Fotso Fonkam

Des « Boko Haram » plus dangereux que ceux qu’on combat aux frontières

Cela fait déjà plus d’un an et demi que le Cameroun est aux prises avec les membres de la secte islamique Boko Haram (le premier enlèvement attribué à Boko Haram au Cameroun remonte à février 2013). Ces derniers multiplient des incursions dans notre territoire, détruisant, égorgeant, bombardant sur leur passage – avec notre aide. Ennemis du Cameroun, ils mettent tout en œuvre pour que la population se sente en insécurité totale. Actuellement, l’attention de tous les Camerounais est focalisée sur l’Extrême-nord du pays où l’armée essaie tant bien que mal de repousser les attaques de plus en plus récurrentes des assaillants. Mais vous savez, la peur, l’insécurité, la mort ne nous sont pas réellement étrangères : bien avant l’arrivée de Boko Haram au Cameroun, nous vivions déjà sous la domination de quelques « Boko Haram » d’un autre genre.

Boko Haram #1 : Les routes camerounaises

Selon l’OMS, on enregistre en moyenne 1 000 décès dus aux accidents de la route chaque année. Si vous suivez la radio ou bien la télévision, vous serez choqués par le nombre d’accidents qui surviennent sur nos routes ! C’est à croire qu’il n’y a pas de ministère en charge des transports au Cameroun ! Pourtant, il y en a un. Pourtant, on organise des campagnes de prévention. Pourtant, il y a des postes de péages le long des routes, où on prend de l’argent aux usagers. Mais à quoi sert cet argent, au juste ? Quand on voit l’état déplorable des routes au Cameroun, on se pose beaucoup de questions sur l’utilisation qui est faite de l’argent récolté aux péages.

 

Accident de la route - Crédit photo: lindigne.blogspot.com
Accident de la route – Crédit photo: lindigne.blogspot.com

Quand au mauvais état des routes s’ajoute le nombre sans cesse croissant de chauffards, on peut imaginer les résultats en termes de morts ! Pourtant, les auto-écoles pullulent au pays. Mais la vérité est que la plupart des Camerounais ont un permis de conduire avant même de s’inscrire dans les auto-écoles – ceux qui sont suffisamment conscients pour s’y inscrire. Et c’est simplement parce que le processus d’obtention d’un permis de conduire tient moins compte de l’aptitude du candidat à conduire un véhicule qu’à sa capacité à mouiller la barbe. En bon Camerounais, on mouille la barbe aux agents des bureaux de transport pour obtenir le permis. En route, on mouille la barbe aux policiers pour qu’ils ne demandent pas les papiers du véhicule ; pour finir, on mouille le bitume avec le sang des compatriotes.

Boko Haram #2 : Les hôpitaux camerounais

Au Cameroun, l’hôpital est parfois le dernier lieu où les malades se rendent. Et pour cause ! La devise dans la plupart de nos

Hôpital Laquintinie - Crédit photo: camer.be
Hôpital Laquintinie. N’y allez pas si vous n’avez pas de quoi tchoko* – Crédit photo: camer.be

hôpitaux, c’est « Payer avant d’être servi » ; c’est même « Payer pour être servi » dans certaines structures. Le personnel soignant, insensible, vous regarde mourir sans émotion si vous êtes incapables de les activer avec quelques billets. Parfois, un billet de 1000 francs suffit pour qu’on s’occupe de vous ou bien de votre malade. 1000 francs ! Voilà le prix d’une vie pour certains employés de nos hôpitaux (c’est beaucoup moins que le prix auquel Boko haram promettait de  vendre les lycéennes enlevées à Chibok). Ici chez nous, on qualifie d’ailleurs les hôpitaux de mouroirs. Et à juste titre.

Boko Haram #3 : L’armée camerounaise

Sans vouloir généraliser, je peux dire que l’armée contribue à répandre l’insécurité et la peur dans l’esprit des Camerounais (exactement comme Boko Haram). Même si on met de côté les cas des hommes en tenue chefs de gangs, ou bien ceux qui louent leurs armes aux hors-la-loi pour qu’ils aillent commettre leurs forfaits, il reste toujours ceux, plus nombreux, qui ne viennent jamais au secours des populations lorsque celles-ci sont en danger. J’ai moi-même vécu l’expérience une fois : il y avait des bruits suspects chez des voisins. Soupçonnant un braquage, j’ai appelé le 117 et je leur ai décris la scène. Ils m’ont promis qu’ils arrivaient dans quelques minutes, mais ne sont jamais venus. Depuis lors, je ne fais plus confiance à nos forces de l’ordre.

Plusieurs hommes en tenue ont fait parler d’eux au Cameroun, semant la terreur, dégainant et tirant sur des civils sans raison suffisante. Il y a quelques années (en 2007), dans la ville de Bafoussam à l’ouest du Cameroun, un homme en tenue à poursuivi et abattu froidement un moto-taximan qui avait refusé de lui donner trois cents francs. Plus récemment, c’est un marin qui ouvrait le feu sur une mère de famille à Kribi. Des cas pareils, on en rencontre tous les jours au Cameroun. Les hommes en tenue au lieu de sécuriser la population, la terrorisent et l’oppressent impunément.

Si on a décidé de combattre le Boko Haram qui est aux frontières, on devrait également prendre des mesures pour combattre les « Boko Haram » qui sont à l’intérieur du pays et qui causent autant de morts que ceux qui viennent du Nigéria.

*Tchoko: Mouiller la barbe, corrompre.


Les camerounais, spécialistes des dessous de ceinture

Le Cameroun est un pays formidable. Ici chez nous, tout ou presque tourne autour du bas-ventre. Ici, on est tellement oisifs – faute de travail – que notre esprit est en permanence focalisé sur « ça ». Il y a quelques années, on a beaucoup critiqué la chanson « Le ventre et le bas-ventre » de Lady Ponce, arguant qu’elle « chante la sauvagerie ». Et pourtant, il fallait voir les gens danser dans les bars ! Il fallait voir les vendeurs de CD piratés compter leur recette après une journée de vente ! On aura beau le nier, chez nous au Cameroun, on aime les histoires de bas-ventre.

Les camerounais manifestent leur expertise en dessous de la ceinture dans plusieurs domaines : écoutez nos musiciens. Dans la plupart des chansons, il y a toujours une partie qui concerne « la chose ». Lady Ponce par exemple, après son premier album dans lequel elle chantait haut et fort « L’homme, le ventre et le bas-ventre, le tour est joué. L’homme, le bas-ventre et le ventre le compte est réglé… », a sorti une autre chanson beaucoup plus explicite dans laquelle elle scandait : « Et ça, et ça là, ça aussi, ça là prends cadeau. » Phrase anodine ? Allez y regarder son clip, et vous saurez de quoi il en retourne.

Crédit photo: losako.afrikblog.com
Crédit photo: losako.afrikblog.com

Face au succès que ce type de chansons, spécialité de K-Tino « La femme du peuple » –aujourd’hui devenue « La femme de Jésus » – connait dans les bars, les boîtes de nuit et même dans les domiciles, plusieurs autres artistes se sont lancés dans la danse ; et on les a critiqués, tout en dansant au rythme de leurs chansons. Qui n’a pas aimé « Aye elang » d’Amazone, ou bien « Fallait pas », de Coco Argentée où elle disait qu’elle a « envie de…, envie de wanwanwan, envie de…, envie de…, envie de faire » ? Moi en tout cas j’ai adoré.

Ils sont nombreux, ces musiciens qui ont compris que le thème qui plaît au Camerounais, c’est l’entre-jambe. Mais ces musiciens ne sont pas les seuls à profiter de notre intérêt particulier pour la « sauvagerie ». Quand on écoute les chaines de radio et de télévision camerounaises, on se rend compte que parmi les chansons diffusées par ces dernières figurent en bonne place les chansons de dessous de ceinture. D’ailleurs, c’est à ces chaînes que nous devons la propagation des chansons « sauvages » à une vitesse fulgurante – et à youtube aussi, mais pas beaucoup. Bizarrement, les mêmes chaînes organisent des débats dans lesquels on condamne ces chansons, alors qu’ils en sont les premiers promoteurs !

Autres amoureux-promoteurs des affaires de cul : les commerçants spécialisés en vêtements pour femmes. C’est vrai ! Sans eux,

Majoie ayi - Crédit photo: gfm.sn
Celles qui ne chantent pas la sauvagerie s’habillent « sauvagement » – Crédit photo: gfm.sn

nos sœurs n’auraient jamais eu de fringues qui mettent l’eau à la bouche des passants et la jalousie ou l’envie dans le cœur des passantes. Si au marché on ne vendait pas de vêtements ne couvrant que les parties du corps où les yeux ne s’attardent pas généralement, je suis sûr que ceux qui font semblant de ne pas aimer regarder les belles choses n’allaient pas trop de plaindre.

Dans cette catégorie de fournisseurs de défroques indécentes, citons également les couturiers. Ils ont compris que coudre des longues robes de grand-mères était le meilleur moyen de se précipiter vers la faillite. Leurs modèles s’adaptent donc aux besoins des Camerounais. Ici, on parle de VCD (Ventre et Cuisses Dehors) et de DVD (Dos et Ventre Dehors).

Tout ceci se passe bien évidemment sous l’œil rincé et approbateur des pouvoirs publics – eux aussi aiment voir les bonnes choses. Dernièrement certains ministres en mal de visibilité ont fait semblant de prendre des mesures visant à combattre les tenues indécentes. Mais au finish, on a compris que c’était juste pour amuser la galerie et encourager les demoiselles à aller de l’avant.

Chez nous, on aime les dessous de ceinture. Si les belles formes de nos sœurs vous énervent, regardez ailleurs.


Quand l’inégalité fait avancer – mon billet pour le BlogActionDay2014

Chaque 16 octobre, dans le cadre du #BlogActionDay, les blogueurs du monde entier publient sur une thématique commune. En 2014, le thème proposé c’est l’inégalité. En prenant connaissance du thème de cette année, je me suis demandé, ce que je pouvais bien dire de l’inégalité, qui n’a pas encore été dit. C’est vrai ! On a parlé des différences de classes, des l’inégalité des genres, les différences entre ci, entre ça, etc. De peur de redire ce qui a certainement déjà été dit et redit, j’ai voulu voir la chose autrement. Dans ce billet, je montrerai le coté positif de l’inégalité ; je vais m’efforcer de présenter l’inégalité comme une source de développement, comme une source de motivation supplémentaire pour l’évolution.

Quel que soit l’endroit où on se trouve sur terre, quelle que soit la société dans laquelle on vit, l’inégalité la plus prononcée, la plus décriée, la plus condamnée est (ou du moins, a été) l’inégalité des genres. Le problème d’inégalité entre l’homme et la femme est aussi vieux que la terre elle-même. On a l’habitude, en en parlant, de n’en évoquer que les aspects négatifs. On oublie la plupart du temps de relever que c’est grâce à cette inégalité que beaucoup de femmes font des efforts pour se hisser à des niveaux où elles n’auraient jamais ni songé, ni même eu envie d’à arriver si elles n’étaient pas très souvent victimes de cette injustice.

Quand on consulte l’histoire du monde, on se rend compte que si la femme peut aujourd’hui se battre pour ses droits, c’est tout simplement parce qu’elle a été victime de discrimination. Il y a quelques siècles, même dans les pays qui sont aujourd’hui des exemples en termes d’égalité des genres, les femmes n’avaient même pas le droit de vote. Avec le temps, ces dernières se sont battues pour évoluer sur le plan social. Aujourd’hui, elles votent au même titre que les hommes.

Tout s'explique - Crédit photo: nouvelobs.com
Tout s’explique – Crédit photo: nouvelobs.com

Ensuite, elles ont voulu travailler, sortir de leur condition d’éternelles assistées pour enfin pouvoir s’affirmer comme des personnes responsables capables de supporter certaines charges du foyer. Je ne dis pas que c’est l’inégalité des genres qui leur a donné envie de travailler, mais je pense que l’acharnement des hommes à les cantonner à la maison a renforcé leur décision de se mettre au travail. La discrimination est venue comme un facteur supplémentaire de motivation. D’ailleurs, dans ces cas-là, même celles qui ne voyaient pas forcément l’utilité du travail vont décider de suivre le mouvement simplement pour prouver aux hommes qu’elles ont des capacités.

Grâce à leur acharnement à combattre l’inégalité établie entre les hommes et elles, les femmes ont réussi à faire croire en elles. Au point où c’est ceux qui les dénigraient qui essaient désormais de les faire évoluer. C’est dans ce cadre qu’en 2002 l’IAI-Cameroun (Institut Africain d’Informatique) lançait l’Opération « 100 000 femmes horizon 2015 », visant à « arrimer la femme camerounaise à la modernité axée sur les Technologies de l’Infirmation et de la Communication (TIC). » (Mediaterre.org).

À mon avis, c’est en partie à cause de grâce à l’inégalité des genres que les femmes ont pu livrer ces batailles. L’injustice dont elles ont souffert a été une sorte de tremplin qui les a propulsées au sommet en renforçant leur volonté et en décuplant leur envie de réussir et de prouvé qu’elles sont capables.

Et ce n’est pas tout.

De mos jours, il n’est pas rare de voir les femmes exercer les métiers autrefois « réservés » aux hommes. Elles sont dans l’armée, dans la politique, dans les branches compliquées de la médecine… mais en même temps, elles conductrices de taxis, coiffeuses pour hommes, électriciennes. Ce sont les conséquences positives de l’inégalité.


Tout ce que le Roi fait est bon, vive le Roi !

Il y a quelques temps, le Roi Lion a perdu sa belle-mère. Cet évènement malheureux a suscité tellement de débats et de commentaires, que je me suis dit que j’allais m’abstenir d’en parler. Aujourd’hui, après quelques jours de résistance, je me décide enfin à en faire mention dans ce billet. J’en parle finalement, parce que je suis un peu écœuré par la réaction des grands intellectuels camerounais face aux décisions que le président prend. Ces derniers, je ne sais pour quelle raison, mettent tout leur génie à contribution pour essayer de justifier et expliquer ce que le président fait. Même quand ça saute aux yeux que la décision est vraiment discutable.

En 2008, alors que la constitution interdisait au président en exercice de briguer un nouveau mandat, notre bon roi décida de revoir la constitution de façon à annuler la limitation des mandats. Tandis que le bas peuple criait au scandale, les bons sujets envahissaient les chaînes de radio et de télévision pour déclarer qu’il n’y avait pas meilleure preuve de démocratie que de laisser le peuple décider de qui allait être son guide. « C’est le peuple qui demande à Paul Biya de se représenter », disaient-ils sur les antennes. « Si ce n’est pas la décision du peuple, le peuple n’a qu’à ne pas voter pour le seul bon choix. » Certains sont allés jusqu’à prendre exemple sur la Grande Bretagne qui a pourtant un régime différent du notre !

Il y a quelques semaines, on annonçait sur les media que notre monarque adoré était le cinquième chef d’état le plus riche en Afrique. Et les tchindas* sont montés au créneau, démentant l’information sur la seule base que Forbes a déclaré n’avoir rien publié à ce sujet. Oui, Forbes n’a rien publié. Mais est-ce une preuve suffisante pour contester le classement effectué par le site richestlifestyle.com ? Pourtant, une loi au Cameroun oblige les candidats aux élections à déclarer leurs biens avant les scrutins. Mais le roi, depuis qu’il se présente aux élections présidentielles, ne l’a jamais fait.

Puis, il y a eu cette fameuse conférence parlementaire du Commonwealth organisée ce 06 octobre à Yaoundé et pendant laquelle le Roi des rois a fait un discours en français, devant une assemblée constituée en majorité de personnes qui ne pigent pas un seul mot du français. On a tous été wanda** ici au pays ; sauf les sabitou*** qui ont défendu bec et ongles cette action d’éclat du Lion. Je les entendais raconter sur les ondes que le président a voulu rappeler le caractère bilingue de notre pays aux pays membres du Commonwealth, qu’il aurait pu s’exprimer en anglais, mais ne le voulait pas – mon œil, oui.

En début de ce billet, je parlais du deuil de la belle-mère du président, Madame Mboutchouang Rosette, qui a suscité tellement d’interrogations au sujet du lieu d’inhumation. En effet, la tradition voudrait qu’une femme mariée soit enterrée dans le village de son mari. On s’attendait donc à ce que cette dame repose à Badenkop, village de M. Mboutchouang, son époux. Mais le roi en a décidé autrement, programmant l’enterrement à Mvomeka’a, son propre village à lui, le village royal.

La dépouille de Madame Rosette Mboutchouang - Crédit photo: africapresse.com
La famille royale endeuillée – Crédit photo: africapresse.com

Et les gens on jasé, bavardé, crié… Mais les sapeurs pompiers se sont encore montrés, tentant d’expliquer des choses qui n’existent que dans leurs cerveaux. Ils ont essayé de nous faire croire que M. Mboutchueng n’aurait peut-être pas doté sa femme, raison pour laquelle elle ne peut être enterrée chez lui. Puis ils ont sorti des lois de la tradition jusqu’ici inconnues fixant que le mariage n’existe pas tant qu’il n’y a pas d’enfant, preuve que Mme Mboutchouang n’était pas en réalité Madame Mboutchouang (puisqu’elle n’a pas d’enfant avec M. Mboutchouang). Ils ont dit plein d’autres choses, allant jusqu’à féliciter le roi, pour sa sagesse et son respect des traditions africaines.

Voilà donc notre Cameroun, celui où on donne toujours raison au roi, celui où le roi est au-dessus de la loi et au-dessus de la tradition, le Cameroun où les intellectuels sont des griots qui ont pour seul objectif de justifier tous les actes du souverain.

*Tchinda : C’est un sbire, un esclave au service du roi dans les chefferies bamiléké à l’Ouest du Cameroun.

**Wanda : ‘étonné’, en camfranglais.

***Sabitou : Terme péjoratif qui désigne quelqu’un qui croit tout savoir alors qu’en réalité il est ignorant.


Ne dites plus jamais que le Cameroun est un pays bilingue !

On a l’habitude de dire chez nous, pour se vanter, que nous sommes dans un pays bilingue. Quand on se compare avec les autre pays de la région ou bien du continent, et on les regarde de haut en disant, « Nous, on est bilingues, pas eux. » On s’estime privilégié d’appartenir à la fois à la Francophonie et au Commonwealth. Mais on oublie de dire que ce bilinguisme qui nous sert de tremplin pour s’élever au dessus des autres est en réalité fictif.

Au Cameroun, nous avons deux langues officielles, le français et l’anglais. Ça, c’est officiellement. Malheureusement, rien n’est plus officiel depuis longtemps ici. Car dans les ministères, on ne parle que français – et ewondo. Si vous avez besoin d’un service, assurez-vous que vous pouvez le demander en français. Même le mercredi, pourtant choisi comme journée hebdomadaire du bilinguisme (journée pendant laquelle on fait l’effort de s’exprimer dans la langue officielle qu’on maîtrise le moins). C’est affiché sur toutes les portes dans les ministères. Mais ça, c’est officiel. Nous, on fait les choses officieusement.

Notre système éducatif ne favorise pas le bilinguisme. Pour commencer, nous avons deux sous-systèmes. Dans le sous-système francophone, l’anglais est juste une matière au même titre que l’allemand, l’espagnol ou bien l’histoire-géographie. On ne lui accorde pas assez d’importance. Certains enseignants d’anglais font d’ailleurs cours en français, l’essentiel pour eux étant que les élèves aient de bonnes notes dans la matière. Tant pis s’ils ne parlent pas, ils ont le français qui est également une langue officielle.

Dans le sous-système anglophone, c’est même pire. En Lower Sixth (6ème année d’études secondaires)  et en Upper Sixth (7ème année d’études secondaires), les élèves ont la possibilité de ne pas faire de français du tout ! Ils ont en effet la possibilité de choisir les matières qui les intéressent, selon leurs objectifs et leurs aptitudes. Tout le monde s’en fout des difficultés auxquelles ils auront à faire face plus tard, quand ils seront obligés de passer un entretien d’embauche en français. C’est le Cameroun qui est bilingue, et non les élèves.

Même officiellement, certains textes qui régissent le pays ne sont pas en faveur du bilinguisme. Par exemple, pour occuper des hautes fonctions comme président de la république, il faut pouvoir s’exprimer en français OU en anglais. Idem pour les ministres, députés, sénateurs, maires, etc. Alors comment peut-on promouvoir le bilinguisme, si les institutions qui représentent le pays ne le sont pas ? Comment encourager nos petits frères à s’exprimer en anglais quand même le président de la république (le premier Camerounais) lui-même en est incapable ?

Photo de famille. Je détecte quelques intrus au premier rang - Crédit photo: prc.cm
Photo de famille. Je détecte quelques intrus au premier rang – Crédit photo: prc.cm

Dire que le Cameroun est bilingue, c’est dire que ceux qui le représentent le sont également. Dernièrement, lors du sommet du Commonwealth organisé au Cameroun, nous avons vu nos représentants suer à grosses goûtes devant quelques phrases écrites en anglais. Les plus courageux lisaient carrément l’anglais en français tandis que les plus réalistes ont simplement fait leurs discours en français. Quel embarras ! Quelle honte ! Quel déshonneur ! Quelle insulte à notre statut de pays bilingue !

Aujourd’hui, on a réussi à digérer la honte et la disgrâce. On recommence à se montrer sans voir les sourires moqueurs du monde entier. Mais une chose est sûre, on ne pourra plus jamais se faire passer pour un pays bilingue.


Stratégie de guerre à la camerounaise: on arme les ennemis au lieu de les combattre

Hier, on apprenait avec joie que les otages pris dernièrement à l’Extrême-Nord Cameroun avaient finalement été libérés par leurs ravisseurs – qui n’avaient pas revendiqué l’enlèvement. Après être revenus de notre soulagement, on a quand même commencé à  se poser des questions sur les conditions de libération de ces otages.

Depuis l’épisode de la libération de la famille Moulin-Fournier en 2013, et malgré dénégations des gouvernements français et camerounais qui affirmaient n’avoir payé aucune rançon, la plupart des Camerounais (et des français) sont restés convaincus qu’il y avait eu une compensation conséquente au profit des terroristes. Sinon, pour quelle(s) raison(s) les ravisseurs auraient-ils pu libérer les captifs ? Pas pour nos beaux yeux.

Lorsque, par la suite, le père Vandenbeusch fut à son tour enlevé puis libéré, les deux états ont tenu presque les mêmes discours que pour les Moulin-Fournier, arguant que le prélat avait été libéré « par compassion » – sans rire, qui peut croire à de telles sottises ? Il n’a pas fallu longtemps pour que les rumeurs commencent à courir, estimant que le gouvernement camerounais a eu à payer 7 milliards de francs (soit 10 millions d’euros) pour la libération du prêtre, plus la libération de quelques prisonniers

Et la série a continué. C’était au tour de la sœur canadienne et des deux prêtres italiens, puis celui des 10 chinois enlevés à Waza, et enfin celui de la femme du vice premier-ministre camerounais Amadou Ali, du lamido de Kolofata et de quelques autres personnes.

Les otages chinois - Crédit photo: afriqueactualite.com
N’oubliez pas de revenir finir vos travaux hein – Crédit photo: afriqueactualite.com

Dans chaque cas, il a toujours été question de contrepartie, la plupart du temps financière. Mais pour le dernier cas en date, les ravisseurs sont montés d’un cran. Cette fois, le Cameroun a payé un peu plus de 2 milliards 63 millions 600 mille francs CFA (4 millions dollars), plus la libération de quatre généraux de Boko Haram détenus dans les prisons camerounaises. Mais ce n’est pas tout. En plus de l’argent, le Cameroun a fourni armes et munitions aux islamistes*.

Je me demande sérieusement où est passé le discernement de nos dirigeants. Je suis sans doute nul en stratégie militaire, mais comment peut-on déclarer une guerre « totale » à un ennemi, et avant la fin de la guerre, lui fournir des armes, des munitions et même du personnel ! Bizarrement, sur les chaines locales, on parle d’une victoire de l’armée camerounaise sur Boko Haram, on réaffirme la volonté du président d’en finir avec les islamistes, on chante les louanges du Chef de l’état qui, dit-on, est « soucieux de son peuple. »

Madame Amadou Ali - Crédit photo: cameroononline.org
Madame Amadou Ali, tu nous a coûté cher, la mère… – Crédit photo: cameroononline.org

C’est peut-être vrai que le président camerounais est soucieux de peuple – moi j’en doute fort. Mais, dans mon coin, je me demande combien de camerounais seront abattus par les armes que nous venons de livrer aux ennemis ? Combien d’attaques meurtrières seront planifiées par les islamistes que nous avons relâchés ? Enfin, combien de camerounais seront recrutés par la secte islamiste, grâce aux milliards que nous venons d’offrir à cette dernière ?

C’est vrai, 27 vies étaient en jeu. Elles ont été sauvées, c’est bien. Mais combien en avons-nous sacrifiées par la même occasion ? Je ne dis pas qu’il fallait abandonner les otages à leur triste sort. Non! Je pense juste que cet échange n’a rien d’équitable. Je pense que nos négociateurs étaient médiocres, ou pire. Je pense enfin que nous nous repentirons bientôt de cet échange désastreux.

* La source est en anglais, donc préparez vos dictionnaires si vous n’avez pas de voisine nigériane comme moi.


Journée internationale de la fille : l’adolescente camerounaise est très autonome

Samedi dernier, se célébrait la 3e édition de la journée internationale de la fille sous le thème « Autonomiser les adolescentes: mettre fin au cycle de la violence. » En découvrant le thème sur une banderole en plein centre de Yaoundé, je me suis dit que ce thème ne concernait pas trop les adolescentes camerounaises. C’est vrai ! Les Camerounaises sont très autonomes, même quand elles sont très jeunes.

Une Camerounaise, quelque soit son âge, est déjà une panthère potentielle. Vous ne connaissez pas les panthères ? Ce sont ces femmes capables de vous faire vendre père et mère pour les entretenir : loyer, meubles, factures, sorties, crédit téléphonique, etc. Elles sont partout, prêtes à bondir sur d’éventuelles proies. Et ne les sous-estimez pas hein. Malgré leur jeune âge, elles ont plusieurs cordes à leurs arcs (elles ont également plusieurs arcs).

J’ai vu On a vu des élèves se déboutonner en classe, s’asseoir en classe de façon très provocatrice, ou bien faire de grands sourires et même des clins d’œil aux enseignants en plein cours. Dès que vous êtres dans leurs griffes, votre sort est scellé. Courrez vite chez Tsala Essomba* – à défaut d’aller chez T.B. Joshua qu’on évite depuis que sa synagogue s’est effondrée sur certains fidèles – pour qu’il vous délivre. Cette catégorie de camerounaises n’a aucun problème d’autonomie – je ne peux pas en dire autant de leurs proies.

Jeunes filles à l'école - Crédit photo: twtrland.com
Les adolescentes doivent s’instruire pour devenir des adultes autonomes – Crédit photo: twtrland.com

Celles qui ne sont pas assez belles pour entrer dans le club pourtant très ouvert de panthères n’en restent pas moins autonomes ! Ce sont des championnes de l’auto-emploi. Baladez-vous dans les villes Camerounaises et vous les verrez : vendeuses d’arachides, braiseuses de poisson ou de plantain-prune, elles ont l’embarras du choix, tellement il y a des opportunités d’emploi ! Ne vous demandez pas à quel moment elles vont à l’école, car elles n’y vont pas. À quoi bon aller à l’école quand on a déjà un emploi ! Surtout quand on est son propre patron.

Jeunes vendeuses - Crédit photo: btaillefer.blogspot.com
Des adolescentes « autonomes » – Crédit photo: btaillefer.blogspot.com

Pour celles qui n’ont pas le fond pour lancer commerce, il y a de l’espoir : avec la rentrée scolaire et la fin des vacances pour la plupart des fonctionnaires et des travailleurs du privé, les nounous et les domestiques sont fortement demandées.

Comment peut-on autonomiser des adolescentes sans les mettre en danger ? Une adolescente, c’est une fillette âgée entre 12 et 17 ans. Dans cet intervalle de temps, les jeunes sont (ou devraient) encore être sous la responsabilité de leurs parents ou tuteurs. Il n’est donc pas question pour ces jeunes-là d’exercer une quelconque profession, sous le prétexte de les autonomiser. Celles qui se livrent au petit commerce ou bien celles qui sont employées comme domestiques sont celles qui subissent généralement des violences. Du moins, elles sont les plus exposées. En témoigne le cas de la jeune vendeuse de poisson violée et assassinée dernièrement à Yaoundé.

J’ai peur de ne pas saisir le sens du mot « autonomie », mais je pense que quel que soit le sens qu’on lui donne, il implique une certaine liberté, une certaine indépendance. Le thème choisi pour cette troisième édition de la journée internationale de la fille à mon avis, manque de logique et de pertinence.

* Tsala Essomba est le fondateur du ministère « Va et raconte » basé à Yaoundé, au Cameroun. Il possède deux journaux, une radio, une chaîne de télévision et même une marque d’eau bénite…


Prix Nobel de la Paix 2014 : pas d’erreur cette fois

C’est ce matin que j’apprenais à travers un billet de Melita que le prix Nobel de la Paix 2014 avait été décerné à Malala Yousafzai, cette jeune pakistanaise qui a été la cible des talibans, il y a quelques années. La nouvelle m’a fait plaisir. Mais ça m’a également soulagé. J’ai été soulagé de savoir que cette année, le comité n’a pas commis l’erreur de décerner le Prix Nobel le plus prestigieux à des personnes – physiques ou morales – qui ne le méritent pas.

Barack Obama, Prix Nobel de la Paix 2009

En 2009, j’ai cru rêver lorsqu’on a annoncé le lauréat du Prix Nobel de la Paix. Plus ridicule encore, c’est la raison qu’on a donnée pour justifier ce choix : « Pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples. » J’ai ri en entendant ça, me demandant quel étaient efforts « extraordinaires » que Barack Obama avait bien pu faire pour « renforcer la diplomatie et la coopération entre les peuples ».

Barack Obama, Prix Nobel de la Paix 2009 - Crédit photo: koulouba.com
Barack Obama, Prix Nobel de la Guerre Paix 2009 – Crédit photo: koulouba.com

Ce qui est bizarre, c’est qu’il arrive au pouvoir en 2008 – et reçoit le prix en 2009 ! Et en tant que président, je me demande si en un an il a réellement pu renforcer la coopération internationale. Ou peut-être le comité Nobel avait vu dans le futur… Parce que depuis 2008, les États-Unis bombardent plusieurs camps islamistes d’Al-Shabaab en Somalie, supposés être liés à Al-Qaïda. Puis, en 2011, Obama se distingue en faisant détruisant totalement la Lybie. C’est le même Obama, Prix Nobel de la Paix 2009, qui entre 2008 et 2009 a soutenu financièrement et militairement l’armée israélienne dans sa guerre contre le Hamas et qui, en 2014, s’allie à l’Iraq pour combattre la Syrie. Voilà donc quelques uns des efforts extraordinaires de ce prodige pour renforcer la diplomatie entre les peuples.

Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques (OIAC), Prix Nobel de la Paix 2013

L’année passée, alors que certains avaient déjà misé sur Malala, on a tous été déçus par le choix du comité d’attribution des prix. C’est vrai, quoi. Si on en arrive à primer une organisation qui a clairement échoué dans sa mission, autant attribuer un Prix Nobel de la Paix à Paul Biya !

On garde espoir - Photo chipée sur facebook
On garde espoir. Un jour un jour pour nous va  arriver – Photo chipée sur facebook

Avec l’entrée en vigueur de la convention sur l’interdiction des armes chimiques de l’OIAC en 2007, on se serait attendu à ce que l’utilisation des armes chimiques dans les conflits cesse. Mais cette organisation n’a pour rôle que de veiller à ce que les pays ayant signé la convention sur les armes chimiques la respectent. Autant dire qu’elle est inutile. Puisque les États n’ont aucune obligation de signer leur convention. Alors, comment une telle association peut contribuer à maintenir la paix dans le monde ? Et c’est normal qu’elle échoue dans sa mission ! Les états qui ont des armes chimiques n’iront certainement pas signer cette convention.

Dernièrement encore, l’ONU (Organisation des Nations Unies) confirmait l’utilisation des armes chimiques en Syrie (qui n’est pas signataire de la convention). D’ailleurs, l’année dernière, tandis qu’on attribuait le prestigieux prix à l’OIAC, du gaz sarin était utilisé à la Ghouta, toujours en Syrie, tuant majoritairement des civils. Alors, qu’a fait cette organisation pour mériter ce Nobel ?

Retour à la normale

On peut donc comprendre mon soulagement à l’annonce de cette nouvelle. Au moins cette année, le comité d’attribution des Nobels n’a pas fait le contraire de ce qu’on attend de lui, car il est évident que les lauréats de cette année, Malala Yousafzai et Kailash Satyarthi (dont on ne parle pas beaucoup) méritent largement de recevoir cet honneur.

Bravo Malala, et bravo Kailash.


Au Cameroun, on est des académiciens

J’aime le français, hein. Surtout le français camerounais, celui-là qui ne suit pas à la lettre les règles grammaticales fixées par les académiciens. Au Cameroun, nous avons nos propres règles, que ce soit en grammaire ou bien en orthographe. Même en vocabulaire, nous faisons la loi. Si vous conversez avec un camerounais, mettez de côté tous ce que vous avez comme savoir, parce que sinon vous courrez le risque de ne pas le comprendre. Voici quelques expressions avec leur sens camerounais :

Marier, verbe transitif direct : Généralement, vous entendrez un camerounais dire, « Mon meilleur ami que tu connais-là a marié sa femme hier. » Ne criez pas au scandale hein. Parce que si vous le faites, vous serez traités d’inculte et de villageois. Car chez nous, en français camerounais, « marier » est synonyme d’« épouser ». Ça signifie en même temps « donner en mariage » et « prendre pour femme ». Le français est plus simple quand on parle camerounais, c’est cair.

Enceinter, verbe transitif direct : Un autre verbe que vous trouverez en abondance dans la bouche des Camerounais, c’est le verbe enceinter. On dira chez nous, « Est-ce que tu sais que le petit gars-là a enceinté la fille du voisin ? » Tant pis pour les longs-crayons*, s’ils se mettent à chercher leurs dictionnaires. Nous on a compris que le petit gars a mis la fille enceinte. C’est très simple : on prend un nom ou un adjectif, on y ajoute un ‘r’ ou bien un ‘er’ et voilà. On a un nouveau verbe. « Engrosser », ça c’est pour les blancs…

Sedar senghor, académicien - Crédit photo: canalblog.com
Léopold Sédar senghor, académicien du français non-camerounais – Crédit photo: canalblog.com

Estomac, nom commun de… maladie : Le jour où un Camerounais vous parlera de sa maladie en disant « Depuis deux ans, j’ai l’estomac », ne lui répondez pas, étonnés, que vous aussi en avez un, et que vous n’en souffrez pas ! Ce sera une moquerie, une insulte – que vous pourrez faire oublier avec quelques bières, heureusement. Oui, parce que chez nous, l’estomac (le C de la fin est prononcé, sinon ce n’est plus le même mot), c’est une maladie. « Ulcère gastrique » que j’entends dans les films là n’existe pas dans le dictionnaire camerounais.

Cadeauter, verbe transitif direct ou indirect, c’est selon : c’est bientôt les fêtes, donc si votre sœur qui vit au Cameroun vous demande, « tu vas me cadeauter quoi pour Noël ? », ne feignez pas l’incompréhension. Dites-lui ce que vous lui offrirez comme cadeau – n’oubliez pas la formule magique, nom + er = verbe. Il existe une variante de ce verbe, que j’ai découverte dernièrement à Maroua. Certains de mes élèves disaient cadonner (je ne suis pas sûr de l’orthographe, hein). Mes élèves m’ont expliqué que c’est la combinaison de « cadeau » et de « donner ». Impossible d’être plus clair.

Pioncer, verbe transitif direct : voici l’un des verbes les plus utilisés par les jeunes au Cameroun. Je l’entends très souvent en classe, dans la cour de l’école, au quartier, partout, quoi. Et c’est généralement dans des phrases du genre « Le prof d’anglais me pionce déjà avec les devoirs qu’il donne chaque jour-là. » Si vous dites à un jeune d’ici que vous voulez aller pioncer parce que vous êtes très fatigués, il vous regardera avec des gros yeux pleins d’étonnement. Et c’est normal, parce qu’en français camerounais, « pioncer » signifie « énerver », « mettre en colère ». Pas dormir.

Voila un peu quelques expressions du français camerounais triés sur le volet. La liste n’est pas exhaustive, hein. Venez au Cameroun, vous allez vous régaler.

*Un long-crayon, c’est quelqu’un qui a fait de longues études.


À l’aide ! J’ai besoin d’un #hashtag !

Grâce à internet, le monde est devenu un village planétaire. On peut facilement, de son canapé, découvrir d’autres horizons, d’autres cultures, d’autres personnes, sans avoir besoin de bouger, sans avoir besoin de débourser un seul Kopeck. Désormais, il n’existe plus de frontières ni de douaniers. On partage tout, on se fait des amis aux quatre coins du monde, on bavarde avec eux comme s’ils étaient assis avec nous, dans le canapé. Mais en même temps, on se sent concerné par les difficultés que les autres vivent. Et, dans un élan de générosité, on peut même les aider. Mais comment ?

Les « Likes »

« Facebook like thumb » par Enoc vt via Wikimedia Commons Sous licence Public domain
« Facebook like thumb » par Enoc vt via Wikimedia Commons Sous licence Public domain

En 2014, les analphabètes sont ceux qui n’ont pas de comptes dans les réseaux sociaux, surtout sur Facebook. Tous ceux qui savent lire ont un compte Facebook savent ce que c’est qu’un « like ». Pour les incultes, c’est ce petit pouce levé qu’on attribue à un statut, à une photo, à un lien ou à un commentaire pour matérialiser notre approbation, ou bien simplement pour dire « j’ai vu ta publication ! » Les « J’aime », nom français du « Like », ont une autre utilité : on les emploie pour marquer sa sympathie, pour montrer qu’on compatit, qu’on soutient un ami en difficulté.

Sur Facebook, il est assez fréquent de lire des publications du genre « Mon fiancé m’a demandé 10 000 « J’aime » pour me faire sa demande en mariage ; aidez-moi, aimez ma photo » ou encore « Maman m’a promis d’arrêter de fumer si je parvenais à recueillir 5 000 j’aime pour cette photo. » Plusieurs autres présentent des photos sorties d’on ne sait quel film de science-fiction, présentant des bébés ou bien des enfants difformes et suivis d’un commentaire disant « Facebook a promis de donner 0, 5 € pour chaque Like pour faire opérer cet enfant. Adider-le, cliquez sur « J’aime ». »

La voici, l’aide made in Facebook. Il suffit de cliquer sur le petit pouce bleu pour que tout aille pour le mieux.

Les Hashtags

Le croisillon - Crédit photo: Wikimedia Commons
Le croisillon – Crédit photo: Wikimedia Commons

Les utilisateurs des réseaux sociaux doivent très bien savoir ce que c’est qu’un hashtag, ces mots qui commencent toujours par un croisillon (#) et qui permettent de rassembler les publications qui les contiennent autour d’un thème précis. Par exemple si vous recherchez #Mondoblog sur Twitter ou sur Facebook, vous verrez s’afficher toutes les publications qui contiennent cet hashtag.

Dernièrement, les hashtags sont devenus le moyen par excellence de revendication sur les réseaux sociaux. On se rappelle du très célèbre #BringBackOurGirls, qui a été utilisé pour dénoncer l’enlèvement des plus de 200 lycéennes nigérianes par Boko Haram. On a vu le monde entier se mobiliser, exprimer ses regrets, sa désapprobation, sa colère. Grâce à ce simple hashtag, la solidarité internationale a pu se manifester à l’endroit des jeunes filles kidnappées.

Problèmes réels, aide virtuelle

Après la pluie des hashtags qui est tombée sur les réseaux sociaux suite à l’enlèvement des lycéennes nigérianes, on a attendu que Boko Haram rende les fillettes à leurs familles et se rende à l’armée nigériane dans la même foulée – pourquoi pas ? On attend toujours. Car c’est un peu naïf, ou bien très hypocrite de vouloir résoudre des problèmes de la vie réelle par des outils virtuels. Les « Likes » ne pourront jamais apporter à manger aux réfugiés dont le nombre augmente chaque jour de façon inquiétante. Les hashtags ne feront jamais cesser la guère en RCA (République centrafricaine) ou bien au Mali. Ce ne sont pas 5 000, 10 000 ou même 15 000 « J’aime » qui iront contenir les soldats de la Seleka et les milices Anti-Balaka qui attaquent le Cameroun à l’est.

No further comment - Photo chipée sur facebook
No further comment! – Photo chipée sur facebook

Les « Likes » et les hashtags c’est comme les prières : après avoir prié, « liké » ou créé des hashtags, il faut encore – et surtout – poser des actes concrets.


C’est du poison, mais vous pouvez en consommer

C’est bien connu de tous, les Camerounais aiment faire la fête. Pas plus tard que dimanche dernier, ils étaient dans l’ambiance. C’était la « fête » des enseignants, mais soyez sûrs que le Camerounais lambda n’a pas eu besoin d’être enseignant pour célébrer. De la même façon, il n’y a pas que les musulmans qui ont fêté l’Aïd El Kébir samedi ! Et pas besoin d’être riche pour faire la fête hein, chacun organise à son niveau. Ainsi, tandis que le riche va siroter un bon cru ou bien un whisky hors de prix, le moins riche sera dans sa bière. Et le plus pauvre va se débrouiller avec son sachet de whisky. 

Le Camerounais a ceci de particulier qu’il boit pour saouler – et oublier ses problèmes. Donc, quand vous le voyez assis au bar, une bouteille à la main, comprenez quel est son but. C’est pour cela que quand les whiskies en sachet ont fait leur apparition dans notre triangle national, nous (les pauvres) avons crié Oyééé ! Finies, les bières trop chères et qui ne saoulaient qu’après la neuvième bouteille. Désormais, on pouvait se saouler très vite et à moindre coût. Plus besoin de mélanger les whiskies des femmes-là avec les bières pour commencer à sentir les effets de l’alcool. Avec Gold Bond, Lion d’Or, Kitoko, Fighter, King Arthur,  Mégore, etc, dès la première gorgée, on ressent déjà les effets. Certains sont même « bons » après un ou deux sachets !

L’efficacité foudroyante de ces produits n’a rien d’étonnant, si on tient compte de leur composition. Certaines indiscrétions en effet parlent d’un mélange de méthanol et d’éthanol (de l’alcool brut, utilisé comme drogue, d’après wikipédia.org). Il faut bien que ça fasse effet. N’oublions pas pourquoi on boit ici chez nous… Quand, à ce Cocktail Molotov s’ajoute du plastique en guise d’emballage, les résultats sont explosifs.

D’après les normes en vigueur au Cameroun, le whisky doit être vieilli pendant au moins trois ans dans des fûts en bois. Heureusement que les sociétés de production de whisky ne respectent pas ce délai ! Grâce à leur whisky, nous avons de  quoi noyer nos soucis !

Il a fallu du temps, mais finalement les autorités camerounaises ont réagi. Dernièrement, les ministres du commerce, de l’industrie et de la santé ont signé un arrêté interdisant la production de ces dangereux spiritueux qui détruisent la santé physique et peuvent aller jusqu’à causer des cancers et des provoquer des troubles du système nerveux – à cause de l’éthanol qu’elles contiennent – chez les consommateurs assidus.

Faut-il féliciter nos ministres, pour une fois ? Pas du tout. Car malgré les risques que présente la consommation régulière de ces boissons empoisonnées, nos chères excellences ont donné 2 ans aux fabricants et importateurs de ce breuvage infect pour écouler leurs stocks. C’est stupéfiant, la légèreté avec laquelle ce problème est traité. Faisant passer la santé des populations au second plan, ces ministres inconscients demandent ouvertement aux citoyens de s’empoisonner pendant deux ans.

Le whisky VIP, pour les grands - Crédit photo: en.wikipedia.org
Le whisky VIP, pour les grands – Crédit photo: en.wikipedia.org

Deux ans à consommer du poison. Deux ans ! C’est largement suffisant pour choper une cirrhose ; il en faut même moins pour se bousiller le système nerveux ! Nos ministres n’en ont cure. Eux, chez eux, boivent du bon vin et du whisky VIP.


Primes à l’excellence universitaire: du gaspillage institutionnalisé

Ces jours-ci, si vous vous promenez autour des universités, écoles normales et autres établissements publics d’enseignement supérieur, vous ne manquerez pas de remarquer l’agitation qui les caractérise. Et pour cause ! L’homme-lion a enfin donné des raisons de se réjouir aux jeunes étudiants Camerounais : il a ordonné le payement des primes de l’excellence académique. Chaque année, c’est plusieurs centaines de millions décaissés et distribués.

Récompenser les meilleurs

Depuis 2010, le président de la république du Cameroun a décidé, pour encourager les étudiants les plus braves, de créer ce qu’on a appelé la prime à l’excellence universitaire. Cette prime, dont les conditions d’attribution sont devenues très floues, consiste simplement à donner 50.000 aux étudiants de niveau 3 au moins qui auraient obtenu la licence sans avoir redoublé un seul niveau (je ne suis plus sur hein, mais je crois que c’était ça au début). Inutile de dire que la nouvelle a été accueillie avec joie par les étudiants. Dans la pratique, les choses n’ont pas été ce qu’on aurait espéré – enfin, c’est une façon de parler, au Cameroun on sait que rien ne va jamais comme ça devrait.

Noms introuvables, noms suspects, doublons…

Dès la première année, le désordre organisé a commencé. Plusieurs étudiants régulièrement inscrits et censés recevoir la fameuse prime étaient étonnés de ne pas trouver leurs noms sur les listes. Comment pouvaient-ils revendiquer leur argent, alors que les critères de sélection étaient plus que flous ? Je me souviens même qu’une année tous les étudiants d’une filière n’ont pas été payés ! Ah oui, ils étaient tous des nullards.

De plus, il était très récurrent de voir des étudiants lire le nom d’un de leurs « camarades » qu’ils n’ont jamais vu en trois années d’étude. Des noms d’individus inconnus faisaient subitement leur apparition dans les listes, gonflant les effectifs ou bien remplaçant les noms des étudiants réguliers.

Il arrive également que certains perçoivent deux primes – sans doute ceux qui étaient doublement excellents. Il suffit d’avoir fréquenté dans un établissement l’année précédente et d’être allé dans un autre durant l’année en cours, et on était assuré de recevoir deux primes.

Chantage, racket, corruption

Avoir son nom sur la liste des heureux surdoués ne garantit pas qu’on recevra sa prime. Oui, parce que les payeurs, eux aussi, sont des surdoués. Dans leur domaine. Généralement, les dates et les lieux de payement sont vaguement mentionnés. Malheur à celui qui se présentera au guichet après le délai de payement. Il devra dire adieu à ses billets. Pour mettre le plus d’étudiants dans cette position inconfortable, les payeurs ne se pressent pas pour servir prétextant des ruptures de billets toutes les heures. Les étudiants sont souvent obligés de faire la grève pour que leur argent leur soit remis. Certains doivent même tchoko (mouiller la barbe) 5.000 pour pouvoir toucher leur dû.

Aider les parents

Personnellement, je me pose des questions sur la nécessité de l’attribution de cette prime dite à l’excellence universitaire qui, au finish, ne sert parfois pas à grand-chose. Aujourd’hui, la prime est payée à tous les étudiants à partir du niveau 3 qui ont la chance de voir leur nom apparaître sur la liste – c’est le seul critère qui compte, finalement. Quand on sait comment certains parents souffrent pour pouvoir réunir les 50.000 qui constituent les droits universitaires, on se demande pourquoi le Chef de l’État, au lieu de reverser leur pension à près de 60.000 étudiants comme certains le prévoient, ne supprime pas purement et simplement les droits universitaires pour les étudiants des niveaux concernés pour soulager les parents.

Les liste contenant les noms des génies - Crédit photo: leseptentrion.net
Les liste contenant les noms des génies – Crédit photo: leseptentrion.net

De plus, les dérives constatées dans la gestion de ces primes seront également évitées. Les étudiants n’auront plus à s’aligner pendant les jours entiers, parfois à partir de 4heures du matin dans l’espoir souvent vain d’être servis les premiers. Il ne sera plus question de mouiller la barbe à des employés véreux avant de recevoir son dû. On évitera les pleurs des étudiants qui ne trouvent pas leurs noms sur les listes, et les cris de ceux qui viennent toucher après le délai et le gaspillage qu’on fait en payant des gens qui n’ont peut-être jamais mis pied dans un amphithéâtre.

Utile à tous

Enfin, la prime à l’excellence pourrait être mieux utilisée. Elle pourrait servir à construire des routes, créer des emplois, subventionner le carburant, construire ou équiper des écoles, des universités ou des hôpitaux… En un mot, la prime à l’excellence universitaire pourrait être utilisée pour le profit de la nation toute entière, et non d’une seule poignée d’individus qui auront tôt fait de la dilapider dans les bars ou bien chez les vendeurs de greffes indo-brésiliennes.


Journée mondiale des enseignants 2014 : on tourne en rond

Dimanche dernier, 05 octobre 2014, était une journée de réjouissances pour les Camerounais – enseignants ou non. Il y a un fait que j’ai du mal à comprendre au Cameroun : pour nous, « journée mondiale » est synonyme de fête. Et comme on peut s’y attendre, on a défilé, mangé, bu, dansé… Bref, on a fêté. On a fêté, allant jusqu’à mettre de côté le thème censé piloter la célébration.

Ce thème, que je découvre le 05 octobre en me baladant sur internet, sonne dans mon oreille comme du déjà vu – ou bien du déjà entendu, si vous voulez. Le thème le voici : « Investir dans les enseignant(e)s, investir dans l’avenir ». Dernièrement, j’ai publié une série de papiers sur les thèmes des cinq dernières années c’est-à-dire les célébrations de 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013. Et je suis un peu déçu de découvrir qu’en 2014, on a fait cinq pas en arrière en calquant le thème de cette année sur celui de 2009 qui était « Pour bâtir l’avenir, investissons dans les enseignant(e)s maintenant ».

Les enseignants sont-ils devenus amnésiques, au point d’oublier que ce thème a déjà été choisi pour leur journée, à quelques mots près ? C’est peut-être l’effet des morceaux de poulet et des bières qu’ils boivent ce jour-là… Ou alors, se sont-ils rendus compte que les années précédentes les problèmes posés par les thèmes n’avaient pas trouvé de solution favorable ? Mais je doute que ce soit le cas, au vu de la façon dont la fête s’est déroulée ici.

Le fameux pagne des enseignants  - Crédit photo: zenu.org
Le fameux pagne des enseignants – Crédit photo: zenu.org

Au Cameroun, chaque célébration est une occasion de commerce pour certains. On fabrique des pagnes de mauvaise qualité qu’on vent à prix d’or (les femmes en savent quelque chose), on organise des fêtes partout dans la ville, on achète des quantités impressionnantes d’alcool… Et le lendemain, on rentre dans sa classe super surchargée d’élèves qui n’ont aucune envie d’être là. Et on recommence à se lamenter. La routine, quoi. Les véritables gagnants lors de cette fête c’est les vendeurs de tissus, les couturiers, les restaurateurs et les propriétaires de bars. Personne d’autre.

J’ai été un peu amusé de voir un document qui invite les enseignants, entre le 03 et le 07 octobre, à envoyer des SMS, des courriels ou des tweets pour dire au Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon qu’ils défendent l’Éducation de qualité pour tous, l’inclusion de l’éducation parmi les objectifs pour le développement pour l’après-2015, et une campagne mondiale en faveur de la scolarisation de toutes les filles – qu’avez-vous fait pour cela en 2011 quand l’égalité des genres était à l’ordre du jour ?

Pour moi, cette action est tout simplement inutile.

Ban Ki Moon viendra-t-il sortir les filles de chez leurs parents pour les conduire à l’école ? Viendra-t-il former les enseignants dans les écoles normales au Cameroun ? Sera-t-il capable d’améliorer les conditions de travail et de vie des enseignants, pour qu’ils soient moins clochardisés ? Nous ne semblons pas encore avoir compris que notre développement ne peut partir que de nous.

Faisons des tweets, des mails, des SMS si l’on veut, mais tant que nous resterons bras croisés, tant que pour nous célébrer le 05 octobre signifiera porter des pagnes bon marché achetés au triple de qu’ils valent et se dégourdir les jambes sur les boulevards poussiéreux de nos villes, puis aller faire la fête en regrettant que « notre » journée ne dure que 24 heures, on ne pourra jamais améliorer la qualité de l’éducation dans nos pays, et encore moins notre condition.


Ebola : missile à tête chercheuse ?

La semaine dernière, quand j’ai appris qu’un cas d’infection par le virus Ebola avait été diagnostiqué aux États-Unis, je me suis dit, « il n’y a pas que les Africains qui en sont infectés finalement. » Vous savez, on a dit tellement de choses sur l’origine de ce virus en Afrique. Je me suis dit que ce cas diagnostiqué chez ceux qu’on accusait d’avoir créé et inoculé le virus aux Africains allait peut-être faire taire les mauvaises langues. Mais j’avoue que je me pose des questions. Depuis hier, j’apprends que des patients américains ont été guéris de la maladie, comme d’autres malades non africains. Les Africains sont-ils les seuls qu’Ebola décide de tuer ?

Un vieil ennemi

Le virus Ebola, qui n’est pas inconnu en Afrique pour y avoir déjà sévi en 1976, a réapparu en Guinée il y a quelques mois de cela. Le virus s’est propagé et a rapidement gagné d’autres pays. Il faut avouer que les voyages et les échanges entre États voisins n’ont pas rendu la propagation du virus très compliquée. En moins de temps qu’il faut pour le dire, le virus était détecté un peu partout en Afrique, semant la mort, décimant les familles, dépeuplant l’Afrique.

L’Afrique foudroyée

A l’heure actuelle, le bilan de la fièvre hémorragique à virus Ebola en Afrique est très lourd. Les estimations les plus récentes parlent de 7 478 morts en Afrique, avec 3 439  en Afrique de l’Ouest !

En plus du bilan humain qui se passe de commentaires, il faut noter que les relations diplomatiques entre certains pays africains ont également pris un coup, car pour se protéger de l’invasion de cet intrus, certains pays ont simplement décidé de fermer leurs frontières terrestres et d’annuler les vols vers certaines destinations, jusqu’à nouvel ordre. Tel a été le cas du Cameroun qui a coupé les ponts avec Boko Haram le Nigeria. La Côte d’Ivoire aussi a agi dans ce sens, fermant la porte à clé à la Guinée et au Liberia (qui s’est également isolé pour contenir le virus), malgré les protestations de l’OMS qui pointe du doigt un risque de crise alimentaire, faute de ravitaillement de certains pays en denrées.

Ebola prend l’avion

Comme je le disais en introduction, l’Afrique n’est pas le seul continent à être touché par l’épidémie. Malgré les contrôles stricts dans les aéroports, le mal s’est déporté en Europe et en Amérique. Dernièrement, deux Américains ont été contaminés en Afrique. Hier encore, on annonçait un cas en Espagne. La preuve que le virus a pu se déplacer.

Victime d'Ebola? ou bien de l'inaction des africains? Crédit photo: e-healthmag.com
Victime d’Ebola? Ou bien de l’inaction des Africains? Crédit photo: e-healthmag.com

« Au feu, les pompiers »

Face à cette calamité, le monde entier s’est mobilisé : laboratoires, ONG, donateurs, etc. Tous ligués contre Ebola. De quoi se réjouir ? Pas vraiment. Quand on observe bien, on remarque que dans la majorité des cas, les non-Africains infectés, une fois évacués dans leur pays d’origine, recouvrent la santé. J’aimerais donc savoir, pourquoi les Africains sont-ils les seuls à être décimés par ce mal ? S’il existe un sérum, même expérimental, pourquoi ne pas utiliser les malades qui pullulent ici chez nous comme cobayes ? Ils n’ont plus rien à perdre, ces pauvres bougres. Et puis, après tous les tests concluants qui ont déjà été réalisés ­­­– puisque deux Américains ont été totalement guéris – pourquoi ne pas nous envoyer ce produit ?

L’Afrique, éternelle assistée

D’un autre côté, je me demande pourquoi les Africains ne prennent pas leur destin en main. C’est vrai, quoi. Nous avons des cerveaux, de l’argent, des ressources. Pourquoi devons-nous attendre que ce soit les autres qui nous fournissent la solution à nos problèmes ? C’est vrai pour Ebola comme c’était vrai pour Boko Haram (à qui on a déclaré la guerre totale à partir de la France) et pour la paix et la sécurité en Afrique (dont le sommet s’est tenu à Paris). Pourquoi les décisions les plus importantes concernant l’Afrique se prennent toujours hors de l’Afrique ? Comprenne qui pourra. Toujours est-il que jusqu’à ce jour les autres n’ont jamais réglé nos problèmes. La preuve : Ebola sévit toujours en Afrique, et Boko Haram n’est pas encore éradiqué.

Le virus Ebola sévit un peu partout dans le monde, mais ne fait de victimes qu’en Afrique. On aura beau dire, mais tant que l’Afrique ne cherchera pas à résoudre ses problèmes elle-même, elle sera toujours the place not to be, cet endroit qui ressemble à s’y méprendre à l’enfer, ce continent réputé pour ses conflits interreligieux et interethniques, ses détournements – qui profitent à la Suisse dans la plupart des cas – et ses morts. Comme on dit chez nous, « Chacun gratte où ça le démange. » Que celui qui a des oreilles comprenne.


05 octobre, journée mondiale des discours stériles (5)

En 2012, la communauté éducative camerounaise a brillé par son incapacité à agir pour les enseignants, pour les apprenants, pour l’éducation. Pourtant, ce ne sont pas les actions à mener qui manquaient. On a pourtant organisé des tables-rondes autour desquelles on a tourné en rond, sans prendre aucune décision concrète. Peut-être est-ce la raison pour laquelle en 2013, la balle a été envoyée dans le camp des enseignants ? Car en 2013, le thème de la journée mondiale de l’enseignant interpellait les enseignants en premier lieu.

05 octobre 2013 – « Un appel pour les enseignant(e)s »

Pendant les années précédentes, les problèmes des enseignants n’ayant pas été résolus (on sait pourquoi), ils se sont accumulés, se sont aggravés. Ils sont devenus tellement graves qu’en 2013, presqu’aux abois, la communauté éducative se sent obligée de passer un appel pour les enseignant(e)s. Quel peut être le contenu d’un tel appel ? Et surtout, à qui l’appel est-il lancé ?

Un appel aux enseignants à plus de sérieux dans le travail

Ici chez nous, il n’est pas rare d’arriver dans un établissement scolaire, quelle que soit l’heure, et de trouver des classes sans enseignants. Certains collègues en effet décident librement d’être là ou pas, ne tenant aucun compte de l’emploi du temps qui leur a été remis. Ces derniers, quand ils sont présents, arrivent à l’heure qui leur convient, et repartent quand bon leur semble, faisant passer les intérêts de leurs élèves au second plan.

Les enseignants sont des modèles, et leur comportement est la plupart su temps copié par les élèves. Donc, un enseignant absentéiste court le, risque d’influencer dangereusement ses apprenants, faisant de ceux-ci des citoyens incapables de respecter l’heure (on connait la fameuse heure camerounaise).

Malheureusement, l’administration des établissements semble tolérer ce genre d’écart, les érigeant par la même occasion en lois. C’est désormais de celui qui est assidu et ponctuel qu’on se moque. Même les élèves savent désormais que le cours de 7h30 commence à 8h. Autant les enseignants devront répondre à cet appel au sérieux en travaillant avec plus de professionnalisme, autant l’administration devra jouer son rôle en rappelant les contrevenants à l’ordre.

Un appel aux enseignants à plus de respect

Sur le terrain, il n’est pas rare de rencontrer des enseignants qui n’ont plus aucun respect ni pour eux, ni pour la profession, ni pour les enfants qu’ils encadrent. Ceux-là, fidèles au dicton qui veut que « la chèvre broute où elle est attachée », ne se gênent pas pour entretenir des relations intimes et coupables avec leurs élèves. Une vraie souillure pour la profession toute entière. Et la tendance semble indique qu’il y a plus de brebis galeuses que d’agneaux inoffensifs !

Cet appel, c’est donc pour que les enseignants reprennent leurs rôles de guides, d’éducateurs, de conseillers, de parents même dans certains cas ! Il est donc inconcevable que certains traversent la ligne rouge !

Ici également, l’administration – qui n’est pas toujours innocente – ferme les yeux quand elle ne participe pas activement à l’orgie, devenant coupable de proxénétisme passif car se montrant incapable de protéger des enfants dont elle a la responsabilité de l’éducation.

Un appel au gouvernement à plus de diligence dans le traitement des dossiers des enseignants

Comme on l’a déjà dit, l’enseignant est un modèle. Quand les élèves voient devant eux un enseignant à l’habillement reprochable et douteux, ils retiennent que l’enseignant en général est un misérable, un gueux, un indigent.

Et ce n’est pas faux dans le contexte actuel. Le temps moyen pour qu’un enseignant obtienne son salaire est de 24 mois au Cameroun ! 24 mois pendant les quels les enseignants fraichement sortis de l’école et nouvellement affectés se battent pour survivre, s’endettent quand ils peuvent, mais parviennent difficilement à s’en sortir. Deux ans sans salaire, alors qu’on doit payer le loyer et les factures, s’habiller, se nourrir, se déplacer etc. Comment faire ? Beaucoup inventent des maladies pour ne pas être présents au poste. D’autres abandonnent leurs classes pour aller faire les vacations ailleurs.

Un appel a donc été lancé au gouvernement Camerounais, pour que les dossiers des jeunes collègues soient traités avec un peu plus de rapidité.

En pratique, les choses se sont accélérées pendant quelques temps, mais la stagnation a vite repris le dessus, malgré la décision ministérielle de payer aux ECI (enseignants En Cours d’Intégration) un tiers de leurs salaires le temps que le dossier suit son cours dans les bureaux du ministère de la fonction publique.

Pour le reste, l’appel est resté lettre morte, car en 2014, il existe toujours des établissements où les enseignants sérieux se comptent sur les bouts des doigts (d’une seule main). Ceux qui broutent où ils sont attachés également continuent leur sale besogne. Rien n’a vraiment changé, pourtant il est grand temps, car le dicton cité plus haut continue : « La chèvre broute où elle est attachée. Et c’est là bas que le serpent la pique. » À bon entendeur…


Chères Camerounaises, le mariage n’est pas une prise en charge…

Les camerounaises sont bizarres hein. Certaines, en tout cas. Après que leurs familles en aient fait voir de toutes les couleurs à leurs prétendants, elles prennent le relais, une fois dans leurs ménages. Il faut les entendre bavasser entre-elles au quartier : « Moi hein, quand je vais me marier hein, que mon mari ne pense même pas qu’il va gérer mon argent. D’ailleurs, qu’il ne croie pas que parce que je travaille il ne va plus me donner l’argent de poche ! » C’est quand elles se marient, qu’on se rend compte que ce n’était pas des paroles en l’air !

Une fois dans le ménage vous constaterez que la bonne dame ne participe à aucun frais : à la fin du mois, c’est vous qui paierez le loyer. « C’est toi l’homme non ? Tu dois trouver un toit à ta famille. » Donc, vous payez le loyer. Quand il faut manger, elle vous tend la main, étonnée : « Tu dois prendre soin de ta famille. Mon argent ne peut pas servir à  faire à manger ! Tu es l’homme pourquoi ?  » Vous donnez l’argent. Quand les gens de la Camwater (société de distribution d’eau à peine buvable) et d’Eneo (société de distribution d’électricité intermittente) viennent avec pour eux de malchance (les factures), la bonne dame ne gère pas. Vous payez. Mais malgré tout ça, elle s’attend encore à recevoir des cadeaux, à faire des sorties – avec ou sans vous – à vos frais, à renouveler sa garde-robe. Tout ça dans votre salaire.

Essayez un jour, exaspéré, de lui demander à quoi sert son salaire. Vous entendrez des sottises du genre « Tu crois que je ne te demande pas l’argent pour mon lait  de toilette (éclaircissant) pourquoi ? J’achète avec mon argent ! Mes produits de beauté coûtent tel montant, c’est toi qui me donnes l’argent pour ça ? » Hallucinant, non ? Les plus polies se défendront ainsi, « Tu penses que l’argent de la ration que tu donnes là est suffisant ? Quand on arrive au marché les prix ont parfois augmenté ! » (ça ne diminue jamais) « C’est avec mon argent que je complète ! Hier, j’ai dû acheter un litre d’huile pour pouvoir faire le ndolè que tu avalais comme un revenant là. » Voilà, elle cherche déjà les problèmes. Conseil : n’insistez pas, sauf si vous êtres prêts pour une dispute. Parce que  dès que vous essayez de lui faire comprendre que l’argent que vous donnez pour le marché chaque mois peut suffire pour faire à manger, elle s’écrie, « Ok, désormais saches que je ne vais plus sortir mes cinq francs pour compléter l’argent de la ration. » Puis, le coup de grâce : « Quand j’étais chez mes parents je ne dépensais pas pour quoi que ce soit hein. Tu ne m’as pas épousée pour me faire souffrir chez toi. Tu dois d’occuper de moi ! » Tout est dit, et clairement, cette fois.

Ce qui est quand même paradoxal dans l’attitude de certaines de nos sœurs ici, c’est que ce sont elles les premières à demander, que dis-je, à exiger du respect, de la considération de la part des hommes. Comment peut-on respecter une personne qui, bien qu’ayant les moyens, ne fait aucun effort pour soulager celui qu’elle prétend aimer ?

Oui, mesdames, vous ne payiez pas de factures chez vos parents. Oui, vous ne vous êtes pas mariées pour souffrir. Oui, vous vous êtes mariées pour qu’on s’occupe de vous.

N’oubliez cependant pas que vous époux non plus ne payaient aucune facture quand ils étaient chez leurs parents ; eux non plus ne se sont pas mariés pour souffrir, ils se sont également mariés pour qu’on s’occupe d’eux.

Le mariage n’est pas une prise en charge, mesdames, mais la mise en commun de nos ressources (physiques, émotionnelles, financières, etc.) pour améliorer nos vies respectives.


On n’a pas attendu la Tabaski pour conduire nos moutons à l’abattoir

Demain, c’est un grand jour pour les musulmans du Cameroun et du monde entier : c’est la fête du mouton, la fameuse Aïd El Kebir, fête du sacrifice. L’histoire parle d’Abraham (ou Ibrahim), fidèle serviteur de Dieu (ou d’Allah), qui était prêt à sacrifier son fils unique pour obéir à Dieu. Il n’y a pas meilleure preuve de confiance. Cet Abraham, c’est un vrai exemple, un modèle. Combien d’entre nous seraient prêts à égorger leurs enfants, sur la simple base d’un rêve ? Un modèle, je vous dis. D’ailleurs, je pense qu’il a inspiré beaucoup de personnes ici, au Cameroun. Sauf que leurs moutons, c’est leurs enfants, c’est la jeunesse, c’est le pays.

Il n’y a pas si longtemps que ca, nous trônions en tête des pays les plus corrompus d’Afrique. Malgré les chiffres qui sont devenus beaucoup plus cléments pour nous, je pense que la situation au pays n’a pas beaucoup évolué (Peut-être nos concurrents se sont-ils surpassés au point de nous ravir la vedette ?) Car au Cameroun, rien n’est fait pour rien. Même pour ce qui vous revient de droit, vous devez monnayer. Quel que soit le domaine dans lequel l’on exerce, il est pratiquement impossible pour les Camerounais de ne pas se retrouver confronter à la corruption à un moment ou à un autre. Maintenant, les réactions des uns et des autres face à la corruption diffèrent, mais toujours est-il que les corrompus pullulent chez nous.

Allez dans les établissements scolaires, on vous dira : la place, c’est 100 000 francs, pour les sixièmes et les terminales. De toutes les façons, vous allez débourser au moins 50 000 francs. Oui, c’est le prix. Et c’est non discutable. Quand on voit le nombre d’élèves qu’il y a dans les classes, on se demande pourquoi les camerounais pleurent la pauvreté chaque jour. Sérieux, une classe de 120 ou 150 élèves, multipliés par 100 000 ! On comprend aisément pour quoi les proviseurs sont des pachas chez nous !

Si vous déposez un dossier à la fonction publique, ou bien dans n’importe quel ministère, n’allez pas vous coucher dans votre lit, espérant que ça va aboutir un jour. Rêvez bien, les amis. « Si tu dors, ta vie dort », dit-on parfois ici chez nous. Ce n’est pas faux hein. Les plus actifs, ceux qui veulent que leurs dossiers avancent « normalement », donnent 20% si c’est un dossier qui produit de l’argent (rappel des indemnités de logement, avancements etc). Pour le reste, les prix dépendent des services et des ministères. Mais généralement, les prix sont homologués et connus de tous. On dit par exemple qu’un enseignant qui souhaite être muté doit dépenser 350 000 francs si c’est d’une région à une autre et 50 ou 100 000 francs si c’est dans la même région. Allez vous renseigner, c’est les prix officiels.

Tabaski - Crédit photo: africanistes.revues.org
Tabaski – Crédit photo: africanistes.revues.org

Conséquence, on cultive la paresse puisque le mérite ne prime plus. Si, pour passer un concours il faut payer, pourquoi devrait-on se tuer à réviser ? Une fois qu’on a acheté réussi le concours, on comprend facilement qu’il est inutile d’assister aux cours ou bien de les réviser. Si l’enseignant n’est pas corrompu – ce qui arrive encore de nos jours – on pourra toujours s’adresser au responsable de la cellule informatique ou bien à la secrétaire qui saisit les notes. Il y aura bien une personne qui agira en bon camerounais.

Et voilà comment les choses évoluent ici, dans la majorité des cas. Ceux qui ont payé pour arriver à un post n’ont généralement qu’une seule idée, récupérer leur investissement en vendant également leurs services, ceux qu’ils sont censés rendre gratuitement, puisqu’ils sont payés pour cela chaque mois. Et à défaut de gibiers à plumer (ou de moutons à sacrifier), ils se servent dans les caisses de l’État comme si c’était leurs poches.

Ces Camerounais-là, consciemment, mènent le pays à l’abattoir. Pas besoin d’attendre une célébration spéciale comme celle de demain. Non, au Cameroun, tout citoyen est un mouton, et chaque fois que l’occasion se présente, on le mène à l’abattoir, pour l’immoler sur l’autel de la corruption.


Chers Camerouns, chers parents…

Chers parents,

Je m’abstiendrai de vous demander comment vous allez, car je peux imaginer la peine que vous ressentez.

Je sais que vous n’allez pas bien, et que vous nous en voulez certainement. Je vous comprends. Ce que nous avons fait est grave, très grave. Une fois de plus, nous avons oublié votre anniversaire de mariage.

C’était hier, premier octobre.

Vous auriez fêté vos 53 ans de vie commune, si nous, vos enfants, avions daigné vous adresser nos souhaits.

Depuis 1961, vous avez pris l’engagement de devenir un. Vous l’avez fait pour nous. Vous avez tous les deux rassemblé vos biens, votre culture et vos valeurs, que vous nous avez légués, pour faire de nous des hommes meilleurs.

Mais nous, ingrats, n’avons même pas daigné célébrer votre anniversaire !

C’est grâce à vous que nous sommes devenus cette nation diversifiée, constituée d’hommes intelligents et cultivés. Serions-nous devenus une nation bilingue si vous n’aviez pas fait abstraction de vos différences linguistiques et culturelles en ce jour d’octobre 1961?

Chers parents, chers Camerouns

Cette lettre, c’est pour vous demander pardon. Pardon de n’avoir pas déclaré la journée du 1er cotobre fériée. Pardon de n’avoir pas raconté votre histoire à vos petits-fils qui l’ignorent. Pardon de n’avoir pas fait des conférences, des tables-rondes, des marches pour vous remercier de nous avoir faits.

Nous sommes vos enfants, et nous savons que vous nous pardonnerez.

Chers parents,

Nous vous promettons de ne plus oublier votre anniversaire de mariage. Désormais, dans nos calendriers, et dans nos cœurs, nous marquerons cette date. Et ce jour-là, nous vous rendront honneur, pour le bien que vous avez fait pour nous.

Malgré le retard, nous tenons à vous souhaiter bonne fête de mariage.

 

 

Vos enfants qui ne vous montrent que très rarement leur gratitude