Arthur Floret


Le mur de la honte

Vous connaissez l’Islander, la lettre d’information de l’île Christmas ?

Je ressors de mes archives une petite perle, parue dans le numéro 545 du 1er novembre 2013.

Il s’agit d’un rapport d’activité de la police fédérale australienne, qui est en charge du maintien de l’ordre ici. Deux pleines pages de détails sur les contraventions et les délits commis par les résidents…

Les informations rendues publiques sont les suivantes :

  • âge ;
  • sexe ;
  • lieu de l’infraction ;
  • nature de l’infraction ;
  • montant de l’amende.

Il ne manque que les photos !

Quand je suis tombé là-dessus, je me suis demandé quelle était la finalité de partager ça, vu que tout le monde se connaît, au moins indirectement, à Flying Fish Cove.

La période concernée court de juin à novembre. 14 infractions sont rapportées, dont 7 agressions physiques (5 au centre de détention pour demandeurs d’asile), et 6 infractions au code de la route, essentiellement des cas de conduite en état d’ébriété. Pas de vol.

On parle aussi, dans une section à part, de tentatives d’achat en ligne ou d’importation par avion de cannabis synthétique, une drogue qui a fait fureur en Australie avant d’être interdite en mai 2012.

Moi, je trouve que ces personnes auraient dû recevoir une médaille pour leur patriotisme exemplaire en soutenant tous ces commerces qui se sont retrouvés avec des stocks invendables sur les bras, par exemple King of Kronic et Happy High Herbs.

Allez, promis, si je suis sur le prochain mur de la honte, je l’affiche à la Une du site pour une semaine.

Wall of shame, wall of fame…

Le mur de la honte de l’île Christmas, page 1. Source: The Islander n°545. Le mur de la honte de l’île Christmas, page 2. Source: The Islander n°545.


Welcome to Australia ! Non, pas toi espèce de c*** !

Je découvre aujourd’hui la « page d’accueil » de la section « réfugiés » du site officiel du Département australien de l’immigration et de la protection des frontières (DIBP).

À moins que ce ne soit une farce de pirate informatique ?

Voici une capture d’écran. On ne pourra pas dire que ça n’a jamais existé :

Capture d’écran de la page d’accueil de la section « réfugiés » du Département australien de l’immigration et de la protection des frontières (cliquez deux fois pour agrandir). Source: DIBP.

Passons sur le fait que le ministère lui-même associe dans son intitulé « immigration » et « protection des frontières ».

Pourquoi pas « immigration » et « violence conjugale », ou « immigration » et « application des normes sanitaires dans les restaurants » tant qu’à faire ?

Voici une traduction maison du texte :

***

PAS QUESTION. ILS N’ENTRERONT PAS EN AUSTRALIE

Les règles ont changé. Vérifiez-en les détails.

Les gens qui arrivent en Australie par bateau sans visa ne pourront pas s’installer en Australie ; ils seront envoyés à Nauru ou à Manus où leur dossier sera traité.

Ils ne pourront pas travailler et ils risquent d’attendre longtemps que leur demande soit étudiée.

L’Australie possède les mesures de protection des frontières les plus draconiennes de son histoire. Le gouvernement australien a annoncé qu’aucun visa de protection temporaire ou permanent ne sera délivré à quiconque jusqu’à nouvel ordre.

Ne jetez pas votre argent par les fenêtres — Les passeurs racontent des mensonges

Le gouvernement australien a donné l’ordre aux forces de défense australiennes de refouler les bateaux quand cela est sécuritaire.

Ne mettez pas en danger la sécurité de votre famille ou de vos amis en payant des passeurs. En arrivant par bateau, c’est la garantie qu’ils ne seront pas réinstallés ici en Australie.

Ces mesures ont été mises en place pour arrêter les passeurs et empêcher davantage de décès en mer.

Prenez soin de votre famille et de vos amis Dites-leur de venir de la bonne manière

Vous pouvez toujours immigrer en Australie par la voie légale. Les demandeurs d’asile continuent à voir leur cas traité pour une installation permanente en Australie s’ils immigrent dans le cadre des programmes de migration humanitaire, pour travailleur qualifié ou familial.

Les gens qui immigrent en Australie légalement obtiennent priorité quand ils parrainent leur famille pour les rejoindre.

***

Dans le premier paragraphe, il y a un lien qui ouvre sur une page contenant une brève présentation de l’Opération frontières souveraines, qui est une réponse militaire du nouveau gouvernement conservateur de Tony Abbott au nombre record d’arrivées de demandeurs d’asile par bateau en Australie en 2013.

On y précise que dans les 48 h après avoir foulé le sol australien les migrants sont transférés à Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) ou à Nauru (dans le Pacifique Sud), et on y confirme que le gouvernement a donné l’ordre à la marine nationale de refouler les bateaux de demandeurs d’asile quand c’est possible.

Il y a aussi des « matériels de communication » en dari, farsi, pachtoune, ourdou, etc. destinés à bien faire passer le message, et en particulier une bande dessinée qui montre le parcours d’un jeune homme qui tente le voyage de l’Australie.

La page 12 de la version afghane de la bande dessinée du DIBP. On y voit l’arrivée d’un groupe de demandeurs d’asile à Flying Fish Cove, sur l’île Christmas. Source : DIBP.

C’est un mécanicien à qui l’on fait miroiter une vie de rêve sur l’île-continent, et que sa famille semble plus ou moins forcer à partir là-bas. Aucun problème de persécution, de menace, rien, juste une grosse poignée de billets planqués dans les bas résille de la mémé et zou, va me faire fructifier ça mon petit !

Après, c’est le débarquement sur la jetée de l’île Christmas, le transfert au centre de détention de North West Point, puis le transfert par avion vers Nauru, dans des circonstances semblables à celles que je vous ai montrées l’autre jour avec mon billet sur le vol ASY880 à destination de Colombo. Le document insiste à souhait sur la détresse psychologique des détenus, les conditions basiques de leur incarcération, etc.

Voici trois lectures supplémentaires si vous souhaitez approfondir votre réflexion à ce sujet.

La première est un article d’Oliver Laughland, du Guardian Australia, publié aujourd’hui, qui remet en contexte de manière synthétique cette campagne de communication, tout comme la seconde, qui retrace pour sa part l’actualité des demandeurs d’asile en Australie au cours des mois passés.

La troisième est un document indispensable et que peu d’Australiens connaissent : le Mythbuster du Centre de ressources pour demandeurs d’asile (ASRC).


Grotte Daniel-Roux (haut) : fromage suisse, boyaux et tas de merdes

Amateurs d’endroits noirs, moites et qui sentent mauvais, sur l’île Christmas, pour vous, c’est Noël tous les jours !

Bon, d’accord… l’humour graveleux du Guide du crevard, c’est vrai que c’est nul.

Ceci dit, si la plongée sur les plus beaux tombants de l’Océan indien ou les randonnées au cœur d’une des jungles les plus originales du monde ne vous inspirent juste qu’un gros « Ah bah, grotte alors ! » après une semaine, ça tombe bien.

Les grottes, ici, on leur marche littéralement dessus.

La plus accessible d’entre elles s’appelle Daniel-Roux.

Image d’Arthur Floret utilisant une carte d’Ewan ar Born via Wikimedia et une pince de crabe de Pixabay.com

Elle porte le nom d’un petit garçon d’ascendance romande, né à Flying Fish Cove dans les années 1950, et décédé trois ans plus tard. Mais cette connexion helvète, si elle est triste, en cache une autre amusante : l’île Christmas est, en effet, un vrai fromage suisse !

L’île Christmas est un véritable fromage suisse. Image d’Arthur Floret utilisant une photographie de l’AFP via GoodPlanet.info et une photographie de Doctissimo.fr.

À partir du port, il suffit de conduire pendant dix minutes le long de la côte nord, puis, une fois à la fin de la piste, de marcher pendant encore dix minutes en suivant la même direction.

C’est en regardant le long des hauts murs de calcaire qui nous surplombent que l’on trouve l’indice de l’entrée de la grotte : une échelle, à moitié cachée par des banians, qui grimpe sur des rochers énormes.

Cette échelle permet d’atteindre l’entrée de la grotte Daniel-Roux, en haut de la falaise, sur la côte nord de l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.

La montée est assez physique, puisque c’est le sommet de la falaise qu’il faut atteindre.

Une fois en haut, néanmoins, on est récompensé par une belle vue sur la faille tortueuse et pleine d’éboulis dans laquelle Daniel-Roux est située.

En fait de grotte, il faudrait plutôt parler d’un système de grottes, une partie haute et horizontale, et une partie basse et verticale, qui rejoint la mer.

Une grille barre l’accès à la seconde, mais elle est plus indicative qu’autre chose ; je vous réserve cette exploration pour un prochain billet.

L’entrée de la partie basse de la grotte Daniel-Roux, sur l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.

L’entrée de la partie haute est une bouche béante qui ouvre sur une chambre vaste et tout en longueur.

Attention : pas de guide, pas de lumière électrique, pas de barrière, rien. C’est vous et la grotte, point barre.

L’entrée de la grotte Daniel-Roux (haut), vue de l’intérieur de la première chambre. Crédit Photo: Arthur Floret.

Il y a une surprise, et de taille, au centre de cette première chambre : une montagne de fientes d’oiseaux !

Les salanganes endémiques (Collocalia linchii/esculenta natalis), qui nichent sous la voûte, font tomber une pluie sèche et silencieuse de cacas en continu.

Un tas de fientes de salanganes endémiques vous accueille dans la partie haute de la grotte Daniel-Roux, sur l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.

On aimerait savoir l’âge de ce monument, et surtout, s’il touchera un jour les nids…

Au fond à droite, vous avez une seconde chambre, la plus belle, qui termine la découverte « facile ».

À ce stade, il n’y a plus de lumière naturelle, plus de courant d’air, l’humidité est obsédante.

On peut toujours s’amuser à prendre des photos en balayant les parois avec le faisceau de sa lampe de poche pendant une minute.

La seconde chambre de la grotte Daniel-Roux (haut), sur l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.

Une troisième chambre —un placard, plutôt—, et vous pouvez voir le début d’un tunnel, d’un « boyau » dans le jargon.

De boyau, ça en a d’ailleurs plus que l’air : il faut s’y faufiler en rampant, c’est impossible de revenir en arrière sur soi-même.

Un boyau, ça va, deux boyaux, ça va, trois boyaux, bonjour les dégâts! Image d’Arthur Floret utilisant une photographie de Richard Martzolff via Encyclopédie médicale Vulgaris.

Vous arrivez alors dans une quatrième chambre, puis encore un boyau plus long, une cinquième chambre… et là j’ai flippé.

Panique de claustrophobes, on était trois.

Avec les copains, on s’est alors amusé à immortaliser notre passage sur le tas de merdes au retour, j’avais des bons clichés à partager avec vous, et puis j’ai pensé, c’est quand-même plus à propos de mettre le Premier ministre australien en moule-bite là-dessus, non ?

Ceux d’entre vous qui connaissent la politique locale comprendront. L’image est à peine truquée.

Les autres, je vous laisse admirer cet homme d’État —pardon, cet homme d’étable— dans toute sa splendeur. On est sorti des boyaux après tout !

Tony Abbott, un véritable homme d’étable. Image d’Arthur Floret utilisant une photographie de Guy Finlay via The Daily Telegraph.


Habitation humaine

Un dimanche de mousson, moi ça me donne envie de chanter.

Mais chanter quoi ? « Il pleut, il pleut, bergère… » ?

Non, chanter le bonheur de rester enfermé dans une véritable arche de Noé sous les Tropiques. Une arche de Noël quoi !

Alors, voici de quoi improviser une petite mélodie…

Les araignées sauteuses
ont un effet stroboscopique !

Les geckos
écrasés
schlinguent dans l’encadrure des portes.

Les moustiques,
rien à dire,
pas un humain qui ne vous haïsse,

mais les mantes
religieuses
décrochent toujours une bonne mandale.

Les fourmis
croscopiques
attendent la fin de notre repas

quand les blat-
-tes géantes
festoient sur nos vieilles peaux dégueux.

On marche au
ralenti
près de l’essaim des guêpes tigrées,

mais on file
quand on voit
une putain de scolopendre !

Les poules pondent
sur le balcon
en faisant « pout pout pout pout pout »

et les rats
mangent leurs œufs
dans les ressorts du canapé.

Qu’il est triste
d’être moth,
d’être un lépidoptère de nuit,

mais qu’on rit
du mille-pattes
qui passe entre les doigts de ma fille.

Les moineaux
—c’est sympa—
repeignent le coude de la gouttière.

Alors hein, à quoi bon
un labrador un poisson rouge ?

Une porte, une maison, un gecko de l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.


Losers Cinema Club : Hollywood au cœur de la jungle préhistorique

Oubliez le tapis rouge, les bouchons de champagne qui sautent dans toutes les directions, et les starlettes qui se déhanchent dans des robes de marque…

Le festival de cinéma version île Christmas, c’est tapis vert, bières, bermudas-sandales, et surtout une bonne dose d’antimoustique !

Ceci dit,  il a son côté sélectif, car c’est une affaire de passionnés : passionnés de la jungle, passionnés de marches sportives, et passionnés de barbecues entre copains.

Une clairière dans la jungle de l’île Christmas? Parfait pour y installer un cinéma d’un soir! Crédit photo : Arthur Floret.

Le Losers Cinema Club est un événement annuel et irrégulier ; on s’en voudrait donc de le manquer, et ce n’est ni au sacro-saint rond-point, ni dans la lettre d’information locale que vous en entendrez parler.

C’est avec le Hash que ça se passe, mais pas celui qui vous donne le sourire et vous fait roupiller sur le canapé, non, plutôt celui qui vous donne des ampoules aux pieds et vous fait regretter de ne pas faire plus attention à votre ligne.

Le Hash House Harriers est une institution pour les expats anglo-saxons de tous les continents, qui consiste à faire des randonnées/courses hors des sentiers battus puis à… boire et rigoler jusque tard.

Et Hooch, l’organisateur du festival de film, est une institution du Hash de l’île Christmas, ou, devrais-je dire, de l’île Christmas tout court, puisque c’est à lui que l’on doit d’avoir l’air conditionné chez soi, malgré les rats qui rongent les câbles, les geckos qui brûlent dans le circuit électrique, etc.

Hooch, l’organisateur du Losers Cinema Club, sur l’île Christmas. Crédit photo : Arthur Floret.

Le concept de son « marathon de films » ? Une succession de blockbusters pour tous les publics, du dessin animé pour les enfants en début de soirée au très très noir au milieu de la nuit, le tout projeté sur le flanc d’un camion.

Un lit improvisé dans la jungle de l’île Christmas. Crédit photo : Arthur Floret.

Et cette année, le Losers Cinema Club s’est arrêté à Margaret Knoll, la butte en or.

Chacun a ramené son ute —pardon, son pick-up, en bon français—, s’est fait un lit douillet dans la benne, puis s’est installé sur une chaise de campement avec des saucisses à griller et des boissons fraîches.

Quant à la suite, ceux qui s’en souviennent n’en ont sans doute pas assez profité…

Le flanc d’un camion sert d’écran de cinéma, à Margaret Knoll, sur l’île Christmas. Crédit photo : Arthur Floret.


Au loin, Java…

Une flèche de rochers pointe vers l’Indonésie.

Tout au bout du bout de l’île Christmas, comme pour s’en extraire, un homme démêle un nœud au bout de sa canne à pêche.

Un moment de sérénité rare…

…loin des drames quotidiens des demandeurs d’asile qui font le voyage sur cette mer aux apparences trompeusement paisibles.

Au loin, Java… Crédit Photo: Arthur Floret.


Vol ASY880 Île Christmas – Sri Lanka: destination inconnue

C’est au lever du soleil que les demandeurs d’asile sri-lankais ont embarqué dans le vol ASY880 de l’armée de l’air australienne à destination de Colombo.

Du moins, en théorie.

L’A319 VH-VCJ nolisé a fait une escale à l’aéroport de l’île Christmas entre 5 h 33 et 6 h 36, en provenance du centre de détention pour migrants illégaux de Curtin, en Australie-occidentale, et de celui de Darwin, dans les Territoires-du-Nord.

Le vol ASY880 était annoncé sur FlightAware.com. Ici, une capture d’écran près d’une heure après que l’avion a quitté l’île Christmas (cliquez deux fois pour agrandir). Crédit Photo: Arthur Floret.

Il avait donc vraisemblablement à son bord d’autres demandeurs d’asile et leur escorte de policiers fédéraux qui doivent les remettre aux autorités sri-lankaises.

Des rumeurs d’expulsion sur Twitter faisaient état d’un groupe de 29 personnes à prendre ici la veille.

Where is the outrage? 29 Tamils sent back to Sri Lanka against their will! https://t.co/IFZaN4S7nv

— Ærchiearchive (@archiearchive) 5 Février 2014

 

29 Tamil #asylumseekers involuntarily returned to Sri Lanka this morning #auspol #breaking

— HRP (@HRP_org) 5 Février 2014

Il semblerait donc que le vol d’aujourd’hui les confirme, à la petite différence du jour de départ.

J’ai pu compter, pour ma part, 24 « clients » sur mes clichés —c’est ainsi qu’on les appelle dans l’industrie locale de la détention—, mais n’ayant pas été systématique dans ma collecte de photos, il est vraisemblable qu’il y en ait eu un peu plus.

S’il n’est pas rare, cet événement n’en est pas moins dramatique pour les premiers concernés : ceux qui sont considérés comme des criminels pour avoir demandé protection à une grande démocratie, qui renie ainsi sa signature sur la Convention de Genève sur les réfugiés. Mais il est vrai que l’île-continent est gouvernée par un « faucon »

Le Sri Lanka, bien qu’il soit officiellement sorti en 2009 du conflit qui opposait depuis des décennies sa majorité cinghalaise et sa minorité tamoule, reste sévèrement critiqué pour les multiples violations des droits humains dont se sont rendues et continuent de se rendre coupables les autorités, notamment par l’ONU, les États-Unis, le Canada, et Amnesty International.

Que deviendront les hommes sur les photos ci-dessous ? Voilà la grande inconnue, leur destination finale.

4h37, la piste d’atterrissage de l’île Christmas est prête. Crédit Photo: Arthur Floret.

 

5h33, l’A319 de la Royal Australian Air Force en provenance de Darwin atterrit sur l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret. 5h40, l’avion stationne devant l’aéroport de l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret. 5h42, les services aéroportuaires sont à pied d’œuvre. Crédit Photo: Arthur Floret. 5h45, des employés de Serco (l’entreprise privée qui gère les centres de détention en Australie) prennent position au pied de l’escalier de l’avion. Crédit Photo: Arthur Floret. 5h53, arrivée du bus devant l’escalier de l’avion. Crédit Photo: Arthur Floret. 5h56, un policier filme les demandeurs d’asile qui montent dans l’avion. Crédit Photo: Arthur Floret. 6h00, les demandeurs d’asile montent dans l’avion deux par deux. Crédit Photo: Arthur Floret. 6 h 01, les demandeurs d’asile sont encadrés par des employés de Serco entre le bus et l’avion. Crédit Photo : Arthur Floret. 6 h 02, une fois dans l’avion, les demandeurs d’asile sont pris en charge par la police fédérale australienne. Crédit Photo : Arthur Floret. 6 h 03, les derniers passagers embarquent, la porte du bus se referme. Crédit Photo : Arthur Floret. 6 h24, les policiers se retirent. Crédit Photo : Arthur Floret. 6 h32, l’avion s’engage sur la piste de décollage. Il sera dans les airs à 6 h36. Crédit Photo : Arthur Floret.

 


Toponymie : « Chérie, mate la taille de ma b… »

Soyons francs : vous êtes un homme, en couple, relativement jeune, ingénieur pour une grande entreprise publique ou jeune diplômé dans l’administration, vous commencez à imaginer pouvoir avoir un enfant dans un ou deux ans, et vous obtenez une promotion… dans la colonie la plus merdique de l’immense empire britannique dans les années 1900-1930. Vous faites quoi ?

L’endroit est vierge, recouvert d’une jungle intouchée pendant des dizaines de millions d’années ; votre boulot, c’est de le rendre rentable.

Pas d’Internet, de réfrigérateur, d’air conditionné, de routes, de voitures, de nourriture fraîche, et surtout d’amis (il n’y a que des Asiatiques, bah !).

Vous vous ennuyez à mourir.

Supercolon. Image d’Arthur Floret utilisant une illustration de Waouo.com.

Votre femme s’imaginait vous accompagner à Singapour pour se fondre dans le gratin de la société coloniale, elle cultive les fongus sous ses cinq épaisseurs, fait l’objet des moqueries de ses servants faussement obséquieux, et reste coincée toute la journée dans un misérable bungalow au pied d’une falaise qui sert de Q.G. aux moustiques du coin. Deux ans !

Il ne reste que les jeux de cartes…

Non non, pas le « tas de merde » ou la « bataille corse », juste les « jeux » de cartes : la carte nord-ouest, la carte sud-est, etc.

Votre rôle bien évident, naturel devrait-on dire : l’homme conquérant, le sauveur des petites gens point civilisées, le protecteur des dames.

Supercolonne. Image d’Arthur Floret utilisant une illustration de PopScreen.com.

Celui de votre chère amie : l’adorable créature innocente et un peu simplette qui se prélasse toute la journée en attendant son mâle, pour son mâle, rrrrhâââ…

Et ainsi vont les cohortes de colons sur l’île de Noël, ancienne version. Vous prenez les caps, les pointes, les symboles phalliques, le sabre au vent ; vous lui donnez les plages, les endroits où l’on s’allonge après une longue journée, massé par le ressac et autre chose.

Mais comme vous n’irez jamais pour vérifier ce qui doit assurer votre postérité, on pourra dire de vous que vous deviez l’avoir bien petit votre canon de Trafalgar pour choisir une falaise indistincte, et que votre tendre moitié a dû vous les briser plus d’une fois pour que vous lui donniez une crique de galets tranchants qui disparaît à marée haute.

C’est ça l’île Christmas, des noms qui reflètent parfaitement la geste impériale des Anglais.

Carte des noms de plages et de pointes de l’île Christmas. Image d’Arthur Floret utilisant un fond de carte d’Ewan ar Born via Wikimedia.


Butin de poules !

Inévitablement, alors que votre Toyota s’enfonce dans la jungle de l’île Christmas, vous lâchez  : « haaaan lô lô ! On a vraiment l’impression qu’un dinosaure va surgir en travers de la piste ! »

Eh oui, on a tous vu Jurassic Park.

D’un coup, vous freinez net ! LÀ !!! Hurlements dans la voiture, embrouillamini avec l’embrayage, vous écrasez l’accélérateur comme un Flamby pensant faire sprint arrière mais c’est un petit hoquet ridicule en avant qui vous surprend, vous avez calé, silence. La mort…

L’animal vous regarde de ses yeux vicieux, et pour tout dire complètement cons. Vous ne bougez plus, votre sphincter se relâche pathétiquement, vos artères ressemblent à des câbles de vidange, vous respirez si peu que votre tête commence à tourner.

Puis c’est le moment tant redouté…

La créature se dirige vers vous d’un pas lent… et d’un bon, disparaît dans la forêt en caquetant « cot cot cot codêêêêêt » !

Poulet dinosaure. Source: Fooyoh.com.

Non, ne ricanez pas. Car c’est un fait établi que Gallus gallus —le poulet de votre assiette— et le Tyrannosaurus Rex sont des parents, et pas lointains du tout, analyses moléculaires à l’appui.

En outre, les scientifiques ont trouvé qu’ils partagent plus de 125 ressemblances anatomiques et que les dinosaures avaient des plumes ! Certains savants fous essayent même de remonter le temps en modifiant l’ADN de votre repas favori pour « défaire les progrès faits par l’évolution et leur donner les caractéristiques qu’ils ont perdues il y a des millions d’années. »

Alors, le plus incroyable, c’est peut-être que les poulets soient des animaux sauvages sur l’île Christmas, non ?

D’après mon informateur personnel, qui s’appelle « discussion-de-fin-de-soirée-arrosée (DFSA) », il semblerait qu’il y avait, « dans l’temps », un élevage, mais que, pour une raison ou une autre, il a 1) dû fermer et 2) tous les poulets ont été mis à la porte. DFSA m’a même dit qu’ils étaient nourris avec des crabes rouges jetés dans des sacs en toile de jute puis écrasés à coups de bâtons. Vlan !

Résultat : ils sont partout ! Dans les jardins, le long des routes et des pistes, dans la jungle. Classés nuisibles.

Une poule-au-pot, version île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.

Mais quand-même, il y a deux-trois choses que je trouve géniales avec ces animaux, nuisibles ou pas :

  1. primo, le pays d’origine de Gallus gallus, c’est Java, je veux dire, là où Gallus gallus est une espèce de faisan qu’on trouve dans la forêt, donc on est aussi proche de la source que possible, mais ici c’est une espèce envahissante ;
  2. deuzio, DFSA m’a soufflé que le type de poulet qu’on a ici s’appelle… Java, c’est le même que la version domestiquée qu’ils ont là-bas, à Java, mais il a été importé des États-Unis, en version maigre et non armée ;
  3. troizio, vous pouvez soit prendre une bonne poignée de poussins pour en faire des animaux de compagnie qui vont mourir sous les câlins de vos enfants ou des poules à œufs si vous avez l’énergie de construire une cage pour les protéger des chats sauvages, etc., ou bien, si vous êtes d’humeur mal lunée parce que le coq vous a réveillé trop tôt, vous pouvez appeler le ranger qui va le/les buter avec une carabine à air comprimé ou des pièges ;
  4. Le coq gaulois. Source: blog.imagesdoc.com.

    quatro, vous pouvez évidemment tordre le cou à la première poule qui vous tombe sous la main pour le barbecue. Moi, j’ai un peu peur de l’arrière goût de scolopendre, depuis que j’ai vu que c’est leur nourriture préférée, mais apparemment, beaucoup de travailleurs détachés au centre de détention, qui veulent économiser sur leurs modestes défraiements bouffe de 90 AUD par jour, se font une spécialité d’en zigouiller en veux-tu en voilà, ce qui passe mal chez certains locaux qui veulent faire pareil ;

  5. cinquio, c’est quand-même l’emblème de la Grande Nation, alors c’est tout, cocorico. Et avec ma bosse des maths, ça fait que 1+2+3+4+5=les Français descendent des dinosaures, se sont infiltrés comme des rats dans une ex colonie britannique avec un passeport indonésien, et ils ont un parfum de mille-pattes venimeux. Hmm…
Un poussin de compagnie sur l’île Chritsmas. Crédit Photo: Arthur Floret.


Gaga

Les Christmassiens, cette espèce en voie de disparition…

Oui, mais la francophonie a envoyé son mâle alpha pour y remédier.

Houba houba. Houba gaga.

Albertine Floret. Crédit Photo & crédit bébé: Poh Lin Lee.

Je t’aime parce que :
tu t’émerveilles
de tes orteils,
tu louches un peu
quand tu souris,
tu lâches un pet
en f’sant l’avion,
tu chasses les mouches
mais y a pas d’mouches,
tu baves tu baves
et tu médites,
mais beaucoup trop
pour une p’tite fille
de juste trois mois
qui fait ses dents
et qui grossit
des g’noux des joues
et des mollets
sans trop savoir
pour quelle raison
toujours papa
bave plus que toi !


Occidental vs « occidental »

Depuis le temps que j’habite en Australie, je ne m’y suis pas encore fait.

Mais c’est un détail que je trouve intéressant.

Les Australiens, quand ils souhaitent se « situer » culturellement dans le cadre de discussions sur le voyage, la cuisine, le cinéma, la musique, etc., s’identifient comme des Westerners (Occidentaux), avec les Britanniques, les Étasuniens, les Canadiens, et les Néo-Zélandais. Les Européens, quant à eux, sont des… Europeans.

J’ai bien conscience des raccourcis, des préconceptions et des approximations qui sont le code génétique des blocs civilisationnels, mais cela ne retire rien au fait que ces catégories —ces boîtes, si vous préférez— font pleinement partie de notre quotidien, et que personne n’échappe à en faire usage, et même à les trouver très pratiques !

« Alors, c’était comment ton voyage à Singapour ? —Bah écoute, j’ai juste vu l’aéroport. Mais j’ai trouvé que les Asiatiques sont super polis. Ça marche là-bas, hein, et tout est incroyablement propre ! Bon, ils sont quand même un peu réservés par contre… »

Étant français, ça me fait toujours un petit pincement au cœur de voir que les Anglo-Saxons s’approprient le terme « occidental » et revisitent son contenu, moi qui y voyais un long fil conducteur entre la pensée grecque antique, les arts de la renaissance italienne, les philosophes des Lumières, la Révolution industrielle… bref, la vieille Europe de l’Ouest, par opposition au Nouveau Monde, ou même au Royaume-Uni, qui est si singulier à beaucoup d’égards.

Et puis, j’ai compris. À une époque où être « civilisé », c’est parler anglais, écrire sans ponctuation ou majuscules, manger sans « gras trans », se jeter sur les dernières superproductions hollywoodiennes, ne lire que des romans d’espionnage, et surtout, ne jamais parler de politique, je me retrouve quelques marches plus bas sur la pyramide de la hiérarchie humaine.

Le monde anglo-saxon est énorme, c’est cinq pays, une langue, 444 millions d’habitants répartis entre trois continents.

Australie23 millions
Canada (y compris Québec…)35 millions
États-Unis d’Amérique318 millions
Nouvelle-Zélande5 millions
Royaume-Uni63 millions
TOTAL444 millions

L’Europe de l’Ouest, c’est 17 pays, 14 langues nationales et plus encore de langues régionales, 353 millions d’habitants sur un continent (plus quelques collectivités d’Outre-mer).

Allemagne80,5 millions
Autriche8,5 millions
Belgique11 millions
Danemark5,5 millions
Espagne47 millions
Finlande5,5 millions
France66,5 millions
Grèce11 millions
Irlande5 millions
Islande0,5 million
Italie60,5 millions
Luxembourg0,5 million
Norvège5 millions
Pays-Bas17 millions
Portugal11 millions
Suède10 millions
Suisse8 millions
TOTAL353 millions

On pourrait raffiner ces tableaux, mais la tendance est là : les vieux Occidentaux sont surpassés en nombre par les nouveaux : plus nombreux, plus homogènes, mieux répartis sur le globe, et aussi, mais ça prendrait d’autres chiffres, plus riches, mieux armés, etc.

Alors, autant s’y faire, peut-être que les Européens ne sont plus que ça, des Europeans, une annexe folklorique de l’empire, là-bas, entre le monde slave et l’Afrique…

Et l’île Christmas dans tout ça ? Occidentale ou pas ?

Unique !

Elle est peuplée à 80 % de personnes d’origine chinoise et malaise, elle appartient physiquement à l’archipel indonésien, mais c’est la marine australienne qui patrouille en force ses eaux territoriales, les pièces de monnaie qui circulent de main en main sont frappées à l’effigie de la reine Élizabeth II, et l’Union Jack y flotte dans sa version étoilée.

Blimey !


Sarah Shark, épisode 6 : Ciel, y a-t-il un requin-baleine dans l’océan ?

Rarement communauté humaine aura-t-elle été si excitée à l’idée de voir ses requins… à la télé.

Avec un rappel des troupes sur Facebook qui aurait fait rougir les propagandistes de Corée du Nord, on s’était fait de belles dents acérées et des petits yeux vicelards comme nos ambassadeurs marins. Grrr…

L’épisode final de Sarah Shark, une série indépendante de six documentaires sur les squales en Australie, devait mettre en vedette nos requins-baleines. Justice !

Bon, c’est vrai qu’ils font plus baleine que requin, mais bon…

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Affiche promotionnelle de l’émission télévisée. Image et Source: Sarah Shark.

Audience du lundi après-midi, audience de qualité : la population inactive de l’île Christmas (c’est-à-dire moi) avait sorti les écharpes, les vuvuzelas et les bouteilles de mousseux pour voir la déchéance des requins blancs, bouledogues, tigres et autres qui piquent régulièrement à nos géants inoffensifs la couverture des journaux nationaux à coups de jambes arrachées, de torses hachés menus et d’entaillades sanguinolentes.

Pas de bol. La chaîne est muette, et la belle Sarah passe 30 heures en plongée à chercher sans succès une bestiole de la taille d’un camion. Le tout emballé en quelques minutes. Fin de l’épisode.

Non, l’intérêt de ce documentaire tient plutôt du hasard de calendrier.

Le gouvernement d’Australie-occidentale vient en effet d’adopter un plan visant à supprimer les requins présentant une menace pour les baigneurs à proximité des plages les plus achalandées : 72 lignes de pêche doivent être installées d’ici le 10 janvier dans ces zones et les squales dépassant les trois mètres seront tués. Wanted, dead or alive

Des milliers de défenseurs de l’environnement et de citoyens ordinaires, choqués par ces mesures drastiques, ont manifesté à travers le pays ces derniers jours.

Et pendant ce temps là, nos requins-baleines continuent de rester dans l’ombre…


La bulle palpable

7h00.

J’ai de la pâte de sueur froide dans les poils de ma moustache, les aisselles qui sentent le poireau, et des relents d’épluchures de pommes de terre qui montent du caleçon.

Cuisson lente d’une nuit de mousson.

Je pars chercher le pain favori de mon onychomycose en tirant une charrette d’hectopascals dans la côte.

Mes veines ressemblent à des câbles de vidange que des nuées de moustiques attaquent en kamikaze.

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Auberge de montagne des Chic-Chocs : vers le sommet du mont 780. Photo de Michael Carpentier via Flickr.

Ah, que ces matins d’hiver à Montréal me manquent, quand j’allais faire la pierre au jacuzzi pour deviser sur l’état du monde avant mes cours à l’université…

Bain tourbillon, humanité réduite,
Des vapeurs voluptueuses émerge un pet ;
D’une bulle à l’autre onirique, s’en va
L’aération vorace alimenter.



Le Facebook local ? Les tableaux du rond-point !

« Oyez oyez Christmassiens, Christmassiennes ! J’ai une annonce à faire, une graaaande annonce : bon anniversaire pépé ! »

Eh oui, sur notre île lointaine, on aime crier haut et fort ce que d’autres gardent pour eux…

Pourquoi avoir une vie privée quand tout le monde se connaît ?

Ici, oubliez Facebook et Twitter. Le meilleur moyen de partager une nouvelle, une promotion, un événement, ou même une plainte et une critique, c’est de prendre une craie et de descendre au rond-point de Flying Fish Cove.

 

Mais attention, il y a une hiérarchie bien précise. Démonstration.

Quand vous arrivez à l’entrée du rond-point, vous avez en face de vous un tableau réservé à l’école et un tableau réservé aux services de santé. Hum…

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Crédit Photo: Arthur Floret.

Continuez à tourner à droite (les Australiens roulent à gauche) et là vous avez une série de petits tableaux plus intéressants.

Vérifiez la météo avant, parce que la pluie effacera tout en une minute, et évitez de prendre le tableau le plus près de la sortie puisque les conducteurs doivent effectuer un virage à 90° et n’ont pas le temps de le regarder.

À moins que vous ne vouliez causer un accident en annonçant un concours de bikini sur la plage.

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Crédit Photo: Arthur Floret.

Finissez de faire crisser vos pneus si vous n’avez pas encore vomi et admirez la fine fleur de la technologie locale en matière de com’ : de belles ardoises immenses et partiellement abritées des intempéries. Une pour le Parc national, une pour le club de cricket, une pour le cinéma en plein air, et…

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Crédit Photo: Arthur Floret.

…oui ! Une pour Mondoblog !

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Crédit Photo: Arthur Floret.

Allez. C’est vrai. J’ai squatté. C’est les vacances de Noël et il n’y a plus personne sur place…


Telenovela snif snif : « La migration des crabes rouges », saison 2013

On a tous nos séries télévisées favorites.

Ici, on vient de finir la saison 2013 de La migration des crabes rouges.

  • Dans le rôle des superhéros : les rangers du Parc national et du Shire ;
  • Dans le rôle des gentils complètement innocents : les crabes rouges ;
  • Dans le rôle des vilains avec les yeux injectés de sang et de la bave sur les commissures des lèvres : les chauffards.

Le scénario : 40 millions de crabes en mal d’amour filent vers la plage pour y rencontrer l’âme sœur mais doivent pour cela survivre à une série d’épreuves imposées par des robots géants ultra-rapides qui font trembler la terre. Seuls recours : la chance pure et simple… ou une équipe de garde-natures téméraires qui se mettent en travers de ces machines diaboliques.

Au début, le temps s’arrête sur ce qui pourrait être une histoire banale, sans problème. Ça commence comme ça :

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Crédit Photo: Arthur Floret.

Mais, très vite, les superhéros doivent intervenir aux quatre coins de l’île avec tout leur arsenal de superpouvoirs : des kilomètres de barrières spéciales, des tunnels en acier renforcé, des panneaux routiers hypnotisants, et même un pont unique au monde !

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Le pont aux crabes de l’île Christmas. Crédit Photo: Arthur Floret.
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Les barrières canalisant le flux des crabes rouges. Crédit Photo: Arthur Floret.

Puis les premières victimes apparaissent. Le carnage. La désolation.

Les fraîches, les sèches, les tartinées du matin ou les étalées de la semaine, archéologie du trafic local.

On s’étonne de leurs relents marins pour des créatures qui habitent au cœur de la jungle, et la beauté morbide de leurs dépouilles martyrisées nous fait un peu honte.

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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.

Et là, la saison s’arrête d’un coup parce que, classique, j’ai raté le dernier épisode.

Ça m’a valu de chercher les survivants au cœur de la nuit avec un Kiwi qui parle français et la peur au ventre de marcher sur des scolopendres…

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Une nuit sur les plages de l’île Christmas. Image d’Arthur Floret utilisant une photo de scolopendre de B. Navez (La Réunion, 2006).


Panneaux routiers : tout est dans le style

L’île Christmas est la superpuissance mondiale des crabes. Ça en impose, n’est-ce pas ?

On y trouve une vingtaine d’espèces de crabes terrestres, dont la plus importante population de crabes de cocotiers de la planète, et plus de 160 espèces de crabes marins.

La grande vedette, cependant, est le crabe rouge endémique (Gecarcoidea natalis), qui habite par dizaines de millions dans la forêt et joue un rôle déterminant dans l’écologie de celle-ci.

Chaque année, au début de la mousson (octobre/novembre), les adultes entament de manière synchronisée une migration vers les côtes dans le but de se reproduire.

Pendant plusieurs semaines, la circulation routière est drastiquement limitée. Et jusqu’à maintenant, les conducteurs voyaient leur quotidien dicté par ces panneaux rébarbatifs…

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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.

Heureusement, la Collection printemps-été 2013 est sortie ! Fini les grincements de dents, les locaux ont décidé d’organiser un concours de dessin suivi d’un vote pour se faire une garde-robe de panneaux sexy et jeunes sur mesure.

Et ça marche. On adore lever les yeux de la chaussée pour les admirer… au grand dam de nos amis crustacés qui continuent à faire de la bouillie sous nos roues…

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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.
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Crédit Photo: Arthur Floret.