Fotso Fonkam

Soyons réalistes, la colonisation n’a jamais pris fin

Au service du colon, même 50 ans après son départ - Crédit photo: www.cobelco.info
Au service du colon, même 50 ans après son départ – Crédit photo: www.cobelco.info

Chaque fois que j’entends un de mes compatriotes dire haut et fort « La France essaie de recoloniser l’Afrique. Elle crée des conflits, pour ensuite revenir installer son armée et piller nos ressources », je souris. Ironiquement. Oui, je me moque, parce que quand je les entends dire “recoloniser”, ça implique qu’il y a eu une première colonisation, et qu’elle s’est achevée. C’est ce qui me fait sourire en me disant intérieurement que ce compatriote, s’il observait bien autour de lui, comprendrait que la colonisation commencée au XIXème siècle ne s’est jamais achevée. Voici quelques éléments pour étayer mon opinion.

Une religion importée

Dès leur arrivée sur le continent, les colons nous ont amadoués avec Dieu. En moins de temps qu’il faut pour le dire, nous avions abandonné nos coutumes, délaissé nos rituels et foulé au pied nos lieux saints. Désormais, nous étions au service du Dieu du Blanc. Peut-être le nôtre était-il trop bronzé… Aujourd’hui, longtemps après le départ du colon, nous continuons à prier Dieu en respectant des rituels étrangers à notre culture, à nos origines. Le colon est peut-être reparti il y a longtemps, mais la colonisation spirituelle et culturelle ne s’est pas pour autant arrêtée.

Une politique éducative déconnectée des réalités locales

Pour pouvoir implanter leurs religions et former des jeunes pour prendre la relève – dans la promotion de cette religion importée – après leur départ, les Missionnaires ont dû construire des écoles chez nous – c’est en fait nous qui nous sommes tués à la tâche, pas eux. Dans ces écoles où les religieux ont commencé l’enseignement, le programme de l’année scolaire était forcément de nature à valoriser ou bien à glorifier la culture occidentale, de façon à maintenir les indigènes toujours sous leur emprise. Mais après toutes les batailles livrées pour la liberté et l’indépendance, comment se fait-il que chez nous, le programme scolaire intègre une kyrielle d’élément n’ayant aucun lien avec notre culture, notre histoire ? Vérifions les programmes du secondaire en histoire : combien de chapitres parlent des martyrs et des héros nationaux ? En littérature, combien d’œuvres inscrites au programme sont d’auteurs africains ou camerounais ? Pourtant, les colons s’en sont allés depuis plus de cinquante ans. Mais nos écoles continuent à fabriquer des expatriés ; nos grandes écoles forment la plupart du temps dans des domaines qui n’auront pas de débouchés au pays avant très longtemps. Et on va dire que la colonisation a pris fin ?

Des mentalités de colonisés

À l’époque coloniale, le bon nègre était celui qui essayait de ressembler au patron blanc : il fallait se vêtir, parler, prier, vivre comme le patron. Observons nos frères et sœurs, maintenant que le blanc n’est plus là. Tous veulent aller vivre chez le blanc, tous veulent parler en whitisant, toutes se décapent et mettent mèches et greffes sur la tête pour devenir blanches – on dit d’ailleurs chez nous que c’est le teint qui « gagne », preuve que même les blacks ont des goûts whites… Pour s’en convaincre, il suffit de faire un tour dans les cybercafés pour voir comment nos sœurs cherchent le e-mariage ! Quand par la suite je les entends parler d’indépendance, je ris. Le colon n’est plus là, mais nous sommes gardiens de son œuvre que nous perpétuons au fil du temps.

Une administration de marionnettes

À l’époque de la colonisation, les administrateurs noirs devaient rendre des comptes au colon, et devaient attendre son aval pour initier une quelconque action. C’est amusant, je dis « à l’époque de la colonisation » comme si les choses avaient changé depuis lors. Aujourd’hui, quand un pays africain est attaqué par des rebelles, il faut aller chez le patron demander l’accord avant de déclarer la guerre aux ennemis. D’ailleurs, la déclaration se fait la plupart du temps chez le colon ! Déjà que dans la majorité des cas, c’est ce dernier qui envoie ses soldats libérer la province d’outre-mer menacée. Après ça, ne ma parlez pas de 1960 !

Je suis d’accord pour qu’on parle de recolonisation ou bien de néo-colonialisme, mais avant d’employer ces termes, faisons d’abord cesser la colonisation qui, malheureusement, n’a jamais pris fin.


Ces serpents qui avalent les hommes…

Un serpent à l'affût - Crédit photo: www.pratique.fr
Un serpent à l’affût – Crédit photo: www.pratique.France

Il y a quelques temps de cela, une folle rumeur a défrayé la chronique au Cameroun. Il était question d’un homme qui se serait transformé en python et aurait avalé une jeune demoiselle dans un hôtel à Buea. Dès que les habitants de Buea apprennent cela – avec, à l’appui, des photos publiées sur les réseaux sociaux en guise de preuve, ils foncent comme un seul homme pour casser l’hôtel du type d’autrui, eux qui n’ont même pas une chambre en carabote. Je me suis demandé quel était réellement le problème de mes compatriotes dans cette histoire de serpent qui avale les gens. Sérieux, au Cameroun et même en Afrique ça se passe tous les jours devant nous, mais personne ne réagit. Pourquoi donc voulez-vous finir avec l’hôtel du type là ? J’ai essayé de réfléchir à la cause réelle de la colère générale et même des violences et représailles qui ont suivi.

Je me suis d’abord dit que le problème venait du fait que le serpent a avalé une demoiselle : « On est où là ? Est-ce qu’une personne c’est alors les comprimés pour qu’on l’avale comme ça ? » Mais je suis immédiatement revenu sur ma conclusion, en comparant ce fait banal à tous les autres que je vis ou subis au quotidien. Car, oui, chaque jour, partout où je vais, je vois des serpents avaler des gens, des milliers de gens à la fois. Je vois l’occident avaler l’Afrique sans que personne ne proteste. Nos société nationales sont bradées aux étrangers qui en font ce que bon leur semble, mais ça paraît tout à fait normal aux yeux de mes compatriotes. Notre société d’électricité passe de main en main comme un plat d’arachides que des potes se partagent et nous, on applaudit. N’oublions pas seulement que, une fois le plat vide, les potes se séparent en abandonnant le plat. Je vois, chaque jour, la France avaler l’Afrique, au point où nos chefs d’état, insensibles au massacre de leurs propres populations, pleurent comme des madeleines lorsque deux français sont abattus. Et des gens osent se mettre en colère parce qu’un simple python aurait avalé une seule fille à Buea ? Des cas de serpents qui avalent des gens, je peux en citer encore plein. La corruption et les détournements par exemple, ces serpents jumeaux qui ont plus trente ans de long, nous avalent chaque jour avec nos consciences et nous rendent esclaves de l’argent, profiteurs, paresseux, menteurs etc. Un autre serpent qui avale les jeunes Camerounais en masse chaque jour devant nos regards complices, c’est l’ignorance. Faites un tour dans les écoles et constatez ! Des enseignants sans formation et sans vocation qui dispensent des cours sur des notions qu’ils ne comprennent même pas, des élèves incapables de former une phrase contenant moins de cinq fautes (à qui la faute ?), des chefs d’établissement qui mettent plus de 150 élèves dans une même salle de classe et espèrent un rendement, l’Office du Baccalauréat du Cameroun qui force les jury aux examens à « délibérer » à 08/20 (parfois moins) et un ministre qui signe les mutations et les nominations tous les trois mois. Sans oublier des parents qui envoient leurs enfants à l’école comme des soldats allant en guerre sans armes : pas de livres, pas de cahiers, pas de stylos, rien. Même pas d’ambition, ni de plan pour l’avenir. On voit tous ça, et pour nous c’est normal. Ce n’est que le serpent de Buea qu’on veut tuer. Vous voulez même quoi au serpent là ? Mais peut-être que ce n’est pas le fait d’avaler la fille-là qui a gêné la populace de Buea.

Alors, quoi ? C’est le fait de se transformer qui a indigné les braves gens de Buea ? Peut-être que si l’homme-là avait avalé la fille sans se transformer, personne ne serait sorti dans la rue pour protester. « C’est vrai, a-t-on idée de se transformer avant de manger ? C’est un manque de respect pour la personne avalée ainsi que pour ceux où celles qui viendraient à l’apprendre ! » Mais sur ce point également je me permets d’émettre des réserves. Oui, les transformations, ce n’est pas ça qui manque dans notre cher triangle national. Tenez, pour assurer la pérennité du régime des flammes, notre constitution a été transformée. Les grands intellectuels du terroir, autant que les petites gens, en ont fait l’éloge. C’est normal, pour réaliser leurs objectifs de 2035 là il faut qu’ils soient toujours aux affaires. Sinon, qui va réaliser les grands projets structurants du millénaire ? En fait, Je pense que quand il s’agit de transformation, nous sommes spécialistes ici chez nous. Il n’y a pas que le type de Buea là, croyez-moi. Des partis de l’opposition qui se transforment en sous-sections du parti au pouvoir, un parti politique qui se transforme en (parti-)État, l’Onel qui se transforme en Elecam pour à la fin faire preuve de la même incompétence, les bend-skinneurs qui, la nuit tombée, se transforment en voleurs, nos frontières qui se transforment en passoire où Boko Haram et la Seleca viennent dicter leurs lois, des maisons qui se transforment en églises réveillés, les hommes qui se transforment en femmes et qui ne le cachent même plus, etc, etc, etc. Des exemples, il y en a légion. Et tout le monde regarde tout ça, personne ne décide d’aller casser quoi que ce soit, les plus courageux disent « C’est le Cameroun, on va faire comment ? Au moins, on a la paix… » Alors, si c’est le Cameroun, pourquoi prenez-vous la peine de harceler ce cher python, lui qui s’est transformé juste le temps d’ingurgiter sa proie ? Vous voulez l’empêcher de digérer son repas en paix ? Lui aussi, n’a-t-il pas droit à cette paix tant prônée ?

J’ai beau retourner la question dans tous les sens, je ne parviens pas toujours à comprendre pourquoi la population s’est révoltée contre un fait qui pourtant arrive tous les jours au Cameroun depuis plus de trente ans. Laissons le serpent de Buea tranquille, attelons-nous d’abord à combattre les plus gros serpents, les plus anciens, ceux qui chaque jour avalent des milliers de Camerounais à la fois, ceux qui se sont transformés et qui continuent à changer de forme au fil du temps, ceux-là qui ne se cachent pas dans les chambres d’hôtel avant d’accomplir leur sale besogne, ceux-là qui, enfin, conduisent inexorablement le Cameroun à sa perte.


Au Cameroun, on fabrique des expatriés

Crédit photo: Fotso Fonkam
Crédit photo: Fotso Fonkam

Aliénation linguistique et culturelle : un frein pour le développement socioculturel

Dimanche dernier, la faim m’a fait sortir de mon terrier. Sous peine de crever d’inanition, je me suis retrouvé obligé de faire le marché pour acheter quelque chose à préparer. Après quelques tours dans les boutiques des gros Alhadji, je m’arrête devant une vieille grand-mère qui séchait patiemment derrière quelques tomates toutes rabougries, étalées à même le sol. « C’est combien la tomate, dada ? » J’ai à peine fini de parler que la mémé dégaine et m’envoie une rafale de paroles en fufuldé – « Ekié, la mère-ci. On t’a envoyée ? » Normalement, je ne pige pas rien à son baragouin. Finalement, je lui donne mon argent et repars avec ce qu’elle a jugé bon de me donner comme tomate. Je n’avais pas trop le choix, hein. C’était ça ou dormir l’estomac dans les talons.

Le lendemain, lundi, au rassemblement, les élèves de 4ème CI (Chinois-Italien) du lycée où j’enseigne exécutent l’hymne national – du Cameroun – en chinois. Tout l’établissement les applaudit. Je crois même, si j’ai bonne mémoire, que le proviseur demande de les ovationner une fois de plus. Ce n’est pas un fait extraordinaire ici, au lycée. D’ailleurs, la semaine précédente, c’est en Italien que notre cher Ô Cameroun avait été chanté. Personnellement, j’ai eu de la peine à me tenir tête haute, poitrine bombée comme il est recommandé en pareille circonstance. Et pour cause ! Tandis que tous le monde était émerveillé de ce que ces enfants, qui ont commencé à apprendre le chinois il y a à peine trois mois, sont déjà capables de chanter dans la langue de Mao Tsé Tung, moi, dans mon coin, je pleurais le sort de ces pauvres ignorants qui apprenaient le français depuis plus de 5 ans, mais qui jusqu’alors ne pouvaient pas faire une dictée – en français, pas en chinois – sans avoir moins de 30 fautes. Je pleurais le sort de ces camerounais qui chantaient si bien en Chinois, mais qui ne pouvaient pas sortir un seul mot en anglais, l’autre langue officielle du pays. Je pleurais le sort de ces futurs brevetés, probacheliers – il parait qu’au Cameroun on désigne ainsi les titulaires du probatoire – ou bacheliers qui allaient avoir leur diplôme avec 08/20 ou moins, et qui seraient heureux de le clamer haut et fort. Pire, je me lamentais sur le sort de notre pauvre Cameroun qui fabriquait lui-même des aliénés, des expatriés, des gens qui n’auront bientôt qu’un seul rêve : aller vivre hors du pays.

Depuis l’année dernière, je crois, le système éducatif camerounais s’est « enrichi » de nouvelles langues vivantes, notamment le Chinois et l’Italien. Ces deux langues, rappelons-le, s’ajoutent à l’Allemand, à l’Espagnol et à l’Arabe qui sont pratiquées depuis fort longtemps. C’est un atout d’être polyglotte, je n’en disconviens pas. Cependant, je regarde d’un œil très méfiant ce que nous nous plaisons d’appeler « langue vivante ». Je le dis clairement : c’est une grossière erreur d’avoir introduit les langues vivantes dans notre système éducatif. J’irai même plus loin, c’est un danger pour notre développement socioculturel. Je vois d’ici vos regards réprobateurs, mais laissez-moi une chance de me justifier. Ensuite, vous pourrez me jeter des pierres si vous y tenez.

On le sait tous, apprendre une langue c’est apprendre la culture de ceux qui utilisent celle-ci. Ceci signifie que quand on enseigne le chinois à nos enfants, on cultive en eux le désir de s’identifier aux habitants de Chine. L’identification est d’abord linguistique, mais au fil du temps, elle devient vite culturelle. Certains ne verront aucun danger à cela, mais moi j’en vois. Le jeune apprenant qui se lance dans l’apprentissage du Chinois – ce n’est qu’un exemple qui s’applique à toutes les autres langues vivantes – va bientôt préférer se vêtir comme les orientaux, parler comme eux, se nourrir comme eux… Conséquence, les habits traditionnels du terroir seront délaissés pour ceux venus d’orient. Voila donc notre petit Bamiléké qui devient de plus en plus déraciné, qui salue son ami Béti en chinois et qui pratique le tai chi chuan (art martial chinois).

Dans les établissements scolaires du terroir, cette volonté d’identification est même encouragée : quel lycée ou collège n’a pas de « Club Allemand », « Club Espagnol », « Club Italien » ou « Club Chinois » ? Je n’en connais pas. D’après vous, que fait-on au « Club Espagnol » ? Eh bien les enfants y apprennent à chanter en Espagnol et à danser les rythmes d’Espagne – j’en ai personnellement fait l’expérience. Au club Chinois, ils apprennent même à manger avec les baguettes ! Après ce lavage de cerveau, qu’est-ce qui peut encore retenir au Cameroun un individu qui maitrise parfois l’histoire de l’Allemagne mieux qu’un natif d’Allemagne ? Comment notre élève qui est passé par le « Club Italien » va-t-il vivre au Cameroun alors qu’il s’exprime mieux en italien qu’en français ? Je trouve cela difficile.

En termes d’implantation de la langue et de la culture, les Chinois mettent les bouchées doubles (pour rattraper le retard accusé ?). Il n’y a qu’à observer les méthodes employées par les pionniers venus de Chine pour implanter la langue au Cameroun (Institut Confucius). La première chose qu’ils font est de donner des noms chinois aux apprenants Camerounais. Une amie à moi a vu son nom passer du doux ‘Nafissatou’ à un ‘Fu Chacha’ que je trouve ridicule – avis personnel.

Je pense qu’il est nécessaire, pendant que certains chargent leurs cannons de boulets rouges à moi destinés, que je reprécise les choses : je ne suis pas en train de critiquer l’ouverture de notre pays sur le monde. Non. Au contraire, on ne peut pas vivre isolé dans un monde devenu village planétaire. Mon problème, le voici : pourquoi devons-nous surcharger les cerveaux de nos élèves avec des langues étrangères dites vivantes alors que nous avons plus de 280 langues nationales qui sont ignorées par ces derniers et qui seront bientôt à l’agonie ? Ne serait-il pas plus simple de remplacer ces langues vivantes-là par nos dialectes les plus représentatifs ? Pourquoi ne pas remplacer l’allemand, l’espagnol, l’arabe, le chinois et l’italien par l’ewondo, le ghomala’, le fufuldé, le douala, le peul ? Ne gagnerions-nous pas à promouvoir notre propre culture avant de chercher à apprendre celle des autres ? Pourquoi laisser nos élèves, nos enfants, porter des hanfu (vêtements traditionnels chinois), danser la salsa (danse latino-américaine) et pratiquer le tai chi chuan (art martial chinois) alors qu’ils peuvent se vêtir de gandourah, danser l’assiko ou le bikutsi et pratiquer la lutte traditionnelle ?

Ma frustration ne vient pas du fait que nous apprenons la culture des autres, mais plutôt du fait que nous l’adoptons et en faisons la nôtre malgré l’abondance linguistique et culturelle qui caractérise notre nation. Nous nous attelons plus à faire rêver notre jeunesse à ce qui se trouve à l’extérieur du Cameroun, au lieu de chercher à l’enraciner davantage dans la culture qui est la leur. Je me suis toujours demandé – sans trop me faire d’illusions –, s’il existe un seul pays dans le monde où le bassa ou bien le fe’efe’ est enseigné comme langue vivante. Si nous ne mettons pas notre culture en avant, qui le fera pour nous ?

Certains poseront le problème du choix des langues à enseigner : « Quelles langues enseigner donc, puisque nous en avons plus de 280 ? » C’est très simple : dans chaque région du Cameroun il y a au moins deux ou trois langues dominantes. Celles-là pourront être enseignées, selon les régions. C’est vrai, dans les nouveaux programmes les langues nationales ont également été insérées. Tout en sachant qu’il n’y a personne pour les enseigner – du moins, pour le moment. Et quand bien même il y aurait des enseignants, cette nouvelle matière n’est prévue que pour une heure par semaine (contre quatre pour les langues vivantes). Je pensais que la bonne charité commençait par soi-même…

Voila donc le contexte dans lequel nous évoluons. Le système nous contraint à former des jeunes qui ne seront jamais des patriotes. Nous formons des jeunes qui préfèrent « aller à mbeng pour devenir mendiants » au lieu de rester au Cameroun et être fonctionnaires – je vous assure, j’ai entendu ça à maintes reprises de la bouche de plusieurs petits frères au quartier. Nous en sommes à tirer plus de fierté à parler couramment allemand, italien ou espagnol qu’à parler medumba, ngomba’a ou bakoko. Nous préférons nous identifier par nos prénoms plutôt que par nos noms. Chers Camerounais, nous sommes noirs, apprenons à aimer le manioc.


Bienvenue au Cameroun, pays «multi-bilingue»

Le bilinguisme "linguistique" - Crédit photo: ici.radio-canada.ca
Le bilinguisme « linguistique » – Crédit photo: ici.radio-canada.ca

Le Cameroun est l’un des rares pays au monde à être bilingue – en termes de français et d’anglais. Mais, contrairement aux deux autres pays avec qui nous partageons cette particularité, il faut dire que le Cameroun se démarque par la singularité et la pluralité des types de bilinguisme qu’on y rencontre.

Le bilinguisme linguistique

C’est le bilinguisme officiel, conventionnel, celui que tout le monde connait. Au Cameroun, nous avons deux langues officielles, et ce depuis la colonisation du pays simultanément par la France et par l’Angleterre. Donc, si vous comptez venir chez nous, prévoyez vos dictionnaires, révisez vos leçons d’anglais… et de français (oui, oui, les deux). Sinon, tant pis pour vous. Parce que, si vous négligez ces précieux conseils, soyez sûrs de vous entendre répondre quelque chose du genre, « I no di hear fine weti you di tok. Abek tok na fo english* », dès que vous allez vous adresser à certaines de mes sœurs ici en français. Et ça risque d’être pire si vous essayez de parler anglais – Euye ! Selon les cas, vous entendrez soit « Le mbom** si veut encore mimba*** quoi noor. Mon ami pardon passe avec ta malchance », soit ma sœur de tout à l’heure va bien vous toiser avant de dire « Abek, bro leave that your grammar fo school. No came disturb me here with’am **** ». Mais c’est normal. Qui a dit que les camerounais étaient bilingues ici ? Le Cameroun est bilingue, pas les camerounais. Nous, on a notre français, notre anglais et notre camfranglais (un adroit mélange de français, d’anglais, de pidgin et de mots tirés des langues nationales)…

Le bilinguisme alcoolique

Une fois que vous vous êtes familiarisés au camfranglais, vous êtes prêts à découvrir un autre type de bilinguisme. Ceux qui pratiquent cette forme de bilinguisme sont même généralement des polyglottes. Vous les retrouverez en général installés dans les bars, une bouteille entamée – ici on dit un blessé – à la main et plusieurs autres vides – les cadavres – sous sa chaise. Offrez leur de leur payer à boire, et vous verrez à quel point ils sont polyvalents. Si le stock de « 33 export » est épuisé, les gars changent de goût langue immédiatement. « Barman, envoie la Castel ou bien la Mutzig ». Et s’il n’y a ni Castel, ni Mutzig les gars vont se jeter sur les Guinness avec le même d’enthousiasme. De véritables polyglottes, je vous dis. Ils changent les gouts au gré des variations dans les stocks des barmen. Si ce n’est pas être bilingue, alors je ne sais pas ce que ça signifie.

Le bilinguisme sentiments

Très important, ce type de bilinguisme est très prisé par certaines camerounaises affectueusement appelées panthères. Pour confirmer leur polyvalence langagière, c’est simple : prenez leur téléphone et consultez le répertoire. Il y figure à coup sûr des contacts avec des noms sous la forme « Mougou 1 », « Mougou 2 », « Mougou 3 », « Mougou 4 » ou, mieux, vous aurez « Eau », « Électricité », « Loyer », « Ration ». Mais nous, on lit plutôt « français », « anglais », « allemand », « espagnol ». N’en demandez pas plus, elle est bilingue.
Pour ce qui est des gars, ne vous attendez pas à voir numéroté « Panthère 1, 2, 3 ». Peut-être « Ndolè », « Kondré », « Couscous gombo ». Mais pour détecter un vrai gars bilingue sentiments, vérifiez son répertoire et constatez : il n’a pas de contact féminin – excepté sa mère et ses sœurs. Mais, chaque fois que vous trouverez un prénom masculin bizarre, ajoutez-y un i ou un e à la fin, et vous comprendrez que son dur pote « Paulin » s’appelle en réalité « Pauline »,  son camarade Émile c’est une demoiselle prénommée « Émilie » et que Monsieur George a une paire de seins et dans son acte de naissance porte le prénom « Georgette ». Plus bilingue qu’un camerounais, tu meurs.

Le bilinguisme « Baileys »

Terminons par le bilinguisme le plus atypique, mais néanmoins le plus répandu hors de nos frontières. Je m’explique : vous vivez au Cameroun, disons au quartier Essos – j’ai choisi au hasard, hein. Votre voisin, bel homme, aisé, véhiculé… L’homme dont toutes les femmes rêvent, quoi. Mais bizarrement, jamais aucune dame ne lui end visite, si ce n’est sa vieille maman. Avouez que vous êtes intrigués. Jusqu’au jour où, par mégarde vous le surprenez embrassant un autre type dans sa voiture ou bien dans un couloir obscur – ou en train de boire du Baileys, ça revient au même. Et là, vous comprenez tout : c’est un bilingue. Un adepte du bilinguisme « Baileys ».
Voilà. Pour ceux qui hésitaient encore à venir chez nous, voici quelques raisons de songer à nous visiter. Surtout si vous venez d’un pays bilingue – quel que soit le type de bilinguisme que vous y pratiquez.

* I no di hear fine weti you di tok. Abek tok na fo english: Je ne comprends pas ce que tu dis. Pardon, parles en anglais (en pidgin)

** Mbom: gars (en camfranglais)

*** Mimba: se vanter, en faire un peu trop (en camfranglais)

**** Abek, bro leave that your grammar fo school. No came disturb me here with’am: Pardon mon frère, laisse la grammaire (l’anglais standard) à l’école. Ne viens pas me déranger avec ça ici (en pidgin)


L’humour au Cameroun : caractéristiques et conséquences sur le plan éducatif

Jean Miché Kankan, célèbre humoriste camerounais - Crédit photo www.nkul-beti-camer.com
Jean Miché Kankan, célèbre humoriste camerounais – Crédit photo www.nkul-beti-camer.com

Qui au Cameroun, jeunes et vieux, hommes et femmes, pourrait prétendre ne pas savoir qui est Jean Miché Kankan, cette icône de l’humour camerounais qui s’est malheureusement éteint il y a quelques années ? Oui, Jean Miché a marqué les esprits, inspiré les jeunes et les moins jeunes, créé un style qui a marché – et qui continue à divertir le public. Avec lui et même après lui, plusieurs humoristes ont émergé, plusieurs styles se sont développés.
Mais, au juste, qu’est-ce qui fait rire chez ces artistes ?

Des noms d’artistes minutieusement choisis

Le premier élément qui attire l’attention du public et le prépare au rire, c’est sans doute les noms d’artistes choisis par nos humoristes. Tenez, nous avons, entre autres : Jean Miché Kankan, Tandandan, Fingon Tralala, Tagne Kondom, Tchop Tchop, Tonton Casserole, Man No Lap, Moussa Jean Kalagan, Massa Yacob, etc. Est-il encore nécessaire de démontrer l’importance du nom de l’artiste ? Le bon produit, paraît-il, se reconnait à son étiquette ; de la même façon, le bon humoriste doit avoir un nom qui au moins fait sourire, preuve qu’il est suffisamment drôle pour faire rire. C’est probablement la raison pour laquelle dans la plupart des noms d’artistes, on retrouve soit des combinaisons de sons dont le résultat est insolite (Tralala, Tandandan, Kalagan), soit des mots en pidgin ou en langue vernaculaire (Man No lap, Big Mami, Big Mop, Tchop Tchop, Fingon), soit encore des noms d’objets, d’aliments etc. (Casserole, Bounga, Condom, Mitoumba).

Le vestimentaire et l’apparence physique soignés

Après avoir choisi des noms ne laissant aucun doute sur leur profession, nos artistes soignent leur apparence. Ceux qui ont le souvenir de Jean Miché Kankan ne me démentiront pas : chaussures de femmes au talon démesurément haut, bas rouges en grosse laine, pantalon trop large, rafistolé par endroits et maintenu au rein la plupart du temps par un morceau de corde ou bien par une vieille cravate, veille veste toute délavée ou pire, barbe négligée et, pour coiffer le tout, un couvre-chef datant de Mathusalem qui a du servir de repas à des rongeurs pendant quelques temps… Il n’avait pas besoin d’ouvrir la bouche pour faire rire.
Cette tendance a été copiée par ses contemporains, mais aussi par les générations suivantes, avec quelques détails en moins, mais toujours est-il que l’apparence physique, l’accoutrement, les accessoires, contribuaient à captiver le public et à le mettre dans la posture de celui qui va bientôt rire.

La langue, arme ultime de l’humoriste

Le troisième élément de la panoplie de nos amuseurs, et peut-être le plus important, c’est la langue. Sur ce point également, les artistes humoristes camerounais sont unanimes : pour faire rire, il faut savoir quoi dire, mais aussi comment le dire. C’est ainsi que dans la plupart des sketches produits par nos artistes locaux, on remarquera certains points sur lesquels les artistes mettent un accent particulier :
– L’intonation : certains groupes ethniques au Cameroun semblent caractérisés par une façon particulière de prononcer certains sons, certaines lettres. Les artistes insistent donc sur ces particularités. On pourra ainsi facilement reconnaitre le personnage bamiléké à sa façon de transformer les ‘r’ qui se trouvent au milieu des mots en ‘k’ et à insérer des ‘que’ à tort et à travers dans les phrases (il est que venu me voir à quatokze heures), le bassa à son incapacité à prononcer le son ‘u’ qui devient ‘i’ et le ‘e’ qui reste ‘é’ (lé bifflé), le nordiste en général à son incapacité à prononcer les son ‘v’ et ‘u’ qu’il remplace par ‘w’ et ‘i’ (la watir), le béti  à  sa façon particulière de parler français – ici chez nous, on dit qu’il parle français en éwondo.
– L’utilisation de mots tirés des langues nationales : pour renforcer l’effet hilarant de l’intonation, il n’est pas rare de voir un humoriste insérer dans ses dialogues des mots tirés des langues vernaculaires pratiquées au pays. (Gue gue kaa be, tu chekche quoi ?)
– Le registre de langue : un autre constat que nous pouvons facilement faire en écoutant les productions de nos artistes, c’est que le français utilisé dans ces œuvres est loin d’être irréprochable. Les personnages, pour être drôles, ne se retiennent pas d’utiliser « lui » au lieu de « le » ou « la », et commettent délibérément d’autres fautes de nature à déclencher l’hilarité chez le public.
Après cette tentative – maladroite– d’énumération des particularités de l’humour camerounais et des techniques utilisées par les artistes pour développer leur art, essayons de voir comment leur message est reçu par le public, et surtout quel impact le message transmis par les sketches sur le plan éducatif.

L’humoriste : un modèle, un éducateur

L’humoriste, comme tous ceux qui pratiquent des professions qui les emmènent à être face à un auditoire (enseignants, journalistes, musiciens,etc.), sont des modèles. Leur style sera la plupart du temps imité, leurs histoires drôles racontées à d’autres, leur façon de parler copiée, leurs chansons fredonnées…Et c’est là que le bas blesse.

La tendance générale, nous l’avons dit, c’est l’utilisation d’un langage douteux pour s’exprimer dans les sketches. Pour des adultes avertis, c’est amusant, sans plus. Mais qu’en est-il des jeunes apprenants qui sont encore en train d’apprendre ou d’acquérir la langue française ? Ce qui est sûr, c’est qu’ils iront imiter ces artistes qu’ils adulent. Il n’est pas rare, de nos jours encore, d’entendre des jeunes parler comme Fingon Tralala ou Tagne Kondom, de les entendre utiliser des expressions propres à tel ou tel humoriste. Certains enfants même essaieront de marcher, se vêtir, être comme eux (qui a oublié la fièvre déclenchée par la démarche atypique du fameux sorcier Eza Boto ?) Donc, si l’artiste imité fait des fautes – volontaires ou pas – dans ses productions, il y a de fortes chances pour qu’une bonne partie de la population jeune se retrouve déroutée.
L’humour est sans conteste un moyen efficace de critiquer et d’éduquer la société en incitant au changement positif, à l’amélioration. Les artistes se servent du rire pour dénoncer. On a rarement envie d’imiter celui dont on s’est moqué dans une histoire. Jusque là, pas grand-chose à redire, car dans leurs sketches, nos humoristes montrent que la vertu, l’honnêteté et le travail ardu doivent primer sur la paresse, le mensonge, etc. Mais comme nous l’avons noté plus haut, la manière de dire compte, et la volonté de divertir le public ne devrait pas primer sur la nécessité de montrer le bon exemple aux jeunes citoyens en quête de repères solides et de modèles fiables. L’artiste est un éducateur et chaque sketch devrait être, en plus d’une leçon de vie, une leçon d’expression orale, de grammaire, de vocabulaire.


Femme camerounaise, à quand ton indépendance ?

Coco Argentée, artiste musicienne Camerounaise
Coco Argentée, artiste musicienne Camerounaise – Crédit photo: www.culturebene.com

Singulière histoire que celle racontée par l’excellente Coco Argentée, artiste musicienne camerounaise dont la carrière a atteint la vitesse de croisière, dans la chanson Coco carbure contenue de son dernier album intitulé Trésor. La chanson raconte l’histoire d’une demoiselle qui soutient son gars pendant qu’il galère. Mais quand le bon monsieur sort enfin la tête de l’eau, il jette la pauvre pour une waka – une prostituée – qui n’a même pas souffert pour lui.

Cette chanson a deux avantages : elle nous présente un modèle, un exemple de femme qui a réussi dans son domaine. Je parle de l’artiste, bien sûr. Coco Argentée vient de sortir un album diversifié et très apprécié, sans pour autant insister sur le dessous de la ceinture comme c’est la mode depuis quelques temps, surtout chez nos sœurs qui font dans le bikutsi. D’un autre côté, et c’est le plus intéressant, sa chanson montre à quel point la femme camerounaise est dépendante de l’homme.

Profession : femme au foyer

Pour la majorité des camerounaises, la vie de rêve se résume à ne rien faire. « Femme au foyer, ça j’ai assumé », dit Coco Argentée. Il suffit d’observer quelques couples autour de nous. Dans la plupart des cas, l’homme travaille mais pas la femme. C’est vrai que cette tendance est en train d’être éradiquée par les conditions de vie qui sont de plus en plus difficiles au Cameroun, mais toujours est-il que généralement l’homme ramène plus d’argent à la maison, les femmes se contentant de petits métiers ou bien d’activités commerciales peu lucratives. Quelqu’un a chanté « Série C » il y a quelques années.

Le paradoxe dans tout ça c’est qu’elles trouvent inadmissible qu’un homme soit également sans emploi. Écoutons Coco Argentée : « Je t’ai supporté pendant des années. » En clair, elle se glorifie d’avoir vécu avec un type qui n’avait pas de boulot, oubliant qu’elle-même était sans emploi et qu’il la supportait de la même façon qu’elle le supportait. Ça fait sourire quand elle déclare « J’ai mis ma vie en suspens pour ta carrière professionnelle. » De quelle vie parle-t-elle au juste ? Sans emploi, sans biens, consommatrice en puissance, le seul sens qu’on donnerait à l’expression « mettre sa vie en suspens » c’est qu’elle a arrêté de manger dans la maison du gars ! Non, madame, ta vie a continué comme d’habitude : manger, boire, dormir. Tu aurais eu exactement la même vie sans lui, alors ne parle pas de sacrifice.

Dépendante de l’homme

Les camerounaises dépendent des hommes pour tout. A vrai dire, elles vivent à travers leurs hommes, pour la plupart. Coco argentée nous le démontre : « J’ai sacrifié ma vie pour ton avenir », dit-elle, avant d’ajouter « Ton avenir, je le croyais, serait le mien. » Que dire d’autre ? C’est clair que notre héroïne mise tout sur son homme. Elle se sacrifie pour que ce dernier réussisse. Manque de confiance en soi ou bien manque de compétence ? La réponse dépendra des cas. Mais dans chaque cas, le point commun reste cette dépendance, cette incapacité de s’affranchir des hommes, cette impossibilité de se débrouiller toutes seules.

Il arrive même que nos sœurs oublient carrément leurs propres intérêts pour ne s’intéresser qu’à ceux de leurs hommes, un peu comme si leur plaisir passait par celui des hommes. Coco argentée dit, à ce propos qu’elle sucrait la vie de sont gars et qu’elle était toujours là pour lui. Il n’y a réciprocité à aucun moment dans la chanson. C’est, invariablement, « je t’ai encadré, je t’ai supporté, je t’ai soutenu, j’ai sacrifié ma vie, j’ai toujours été là pour toi, je sucrais ta vie, j’ai mis ma vie en suspens » etc, et non « On s’est supportés, on s’est soutenus… »

Amoureuse de l’argent

Tous ces « sacrifices », les go y consentissent pour une seule raison : l’argent. C’est bien connu en Afrique, la beauté d’un homme se trouve dans sa poche. C’est évident, si une camerounaise t’encadre, te soutient, te supporte et sacrifie sa vie pour toi, sache qu’elle investit à plus ou moins long terme. Elle sait que le gars a des potentialités, elle flaire le jackpot. Et dans ce cas, elle mise tout sur lui. En retour, elle attend qu’il s’occupe d’elle – elle est femme au foyer, ne l’oublions pas. Sur ce point également, Coco Argentée me donne raison. Après qu’on l’ait abandonnée, la demoiselle de la chanson trouve un nouveau gars : « J’ai trouvé mon gars qui m’a belle-gotisé, qui m’a kaolotisé, qui a changé ma vie. » Il l’a rendue plus belle, l’a couverte d’euros et aujourd’hui elle carbure. À croire que, toute seule, elle n’est pas capable de se prendre en charge, de changer sa propre vie. Et pour elle, c’est « l’évolution de la femme. » Une évolution conditionnée par l’homme.

Débrouillarde

On ne saurait terminer sans mettre en valeur le côté débrouillard des femmes. Oui, elles savent quand même se débrouiller pour « trouver » de nouveaux gars qui leur donneront le kaolo – l’argent – et qui leur permettront de carburer en euros. Comment trouvent-elles ces gars ? Coco Argentée nous donne une piste : « Dieu merci pour moi me toyi minga asik. J’ai zouté zouté me segue yanga. » Donc, elle a zouté. En béti, zout désigne le sexe. Cette portion ne laisse aucun doute sur les activités qu’elle a menées pour trouver – entendez séduire – le bon gars. Et cela lève peut-être le voile sur ce qu’elle pense avoir sacrifié pour son ex. puisqu’elle dit elle-même qu’elle le sucrait.

Au-delà de cette analyse de morceaux choisis de la chanson de Coco Argentée, disons que c’est peut-être du fait de la culture que les femmes camerounaises se mettent dans cette position d’éternelles assistées. Même quand ces dernières ont un salaire conséquent, il n’est pas rare de les entendre réclamer l’argent de poche à leurs maris qui pourtant s’occupent de tout dans la maison. Et ce n’est pas faux non plus de dire que dans l’esprit de plus d’un africain, la femme n’a aucune dépense à faire dan la maison ou ailleurs. C’est la charge de l’homme de s’occuper de tout, même si ses revenus sont identiques ou inférieurs à ceux de sa femme. Le danger, dans ce cas, c’est que les femmes ne seront jamais respectées car considérées comme des consommatrices qui, parce qu’elles ne contribuent pas aux charges de la maison, n’ont aucun avis à donner dans les décisions à prendre dans la maison.

Voir les paroles de la chanson.

Écouter la chanson.


Enseignement secondaire au Cameroun: pourquoi ça ne marche pas?

Des élèves du secondaire en classe
Crédit photo: www.journalducameroun.com

C’est septembre. La rentrée scolaire est là, avec toutes les agitations qu’on lui connait : les parents qui se battent pour inscrire leurs enfants, des établissements qu’on crée à tout coin de rue, les enseignants qu’on mute, les proviseurs qu’on nomme etc. Chaque septembre, c’est le même scénario : bousculades, plaintes, négociations, magouilles…

Passée la fièvre de la rentrée, le calme revient sur la vie éducative camerounaise. Un calme apparent, quand on sait ce qui se passe dans les établissements car en réalité, c’est après septembre que les vrais problèmes commencent. Le constat est général, l’enseignement au Cameroun a perdu de son éclat. L’époque où on pouvait accorder du crédit aux diplômes obtenus par nos jeunes concitoyens est à peu près révolue. Mais pourquoi cette décadence dans notre système éducatif ? Quelles sont les causes de la déchéance intellectuelle au Cameroun ?

Surpopulation dans les salles de classe

Si on s’amuse à faire un tour dans les salles de classe des établissements publics de la ville, on fera un constat général : les classes sont surpeuplées – et c’est rien de le dire. Parfois il y a à peine assez d’espace pour que l’enseignant écrive au tableau. La conséquence c’est qu’il devient presqu’impossible de faire cours, car pour qu’un cours soit bien dispensé, un maximum de silence est requis dans la classe (les élèves peuvent-il apprendre sans écouter ?) L’une des techniques de contrôle de la classe c’est la circulation dans la classe, entre les tables-bancs. Dans nos lycées, CES et collèges, c’est quasiment impossible de circuler en classe à cause des bancs qui occupent tout l’espace disponible. Dans ce contexte, l’enseignant se retrouve généralement en train d’enseigner les deux premiers bancs de chaque rangée. Si, dans une classe de 120 élèves on ne peut se faire entendre que de 20 élèves, alors il est impossible d’espérer quoi que ce soit de ces derniers. Même ceux qui peuvent écouter seront distraits par les autres.

Mais pourquoi cette surpopulation ? La question est à poser aux proviseurs ainsi qu’aux membres des commissions de recrutement. Il existe un texte ministériel fixant le nombre maximum d’élèves dans une classe. Il est évident que les proviseurs n’en font aucun cas. Les recrutements se font moyennant un petit quelque chose. Comme l’a dit quelqu’un, « pendant les mois qui se terminent par –bre (septembre, octobre, novembre et décembre), les proviseurs sont des rois. »

Enseignants « à vocation urbaine »

En fin août – début septembre, les enseignants sont généralement mutés. Et il suffit d’aller voir les listes pour s’en rendre compte : tout le monde veut travailler en ville, et dans les grandes villes, de préférence. Dans certains établissements de la ville de Yaoundé, on retrouve des départements avec près de 25 enseignants, tandis qu’ailleurs, dans les périphéries et même dans d’autres villes, il y en a à peine deux ou trois pour la même matière. C’est pour cela que certains ont 20 heures de cours par semaine tandis que d’autres en ont trois ou quatre. Dans les deux cas, il est impossible de bien enseigner, car soit on a 3 ou 4 heures par semaine et on se lance dans d’autres activités – qui finissent par nous absorber – parce qu’on a trop de temps libre, soit on a 18 ou 20 heures et on se retrouve en train de bâcler les leçons, de mal préparer les évaluations et de corriger les feuilles avec négligence (surtout si on a des classes de 120 élèves) parce qu’on croule sous les heures.

Pourtant, il existe des délégations régionales qui maitrisent les effectifs dans chaque établissement de chaque région. Comment se fait-il donc que certains enseignants sont mutés des établissements en carence de personnel vers ceux qui en ont déjà trop ? C’est au ministre et au directeur des ressources humaines du Ministère des Enseignements Secondaires de répondre, car malgré le fait qu’il y ait des listes qui viennent du ministère chaque année pour le recensement du personnel dans les établissements, on assiste généralement à l’exode massif des enseignants des périphéries et des villes éloignées vers les villes principales (Douala, Yaoundé, Bafoussam etc.) Il se murmure également dans les coulisses que pour être muté où on le désire, on doit donner un petit quelque chose au boss par ses nombreux intermédiaires, sinon…

La formation au rabais ou inappropriée

Ce serait faire preuve de mauvaise foi que d’éviter d’indexer les écoles responsables de la formation des enseignants au Cameroun. Au mieux des cas, la formation qui leur est donnée est inappropriée, car le plus souvent l’accent est mis sur les matières académiques (littérature, langue, etc.) au détriment des matières professionnelles (pédagogie, didactique, méthodologie). Pourtant l’expérience montre que les connaissances livresques et les savoirs savants sont insuffisants pour préparer et surtout dispenser une bonne leçon. Pourquoi n’insiste-t-on pas plus sur les matières professionnelles ? J’aimerais avoir la réponse d’un directeur d’école normale à ce sujet. D’ailleurs, pourquoi les enseignants n’ont que trois mois de stage pratique sur au moins deux ans de formation ? Mystère. Dans tous les cas, les effets dévastateurs de cette politique éducative ne sont plus à démontrer dans les salles de classe.

Il est également à noter que certaines écoles normales souffrent cruellement du manque d’enseignants spécialisés en sciences de l’éducation. Ceux qui sont là, sans être du domaine et la plupart du temps sans être passés eux-mêmes par des écoles normales, font de leur mieux. Ce qui est insuffisant pour assurer une formation de qualité aux enseignants. Au finish, seuls les plus brillants et les plus travailleurs pourront s’améliorer sur le terrain.

Incompatibilités entre les approches pédagogiques et le contexte d’apprentissage

Depuis deux ans, au secondaire on parle d’Approche Par Compétence avec Entrée par les Situations de Vie (APC-ESV). Il s’agit d’une nouvelle approche pédagogique qui vient remplacer l’ancienne (l’approche par les objectifs). Cette approche qui se veut plus pratique et plus efficace est cependant incompatible avec l’environnement éducatif dans lequel nous évoluons. En effet, dans l’APC-ESV, l’enseignant a pour rôle de guider l’élève dans sa découverte du savoir. C’est à l’apprenant de faire ses expériences pour découvrir la notion à apprendre. En clair, avec l’ancienne approche, l’enseignant était le lien entre le savoir et l’apprenant. Ici, il est juste un facilitateur qui intervient en cas de difficulté). Seulement, avec les effectifs pléthoriques enregistrés dans nos salles de classe, peut-on efficacement implémenter cette approche quand on sait qu’elle exige à l’enseignant de s’occuper particulièrement de chaque élève ? Mission impossible, même si les élèves forment de petits groupes – avec 150 élèves dans une classe, combien de groupes aura-t-on ?

Au niveau du primaire, il existe ce qu’on appelle la « promotion collective » qui voudrait que les élèves évoluent tous en classe supérieure. Cela signifie qu’aucun élève ne doit redoubler une classe. Les conséquences sont désastreuses. Il n’y a qu’à voir les résultats des concours d’entrée en 6ème pour s’en rendre compte. Ce système, lui aussi calqué sur le modèle européen (ou il y a parfois 15 ou 20 élèves par classe), n’est pas adapté à notre contexte car lui aussi requiert une attention particulière de la part de l’enseignant.

Pourquoi donc insister pour appliquer des politiques éducatives qui ne seyent pas à notre contexte ? Pourquoi ne pas mettre en place un cadre propice à leur implémentation avant de les valider ? Les inspecteurs nationaux ont peut-être les réponses à ces questions.

L’Office du Baccalauréat du Cameroun (OBC) et la Direction des Examens et Concours (DECC), coupables ou pas ?

Quel est le degré d’implication de ces deux organes chargés de l’organisation des examens officiels dans le déclin du niveau scolaire au Cameroun ? Il suffit d’assister aux délibérations desdits examens, ou bien de se renseigner à propos. Plusieurs rumeurs ont fait état de ce que le BEPC a été délibéré à 06/20 au Cameroun une année. Si ces rumeurs exagéraient forcément sur la moyenne qui permettait d’avoir le diplôme, il n’en demeure pas mois vrai qu’au Cameroun, on n’a pas besoin d’avoir 10/20 pour réussir à un examen. Loin de là. Après avoir ajouté des points aux candidats, il s’avère que les jurys qui ne sont généralement pas libres de définir leurs propres critères de délibération, se voient obligés de faire passer des candidats non méritants en se basant sur les critères que l’OBC ou la DECC imposent aux présidents de jurys.

Si les organes chargés de s’assurer que le niveau scolaire ne baisse pas sont ceux-là mêmes qui insistent pour que des cancres soient admis aux examens, que pouvons-nous espérer des apprenants ? Pas de l’ardeur au travail, en tout cas. Dans quel but le font-ils ? Peut-être pour contenter certains parents. Mais les conséquences, c’est toute la nation qui les subit.

En fin de compte, notre système éducatif secondaire rencontre des difficultés à tous les niveaux, de la base au sommet, en passant par les maillons essentiels que sont les enseignants et les élèves. Une remise en question sérieuse est indispensable pour redresser la courbe. Une révision des programmes de des approches d’enseignement, de même qu’un rehaussement de la qualité de la formation du personnel enseignant s’avère nécessaire. En plus, les conditions idoines de travail et un peu plus de sérieux dans la gestion des ressources humaines seraient un plus dans la tentative de redressement de notre éducation qui meurt à petit feu.


Ça y est! La saison quatre est lancée…

La joie de la réussite
Crédit photo: www.rti.ci

Enfin, les résultats tant attendus des sélectionnés pour la quatrième saison des blogueurs de la plateforme mondoblog sont disponibles. Et, Dieu merci, je fais partie des sélectionnés. Mais je dois avouer que ça n’a pas été facile, hein. La vérité c’est que je suis passé par plusieurs étapes pour pouvoir arriver ici aujourd’hui.

Etape 1: L’inscription

Je me souviens que l’année dernière, j’ai raté de justesse la période d’inscription au concours. Je m’en suis voulu pendant les 12 mois qui ont suivi. Pour cela, depuis septembre 2013, j’ai assidument visité le site mondoblog.org. On ne sait jamais hein, les dates peuvent changer entre temps. jusqu’au jour où enfin j’apprends la bonne nouvelle, postée sur le mur facebook de mondoblog. Je pense que j’étais parmi les premiers à s’inscrire. Ca, c’était le plus facile. La suite allait être plus compliquée.

Etape 2: L’attente

Puis, le calvaire a commencé. Il fallait attendre, attendre, attendre. Le 10 septembre, qu’ils avaient dit, les résultats seront disponibles. Plus on approchait le 10 et plus j’étais anxieux. Je me souviens que je vidais constamment les spams dans ma boite de réception, espérant enfin recevoir le mail de mondoblog.org, mais rien. Le silence assourdissant, le calme plat.

Etape 3: La mauvaise nouvelle

Et puis, il y a eu cette nouvelle, cette mauvaise nouvelle. Hier, après avoir revérifié mes mails et mes spams sur mon smartphone et même sur PC – comme si ça allait changer quelque chose -, je reçois enfin un message de… Mondoblog RFI! Frénétique, je l’ouvre, et le survole rapidement. Une phrase capte mon attention: « Malheureusement, vous n’en faites pas partie. » Je relis la phrase encore et encore, mais elle ne change pas. La sentence est tombée, tel un couperet: je n’ai pas été assez bon.

Etape 4: Le plan B

Comme conseillé dans le mail, je me rends immédiatement dans le site de l’atelier des média RFI, dans l’espoir de m’inscrire et, au moins publier quelques billets en attendant la prochaine saison. j’y vais, je m’inscris et j’attends patiemment que mon inscription soit approuvée.

Etape 5: La bonne nouvelle

Ce matin, résigné, je consulte mes mails, histoire de me vérifier que mon inscription a été approuvée dans l’atelier des média – faute de mieux! Et là, surprise.  J’ai reçu trois mails dot deux très importants de Mondoblog RFI: le premier m’annonçant ma sélection pour la quatrième saison, et le deuxième réitérant l’information transmise par le premier, avec une petite précision: il y a eu erreur de manipulation, et certains qui étaient pourtant sélectionnés ont reçu des messages leur annonçant le contraire.

Ouf, je respire!

L’aventure peut enfin commencer !