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CAN2015 : Seydou Keïta, les sceptiques et la qualification in extremis

Seydou Keita dit Seydoublen, Capitaine des Aigles, Photo: AFP
Seydou Keita dit Seydoublen, Capitaine des Aigles, Photo: AFP

Un but sur penalty de Seydou Keïta et un autre de Moustapha Yattabaré sur une frappe. Oui, ça y est, le Mali est qualifié pour la phase finale de la CAN-2015. Cette CAN se tiendra aux dates prévues, la Confédération Africaine de football (CAF) a été intraitable. Le Maroc, pays organisateur, avait demandé un report afin de ne pas exposer les populations à l’épidémie Ebola qui sévit encore. La Coupe d’Afrique des Nations se jouera bien du 17 janvier au 8 février 2015, mais en Guinée Equatoriale, chez Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.
Le Mali sera donc à ce rendez-vous à ne pas rater tant au plan sportif qu’au plan du moral collectif, surtout dans un pays où l’ennui est près d’être national. Tout ne va pas dans le sens du vent, et l’irruption d’Ebola n’arrangera certainement pas les choses. La victoire du Mali contre l’Algérie (2-0) au stade du 26 mars à Bamako dans un match comptant pour la 6e et dernière journée des qualifications est un évènement qui n’est pas sans importance, même s’il ne faut pas trop se bercer d’illusions.

Personne ne contestera le fait que le héros de la soirée du 19 novembre a été Seydou Keïta. Il a joué avec la motivation et la détermination professionnelles dont il avait toujours fait montre précédemment. Il a été, disons-le sans précaution, le joueur le plus dangereux, en témoigne le penalty, obtenu sur une faute de Carl Medjani, qu’il a transformé, à la 28e minute. Joueur malien le plus titré actuellement avec 17 titres collectifs, élu meilleur joueur de la coupe du monde des moins de 20 ans en 1999, soulier de bronze africain en 2007, le milieu de terrain malien qui évolue à l’AS Rome et qui est le capitaine de l’équipe, est « resté pro » tout au long de cette rencontre, avec ses couvertures de balles, le dispatching de la balle, sa détermination surtout.

On sait que son absence contre l’Ethiopie avait été déterminante dans la terrible défaite à domicile des Aigles. Les critiques avaient descendu en flammes des joueurs dont on avait l’impression qu’ils ne jouaient pas pour la victoire. Certains étaient même allés jusqu’à dire tout haut que l’Equipe nationale ne regrouperait que des joueurs qui ne sont là que sur la base du clientélisme, de l’affairisme, du népotisme, du favoritisme…avec la bénédiction d’une fédération où règnent magouilles, vols, et corruption.

Face à l’Algérie mercredi soir, Keïta a montré la pleine mesure de son talent. Ce joueur d’exception, présent régulièrement sur les terrains africains depuis 2002, devrait disputer sa dernière CAN en Guinée Equatoriale.

Après la défaite face à l’Ethiopie, et ensuite face au Malawi, le scepticisme en avait envahi plus d’un. Le Mali devait battre l’Algérie pour se mettre à l’abri. Dans les tribunes ou devant le petit écran, chacun a pu se rendre compte que la rencontre n’a pas fait stade comble. Certes, l’épidémie de fièvre Ebola est passée par là. Mais, reconnaissons que les supporteurs étaient sceptiques. Ils avaient eu leur dose de l’équipe nationale qui, depuis 1994, fait durer le suspense à chaque phase finale de la CAN, puisqu’il faut toujours attendre le dernier moment pour avoir la certitude que le Mali sera présent à la CAN.

« En tant que Malien, je suis évidemment content de cette belle victoire des Aigles du Mali sur la meilleure équipe africaine du moment. Mais cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. On n’avait pas besoin d’attendre la dernière journée pour être parmi les 2 premiers dans une poule composée de l’Algérie, de l’Ethiopie et du Malawi. Sans pour autant manquer de respect à l’Ethiopie et au Malawi, ce sont des équipes qu’on devrait battre à l’aller comme au retour. Cela dit, on ne va pas faire la fine bouche. Bravo aux Aigles pour la qualification à la CAN 2015 », a réagi un internaute. Et cela montre combien les Maliens qui s’intéressent à l’équipe nationale sont restés sur leur faim dans cette phase des qualifications.

Cette équipe malienne fait effectivement pitié à voir jouer. Le football malien est on ne peut plus ennuyeux. Le jeu à la malienne est nonchalant, routinier et progresse avec peine. Il n’y a aucune vivacité. A la fin d’un match, victoire ou pas, on a le sentiment d’avoir perdu son temps à regarder des « gars » qui n’en valent pas la peine et qui manquent d’implication. L’équipe nationale produit souvent un match qui n’a pas plus de niveau qu’une rencontre entre le Stade Malien et le Djoliba AC de Bamako. Mais il y a pire. A tout cela viennent s’ajouter des erreurs de choix tactique de l’entraineur. On a vraiment du mal à comprendre pour quelle raison Henri Kasperzack a voulu se passer d’un gardien de but comme Soumaïla Diakité qui a fait une bonne CAN en 2014.

Depuis la CAN 2004, en Tunisie, le Mali n’a pas connu une équipe bien soudée, avec des joueurs régulièrement sélectionnés, ce qui fait qu’on se retrouve à chaque match avec une nouvelle équipe. On imagine donc sans mal qu’il n’est pas évident d’avoir une équipe dynamique, digne de ce nom, et capable de remporter une CAN. Ce constat peut paraître cosmétique, mais il vaut ce qu’il vaut. Le football malien a besoin de travail, de sacrifice et surtout, surtout, de remise en cause.

Boubacar Sangaré


Mali: Ebola, vous êtes complices !

Ousmane Koné, ministre malien de la Santé, Photo: maliba24.com
Ousmane Koné, ministre malien de la Santé, Photo: maliba24.com

Depuis bientôt une semaine, la ville de Bamako vit dans la psychose. Après le décès d’une fillette à Kayes, un homme a été terrassé par Ebola à la clinique high-tech Pasteur. Sa mort a incontestablement signé l’entrée « par effraction » de la fièvre hémorragique au Mali. Avec la découverte de cas suspects, la mise en observation pour contrôle sanitaire de plus de 256 personnes, le Mali, longtemps sur la défensive vis-à-vis d’Ebola, a rejoint le rang des pays de l’Afrique de l’Ouest touchés par cette épidémie qui se répand comme une lèpre. Et pourtant, le pays était déjà assez laminé par les crises, le désarroi social, la gabegie financière, et les mensonges éhontés de certains ministres comme celui de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

Osons mettre les choses en exergue ! Au Mali, tout le monde est en train de mentir à tout, et partout. C’est grave pour tout le monde. Tel est le résumé d’une discussion avec une amie chroniqueuse. Face à la gravité de la situation, le président Keita a annoncé l’ouverture d’enquêtes pour « découvrir la chaine de négligences coupables ». Le ministre de la santé semble lui-même frappé d’apathie et d’impuissance.

Il est clair que le tragique épisode à la clinique Pasteur est un scandale. C’est d’abord et avant tout un scandale. L’hospitalisation d’un cas suspect d’Ebola par une clinique de cette envergure, sans procéder à l’isolement du malade et donc, apparemment sans s’intéresser aux symptômes de la fièvre que nul n’ignore, est le symptôme de négligences indéniables de la part des personnels de cette institution sanitaire. Des négligences que rien, mais absolument rien ne peut excuser. La clinique a eu tort. La clinique a commis des erreurs qu’elle ne peut plus réparer. C’est un scandale qui noircira à jamais son image. « Certes le serment d’Hippocrate interdit la discrimination contre les malades, mais face à un tel cas, la logique voulait que le personnel de santé s’entoure de toutes les précautions avant tout contact avec le malade surtout qu’on savait qu’il venait de la Guinée. », écrit Amadou Sidibé dans  Les Echos  pour souligner l’amateurisme dont la clinique a fait preuve. Une pétition circule sur internet. Elle vise à atteindre 1000 signatures pour engager contre la Clinique Pasteur « des poursuites judiciaires pour négligence criminelle ». Cela en dit long sur l’indignation des populations. Une chose est sûre, on n’a toujours pas toutes les pièces du puzzle pour reconstituer ce qui s’est passé à la clinique.

Ce qu’on sait maintenant : la jeune fille, le vieil imam et son fils déclarés morts d’Ebola venaient de la Guinée, l’un des 3 pays affreusement touchés par l’épidémie. Néanmoins, l’incompétence, l’amateurisme ne concernent pas que la clinique. Elles caractérisent aussi les autorités par la faute desquelles la frontière malino-guinéenne est un véritable gruyère. Au nom de la solidarité, IBK a assuré à son homologue Alpha Condé que le Mali maintiendrait ses frontières ouvertes. Il ne fait aucun doute que la fermeture n’est pas la solution. D’ailleurs comment prétendre être capable de fermer la frontière de 800 km entre les 2 pays ? Au-delà de cet aspect, ne doit-on pas exiger d’explication sur les négligences concernant le contrôle thermique, les mesures prophylactiques ? L’OMS n’est-elle pas allée jusqu’à y recommander un renforcement du contrôle ? Ce qui n’est pas anodin.

N’ayons pas peur de le dire, les autorités sanitaires du Mali, le Ministère de la Santé en tête, sont incompétents et complices de ce qui arrive au Mali aujourd’hui. Ils viennent de démontrer qu’ils n’ont jamais réellement protégé le pays. Le cas de la fillette décédée à Kayes était un sérieux avertissement. C’est alors qu’il aurait fallu consacrer des heures à Ebola dans des campagnes télévisées, afin de sonner la mobilisation générale.
Mais le mal est fait. « Le vin est tiré, il faut le boire. »

Fermer les frontières ou y redoubler de vigilance n’était en rien stigmatiser nos frères Guinéens. C’était protéger le pays. C’était le devoir d’IBK.

Éditorial du lundi 17 novembre 2014, Le Flambeau

Boubacar Sangaré


Ebola : panique au Mali

Il est certain qu’après l’épisode de la clinique Pasteur dont l’image a été atomisée, les populations à Bamako, comme ailleurs, vont vivre habitées par la peur. La clinique est fermée pour 21 jours et le Mali « est mal barré ». Le président IBK et son gouvernement « sont mal barrés »…

Prières, peur, communiqués de sensibilisation, Journal ORTM « spécial Ebola… Au Mali », c’est la panique depuis l’annonce du décès d’un infirmier de la clinique Pasteur à Bamako, victime de la fièvre hémorragique Ebola. Il a succombé le mardi dernier après avoir déclaré « quelques symptômes de la maladie à virus Ebola ». Un autre malade arrivé de la frontière guinéenne est également décédé. Il avait été diagnostiqué « d’une insuffisance rénale aiguë. » Selon le journaliste Adam Thiam, à minuit, le soir du mercredi 12 novembre, un barrage de véhicules de la police et de gendarmerie barrait la route qui mène à la clinique. La clinique fermait ses portes, l’ensemble du personnel et des patients étaient mis en quarantaine. Toute personne ayant été en contact avec les deux personnes décédées doit être recherchée.

Ebola était à nos portes. Désormais cette fièvre est dans nos murs. Une fillette, elle aussi venue de Guinée, en avait été victime à Kayes. Mercredi, en quelques heures, la psychose s’est installée, c’est indéniable. Les appels au calme du ministre de la Santé n’y feront pas grand-chose. On le sait, la vérité est aussi amère que le jus de citron dans l’œil, mais, disons-le tout de même : c’était prévisible… Les journalistes n’avaient pas cessé de rapporter qu’il y avait un manque de contrôle à la frontière avec la Guinée, pays profondément touché par l’épidémie. Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, avait lui-même fait le voyage pour assurer à son homologue guinéen que le Mali ne fermerait jamais ses frontières.

Loin de moi l’idée de dire que fermer les frontières terrestres est la solution. Néanmoins, c’est tout de même un choix de poids. L’OMS, dans son rapport daté du 10 novembre, a d’ailleurs recommandé un renforcement de la surveillance et du dispositif à Kouremalé, principale ville malienne frontalière avec la Guinée. D’autre part, «dans son rapport de suivi d’hier 12 novembre 2014, où elle annonce 5 160 décès pour 14 098 cas d’infection principalement survenus en Afrique de l’Ouest, l’OMS révèle ce que le public malien ne savait pas : à savoir que, par rapport au terrible fléau, le Mali en est à son quatrième cas de décès et autant de cas d’infection confirmés et probables. Jusqu’à lundi, seul le décès de la fillette de Kayes était publiquement annoncé par nos autorités. Mardi 11 novembre, le ministère de la Santé a reconnu que l’infirmier mort dans une clinique de la place depuis sous quarantaine avec plusieurs dizaines de personnes était décédé des suites de la fièvre Ebola. », précise encore une fois l’éditorialiste Adam Thiam, non sans poser certaines questions qui devraient inciter les autorités maliennes à ouvrir une enquête pour y voir un peu plus clair au sujet de la clinique Pasteur : « A-t-il testé positif au virus Ebola ? La clinique Pasteur le savait-elle ? Quand a-t-elle su, comme l’a affirmé son directeur, que l’infirmier décédé mardi avait été contaminé par l’imam ? L’institution sanitaire a-t-elle cherché à cacher l’existence de cas d’Ebola en son sein ? » A ces questions, des réponses méritent d’être apportées.

Il est certain qu’après l’épisode de la clinique Pasteur dont l’image a été atomisée, les populations à Bamako, comme ailleurs, vont vivre habitées par la peur. La clinique est fermée pour 21 jours et le Mali « est mal barré ». Pays pauvre au système de santé et à l’Etat fragiles, le Mali ne s’est toujours pas relevé des crises qui l’ont terrassé dès début 2012. Les autorités appellent maintenant les populations à la vigilance, alors que la frontière avec la Guinée est restée une passoire. Laxisme ? Inconscience ? Incompétence ? Au risque de propagation de la fièvre sur le territoire malien, les autorités ont simplement opposé ce que Marwane Ben Yahmed appelle « une gestion suicidaire ».

Boubacar Sangaré


Mali : vers une gestion « politique » de l’Enseignement supérieur ?

Mountaga Tall, ministre malien de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Credit; TV5Monde
Mountaga Tall, ministre malien de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Credit; TV5Monde

Mardi 04 novembre. Palais des Sports. L’année 2014-2015 a été déclarée ouverte pour les universités et grandes écoles du Mali au cours de cette cérémonie de grande envergure. La présence du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, et du Premier ministre, Moussa Mara, et celle de recteurs, doyens, enseignants et étudiants, tous acteurs du monde de l’enseignement supérieur, illustrent très clairement l’importance de cet évènement. Il n’y a rien d’offensant à rappeler que l’enseignement supérieur est aujourd’hui coincé dans l’entonnoir d’une dégradation graduelle, à telle enseigne que, pour parler clair, tous, ou presque, s’accordent à dire qu’il a été mis à bas.

C’est un fait, le monde de l’enseignement supérieur ne va pas fort. Et dans son discours, le détenteur du portefeuille de l’enseignement supérieur, Mountaga Tall, a procédé à un état des lieux qui laisse pantois : « l’insuffisance d’enseignants en qualité et en nombre ; le faible développement de la recherche ; le manque d’éthique et de déontologie ; les effectifs pléthoriques ; l’insuffisance d’infrastructure d’accueil ; la faiblesse du pilotage et de la gouvernance…A ces problèmes se sont longtemps ajoutées de longues et profondes crises sociales : grèves, rétention de notes, années tronquées, perlées ou blanches…»

Dans une telle situation, où tout le monde est en train de battre le même tambour avec les mêmes cris, il faut consommer une bonne dose d’optimisme pour croire au changement. L’enseignement supérieur est indéniablement le symbole d’une inconscience nationale. Il y a une année, dans un article publié sur le site d’information français Rue89, la journaliste Sabine Cessou a fait le tour des maux qui ont mis à mal le secteur : corruption, piston, étudiants fictifs, salaires bas des enseignants et, pour clouer le bec à quiconque, les « Notes Sexuellement Transmissibles (N.S.T) » Elle estime que la corruption à l’université n’est que la partie émergée de l’iceberg quant à « ce mal généralisé qui a en partie conduit à la dislocation de l’armée et place le Mali à la sixième, en partant du bas, dans l’index des Nations Unies sur le développement humain. » A l’époque, nous écrivions que Sabine Cessou ne fait pas d’une mouche un éléphant, les phénomènes qu’elle a dénoncés existent bel et bien, même si on peut regretter que les solutions manquent toujours à l’appel. En attendant, dans les universités et grandes écoles, la pensée et la réalité sont uniques, tout ne va pas dans le sens du vent.

Décalage

«La rentrée académique a démarré de manière effective depuis le 1er Octobre dans la plupart de nos facultés et grandes écoles. C’est même la première fois, si mes souvenirs sont bons, que des facultés rentrent avant certaines grandes écoles. Cela s’explique par le fait que tous les examens se sont déroulés, les résultats proclamés et les inscriptions et réinscriptions suivent leur cours normal. ».

Ces propos du Ministre de l’enseignement Supérieur, Mountaga Tall, osons le dire, ont été écrits par une plume trempée dans l’encre de la duperie, car ils collent fort mal à la réalité. Dire que tous les examens se sont déroulés est acceptable. Ce qui ne l’est pas, c’est de dire que partout les résultats ont été proclamés, et que les réinscriptions ont commencé. Cela reviendrait à maquiller la réalité, surtout quand on sait que, par exemple à la Faculté des Lettres, des Langues et des Sciences du Langage (FLSL), c’est le 30 octobre passé que des classes ont fini avec les examens. A dire vrai, les propos du Ministre contribuent à ensevelir davantage l’enseignement supérieur sous un nouveau débordement de mensonge, à le noyer dans le maelstrom des discours à la prudence toute politique, faisant ainsi de cette cérémonie de la rentrée un « fait divers qui fait diversion ».

Mountaga Tall se rêvait –on voyait même en lui un – redresseur de l’enseignement supérieur. Déception. Il est en train de devenir le tâcheron du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, dont il semble donner, dans ses discours, une image lisse de tous les secteurs, ceux névralgiques compris. Et nous avons décodé le message : au tamis de la duperie, la réalité passe mal. La réalité est enveloppée dans un voile vaporeux, sacrifiée sur l’autel de la prudence et des calculs politiques.

«Fini donc Monsieur le Président, les années tronquées, perlées, en accordéon, blanches ou je ne sais quoi encore ! Il n’y a pas eu cette année même une classe blanche à fortiori une année blanche. Et encore une fois grâce aux responsables académiques, au personnel administratif, aux syndicats et aux étudiants. » Quand l’orage passe, le ciel s’éclaircit. On le sait, dans certaines Facultés il n’était même pas certain que les examens se tiendraient aux dates indiquées. Le risque d’une année blanche était grand. Le ministre sait-il que dans certains départements, des professeurs, parce qu’ils ont été promus à un poste dans un département, n’ont pas dispensé de cours cette année ? Sait-il que leur matière a été annulée à l’examen ? Le ministre sait-il que certains enseignants vacataires n’ont pas donné cours ces 3 derniers mois parce qu’ils sont en grève ? Sait-il que, cette année encore, les étudiants ont attendu la fin de l’année pour avoir ne serait-ce que les trousseaux ?

Ces difficultés n’ont pas été résolues. Si malgré tout ça, Mountaga Tall, Ministre de l’enseignement Supérieur, promet une année « normale », c’est qu’il ne vit pas dans la réalité.

Boubacar Sangaré


Monologue d’un Malien rescapé de l’enfer libyen(II)

Des Noirs traqués en Libye Photo: Cameroonvoice.com
Des Noirs traqués en Libye Photo: Cameroonvoice.com

« Welcome to Italia » Nous regardions, impuissants, le policier nous rire au nez et savions ce qui nous attendait. Quelques minutes plus tard, nous étions derrière la grille. C’était le ramadhan, les policiers ont dit qu’ils ne donneront à manger à personne le jour. Mais nous avions compris que c’était un alibi tout trouvé pour nous faire souffrir davantage. En Libye aujourd’hui, la police n’existe que de nom, elle ne représente plus rien à côté des milices islamistes armés et des militaires. On ne la reconnait qu’à travers les couleurs blanches et noires des véhicules, sinon les policiers ne portent ni insigne, ni uniforme. Leur truc, c’est le racket à l’encontre des immigrés. Ils ont demandé à chacun de payer 250.000 Francs CFA, et ont menacé de transférer à la prison centrale de Tripoli quiconque ne paye pas cette somme. Une prison malfamée, où il n’est pas bon d’être incarcéré, et pour s’en évader il faut être Michael Scofield. Entre moi et la liberté, il n’y avait que cette somme. Nos passeurs à qui nous confions tout notre argent ont dit qu’ils n’ont rien pour payer, et là nous avions piqué une crise de colère. On s’est dit que maintenant que nous sommes mal barrés, ils plongent dans le marécage de l’indifférence, et nous abandonnent à notre sort. Alors, nous avions commencé à passer des coups de fils interminables à nos parents vivant qui en France, qui en Espagne pour qu’ils nous apportent leur soutien.

Nous étions malheureux, et le malheur ne s’oublie pas ; il marque. Mais tu ne peux pas comprendre, parce qu’on ne comprend ce qu’on a vécu. En Libye, l’humanisme est en train de foutre le camp, l’égoïsme, le racisme, la haine de l’étranger, sont en train de déployer leur ailes sur ce pays où il faisait bon vivre avant.

A Tripoli, il y a un quartier appelé « Sar A Sar ». Là-bas, nous étions planqués chez un vieillard, berbère, pro-Kadhafi. Sur le toit de sa maison flotte le drapeau de la Libye de Kadhafi. C’est un quartier où règne une sorte de « nost-Kadhafi ». A un moment donné, le vieillard n’arrêtait pas de nous dire de quitter sa maison. Et les balles ont commencé à siffler, à voler. Des explosions. La fumée qui se dégageait de l’explosion des dépôts de gaz et de pétrole couvrait le ciel des semaines durant. Puis, un jour, le vieillard nous a rassemblés tous, pour nous faire savoir qu’il a peur qu’il nous arrive malheur, qu’il est un pro-Kadhafi, et que si les milices islamistes découvrent que nous sommes là, chez lui, ils nous toueront avec lui. Que c’est pour cela aussi qu’il a envoyé tous ses enfants en Tunisie. Il a fini par se calmer. Mais notre « cokseur » nous a fait changer de planque. Nous avions quitté ce quartier pour aller à « Gri Grass », un autre quartier de Tripoli où nous avions encore été planqués chez un vieillard dont les enfants combattent dans les milices. Les affrontements battaient leur plein.
Sur le chemin, l’un d’entre nous, s’est fait arrêter par des femmes. Tu sais, c’est vrai qu’il n’est pas bon d’être noir en Libye maintenant, mais certaines femmes, là-bas, sont fans des hommes noirs. Je ne sais pas ce qu’elles lui disaient, peut-être qu’elles lui proposaient de leur faire l’amour, mais je l’ai vu faire non de la tête en retournant ses talons. Un gars, libyen, qui l’avait vu en train de parler avec les femmes, a sorti son pistolet et lui a tiré une balle dans le pied.

Un soir, avec un ami, j’étais allé au cybercafé géré par un gambien. A notre grande surprise, un gamin, mitraillette en bandoulière, a dit qu’aucun Noir ne passera par cette rue. Après avoir publié un post sur Facebook pour donner signe de vie à mes parents et amis, je suis sorti du cyber dans l’intention de rallier ma planque. Mon ami me regardait d’un air étonné. Le gamin ne s’est même pas intéressé à moi, peut être parce que les barbes longues et touffues. Mais un gars conduisant une voiture a foncé sur moi. N’eut été ma rapidité à me ranger derrière un poteau électrique, il m’aurait écrasé. Je me suis perdu dans les rues. Je suis revenu au cyber pour demander à mon ami de venir avec moi. Il a refusé, a dit que je suis complètement dingue, et que j’ai failli me faire tuer. Je suis encore sorti du cyber, seul…

A suivre…

Boubacar Sangaré


Monologue d’un Malien rescapé de l’enfer libyen (I)

Des noirs pris au cours d'une rafle à Tripoli (Photo: nationspresse.info
Des Noirs pris au cours d’une rafle à Tripoli (Photo: nationspresse.info

C’est fini, rien ne sera plus comme avant en Libye. Ce pays, ma parole, c’est comme un enfer, un puits en ciment dont, une fois qu’on descend dedans, on ne peut plus sortir, on est comme cuit à l’étouffée. Je ne dois ma présence ici aujourd’hui qu’à Dieu, Lui seul ! Je n’ai même pas compté combien de fois la mort m’a visité, combien de fois j’ai failli passer de vie à trépas, combien de fois j’ai été au bord de la folie. D’avril à septembre, presque 5 mois passés à Tripoli, une éternité !

Mes malheurs ont commencé à la frontière, avant Tripoli, où notre véhicule s’est renversé. Une fracture au bras droit m’a obligé de retourner à Tamanrasset pour recevoir les premiers soins. Rebrousser chemin, peut-être devoir renoncer à mon projet de traverser la mer pour arriver en Italie, mauvais présage ? Je ne voulais rien savoir, j’ai foncé la tête baissée comme un taureau. Pour moi, c’était rallier Tripoli ou rien, et j’ai repris le chemin. Nous avons séjourné dans une ville, ‘’Grand-messe’’, où nous avons fait des jours et des jours sans mettre le nez dehors, à cause du racisme ambiant. Puis, un matin, dix de mes compagnons de route ont osé faire un tour à la mosquée de la ville, et, là-bas, ils ont assisté à l’imaginable. L’inimaginable, parce qu’ils ont dit que c’est l’imam de la mosquée, lui-même, qui appelait pour dire que des Noirs avaient envahi la mosquée, et que, c’est plongés dans la prière même, qu’ils avaient été interpellés, menottés et conduits au commissariat où ils avaient été jetés au mitard. Comme s’il était interdit à un Noir de prier Allah, comme si ce n’était pas au nom d’Allah que la mosquée avait été construite, au nom d’Allah qu’on priait, comme si le Coran parlait de Noir, Blanc ou Jaune…

A Tripoli, je ne te mens pas, mes compagnons et moi-même pouvions rester claustrés des semaines durant. Tu sais pourquoi ? Seulement parce qu’un gars, du haut de son étage, nous dit qu’il ne veut plus nous voir dehors, car sa fille n’arrête pas de regarder, et il ne veut pas qu’elle nous regarde. Et à cause d’un autre aussi. Il nous menace de nous trouer les fesses avec des balles s’il nous voit en culotte en train de nous promener dans notre cour. Dans les rues de Tripoli, il arrive même qu’un gamin, sous les yeux de son père, foute une raclée à un Noir. Le père ? Il se contente de rire. A Tripoli, dans les rues, il n’y a que des gamins qui portent des mitraillettes en bandoulière. Des gosses, ma parole ! Ils ne supportent pas de voir trois Noirs ensemble. Non, on ne peut pas marcher à trois ensemble, au risque de se faire tirer dessus par ces enfants de…Lucifer. Scandale suprême, ils n’hésitent même pas à t’assener un coup gratuitement avec le bout de leur arme.

La peur au ventre

A Tripoli, il y a un endroit qu’on appelle « Tchad ». Les immigrés y viennent tous les jours, par milliers. Ils passent la journée à l’ombre des échangeurs, à la recherche de travail, de petits boulots, la peur au ventre de voir arriver des bandits et la police. J’y suis allé un jour. Sur le chemin, on est tombés dans les rets d’un groupe de malfrats. Ils nous ont ordonné de leur filer notre argent et nos téléphones, mais ils n’ont rien trouvé à nous soutirer. Fâchés, ils nous ont parqués dans un véhicule, pour nous livrer aux militaires qui surveillent la mer pour empêcher les immigrés d’embarquer… Sur le chemin, un malfrat s’acharnait sur moi, m’assenait des coups avec son arme, me demandait si nous voulions traverser la mer. J’ai répondu que non, mais il insistait, les coups redoublaient. A l’arrière, un de mes compagnons a eu peur, a répondu que oui, on voulait traverser. Il a posé le pistolet sur ma tempe, en disant que mon compagnon est un musulman parce qu’il dit la vérité, et que, par contre, moi, je ne suis qu’un cafre, un menteur qui ira en Enfer à sa mort. Le pistolet sur ma tempe, je me voyais déjà mort, je disais que c’en était fait de moi. Chez les militaires, on s’attendait à vivre un enfer. Mais quand nous avons dit que nous étions des Maliens, ils se sont détendus. Ils ont même dit que les Maliens sont cool. Mais que, en voulant traverser la mer, nous cherchions à nous suicider. Pour nous convaincre, ils ont ajouté que celui qui se donne la mort est cafre, il ira en enfer. Ils nous ont aussi dit que Dieu a fait la terre très très grande pour qu’on y cherche de quoi vivre, mais qu’Il n’a pas dit qu’on devait aller mourir en mer pour ça. Ils ont commencé à nous faire la morale, à nous montrer des images des embarcations qu’ils ont eu à sauver, des gens morts en voulant traverser. Nous avons menti encore une fois en disant que nous sommes des maçons, que nous ne voulons pas traverser. Alors, ils nous ont fait construire une terrasse, peindre un bâtiment, ce qu’ils ont vraiment aimé, et nous ont encouragés. Nous avons fait deux semaines là-bas. Deux semaines pendant lesquelles je voulais abandonner, rentrer au Mali.

Mais quelques jours après notre libération, j’ai reçu la nouvelle qu’on peut maintenant traverser. Alors, notre passeur nous a confiés à un autre passeur. On attendait. Puis, un soir, nous avons embarqué. Le moment d’embarquer, c’est le point de non-retour. Tu embarques, ou on te descend avec une balle, pas question de renoncer. Ce soir-là, nous avions parcouru une quarantaine de kilomètres et notre bateau a failli prendre l’eau. C’était bien sûr une embarcation de fortune, qui se crève aussi facilement qu’une chambre à air pour un vélo. On s’était remis à Dieu, la noyade était inévitable. Je ne sais pas par quel miracle j’ai pu m’en sortir sain et sauf. Par quel miracle notre embarcation n’a pas coulé. Une fois sur la terre ferme, nous étions désorientés, aux abois, nous avons envahi une autoroute et un chauffeur a failli écraser l’un d’entre nous. Il a alerté la police. Non loin de nous, il y avait un bâtiment en chantier, nous nous y sommes réfugiés, et en un temps record le bâtiment a été encerclé par la police comme dans un film. Beaucoup d’entre nous ont été arrêtés. J’ai d’abord pu me sauver par une porte dérobée. Plus tard, ça a été mon tour, avec d’autres compagnons. Le policier a voulu me donner un coup avec son arme, mais un vieillard l’en a dissuadé ; il a obéi. Quand il a su que j’étais Malien, il s’est calmé. « Welcome to Italia », c’est par ces mots qu’un policier nous a accueillis au commissariat…

A suivre…

Boubacar Sangaré


Ebola: au-delà de l’imaginable

 

credit: kdvr.com
credit: kdvr.com

Au fil des jours, l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola laisse constater qu’elle a la vie dure, et continue de semer en tous, ou presque, la graine de l’inquiétude. La Guinée Conakry, la Sierra Leone et le Libéria ), plongés dans une situation sanitaire critique, sont considérés comme de véritables foyers d’infection, ce qui a amené leurs voisins à fermer leurs frontières et à suspendre les liaisons aériennes et maritimes. L’épidémie, qui se répand comme une lèpre, a fait 4 033 morts sur 8 399 cas enregistrés en Afrique de l’Ouest, selon le bilan de l’OMS publié le 8 octobre dernier. Contamination galopante, virus foudroyant, Ebola tue. Une maladie au-delà de l’imaginable.

L’épidémie enfonce les pays touchés dans une situation économique des plus préoccupantes. Le 28 août dernier, le FMI a tiré la sonnette d’alarme. Net ralentissement de la croissance économique, risque de besoins de financements, augmentation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, autant d’épées de Damoclès qu’Ebola brandit sur les trois pays ouest africains. Selon la BAD, Banque Africaine de Développement, qui a déjà mobilisé une aide d’urgence de 60 millions de dollars, Ebola pourrait coûter 1 et 1,5 point de PIB à ces 3 pays.
Le virus est contagieux. La psychose de la contagion aussi. « La peur est là. Paradoxalement, elle se ressent plus au niveau de ceux de la classe moyenne, moins exposée, ils ont un emploi, un boulot, une voiture et une maison, que les gens moins aisés travaillant dans la rue, les marchés, les chantiers, etc. Ceux-là se préoccupent plus du quotidien qu’autre chose. Il y aussi le corps médical, très exposé, et très affecté et qui a donc peur aussi. », me confiait il y a quelques semaines le blogueur guinéen Alimou Sow, qui, sur Facebook, avait durement réagi lorsque des pays africains avaient pris des mesures de restrictions sur le voyage des personnes :

‘’Merci #Ebola de m’avoir fait comprendre que dans le malheur, la solidarité africaine c’est du PQ! Guinée, Sierra Léone, Libéria, nouvelle Bande de Gaza! #EbolaLand — déçu.’’

Aujourd’hui, la situation est telle que même les pays qui, au départ, s’étaient gardés de céder à la panique, sont à deux doigts de craquer. La preuve la plus palpable vient d’être apportée par le Maroc qui a demandé un report de la CAN 2015 qu’elle doit accueillir. Une demande motivée, à en croire le ministère marocain de la jeunesse et des sports, par « la décision du ministère de la santé d’éviter des rassemblements auxquels prennent part des pays touchés ».

L’épidémie a franchi les murs d’Afrique pour s’insinuer en Europe et aux Amériques. L’Espagne et les USA ont enregistré leurs premiers cas de contagion sur leur territoire. Cependant, la propagation du virus reste improbable sur ces continents.

Nous sommes complices !

Dans un récent éditorial « Ébola, le fruit de notre grande misère » publié dans le Quotidien Fraternité Matin, le journaliste et écrivain, Venance Konan, a asséné certaines vérités. Il donne à comprendre pourquoi les épidémies qui frappent le continent peuvent s’y installer et résister longtemps. Il souligne notre inconscience, notre ignorance, notre allergie à l’hygiène et à un environnement sain. « Il ne nous coûte rien de vivre dans un environnement sain, mais nous trouvons que c’est fatigant. Se lever un samedi ou un dimanche matin pour nettoyer son quartier, sa rue ; assécher les flaques d’eau sale, c’est trop fatigant, c’est trop nous demander. Pour l’assainissement de notre environnement, nous attendons que l’état vienne le faire à notre place tout, en sachant que sans notre concours, ce n’est pas demain la veille qu’il le fera. Faut-il s’étonner après qu’une maladie comme Ébola apparaisse dans des pays comme les nôtres ? », écrit-il, ajoutant même que nous avons contribué à répandre la maladie :

« Lorsque la fièvre Ebola est arrivée, on nous a dit de ne pas toucher les morts pour éviter d’être contaminés. Mais nous avons dit que parce que nous sommes Africains, cela revient à piétiner nos coutumes. Nous avons donc touché nos morts, tout en sachant qu’en le faisant, nous risquions de mourir et de répandre la maladie. Et nous avons répandu la maladie. On nous demande de ne plus consommer de viande de brousse. Mais nous disons que parce que nous sommes Africains, nous devons en manger quels qu’en soient les risques. On est Africain ou on ne l’est pas. Que dire lorsque de jeunes Libériens vont libérer des malades d’Ebola de leur centre de soin et les laisser courir dans la nature ? Ignorance, ignorance, nègrerie, nègrerie ! La conséquence est que l’épidémie est devenue incontrôlable dans ce pays. »

Ebola est donc allée au-delà de l’imaginable. Partout des appels à la vigilance se font insistants. Le Mali n’a pas encore été touché. Mais, depuis quelques jours, une rumeur est véhiculée sous forme de message SOS qui prétend qu’un malade atteint du virus Ebola s’est introduit dans le pays par Kourémalé, une ville proche de la Guinée. Les populations sont presque soumises à une sorte d’harcèlement « textuel » de la part des réseaux de téléphonie mobile pour les appeler à la vigilance.

Bokar Sangaré


Mali : Kidal, le bourbier

credit: malijet
Crédit: malijet

Kidal n’en finit pas d’être une ville cible et à propos de la situation sécuritaire, il n’y a plus personne à duper. Ces derniers temps, les attaques kamikazes, les explosions de mines qui ont visé les casques bleus de la Minusma à Kidal ou à Tombouctou et Gao sont indéniablement le signe que le combat engagé contre les djihadistes a viré au cauchemar absolu.

Des casques bleus tchadiens, nigériens, sénégalais… n’en finissent pas de laisser la vie dans une guerre « asymétrique », où les tactiques de l’ennemi échappent à toute honnêteté et se révèlent une cruauté incomparable. Et désormais, il y a matière à tirer la sonnette d’alarme, comme l’a d’ailleurs fait le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Le 8 octobre 2014, intervenant par vidéoconférence depuis Bamako, il a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU le déploiement d’une force d’intervention rapide pour lutter contre les terroristes. Des terroristes qui sont de retour, et ne circulent plus en 4×4 mais en motos.

C’est dire que le climat lourd d’insécurité qui règne à Kidal indique une situation dantesque. Un bourbier qui n’a pas de nom. Dans cette ville, la réalité va au-delà du cauchemar. Il y a un an, après la mort des deux journalistes de RFI exécutés dans un style mafieux, les représentants de la communauté internationale se sont dépêchés de qualifier Kidal de « zone de non-droit ». Les forces onusiennes déployées dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilité au Mali (Minusma), l’armée malienne et les forces de Serval- qu’on disait très concentrées sur le Sahara-, ont été dans l’impuissance de « siffler la fin de la récréation » dans cette zone où les armes circulent comme si nous étions en période de guerre civile. Mais on sait aussi que Kidal, est le fief des rebellions MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), du HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad), du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad), voire des islamistes d’Ansar Dine ou du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest). Un cocktail de groupuscules rebelles qui sont loin de désarmer, en belle violation des accords du 18 juin qu’ils ont signés à Ouagadougou avec le gouvernement malien.

Alors qu’ils sont à Alger pour les négociations de paix avec le gouvernement malien, l’insécurité à Kidal empire. Et d’ailleurs, il est clair que, le premier ministre Moussa Mara, n’avait pas tout à fait tort lorsqu’il déclarait à la tribune de l’Assemblée nationale française il y a quelques jours qu’un accord avec les groupuscules armés « ne suffira pas à régler la question du terrorisme. Au moins permet-il de clarifier le paysage, de distinguer ceux qui sont prêts à s’engager dans la logique politique du DDR -désarmement, démobilisation, réinsertion-, des groupes résolus à imposer le djihad, le califat ou la loi du narcotrafic ». Pour faire court, il faut dire qu’à Kidal, la situation est telle qu’il est difficile de savoir qui est qui. Qui est terroriste, qui est rebelle. Résultat, les terroristes se sont rangés sous la bannière des groupuscules rebelles dont Kidal est le fief, et en profitent pour poser des mines qui font des victimes tant parmi les forces onusiennes que les populations civiles.

Loin de crier à une impuissance nationale et internationale, tous ceux qui ne refusent pas de voir, admettent qu’à Kidal la situation, depuis janvier 2013 où la Minusma a été installée, n’a pas connu d’embellie. La secte des assassins : Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique), Mujao, Ansar Dine), continue de semer la terreur par les enlèvements et décapitations de civils accusés de collaborer avec les forces françaises, sans oublier les poses de mines devant le passage de véhicules des forces onusiennes, les tirs à la roquette… A Kidal, pour ne pas dire au nord du Mali, le bourbier y est abyssal.

Boubacar Sangaré


Mali: rendez-nous notre argent, arrêtez de lutter contre la corruption!

Photo: Jeune Afrique
Photo: Jeune Afrique

La mission d’évaluation du FMI a levé un pan du voile qui couvrait l’iceberg des fraudes, malversations et péculat qui ont repris de plus belle depuis l’entrée d’IBK à Koulouba, obligés et obligeants en profitant à plein régime. Au sein de l’opposition, des voix ont toujours émergé pour dénoncer les dérapages du régime, mais IBK faisait la sourde oreille, minimisait, banalisait, répondait en rendant « œil pour œil, dent pour dent ». Après cette mission du FMI, ce régime ne doit encore se réclamer d’aucune honnêteté, d’aucune humanité. « Rendez-nous notre argent, arrêtez de lutter contre la corruption ! », a été la réaction d’un ami enseignant.

« Le Mali d’abord ! » « Pour l’honneur du Mali », ces slogans sonnent tellement faux qu’il est temps de les jeter aux mites. Quelque 29 milliards de surfacturations dans un marché d’équipements en arme, des transferts d’argent illégaux et frauduleux, un jet présidentiel acheté à un prix que tous, même ceux qui habituellement refusent de voir, ont jugé excessif. Et tout ça, pendant que dans les familles, la souffrance ne décroit pas, pire, elle augmente. Tout le monde crie, que les choses ne sont pas comme elles devraient être, alors qu’est arrivé à la tête du pays un homme qui se voulait un pourfendeur de la corruption, du népotisme, du favoritisme…Un homme que beaucoup voyaient comme celui qui était en capacité de redresser le pays plongé dans un chaos aussi profond qu’un océan. L’enthousiasme que son élection avait suscité se s’est vite terni. Les Maliens ont horreur du péculat, car celui qui s’en rend coupable ne vole que la société. Ils en avaient par dessus la tête d’être saignés à blanc par des agents de l’État qui, grand malheur, ne voient pas plus loin que leur nombril.

Néanmoins, nos dirigeants actuels sont restés enfermés dans les schémas de leurs prédécesseurs qui avaient fait le lit de la prévarication, au point que dans le pays la magouille était devenue partout la norme. Dans les services publics, pour être servi le premier il faut graisser la patte à la secrétaire d’abord. Les digues de la retenue ont été cassées. Aujourd’hui, IBK pense que les Maliens sont contents et rassurés rien qu’à le voir agiter une main menaçante à destination des agents corrompus. Ils croient que les Maliens sont assez dupes pour croire qu’il est en train de lutter contre la corruption, alors que la corruption est sur le point de les emporter, lui et son régime. Non, les Maliens ont « grandi » et n’ont que faire de dirigeants qui les infantilisent. Ils ne croient plus au père Noël !

Le Malien a envie d’étudier dans des universités débarrassées du manteau corrodant de la médiocrité, de la corruption et du je-m’en-foutisme. Le Malien veut manger à sa faim, dormir d’un bon sommeil. Le Malien veut avoir accès à des soins de santé de qualité. Il veut une baisse du tarif de l’électricité et de l’eau. Il aspire à se payer des voitures, à avoir accès à Internet, à voyager…A aller de l’avant. Il ne veut plus vivre que de riz blanc. Mais il se heurte au mur d’un régime corrompu qui n’arrête pas de lui vendre le rêve d’un pays où la corruption sera poussée dans ses derniers retranchements. Un régime qui, n’eût été, l’exigence de transparence du FMI n’aurait rien fait pour empêcher ces fraudes.

Dans une récente interview accordée à l’hebdomadaire  Jeune Afrique, le Premier ministre, Moussa Mara, disait à propos des groupuscules armés qu’il « n’y aura pas de prime à l’impunité » au Mali. Cela doit valoir aussi pour les agents de l’Etat qui se sont rendus coupables de fraudes dans la gestion de certaines affaires publiques. Les coupables doivent répondre de leurs actes. Qu’ils nous rendent notre argent ! Notre argent qu’ils ont volé, sachant bien qu’il y a des millions de jeunes qui sont assis dans les rues, autour du thé, en train de se retourner les pouces parce que pas de travail.

Qu’on nous donne notre argent. Et qu’IBK arrête de parler de lutte contre la corruption. Parce que la lutte n’a pas été à la hauteur de la corruption et des corrompus. Parce qu’on ne lutte pas contre la corruption en se contentant de prétendre qu’on le fait… comme IBK a passé toute une année à le chanter sur tous les toits.

Encore une fois, diriger un pays c’est avoir une logique à laquelle il faut rester fidèle.

Boubacar Sangaré


…Et la victime s’appelle Hervé Gourdel!

Hervé Gourdel, photo: Yahoo.com
Hervé Gourdel, photo: Yahoo.com

Ce qui devait arriver arriva ! Hervé Gourdel, l’otage français en Algérie, a été décapité. Un crime odieux, d’une barbarie rare qui a lâché les vannes de la colère en Algérie et ailleurs. Partout ou presque, c’est la consternation, l’indignation. Même, sur les réseaux sociaux, cette bulle où désormais tout se joue, un flot discontinu de commentaires d’incrédulité coule.

« Accablement. Cela n’en finira donc jamais… Pensées à la famille d’Hervé Gourdel‬. Le peuple algérien n’a rien à voir avec ces monstres », a commenté sur Twitter le journaliste et écrivain algérien Akram Belkaïd.

On sait que, malgré les consignes de sécurité données par son pays, ce ressortissant français s’est rendu dans une région montagneuse où le terrorisme est loin d’avoir été repoussé dans ses derniers retranchements. En allant dans cette région dangereuse, il a pris un risque incroyable. Et lorsqu’il a été pris en otage par le groupe des « Soldats du Khilafa » (Jund Al-Khilafa), tous ou presque savaient que les chances de le retrouver vivant étaient minces. L’Etat français ne s’était en effet pas montré disposé à satisfaire l’exigence que le groupe lui avait faite d’arrêter de participer aux frappes de la coalition dirigée par les Etats-Unis à l’encontre du Daech.

On ne peut occulter que Hervé Gourdel a été pris en otage et exécuté dans un pays qui garde encore les douloureux souvenirs de la guerre sans merci qu’il a menée contre le terrorisme. Une période que les Algériens appellent « décennie noire », « années du terrorisme », «année de braise et de plomb » ou « guerre civile ». L’Algérie était à feu et à sang. Un bilan absolument effarant en termes de pertes en vies humaines. Le pays se dirigeait droit dans le naufrage. Une descente aux enfers. Pour mémoire, l’Algérie s’était embrasée après que l’armée a annulé les législatives que le Front islamique du salut avait massivement gagnées. Les islamistes ne voulaient pas voir leur victoire leur échapper.
Cette période, aussi « lointaine » soit-elle, apporte la preuve que le niveau de sécurité et de tranquillité auquel est parvenu ce pays est relatif et fragile. Et, cela est aussi clair que le soleil se lève à l’Est, l’assassinat de Hervé Gourdel par les terroristes du Jund Al-Khalifa va porter un coup d’épée à l’image de l’Algérie qui n’a pas encore fini de panser les plaies ouvertes par le terrorisme. Il n’est pas question de dire ici que l’Etat algérien a une part de responsabilité. Non !

Hervé Gourdel vient tout simplement d’être ajouté à la longue liste des victimes d’une horde de barbares, de terro-bandits, devant la folie desquels le monde n’est plus qu’à deux doigts de céder. Des faussaires de la foi qui sèment la terreur, souillent l’image de l’islam et des musulmans de par le monde.

Hervé Gourdel et les autres sont les victimes d’une horde de gens qui ne méritent rien d’autre que d’être considérés pour ce qu’ils sont, des assassins. De quoi renforcer le sentiment qu’aujourd’hui, le terrorisme est l’ennemi public numéro un.

B. Sangaré


Mali: putain d’indépendance ?

IBK, président de la République, photo: RFI.fr
IBK, président de la République, photo: RFI.fr

22 septembre 1960, le Mali, l’indépendance…A l’époque, c’était la folie, l’euphorie, le miracle. Le temps des espérances, des discours qui retentissaient de patriotisme jusque dans les mentalités. Le rêve de liberté devenait réalité pour tout un peuple, fier de ceux qui allaient prendre son avenir en mains. Le rêve de former une fédération avec le Sénégal avait volé en éclats, apportant de la plus belle manière la preuve que ces « poussières d’Etat » du continent africain étaient condamnées à vivre dans un repli sur soi.
Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas un énième plaidoyer pour une Afrique unie, mais un simple constat !

Le Soudan devint le Mali, avec Modibo Keïta comme président. D’abord, il y a eu ce rêve de construction d’une société socialiste qui laissa des traces un rien douloureuses dans les cœurs et les esprits. Puis, très vite, ce fut la déception, la confiscation des rêves, le coup d’Etat. Le régime Kaki, le pilotage à vue du pays, les emprisonnements, les tortures, les intimidations.

Aujourd’hui, 22 septembre 2014, le Mali célèbre le cinquante quatrième anniversaire de son indépendance. Un rendez-vous qu’on honore chaque année dans le pays par des évènements officiels, des conférences, des articles, des émissions télévisées. Mais un constat s’impose. Aujourd’hui, 54 ans après le départ de la puissance coloniale, le bilan est des plus lamentables. Le pays est en lambeaux, compartimenté en deux du fait de la faillite dans sa gestion. Le pays est malade de ses dirigeants actuels et passés qui, curieusement, ont jeté aux mites, enterré les belles promesses de l’indépendance. Le Mali est en retard sur de nombreux plans. La rébellion a placé le tissu social sous le coup d’une menace permanente. Autant dire que c’est un constat humiliant.

Partout ou presque, la colère et la haine grondent contre les tenants des leviers du pouvoir. Aucun n’est parvenu à atténuer la souffrance des peuples qui, aujourd’hui, pleurent et déplorent que les choses ne soient pas comme elles devraient être avec l’indépendance. Les peuples en viennent à penser et à se dire que ce fut une putain d’indépendance !

Oui, bien sûr, ce n’est pas parce que nous venons de traverser une tragédie nationale qu’il ne faut pas arrêter de se lamenter. L’image d’un pays qui s’est englué dans le désastre ne doit pas faire oublier que cette date du 22 septembre 1960 est importante pour tous les Maliens et Maliennes. Balayer l’indépendance d’un revers de manche reviendrait à « pisser » sur la joie, l’euphorie qu’a ressenti tout un peuple il y a 54 ans, parce qu’il venait de triompher de la colonisation, parce qu’il venait de renverser le mythe de « la suprématie civilisationnelle». Ces femmes et ces hommes étaient devenus des femmes et des hommes pareils aux autres : libres. C’est ce qui est venu après l’indépendance, c’est-à-dire cette série d’échecs, qui a transformé l’Histoire. Il ne faut pas l’oublier, malgré le pessimisme, le drame, les déceptions que nous sommes en train de vivre.

Ceux qui sont nés depuis l’avènement de la démocratie malienne n’ont connu que corruption, favoritisme, népotisme et péculat. Ils peuvent, dans leur colère, se demander à quoi a servi l’indépendance. Ils peuvent dire que c’est une liberté qui a été gâchée, une liberté dont ils ont été abusés, car ils se sentent vivre dans un Etat « qui n’apporte rien au peuple », qui « opprime et humilie…», où « le pouvoir se partage entre les parents ». Ce qui fait dire qu’au Mali « il faut rééduquer le peuple, lui donner une patrie différente de la famille. (*)»

Putain d’indépendance ? Non, sacrée indépendance !

(*) Toiles d’araignées, Ibrahima Ly, Editions L’Harmattan

Boubacar Sangaré


Collection Djarabi : Une journaliste dans la « Romance à Siby »

« Romance à Siby », collection Djarabi, Editions Princes du Sahel
« Romance à Siby », collection Djarabi, Editions Princes du Sahel

Après « La Revanche du cœur », « Le prix du bonheur » qui ont rencontré l’écho escompté, la collection Djarabi, portée par les Editions Princes du Sahel, vient de diffuser sur le marché littéraire un nouveau roman d’amour, dans lequel encore une fois la passion et la sensualité sont reines.

« Romance à Siby » est le titre de cette intrigue sensuelle qui raconte l’itinéraire de Aïcha Keïta, 26 ans, journaliste et peintre, qui anime un journal en ligne avec Mariam Diallo, sa meilleure amie et associée. Pour un spécial 8 mars, Aïcha s’est vu confier la charge de faire un portrait de Madame Bâ, ancien gouverneur et ministre, résidant à Siby. Elle s’y rend et fait la rencontre d’Ismaël Bâ, l’un des fils de Madame Bâ, et qui a plus de vingt ans qu’elle. Au départ, tout les opposait l’un à l’autre, surtout qu’ils n’appartenaient pas à la même classe sociale. Ils étaient comme deux eaux bouillantes qui ne sauraient se refroidir mutuellement. Mais au fil de leur rencontre, Aïcha, qui résistait à s’avouer conquise, a fini par craquer… Le mur de la méfiance, de la défiance et du doute s’est effondré. Comme quoi, rien ne résiste au verdict du cœur.

Extrait : « Je ne m’attendais pas à toi Aïcha Keïta, mais tu es tombée du ciel et je ne veux plus vivre sans toi. Je veux que toutes nos nuits ressemblent à celles-ci, je veux élever mes filles avec toi, me disputer et me réconcilier chaque jour avec toi, vivre les bons et les mauvais jours avec toi. Même si j’ai voulu lutter contre cela, j’ai vite compris que tu ne faisais pas qu’un rapide passage dans mon existence, comme les autres. Que tu avais quelque chose en plus. Et que c’était précisément ce quelque chose qui me manquait depuis longtemps. » (Ismaël, P.88)

Bien entendu, dans cette histoire qui se déroule entre Siby et Bamako, où abondent des lignes décapantes, comme on aimerait à en dévorer souvent pour se détendre, il n’est pas question que d’amour. Les travers de la société sont dénoncés, les maires, les journalistes y prennent des baffes…Le tout écrit dans un style simple qui fait simple (parfois la répétition est nécessaire…), mené par une plume d’acier portée, elle aussi, par une sensibilité bien féminine.

C’est une histoire qui tient en haleine. Une histoire d’amour qui, il faut l’ajouter, a aussi eu raison d’un phénomène social qui n’échappe pas à la pique de la romancière : le mariage arrangé, auquel a échappé Aïcha.

Romance à Siby, Zeïnab Maïga, Editions Princes du Sahel, 92 pages, 2 000 FCFA

Boubacar Sangaré


Pourparlers d’Alger : le MNLA et la stratégie d’aveuglement…

 

 

A Alger, 2 eme phase des négociations; photo: maliactu.net
A Alger, 2e phase des négociations; photo: maliactu.net

Malgré l’optimisme et l’enthousiasme qu’affichent les négociateurs maliens, la médiation et autres représentants de la communauté internationale, on a comme l’impression que ces négociations sont à deux doigts de friser une comédie interminable. On sait combien les groupuscules armés sont ambitieux et calculateurs. On sait combien ils savent faire de la surenchère. On sait combien ils sont installés depuis longtemps dans une démarche maximaliste. On sait combien ils ont fait preuve de duplicité. Il n’empêche qu’il faut qu’il se réjouir que le processus ait atteint l’étape des négociations directes qui, pour le moment, est traversée par une vague de rebondissements : boycott des travaux par les mouvements signataires du protocole d’accord du samedi 13 septembre 2014, l’éviction d’Ibrahim Ag Assaleh de son poste de président de la CPA…

Dans le protocole d’accord signé samedi, les rebellions MNLA, HCUA, MAA dissident, CMFPR II unissent leurs voix pour revendiquer le Fédéralisme, et exigent que les négociations se déroulent entre ces mouvements, l’Etat malien et le médiateur (l’Algérie). Bien entendu, c’est tout sauf une surprise et cela apporte la confirmation que la société civile de Kidal et leurs groupuscules armés, ce ne sont plus deux voix et deux postures : mais une seule ! On a beau crié dans la presse, sur les réseaux sociaux que les signatures de l’accord préliminaire de Ouagadougou et de la feuille de route des pourparlers enterrent toute revendication « fédéraliste », « autonomiste », « indépendantiste », les activistes de l’indépendance de l’Azawad ne veulent rien savoir et continuent à déployer la stratégie de l’aveuglement, laquelle consiste à refuser de voir tout ce qui n’arrange pas leurs intérêts, y compris leurs propres signatures apposées en bas des documents ayant conduit jusqu’à Alger.

Les groupes armés sont réalistes, ils savent qu’il faut exiger l’impossible pour obtenir le possible. Tel est le résumé d’un échange avec un ami, vivant à Paris, chercheur en géopolitique, pour qui « le retrait de l’armée nationale des zones en question, la formation de patrouilles mixtes pour sécuriser la zone, réinsertion des ex-combattants, et la mise en place d’un grand programme de développement du nord. Tout ceci n’est autre qu’une des multiples formes de fédéralisme (Accord d’Alger, 2006) ».

Mais, ce qu’on ne dit pas assez, c’est que tout cela n’est qu’une manœuvre bien ficelée du MNLA, dont on sait qu’il n’a jamais révélé ses vraies intentions. Le HCUA, MAA dissident, CMFPR II se laissent mener par le MNLA comme on conduit un bœuf de labour au champ, et il est impossible de ne pas dire que le ton ferme que leur oppose la médiation et les représentants de la Communauté internationale est de nature à rassurer.

Cela dit, l’attitude des mouvements signataires du protocole du 13 septembre, téléguidés par le MNLA, est le signe qu’à Alger les choses ne sont comme elles devraient être. Il règne comme une sorte de bazar, un désordre corsé par cette éviction tout sauf attendue de Assaleh, dont le seul tort est d’avoir tenté de ramener à la table des négociations les mouvements devenus adeptes du boycott. Le MNLA et ses alliés déploient leur stratégie d’aveuglement, le médiateur et le représentant de l’ONU sont décidés à avancer…

MNLA: Mouvement national de Libération de l’Azawad

HCUA: Haut conseil pour l’unité de l’Azawad

MAA: Mouvement arabe de l’Azawad

CMFPR: Coaltion des mouvements et forces patriotiques de résistance

Article publié sur le site Journaldumali.com, le mercredi 17 septembre 2014

Bokar Sangaré


Mali : mouvements armés-société civile, deux voix … deux postures ?

 

Des femmes manifestant à kidal, photo: koulouba.com
Des femmes manifestant à Kidal, photo: koulouba.com

Aux discussions d’Alger, les auditions de la société civile ont pris fin. Cette séquence, qui a vu se succéder à la tribune des représentants des populations, a ouvert un boulevard à certains « pour diaboliser le Mali avec un réquisitoire terrible pour justifier au moins une autonomie.» En attendant l’entrée dans les négociations directes avec l’Etat malien, les six mouvements armés cherchent à accorder leurs violons sur leurs revendications politiques. Alors qu’aujourd’hui, nombreux sont ceux qui sont d’avis que la question de l’autonomie ou de l’indépendance des trois régions du nord du Mali est renvoyée aux calendes grecques, des voix dans la société civile l’ont fait émerger au cours de ces auditions. Il faut relever qu’il s’agit surtout de la société civile de la coordination des groupes politico-armés de l’Azawad (MNLA, HCUA, MAA dissident), qui, dans ses rangs, compte « des activistes de l’indépendance de l’Azawad ». Des « aza-rêveurs », pour parler comme certains internautes.

On le sait, l’accord préliminaire de Ouagadougou signé en 2013, la signature de la feuille de route balisant les thèmes de discussions des négociations…n’ont pas plus été qu’une douche écossaise pour certains militants de l’indépendance de l’Azawad. En effet,  dans ces documents, les mouvements signataires renonçaient définitivement à toute revendication « indépendantiste », « autonomiste » ou « fédéraliste ». Ces revendications étaient de facto exclues des négociations. Avec l’accord de Ouagadougou surtout, les groupes rebelles ont reconnu ouvertement l’intégrité territoriale de l’Etat malien. Des concessions qui ont désillusionné plus d’un à Kidal, où l’on n’a même pas hésité à parler « de trahison ». C’est donc dire combien il peut paraître « effrayant » d’entendre des représentants de la société civile de ces groupes armés parler d’indépendance, de rêver d’Azawad !

 

Adam Thiam, éditorialiste au  Républicain, écrit que cette question de l’indépendance ou de la large autonomie était close dès lors que les groupes armés ont signé l’accord préliminaire de Ouagadougou qui les engage à reconnaître l’intégrité et la souveraineté de l’Etat malien. Avant de conclure que « Si ce n’est pas de la surenchère, il faudra se garder de chanter victoire trop tôt. Si c’est de la surenchère, on peut se demander pourquoi la communauté internationale cosignataire de l’accord intérimaire laisse remettre en cause à Alger ce qui était acquis à Ouaga. » Il est clair que dans l’opinion publique, dans les hautes sphères de l’Etat, on veut faire comme Adam Thiam, c’est-à-dire opposer une sourde oreille à ces voix de crécelle. Mais il faut rester vigilant, parce que si les populations, au nom desquelles ces groupes rebelles prétendent avoir pris les armes, continuent à entonner les mêmes chants indépendantistes, c’est que les groupes rebelles eux aussi, quelque part, ont de la peine à mettre leur projet autonomiste au placard. A croire qu’ils n’ont jamais révélé leurs vraies intentions.

Opposer une sourde oreille aux  voix de crécelle

Oui, il faut être d’accord avec Adam Thiam qu’il y a des ambigüités dans les discussions d’Alger. Oui, la coordination des groupes politico-armés de l’Azawad et leur société civile, ce sont deux voix et deux postures. Pour autant, il faut maintenir les clignotants allumés, et se dire qu’il y a quelque chose d’inquiétant dans l’attitude de ces groupes armés vis-à-vis d’un évènement récent et d’un comportement qu’ils n’ont pas décrété déviant. Il s’agit de cette affaire d’ambassade de l’Etat de l’Azawad qui n’est rien de moins qu’une manipulation bien menée de Moussa Ag Assarid. Il a réussi à provoquer le buzz avec cette pseudo ambassade de l’Etat de l’Azawad aux Pays-Bas, qui a suscité une levée de boucliers, donnant ainsi de l’importance à quelque chose qui n’en valait pas la peine. Certains diront que c’est peut-être une erreur qu’aura faite Moussa Ag Assarid que de se produire dans ce cadre-là. Mais il est clair que ses agissements, tant qu’ils ne sont pas dénoncés par le MNLA, ne sont pas individuels et révèlent le fond de la pensée du mouvement.

C’est dans la capitale algérienne que se déroule l’évènement le plus significatif pour des milliers de Maliens et de Maliennes. Mais quelque part dans le monde, en Hollande surtout, des faquins comme Moussa Ag Assarid, dans leur pantalonnade continue de la ramener, au nom du MNLA. Il poursuit son interminable comédie qui lui permet de …voyager.

Boubacar Sangaré


Mali: non, au Nord il n’y a pas que ceux qui veulent d’Azawad!

les groupes rebelles à Alger, Photo: maliweb.org
les groupes rebelles à Alger, Photo: maliweb.org

Ce lundi 1er septembre, le second round des négociations entre les groupes rebelles armés et le gouvernement malien doit démarrer à Alger. Il s’agira pour les deux parties d’engager un dialogue débarrassé de tout faux-fuyant, qui conduira à un accord global et définitif. Un accord qui sonnera l’épilogue d’une crise sécuritaire qui aura rendu groggy tous ou presque. Il ne fait aucun doute que, partout dans le pays, l’on dédiera une attention sans pareille à ces pourparlers, attendus depuis bientôt un an. Rares sont ceux qui contestent que c’est aussi l’avenir du régime d’IBK qui est en filigrane de ces négociations.

La semaine dernière, une rencontre dite « des mouvements de l’Azawad » a eu lieu à Ouagadougou. En sortant, les groupes armés présents ont fait une déclaration. Ces « mouvements politico-militaires » ont uni leur voix pour demander « un statut politique et juridique pour l’azawad ». C’était le point nodal de cette rencontre.

C’est un fait, le groupe indépendantiste MNLA et ses émules HCUA, MAA & consorts ont ressorti toutes sortes de discours au sujet du Nord du Mali. Le septentrion a été présenté comme absent ou exclu de la considération du pouvoir politique central de Bamako. Dans la surenchère verbale, les groupes armés ont même accusé le pouvoir d’avoir sciemment maintenu le Nord dans le sous-développement. Ils prétendent que les peuples sahariens, peuls, sonrhaï, Touareg, Arabes…devenus, dans leurs bouches, le « peuple de l’Azawad/Nord du Mali » mènerait « depuis plus de 50 ans la lutte pour donner à l’Azawad un statut spécifique, conforme à ses réalités géographiques, économiques, sécuritaires, sociales et culturelles… »

Cette manière de présenter les choses est inacceptable. L’appellation « peuple de l’Azawad/Nord Mali » n’est que pure invention de leur part, une invention dangereuse. En tenant de tels propos, ces groupuscules nient le droit d’exister aux populations septentrionales. Ils les privent de leur droit à décider d’eux-mêmes, à choisir pour eux-mêmes…

Depuis 50 ans, les populations peuls, sonrhaïs, une immense majorité des touareg et arabes se voient classer, par ceux qui prennent les armes, dans un ensemble dans lequel ils ne se reconnaissent pas, et avec quel ils n’ont rien à voir. Dire cela, c’est être de ceux qui ne refusent pas de voir.

On peut prendre les armes et sombrer dans le marais du gangstérisme, du banditisme. On peut du jour au lendemain donner un caractère politique à ce qui n’était au départ qu’un soulèvement ethnique dû à une rivalité tribale – car c’était cela, qu’on le veuille ou non. On a le droit de chercher à se trouver des « amis » chez les puissants ; et pour des raisons plus ou moins morales on peut en trouver. Mais personne n’a le droit, quelque soit le degré de gangstérisme atteint, de parler au nom de populations qui ne se reconnaissent pas dans les discours tenus.

Des « amis » puissants peuvent aider, mais cela ne change rien au fait que ce genre de combat n’est composé que de surenchère démagogique et identitaire. Tôt ou tard, ces Peuls, Touareg, Arabes, Sonrhaï, toutes les populations qui ne se reconnaissent pas dans ce prétendu ensemble « Azawad/Nord Mali » vont se décider à dire basta !

Partout au Mali, la corruption, le péculat, l’injustice sociale, le népotisme, la politique de démission des tenants du pouvoir sont, chaque jour, une composante naturelle de la vie du peuple. Partout, de Kayes à Kidal, ces tristes réalités sont vécues, au quotidien, par les millions de Maliens et de Maliennes qui se battent, sans retenue, pour survivre. Si au Nord, comme partout ailleurs dans les autres régions, la plupart des communautés n’ont jamais pris les armes contre l’Etat malien, ce n’est pas parce qu’elles somnolent dans leur misère. Non, loin de là ! Au contraire, elles savent mieux que personne que le Nord, ce ne sont que des immensités dont les arbres, la plupart couverts d’épines, le sable, les eaux… se disputent le contrôle. Elles le savent, mais n’en font pas un problème. Elles sont assez sages pour savoir que prendre les armes et former un groupe de merde n’a jamais apporté le bien être aux populations au nom desquelles il prétend parler !

Boubacar Sangaré


Mali : le temps des démagogues et des pisse-copie

Dans la presse, nos pisse-copie s’aveuglent sur l’assise clanique du pouvoir, le népotisme, le clientélisme, la dérive oligarchique. Pas une réflexion sur l’agitation du front social, avec surtout cette grève dont la mèche a été allumée par l’UNTM. Rien sur tout cela, à part la rengaine révoltante d’un pays en lambeaux, en crise…

Mohamed Ag Erlaf et Soumaila Cissé, Photo montage: Maliweb
Mohamed Ag Erlaf et Soumaila Cissé, Photo montage: Maliweb

Au Mali, c’est le temps des démagogues et des pisse-copie. Ils sont combien ceux qui n’ont pas cédé à l’emballement après la lecture de certaines informations qui annonçaient que tel ou tel homme politique était pressenti comme futur premier ministre ? Ils sont très peu. Le temps est propice à la démagogie et à la pisse-copie. L’épouvante que provoquent les océans de problèmes du Mali est encore accentuée par l’exercice déprimant qu’est devenue la lecture de la presse, où il est de tradition maintenant de produire une grande quantité d’articles, teintés de démagogie, qui n’apportent pas grand-chose au lecteur. Les journaux seraient donc dotés du pouvoir de désigner le futur occupant de la primature !

Pourquoi des journaux, dont l’un est un grand titre, ont-ils rapporté des informations, relevant presque de la formule « la pro de l’impro », selon lesquelles Soumaila Cissé serait choisi par la communauté internationale, ou encore Mohamed Ag Erlaf, aussi annoncé à la tête d’un gouvernement d’union nationale qui habite désormais le rêve de beaucoup de gens ? Cela est facile à comprendre, ou bien cela est dans l’ordre des choses, diront certains, surtout les nombreux tenants de l’interprétation, d’après laquelle il existe dans ce pays une forme de journalisme dégoulinant de démagogie, et qui a même quelque chose d’assez répugnant.

C’est vrai, « le gouvernement Moussa Mara, environ cinq mois après sa formation, semble noyé dans le vaste océan des problèmes du Mali et incapable d’apporter des réponses appropriées aux préoccupations de nos compatriotes. Pourtant, à sa constitution, l’équipe gouvernementale a bénéficié de préjugés favorables. Mais, le pilotage à vue et les combines politiques et familiales nuisent au second gouvernement du régime d’Ibrahim Boubacar Keita, à telle enseigne que le Mali s’enfonce dans le gouffre jour après jour. (1)» Si l’on est un tant soit peu intellectuellement honnête, on ne modifiera rien à ces constats d’Ogopémo Ouologuem. L’action gouvernementale, pour être efficace, à défaut du soutien de l’opposition politique, devrait avoir l’appui de la majorité présidentielle. Mais, immense désolation, celle-ci semble plutôt encline à mettre en échec Moussa Mara. Et pourtant, les membres du parti présidentiel, le RPM (Rassemblement pour le Mali ), n’hésitent pas à faire de nombreuses déclarations dans la presse pour expliquer que leur relation avec le premier ministre ne souffre d’aucune éraflure.

Dans la presse, nos pisse-copie s’aveuglent sur l’assise clanique du pouvoir, le népotisme, le clientélisme, la dérive oligarchique. Pas une réflexion sur l’agitation du front social, avec surtout cette grève dont la mèche a été allumée par l’UNTM (Union nationale des travailleurs du Mali ). Rien sur tout cela, à part la rengaine révoltante d’un pays en lambeaux, en crise, des articles qui salopent Moussa Mara et son gouvernement, jugés incapables de générer des solutions. Oui, on se sent dans un pays où aucun changement important ne se produit. Mais de là à citer le nom de tel ou tel homme politique comme futur premier ministre, il y a un pas qu’on n’aurait pas dû franchir. Cela s’appelle du « foutage de gueule ! »

« Des rumeurs que j’ai découvertes dans la presse… »

Soumaila Cissé serait celui que la communauté internationale aurait choisi pour être à la tête d’un gouvernement d’union nationale pour, dit-on, « sortir le pays de la crise », « amorcer le dialogue politique… » Interrogé par le journal La Nouvelle Libération, il a dit que ce sont « des rumeurs qu’ (il a) découvertes dans la presse comme tout le monde. », et qu’il n’a « eu aucun contact à ce sujet avec aucun membre de la communauté internationale. » On ne peut être plus clair.

« Ça m’étonnerait bien fort, nos milieux politiques bamakois n’ont pas encore atteint ce niveau d’élévation, à mon sens ! Le président ne prendra pas un opposant dans les rouages de l’Etat; ce qui est dommage d’ailleurs, car ça aurait été la seule façon d’équilibrer le pouvoir », a commenté un ami journaliste et écrivain. Il ne fait aucun doute que cela aurait eu le mérite d’équilibrer le pouvoir. Mais, il est difficile de ne pas dire que ce serait une cohabitation tout sauf calme, entre un président et son opposant. Quelques exemples, même s’ils sont éloignés de nous, suffisent pour s’en convaincre. En France, il y eut les cohabitations Mitterrand (Parti socialiste)-Chirac (RPR), Chirac (RPR)-Jospin (Parti socialiste). Mitterrand-Chirac, c’était la première fois qu’allaient cohabiter, sous la Ve République en France, un président et un premier ministre de tendances politiques divergentes. La cohabitation IBK-Soumaila n’est pas préparée, et le Mali d’ailleurs n’a pas encore cette culture démocratique.

Keep cool !

Mohamed Ag Erlaf, Soumaila Cissé… ne seraient que les premiers ministres des pisse-copie qui ont enfourché le cheval de la démagogie, de la spéculation, donnant à quelques lascars une belle occasion de s’en prendre à cette presse qui n’a toujours pas le comportement que le lectorat est en droit d’attendre. Une presse qui a atteint un grand niveau d’indécence.

Etre premier ministre, cela reste une affaire de compétences, de choix du président et de chance…et non de personne. Donc, keep cool !

(1) Gouvernement Moussa Mara, ces combines qui étouffent la République, Les Echos, Ogopémo Ouologuem

Boubacar Sangaré


Mali : IBK, un an après…

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Le 11 août 2013,  le candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM), Ibrahim Boubacar Keïta, a raflé la mise au second tour de la présidentielle avec 77,6 % des suffrages. Un véritable plébiscite, un raz-de-marée qui a achevé de le convaincre de la totale confiance que les Maliens avaient en lui pour desserrer l’étau de la crise sécuritaire et institutionnelle ayant ébranlé le pays. Un an après, où en est la situation sociopolitique au Mali ?

C’est un pays complètement groggy qui a dit oui à Ibrahim Boubacar Keïta il y a un an. Un foireux coup d’Etat, une rébellion armée qui a précipité le passage des trois régions du Nord-Tombouctou, Gao et Kidal- sous le contrôle des hordes de barbares d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Dine, jetant ATT et son régime sous les feux des médias locaux et étrangers, lesquels s’accordaient à parler d’un pays plongé dans le marais de la corruption, le gouffre d’une vacuité politique et d’une faiblesse de l’Etat, l’absence de justice… Un pays dévasté.

« Le Mali d’abord », c’est le slogan de campagne qui a raffermi l’espoir des Maliens, et les a amenés à voir en IBK celui qui permettra à ce pays de tourner la page sombre de la crise. Et IBK savait mieux que personne que les chantiers sont vastes : éducation, justice, emploi, armée, réconciliation nationale, diplomatie… Autant dire que c’est un pays où tout est à refaire.

Mais vite, ceux qui espéraient que l’élection allait être un coup de baguette magique, ont laissé s’exprimer leur impatience vis-à-vis d’un pouvoir qui sait pourtant qu’il faut du temps pour apaiser 21 mois de chaos et près de 20 ans de laisser-aller.

Arrestation du capitaine Sanogo, l’élection au poste de président de l’Assemblée nationale de Issiaka Sidibé (qui est le beau-père de Karim Keïta), affaire Tomi, candidature de Karim Keïta aux législatives, avion présidentiel… ce sont là quelques événements d’intérêt puissant qui ont marqué l’an I de l’élection d’BK, et qui lui ont valu d’être au centre des critiques plus dans la presse qu’au sein de l’opposition politique. On lui reproche une gestion à la diable de l’Etat, une tendance à l’installation d’une oligarchie. Dans la presse, on en est même arrivé à détourner la Trinité avec l’élection de l’honorable Issiaka Sidibé en « Au nom du père, du fils, et du…beau père ! ». Le slogan de campagne « Le Mali d’abord ! » a aussi été détourné en « Ma famille d’abord ! »

Une opposition qui ne veut pas la mettre en veilleuse…

A la différence de ces prédécesseurs, IBK n’a pas à faire à une opposition qui la met en veilleuse et laisse faire. On a souvenance du Mémorandum polémique que le Parena de Tiébilé Dramé a publié sur les sept premiers mois du quinquennat du président de la République, lequel a suscité chez les tisserands du RPM des insultes, des réactions vives à destination du parti du bélier blanc. D’aucuns ont décelé dans la réaction du RPM une ignorance du principe selon lequel la politique, comme la pensée, progresse par la critique. Le Parena a récidivé en tenant une conférence de presse donnée par son président, avec comme thème « Situation politique nationale : comment sortir de l’impasse ? ».

Il y aussi eu la motion de censure introduite à l’A.N par l’opposition pour abattre le gouvernement Moussa Mara. Mais elle n’a pas passé, et nombreux sont ceux qui sont convaincus que c’était une initiative de la majorité présidentielle pour « couillonner » le peuple.

Pour le grand bonheur du régime d’IBK et de la démocratie malienne, il existe une opposition qui surveille, alerte et qui semble dire « Attention, quand il y a dérive, je suis là et je protesterai… »

Même si, et malheureusement, elle plonge le plus souvent dans la passion et les calculs politiciens. Ou du moins en abusant de son statut.

L’inévitable négociation avec les groupes armés du Nord…

On le sait, l’intransigeance dont IBK a fait montre dans ses discours sur la situation au nord du pays lui a valu la sympathie de beaucoup au sein de l’électorat, qui voyait, impuissant, le pays se déglinguer, s’installer dans une menace de partition. C’est donc pour restaurer l’Etat de droit, la stabilité qu’IBK a été élu. Mais celui qui se disait intransigeant vis-à-vis des revendications séparatistes des rébellions MNLA, HCUA…, a été rattrapé par la réalité qui, vue sous toutes ses facettes, indiquait que la négociation est inévitable.

Aujourd’hui, tout le monde le sait, l’avenir du régime d’IBK dépend de l’issue favorable de ces négociations dont la première étape démarrera le 1er septembre à venir à Alger entre le gouvernement et les groupes armés.

Un gouvernement qui mène une vie de bâton de chaise…

En seulement un an, IBK a eu deux premiers ministres : Oumar Tatam Ly et Moussa Mara. Le premier a démissionné à cause d’une cohabitation devenue difficile avec le président dont les camarades du RPM et certains ministres voulaient sa tête. Moussa Mara l’a remplacé à la tête de l’exécutif et se retrouve sous les feux des critiques. Et des rumeurs, qui ne sont jamais anodines, disent qu’il souffle dans l’air des indices de remaniement au sein du gouvernement. Certaines informations vont jusqu’à dire que la Communauté internationale aurait choisi Soumaila Cissé pour diriger l’exécutif…C’est un gouvernement qui vit sous le coup d’une menace de rupture permanente. C’est un gouvernement qui a passé plus de temps à gérer les crises politiques qu’à faire le travail qui lui a été confié. C’est surtout un gouvernement, dont le chef a reçu moins plus de contributions politiques que d’appels demandant son départ.

Cherté de la vie, un préavis de grève du 20 au 22 août prochain déposé par l’UNTM pour réclamer de meilleures conditions de travail et la baisse des tarifs d’eau et d’électricité, gestion des affaires foncières, système éducatif, dialogue de sourds entre majorité et opposition à l’assemblée, gel de l’aide financière de l’institution de Bretton Woods ( FMI) et la Banque mondiale avec comme résultat une économie plombée…voilà des tâches qui, un an après, se dressent comme des épines sur le chemin d’IBK.

Qu’à cela ne tienne, l’espoir est permis.

Boubacar Sangaré


Ebola, Jean-Marie Le Pen et l’immigration

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Jean-Marie Le Pen, président d’honneur du Front national, photo : tempsréelnouvelobs.com

C’est un fait, la fièvre hémorragique à virus Ebola a placé l’Afrique sous les projecteurs de l’actualité et installé un climat de peur générale. En Afrique de l’Ouest, elle connaît une flambée avec, selon Organisation mondiale de la santé, 1069 morts essentiellement en Guinée-Conakry, Liberia,  Sierra Leone et au Nigeria, qui sont les pays les plus touchés. De partout montent des appels à la vigilance face à une maladie qui se révèle foudroyante. Le continent est dans un état d’alerte permanent. Un malheur qui est en train de semer la dévastation, la désolation. Comme pour donner raison à Albert Camus dans Caligula :

« On ne choisit pas le malheur, mais c’est le malheur qui choisit.»

Mais ce qui choque, c’est que cette épidémie, outre le fait qu’elle a inspiré des comédiens, des cinéastes sur le continent ou ailleurs et fait des vagues, donne à quelques fachos et politiciens en mal d’inspiration, matière à clabauder, amalgamer et étaler devant tout le monde leur haine « de l’autre ».

D’aucuns se demanderont quel est le rapport avec Jean-Marie Le Pen. Simplement parce que ce vieux tribun, serial provocateur, a encore puisé à pleines mains dans l’abécédaire de la xénophobie de l’extrême droite pour railler l’Afrique frappée par la FHVE. C’était en mai dernier, a-t-on lu sur le site de RTL, lors d’un cocktail de presse où celui qui est aujourd’hui le président d’honneur du Front national a évoqué « l’explosion démographique dans le monde, le risque de submersion de la France par l’immigration et le remplacement de la population qui est en cours ». C’est là, peut-on vraiment l’affirmer, les idées qui servent de fonds de commerce à l’extrême droite en Europe, surtout en France.

On le sait, en France, le Front national est le grenier d’idées xénophobes, racistes, islamophobes, ce qui l’a diabolisé auprès d’un grand nombre de l’électorat. Même si, ces derniers temps, sa présidente Marine Le Pen a entrepris une vaste campagne de dédiabolisation qui semble avoir l’effet d’un pétard mouillé, en regard des actes et déclarations racistes dont se sont rendu coupables des candidats du parti.

Pour Jean-Marie Le Pen, pour qui l’immigration serait une menace, « Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois » ? Voilà une trouvaille vaccinale, mais sardonique, contre ce qui est perçu par le Front national comme une épidémie : l’immigration. Ainsi, l’immigration est devenue une hantise, un sujet qui est plus cher à Jean-Marie Le Pen que le vieux cœur qui bat dans sa poitrine, un fouet dans sa main avec lequel il ne se lasse jamais de cingler dans ses discours les immigrés.

Pour le Front national et son électorat, le problème n’est pas le chômage, la dégradation de la santé financière… Pour eux, le problème est l’étranger, immigré noir ou arabe, qui est brandi en permanence comme une menace. Et le plus grave, c’est que ce parti est en train de monter en force, en témoigne le score de Marine Le Pen à la dernière présidentielle et la victoire du FN au récent scrutin européen. D’ores et déjà, des commentateurs politiques parient sur une présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle en 2017.

Disons-le clairement, s’il y a aujourd’hui un mensonge qu’on jette aux Européens comme des os aux chiens, c’est de leur faire croire que l’immigration est la seule menace. Au point que les politiques prennent des mesures pour tarir le flux de migrants qui arrivent à Lampedusa, traversent le détroit de Gibraltar… Personnellement, je crois à cette règle, qui n’est écrite nulle part, selon laquelle « rien ni personne ne peut arrêter un être humain qui a décidé de quitter sa terre pour un ailleurs qu’il juge meilleur (1) ».

Les propos de Jean-Marie Le Pen n’ont pas fait l’objet d’une forte dénonciation dans la classe politique et la presse française, ce qui est grave à une époque où ailleurs en Espagne, en Italie, aux Etats-Unis, au Canada, la tendance est à la reconnaissance du fait que l’immigration contribue à l’amélioration de la croissance économique. Ce qu’il faut signaler à l’attention de Jean-Marie Le Pen, qui semble appartenir à une époque révolue, c’est que le temps est à l’évolution des peuples, au métissage, aux mouvements des populations, et que le vrai problème de son pays, voire de toute l’Europe, c’est la faillite de la politique économique.

Et, on ne peut pas ne pas dire qu’il rit du malheur des Africains, ce qu’on pourrait appeler du « terrorisme moral ».

(1) L’Union européenne est en panne. Réponses inappropriées, erreurs diplomatiques, valeurs perdues… Face au flux d’immigration arabe, l’Europe s’entête et s’enlise, Slate Afrique, Akram Belkaïd, le 2 mai 2011.

Boubacar Sangaré