Samantha Tracy





Merci pour ce moment…

Eden était le feu et Nathan, l’eau. Ils se complétaient autant qu’ils s’aimaient. Ils vivaient à deux cents à l’heure. Ils étaient jeunes, beaux et plein de rêves.







Chapitre 2 : Le souci…technique

« Bienvenue chez toi » m’avait à nouveau dit Sabrina tandis que j’entrais dans son studio. Il était grand et elle y avait installé un espace salon avec des poufs colorés et une table basse en rotin. Un rideau de soie séparait la chambre de cette pièce. Une chambre où s’étendait un magnifique lit en rotin lui aussi habillé d’un drap aux couleurs criardes. Il est vrai que ma cousine ne faisait pas dans la discrétion.

Elle me servit un verre de jus de fruit et m’installa sur un des tabourets de sa cuisine à l’américaine ; incrustée dans un des murs qui faisait face à la salle de bain.

  • Alors ma cocotte, ça va mieux ? Ça été ton voyage ?

  • Oui !, dis-je doucement, en trempant mes lèvres dans le breuvage sucré.

J’hésitais encore à lui parler de Patrick mais je sentais aussi qu’il me fallait me libérer avant d’entamer ma première nuit dans cette ville que je venais de découvrir.

  • En fait Sab’ le voyage a été parfait et si je n’ai pas fait signe c’est parce que j’étais sensée être logée par Patrick. Naturellement, les parents n’en savent rien mais bon… Il n’était pas là à l’aéroport Sab’ ! Il n’était pas là ! Et son téléphone était éteint !

Ma dernière exclamation provoqua les premiers vrais sanglots. Toute la douleur que je gardais en moi s’écoulait dans un torrent de pleurs. Sabrina essayait de me calmer mais elle aussi savait que j’avais besoin de pleurer. Il m’avait fait mal et cette nuit, je ne l’imaginais pas ainsi.

  • Mira… On ne sait jamais hein ! Arrête de l’accuser déjà. Qui sait ? Peut-être qu’il a eu un souci. Je ne le souhaite pas mais attendons voir. Demain est un autre jour. Calme toi ma puce, il faut te reposer. Demain, on verra bien.

Elle me guida vers la salle de bain et me tendit un tee-shirt en coton confortable. Je n’avais pas défait ma valise.

En me glissant dans son lit, je l’entendis réciter une prière. Une sorte d’appel au secours à Dieu peut-être. Qui sait ? Demain est un autre jour et comme on le dit, à chaque jour suffit sa peine. J’avais eu ma peine de la journée et j’avais hâte de trouver un peu de répit. Ce soir, mon sommeil sera mon paradis.


 

Cocoricoooo… Cocoricoooo

Un instant, j’avais cru mal entendre mais oui, j’entendais bien le chant d’un coq.

Cocoricoooo… Cocoricoooo

Je passais mon oreiller par-dessus la tête pour tenter d’échapper à ce réveil peu courtois.

Cocoricoooo…Il est 8 heures 30-minutes… Huit heures trente minutes.

Le réveil du smartphone de Sabrina réussit à me faire quitter le lit.

Je me levais devant la fenêtre qui donnait sur la rue. Sabrina dormait encore à poings fermés, nullement inquiétée par le bruit assourdissant et répétitif de son réveil. Dehors, déjà, des gens s’activaient. Ils marchaient par petits groupes d’hommes ou de femmes déjà en retard pour le travail, en route pour le marché. Quelques enfants profitaient des derniers jours de vacances dès les premières lueurs du jour en courant derrière un ballon de fortune.

Le paysage était différent de celui du « pays », de chez moi. A perte de vue s’étendaient des immeubles. Certains neufs, d’autres d’un certain âge. Dans les rares cours basses, des mères de famille faisaient une lessive de groupe, étalaient des vêtements mouillés sur des barres de fer. La plupart portait de très jeunes enfants sur leurs dos et on entendait parfois un chant s’élever du petit groupe.

Des chats errants traversaient la rue de temps à autre, manquants parfois de se faire écraser par les légendaires « cars rapides » ou « ndiaga ndiaye »[1] qui pullulent dans la ville de Dakar. Ils avaient d’ailleurs attiré mon regard avec leurs couleurs jaune, rouge et bleu. On aurait dit de petits jouets circulant dans la rue.

Quelques femmes, installées à intervalle, proposaient aux travailleurs un petit-déjeuner servi à la sauvette, dans la rue et d’autres vendaient des beignets aux tournants des ruelles. J’apercevais les boutiques qui s’ouvraient déjà, chacune d’entre elles offrant un service différent.

Face à moi, il y avait tout de même deux catégories distinctes de personnes, identifiables à leurs vêtements. Les personnes élégantes, qui travaillent sans doute pour une société de la place, et les « autres », femmes de ménages ou boys dont la mise négligée semble déterminer leur situation sociale.

Sabrina dormait toujours et j’avais besoin de trouver des réponses claires concernant Patrick. J’enfilais donc mon jean’s de la veille, pris mon téléphone sur la table de chevet et sorti doucement du studio, en prenant garde de ne pas réveiller Sabrina.

Je m’installais tant bien que mal dans la cage d’escaliers et je composais à nouveau le numéro de Patrick.

  • Allô ? Allô ?

Sa voix. Celle que je connaissais et qui tant de fois m’avait rassurée, m’avait calmée. Cette voix qui me murmurait des mots doux, m’invitant d’avance à ces moments de plaisir qui auraient dû être nôtres dès mon arrivée sur Dakar… Cette voix !

  • Pa…Patrick ?? C’est toi ?? Ma voix retentit tel un cri, d’autres diraient une supplication à la vie.

  • Ma puce… Mira… Chérie !! Mon Dieu !! T’es où ??

Il avait la voix remplie de panique à présent. Je sentais aussi une pointe de soulagement et j’en fus ravie. Je décidais tout de même de ne rien lui dire.

  • Ah tu t’en soucies ?? C’est ton problème ?

  • Bébé ne me fais pas ça s’il te plait ! Je n’ai pas dormi de la nuit chérie. Tu es où ?

J’avoue qu’à cet instant je ne lui en voulais plus. Sa voix, ses paroles… Je m’étais imaginée des scénarios à n’en plus finir toute la nuit et je fus soulagée de l’entendre m’appeler par ces mots doux.

  • ATTENTION !!

J’entendis la demande à l’instant même où le ballon de basket tomba net sur ma tête. Je lâchais mon téléphone qui tomba sur une marche et s’éteignit. Echange interrompu avec Patrick.

Une dizaine de seconde passèrent avant que je ne lève la tête et que je croise le regard troublant d’un jeune homme.

  • Tu ne peux pas faire attention non ? Et puis, quelle idée de venir s’asseoir dans la cage d’escalier aussi tôt ! Pfff…

Il avança de quelques marches, récupéra son ballon qui était coincé par une barre de fer et continua à descendre sans se retourner. Ne serait-ce qu’une fois.

Non mais ! Pour qui il se prenait celui-là ? C’était quoi cette idée de me parler sur ce ton alors qu’il venait de me faire mal.

Après avoir ramassé mon téléphone et m’être assurée qu’il fonctionnait encore, j’entrepris de le suivre dans les escaliers pour lui apprendre les règles élémentaires de politesse !

       – Hey… Eh !! Toi là ! 

Nous étions arrivés au rez-de-chaussée lorsqu’enfin il s’arrêta pour m’écouter.

  • Oui ? Tu vas me suivre comme ça toute la journée ?, dit-il en rigolant à moitié.

Calmement, je le contournais pour venir me positionner devant la porte d’entrée, mains sur les hanches, sourcils froncés et sourire absent.

  • Tu m’as fait mal et tu ne t’es pas excusé ! C’est malpoli, répondis-je en essayant de garder mon sang froid.

Il recula d’un pas et grâce à la vive lumière du soleil, je pu croiser son regard. Il me fit un sourire moqueur et j’aperçu ses dents blanches et bien alignées. Ses lèvres étaient pulpeuses, rosâtres et une invitation à… rien de très sain.

  • Je m’excuse ! Voilà ! Je peux partir maintenant ?

Je laissais mon regard se perdre sur son torse. Il portait un maillot de basket des Lakers et sa musculature se dessinait nettement sous le tissu. Il avait des mains longues et fines qui jouaient avec le ballon tandis que plus bas, beaucoup plus bas, ses pieds tapotaient d’impatience. Il voulait partir. Je lui barrais la sortie.

Lentement, je me mis sur le coté. Il passa près de moi et je sentis une odeur poivrée.

Il avait une démarche féline. Le genre qu’on ne voit que dans les films. J’étais subjuguée, dépassée, envoûtée. Comment disent déjà les Camerounais ? Le gars ne donne pas le lait.

Driiiiiiing… Driiiiiiing…

La sonnerie de mon téléphone me sortit de ma rêverie.

« Mon amour » était affiché sur l’écran de mon téléphone.

  • Allô ? Patrick ? Excuse-moi, on a été coupé… Un petit souci. Technique


[1] Cars très particuliers que l’on retrouve au Sénégal. Ils sont essentiellement constitués de matériaux de récupération


Chapitre 1 : Mirabelle…

Aéroport Léopold Sedar Senghor. 22h30. Dakar

Je trimballais mon bagage tant bien que mal dans la foule de ces voyageurs pressés de retrouver femme, amis ou enfants dans l’espace réservé aux accompagnants. Tous marchaient à vive allure et de loin j’apercevais des sourires, des mains tendues, de longues accolades et quelques larmes ici et là. L’émotion était palpable et j’avais hâte de vivre à mon tour ces retrouvailles magiques. Me blottir contre lui, l’embrasser langoureusement, revoir son sourire et lui murmurer tous ces mots que nous nous étions déjà dit il y’a quelques heures, au téléphone.

Je trimballais donc mon lourd bagage posé sur un charriot. Il contenait tous ces petits cadeaux que j’avais promis aux uns et aux autres. Je revenais tout de même du « pays » et bien que nouvelle venue au Sénégal, j’y avais amis et famille déjà installés depuis quelques années.

On disait qu’il faisait chaud au Sénégal et à voir la sueur qui perlait déjà sur mon front, ce n’était pas que de simples dires. Ou peut-être était-ce la lourdeur de la valise que je poussais à présent devant moi.

J’arrivais enfin devant la sortie où familles et amis attendaient un arrivant. Au loin, des taxis jaunes et noirs s’alignaient dans un parking de fortune et quelques jeunes hommes proposaient des puces téléphoniques à trois fois leur prix normal, de changer des devises à moindre coût et aussi des services payants dont le port de bagages.

Un de ces jeunes hommes débrouillards s’approcha vers moi :

Sokna-ci, Madame…Change ?? CFA ?Euros ?Dollars ?

Non non ! ça va merci !! Murmurais-je en me frayant un passage dans la foule des badauds.

La main posée en visière, j’essayais de repérer la carrure athlétique de Patrick. Grand, élancé, clair de peau et magnifiquement proportionné ; il aurait pu se démarquer dans cette foule sans trop de soucis. N’empêche que je ne le voyais pas et que je sentais le stress monter en moi. Peut-être ne m’avait-il pas reconnue tout simplement et qu’il m’avait vue passer devant lui sans faire attention.

Il faut dire que les années avaient fait de moi une superbe femme. Sûre de moi et joliment taillée comme on dit chez moi. J’avais une taille de guêpe que les africains apprécient moins que d’autres mais qui attirait tout de même l’attention. De longues jambes de gazelle et une posture de Reine comme aimait à dire ma mère. Ma poitrine rebondie était mon plus bel atout et mes yeux en amande reflétaient mon jeune âge. Sur nombre de photos que je lui envoyais quotidiennement ou presque, Patrick n’avait pas caché son admiration devant la jeune femme que j’étais devenue. Sur les réseaux sociaux, il se plaisait d’ailleurs à me taquiner à ce sujet en disant à tout va que le « garçon manqué » que j’étais avait laissé place à une « belle plante ». Une comparaison qui ne manquait pas de me flatter.

Patrick. Patrick. Je le connaissais depuis quatre longues années maintenant et je gardais en tête son sourire moqueur et son regard perçant. Nous nous étions connus le dernier jour du Baccalauréat, là-bas au « pays » et dans la liesse de la fin de ces jours de travaux extrêmes, nous avions échangé notre tout premier baiser.

Les jours qui avaient suivi furent les plus beaux de ma jeune vie. J’avais 16ans et lui en avait 18. Et ensemble, nous nous sommes offerts pour la première fois aux délices de l’amour. Notre idylle s’annonçait brève car tout deux bacheliers, les chances de partir étudier ailleurs étaient grandes. Il faut dire que « Au pays », la seule université publique était davantage un vestige des heures de gloire de ma terre natale. Les parents optaient donc pour des études à l’Etranger. Qu’importe le pays. Tout, sauf ici.

Patrick et moi, vivions donc précieusement chaque seconde de notre histoire en priant le Ciel que nos parents aient la bonne idée de nous envoyer étudier dans le même pays.

Malheureusement, je manquais mon Visa pour les Etats-Unis et lui, s’envolait pour le Sénégal. Cinq mois jour pour jour après la naissance de notre amour. La distance n’empêcha rien. Nous nous écrivions fréquemment, les appels étaient constants et il faisait partie de mon monde autant que je faisais partie du sien, là-bas à Dakar. Pendant trois longues années, ce fut-ainsi. Licence en main, je frôlais à mon tour le sol sénégalais pour rejoindre mon bien-aimé.

Ma mère avait protesté, arguant que je pouvais aller continuer mes études aux Etats-Unis ou en France mais j’optais calmement pour le Sénégal où l’amour m’avait donné rendez-vous.

Je sortais de mes pensées lorsqu’une main se posa sur mon épaule :

Taxi ??? Madame Taxi ???

Le chauffeur d’un vieux taxi garé devant moi, m’ouvrait grandement la portière, tandis que à mes coté un petit porteur patientait, attendant que je me décide.

Non Monsieur ! J’attends quelqu’un ! Répliquais-je.

J’attendais quelqu’un oui. Patrick. Mais il tardait à venir et moi, je perdais peu à peu patience. Peut-être avait-il oublié que je venais à cette heure là. Trente minutes déjà que je patientais, voyant mes compagnons de voyage s’éclipser aux bras d’une femme pour certains ou entourés d’amis pour d’autres.

Je me rapprochais d’un vendeur ambulant et lui achetait une puce téléphonique, avec la sensation de m’être faite arnaquée. Où a-t-on vu une carte SIM à 5000f CFA ?

Je composais le numéro de Patrick.

« Le correspondant que vous tenter de joindre est indisponible. Veuillez rappeler ultérieurement. »

Indisponible… Quoi ?Rappeler ultérieurement ??

J’étais plantée en plein milieu d’un parking, bagage en main, vêtue d’un Jean’s moulant qui ne laissait aucun homme indifférent et la silhouette magnifiquement relevé par ma paire d’escarpins dernier cri et lui, Patrick, était indisponible ? Le feu me monta aux joues.

Je composais à la hâte le numéro de Sabrina. Ma grande cousine, avec qui j’avais gardé une relation plus ou moins bonne. Nous avions des affinités et elle avait toujours témoigné un trop plein d’amour à mon égard. Le numéro de Patrick était toujours aux abonnés absents après 12 essais d’affilés.

 – Allô ?? Sabrina ?

 – Oui, elle-même! Me répondit-elle avec la voix ensommeillée. Il était tout de même 23h et des poussières.

 – C’est Mirabelle. Mirabelle Ngomat.

 – Oooohhhh… Mira !! T’es à Dakar ??? Mamééé[1]!! Depuis quand ?

Sa voix haut perchée me fit plaisir car je me sentais coupable de l’avoir dérangée à cette heure avancée de la nuit. Je me sentais soudainement moins seule.

 – Je viens d’arriver et je suis à l’Aéroport… Je voulais te faire une surprise.

 – Ohh mais c’est réussi ma puce ! T’es logée où ?

LA question !! Comment lui annoncer que j’étais debout dans un parking, dans un pays étranger et sans endroit où aller.

 – Euhh…Je ne sais pas trop. Je viens d’arriver et l’ « amie » qui devait m’accueillir n’est pas là. Son téléphone est éteint et là je ne sais pas que faire. Je sais que je te prends de cours mais…

 – Ahhh katuka[2]!! Dit-elle en m’interrompant net. Mu ké na kuiza[3]. J’arrive.

Elle arriva effectivement 15 minutes plus tard alors que j’étais affalée sur un banc entre deux taximen qui se partageaient une tasse de café. Je lui sautais littéralement dans les bras.

 – Sab’ Tu me sauves la vie !!

 – Ahhh ngué [4]!! Donc tu pouvais pas me faire signe que t’arrivais ? J’aurais été là moi ! Bienvenue ma puce ! Me dit-elle avec un sourire éblouissant.

Elle prit bien vite les choses en main. Je me retrouvais assise à l’arrière d’un Taxi, la valise dans le coffre et ma tête sur son épaule. Je l’entendis appeler ma mère pour la rassurer de mon arrivée et ensuite indiquer d’une voix de matrone, la route à suivre, au chauffeur.

Tandis que les lumières de Dakar défilaient devant mes yeux, je sentais petit à petit monter ma colère. Des larmes ruisselaient à présent sur ma joue et ma détresse finit par alerter Sabrina. Bien qu’elle ne le connaisse pas réellement, je lui avais souvent parlé de Patrick. Elle savait que j’espérais venir le rejoindre à Dakar et bien qu’elle ait joué le jeu, je suppose qu’elle aussi savait que ce n’est pas une « amie » qui m’a plantée ce soir devant Léopold Sedar Senghor mais plutôt celui que j’ai toujours appelé mon « homme ».

Elle passa ses doigts entre mes cheveux…

Ca va aller ma puce. On se sent toujours un peu perdue en arrivant ici. Mais tu verras, tu t’y feras bien vite. On tombe rapidement amoureux de la Teranga des terres sénégalaises. Bienvenue chez toi.

 


[1] Exclamation de surprise très utilisée au Congo Brazzaville

[2] Arrête !

[3] J’arrive

[4] Mais toi donc !


RDV Samedi prochain pour la suite 😉



Monsieur Songué Diouf, j’ai quelque chose à vous dire au nom de mes jupes courtes…

Le 09 mars dernier, l’émission sénégalaise Jakarloo était dédiée à la femme, un hommage en continuité de la journée internationale des droits de la femme. Alors que cette émission devait magnifier la femme, un des intervenants a créé la polémique. Pour le professeur Songué Diouf – professeur en Philosophie et dont les prises de position ont été plusieurs fois plébiscitées par les téléspectateurs –, les femmes sont à l’origine des cas de viol. Les violées seraient responsables de s’être faites violer, elles seraient à l’origine du viol subi et l’homme n’y serait pour rien, le violeur n’est pas responsable.

« Sur ce sujet, je me dois de couper la poire en deux, car, lorsque vous portez plainte contre nous (les hommes), nous aussi, on doit porter plainte contre vous à notre tour, car vous faites tout pour que nous vous violons »

« Le pauvre (parlant ici du violeur) va prendre 10 ans et celle qui a tout fait pour être violée et qui a violé toutes les normes morales et religieuses, elle, continue à errer »

Monsieur Songué Diouf estime que la femme habillée d’une manière indécente (encore faudrait-il être d’accord avec ce qu’il estime être indécent) exerce elle aussi une « violence » vis-à-vis du violeur. Et qu’en fin de compte, selon Monsieur Songué Diouf, le violeur ne serait qu’une pauvre victime. Une victime de celle qu’il a lui même violé parce que ayant été piégé, attiré par…celle là même qu’il a violé.

https://www.youtube.com/watch?v=MnRT8pEA8oo&t=4s
Voilà donc les faits.

Pour résumer, nous sommes en 2018 et un intellectuel, professionnel émérite dans son domaine, enseignant et intellectuel reconnu dans son milieu…Cet intellectuel, donc, pense qu’une femme qui a mis une jupe courte ou un quelconque vêtement mettant en valeur ses formes… est responsable si jamais un pauvre homme cède à la tentation et la viole. La bonne blague !

Je ne voulais pas réagir à ces paroles que le monsieur dit assumer (pour ne pas lui donner une importance qu’il ne mérite absolument pas ) mais la tentation était trop forte, au nom de MES jupes courtes. Parce que oui, je mets des jupes courtes. Et à en croire ce Monsieur, si jamais je me fais violer… ce sera parce que un pauvre homme, incapable de se contrôler; aura été tenté par la diablesse que je suis.

Viols provoqués ?

Selon les statistiques de l’Association des femmes juristes du Sénégal, rien qu’en 2016, le Sénégal aurait enregistré 3600 cas de viols. Entre janvier et juin, il y aurait eu près de 1776 viols dont 516 cas d’inceste. Selon les mêmes sources, l’âge des victimes les plus touchées varie entre 3 et 19 ans.

En 2016, dans les toilettes d’une mosquée ; deux adultes se relaient sur une mineure qu’ils violent. On continue ?
Dans la soirée du 16 au 17 mai 2017, un bébé de 18 mois se fait violer à Thiès.

Allons encore plus loin, il y a moins d’un mois, le 24 février dernier ; la petite M.D était portée disparue après être partie à la boutique du coin. Son corps a été retrouvé le lendemain, dans un sachet en plastique. L’autopsie aurait confirmé un viol suivi de meurtre. Elle avait 8 ans. 8 ans.

Je pourrais continuer ainsi pendant longtemps et vous pourrez constater que les chiffres parlent d’eux même.

S’il faut s’en tenir à la théorie de ce monsieur, les personnes qui sont violées sont responsables du viol parce qu’elles sont « mal » habillées, à son sens. Elles sont donc, pour lui, la cause du viol, et celle-ci n’est pas à chercher du côté de l’agresseur qui ne contrôle pas ses pulsions sexuelles et voit en elles des objets pour assouvir ses désirs sexuels. Pourtant, allez sur Google, associez les mots « viol » et « Sénégal » et vous verrez que les premières victimes de ces agissements honteux, de cette violence inacceptable, ce sont avant tout des enfants.

Avant d’aller plus loin, rappelons ce qu’est un viol.

Un viol est un acte par lequel une personne force une autre personne à avoir des relations sexuelles avec elle, par violence, contrainte, menace ou surprise. 

Et posons-nous enfin les bonnes questions.

Dans un cas de viol : Qui donc est violent? Qui est actif et qui subit l’acte?  Qui est libre de dire « oui » ou « non » ou « stop » ? Qui déshumanise l’autre en le prenant comme un objet ? Qui a une emprise sur l’autre ? Qui est la victime ? Qui est l’agresseur ?

Dès l’instant où il n’y a pas de consentement mutuel, et donc aucun respect de l’avis de l’autre et de sa liberté de dire « NON », il y a VIOL. Il y a donc un agresseur et une victime.

Au nom de ma jupe courte…


La tenue vestimentaire d’une femme n’est en AUCUN CAS une raison qui justifierait un viol. Sauf erreur de ma part, le Sénégal est un pays LAÏQUE où les femmes n’ont pas l’obligation de se soumettre à certaines règles vestimentaires. Quand bien même une femme marcherait NUE dans la rue, ce serait la responsabilité des forces de l’ordre de l’interpeller et non pas d’un pseudo-justicier qui punirait à coups de reins, une femme non-consentante. 

Au Sénégal, les hommes font ce qu’ils veulent, s’habillent comme ils veulent et pourtant non, les femmes ne se jettent pas sur le premier jeune homme en short court pour le violer en bande. N’avons-nous pas des désirs ? C’est ce qu’on vous a dit ? Le désir est autant féminin que masculin. 
Ne justifiez pas l’injustifiable.
Un homme incapable de se retenir devant une paire de fesses est un malade doublé d’un pervers et non, ce n’est ni la faute de la femme aux formes généreuses, ni celle de sa jupe courte.
Il n’y a pas à « couper la poire en deux ». Un viol est un viol. Et le violeur est le seul coupable. Il porte l’entière responsabilité d’avoir introduit son sexe dans l’intimité d’une femme.
Qu’elle soit professionnelle du sexe. Qu’elle se balade en ras-de-fesses. Qu’elle soit nue.

Point final. Débat clos.

Les arguments qui sont apportés ne sont que la preuve du manque de retenue de certains hommes qui cacheraient en eux aussi de potentiels violeurs. De quoi se défendent-ils si ce n’est du fait d’être eux-mêmes incapables de se maîtriser ?

Alors non, je ne m’excuserai pas si des hommes, des adultes, des pères de famille, des intellectuels et des hauts responsables sont incapables de retenir leurs pantalons bien remontés à la vue de quelques attributs féminins. Ce qui différencie l’homme de l’animal, c’est sûrement la capacité à gérer sa libido. Alors, les hommes seraient-ils des animaux? Des bêtes sauvages? Qui sautent sur tout ce qui leur fait envie sans demander notre avis? Sommes nous dans une jungle où là aussi, la loi du plus fort est la meilleure?

Je n’ai pas, en tant que femme, à m’excuser de votre faiblesse et de la perversité qui l’accompagne.

Comme l’a si bien dit Françoise Héritier, il faut : « repenser la question du rapport entre les sexes, s’attaquer à ce statut de domination masculine et anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible ».

Cela arrange bien des hommes de faire croire que leur désir est « irrépressible ». Mais aucun désir n’est irrépressible, c’est un mythe bien ancré dans les sociétés qui veut que l’homme soit incapable de se retenir. Et ils finissent par y croire eux-mêmes, la preuve !

Ce qui est vrai, c’est que derrière toutes ces considérations, il n’y a qu’une seule question : celle du rapport entre les sexes et donc celle de la domination du masculin sur le féminin, et cela existe depuis des centaines d’années malheureusement.

En 2018 il serait tant que cela change, et cela ne changera que par la voix des femmes, parceque c’est la responsabilité des femmes de dire « stop ». Nous devons oser dire « NON » à l’unisson pour que les mentalités changent enfin.

 

Et les femmes dans tout ça…Parlons-en!

Sur les réseaux sociaux, c’est LE sujet du moment. Autant, je suis ébahie de voir des hommes soutenir mordicus le point de vue de ce professeur, en cachant avec des airs de sainteté leurs propres faiblesses, autant, je suis dégoûtée de voir que des femmes se permettent de défendre le même avis. C’est bien triste. Aucune raison n’est valable pour justifier un viol. AUCUNE.

D’ailleurs pour information, le 9 mars, alors que le Professeur Songué s’exprimait avec un air dédaigneux, des femmes étaient bien présentes sur le panel. Qu’ont-elles dit ? RIEN. Pourtant, on entend des rires idiots qui semblent trahir une certaine gêne, car oui, elles étaient surement conscientes des propos hallucinants de Monsieur Diouf… mais pourquoi n’ont-elles pas réagi ?

Des femmes étaient sûrement présentes dans le public. Ont-elles seulement réagi ? Non.

Non Mesdames, vous n’auriez pas dû vous taire. Vous étiez en première ligne et c’était votre responsabilité de réagir avec la plus grande énergie pour dire STOP à l’instant même où ce monsieur sortait de telles inepties. Car il est de la responsabilité des femmes de réagir lorsque de tels propos sont énoncés. Se taire c’est être complice. Et toutes les femmes présentes ce soir-là sur le plateau de la TFM ont été complices de monsieur Songué Diouf alors qu’il expliquait que ce sont les violeurs qui sont victimes des femmes violées.

Ne parlons pas du journaliste qui animait était censé animer ce débat et qui n’a pas fait son travail de modérateur et qui n’a pas cherché à équilibrer les points de vue. Les responsables (rédacteurs en chef et autres…) de cette émission se sont-ils remis en question ? Dans d’autres pays, ils pourraient être tout simplement mis à la porte pour une telle irresponsabilité professionnelle.

Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (Cnra) enfin sorti de son mutisme a fait une simple mise en garde à l’endroit de la Télévision Futurs Médias, demandant par la même occasion que l’émission ne soit plus rediffusée. Est-ce suffisant?

Malheureusement, à  l’heure où au Sénégal, des initiatives à l’image de #Nopiwouma essaient de dénoncer les diverses violences faites aux femmes et aux jeunes filles, d’autres femmes s’allient à une cause qui voudrait qu’un violeur soit vu en victime.

Voilà où nous en sommes, en ce mois de mars 2018, pour célébrer le droits des femmes.

À l’heure actuelle, une pétition a été lancée pour que Monsieur Diouf présente des excuses publiques. Mais est-ce suffisant lorsque l’on voit les réactions effrayantes de certains internautes, hommes et femmes confondus ?

Il est urgent de faire un débat de société digne de ce nom. Et très certainement aussi un gros travail d’éducation. Nous sommes en 2018 et nous peinons encore à sortir des stéréotypes sur les rapports femme-homme.

Est-ce que le mal n’est pas plus grave qu’il n’y paraît. Et si le Professeur Songué n’avait fait que dire ce que beaucoup pensent tout bas ?

 

MISE À JOUR: Monsieur Diouf se serait excusé. Que dis-je! Il a tenté de se justifier.

 

 





Cher mondoblog, il est temps que je tourne la page #MondoChallenge

Dakar, le 09 février 2018

A l’attention de Mondoblog

Objet : Il est temps de partir…

Cher Mondoblog,

Bonjour. Je suis Samantha Tracy, 27 ans et pas seule dans ma tête.

Déjà près de 02 mois que je n’ai rien publié sur mon blog. J’ai passé des heures devant une page blanche, face à mon ordinateur. J’ai relu de vieux articles, j’ai saisi quelques mots que j’ai trouvé vides de sens. Et j’ai fermé la page.

Cela fait désormais 4 ans que j’ai découvert le blogging et tout juste un an que j’ai rejoint la sélection de mondoblog. Je me souviens d’ailleurs qu’à l’époque, j’en avais entendu parler via un groupe d’amis blogueurs. Notre discussion s’était conclue par une proposition.

« Samantha, mondoblog sélectionne ses nouveaux blogueurs…Pourquoi tu n’essaie pas ? »

Je n’étais pas très motivée. Quelques amis – blogueurs – avaient jeté la pierre sur le monde de fonctionnement de Mondoblog. D’après ce que j’avais ouïe dire, il n’y avait là-bas aucune réelle liberté d’expression. Les blogs étaient passés au peigne fin et souvent, les modérateurs changeaient un article de bout en bout.
Vous y voyez quelque chose de motivant là ? Non ?

Bizarrement, j’ai été motivée. Je me voyais intégrer la 5eme sélection de Mondoblog avec Morceau2vie, mon blog sans orientation fixe, politiquement incorrect et tellement à mon image.

J’ai donc rejoint Mondoblog.

Mon premier article a été mis à la Une dès sa publication et d’autres ont suivi. Oui, très souvent mes articles étaient corrigés – principalement pour l’orthographe – et certains de mes titres ont été changés « pour mieux répondre aux standards de Mondoblog ».
Ces anciens Mondoblogueurs qui m’avaient prévenu par rapport aux changements sur mes articles avaient-ils raison ?
Non.
A chacun des changements, je recevais un e-mail explicatif, qui précisait que je pouvais – si je le souhaitais – revenir à la version initiale de mon article. D’ailleurs, de nombreuses fois j’ai refusé un changement sur un titre d’article et il a quand même été mis en avant.
Vous disiez quoi déjà à propos de la liberté d’expression ?

Ça fait bientôt deux ans – en avril – que j’ai rejoint Mondoblog, et à aucun moment je n’ai senti que mes points de vue étaient « passés au peigne fin ». Certes, il existe dans les valeurs de Mondoblog, des sujets à aborder avec sagesse… mais je ne pense pas que ces valeurs réduisent ma liberté d’expression.

L’expérience Mondoblog…

Depuis que je suis devenue Mondoblogueuse, il y’a eu quelques changements dans ma vie de blogueuse. Pour commencer, j’ai bénéficié de quelques conseils sur le blogging qui m’ont aidée. Des conseils pratiques qui me servent encore aujourd’hui. Mais au delà, j’ai vécu une aventure humaine sans pareil.
Avec la 5eme sélection de Mondoblog, j’ai connu la #Mondogang, une bande fous furieux talentueux et inspirés (Cf notre #MannequinChallenge ) . J’ai eu le plaisir de me rendre au Sommet de la francophonie à Antananarivo et de dire deux ou trois trucs à François Hollande. Bref, j’ai vécu.

Crédit photo : Mondoblog. Antananarive 2016.

Aujourd’hui, je pense que j’en suis à un tout autre niveau. Je me cherche et je m’attends à autre chose.
Cher Mondoblog, comme je te l’ai dit au début de cette lettre ce billet ; j’ai passé des heures à chercher l’inspiration devant une feuille blanche, j’ai relu de vieux articles et j’ai saisi des mots qui ne me ressemblaient pas.

Quand j’ai commencé à bloguer, je n’étais pas à la recherche d’une pseudo popularité. J’écrivais parce qu’il fallait que je le fasse. J’en avais besoin et c’était presque vital. Depuis quelque temps, j’ai commencé à formater mes sujets en fonction de ceux qui me lisaient et qui attendaient que j’aborde tel ou tel sujet. Je me suis reprochée d’être aussi peu carré dans le choix de mes mots, d’être aussi éparpillée…D’être cette blogueuse sans orientation fixe qui savait être incorrecte. Souvent.

En rejoignant mondoblog, j’avais acquis une certitude : Ma plume, peu commune ; plaisait. Je pouvais écrire avec ce style « grossier » qui permettait que ceux d’entre nous qui ne voulaient pas lire « le monde » puisse venir sur Morceau2vie pour partager mes points de vue, mes coups de gueule, mes peurs, mes rêves. J’avais des lecteurs qui me lisaient pour, eux aussi ; partager des morceaux de vie.
N’était-ce pas là l’essence même de mon blog ?

Je me suis perdue…

J’avais commencé à bloguer pour moi, par passion et par envie. Depuis quelque temps, j’écris pour les autres, pour leurs attentes et leurs envies.
Ce n’était pas le but.

Cher mondoblog, depuis que j’ai rejoint les rangs des tes blogueurs ; j’ai grandi, j’ai évolué. J’ai appris et je me suis adaptée. J’ai brillé…et là, je m’éteins.
Ou pas.

« Quand tu ne sais pas où tu vas, souviens-toi de là où tu viens »

Cher Mondoblog, il est temps pour moi de tourner la page. Pour mieux me retrouver et pour mieux bloguer.
Non, je ne quitte pas la plateforme. Je reviens plutôt. Plus forte que jamais, plus moi que jamais et plus impliquée que jamais.

Je me dis que si 4793 personnes me suivent sur la page officielle de Morceau2vie, c’est qu’il y’a encore quelques morceaux de vie que je peux partager.
En texte. Ou en vidéo.
Ah oui… J’ai lancé ma chaine Youtube. Elle me ressemble. Elle vous attend.

Bref, bonjour Mondoblog.

Je suis Samantha Tracy, 27 ans, toujours pas seule dans sa tête et je suis blogueuse.

Non.

Mondoblogueuse.


Cet article s’inscrit dans le cadre du #Mondochallenge de ce mois de février. Le thème proposé par les blogueurs est « Depuis que je suis sur Mondoblog ». Retrouvez les articles de Fafa et Valentine, les deux autres mondoblogueuses qui se sont soumises à l’exercice.