroProtectorDeVenezuela .

En Ukraine, le mouvement est un peu différent. Il y a une dimension strictement populaire conduite par des leaders sur les réseaux sociaux et de l’autre côté, il y a ce déballage des journalistes et activistes ukrainiens à travers ce qu’ils ont appelé yanukovychleaks. Depuis la place Maidan ou place de l’indépendance, lieu de rencontre des manifestants, les populations contestent principalement la décision de Victor Ianoukovicth. Le journaliste Mustapha Nayyem utilise Facebook pour lancer les appels. C’est le cas de ce message posté sur son mur Facebook le 22 novembre 2013 :

Après avoir discuté tous ensemble nous avons décidé qu’à partir de demain nous allions nous réunir à 18 heures !!! Pendant la journée ceux qui pourront vont faire la garde. Faites suivre aux autres. Merci.

 Il a été posté alors que Victor Ianoukovitch, président du pays, venait de signer un accord pour rejoindre l’Union douanière avec la Russie au détriment d’un accord d’association négocié avec l’Union européenne depuis 2009. Il se sert  de la télé sociale Hromadske TV  pour diffuser les informations liées aux manifestations. Les manifestants ukrainiens se servent enfin de Youtube pour mettre les vidéos en ligne et de Instagram pour poster les photos.

D’un autre côté, certains journalistes et activistes ukrainiens ont lancé un site internet appelé Yanukovychleaks. C’est un site de « grand déballage » dans lequel, ces journalistes présentent les documents trouvés dans la résidence de Victor Ianoukovitch à Kiev. Ils veulent ainsi « mettre à la disposition de tous » la gabegie du président ukrainien. C’est la raison pour laquelle, il s’agit surtout des factures astronomiques pour l’aménagement et la décoration de sa résidence. On peut y voir un reçu de 12 millions d’euros cash. Il est clair que ces journalistes veulent présenter les actes crapuleux de leur président pour inciter davantage la population à se mobiliser à travers les mots d’ordre des leaders de manifestations.

La révolution virtuelle qui est en cours n’a pas qu’un impact sur la vie des individus. Elle influence également la vie des sociétés. A la différence des mobilisations stricto sensu comme on avait l’habitude de le voir, Internet et les réseaux sociaux ont modifié les répertoires d’action collective. Désormais, avec le taux de pénétration de ces réseaux qui ne cessent de croître et le débit Internet qui est élevé, ils deviennent sans nul doute un lieu important de communication, de mobilisation des masses. Nous sommes entrés dans l’ère des contestations 2.0, c’est-à-dire des contestations qui se font par le biais de l’interaction des acteurs sur les réseaux sociaux.


Achille Mbembe: «la pensée n’a pas de frontières»

Achille Mbembe est un intellectuel africain. Il se définit désormais comme un théoricien de la « pensée-monde ».  Il s’est installé il y a quelques années à Johannesburg en Afrique du Sud où il est membre de l’équipe du Wits Institute for Social & Economic Research (WISER) de l’Université du Witwatersrand.  Il a publié aux éditions La Découverte en Octobre 2013 un essai intitulé Critique de la Raison Nègre. En 2000, il avait déjà publié De La Postcolonie. En 2010, il a publié Sortir de la Grande Nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée. Dans cette interview, il réagit aux « regards croisés des Historiens Camerounais à son égard« . Il dit en substance qu’il n’est pas un adepte des pensées villageoises. Car pour lui, la pensée n’a pas de frontières. Lisez ceci.

Achille Mbembe.   © François Van Zon via flickr.com
Achille Mbembe. © François Van Zon via flickr.com

TamaAfrika: Au cours du récent congrès de l’Association des historiens camerounais devenu « Société Camerounaise d’Histoire », à la question de savoir : « Devons- nous considérer Achille Mbembe comme étant un historien contestataire ? », trois historiens ont donné leur réponse. Avant d’en venir à ces réponses, pour vous, « historien contestataire » a-t-il un sens ? 

Achille Mbembe: Je ne veux pas être méchant. Mais je trouve tout de même surprenant qu’un congrès de professionnels perde son temps et ses énergies dans d’aussi faux problèmes. N’y a-t-il vraiment rien d’autre à faire ou des questions autrement plus urgentes pour la discipline, d’autres agendas de recherche à proposer ?

Daniel Abwa dit en substance que vous n’écrivez plus l’histoire parce que vous n’allez plus dans les archives pour récolter des données. Qu’en dites-vous ?

La définition traditionnelle des « archives » par les historiens de la vieille école a fait long feu. Il faut désormais passer à autre chose, élargir ses horizons et intégrer dans notre réflexion et dans notre pratique les discours sur la notion d’archive qui nous viennent des autres disciplines et courants de pensées.

Aujourd’hui, il est impossible de parler des intellectuels africains sans parler d’Achille Mbembe. Mais au Cameroun, dans la sphère de l’histoire, les « maîtres » en la matière refusent de reconnaître en vous un historien. Est-ce qu’il ne s’agit pas là d’un ostracisme comme vous le décrivez au sujet de Ruben Um Nyobè ? Ou alors, diriez-vous simplement, qu’on n’est pas prophète chez soi ?

Si de telles querelles existent véritablement, alors elles sont byzantines. Que je sois tenu pour un historien ou pas est le dernier de mes soucis. Je ne prends même pas cela pour un fait d’ostracisme. C’est lorsque l’on a rien à dire que l’on suscite ce genre de distraction. Ce qui importe, c’est de contribuer à éclairer, avec les outils critiques mis à notre disposition par les développements de la connaissance, notre condition actuelle.

Pour vous dire la vérité, la querelle concernant les frontières disciplinaires est, à mes yeux, d’un intérêt absolument nul. J’ai défendu une thèse d’histoire à propos d’un sujet qui, à l’époque, était tabou. Pour cela, j’ai payé un prix somme toute relatif. Je voudrais penser que ce n’est plus le cas pour les jeunes camerounais qui, aujourd’hui, se lancent dans une aventure intellectuelle similaire.

Mais au-delà de la discipline historique proprement dite, j’ai toujours manifesté une insatiable curiosité pour d’autres démarches de la pensée, d’autres modes d’argumentation ou, si vous voulez, d’autres épistémologies. Il y a, bien entendu, certaines méthodes plus ou moins propres à l’opération historiographique tout comme il y en a, s’agissant de l’anthropologie par exemple. Encore faudrait-il voir que, dans les champs contemporains de la connaissance, il n’existe plus de frontières étanches entre ces méthodes. L’enquête narrative par exemple a cessé d’être le pré carré des seuls historiens, à supposer qu’elle l’ait jamais été.

Les archives qui nous permettent de construire nos objets d’étude ou de privilégier certaines matières de problématisation plus que d’autres sont innombrables. Pour moi, la pensée n’a pas de frontières. Pour qu’elle se transforme en véritable voyage planétaire, elle a parfois besoin d’être dénationalisée et déterritorialisée.  Ni la dénationalisation, ni la déterritorialisation ne la rendent moins contextuelle. Dans tous les cas, je ne suis pas, comme vous devez sans doute le deviner, un adepte des pensées villageoises.

Saibou Issa estime que vous êtes un « agitateur d’idées » et que vous puisez beaucoup dans la philosophie de Heidegger et la transdisciplinarité pour diffuser vos idées. Alors, quel doit être l’apport des disciplines connexes dans la construction de l’histoire ?

Il est toujours utile d’éviter les raccourcis et les généralités lorsqu’on veut porter un jugement sur une pensée en mouvement. Citer Heidegger ou Fanon n’a de sens que dans le contexte de l’argument dans lequel l’un ou l’autre sont convoqués.

Enfin, l’actualité au Cameroun est marquée par la célébration du «cinquantenaire de la Réunification » à Buéa le 20 Février dernier, soit plus de 52 ans après la réelle réunification. Une célébration marquée par une inflation de l’image du président Biya. Certaines banderoles l’ont d’ailleurs présenté comme le « père de la vraie réunification ». Quelle est votre analyse de cette situation ?

Une distraction de plus, dans un pays dominé par une pseudo-élite sans idée, sans imagination ni véritable conscience historique.

Merci Achille Mbembe.


Regards croisés des historiens camerounais sur Achille Mbembe

Le congrès de  l’Association des Historiens Camerounais devenu « Société Camerounaise d’Histoire » s’est tenu du 27 Février au 01er Mars 2014 à Maroua. Plusieurs débats ont émergé de ce congrès. L’un des plus interessants aura certainement été celui relatif aux « regards croisés des historiens camerounais » sur l’historien et politologue Achille Mbembe. Ce dernier vit depuis plusieurs décennies hors du Cameroun. Il s’est installé il y a quelques années à Johannesburg en Afrique du Sud où il est membre de l’équipe du Wits Institute for Social & Economic Research (WISER) de l’Université du Witwatersrand.  Il a publié aux éditions La Découverte en Octobre 2013 un essai intitulé Critique de la Raison Nègre.

Achille Mbembe.   © François Van Zon via flickr.com
Achille Mbembe. © François Van Zon via flickr.com

Je reprends fidèlement les propos de Christian Fouellefack sur son mur facebook au sujet des propos de ces historiens. Christian Fouellefack est doctorant en Histoire à l’Université de Yaoundé 1 et enseignant au département d’Histoire de l’Université de Dschang. Il a participé au congrès des Historiens de Maroua. Au cours du récent congrès de Maroua, à la question de savoir : Devons- nous considérer Achille Mbembe comme étant un historien contestataire ? Trois maîtres répondent en substance:

Pr Taguem Fah, Université de Ngaoundéré : Contestataire ou non, Mbembe est sans doute le meilleur chercheur camerounais de ce siècle. Il est suffisamment dense et ses travaux scientifiques sont largement répandus. De nombreux colloques et autres symposium sont organisés dans le monde autour de ses travaux. Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de le situer clairement parce qu’il s’appuie sur d’autres sciences notamment la philosophie pour écrire certains ouvrages.

Pr Daniel Abwa, Université de Yaoundé I : Mbembe n’écrit plus l’histoire. Le fait historique n’intéresse plus Mbembe. La recherche de la réalité historique n’est plus sa préoccupation. Il ne va pas dans les archives pour récolter des données. Il utilise l’histoire pour ses réflexions.

Pr Saibou Issa, Université de Maroua : Mbembe est un agitateur d’idées, pas un historien contestataire. Il puise beaucoup dans la philosophie de Heidegger et utilise la transdisciplinarité pour diffuser ses idées.

Il est ainsi clair que pour Daniel Abwa, président de la Société Camerounaise d’Histoire, Achille Mbembe a cessé d’être Historien puisqu’il ne va plus au Archives pour récolter les données. Tandis que pour Saibou Issa qui est le secrétaire exécutif de la même société, Mbembe est plus un agitateur d’idées.


La société Camerounaise d’Histoire est née!

C’est la principale information qui ressort du 1er congrès des Historiens Camerounais. Il s’est tenu du 27 Février au 01er mars dernier à l’Université de Maroua, dans la région de l’extrême nord du Cameroun. En trois jours, les historiens Camerounais ont discuté, échangé et débattu sur « l’enseignement et la recherche de l’Histoire au Cameroun ».  Les travaux ont tourné autour des sources de l’histoire, de l’enseignement et de la recherche en histoire. L’Association des Historiens Camerounais qui existe depuis plusieurs années s’est réuni pour la première fois à Maroua sous la conduite de son président, le professeur Daniel Abwa.

Les congressistes lors de la photo de famille devant le cercle municipal de Maroua. Crédit image: Alvine Henry Assembe Ndi.
Les congressistes lors de la photo de famille devant le cercle municipal de Maroua. Crédit image: Alvine Henry Assembe Ndi.

Au sortir de ce congrès, plusieurs résolutions ont été prises. D’abord le changement du nom de la corporation d’Historiens camerounais. Elle s’appellera désormais Société Camerounaise d’Histoire et non plus Association des Historiens Camerounais. La nouvelle société sera dirigée par Daniel Abwa, professeur titulaire des universités, nommé tout récemment au poste de vice-recteur à l’Université de Yaoundé 1. Il est secondé par le professeur Saibou Issa qui occupera le poste de secrétaire exécutif. Ce dernier est directeur de l’Ecole Normale supérieure (ENS) de Maroua depuis 2009 et docteur en histoire de l’Université de Yaoundé 1.

Selon les résolutions publiées sur facebook par un des participants, la Société Camerounaise d’Histoire  « ouvre ses portes à tous les historiens camerounais et les historiens qui s’intéressent au Cameroun comme champs de recherche ». Elle « encourage davantage la professionnalisation du métier d’historien ». Il  est également possible pour les étudiants d’être membre de cette société après avoir rempli les conditions qui s’imposent. Une des participantes au congrès que nous avons réussi à avoir, nous a indiqué que les missions de la société sont  de donner la place qui est la sienne à l’histoire dans notre pays et d’écrire une histoire vraie et objective. L’objectif est par ailleurs, selon le Docteur Mahamat Abba Ousman, chargé de cours au au département des beaux arts et des sciences du patrimoine de l’Institut du Supérieur du Sahel à l’Université de Maroua, de créer un réseau d’échanges entre les Historiens Camerounais pour partager les informations sur les colloques, les appels à contribution et les bourses.

Un des panels pendant le congrès. Crédit image: Alvine Henry Assembe.
Un des panels pendant le congrès. Crédit image: Alvine Henry Assembe Ndi.

C’est dans ce sens que des actions précises ont été programmées. Ces actions doivent être exécutées dans les meilleurs délais. Il s’agit notamment de la création d’un site internet dans un meilleur délai ; création d’une revue et enfin la création des antennes dans toutes les universités d’Etat pour la vulgarisation de ce projet et l’adhésion des membres. Le prochain congrès se tiendra dans deux ans dans une ville non déterminée pour le moment.


Livre: l’université de Dschang dresse le bilan des cinquante années d’indépendance et de réunification du Cameroun

Depuis quelques semaines, le nouveau bébé de la littérature camerounaise est disponible. Les actes du colloque de Dschang tenu du 10 au 12 Mai 2010 sur le thème : « cinquantenaires de l’indépendance et de la Réunification du Cameroun. Bilan, enjeux et perspectives ». Le contexte de publication de ces actes est marqué par la célébration à Buéa du cinquantenaire de la Réunification des deux Cameroun (Francophone et Anglophone) le 01er octobre 1961. En 2010, les travaux de ce colloque se sont déroulés en commémoration des cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification du Cameroun.

En plusieurs moments et à travers diverses thématiques (politique, économique, social), les chercheurs, sous la direction du Pr Anclet Fomethe, par ailleurs recteur de l’Université de Dschang, dressent le bilan des cinquante années d’indépendance et de Réunification du Cameroun. La préface porte la signature du Ministre de l’enseignement supérieur et chancelier des ordres académiques Jacques Fame Ndongo.

Première de couverture de l'ouvrage. ©Ulrich Tadajeu
Première de couverture de l’ouvrage. ©Ulrich Tadajeu

Il en ressort que l’indépendance ainsi que la réunification sont le résultat du combat des acteurs de l’époque qui avaient à cœur de restaurer l’identité Cameroun mise à mal par les différentes influences coloniales et néocoloniales. Plusieurs figures sont présentées à savoir entre autres Kamdem Nyiyim, Abel Kingue ou encore Djoumessi Mathias qui ont participé à partir de leurs positions respectives à la libération du Cameroun. John Ngu Foncha est présenté par Suh Hilary Sama comme un grand artisan de la Réunification des deux Cameroun. Il a contribué à la mise en œuvre de cette réunification à travers le parti politique qu’il créa, le Kamerun National Democratic Party (KNDP). Sa participation aux différentes conférences qui ont précédé la Réunification notamment celle de Foumban de juillet 1961 est également relevée par l’historien. L’identité Cameroun évoquée plus haut se traduit par un statut juridique colonial particulier. N’ayant jamais été une colonie, le Cameroun a tout de même été administré comme tel. Cette identité s’est construite selon Norodom Jean Bedel en trois temps que sont la gestation, la parturition et la maturation. Malgré cette construction, des freins sont récurrents et empêchent à l’unité nationale de se mouvoir effectivement. Parmi ces freins, Nodem Jean Emet analyse l’émiettement du territoire. Un émiettement qui se manifeste par une vision parcellaire du territoire et une orientation des activités  vers « son village ». Cette situation conduit, selon le sociologue, au mal développement.

Une des contributions dans l'ouvrage. © Ulrich Tadajeu
Une des contributions dans l’ouvrage. © Ulrich Tadajeu

D’un autre côté, les chercheurs réunis autour de ce livre dressent également le bilan économique du Cameroun cinquante années après l’indépendance à travers deux axes importants et complémentaires : l’agriculture et l’industrialisation. Les politiques agricoles ont évolué, des plans quinquennaux aux sortir des indépendances avec une forte implication de l’Etat à la politique agricole en passant par la Nouvelle Politique agricole. A l’implication de l’Etat, s’est substituée l’implication de l’extérieur. En plus de cette implication, la conjoncture économique internationale ainsi que les défaillances du gouvernement ont produit des ralentissements importants sur le plan agricole. Et c’est pour pallier à ces manquements, qu’une formation des cadres supérieurs en Agriculture est faite au Cameroun et dans la ville de Dschang depuis plusieurs décennies.  Depuis 1960, cette formation agronomique connait plusieurs moments mais c’est en 1977 avec la création du centre Universitaire puis en 1993 suite au décret du 19 Janvier 1993 portant création de l’Université de Dschang et donc, naissance de la FASA, que cette formation agronomique prit une autre envergure à partir de la ville de Dschang. Pour que l’agriculture donne des résultats satisfaisants, il faut qu’à côté de la formation, se greffe une industrialisation avancée.

Les communications de Nemb Pierre Samuel et Noula Armand d’une part et de Williams Pokam Kamdem d’autre part essaient de diagnostiquer ce secteur cinquante ans après. Il est clair que l’évolution industrielle durant les cinquante années précédentes a été marquée par des erreurs et des échecs mais également des avancées. L’un des grands freins au décollage industriel du Cameroun c’est l’extraversion de ce secteur caractérisé par des importations élevées. Pour un redéploiement effectif du secteur industriel, il faut, selon l’historien William Pokam que, la « somme des erreurs soit concrétisée en nouveaux essais ».

Dans un article en guise de conclusion, le Professeur Charles Robert Dimi propose un plan en trois axes qui permettrait au Cameroun de prendre avantage de la mondialisation : une mise en cause critique de nous-mêmes, des investissements dans les domaines économique, financier, matériel et la solidarité avec les autres pays du sud. Il est urgent, plus de 50 ans après l’indépendance et la Réunification, de se remettre en cause pour mieux avancer. C’est, en tout cas, le message porté par cet ouvrage.


Alain Foka, un journaliste au service de la promotion de l’histoire africaine

Alain Foka, journaliste camerounais producteur de plusieurs émissions sur la  Radio France Internationale (RFI) était l’invité jeudi 27 février de l’émission Entretien avec… de Thierry Ngogang sur la chaîne camerounaise Spectrum Television (STV). Tout au long de cet échange, Alain Foka est revenu sur un projet qui lui tient à coeur, sa priorité : la promotion de l’histoire africaine.

Alain Foka, lors de la séance dédicace du coffret Archives d'Afrique au Bénin. Crédit image: alainfoka.com
Alain Foka, lors de la séance dédicace du coffret Archives d’Afrique au Bénin. Crédit image: alainfoka.com

Avec Alain Foka, Thierry Ngogang a abordé plusieurs thèmes, des questions d’actualité liées au Cameroun, notamment la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun, un moment historique, clé. Il a également salué la mémoire de Charles Ateba Eyene, homme politique et journaliste camerounais très populaire, décédé il y a une semaine. Ce qui m’a le plus marqué dans cet entretien, ce sont les raisons qui l’ont amené à produire et présenter des émissions qui gravitent autour d’un projet : raconter l’Afrique par elle même.

En effet, Alain Foka est né au Cameroun, dans la ville de Douala en 1964. Il y a fait ses études au jusqu’à l’obtention du baccalauréat. Tout au long de son cursus , il a été marqué par la mise sous silence de l’histoire du Cameroun au bénéfice de l’enseignement de l’histoire et la géographie de la France. Mais, c’est en Europe, au contact des autres personnes qu’il a pris conscience de cette lacune. Après des études à Sciences Po, au Centre de formation des journalistes (CFJ) et à l’Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA), il  travaille à Europe 1 et France Inter au début de la décennie 1990. Mais, : « Travailler pour une radio où on a des clichés sur l’Afrique »  le rendait malade dit-il. Il avait donc besoin de trouver un cadre adéquat où il pouvait parler de l’histoire de l’Afrique. Dès que l’opportunité s’est présentée en 1993, il n’a pas hésité à rejoindre Radio France Internationale.

Alain Foka, à Niamey, Décembre 2011. © Delphine Michaud
Alain Foka, à Niamey, décembre 2011. © Delphine Michaud

A Radio France Internationale, il lui est demandé de réaliser un magazine. Il se souvient alors qu’il ne connaît pas l’histoire de l’Afrique et que c’est également le cas pour de nombreux jeunes Africains. Il se souvient donc du magazine mémoire d’un continent qu’il a beaucoup aimé et écouté pendant son enfance. L’heure est venue pour lui de raconter l’histoire de l’Afrique avec un regard africain. Parce que selon Alain Foka, :  » L’histoire africaine était jusque-là mal racontée « . C’est ainsi qu’il lance en septembre 1993 le magazine Archives d’Afrique. Il est question pour lui de raconter l’histoire du continent à travers les grands hommes. Il se sert des archives sonores et autres archives disponibles. Ces archives n’étaient pas très souvent disponibles parce que dans les pays africains, lorsque le colon partait, soit il  » détruisait les archives, soit il les emportait « . Il était donc urgent, pour lui, de raconter cette histoire-là en laissant parler les acteurs. Dans cette perspective, il a produit plusieurs émissions sur des personnalités politiques africaines, d’abord les pères fondateurs c’est-à-dire les premiers dirigeants africains après la décolonisation, ensuite les leaders africains du XXe siècle. L’émission ne s’est pas limitée ou enfermée sur ces personnalités. Elle a été ouverte aux icônes noires américaines, aux intellectuels et hommes de culture. C’est ainsi qu’il a consacré des émissions à Martin Luther King, Pelé, Salif Keita, Cheikh Anta Diop, Camara Laye, Sembène Ousmane, Malcolm X, Marcus Garvez. Cette appropriation du passé à laquelle le célèbre journaliste invite les Africains est la première étape d’un projet qui consiste à laisser les Africains raconter et écrire leur histoire pour que le continent ne soit plus présenté comme la capitale du malheur, mais également comme un lieu d’espoir.

C’est fort de cela qu’il a lancé Médias d’Afrique qui consistait à donner la voix aux journalistes africains pour qu’ils partagent leurs points de vue sur les questions africaines et mondiales. Mais par la suite, cette émission a été remplacée par le débat africain qui est toujours diffusé. Le débat africain est une « tribune donnée aux Africains » afin qu’ils échangent sur tous les sujets d’actualité.

Alain Foka sur le plateau de STV. Crédit image: thierry Ngogang.
Alain Foka sur le plateau de STV. Crédit image : Thierry Ngogang.

L’émission Afrique plus qui n’est plus diffusée reviendra prochainement selon Alain Foka. L’objectif de ce programme est de « promouvoir et faire connaitre les réussites africaines». C’est la raison pour laquelle, il présente essentiellement les portraits des créateurs de richesse du continent, ceux qui entretiennent l’espoir et inscrivent l’Afrique dans le futur. La finalité étant de déconstruire le cliché qui présente l’Afrique comme la capitale mondiale des malheurs pour susciter l’espoir chez les jeunes.

C’est ce projet qui a pour objectif de promouvoir l’histoire de l’Afrique en la racontant et en l’écrivant, de faire parler l’Afrique par elle-même, à travers les médias qui me semble intéressant. Et les jeunes Africains gagneraient à écouter ces émissions pour comprendre le continent, apporter des solutions endogènes, adaptées aux problèmes du continent, et surtout, ce projet permet aux jeunes de connaître leur histoire, l’histoire de l’Afrique, l’âme de ce continent. Car, comme il a coutume de le dire à l’entame de son magazine Archives d’Afrique,

 » Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple, car un peuple sans histoire est un monde sans âme « 

Ce travail permet aux jeunes de savoir qu’il y a en Afrique, en plus de la famine, des créateurs de richesse, ceux qui entretiennent l’espoir et inscrivent le continent dans le futur.


Cameroun : célébration de la Réunification ou louange au président Biya?

J’ai rédigé jusqu’à présent plusieurs billets pour m’insurger contre ce que les Camerounais ont célébré sous le nom de cinquantenaire de la Réunification à Buéa le 20 Février dernier. J’ai notamment fustigé le révisionnisme, le folklore, le silence autour des noms des différents acteurs de cette réunification. Dans cet autre billet, je présente quelques analyses qui me permettent de conclure que ce cinquantenaire visait tout, sauf la célébration de la réunification du Cameroun.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

Quand le RDPC célèbre Paul Biya

Le premier constat est que cette fête était une célébration de Paul Biya par son parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Les images que nous avons observées sur les chaines de télévision mais également sur le site internet de la présidence de la République du Cameroun sont là pour le prouver. Le RDPC a pris d’assaut bongo square, le lieu du défilé à Buéa, à travers ses effigies. A côté de ces effigies, les images du président de la République, Paul Biya,  occupaient également tous les espaces à Buéa. On peut donc affirmer que ce parti avait pour intention de célébrer son champion, son leader naturel, le président Paul Biya. Cet état des choses est allé jusqu’à la mise à l’écart des héros, des véritables acteurs de la réunification.

Les militants du RDPC lors du défilé à Bongo Square à Buéa. On peut y noter les effigies du président Paul Biya. Crédit image: prc.cm
Les militants du RDPC lors du défilé à Bongo Square à Buéa. On peut y noter les effigies du président Paul Biya. Crédit image: prc.cm

Quand le régime efface les héros et propulse Biya au rang de « père de la réunification »

Le régime a effacé les héros, les vrais pères de la réunification pour propulser Paul Biya au piédestal de « père de la vraie réunification. » La banderole ci-dessous est là pour en témoigner.

Une banderole à Buéa lors de la célébration du cinquantenaire de la Réunification.  crédit image: Armand ougock
Une banderole à Buéa lors de la célébration du cinquantenaire de la Réunification. crédit image: Armand ougock

On peut se demander ; quel rôle Paul Biya a joué dans le processus de Réunification du Cameroun ? Comment certains Camerounais peuvent aller tellement bas, au point de commettre de tels actes de révisionnisme ? Comment peut-on parler de Paul Biya comme père de la Réunification alors qu’en 1961, année de cette réunification, il venait d’être diplômé de l’institut d’études politiques de Paris?

 Cet effacement s’est fait sentir également par l’absence d’effigies en la mémoire des acteurs de cette réunification, que ce soient les nationalistes upécistes à l’instar de Ruben Um Nyobe, Felix Roland Moumié ou alors ceux-là même qui ont parachevé le processus. Il s’agit du président Ahidjo et de son vice-président John Ngu Foncha. Où étaient ces héros si tant est qu’on célébrait la réunification ? Peut-on célébrer un événement aussi marquant d’un point de vue symbolique en ostracisant ceux-là même qui ont combattu pour que ce rêve devienne réalité ?

Au lieu de donner à César ce qui lui appartient et à Dieu, ce qui est à Dieu, le régime a donné à César ce qui est à Dieu. Dans les différentes réactions de certains Camerounais, il est apparu que le « véritable artisan et père de l’unité du Cameroun c’est Paul Biya. » C’est ainsi que certaines personnes disaient par exemple sur les médias Camerounais que « Cinquante années que notre pays est uni et c’est grâce à notre président Paul Biya », « Paul Biya nous a réconcilié avec notre histoire »… Toute chose qui donne à ce personnage de notre histoire récente une place qui n’est pas la sienne. Qu’on soit clair, le président Biya a certainement eu, selon « ses créatures », des apports dans l’histoire du Cameroun. Mais, il n’a pas joué un rôle dans le processus ayant abouti à la Réunification du Cameroun. Et même si certains pensent qu’il faille « soutenir » Paul Biya dans cette « oeuvre salutaire » qui est prompte à raviver le « patriotisme » des Camerounais, nous leurs répondons que « Biyaisme n’est pas synonyme de patriotisme ».

C’est ce révisionnisme, cette inversion des rôles, cette dénaturation d’une fête aussi grandiose ajoutés au déni de date qui me font penser que ce ne fut pas une célébration de l’unité, du vivre ensemble des Camerounais, mais un folklore organisé et piloté par le régime en place pour louer une fois de plus le président de la République. La finalité étant de lui attirer la gloire, l’honneur et une place dans l’histoire qui n’est pas sienne.

S’il est important de faire naître et d’entretenir un véritable esprit civique camerounais doublé d’une réelle intégration nationale, il est urgent que ces valeurs s’appuient sur un fond existant depuis des années et porté par des hommes et femmes qui nous ont précédés. Il revient au pouvoir public de les faire connaitre aux Camerounais, de les élever au rang de héros nationaux, de respecter les dates et les symboles qu’ils ont laissés au soir de leur lutte. C’est ainsi que, comme partout ailleurs, la nation camerounaise se construira autour des symboles, des images des vrais pères fondateurs et surtout des valeurs qu’ils ont défendues.


Charles Ateba Eyene, dors en paix !

Charles Ateba Eyene, homme politique et homme des médias très connu au Cameroun pour ses prises de parole, a quitté ce monde hier, 21 Février 2014 soit 49 ans jour pour jour après Malcolm X. A 42 ans, le fils de Bikoka a tiré sa révérence. Dans le texte qui suit, je lui rends un hommage, lui que j’ai vu pour la dernière fois le 31 octobre dernier lors de la conférence dédicace qu’il animait à l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang.

Charles Ateba Eyene lors de l'un de ses passages sur STV. Crédit image: blogs.mediapart.fr
Charles Ateba Eyene lors de l’un de ses passages sur STV. Crédit image: blogs.mediapart.fr

Le fils de Bikoka (village de Charles Ateba Eyene, situé dans la région du Sud- Cameroun) a tiré sa révérence. Je ne partageais pas forcément ses points de vue, ni sa méthode. Mais il était adulé, il était courageux et n’avait peur de rien. Je ne le connaissais pas personnellement, mais comme tous les Camerounais, je le voyais chaque fois sur les plateaux de télévision, je l’écoutais sur les radios comme sa dernière grande apparition sur amplitude FM. J’assistais aux conférences et aux rencontres scientifiques qu’il animait. ça a été le salon du livre de Yaoundé en octobre 2012 puis les conférences dédicaces auxquelles il était invité à Dschang dont la dernière en date est la conférence dédicace de ses ouvrages sur les loges, le mouvement sportif et le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, parti auquel il appartenait avant sa mort. Il était d’ailleurs membre suppléant du comité central de ce parti. Comme à l’accoutumée, Charles Ateba Eyene qui ne foulera plus jamais la salle de l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang, a harangué les foules par son discours mais aussi par son énergie débordante. En parfaite communion avec le public de Dschang, il s’est défini comme il aimait le faire comme un « industriel des idées » pour qui le « savoir est un pouvoir ».

Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni lors de la conférence-dédicace à Dschang en octobre dernier. Crédit photo: ulrich Tadajeu.
Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni lors de la conférence-dédicace à Dschang en octobre dernier. Crédit photo: ulrich Tadajeu.
Une foule nombreuse à l'extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene lors de sa conférence-dédicace en octobre dernier à Dschang. Crédit photo: Ulrich Tadajeu.
Une foule nombreuse à l’extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene lors de sa conférence-dédicace en octobre dernier à Dschang. Crédit photo: Ulrich Tadajeu.

Charles Ateba Eyene n’était peut-être pas mon modèle à moi, mais je dois dire que son courage, son énergie, sa vitalité et son gout pour la lecture ont fait de lui l’un des personnages les plus aimés des Camerounais. Il était pour plusieurs jeunes un modèle. Mais il s’en est allé, alors qu’il était encore jeune. Il a laissé derrière lui une œuvre, il a laissé derrière lui des ouvrages, un combat, le désir d’un idéal qui le rendra atemporel. Mais il a également laissé derrière lui une jeunesse en manque d’espoir, une jeunesse qui le prenait déjà comme le futur président de ce pays, bref, une jeunesse qui reposait tout son espoir en lui. C’est à cette jeunesse là de continuer le travail qu’il a si bien commencé en se souvenant de l’énergie qu’il a déployée dans son combat. Elle doit continuer son combat mais en l’actualisant. Il a également laissé derrière lui une famille biologique, des enfants orphelins de mère depuis quelques années (l’épouse de Charles Ateba Eyene est décédée il y a quelques années maintenant) et maintenant de père, Charles lui-même a tiré sa révérence.

Qui va encore « chuter » avec éloquence sur les plateaux de télévision et de radio?

Que dire d’autres si ce n’est R.I.P! Charles Ateba Eyene, le fils du Cameroun, le fils de Bikoka, dors en paix!


Histoire du Cameroun, le règne du révisionnisme .

C’est désormais officiel. La célébration du « cinquantenaire de la Réunification du Cameroun » aura lieu le 20 Février prochain. C’est ce qui ressort d’un communiqué du cabinet civil de la présidence de la République rendu public hier au journal de 13h sur le poste National de la CRTV.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

A peine le communiqué rendu public, comme d’habitude des pluies de remerciements sont déjà tombées pour saluer la « grandeur », la « bonté » de papi Paul Biya « pour tout ce qu’il fait ». Donc, il fait un tas de choses hein!!! Je ne savais pas. Il fait beaucoup de choses comme on le prétend et il prononce un discours comme celui du 31 Décembre dernier pour affirmer à tous ses thuriféraires, de manière officieuse, qu’il ne fait rien. En tout cas, là n’est pas le problème. Buéa a déjà refait sa toilette. S’il n’y avait pas d’électricité avant, désormais il y a des panneaux électriques, si la ville était sale, désormais elle est propre. Si l’eau avait déserté les robinets et les domiciles, désormais l’eau est de retour.

Des jeunes qui remercient le président Paul Biya. Crédit image:dania.mondoblog.org
Des jeunes qui remercient le président Paul Biya. Crédit image:dania.mondoblog.org

Pourquoi? Parce que papa Paul Biya arrive.

Pour faire quoi? Célébrer avec les Camerounais la Réunification des deux Cameroun.

Qui a eu lieu quand? Le 01er Octobre 1961 c’est-à-dire exactement 52 années 4 mois 2 semaines 6 jours. ça veut dire que le cinquantenaire de la « Réunification du Cameroun » sera célébré 2 années 4 mois 2 semaines 6 jours. Je me demande bien ce qu’ils partent célébrer là bas.

En tout cas, ils (les thuriféraires du Régime Biya) vous diront que ce que le « Roi Lion » fait est toujours bien. D’ailleurs Roger Betala, journaliste à la CRTV, a donné le ton ce matin en déclarant au journal de 06h sur le même poste national que « Le président de la République réconcilie le Cameroun, les Camerounais avec leur Histoire. » Vous voyez jusqu’où  peut aller la  bêtise. Un président de la République qui ne prononce jamais les noms des nationalistes camerounais réconcilie les Camerounais avec leur histoire, un président qui fait célébrer le cinquantenaire de la Réunification plus de deux ans après la date effective dudit cinquantenaire « réconcilie le Cameroun et les Camerounais avec leur histoire » hein! Je n’en savais pas.

Un folklore de plus sera célébré. Les Camerounais comme à l’accoutumée diront une fois de plus merci au papi pour ses bienfaits immenses. Mais c’est une célébration qui n’a pas de sens à notre avis. Elle rentre dans l’esprit révisionniste du régime en place qui a tout intérêt à effacer ce passé de la mémoire. Effacer par la mise à l’écart des nationalistes. On parle d’eux sans prononcer leurs noms.

Lors du dernier message adressé à la jeunesse le 11 Février 2014, le chef de l’Etat est allé dans ce sens lorsqu’à la fin de son discours, annonçant la célébration du cinquantenaire de la Réunification du Cameroun, il a parlé des nationalistes en utilisant, non pas leurs noms, mais les termes suivants: « ceux », « Beaucoup » et « ceux ». On pourrait se demander s’ils n’avaient pas de noms. Une telle mise sous anonymat est-elle gratuite? Est-elle le reflet d’un homme qui a, à cœur, de « réconcilier le Cameroun avec son histoire? »

Vivement que papi Paul Biya réussisse enfin à sortir le nom des nationalistes camerounais de sa bouche! Et même s’il le fait, ça n’enlèvera rien sur l’esprit révisionniste, le silence complice qui entoure le nom et la mémoire des héros nationalistes camerounais. Il s’agit, entre autres, des grandes figures comme Ruben Um Nyobe, Felix Roland Moumié, Ernest Ouandié, qui ont versé leur sang pour poser les fondements de notre nation.


Papi Paul Biya, reste!

Quelques jours après son message à la jeunesse, Paul Biya, le président du Cameroun a célébré ses 81 ans donc 31 années passées au pouvoir. Je rédige ce texte pour m’insurger contre certaines pratiques courantes au Cameroun.

Papi Paul Biya a célébré ses 81 ans hier donc près de 50 ans aux hautes fonctions. C’est clair que pour ses griots et ses créatures, il est toujours lucide et jeune, d’ailleurs certains estiment que c’est lui le premier jeune, mais un jeune sage qui a pris la « condition camerounaise excepté le vol ».  Il est sur cette photo avec son épouse, qui est née en 1971 et a 43 ans c’est-à-dire 38 ans de moins que son cher et tendre époux. C’est juste un constat pour parvenir à la conclusion selon laquelle, notre président nous apprend au moins que « l’amour n’a pas d’âge ».

Paul Biya et son épouse Chantal Biya lors de la célébration hier de son 81ème anniversaire. Crédit image: prc.cm
Paul Biya et son épouse Chantal Biya lors de la célébration hier de son 81e anniversaire. Crédit image: prc.cm

En tout cas, le papi, laisse les « kankan camerounais » que tu as qualifiés d »‘apprentis sorciers » dire ce qu’ils veulent. Fais quoi fais quoi, le Cameroun sera émergent et tu seras devant. Même sans lumière, ni électricité, toi, le « grand inspirateur », le « grand timonier », le « plus sage », le « seul Camerounais qui sort du lot », du haut de ton trône, on se souviendra éternellement de toi comme de celui qui a tout apporté au Cameroun sauf le vol. Parce qu’en fait, tu es à l’origine de tous nos biens, mais ce sont ceux qui t’entourent qui sont à l’origine des maux du Cameroun.
« Grand sage », « grand timonier », « chef des chefs », « créateur des créatures comme Jacques Fame N’dongo », continue et finis, ne t’arrête pas si tu n’as pas fini ton œuvre « salutaire », celle d’offrir la prospérité aux Camerounais qui te la quémandent au quotidien. Je suis sûr que dans quelques jours, tu diras encore que les choses bougent, nous sommes sur le chemin, le train de l’émergence est en route.

Le président Paul Biya devant son gâteau d'anniversaire. Crédit image: prc.cm
Le président Paul Biya devant son gâteau d’anniversaire. Crédit image: prc.cm

Bref, que les choses avancent et tant pis pour les « adeptes de la péroraison creuse », les « myopes », tous ces « apprentis sorciers » et tu concluras en nous donnant une fois de plus « rendez-vous dans 20 ans ». Papi Paul Biya, reste au pouvoir, tu y es destiné. Que feront tes créatures sans le créateur que tu es ?  S’il te plaît, reste encore au pouvoir au moins pour nous apprendre que l’Amour n’a pas d’âge.

Je te prie, cher papi-président ou président-papi, c’est comme tu voudras, de méditer ces quelques phrases du philosophe français Alain:

Tout pouvoir est méchant dès qu’on le laisse faire ; tout pouvoir est sage dès qu’il se sent jugé… Tous les maux viennent peut-être de ce que le citoyen, comparant l’épaisse et lourde force publique à l’impalpable jugement de l’opinion, dit et croit qu’on ne peut rien que par des mouvements catastrophiques… Ce pessimisme finit par avoir raison, car il engendre les maux qu’il craint.


Cameroun: le Cinquantenaire de la Réunification ne peut pas être célébré 53 ans après.

Depuis plus de trois ans, le Cameroun prépare la célébration d’un évènement. Il s’agit du cinquantenaire de la Réunification de ce pays. En effet, le pays de Samuel Eto’o a connu une triple administration « coloniale ». Le protectorat Allemand qui est allé de 1884 à 1916, le mandat puis la tutelle Franco-Britannique qui sont allés de la fin de la première guerre mondiale à 1960 et 1961, dates successives de l’indépendance du Cameroun sous administration française et de la séparation du southern Cameroon d’avec le Nigeria. Cette séparation est aussi l’occasion pour les deux Cameroun de se réunir comme à la période allemande pour envisager leur destin communément.

Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn
Le monument de la Réunification à Yaoundé, Cameroun. Crédit image: french.china.org.cn

A la suite d’un long processus (discussions, plaidoiries aux Nations Unies, conférences juridiques…), le Cameroun obtient finalement son indépendance le 1er Janvier 1960 et la Réunification le 1er Octobre 1961. Même si ceux qui proclament l’indépendance et la Réunification ne sont pas les réels combattants pour ces idéaux, nous devons affirmer que plus de 50 ans après, c’est un révisionnisme qui plane sur l’histoire du Cameroun. Célébrer le cinquantenaire de la réunification plus de trois ans après la date effective rend cette célébration plus folklorique que symbolique et intéressante. Plusieurs fois annoncées et reportées, on ne sait plus s’il aura lieu un jour. Et même s’il est célébré, ce sera tout sauf le cinquantenaire de la Réunification des deux Cameroun.

Logo du Cinquantenaire de l'Indépendance et de la Réunification du Cameroun. Crédit image: rjcpatriote.centerblog.net
Logo du Cinquantenaire de l’Indépendance et de la Réunification du Cameroun. Crédit image: rjcpatriote.centerblog.net

C’est tout de même curieux que dans un pays comme le nôtre, on badine avec la symbolique des dates et que dans le même temps, il est demandé aux Camerounais d’être patriotiques. Quoiqu’on fasse et même si on vous offre des cadeaux au centuple, lorsque la date de votre anniversaire est passée, elle est passée. Ce qu’on célèbrera après sera tout sauf votre anniversaire. Pourquoi parler des cinquantenaires de l’indépendance et de la Réunification alors que ce n’est que le cinquantenaire de l’indépendance qui est célébré? Concernant cette indépendance, sa célébration pose d’ailleurs un problème fondamental au Cameroun. Il a été célébré officiellement et en grandes pompes le 20 Mai 2010. A cette occasion, une conférence panafricaine dénommée Africa 21 avait été organisée au mois de mai pour réfléchir sur les cinquantenaires de l’Afrique sur le thème: « L’Afrique, une chance pour le monde : réalités et défis ».

Mais comme certains Camerounais et Africains le savent, le Cameroun n’a pas été indépendant le 20 Mai mais plutôt le 01er Janvier 1960. Au lieu de rendre cette date plus mythique, nos dirigeants ont célébré autre chose que le cinquantenaire de l’indépendance. Dans ce sens, il est à noter que les 01er Janvier sont des dates ordinaires au Cameroun. Rien n’est fait de manière symbolique pour manifester l’anniversaire de l’indépendance de ce pays. Il passe la plupart du temps inaperçu. Pourquoi ce révisionnisme dans la gestion publique de l’histoire de notre pays? Pourquoi ne pas respecter les dates telles qu’elles sont?  De toutes les façons, attendons de voir le jour où sera célébré ce folklore. A la sortie du bureau de vote de l’école publique de Bastos lors des élections législatives et Municipales de septembre 2013, le président de la République avait dit, au sujet de la célébration du cinquantenaire de la Réunification, que:

je pense que avant la fin de l’année nous serons là pour célébrer le cinquantenaire de notre Réunification.

La fin d’année 2013 est passée, le cinquantenaire de la Réunification n’a pas encore été célébrée. Sérieusement, qu’est-ce qu’ils iront célébrer à Buéa? Le Folklore en guise de cinquantenaire de la Réunification certainement. Car le cinquantenaire ne peut pas être célébré 53 ans après.