Florian Ngimbis

Je suis camerounais, je refuse de m’endormir

Même le SCUD ne passe pas.

Aujourd’hui, je n’ai pas envie de rire. Mais alors pas du tout.

Il y a quelques temps, je découvrais le hashtag #sommeillistan sur Twitter. Ce néologisme ironique désigne notre pays, le Cameroun, le pays où les gens dorment et pire, se laissent endormir. Endormir par des pratiques toutes aussi étranges les unes que les autres, endormir par des politiques qui n’ont même pas besoin de mettre la dose adulte pour que ça fonctionne.

Hier soir, en sortant de mon bureau autour de 19h30, j’ai bien cru que le Cameroun s’était définitivement transformé en Sommeillistan. En effet, toute la rue allant du feu en face Casino jusqu’à l’avenue Kennedy était noire de véhicules. Sauf que, chose étrange malgré la foule, je n’entendais ni les klaxons, ni les invectives habituelles. Pas même les moteurs! Je me suis dit euye! Je suis en pleine science fiction ou bien?

Je rôde (on ne sait jamais) et là, je tombe sur un élément de la garde présidentielle, dans sa tenue de combat vert olive fournie par Tsahal. Le gars braque son regard noir sur moi et sans mot dire, me fait signe de me dépêcher de traverser la rue. C’est de l’autre côté, en contemplant le rond point de la poste centrale, vide, les piquets de flics, les véhicules immobiles et silencieux que j’ai compris. On était dans l’attente du passage du président de la République.

Je vous le dis mes amis. Qui n’a jamais contemplé le passage du cortège présidentiel au Cameroun a raté le comble de l’ubuesque, la parodie du pouvoir, la vanité humaine, la petitesse des « grands ».

Environ deux heures avant le passage du Roi, on voit généralement apparaître des bonhommes vert olive sur tout le trajet présidentiel. La GP, la Garde Impériale de notre Napoléon, les Immortels de notre Darius, la garde prétorienne de notre César. Armés de fusils d’assaut dernier cri, de fusils de sniper, de radios, de casques, les fantassins se déploient dans tous les points stratégiques et ne manquent pas sans que le besoin soit identifié de garer quelques automitrailleuses dans les carrefours .

Le Yaoundéen quand il observe ce déploiement sait que sa journée est fichue.

Oui, fichue. Car, non content du stress causé par la présence d’hommes en armes et de véhicules de guerre dans les rues de Yaoundé, le déplacement du Roi va également mettre les axes centraux de la ville hors de service, pour des raisons de sécurité nous dit-on, pour donner l’impression à sa majesté de rouler sur une autoroute suisse je crois.

Il y a la foule qui change. Parmi les badauds qui flânent habituellement en ville, on se met à apercevoir des têtes de barbouzes ou prétendues tel. Des gros (ou maigres) bras qui font semblant de se fondre dans la masse tandis que leurs oreillettes bien en évidence indiquent qu’on a affaire à la sécurité présidentielle (les Jack Bauer locaux). Ils surveillent les moindres gestes, confisquent les appareils photo des audacieux qui osent filmer le passage du cortège.

Il y a même nos amis les policiers, les mbérés. Ceux avec qui on partage des blagues et des bières tous les jours, qui deviennent curieusement nerveux. Pendus à des talkies walkies grésillants, il insultent à tout va, pressent les gens, grondent, s’excitent, stressent, surexcités qu’ils sont à l’idée de montrer au roi qu’ils font bien leur travail.

Et puis il y a nous, le petit peuple. Écrasés et résignés, chômeurs, chauffeurs de taxis, fonctionnaires, débrouillards, nous attendons, patiemment, comme une armée de larves que le Roi veuille bien nous permettre d’utiliser sa chaussée après cette journée difficile.

Hier, comme toutes les fois où j’assiste à cette mascarade, j’étais énervé. Énervé car pour beaucoup de badauds présents à la poste centrale il ne s’agissait pas d’une attente stressante et empreinte d’énervement. Il s’agissait d’un spectacle: le président va passer.

Oui une vraie pièce de théâtre digne du vaudeville le plus moche.

L’exposition : une foule qui attend béate, les questions qui fusent: il arrive quand? Il revient ou il part? Et puis, comme en réponse, les sirènes des motards côté Mvog Mbi. Ah! Ils revient!
Le nœud: Vient le cortège. Une cinquantaine de véhicules, des grosses berlines, l’argent du contribuable (ou ce à quoi il sert…). Murmures admiratifs dans la foule.
Les péripéties: en plein passage du véhicule royal, la foule de badauds se met à applaudir son Altesse Royale. Euye!
Le dénouement: ouf! ils sont passés. Le troupeau des pauvres est autorisé à se remettre en branle.

L’attente, l’énervement, les applaudissements, le soulagement… Quiproquo, je ne comprends plus grand chose.

Dans le taxi qui m’a enfin ramené chez moi, une jeune femme qui a osé critiquer cette pratique d’un autre âge s’est carrément fait rabrouer par le chauffeur qui l’a traitée d’opposante à cause de la phrase « ceci est un manque de respect de la part de notre président vis à vis des camerounais! ».

Pardon, nous on a la paix. On ne veut pas les problèmes hein?

Les ennuis? J’ai saisi la balle au bond et résultat des courses, après une discussion enflammée, je me suis fait expulser du taxi à Olezoa. Je suis rentré dans un bar et j’ai coupé une bière en pleurant des larmes de sang sur mon pays.

Mais où est donc la presse? Où est la société civile? Où sont nos intellectuels bon sang! Pourquoi personne ne veut dénoncer cette aberration!

Mais c’est quoi ce pays? Je le dis et je le répète: si dénoncer l’assèchement des robinets c’est être opposant, alors oui je le suis. Si dénoncer les délestages chroniques d’électricité c’est être opposant, alors, oui je le suis. Si critiquer la corruption dans l’administration camerounaise c’est être opposant, alors oui je le suis! Si dénoncer les routes barrées par le passage présidentiel c’est être opposant alors, oui, je le suis! Et si être opposant est un crime au Cameroun, alors OUI je suis un criminel. Si demander le changement c’est prôner la guerre, oui, je suis un faucon! OUI! OUI! OUI!

Des camerounais se sont battu, on versé leur sang, on payé le prix fort pour qu’on soit libres et indépendants. Résultat des courses, cinquante ans après, nous en sommes à applaudir le monarque que nous avons élu et qui ne se gêne pas pour nous faire poireauter deux heures sous le soleil ou la pluie car de retour d’un séjour qui ne nous concerne en rien au Vatican. Il doit emprunter la route et il doit le faire seul, pour avoir l’impression de rouler sur une autoroute car il n’en a construit aucune en trente ans. Non content de trouver ça normal, nous autres camerounais nous nous payons l’ultime luxe de l’applaudir quand il passe. Et puis hop! on va boire une bière, la vie continue. Hein mon frère? On va faire comment?

Certaines personnes me demandent ce qui motive mes textes. Pourquoi j’écris. Mais c’est justement à cause de ce genre d’incongruités. Tout se passe comme si tout notre peuple avait les yeux fermés. Comme si les gens disaient non à la raison. Moi je refuse de faire partie de ce Sommeillistan. Je refuse de fermer les yeux devant ce pays qui marche sur la tête. Je refuse le fatalisme qui veut que les choses ne puissent être autrement. Je refuse d’attendre deux heures à cuire dans mon jus parce que le président passe. Je refuse de croire qu’il m’est interdit de me plaindre parce qu’on va m’arrêter et me jeter en prison. Je refuse d’arrêter de m’étonner, je refuse de faire partie du troupeau qui ne sait même plus distinguer l’herbe du couteau, je refuse de laisser ma raison et mon intelligence au placard, je refuse qu’on fasse un triomphe à la bêtise et à l’incompétence, car les deux, même si elles ont pignon sur rue en ce moment, ne sont pas représentatives de mon peuple.

Oui je refuse de me dire que c’est normal, parce que je suis un homme et qu’un jour, les générations futures de camerounais me demanderont « Ngimbis, tu as vécu ça, qu’as tu fait pour que ça change? ».

Peace!

 


Je suis camerounais, mon pays est une église où on fume de l’opium

Il y a des nouvelles qui me font sourire. Ces derniers jours j’ai entendu des choses vraiment amusantes. D’autant plus amusantes qu’elles concernent les deux camerounais les plus célèbres de l’heure: notre roi, Dieu le père, trentenaire (au pouvoir), et son fils le Messie, qui veut battre le record de son père (dans le foot) Samuel Eto’o.

Donc, comme je le disais, j’ai appris la décision de Samuel de se retirer de la sélection nationale.

Père, s’il te plaît éloigne de moi cette coupe pleine de kongossa et malbouche. Bon, j’avoue que je n’ai pas beaucoup cru à tout ce cirque hein? Un lion qui te dit qu’il devient végétarien. Si c’est pas la sorcellerie c’est quoi ?

Ensuite, coup de théâtre, ou presque. Notre bien-aimé Samuel Eto’o décide de faire son come-back à la Ben Decca (mon frère! qui t’a chassé?) et comme si cela ne suffisait pas, on apprend que le Messie sera reçu dans le temple de son père à Etoudi pour négocier les conditions de son retour. Euye!

D’habitude les gens disent que je passe mon temps à dénigrer mon pays etc. Mais sur ce coup…

Quand j’ai appris hier que notre roi se rendait au Vatican, j’ai ri hein? Je me suis demandé : mais Père! pourquoi n’emmènes-tu pas ton Fils, notre sauveur dans ta valise ? J’ai vraiment rigolé hein. Car tandis que notre roi ferme à tout va, via ses larbins de la préfectorale, les églises de réveil, il devrait songer à fermer sa propre église. En fait, j’hésite entre église et fumoir. Oui, depuis trente ans, on vit dans une église d’endormissement, dans laquelle on nous a inventé un Dieu, créateur de paix sans qu’il ait trouvé de guerre, et dont le fils Samuel Eto’o, né suite à une diarrhée de Job le camerounais, en coupe d’Afrique de foot, est le Messie.

Même s’il me sert de bouc émissaire, ce n’est pas une affaire personnelle avec Eto’o hein? C’est de comprendre pourquoi personne ne se rend compte à quel point on nous enfume avec cette histoire de foot. Jugez vous mêmes :

Il n y a pas d’eau, les gens se la font livrer par les pompiers, qui eux même n’ont jamais d’eau pour les incendies.

Dieu le père, Roi du Cameroun fait appel à son fils.

Réponse du fils: coup de tête à un journaliste en pleine conférence de presse.

Attitude des camerounais: on oublie l’affaire de l’eau, on se bat dans les rues pour savoir si Eto’o avait raison ou pas.

Les élections approchent. On réfléchit une énième fois sur cette histoire de code électoral, les zinzins des partis dits d’opposition veulent monter une coalition.

Dieu le père, Roi du Cameroun fait appel à son fils Eto’o, notre noyeur.

Réponse du fils, Eto’o fait une déclaration: on veut me tuer. « Quand je viens jouer, je ne mange pas la nourriture des Lions, je ramène mon ndolè et mon condrè de Russie, un gendarme couche devant ma porte. »

Les Camerounais oublient tout: euye! les jaloux veulent tuer Eto’o!

On a des soucis, Yaoundé est inondé chaque soir de pluie, on se demande pourquoi les emballages plastiques, théoriquement interdits, continuent d’être fabriqués et bouchent les caniveaux. Il y a des élections, des prisonniers battent campagne pour le parti du Ciel, des retournements de veste inattendus agitent le ruisseau politique.

Le Père de la Paix, notre Seigneur appelle son fils.

Réponse du fils : après avoir senti la vieillesse au cours d’un match durant lequel il a été improductif, le fils, énervé et capricieux décide de rentrer dans le royaume de son père : Eto’o annonce sa retraite internationale.

Réaction des camerounais : on oublie le reste. Deux fronts se battent dans la rue et les médias. « Bye Bye Eto’o! ne reviens jamais! » et « Faites revenir Eto’o! ».

C’est alors que le fils prodigue paré de sa louange refait son apparition.  Engoncé dans un costume Smalto sur mesure à défaut d’ailes et transporté dans une limousine made in Paradis,  il décide d’aller voir son père pour négocier les conditions de son retour.

Là j’ai crié « nooooon! » pas toi Eto’o. Pas toi! Laisse ton Père le faire, nous on sait où on l’attend, mais pas toi !!!

J’étais tellement énervé contre mon idole que j’ai imaginé une conversation entre lui et le Roi ce jour là :

Le Roi: Mon petit tu as dit que tu partais non? C’est même comment?
Eto’o: Mon Roi n’est ce pas on voit comment toi même tu es parti depuis trente ans là? Je cale piang! Apportez le caterpillar seulement pour me chasser.
Le Roi: Bon! ok! ok! Promets moi juste une chose: en 2018 on part hein?
Eto’o: Pas de problème mon père. Dès que j’entends à la radio que tu es parti, moi même je pars.
Subitement Julien Lepers de Questions pour un champion que personne n’avait vu (ni moi d’ailleurs) sort de l’ombre.
Julien: Alors Eto’o, alors Popaul, quelle est votre décision?
Les deux (en choeur): On reste!

Ça c’était pour rire. Mais sérieusement, je n’ai jamais compris cette ivresse des hommes pour le pouvoir. Cette volonté de s’éterniser alors qu’on se sait mortel. Quand je vois ce désir de se maintenir, de s’accrocher je me dis mais mince! Qu’est-ce qu’ils ont tous ?

Vous savez tout l’amour que j’ai pour Samuel, vous savez le nombre de lianes qu’il m’a donné non ? Donc, vous pouvez mesurer à sa juste valeur la déception qui a été mienne quand j’ai vu cette icône rassembler en une soirée la quintessence des germes qui, selon moi, pourrissent tout l’environnement camerounais. Égoïsme, trafic d’influence, le tout doublé d’un amour incompréhensible pour le pouvoir. Il est plus facile à un footballeur, à un feyman ou à un gourou de rentrer à Etoudi pour parler d’histoire de foot, de gros sous qu’à un camerounais sans relations et plein de son énervement d’aller se plaindre dans le bureau du derniers des plantons de la Camerounaise des Eaux. Paradoxes d’un pays qui marche sur la tête. Où les soucis de développement n’inquiètent personne, mais dont la population marche parce que « La France a arrêté Gabgbo ». Une population qui se tait quand le Roi bloque les rues la moitié de la journée pour aller se reposer dans son village en Suisse mais laisse tomber ses activités pour dénoncer la mauvaise gestion du foot par Iya Mohamed.

Hum! Dans la vie il y a le sens des priorités, mais chez nous ce sens semble inversé. Car si au moins ce football était vecteur de développement…

Bon, je bavarde trop là. Juste vous dire que j’ai été élu récemment président du Collectif des Blogueurs Camerounais. Moi aussi je vais goûter à cette ivresse du pouvoir. Je vais comprendre pourquoi les Mobutu, les Roi Lion, les Eto’o et autres s’accrochent. Et si le virus me prend, je change la Constitution, si on parvient à me chasser, je fais semblant de partir, mais je fais un détour par le maquis, je monte ma Séléka de blogueurs. Puis je reviens, je marche vers le trône, je le reprends, je demande qu’on me remette mon brassard, je pars en pèlerinage à Makashkala, puis à Chelsea, puis à Mvomeka’a, puis je… Bref… je me tais.

Peace la famille et désolé pour le long silence (j’avais perdu ma Muse, mais là je suis de retour).


Je suis camerounais, je regarde les matchs sur la CRTV

Il m’a fallu laisser passer un peu de temps pour pouvoir écrire ce billet. La vengeance dit-on est un plat qui se mange froid,

Oui c’est d’une vengeance dont il est question. Pas contre un homme, ni une liane, mais toute une institution: la CRTV Ciartivi, la Cameroon Radio Television, la chaîne publique nationale du Cameroun, Royaume des Crevettes.

Il y a quelques semaines le peuple camerounais a vécu le match Cameroun vs Libye comptant pour les éliminatoires de la Coupe du Monde. Des amis m’ont proposé d’aller au stade. Mais vous savez, Mfandena c’est bien à l’entrée, mais c’est chaotique à la sortie. En outre, j’ai rarement (pour ne dire jamais) vu un stade où on vend de l’alcool fort pendant le match, où on fume de l’herbe au vu et au su de la police et où les gens s’asseyent partout au point de boucher les issues de secours. C’est cool question ambiance, mais je suis certain qu’un jour ça va mal finir. Bon, je laisse mon pessimisme au placard.

Donc, ce jour là hein? Je suis allé regarder le match dans mon bar que vous connaissez déjà, celui où il m’arrive plein d’histoires là. Si la plupart de mes compatriotes ont focalisé sur Eto’o et son vrai faux départ, sur le score ou le type qui a déboulé sur la pelouse, moi j’ai été horrifié par la qualité de la retransmission.

Sérieusement hein?

A la fin des années 80 on a eu une chaîne nationale. J’étais gosse, mais je me souviens des premières images. La venue du pape Jean Paul II en 1985 … Le salon de mes parents plein de têtes crépues scotchées devant le tube cathodique. Puis les années 90. Les feuilletons et séries TV, l’Orphelin, Beverly Hills, Silence on joue, Bertha la Folle, Japhet et Ginette, L’étoile de Noudi, la télévision était magique.

Puis on dirait que quelque chose s’est cassé. On est entré dans une phase de répétition, dans une espèce de marasme, qui se cachait mal. « Expression directe des partis politiques », les clips et odes à la gloire du Roi ou de la Reine, les documentaires animaliers mille fois rediffusés, « Délire » avec la même tête depuis des lustres, mais surtout les matches.

Sérieux il faut regarder un match à la Ciartivi pour comprendre où en est cette maison.

Un match à la Ciartivi, c’est d’abord l’avant-match.

Avant le match on a ces clips à la gloire des Lions, dégoulinants de vert-rouge-jaune et qui sont diffusés sur notre chaîne-mère durant des heures. Vive les Lions! Allez les Lions! Des illuminés? Non. Qu’on se qualifie, et vous verrez ces perroquets dans la délégation « culturelle » qui accompagne les Lions à grands frais.

Un match à la Ciartivi, c’est la guerre du style.

Oui il faut du style pour choisir ce mobilier hideux, ces panneaux en carton pâte ou contreplaqué, horriblement peints de fresques dont même un cimetière ne voudrait pas, ces fleurs tellement artificielles que ça se voit, ces… bref.

Regarder un match à la Ciartivi, c’est être vigilant. C’est savoir en clignant des yeux qu’on aura loupé l’action (jamais attendre l’hypothétique ralenti). Du coup, il faut rester concentré, comme au stade, car au stade non plus il n’y a pas d’écran donc, pas de ralenti.

Regarder un match à la CRTV, c’est écouter le kongossa des journalistes.

Studio : On nous annonce que les deux équipes sont en phase d’échauffement sur la pelouse.

Mais pourquoi nous on n’y va pas, pourquoi on n’a pas d’images de cet échauffement, juste ton kongossa hein M. le Journaliste?

Parce que…

Sur l’écran c’est la pub, la régionale d’Epargne, avec sa colombe qui ressemble à tout sauf à une colombe.

Un match sur la CRTV, c’est la célébration du bilinguisme

Un match sur la Ciartivi, c’est le journaliste anglophone qui veut argumenter, mais constate que le bilinguisme camerounais ne concerne que les documents administratifs et qui du coup se lance dans un argumentaire en français : Eto’o, s’il marque la but c’est bien pour Camarone non ?

Un match sur la Ciartivi, c’est presque des chiffres

Le match à la Ciartivi, c’est l’absence de statistiques, du coup, nos chers journalistes ont trouvé un palliatif, les adverbes : Eto’o a touché beaucoup de ballons et des néoglogismes : la pleinitude du stade montre qu’environ 40 000 Camerounais ont fait le déplacement.

Regarder un match à la Ciartivi, c’est se retrouver en pleine tour de Babel visuelle

C’est une aventure humaine, un Koh Lanta cathodique où on a besoin de son voisin pour vivre la rencontre jusqu’au bout.

Gars! Le Libyen qui qui a pris le carton jaune-là c’est qui?

Je ne sais pas. Lui il sait peut être.

Mbom! le joueur qui a pris le carton-là c’est qui.

Attends! mon voisin qui est allé pisser le connaît il va nous dire.

C’est d’ailleurs l’un des espaces d’expression de la cohésion et de l’esprit de consensus démocratique de notre pays.

Journaliste : Attention les Camerounais sur le ballon (un joueur, un peuple) il frappe, hou là là! Il s’en est fallu de peu.

La foule devant l’écran : qui a tiré? Makoun? Non, Makoun a un gros short. Eto’o? Non, Eto’o a de grandes oreilles. Bon, c’est Idrissou, c’est lui qui court comme cheval là.

Tout le monde : oui c’est Idrissou.

Lors  du dernier match de nos Lions, on aurait dit que le plan d’ensemble était fait par un vidéaste, un amateur tout bonnement assis dans les tribune. Ballon où es-tu? Me voici! Sérieusement, c’est le personnel qualifié qui fait défaut ou c’est le matériel?

Et puis mi-temps. L’oiseau bizarre de la Régionale revient faire sa pub, puis on a les vendeurs de motos tueuses chinoises qui s’en mêlent, puis Tagne et Big Mop et la clique des établissements de transfert d’argent qu’on n’a pas…

Puis le laid plateau.

Et là on a, comme d’habitude, les consultants. Les sabitou du football, généralement d’accord sur tout, surtout sur la marque de la bière qu’ils vont avaler ensemble à l’issue du match et enfin, l’inévitable responsable de la communication, ou du desk marketing machin je ne sais quoi chez Orange, qui va se croire obligé de jouer au marabout en nous disant que les Lions vont gagner parce que Orange les soutient, sans oublier de rappeler, qu’il y a des parapluies chinois et des cartes de communication à gagner à l’issue de la tombola. Il va nous achever en répétant le tout dans un anglais forestier, bah oui! le Cameroun est bilingue, mais il faut le dire dans les deux langues.

Retour au stade omnisports Ahmadou Ahidjo! Sauf, que plantage… l’écran reste figé sur le front luisant de sueur du journaliste. Pour ne pas transpirer de honte, ce dernier rappelle la pub avec la phrase de passe à deux variantes : « Quelques soucis techniques avec le stade, nous allons prendre une page de pub ou le vieillot, l’homme a créé la machine, mais la machine a toujours fini par le trahir…. Beurk!!!.  ou encore le On a perdu le satellite .. » (vous en aviez un d’abord?). La pub invoquée, on assiste derechef à un tour cathodique de l’oiseau désarticulé de la Régionale et hop! Sans prévenir nous revoici à Mfandena.

Le match devient intéressant quand à dix minutes de la fin, les Lions ne parviennent toujours pas à faire la différence ou pire, sont menés. Des trémolos dans la voix, au bord des larmes, le journaliste va se lancer dans un discours patriotique façon Chavez (c’était une spécialité de notre Jean Lambert Nang national) :

De Limbé à Nguélémendouka, de Yoko à Nord-Makombé, c’est tout un peuple qui attend cette délivrance qui tarde à venir….

En attendant, le même peuple attend toujours l’eau potable et l’électricité depuis trente ans hein?

Je m’arrête là sinon, je vais écrire un roman. Sérieux, je hais cette chaîne pourrie qui pompe une bonne partie de l’argent du contribuable camerounais depuis des décennies. Pour nous servir quoi ? Vingt six ans de frustration, de flou, de coupures, de mauvais cadrage, de loupés, de détournements, d’amateurisme. Qu’est ce qui leur manque? L’argent? Le personnel qualifié?

La CRTV est le symbole de l’immobilisme de ce pays. De ces gens, des vieux, des jeunes vieux, des vieux jeunes cooptés pour la plupart selon des procédés inavouables et  qui ne veulent rien lâcher. Des vampires qui n’ont rien construit, qui vampirisent ce qu’ils ont trouvé, mais pire, qui ne veulent pas partir, qui ne veulent pas céder la place. Et ce bateau maudit, ce vaisseau fantôme, est toujours renfloué, et toujours un capitaine nommé sans que le précédent, ni ses lieutenants ne soient mis aux fers. Détournements, vol, scandales, on le voit à la télé, mais jamais, au grand jamais ils ne sont inquiétés, jamais au grand jamais quelqu’un ne se lève pour faire cesser cette horrible mascarade . Mieux, on leur octroie des milliards, pour bâtir un nouveau monstre, une Ciartivi bis héritière à coup sûr des tares de sa génitrice. On prend les mêmes et on recommence presque trente ans que ça dure et purée, quelle image! Vive la Ciartivi, vive le Cameroun.

P.S :  si toi aussi la CRTV t’a déjà énervé ou surpris, laisse nous un commentaire, déconstruisons ensemble ce mythe ce monstre, ce gros machin en métal qui n’existe que de nom.

Peace!


Je suis camerounais, je suis francophone

La délégation camerounaise aux JO de Londres. Ils étaient comme vous, vous serez bientôt comme eux

En ce dimanche, j’ai une pensée pour les athlètes, artistes officiels et autres représentants de la délégation camerounaise aux Jeux de la Francophonie, qui ne rentreront pas au pays à l’issue de la compétition.

Pourquoi ? Mais parce que je sais que vous allez fuir. Je sais que vous allez disparaître. Ne me dites pas que je mens, on se connaît.

Ah ! Vous êtes bien les seuls à aimer ces organisations d’un autre âge et dont nous autres on interroge la pertinence : le Commonwealth, la Francophonie.

Vous les athlètes, vous les adorez. Je vous comprends, parce que les jeux organisés par ces deux entités sont l’une des plus grosses filières d’immigration plus ou moins légale en ce moment. A quelque chose, inutilité est bon. Bon, il y a aussi les journées mondiales de la Jeunesse hein ? Mais bon, on ne parle pas de religion aujourd’hui.

Ah ! Les gars, cette année vous êtes servis ! La France ! Nice ! La Côte d’Azur. Un décor de rêve, qui prête à la fuite. Une température idéale pour s’esquiver, pour nyongo, pour piak, pour « tracer », pour « tailler », pour « fendre », pour entrer dans les sissonghos niçois.

On vous a confisqué vos papiers à l’arrivée ? Et alors ? Vous savez, techniquement, en entrant dans la clandestinité, vous deviendrez des sans-papiers, donc ils ont anticipé. Et puis hein ? Si on vous chope, il vaut mieux qu’on ne vous retrouve pas avec votre passeport couleur ndolè qui vous ferait rapatrier à Nsimalen. Oui, il vaut mieux être rapatrié au Sud Soudan, en Mauritanie ou au Niger. Ici au pays, on on ne voit pas d’un bon œil les anciens mbenguistes revenus trop tôt et sans rien.

Je vous préviens. Ne perdez pas le sens des réalités. N’allez pas là-bas faire la fête comme des gens sans soucis. Hier déjà je vous ai vu gigoter ça et là comme des insouciants. J’ai tapé dans mes mains en criant : « yemalééééé ! Les gars-ci savent même d’où ils viennent ? ». Vous venez du Cameroun hein ?!! Vous voulez revenir ici sauter dans les bacs à sable ? Jouer au foot dans le champ de patates national à Mfandena ? Hein ? Les musiciens là, vous voulez revenir, renouer avec le goût acre de la piraterie ? Danser au tango diabolique Ministère de la Culture-Socam-CMC ? Vous voulez vraiment revenir vous enfermer dans cette boîte de pandore qu’est le Cameroun en matière de politique culturelle et sportive ?

Je ne vous force pas hein ? Je vous demande seulement de bien peser le pour et le contre.

Au lieu de danser dans les rues, d’aller faire les fous sur la plage ou poser sur la Promenade des Anglais, repérez d’ores et déjà des détails qui vont vous servir. Le prix du tapioca (en espérant qu’ils en vendent là bas hein ?), les réseaux de plonge, les tuyaux pour se faire recruter comme éboueur. Cherchez tous ces petits métiers qui vont vous aider, et triez les petites annonces en fonction de vos capacités. Les musiciens par exemple, allez dans le métro, voyez comment vous allez gérer le monopole des roumains, cherchez de nouvelles formes d’expression, réinventez le truc, soyez camerounais quoi !

Repérez les flics, la couleur de leurs uniformes (petit problème, vu que ce sont eux qui livrent les nôtres), leurs habitudes, les trajets sur lesquels un noir se fait invariablement interpeller, c’est important.

Pour la langue c’est bon. Vous êtes en terrain linguistique connu. Pas comme les amis qui ont disparu à Londres, lors des Jeux olympiques. Quoi ? Le Cameroun est bilingue? A d’autres, on sait tous qu’au Cameroun, les francophones parlent français et les anglophones parlent anglais. Si c’est ça le bilinguisme alors, je suis d’accord, notre pays est bilingue. Dans votre cas, vous n’aurez pas de problème pour demander votre chemin, ou savoir combien on paye un clandestin au noir, ah ! Que c’est beau la Francophonie!

Juste quelques conseils les gars. Ne vous dépensez pas durant la compétition. Là où vous allez, une médaille ne vous servira à rien, ici non plus d’ailleurs, vous n’êtes pas les Lions du foot. C’est d’ailleurs du toc. Ménagez-vous, soyez rationnels avec votre métabolisme. Après les sept jours de jeux et de bombance viendront probablement sept ans de galère et de restrictions. Soyez prêts ! Passez en mode survie, bon ça aussi c’est pas difficile, ça devait déjà être le cas, quand vous étiez ici. Oubliez juste la Castel, la 33 Export et la Guinness, pour le reste, ça va aller.

J’espère à ce propos que vous avez fait provision de pâte d’arachide et de mintumba. C’est nécessaire pour les premières semaines. On ne va pas en guerre sans munitions hein ?

Si vous changez de nom, veillez à nous envoyer le nouveau. Bah oui, le nom de l’expéditeur est capital lors de la réception d’un mandat express Union. Car, vous comptez bien nous envoyer des sous non ?  Non, pas maintenant, pas du tout, je voulais dire, le temps de vous vous fondre dans le décor, de vous  adapter quoi !

Bonne chance les gars. Et si vous aviez prévu d’attendre les prochains jeux dans quatre ans pour vous éclipser, je préfère vous dire qu’ils auront lieu en Côte d’Ivoire hein ? Et même si j’aime bien mes amis ivoiriens, autant dire qu’abandonner le kouakoukou, le ndolè, le tampico pour l’attiéké, ou le kédjénou ne vaut pas le coup. Autant rester chez nous, à Ongola.

Bon, on reste à l’écoute des médias. Dans l’attente des premières fuites nouvelles.

J’allais oublier: Air France vous dit merci d’avance pour les prochains sièges libres sur ses vols que vous auriez dû prendre.

Peace!

P.S. : Ci-joint, une carte de Nice. Au moment d’envoyer les mandats ne dites pas que je n’ai contribué en rien à votre entreprise hein ?

 


Je suis camerounais, je suis un personnage de bande dessinée

Ma vie prend une tournure bizarre hein ?

Tenez, ce matin j’étais dans le quotidien Le Jour. Mouais, on a vu ma grosse tête en page 9, tout autour, un portrait de ma triste personne brossé par la talentueuse Elsa Kane. Me voilà alors en mode star. Tous mes créanciers se sont souvenus de moi. Surtout que la journaliste a eu la bonne/mauvaise idée de citer tous les « prix » que j’ai gagnés dans ma vie. Or, je vous ai déjà expliqué que dans l’imaginaire du Camerounais moyen, le mot prix rime toujours avec argent. Bref, les gars se sont souvenus de moi et je n’ai même pas l’argument de la pauvreté pour me défendre. Ah bon hein ? On te voit dans le journal et tu dis que tu n’as pas mes sous? Tu me prends pour qui ?

Oui je suis malheureux. La gloire, la célébrité ruinent l’âme. On n’arrive plus à se regarder tel qu’on est. On se voit tel que les autres vous présentent. Et on se ruine aussi tout court hein ? Ce matin, j’ai carrément acheté une dizaine d’exemplaires de Le Jour.  Oui, les Bush et autres ne sont pas les seuls à savoir manipuler les gens avec des armes de destruction massive. Maintenant quand je drague une liane, il y a toujours ce moment où dans une fausse décontraction je laisse traîner le journal ouvert à la page 9 dans l’attente du « Hé! Ngimbis, c’est toi dans le journal ». Tactique foireuse de guerre.

Bon je préfère vous dire hein ? Cet article m’a servi ma première déconvenue. Cinq minutes après avoir acheté ma pile de journaux, le paquet sous l’aisselle, j’accoste une douce liane devant le kiosque. Sa réponse à mon bonjour énamouré m’a cloué : « Maaaama ! Ce n’est pas la malchance le grand-matin ? Même les vendeurs de journaux me draguent déjà ! ». Et pan !

Mais ça va empirer tout ça, cette surexposition et tous ces créanciers etc. Bah oui, car le but de ce post est de vous annoncer le lancement sur la plateforme Waanda Stoudio de la bande dessinée « NGUIMBIS, héros dans n’a rien« 

Waanda Stoudio c’est le projet d’un ami bédéiste, Yannick Deubou. Une plateforme panafricaine de bande dessinée dont le lancement officiel aura lieu dans quelques mois au festival de la BD à Alger. On retrouve sur le projet Elyon’s (la vie d’Ebène Duta), Gunther Moss ou encore Le sulfureux George Pondy.

Le projet de bande dessinée est une idée initiale d’une amie, Vania Lombinde.  Et puis on a mis Yannick sur le coup et le type a carrément eu l’idée de faire une BD sur moi. Selon lui, rien de mieux pour découvrir mon univers que de parler de moi : « Mbom je te jure tu es un personnage de BD, c’est seulement que ta folie t’empêche de le voir ». Voilà les élucubrations post Castel que j’entends tous les jours.

Pourquoi « Nguimbis » et non « Ngimbis » ?

Ceci est une heureuse erreur. La plupart des gens ne comprennent pas l’absence du « U ». Pour tout vous dire, moi non plus. Du coup, on a décidé d’ériger l’erreur en choix. Et puis, franchement, je ne veux pas totalement ressembler au personnage. Il pourrait me phagocyter hein ?

En parlant de ressemblance, le type ne me ressemble pas hein ? Il est un avatar de moi en version améliorée : le joli minois, les centimètres qui me font défaut et même la barbe (techniquement, il me faut six mois de cotisation pour avoir un léger duvet sur le menton).

« Héros dans n’a rien »

Etre dans n’a rien est un camerounisme que j’adore. En fait c’est être personne. ça symbolise un vide, vide des poches, vide dans le vide, rien ! Le côté blogueur talentueux que tout le monde célèbre sur la toile, mais looser dans la vraie vie.

Donc, les histoires sont des adaptations de mes délires sur mon blog ou sur ma page Facebook. Vous savez les trucs étranges qui m’arrivent tous les jours. Yannick les adapte et dessine, ce sont des épisodes très courts. Le grand défi est de trouver cet angle qui permet un rendu vrai et honnête vis-à-vis de l’esprit Kamer Kongossa. On n’est pas encore top top top, mais ça va venir. Ce projet se situe dans une lignée, une vision de la culture que notre génération souhaite impulser, en finir avec le cloisonnement, célébrer les mariages de diverses formes d’art et se renouveler tous les jours. Ceci avec la bénédiction de l’outil sans lequel la plupart d’entre nous ne seraient pas connus aujourd’hui : Internet et le numérique en général.

J’en profite d’ailleurs pour vous dire que la BD sera présentée durant le Mboa BD festival, le festival de la BD. Ce sera du 27 au 31 novembre à l’Institut français de Yaoundé. Je viendrai en compagnie d’autres stars africaines de la BD faire ma star.

Une dernière pour la route : j’étais chez mes parents ce week-end. Tandis que je leur présente les planches, mon père guette le tout d’un œil torve et me sort : « Donc toutes les études que j’ai payées là c’était pour ça hein ? »

J’ai failli m’énerver hein ? J’ai failli lui crier, mais le père-ci tu es comment? Ton fils est est un personnage de bande dessinée. Tu en connais toi des personnages de bande dessinée dans la vraie vie ? Et même ces personnages tu connais leur père ? Tu connais le père de Tintin ? Tu connais le père de Rahan ? Toi tu es le père de « Nguimbis » ! Oui j’ai failli dire ça, mais je me suis souvenu qu’avec mon niveau de « fauchage » c’est lui qui allait financer mon retour sur Yaoundé, bref, je l’ai bouclée.

Peace!

Le lien pour lire la BD ici

Le lien vers la page Facebook de Waanda Stoudio ici

 

 

 


Ode au piment camerounais

Piments vert, rouge et jaune. Le hasard n’existe pas! Photo: Aaron Amat

Hier soir, en amoureux de la chair ( la viande hein?) je suis allé me gaver de rognons et de faux filets dans un coin qu’on m’a recommandé. Si la viande était excellente, le piment quant à lui m’a eu. J’ai été malade une bonne partie de la nuit et tellement énervé que j’ai décidé de ressortir ce texte écrit il ya quelque temps déjà suite à une aventure similaire. Je me demande souvent qui a poussé les pères fondateurs à mettre une étoile sur notre drapeau. Si j’avais été là, c’est un piment bien jaune que j’aurais proposé comme emblème. Car oui, le piment cuisiné chez nous est un patrimoine national et devrait être considéré comme tel!

Comment expliquer à certaines femmes (oui les hommes cuisinent aussi et alors?) que cuisiner du piment c’est tout un art?

Le bon piment est un savant dosage. Une ingénieuse atténuation de goût qui jongle sur la préservation du piquant.

Le piment n’est piment que parce qu’il existe l’éssèèssè et le pèbè. Il n’agresse pas les narines, il les chatouille.

Le bon piment est comme les cuisses musclées d’une fille bassa’a: il enserre le palais, mais sait se relâcher pour se laisser prendre.

Il ne mort pas, il mordille.

Il ne pique pas, il picote.

Le bon piment est comme le sourire d’une fille douala, on l’a encore en tête des heures après l’avoir consommé.

Il n’est pas fait pour être atténué par l’eau, mais pas la mousse pétillante d’une bière.

Il est comme les filles Eton, qui reculent, pas pour fuir, mais pour attirer.

Le bon piment chauffe à l’entrée, mais évite de chauffer à la sortie.

Il est gentiment hypocrite, comme une fille bamoun en pagne, il peut surprendre à tout moment, ce qui augmente son piquant.

Le bon piment ne s’écrase pas au moulin du bamiléké du Carrefour, ni au mixeur du blanc d’à côté, il s’écrase à la pierre, sans caleçon.

Le bon piment n’aime pas la facilité du cube Maggi, il préfère la rugosité du sel.

Le bon piment ne purge pas, il affine le teint.

Le bon piment est comme le bon poisson, on le consomme entièrement.

Le bon piment est comme la femme camerounaise: qu’il nous chauffe la langue, la tête ou le coeur, on l’aime quand même.

Malheureusement, le bon piment ne court pas les rues. Sinon je ne serais pas là à raconter tout ça. Tsuip!

Peace!


Je suis camerounais, je suis mbenguiste

Une table « noire »

Ma mère m’a toujours dit: mon fils il faut marcher pour voir les choses. Elle a raison. Je marchais dernièrement dans la poussière de mon quartier quand je suis tombé sur un revenant.

Le Grand Djezeur. Donc, je croise ce grand par une après-midi ensoleillée. Une de ces après-midi où le soleil manque de respect à tout le monde, adultes comme enfants en tapant dur, à l’oblique.

Je crie. Womooooo! Grand d’où tu sors? Il me répond: Ngimbis laisse! Tu crois que Berlin là c’est à côté? Je suis en vacances, je suis venu saluer le quartier. J’ai pensé ok le grand est devenu mbenguiste.

Stop! Il vous faut une définition.

Mbenguiste: nom donné aux camerounais qui vivent à l’étranger. En Europe de préférence. On ne sait pas très bien ce que le mbenguiste fait, il n’en parle jamais. On sait seulement qu’il est tous les jours sur Facebook et qu’il passe son temps à dire que Paul Biya a foutu le Cameroun en l’air. On s’en fout tant qu’il nous envoie des mandats Western Union.

Je ne sais pourquoi, mais le Grand semblait très heureux de me voir. En bon camerounais il me l’a montré: il m’a emmené dans un bar, notre bar de quartier, vous savez, celui où il m’arrive toujours des trucs bizarres là. Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que le mbenguiste avait une suite: un tchinda, son chef de protocole, une petite frappe du quartier que je connais, Domino. Il traînait aussi derrière lui comme une chèvre, une ancienne belle nana, son fantasme inassouvi de pauvre, qu’il avait décidé de se faire maintenant qu’il était quelqu’un. Il semblait être le seul à ignorer qu’elle avait désormais deux enfants, une poitrine tombante et était passée dans les lits de tous les mecs du quartier. Ce n’est pas Domino qui allait le lui dire, vu que c’était sa cousine.  Bref, moi je me suis dit « ma part quoi sur ça? » Comprenez, chacun s’occupe de ses oignons, en l’occurrence de ses Castel.

La Divine Comédie: L’Enfer

Arrivée au bar. On dirait le 20 mai. Le chef de protocole ouvre la voie. Écarte les gratteurs, gronde. Le mbenguiste salue les gens comme à la parade, au milieu des chuchotis admiratifs: c’est le petit qui habitait derrière là? Maaama! c’est la fraîcheur que tu veux voir? Il se lave avec l’eau bénite? Le mbenguiste sourit d’aise : revanche sur la vie.

Bon, il faut dire que question attirail, mon vieil ami avait revêtu un pantalon et un t-shirt moulant qui mettaient en valeur son ventre arrondi, signe extérieure de richesse (ou preuve de son abonnement au KFC du coin). Autre signe de richesse, le sac Louis Vuitton (je ne sais si c’était un faux, je sais pas à quoi ressemble le vrai) dont la bandoulière coupait sa bedaine en deux: le sac des euros; le sac des mbenguistes.

Bon ce n’était que le générique de début hein? Le vrai film ne faisait que commencer.

La Cène

Le mbenguiste n’avait même pas ouvert la bouche que le tchinda avait ramené la serveuse. Mama prends les goûts! Nous sommes quatre. Pas pour longtemps. Vient l’ancien ami des terrains de jeu, accolade, exclamations, Domino une bière! Et ainsi de suite.

Quinze minutes après notre arrivée dans le bar, nous sommes désormais une dizaine d’élus assis à la table du Messie mbenguiste. Et ça continue. On est passé en mode charter.

Le passant: Il y a quoi là bas?

Le badaud-qui-sait-tout: Djezeur est rentré de Mbeng il est en train de donner le vin. La table est noire!

Petit tour autour de la table, on fait semblant de reconnaître, le gars. Accolade, exclamations: Domino! Une bière!

Heureusement qu’il y a le pare-feu, l’antivirus, Domino. Quand une tête ne revient pas au mbenguiste, il l’expédie chez Domino: mon frère, c’est Domino qui gère la facture.

Domino profite de ce pouvoir éphémère pour régler des comptes. Les chiches qui ne l’invitent jamais à leur table, il les ignore. Les frères qui interdisent à leurs sœurs de lui parler, il les chasse. Plus royaliste que le Roi, il contrôle les factures deux fois. Il exige qu’on nettoie les toilettes. Il trie les filles qui ont le droit de s’asseoir à la table, il se positionne.

Du coup, il y a une table dans le coin. Des gars qui boivent « leur » bière. Les exclus du charter assis à la table des « jaloux » et des « aigris ». Les gars qui remettent tous les mbenguistes en question: Lui c’est qui? Il veut nous montrer quoi?

Le mbenguiste caracole. Raconte des blagues qui n’amusent personne, mais tout le monde rit quand même: l’humour appartient à celui qui offre la bière. Il parle de la vie en Europe. Il croit qu’on n’a pas la télé? On fait semblant d’être attentifs, on boit. Il raconte ses escapades avec les femmes blanches. On s’en fout, mais on tire la langue comme des chiens en chaleur et on boit. Il raconte sa vie d’avant, comment il mangeait le haricot sans huile, buvait la bouillie sans sucre, vendait le bitacola pour vivre. On a envie de lui dire que Fotso Victor nous a déjà fait le coup, mais on fait semblant d’être émus et on boit.

Dans tout ça, personne ne sait toujours ce qu’il fait là bas chez les Blancs, mais on s’en fout, on boit. Nous même on ne fait rien ici chez les Noirs et ça fait quoi?

L’ère des Dragons

Mais les nouvelles vont vite. Arrivent les dragons.

Les Dragons: ce sont les « Grands » du quartier. Ils sont toujours grands depuis qu’on les connaît, même si personne ne sait en quoi. Ils connaissent tout le monde, même Eto’o. On ne leur connaît aucun métier sinon les jeux de hasard et boire la bière. Ils ont des noms de guerre bizarres comme des personnages d’Auguste Le Breton: Caramel, Jojo du Poker, Bacho l’Incontournable… Ils aiment les mbenguistes et ceux-ci recherchent toujours leur compagnie.

Dès leur arrivée sur notre table, les Dragons marquent leur territoire. Ils ne boivent que les Grandes Guinness ou les Heineken en canettes, les bières chères, qui les valent. Ils appellent le Mbenguiste « petit », ce qui le rend encore plus fier. Ils racontent leurs virées en boîte « un jour où Eto’o était en boîte ». Leurs dépenses folles, leurs mains au poker électronique… Ils demandent des nouvelles des autres mbenguistes: « JP de Londres, tu ne le connais pas? C’est lui qui m’avait donné une montre en or 28 carats ».

Le mbenguiste se sent petit devant ces grands qui n’ont jamais « voyagé » mais qui connaissent tous les magasins des Champs Elysées par cœur. Il se croit obligé de riposter, il sort un téléphone large comme l’ardoise d’un écolier de la SIL et se lance dans une discussion criée en Allemand. « Ja! Ich bin in Kamerun mein Schatz ». J’avale de travers.

Tout le monde se tait. Parlez encore…

Exit Domino. Ce n’est plus son niveau. Exit les petits vampires. Les dragons brûlent tout. Il reste juste la chèvre, l’ex beauté surnaturelle, sujet des rêves érotiques du mbenguiste qui lui tiendra compagnie ce soir pour épancher les élans que la Guinness glacée aura suscité en lui. Et il y a aussi  moi, car les dragons me respectent, j’ai quand même un statut d’ancien « voyageur »  hein?

Mais le portefeuille du mbenguiste se met à chauffer: la flamme du dragon brûle tout. Et le Dragon boit, boit, mais a les yeux désespérément blancs. L’ivresse semble une notion inconnue à ses yeux.

Le mbenguiste panique. Il traîne quand il s’agit de repasser les commandes, il guette à gauche et à droite comme s’il sentait un danger venir.

Puis il sort sa botte secrète, sa manœuvre de dégagement, le sort d’invisibilité. Il me chuchote à l’oreille « Gars! accompagne moi aux toilettes ».

Je sursaute. Euye! Le mariage pour tous hein?

Les toilettes. Il sort une liasse de billets. Gars! Pardon! Voici la facture, reste payer. Je pars. Massa! Même le milliard, les gars-ci peuvent finir! Ils ne saoulent pas? C’est la sorcellerie?

Je ricane intérieurement.

Gars je n’ai plus rien. je vais passer au distributeur et je t’appelle plus tard pour te faroter hein?

Je ricane. Est-ce que je t’ai demandé quelque chose?

Retour au bar, seul. Je paye discrètement, au milieu de l’inquiétude générale suscitée par la disparition prolongée du « robinet ».

Les dragons s’énervent. Des questions fusent: Qui a fermé la facture-ci? C’est son argent?

Je ris doucement et porte ma Castel non glacée à mes lèvres. Yaoundé est doux, même quand il fait froid.

Générique de fin.  Playlist: Alexandre Douala Douleur- Peux Maintenant 

C’est toi qui a dit que tu peux ooooo! Peux peux oooo Voilà moi ooo Peux maintenant oooo!

Les écritures montent…

Acteur: le mbenguiste

Scénario : Florian « Spielberg » NGIMBIS

Une production Kamer Kongossa

FIN

 

 


Lettre au Roi du Cameroun « Majesté, libère ma libido »

Une amie, une liane, une gazelle. Photo Florian Ngimbis

Tu vas sûrement te demander « ce petit il veut même quoi avec ses lettres là ». Majesté, quand j’écris aux puissants, c’est parce que je veux leur parler mais j’en suis incapable car ils sont bien trop inaccessibles pour les petites gens comme moi. J’ai écrit sur ce blog à DSK, au Directeur de la Camerounaise des Eaux et même à ce bon vieux Obama. Mais là, je me suis dit qu’il faut que je m’adresse à toi car l’heure est grave.

Tu sais que j’aime les lianes. Avec la Castel, c’est l’une des dernières choses qui vaille encore le coup dans ce Yaoundé, mais les femmes aiment les hommes puissants et moi, la gestion de ce pays me rend peu à peu impuissant.

Tu sais, à Yaoundé on pratique l’œcuménisme sexuel, one people, one love, one sex. Pourquoi trier, quand elles sont si belles les Eve de l’humanité.  Mais cher Roi, si ça passe encore avec les camerounaises je me rends compte qu’avec les étrangères, les autres, ça devient compliqué d’assurer.

Assurer face à une liane locale est déjà un impératif, mais avec une liane étrangère c’est pour moi une question de fierté nationale, qui malheureusement tourne trop souvent en ma défaveur, donc celle de tout un peuple.

Petit exemple Majesté : tu essayes de l’appeler, mais c’est un mardi, le jour maudit où les deux vampires qui nous servent de société de téléphonie organisent leur Sassayé, leur Njoh machin, des promos débiles qui cachent mal les prix surélevés et la déplorable qualité du plateau technique en matière de télécommunications dans ce pays. Conséquence : réseau saturé.

Et puis tu te dis, tiens il y a Internet, il y a Skype, je vais parler à la liane en direct, mais tu te réveilles vite. Chez Camtel, quand il y a Internet c’est suffisant. Pour la stabilité du débit, faut repasser. Coupures, voix robotique, si tu n’es pas content, tu peux aller te détendre lors de leurs spectacles comme le dernier en date, payé j’en ai peur par le contribuable. Singuila… Comme si Petit Pays était mort Majesté…

Ta liane, tu lui parle enfin au milieu des coupures et vous convenez d’un rendez-vous. Et après une soirée arrosée (au moins la Castel ne fera jamais défaut dans ce pays) départ annoncé, sauf qu’il a plu, oh mon Roi!

Rue menant chez toi. Pas d’éclairage public -pas de lumière dedans et on en met dehors ?. La go serre son sac comme si c’est toi qui allait l’arracher. Florian tu es sûr que tu veux pas qu’on aille chez moi ? Tu ris jaune, à cause du patinage artistique dans la boue collante, parce que tu es énervé. Non ! On continue !

Bah ! On fait comme tu veux. C’est le Cam’roun, c’est ton pays. Elle le dit « gentiment », pour détendre l’atmosphère. Tu serres les dents et surtout, tu stresses.

Chez toi.

Tu appuies l’interrupteur, en stressant. Ouf !  il y a l’électricité. Le câble est coupé, il  n’y a pas de câble parce qu’il a plu.

Les américains d’AES ont pitié de toi, ils te laissent te déshabiller puis  contempler la sculpturalité de la liane et puis tchak ! Le noir complet.

Bah ! C’est le Cam’roun, c’est ton pays.

Tu stresses.

Tu n’oses même pas proposer une douche. Tu sais que tourner le pommeau de ta douche est plus stressant que la roulette russe et surtout il y a le fameux théorème: « il n’y a pas d’eau parce qu’il n’y a pas d’électricité ».

Tu passes en mode vision nocturne, et tu essayes de justifier le seul cliché sur le camerounais qui soit vrai (pour moi hein ?) mais là encore tu as accumulé tellement de stress et de frustration que dans l’obscurité de la pièce au lieu de deviner les formes d’une liane, tu imagines les marocains de La camerounaise des eaux dînant autour d’un feu noir, entretenu par les américains de AES, avec les camerounais de Camtel tapant dans leurs mains pour encourager un Singuila chantant «♪ ♪ Bah c’est le Cam’roun, c’est ton pays ♪ ♪ » avec son faux air de crooner des banlieues. Du coup mon roi, j’ai honte de l’avouer, mais je suis victime de ma phobie : l’effet spaghetti cuit.

Oh sacrilège Seigneur ! Le vert rouge jaune en berne, l’étoile jaune avachie, ton serviteur incapable de redorer un blason dont on se demande s’il a été doré un jour. Et ensuite la phrase qui tue et te donne des insomnies : bah ! C’est pas grave… Renonciation, européanisation de notre on va faire comment ?

Mon roi, dans ces moments-là, mes nuits d’habitude ensoleillées sont de longs monologues intérieurs. Des monologues dans l’obscurité, dans le silence, sans le tap… tap… rassurant d’un robinet qui fuit.

Oui dans ces moments-là je pense à ce que je ne suis pas arrivé à faire à la liane mais surtout à ce que tes amis et toi avez fait de ce pays.

Je suis comme toi Majesté, je voudrais rester au sommet pendant longtemps, mais à ce rythme, je vais vite déchanter. Je n’aime pas la défaite, peu importe le type de match.

Tu n’es certes pas responsable de tous les errements de ta Cour, mais bon, je ne vais pas non plus céder au syndrome Ateba Eyene : tout le monde est coupable, sauf le Roi.

Je ne veux pas de poste, pas de soutien, pas d’aide, je ne veux même pas intégrer le parti-Etat, le Rassemblement Des Prédateurs Camerounais, je veux juste que tu frappes du poing, de la canne ou je ne sais quoi sur la table ou la tête de quelqu’un et que ce foutu se remette à marcher comme un Etat gouverné !

Je ne veux pas le sassayé, je ne veux pas le njoo’h, je ne veux pas le gratuit, je veux juste que les services qu’on retrouve dans un pays normal soient opérationnels et je payerai !

C’est mon  pays, ce sont ses tares, mais tu en es aussi le Roi et il faut me dire. Me dire si je dois aller moi-même creuser un puits pour avoir de l’eau, lancer ma compagnie d’électricité, mon propre réseau téléphonique, ma propre route. Dans ce cas, à quoi tu sers ? Hein ? Je demande seulement, te fâche surtout pas.

Le pire hein Majesté, c’est qu’avant ça m’arrivait seulement avec des lianes d’outre-mer, tu sais, celles qui sont en mode safari chez nous. Mais même les lianes d’à côté ici, les africaines commencent à me sortir la phrase maudite. Oui, pendant que tu on dort, ça avance ailleurs, et cet ailleurs n’est pas toujours celui qu’on croit.

Sauve, mes nuits, sauve ma libido, mes journées sont déjà assez compliquées comme cela. Pourquoi je te dis ça ? Bah c’est le Cam’roun, c’est ton pays aussi non ?

Peace bien aimé Roi-Lion!

Ton éternel sujet, Florian NGIMBIS.


Je suis camerounais, je suis amoureux de Samuel Eto’o

A Fatouma Harber, fan d’Eto’o à Tombouctou

On me demande très souvent ce qui justifie mon amour, mon ndolo comme on dit pour Samuel Eto’o. Franchement, je dois avouer que ça n’a rien à voir avec le foot. Ou si, mais indirectement. C’est que Eto’o m’a aidé dans un domaine de la vie où j’avais des soucis.

Mon père est enseignant, un colon comme on dit par ici, un de ces vieux de la vieille aux mœurs puritaines et vieux jeu. J’ai parcouru le Cameroun profond au gré de ses affectations dans l’arrière-pays et chaque fois, mes frères et moi étions -comme de jeunes vierges- confinés à la maison dans des quartiers  dit « résidentiels » desquels il nous était interdit de sortir sans bonne raison. Des quartiers où tous les voisins avaient le droit de vous filer comme un Trayvon Martin et si vous n’étiez pas convainquant quant aux motifs de votre présence dehors passé une certaine heure. Ils vous ramenaient chez vous en vous tirant par l’oreille.

Massa Ngimbis j’ai trouvé ton fils en train d’errer dans le quartier

Merci massa Jean. Attends je le fesse et on va boire une bière.

Oui. C’était ma vie. Pas facile pour un pré ado d’avoir une vie sociale, pas facile de rencontrer des lianes. Ce, jusqu’à ce que je découvre l’emprise du foot sur mon père, sur ses amis, sur tout mon peuple.

Coupe du monde 1990 Match d’ouverture Cameroun –Argentine. Un match rugueux. Les camerounais font étalage de leur force physique seul atout contre une Argentine qu’on dit invincible. Contre toute attente, à la 67ème minute, François Omam Biyick  place une tête irréelle et le ballon va finir dans les buts. Ce jour-là mon père a bondi sur le dos de son ami mon directeur d’école (l’homme le plus sévère du monde après lui). Ils ont fait le tour du salon sous nos yeux effarés. Nous n’osions même pas rire du spectacle surréaliste.

C’est là que j’ai compris : tu aimeras le foot mon fils et le foot t’affranchira.

J’ai attendu. J’ai grandi toujours surveillé et puis mon messie est arrivé : Samuel Eto’o. Jeune, talentueux, un nom facilement assimilable, donc, commercial, une trajectoire des plus incroyables. Le rêve quoi ! Nous nous sommes remis à gagner. Et moi j’ai enfin pu m’affranchir.

Coupe d’Afrique des Nations 2000, le duo Eto’o-Mboma fait des miracles. 8 buts en 6 matches! Tout le pays ne jure que par le foot. Moi aussi. Les lianes d’habitudes enfermées ont quartier libre. Les soirs de match, les pères, les frères, les oncles-gardiens s’oublient. Je joue mes matchs, mes « aftermatch » comme je les appelle.

Sydney 2000:  le Cameroun en finale du tournoi de foot croise l’Espagne de Xavi et Puyol. Il est minuit passé chez nous à cause du décalage horaire avec l’Australie. J’ai rencart avec une liane. Impensable en temps normal. Mais ce soir là son père, ses frères, tout  comme  mon père et le reste du pays sont scotchés devant la télévision pour encourager notre équipe de foot et son jeune prodige Eto’o. Je me souviens de la clameur qui a accueilli le but d’égalisation signé Samuel Eto’oo à la 58e minute. Moi j’étais dans un champs, moi aussi je criais, mais pour d’autres raisons.

Après cette nuit champêtre, je tombe définitivement sous le charme d’Eto’oo. Car oui, Ce petit réconcilie les camerounais avec le foot. S’ensuit une des périodes les plus fastes de notre foot et de ma vie amoureuse (ou sexuelle). Les lions gagnent, et moi j’en profite. Après avoir fessé le Nigéria en 2000 à domicile, on fesse le Sénégal en CAN 2002 à Bamako, on fouette le Brésil avec Ronaldinho en 2003 en coupe des Confédérations, on a failli fesser la France au Stade de France hein? mais Foé est mort avant… Ce soir là d’ailleurs, je n’ai rien fait. Nous on respecte les morts hein?

Et puis quand  les rencontres Internationales ne me suffisent plus (je ne vais pas attendre les CAN et les matchs amicaux pour m’accoupler quand même!), Eto’o m’aide encore, il signe dans des grands clubs. Après Majorque, c’est Barcelone, puis l’Inter de Milan. Ah, les rues de Yaoundé vides les soirs de championnat et de Champions League ! Seul notre roi fait mieux en la matière.

On était fiers d’être camerounais: la rivalité avec Chelsea (Drogba en réalité), les trois finales de Champions League, toutes gagnées. La folie dans les rues de Yaoundé. Et moi chaque soir de match, en train de bénir dans l’obscurité de mon labo (mon studio) Eto’o mon champion !

Même quand je viens chercher les lianes à domicile dans leurs barrières, les parents m’ignorent, captivés par le foot à la télé. Même les gardiens regardent les matchs de la Légende: peur de rien, les bandits aussi sont devant le petit écran.

Je me souviens aussi de cette soirée à Mvog Atangana Mballa, fief des putes d’alors. Un fameux match de coupe de Confédérations durant lequel le carrefour Mvog Atangana Mballa s’est arrêté de vivre. Bayam Sellam, putes, chauffeurs de taxi, fonctionnaires rentrant chez eux se sont agglutinés dans les bars pour regarder le Cameroun défier le Brésil emmené par Ronaldinho. Match difficile. Et puis il y a cette frappe de 35m du goleador à la 83ème minute, Dida plane. Arrêt sur image. Tout le Cameroun explose. Ce soir là, les gens, de passage ont oublié de rentrer, on a fait la fête. Les gagnants de la soirée, les Brasseries du Cameroun, les putes et les vendeurs de préservatifs.

Je me souviens de ce chauffeur de taxi qui  m’a regardé bizarrement un soir de Champions League. « Mon ami tu fais quoi dehors alors que le Barça joue? ». Et toi même? vampire! Aurais-je voulu lui rétorquer.

Et puis les choses se sont lentement délitées. La faute aux gestionnaires de notre foot qui n’aiment que les produits aboutis, les Eto’o. Oui, depuis des années la relève peine à voir le jour. Les bendskinneurs, les bayam-sellam, les enseignants, tout le monde travaille désormais les jours de match. Les lions jouent et alors ? Nous quoi là dedans? Ils mangent leur argent avec nous?. Changement de discours, changement d’époque.

Car de ces belles années il ne nous reste que des souvenirs. Pas de réalisations, pas d’infrastructures, pas de politique sportive efficace, pas de relève. Des souvenirs, rien que des souvenirs.

Un jour j’écrirai notre histoire commune Eto’o et moi (et les lianes). Beaucoup de gens me disent souvent, non mais, Eto’o ne jouait pas tout seul! C’est vrai je le concède, mais je pense que le charisme de ce jeune homme et son talent ont apporté un truc que nous avions perdu et que nous n’avons pas capitalisé hélas. Au delà du foot, un p’tit gars de New Bell nous a fait comprendre qu’on pouvait être camerounais et encore rêver de faire partie des étoiles de ce monde, c’est ça qui m’inspire.

Et même aujourd’hui lorsque vous regardez un match des Lions Indomptables ( ?) et que la rencontre s’enlise, il ya toujours ce petit moment de silence, le point Eto’o, où quelqu’un va lancer la phrase magique : Depuis là on ne voit pas Eto’o, il est attaquant ou il joue dans les goals? Et c’est parti ! Une discussion à grande échelle, un affrontement, entre pro et anti eto’o dans le bar. Eto’o joue seul ? Où sont les passes ? Quand il marquait au Barça il faisait comment etc. Guerre de façade en réalité. Car comme dernièrement, le Ngambe, très souvent met d’accord tous les camerounais en faisant trembler les filets. Et dans ces cas c’est tout un peuple qui se met à chanter son nom, sans qu’il ait besoin de nous distribuer des pagnes, des cartons de maquereau ou des poignées de riz:

Et’oooooooo ! Eto’o! Eto’oooooo ! Eto’o !

Peace Samy et encore merci (pour les lianes surtout hein?)

 


Libérez le kouakoukou!

Spécimen de kouakoukou+sauce blanche+obstacles

En refermant mon journal (le très correct Cameroon Tribune) ce matin, j’étais moins bête.

Primo:  j’ai appris qu’il existe une « Miss Unité Nationale » au Cameroun.

Deuxio : j’ai appris que la Miss de dix neuf ans partait en guerre contre l’homosexualité avec  une action ayant pour thème « Jeunesse, famille et homosexualité ». Tout un programme hein ? Bon, en réalité le premier acte de son action a été d’aller demander au ministre de la promotion de la femme et de la Famille « un soutien logistique et matériel pour mener son combat ».

J’ai ri hein ?

Vous vous souvenez, au début des années 2000, c’était le SIDA la cause à la mode. Vous ne vous souvenez pas ? Taux de prévalence artificiellement ( ?) élevé, campagnes tous azimuts, psychose et au milieu  de tout ça des financements. Des financements et encore des financements qui ont mené quelques uns à l’ombre d’ailleurs. Actuellement, le nouveau gombo c’est l’homosexualité. Qu’on se proclame « ennemi » ou « défenseur » de la « cause », le dénominateur commun reste l’argent.

Moi je ris. J’ai l’impression que la Miss a de l’énergie, mais ne sais qu’en faire. j’ai donc pensé à lui donner une piste, un combat une cause dans laquelle elle pourrait s’investir plus efficacement.

En effet Miss, au lieu de passer ton temps à te battre contre les moulins à vent, engage toi dans le combat de libération du kouakoukou.

Oui ! Il se commet actuellement un crime grave contre le kouakoukou chère miss. Les femmes ont décidé de cuisiner cette ambroisie, ce mets des dieux dans des sachets plastiques. Tu as bien lu: des sachets plastiques! quand je l’ai appris, j’ai hurlé en plein carrefour:  « Que fait la CPI ? Relâchez Gbagbo! Voici les vrais prisonniers ! ».

Oui miss. En tant qu’adorateur de la cuisine camerounaise, je viens ici dénoncer toutes ces femmes et épouses (oui c’est sexiste et alors ?) qui nous empoisonnent lentement au polyéthylène et autres substances toxiques.

Les ancêtres nous ont légué cette recette, ce plat quasi national car, qu’on l’appelle kouakoukou, bekwang, ekwangkoko ou autres, il s’agit du même mets:  une pâte de macabo mélangée à de l’huile et cuite longuement dans des feuilles de bananier pour un résultat délicieusement fondant dans la bouche surtout accompagné d’une sauce blanche, noire, ou glissante.

Le kouakoukou est un art. Les femmes, les vraies, nos mères, ne s’engageaient jamais dans sa préparation passé quinze heures, car il faut du temps pour cuisiner du kouakoukou.

D’abord, sélectionner les tubercules. Les peler. Les râper un à un. Doucement, amoureusement, sur une rape traditionnelle. Une plaque d’alu, percée au clou et enchâssée dans un cadre de bois. Parfois la ménagère s’entaille un doigt et son sang va se mélanger avec la pâte. C’est là à mon avis le clou de ce Grand Oeuvre, cette alchimie que les femmes aujourd’hui n’arrivent pas à reproduire, car si cuisiner du kouakoukou consistait seulement à mélanger de la pâte avec de l’huile, ça se saurait…

Et puis il ya le crime en lui-même. Au lieu d’emballer  la pâte dans des feuilles de bananier, les cuisinières modernes choisissent le sachet plastique. Oh crime ! Oh abomination ! Du polyéthylène dans l’ambroisie. Du poison dans le repas des dieux.

Oh Miss ! Les feuilles de bananier dans lesquelles on emballe nos mets ne sont pas là pour faire de la figuration. Il s’agit de la meilleure preuve de la chimie culinaire de nos grand-mères. La feuille de bananier n’est pas étanche, mais elle permet de retenir la pâte tout en créant une osmose avec le milieu de cuisson, et son arôme inimitable se retrouve aussi dans le mets emballé sans en occulter le goût.  En outre, la feuille de bananier permet l’exsudation du trop plein d’huile, car très souvent le mets emballé est passé sur la braise et dégorge cet excédent de gras. Ce n’est pas du hasard demande au koki ou  au nnam Kpem! Et ne me dis pas que c’est faute d’en trouver que ces cuisinières du dimanche utilisent du plastique : ces feuilles se vendent dans tous les marchés de Yaoundé, j’ai vérifié.

Hélas, les camerounaises semblent avoir passé un pacte diabolique et mortel avec ce foutu plastique.

Je te supplie Miss, au lieu de courir après les homos, bats-toi pour libérer le kouakoukou de l’emballage plastique dans lequel on voudrait le confiner. Demande des financements pour libérer ces camerounais qui sont empoisonnés tous les jours par les produits chimiques issus de cet usage. Demande du soutien pour que le gouvernement de notre roi interdise DEFINITIVEMENT la fabrication et la vente de ces maudits emballages plastiques. Bats-toi pour les autres mets qui subissent le même traitement:

la bouillie chaude, les beignets chauds, le haricot chaud, le couscous de maïs chaud. Oui! ils t »interpellent tous du fond de leurs emballage de plastique. sauve les! Comment peut-on emballer de la nourriture chaude dans du plastique?!

En les sauvant, tu te bats pour nous tes frères, nous les gourmets. Éloigne de nous les accidents vasculaires désormais légion. Bats-toi contre cette génération de camerounais obèses, oui les JCO (Jeunes Cadres Obèses) qui voient dans l’embonpoint un signe extérieur de réussite et qui meurent à moins de quarante ans. La sorcellerie! il était pourtant gros!

Va affronter les vendeurs de viande qui emballent le soya dans le papier encore poudreux de ciment. Va affronter les braiseuses de poissons qui touchent le poisson et l’argent avec les mêmes mains. Fais interdire le cube Maggi et tous ses dérivés. Fais interdire l’eau en sachet. Mets fin à toutes ces morts précoces. Ces cancers et autres malformations jadis inconnues. Sauve tout un peuple qui a mal à son alimentation et qui meurt dans l’indifférence totale, à commencer par la sienne.

Sauve-nous mama, mais surtout, sauve le kouakoukou.

Peace Miss!


Lettre à Obama: « ne viens pas au Cameroun tonton! »

G20 Londres 2009. White House Photo/Pete Souza

Bonjour cher Barack

Permets-moi de te tutoyer car dans ma culture le « vous » n’existe pas. Ce qui ne veut pas dire que je ne respecte pas tes cheveux blancs.

A ce propos, tu remarqueras que notre Roi malgré ses 80 saisons sèches n’a pas un seul cheveu blanc. Ne me demande pas si c’est normal, concluons seulement que de deux choses l’une, soit tu ne sais pas copier, soit tu ne sais pas demander.

Je m’appelle Ngimbis. Je suis un yaoundéen, oui un habitant de Yaoundé la capitale du Cameroun. Si tu ne sais pas où cela se situe, tu n’as qu’à consulter la liste des Etats fournisseurs de matière première. Entre le bois, le pétrole l’aluminium, on doit bien vous livrer quelque chose à vil prix au titre très recherché de « partenaire privilégié ».

Je t’écris à l’issue de ta tournée en Afrique d’il ya quelques semaines déjà, tu sais, quand tu allais rencontrer des sénégalais qui ne voulaient pas t’entendre parler d’homosexualité, Mandela qui voulait mourir sans te parler etc. Je me suis dit en regardant le chaos créé par chacune de tes visites: il ne faut pas qu’il vienne chez nous. Oui tonton, une visite de toi ici chez nous au pays des Crevettes serait une vraie catastrophe. C’est pourquoi,  je t’écris pour te demander une seule chose : quoiqu’il arrive, ne viens pas chez nous, ne vient jamais au Cameroun.

Ce n’est pas qu’on te déteste tonton, c’est juste que tu ignores qu’une potentielle venue, au-delà des youyous qui te vrilleront les oreilles sera source de plusieurs désagréments que tu ne pourras pas contempler de derrière les vitres blindées de ton véhicule.

Toi le « leader du monde libre » tu prendras en otage notre capitale. Ta venue marquera la fin d’une certaine forme de libertés individuelles, et ça devrait t’inquiéter. En effet, notre télévision sera prise en otage, les journaux ne parleront que de toi, on fera comme si recevoir la visite de Barack Obama élira un président à la Fecafoot, ressuscitera notre économie, fera couler l’eau dans les robinets, éclairera le dernier village du Mbam, goudronnera la route de Mvog  Atangana Mballa, rendra à nos lions du foot leurs griffes… Non, nous on aime notre réalité, passe avec tes mirages.

Si tu viens par ici, à chacun de tes déplacements, tu rouleras dans des rues larges et vides. Ce ne sont pas des autoroutes. Notre pays n’en compte aucune. Qu’on ne te mente pas ! Nos penseurs ont inventé l’autoroute virtuelle. On prend une rue simple, on la ferme à la circulation, et on fait rouler un cortège présidentiel dessus à vive allure. On appelle ça les Grandes Illusions, et ça marche.

Et nous dans tout ça ? On marche tonton. On marche des kilomètres pour aller travailler. On marche pour aller se soigner. On marche pour n’aller nulle part. Or tu sais, le climat de Yaoundé est devenu capricieux. Tu dois le savoir car question réchauffement climatique tu t’y connais. Comme ton frère Bush, tu refuses de signer ce fameux protocole de Kyoto. C’est pas ta faute je sais, mais du coup, ici, quand il fait chaud, le soleil braise nos peaux déjà braisées et quand il pleut ce sont des inondations et même l’avenue qui porte le nom du N° 35, un de tes prédécesseurs qui a toute une avenue à son nom alors qu’il n’a jamais mis les pieds chez nous, oui, l’avenue Kennedy est inondée. On a beau répéter que ce sont les déchets plastiques qui bouchent les caniveaux, ton collègue notre roi et ses amis s’en foutent. Si on interdit les plastiques, dans quoi on va emballer le Tampico ? Et les makalas ? Et l’eau en sachet ? Un Cameroun sans Tampico, sans makala sans eau en sachet ? Même pas en rêve. Bon, c’est pas ton problème hein ?

D’ailleurs cette longue marche n’est pas ton fait hein ? Elle est un des fléaux de notre société.

On marche chaque fois que les sous-présidents éjectables du continent se pointent chez nous pour des sommets soporifiques et inutiles.

On marche chaque fois que le pape vient nous embrouiller avec ses messes, ce, même si on est musulman.

On marche chaque fois que le grand tonton français vient donner à notre roi son certificat de meilleur élève de la classe.

On marche chaque fois que des ministrons/hommes d’affaires caucasiens qu’on ne connaît pas viennent faire les beaux ici.

On marche chaque fois que le Roi lui-même décide d’aller jouer aux dames ou au songhoo dans son village.

Imagine alors ce que ce serait si toi, le super président, toi le « leader du monde libre » -que ton pays a contribué à enchainer-, toi le super-hyper-mega président débarquant chez nous à bord d’un air Force One narguant le tarmac de Nsimalen. Imagine l’union de tes CIA, NSA et agences Si secrètes qu’elles n’ont pas de nom avec nos BIR, GP etc. Tes Olivia Pope rencontrant nos Foning… Ton Jack  Bauer rencontrant notre Jack Bauer alias Tsimi Evouna. Imagine les chars à tous les carrefours, les Snipers sur l’immeuble Shell, les détecteurs de métaux à l’entrée de tous les hôtels. Quelqu’un va pouvoir péter ?

Imagine la dépense en courant pour alimenter tous vos gadgets, la dépense en eau pour laver ta méga délégation. Tu veux monopoliser le peu d’infrastructures dont on dispose ? Tu n’as pas pitié grand ?

Imagine les apacheurs de l’Avenue Kennedy terrés dans leurs trous, les bars d’Essos fermés pour ne pas troubler ton  sommeil, Cameroun Tribune repeint pendant des jours aux couleurs indigestes de la nouvelle amitié américano-camerounaise, les fous-errants du centre- ville déportés à Obala, la CRTV chantant à longueur de journée les louanges de « l’homme Lion, ami d’Obama et des grands de la terre », les cocktails pantagruéliques aux budgets imprononçables, le vol sous couvert d’attribution de marchés, et partant la fabrication de nouveaux « éperviables » et imagine au milieu de tout cela, le petit peuple, nous, les gagne-petit, marchant sans fin, sous le soleil, sous la pluie, pour justifier une journée improductive, tout cela parce que « le président Obama doit passer ».  Imagine tout cela et tu auras une vague idée de ce pourquoi je ne veux pas que tu viennes.

Tu sais que durant des années, l’ambassade de ton pays a occupé un énorme pan du centre ville de Yaoundé ? Un véritable Bunker en pleine ville et tout un ensemble de rues interdites à la circulation! On s’est plaint ? Ce n’est pas assez payé tonton?

De grâce, va chez ceux qui se peuvent se permettre le luxe de te recevoir, ne viens pas chez nous.

On a déjà notre Roi et le gérer au quotidien n’est pas facile

P.S. ne t’inquiète pas hein ? Ceci ne veut pas dire qu’on cessera de t’envoyer le bois le pétrole etc. Si on trouve même le coltan, on va te l’envoyer ! Tu es un partenaire privilégié non ?

Peace Pottus !

 


Je suis camerounais, mon sang est vert, rouge et jaune

237 forever! (Crédit photo: Florian Ngimbis)

J’étais tranquillement assis dans un bar samedi soir lorsque mon téléphone sonne : une vieille amie vivant en France : « Florian tu dors au premier banc ? Tu n’as pas appris que la TSR a diffusé un documentaire qui souille le Cameroun? ».

Mon cerveau, baignant dans la quiétude engendrée par les vapeurs de Castel a ramé dur. TSR ? Trinquer Saouler et Rentrer? ? Non ! TSR la Télévision Suisse Romande devenue RTS. Ah… Je me suis souvenu de cette chaîne bizarre qui n’existe pas sur mon câble mais dont on voit parfois un journal vers une heure du matin sur TV5. Le genre de chaîne que personne ne regarde quoi.

Le topo est simple. Des journalistes de la TSR en séjour au Cameroun font un reportage : « Cherche blanc à marier » dont la quintessence est : les camerounais veulent tous aller en Europe et ce, par tous les moyens. Faux papiers, arnaque aux sentiments, mariage blanc, mariage forcé etc… Voici des exemples.

Personne ici ne regarde la TSR (pour regarder quoi?), mais il ya Internet et depuis que le documentaire a été publié sur la toile, les réactions indignées des camerounais affluent.

Mes lecteurs me font des mails ou m’appellent. Gars ! Dis quelque chose ! Dis ta part de vérité !

Mince ! C’est flatteur de savoir qu’on est un leader d’opinion hein ? Mais de quelle opinion on parle ? Chez nous au pays cette histoire de reportage est presque inconnue. Big Mop le pasteur est mort dans le feuilleton Les déballeurs. Qui va laisser un pareil suspense pour aller regarder la TSR ?

Et quand je dis regarder, c’est sans compter le débit de Camtel qui même quand il est bon, souffre d’instabilité chronique.

Trêve de rigolade. Comme l’a dit mon ami Loïc Nkono, quand on regarde ce reportage, on hésite entre deux attitudes : rire ou pleurer.  Je l’ai regardé. Je ne veux vraiment pas revenir sur la légèreté de traitement du sujet. Cette tendance à généraliser, ces raccourcis et le parti pris évident. Je constate juste que mes amis suisses ont un problème hein ? Oui, tout en écrivant, je viens de me souvenir qu’il y a quelque temps déjà, la même TSR, relayée par des médias français avait fait son ouverture de journal sur une histoire de 6 étudiants suisses « menacés de mort au Cameroun » et rapatriés en urgence. Au final, il s’agissait de six jeunes gens qui s’étaient fait braquer dans leur hôtel à Limbé. Ouvrir le journal avec ce genre de fait divers, y a pas à dire, il ne se passe rien dans la Confédération.

Les gens me parlent de manipulation de l’opinion en vue d’un vote dans quelques jours. Personnellement je m’en fiche, mais je tiens juste à souligner que c’est à cause de reportages pareils qu’on nous regarde de haut dans les services consulaires, c’est à cause d’âneries pareilles qu’on affronte la condescendance de moins que rien dans les aéroports, qu’on doit se battre deux fois plus que la normale car venant d’une certaine destination. Ce genre de reportage participe de l’étiquetage d’office dont on est victime outre-mer juste pour une histoire d’origine.

Mais la rage, la vraie que j’ai ce matin concerne les camerounais eux-mêmes. Mes « frères ». Derrière ses airs de scripted reality (vous savez, les séries bidon qui passent le matin sur France 2 et M6) ce reportage met en scène qu’on le veuille ou non une vraie crise qui sévit dans la société camerounaise. Une crise liée au manque d’espoir, à la perte des valeurs et à l’obscurcissement de l’horizon de tout un peuple.

Oui on a un vrai problème avec cette histoire de départ.

Je ris quand j’entends certaines personnes dire : éduquez les camerounais ! Arrêtez de leur faire croire que c’est facile ici en Europe. Je ris vraiment. C’est facile où ? Au Cameroun?

Allez dire à un bendskinneur de Ndokotti que ce n’est pas facile en Suisse.

Allez dire à un étudiant que les amphis de Ngoa Ekellé sont plus accueillants que ceux de l’université de Genève.

Cherche blanc à marier ? Je ris.

Tous les jours je vois des amis, des voisins partir, des jeunes gens aller à l’aventure. Tous les jours moi je regarde :

Etudiant cherche fac blanche

Footballeur cherche club blanc

Enseignant cherche université blanche

Chercheur cherche laboratoire blanc

Ecrivain cherche maison d’édition blanche

Musicien cherche producteur blanc

Toutes nos étoiles brillent loin du ciel qui les a vues naître.

Si je devais montrer au monde cette « obsession » du camerounais pour l’étranger, je ferais mieux que la TSR en termes de traitement et d’objectivité, mais je ferais pire en termes de voyeurisme. Oui. Il ya de la merde à remuer et elle ne se cache pas. Trente ans de Cameroun (mon âge) et j’en ai vu des choses. J’ai vu mon pays doucement sombrer du côté obscur. Je comprends que ça choque, mais au-delà de la caricature, le malaise est profond. C’est cette sensation de vérité dans la subjectivité qui fait mal dans cette histoire. Mais chez moi on dit : quand l’enfant soulève le pagne de sa mère, même s’il se fait fouetter ensuite, ça n’enlèvera rien au fait que les yeux ont vu.

Il faut comprendre : les rêves d’un camerounais vivant au Cameroun ne sont pas parsemés de croix helvétiques. Non, c’est le vert rouge jaune qui nous fait faire des cauchemars. On ne rêve pas de Suisse ni de France, on essaye juste de se sortir du cauchemar qu’est devenu ce pays. C’est une conséquence, pas un choix.

Les camerounais ne sont ni plus bêtes, ni plus intéressés, ni plus vénals que quiconque. Ils reproduisent juste le réflexe de survie d’une bête acculée au mur : se battre jusqu’au sang pour s’en sortir.

Si tu refuses le sein à ton enfant, il ira téter celui de la voisine. (Proverbe valable pour le mari).

Oui c’est l’hémorragie. Même le cacao camerounais cherche confiserie suisse pour produire le plus délicieux des chocolats. Et au lieu de lancer l’industrialisation qui relancerait l’emploi en même temps que notre économie et éviterait qu’on n’exporte que de la matière première, notre Roi, et sa cour eux aussi cèdent à la tendance et passent la plupart de leur temps dans les palaces helvétiques. Sûrement pour ne pas être très éloignés des comptes bancaires qui regorgent des milliards de leur retraite (si retraite il ya un jour). Anecdotique, mais l’exemple vient d’en haut comme on dit chez nous.

Certains me diront que je fais dans le mélange des genres, qu’on parle d’un malheureux reportage. Moi je dirais, mais l’enjeu est là ! Lorsque des Etats rapatrient des ambassadeurs à cause d’un mot mal placé, que ces Etats refusent de corriger deux lignes dans un manuel d’histoire, lorsqu’ils refusent d’entendre nommer leurs « ennemis » dans les discours de leurs invités, lorsqu’ils frôlent l’incident diplomatique pour une histoire de statue déplacée, l’enjeu va bien au-delà de ces prétextes ! C’est la bataille du développement. Les Sud américains et les asiatiques ont réussi à faire bouger l’axe Nord-Sud, mais curieusement les Etats africains (certains) restent à la traîne. Le reste du monde continue d’alimenter les clichés sur nous, de nous présenter comme le trou du cul du monde, peuplé de singes dont le rêve est de descendre de leur cocotier pour squatter la « civilisation » là bas chez les autres, les « Blancs ». Je ne sais pas ce qui est pire : que certains y croient ou alors qu’on ne puisse démontrer que c’est faux.

Le Cameroun est le meilleur élève de la France. Dixit notre Roi. Oui nous on en est là.

Dis-moi à quel prix tu te vends, je te dirai combien je t’achète.

La dignité est le dernier bien du pauvre. J’ai mal de voir mes frère céder la leur, si facilement, sous le prétexte de la pauvreté. Mais chaque fois qu’un stade européen hue et insulte Eto’o, Drogba ou n’importe quel autre joueur africain en raison de son origine ou de sa couleur, pendant une soirée, la pauvreté change de camp.

L’espoir dans tout ça ? C’est que le camerounais se bat et malgré les difficultés, les lignes commencent à bouger. Peu de médias parlent de cette tendance de plus en plus forte de compatriotes qui choisissent de revenir. Souvent bardés de diplômes, et la tête pleine de rêves et d’idées pour leur pays. Une tendance décryptée dans cet excellent billet de mon amie bloggeuse Chouchou Azonto. Une tendance incomprise par qui ? Les camerounais ! Hein? Ngimbis ! Mon frère ! Tu es rentré faire quoi ici ? Je ne compte pas le nombre de fois où on m’a posé la question.

Dommage pour ceux dont le premier contact avec le Cameroun sera ce reportage. Il est mauvais et biaisé, il véhicule une part de vérité : on a des problèmes chez nous, comme partout ailleurs. Mais il n’est pas représentatif de notre pays. Moi je suis représentatif de mon pays. Tout au moins j’essaie de l’être tous les jours en faisant au mieux ce que je sais faire : écrire, chose apprise à l’école publique, dans mon pays. Si vous me lisez et appréciez mes écrits, c’est que tout n’est pas pauvre, bête, ignorant et intéressé dans ce pays. C’est ma part de pierre à l’édifice Cameroun et partout dans le monde des millions de mes compatriotes font pareil.

Je suis fier de vous écrire ce billet depuis Yaoundé, Ongola, la ville aux sept collines. Corrompue ? Elle n’est pas la seule. Dangereuse ? C’est à voir. Mais une chose est sûre, j’y suis, j’y vis et je compte réussir ICI. La Suisse, j’y vivrai un jour, un an, dix ans peut-être, on a tous le droit de s’installer où on veut… Mais le Cameroun mon #237 c’est forever !

Peace la famille !

 

 


Je suis camerounais, j’ai de la chance

Vous savez, hier mes amis du collectif des blogueurs camerounais et moi avons monté une campagne pour dénoncer le rejet ethnique et l’intolérance dans notre bien aimé triangle national. C’est que je ne supporte pas le tribalisme, comme nous nommons au Cameroun cette tendance au rejet ethnico-tribal.

J’ai grandi dans un environnement « ouvert ». Mon père a traversé toutes les forêts de Babimbi pour aller tomber aux pieds de ma mère, une « étrangère » de l’autre côté du pays, donc, je suis un métis, un mélangé. En outre, je suis issu d’une famille recomposée. Chez moi la religion n’a jamais été un facteur de division. La preuve mon père n’a fait baptiser aucun de nous, laissant le choix de sa religion à chacun. Et avec ma nombreuse famille qui s’agrandit suite aux unions, on commence à avoir des Eton, des Yabassi, des Bamilékés, des Bulu. Bientôt le repas de Noël chez nous sera à l’image de la Tour de Babel. Sérieux, quand on me parle de tribalisme, de rejet ethnique ou autre, je ris.

J’ai poussé (comme d’habitude) cette ouverture d’esprit au maximum hein ? Surtout dans mon domaine de prédilection : les lianes. Je ne demande jamais à une liane son origine, encore moins son âge. Combien de fois ai-je entendu les phrases :  un jour tu vas grimper sur ta sœur ou petit Ngimbis tu n’as pas peur de moi ? je suis ton aînée hein ? Balivernes ! Pourquoi les gens se compliquent la vie avec des préjugés d’un autre âge ?

Malheureusement, moi aussi j’ai flirté avec les préjugés. Étudiant, je suis tombé amoureux (comme je tombe tous les mois) d’une adorable liane. Belle, intelligente, aimante, et surtout disponible (trait de caractère très important pour un étudiant). Elle était tout cela, et elle était albinos.

Je savais bien sûr que beaucoup de préjugés circulent dans notre société au sujet des albinos. On dit d’eux que ce sont des êtres spéciaux, dotés de pouvoirs. Selon l’aire culturelle, ils sont considérés comme bénéfiques ou maléfiques et grâce aux charlatans qui pullulent, leurs cheveux et leurs ongles sont censés être les meilleurs ingrédients pour divers gris-gris et philtres. Je me souviens d’un copain du primaire qui ne se rasait jamais les cheveux chez le coiffeur. Bah! Après une coiffure, le coiffeur pouvait devenir milliardaire en laissant une famille dans le deuil hein?  Comme on dit au pays : Moi quoi là dedans ?  Je considérais toutes ces petites histoires comme des croyances absurdes du petit peuple qui ne savait rien de ce qu’on appelle défaut de mélanine.

Le jour où ma bande de copains (des étudiants aussi) ont appris que je forniquais avec une albinos, j’ai bien senti qu’une certaine gêne s’installait entre nous. Pas de rejet, non, mais une curiosité malsaine à son endroit. Et un soir, où nous avons abusé de Guinness, les mecs m’ont sorti un tas d’âneries qui m’ont stupéfié :

« mbom ! Est-ce que tu sais que coucher avec une nguénguérou (terme péjoratif pour désigner les albinos) porte chance. Tout ce que tu vas faire réussira !

Gars ! Dis-nous : est-ce que c’est pareil qu’avec les autres filles ? Il paraît qu’elles secrètent de l’huile là-bas en bas.

Gars ! observe bien ses yeux dans l’obscurité, tu vas te rendre compte qu’ils sont fluorescents comme ceux d’un serpent.

Bien que sidéré et passablement déçu, j’étais tout de même curieux. Un incident devait d’ailleurs conforter ce qui allait suivre. Vous savez je vivais à Melen, précisément Miniferme. Le coin le plus bouillant du Yaoundé d’alors. Des grappes de prostituées sur les trottoirs et des bars tout le long de la rue. Un soir, j’ai assisté à une scène incroyable : les putes du coin ont failli tabasser à mort une des leurs, une albinos, sous le prétexte que celle-ci les avait « attachées » et raflait tous les clients. Là je me suis dit, esprit cartésien ou pas, il doit y avoir un fond de vérité dans toute cette histoire de chance et autre.

Content de n’avoir pas à payer et flirter avec le sida pour accumuler ma chance, je me suis mis à exploiter mon filon. Matin, midi, soir, je jouais à la bête à deux dos avec ma copine. On voyait ma petite taille hanter les bars de Orly, le quartier estudiantin en face de la Cité U, à l’heure des cours. Pourquoi me soucier des études ? Je suis le mec qui augmente sa chance, celui qui couche avec une albinos me disais-je entre deux gorgées de bière.

Et puis une nuit, ayant abusé de Guinness, j’ai tout foutu par terre. Pendant que la jeune fille dormait je me suis levé en douce et debout dans le noir, je m’apprêtais à la réveiller pour voir si cette affaire d’yeux qui brillent dans le noir était vraie. Sauf que la fille (qui ne devait pas être endormie) s’est levée et a allumé. Je n’oublierai jamais son expression de terreur quand elle m’a découvert penché sur elle tout nu, fixant son visage avec la patience d’un féru d’éthologie . Elle a dû croire que je voulais lui raser le crâne pour aller m’enrichir chez un quelconque marabout. Elle est partie en pleine nuit et je ne l’ai jamais revue.

Quelques jours après, amaigri, fatigué, les listes affichées sur le « babillard » de Yaoundé I alias Ngoa Ekellé m’apprenaient que je n’avais validé aucune Unité de Valeur et que j’étais recalé pour la session suivante. Ma chance !

J’ai ri comme un dingue devant les NV (Non Validé) devant mon nom, au point qu’une fille à côté de moi a eu le commentaire suivant : wèèè ! Ngoa Ekellé a rendu le petit-ci fou !

Ah non ! Je n’étais pas fou. C’est la folie des hommes qui me faisait rire.

Papa, maman, je vous demande pardon d’avoir oublié en cette occasion tout ce que vous m’avez appris. Toi aussi ma petite liane d’amour à la peau d’albâtre, si tu lis ceci, reviens, j’ai changé, même si je n’ai toujours pas de chance avec les filles.

Ne soyez pas cons. Dites non, au rejet tribal, ethnique ou racial, vive la diversité !

Peace !


Je suis camerounais, je suis un viveur

237 forever! (Crédit photo: Florian Ngimbis)

Alors que je discutais avec un ami hier, il m’a lancé une phrase que j’entends un peu trop ces derniers temps : « Ngimbis! Vous autres Camerounais vous passez votre vie au bar ». Sous-entendu, vous buvez trop.

Je tiens à réparer une injustice via ce billet. Je tiens à laver cet affront quotidien fait à toute une Nation. Non! Les Camerounais ne sont pas des alcooliques. Non ! Nous ne sommes pas des poivrots.

Alcooliques ? Je veux rire. Au Cameroun, on est alcoolique quand en plus de boire plusieurs bières par jour, on ne s’acquitte pas de ses devoirs familiaux. Un Camerounais qui fréquente assidûment les bars n’est pas un alcoolo, c’est un « viveur ».

Dans la phrase  « je m’en vais boire une bière au bar », la plupart des gens focalisent  leur attention sur le mot « bière », passant ainsi à côté du vrai enjeu : le bar.

Pour nous autres camerounais, le bar est le lieu par excellence où s’exprime la cohésion sociale de notre pays. Près de 400 ethnies, pas de guerre tribale d’envergure. Les seules raisons pour les quelles on se bat dans un bar sont les courbes d’une liane ou une facture non payée.

Le bar est l’endroit où nous faisons montre de notre laïcité. Les chrétiens y vont consommer ce que les musulmans ont refusé, sans que ça gêne les premiers.

Sérieux! Quel Camerounais digne de cette nationalité s’assoit chez lui et ouvre une bouteille de bière sortie du frigo ? C’est bien connu chez nous, boire seul n’a aucun intérêt, boire chez soi non plus. Ils sont d’ailleurs nombreux mes compatriotes qui abandonnent leurs domiciles les jours de match pour aller s’asseoir devant un écran de télé dans un bar. Il ne s’agit pas de bière, mais de convivialité.

Le bar est un lieu de vie. Un lieu coloré. Je suis désolé pour ceux qui visitent le Cameroun et se cantonnent dans les endroits chics, fréquentés par la bourgeoisie yaoundéenne. Vous savez, ces coins où tout est propre, aseptisé et made in China. Ces coins dans lesquels les gens essaient je ne sais pour quelle raison de reproduire une ambiance parisienne ou new-yorkaise. Snobisme, m’as-tu vu, bling-bling.

Venez dans les bars. Nos maquis de seconde zone. Venez découvrir le vrai Cameroun. Le Cameroun qui crie, rit, chante, blague (avec plus ou moins de mauvais goût).

Il y a le bar du bamiléké. Antre sale et obscur dans lequel le patron officie derrière le comptoir. Dans le bar du bamiléké, le crédit est mort depuis longtemps et même ses os ne sont plus que poussière. Le bar du bamiléké est généralement du 3 en 1. Bar-salle de jeu-restaurant. Il y a toujours la monnaie et on y déniche souvent des bières qu’on croyait retirées du marché. Comme les « toilettes à la turque », les toilettes du bar d’un bamiléké devraient être brevetées tant elles sont spartiates. Je me souviens avoir vu écrit dans les toilettes d’un de ces bar « on ne chie pas au bar ». Souci d’hygiène ou tentative de justifier le minuscule trou qui donnait son nom au lieu ?

Il y a le bar de la « Yaoundè », veuve beti dont la buvette est accolée au domicile familial. Ici on boit à crédit tout le mois. Conséquence, tous les goûts ne sont pas toujours disponibles. Mais une chose est sûre, on peut y manquer de tout sauf de Castel. La Yaoundè vous vend la bière, se sert elle-même dans votre facture et s’assoit à votre table pour faire le dernier kongossa. Si vous êtes jeune, beau et surtout plein aux as, il est même possible qu’elle appelle une de ses nièces vous aider à multiplier la facture tandis que dans sa cuisine elle prépare un bouillon de viande qui viendra aider tant de bière à descendre. C’est pas beau ça ?

Le bar camerounais est cet endroit où il n’y a jamais de monnaie (sauf dans celui du bamiléké). Où on vous sert en traînant les pieds, où la vraie différence entre les bières réside dans le fait qu’elles soient glacées ou non ; où le pourboire n’est pas obligatoire et où, en bonus on peut caresser les fesses de la serveuse (à vos risques et périls hein?) au passage.

J’ai fréquenté beaucoup de bars dans le monde et je peux vous dire que dans le bar camerounais, il n’y a pas cette distance des bars européens par exemple. Cette fausse convivialité des soleils qui ne chauffent pas. Chez nous, on se regarde en face, on se dévisage sans passer pour insolent. On drague la liane à autrui via des œillades enflammées. Nos bars sont les seuls lieux dans lesquels ont peut s’inviter dans une conversation via la seule phrase « je vous ai entendu dire… », preuve qu’on écoutait.

Dans nos bars, le kongossa est gratuit. On y fabrique les divers qui seront en une des journaux le lendemain, ça s’appelle « les divers du bar ». On y spécule sur les paris sportifs, la conjoncture économique, la forme d’Eto’o, les fesses de la voisine, celles de la serveuse, celles des passantes, celles qu’on ne touchera qu’en rêve…

Dans les bars camerounais, on libère les otages. Bah oui ! qui peut rester indifférents face aux cris de toutes ces bouteilles de castels enfermées dans les réfrigérateurs et qui une fois libérées pleurent toutes les larmes de leurs corps en guise de remerciement.

J’aime ce Cameroun moi ! Éloigné de toutes formes d’ambitions grandes ou petites. J’aime ce peuple qui aime la vie.

La prochaine fois que vous viendrez au Cameroun, cherchez moi. Je ne vous emmènerai pas boire une bière, je vous emmènerai au bar.

Peace !


Je suis camerounais, je ne déclare pas mes biens!

 

Ministre camerounais en action Crédit photo: HEN Château-Vallon

J’ai rigolé en lisant que les ministres hexagonaux s’étaient livrés il y a quelques jours à l’exercice hypocrite consistant à déclarer leurs biens. Un ami me disait dernièrement que le même exercice appliqué à nos ministres serait salutaire. J’ai ri. Un ministre camerounais ? Déclarer ses biens ? Quels biens ? Les ministres ici sont des gens qui souffrent, pris en otage par le Roi, le peuple, le pouvoir, et autres. Comment gérer tant de personnes avec un si maigre salaire ?

« Je tiens à remercier le chef de l’Etat pour la confiance… »

Un ministre de la République des Crevettes se retrouve endetté dès sa nomination. Famille, amis, voisins, maîtresses, créanciers, journalistes soiffards… Tout le monde se retrouve au domicile de « Son Excellence » le soir même. Chants danses à  la gloire non pas du ministre, mais du Roi Lion, notre Duncan Mc Leod,  trois fois dix ans d’invincibilité au trône, qui dans un rare moment de lucidité a nommé leur « frère ». Des louanges  soutenues par un buffet pantagruélique aux frais de la République, car dès cette nuit naît l’union ambiguë entre les caisses de l’Etat et celle de Monsieur le Ministre.

Je suis une élite

Dès sa nomination, il est coopté dans une entreprise à but non défini : les Elites de sa région. Il s’agit généralement d’une bande de vieux aigris, gentlemen farmer sans fortune ni scrupules qui squattent le village après l’avoir ignoré durant leur âge d’or dans les bureaux de la ville. Ils s’impliquent dans les projets villageois qu’ils disent porter. En réalité on sait qu’ils n’ont qu’un seul désir: porter la cagnotte des cotisations et terminer enfin la toiture du manoir familial. Très souvent le ministre doit les arroser pour éteindre divers incendies pouvant porter un préjudice notable au pourcentage local de voix en faveur du parti.

Madame la Ministre s’habillait à Mokolo

La femme du ministre c’est désormais « Madame la Ministre ». Elle ne peut désormais plus aller acheter ses pagnes en douce à Mokolo ou faire son marché dans la rue. Il faut soutenir la concurrence qui vient d’en haut, car la Reine du royaume ne jure que par les Champs Elysées. Même son petit pompier, son petit gigolo se découvre des goûts de luxe. Il veut désormais des voitures en lieu et place de la maigre liasse mensuelle qui constituait son salaire. Pauvre dame. Snif !

La famille « Ministre »

La famille du ministre s’agrandit : il est le ministre de la République et sert toute la Nation. Puis elle rapetisse : il devient ministre de son village et de son arrondissement d’origine. A ce titre, on lui recommande tous les cancres de sa famille et de son village avec la lourde tâche d’en faire des fonctionnaires. Plus il en intègre, mieux il a « travaillé » moins il en recrute, plus souvent il se fait traiter de « mauvais ».

Une région, un village, une langue

Il doit aussi assurer la promotion de la langue locale en nommant systématiquement aux postes clés de son ministère des gens qui parlent la même langue que lui. Aussi,  quelle joie pour les originaires de son village, lorsque de passage dans le ministère de leur « frère » peuvent être servis dans leur langue! Tant pis pour les jaloux!

Omnipotent

Monsieur le ministre fut-il ministre de l’intégration ou des pêches se retrouve généralement en train de gérer des problèmes qui n’ont aucun rapport direct avec  son département ministériel. Il n’y a pas d’eau, tout le monde se tourne vers lui, pas de routes, tout l’arrondissement le regarde… Il est désormais contraint de s’acheter de gros véhicules tout-terrain pour pouvoir aller en week-end. C’est moins cher que bitumer une piste c’est vrai, mais vous avez vu les prix des tout-terrains ces derniers temps ?

Arrose-moi de gombo !

Un ministre ça ne dort pas hein ? Il faut arroser les journalistes, vous savez, nos journalistes dont les articles varient de ton en fonction de l’épaisseur de l’enveloppe: le gombo, le tchoko. « Fermez nos yeux ! Fermez nos yeux Excellence!  et l’Epervier, notre volatile anti-corruption fermera les siens ».

Un ministre qui n’est jamais cité dans la presse est un ministre qui paie travaille bien !

Mesdames et messieurs, la Cour !

Un ministre a une cour. Cour des Miracles constituées de mendiants et de nécessiteux qui squattent son domicile tous les samedi matin. « Mon enfant a été viré de l’école », « ma mère est morte », « mon chat est tombé dans le puits », « J’ai soif ! ». Le ministre gère tous les problèmes, très souvent via un « farotage » aveugle en billets de 5000FCfa.

Il doit rénover sa garde robe.

Ah oui ! En plus de ses costumes de fonction stricts et sombres, il se doit d’avoir la panoplie complète du bon militant. Costume coupé dans le pagne du parti (je suggère la couleur blanche, elle apporte une touche d’espoir), casquette avec sur le devant l’effigie riante du Roi. Pin’s vert rouge et jaune, écharpe, et surtout une montre pour rester à l’heure des Grandes Utopies Réalisations. Heureusement  Cette extension de garde robe ne lui coûtera pas un kopeck. Je pleure seulement son sort s’il est allergique au Made by Chinese in China.

Cours Forrest ! Cours !

Le ministre doit se mettre au sport. Surtout en période d’élections. En effet,  en tant que ministre, il est astreint à un véritable marathon électoral dans sa région d’origine. Pas d’inquiétude : personne ne viendra jamais lui demander des comptes quant au personnel et au matériel de l’Etat qu’il utilise pour ces sorties, mais il doit savoir que gagner est plus qu’un devoir, c’est l’une de ses garanties de survie dans la mangeoire gouvernementale.

Il doit se renseigner sur le cours du riz et du maquereau

Oui! Si le gouvernement est une vaste mangeoire, il faut se renseigner sur le prix de ces  aliments et prévoir un budget conséquent, car, pour manger longtemps, il ne faut pas manger seul et durant les meetings, il faut redistribuer les fruits du vol de la croissance et nourrir les militants en vue de dépasser les 80% de voix obtenus de facto à chaque élection. Il faut se dépasser, ou mieux, dépasser le bourrage des urnes.

Voilà !  Comment avec ça vouloir qu’un ministre se lance dans un exercice aussi périlleux que la déclaration de biens? Comment vouloir pratiquer une science exacte dans un univers totalement inexact, ou les vérités d’aujourd’hui sont les mensonges de demain. Comment peut-on jurer en disant « Caisse ! Caisse ! Jamais je ne prélèverai de tes billets » ?

Et puis, Excellence, si on vous demande pourquoi vous ne déclarez pas vos biens ne paniquez pas ! Répondez que l’exemple vient d’en haut. On ne peut pas être plus royaliste que le roi hein ?

Peace !


Je suis camerounaise, ne m’épousez pas!

On a quand même un pays génial hein ? Nous sommes une mosaïque de plusieurs centaines d’ethnies, mais même si on a quelques soucis avec le tribalisme, on a fait de notre multiplicité ethnique un sujet léger. Dernièrement, je suis rentré dans un taxi et j’ai écouté la conversation de deux jeunes filles qui catégorisaient les camerounais en fonction de leur origine ethnique. Et ça faisait rire tout le monde. Ailleurs, on condamne les gens pour propos homophobes, des artistes sont interdits de salle parce qu’on juge leurs spectacles déviants, mais chez nous dans la République des Crevettes on ne connaît pas ce genre de perte de temps.

Les deux jeunes filles affirmaient que les bassa’a sont des coureurs de jupons invétérés, que les bamiléké sont chiches et après t’avoir exploitée sexuellement vont épouser leur sœur etc. Toute une série de clichés qui auraient choqué ailleurs, mais pas au Cameroun. En y réfléchissant bien, je me suis rendu compte que même moi dans mes conversations au bar, dans la rue, avec des amis et connaissances nous cataloguons systématiquement et malheureusement les femmes en fonction de leur origine. Vous croyez que nous autres hommes on n’a pas de kongossa sur vous ? Suivez-moi.

Petit tour du Cameroun des clichés ethniques liés aux femmes.

Les bassa’a

Elles sont réputées jalouses. Il se dit que la femme bassa’a est une passionnée. Elle n’hésite pas à recourir aux filtres d’amour pour enchaîner son homme, notamment le fameux tobassi. Ne jamais manger le Mbongo d’une bassa’a qui a des vues sur vous. Il se dit aussi que pour pouvoir conquérir une femme bassa’a, il vaut mieux être un étalon au lit, comme on dit, il faut être prêt. Sinon, c’est la porte. Elles aiment les écorces et les gris-gris et bavardent trop.

Les femmes du Nord

Ce terme générique désigne les femmes originaires du septentrion, généralement musulmanes. On dit d’elles qu’elles sont sournoises. Elles jouent la comédie de la soumission, mais en réalité, sous les voiles et autres pagnes qui les recouvrent, elles sont de dangereuses panthères qui croquent les hommes. On dit aussi que ce sont des femmes des extrêmes. Soit elles sont totalement connes, soit des érudites. Quand une nordiste décide d’aller à l’école, c’est le doctorat ou rien même si elle finit sèche comme un bambou.

Les mbamoises

Les mbamoises sont des rêveuses. Elles aiment les grands et beaux garçons. Elles entretiennent un rêve de noblesse qui meurt quand elles finissent vieilles filles. Elles sont abonnées au divorce. Elles aiment sortir avec leurs « frères ». On dit des banen qu’elles ont un mari en ville et un petit pompier dans leur village.

Les bamoun

Hum ! Les bamoun sont considérées comme le summum de l’hypocrisie et de l’infidélité. La plupart sont des femmes au foyer, ce qui leur permet d’entretenir le foyer du voisin quand le mari est absent. On dit que si ta femme est bamoun sache que la moitié de tes enfants sont ceux de ton voisin, ton ami ou mieux, du boucher. Elles aiment mettre les pagnes sans rien en dessous parce que pour un coup rapide, c’est pratique. Elles aiment aussi le blanchiment de la peau. Tu peux reconnaître une bamoun dans la rue rien qu’en regardant la couleur multicolore de ses jambes.

Les Betis

Ce sont des femmes qui ne savent pas ce qu’elles veulent. Elles courent après le mariage le, mais une fois mariées, elles regrettent leur vie d’avant. Il se dit que c’est la dot qui les motive. Elles font des défis de dot : « on m’a doté à cinq millions, ta maigre dot c’était combien ? ». Il paraît que ce sont des esclaves de l’argent et qu’elles aiment les hommes en tenue. En couple, L’Ewondo est réputée irrespectueuse et sa famille passe avant son homme. Elles aiment la vie facile et les bars.

L’Eton  aime la violence. Mais il parait que ce sont des filles passionnées et qu’avant de faire l’amour elles aiment être bastonnées. Ce sont de grandes travailleuses et elles font preuve d’une grande force physique qui leur sert parfois à bastonner leurs maris.

Les Bulu sont des nymphomanes qui ne refusent personne.

Les Douala

Les filles sawa ne sont pas belles, mais elles ont de l’allure et elles ne se prennent pas pour n’importe qui. Elles aiment se vanter d’être princesses de ceci ou de cela, même dans zéro. Elles aiment seulement les choses de Paris qu’elles considèrent comme leur second village même si elles vivent dans un bidonville de Neu-Bell.

Les kribiennes

Majoritairement batanga, elles ont toutes un mami wata. Elles passent leur vie à la plage en bikini. Elles aiment les blancs. Le jour où elle a un enfant métis, elle fait la fête.

Les bamilékés

On dit des filles bamilékés qu’elles sont soumises. Mais qu’en réalité elles calculent trop. Quand tu épouses une bamiléké, elle construit la maison de ses parents, au village avec ton argent. Les bamiléké sont réputées nulles au lit. Au quartier, on dit que leur… heu… est « l’eau l’eau ». La bamiléké est dynamique, mais elle ne comprend pas que le ce « dynamisme » ne sert à rien dans un lit. Elles enrichissent les marabouts.

Les anglophones

Terme générique qui désigne les femmes de la partie anglophone du pays. On dit d’elles qu’elles aiment seulement leurs frères anglophones parce qu’elles aiment être draguées en anglais. La femme anglophone a un problème avec l’habillement. Il parait qu’elles aiment les couleurs vives ce qui les fait ressembler soit à des lampes-tempête ou des mannequins de boutiques chinoises. Il paraît qu’avant d’aller à une fête avec une anglose, il faut d’abord contrôler son habillement. Elles aiment tout ce qui est bling-bling. Et leur devise est « jamais sans ma greffe ».

Les banyangui sont les meilleures prostituées du pays. Une prostituée banyangui ne va jamais en retraite.

Bon ! je m’arrête là. Il y’aura un tome 2. Bien entendu ces tristes clichés n’engagent que ma triste personne. Mais sérieux, les filles ne tirez pas sur moi, votre homme, qui vous chante des « je t’aime » à longueur de journée là, je suis sûr qu’il partage certaines de ces âneries, sauf que lui ne l’avouera jamais. On est camerounais, on va faire comment?

Peace !


Je suis camerounais, je suis fou

Vous connaissez ce prétendu dingue qui écume les rues de Yaoundé? Profitant des bouchons aux heures de pointe, ce type raquette les automobilistes en les menaçant. Il s’agit d’une espèce de mastodonte déguenillé qui arrête surtout les grosses cylindrées pour leur imposer une aumône. C’est un type énorme, poilu, bleu à force de noirceur ry qui parfois n’hésite pas à lancer des projectiles infects sur vous ou votre véhicule si vous ne lui donnez rien, et ce avec les encouragements des badauds pour qui votre seul crime est de posséder une « grosse voiture  » – donc, fruit du vol.

J’ai été sa victime hier. Ce n’était pas mon véhicule (avis aux autres bandits). J’étais de passage au lieu-dit Boulangerie Sélecte+ dans le gros SUV – un véhicule de sport – d’une liane blanche qui fait mon bonheur ces temps-ci. Bah ! Je prône la diversité. Et comme dit si bien mon ami Reezbo, les lianes noires dérangent. Depuis que l’une d’elle m’a appelé un matin pour me demander de l’aider vu que l’orage de la veille avait emporté la toiture de la maison de sa tante, j’ai compris qu’il fallait que je change de couloir. Du moins, je vais attendre la fin de la saison des pluies.

Le gros nous a abordés alors que nous étions englués en plein onze heures dans un bouchon interminable. Une blanche au volant d’un gros véhicule, il ne pouvait pas laisser passer l’aubaine. « Donne ma part ! ». Le type bloque la remontée des vitres avec ses énormes avant-bras. La liane se tourne vers moi, quêtant mon aide. Je considère les quintaux de graisse du type et je me demande si elle est sérieuse.

Moi : Bah ! Donne-lui quelque chose. (sous-entendu au péage c’est le proprio du véhicule qui paie)

Elle : J’ai rien.

J’ai rigolé silencieusement. Apparemment tout le monde n’est pas la vieille Bettencourt hein ? Et moi j’ai la taille de Sarkozy, mais pas son pouvoir de persuasion.

Je décide de la jouer macho : « Ho ! Mon ami, dégage ! Il n’ya rien pour toi. » Le type devient menaçant et en un clignement d’yeux, fait le tour du véhicule pour se retrouver face à moi. J’ai refléchi hein ? Evalué le poids de sa main, qui couplé à la force de son bras aurait pu m’arracher la tête s’il lui était venu à l’idée de me gifler, car fait étrange, autant il était harceleur avec la blanche, avec moi, le type est énervé et postillonne comme une lama enragé.

Là j’ai pensé à tous les courageux ancêtres morts lors de la guerre d’indépendance. Prudent, j’ai compensé en me disant que nous avions déjà versé notre tribut de sang au pays. Les larmes au yeux, j’ai mis la main dans une de mes poches retiré un billet de 500F, rapidement happé par la monstrueuse patte du type qui est allé remercier… la liane !!! Nous sommes repartis sous les quolibets des badauds que ce genre de scène divertit à longueur de journée.

Je crois qu’une partie de moi est restée devant Selecte+.

Je vous le dis, un de ces quatre je vais abattre un des ces « fous «  qui hantent nos rues.

Ce qui m’énerve, c’est la complaisance des services sociaux que cette situation ne semble pas gêner. Quand une famille en a marre de « jeter » les sous dans les hôpitaux pour guérir un malade mental, bah, on l’abandonne tout simplement à lui-même. Et le quidam se bat tout seul dans la rue pour survivre. En fonction de leur degré de maladie, les plus malins se transforment en braqueurs providentiels comme « le gros », d’autres errent à longueur de journée, exposant leurs attribut à qui veut les voir, et se livrant même parfois à des actes de violence sur la population.

Mais le plus énervant, c’est que les Camerounais ne considèrent pas la folie comme une maladie. C’est toujours le résultat d’une action occulte qui n’a pas marché, d’une tentative malheureuse d’enrichissement rapide, ou d’une élévation sociale via des voies mystiques. Donc, le fou n’a que ce qu’il mérite. Aussi, tous les malades mentaux dans les quartiers ont toujours une histoire, sorte de légende tissée pour justifier leur état. On vous dira toujours que c’étaient des gens intelligents, beaux blablabla, mais qui en voulaient plus. Donc, ils ne sont pas vraiment fous, ils expient.

Je suis tombé des nues dernièrement en découvrant un malade mental dirigeant la circulation à un carrefour au quartier Nkondengui selon un timing tout personnel. Devant mon indignation, le taximan très sérieux de me dire:  le gars-ci est un ancien policier hein ? Ne le voyez pas comme il est comme ça aujourd’hui

Je me souviens aussi de cet autre malade qui dans mon quartier bloquait la circulation pendant de longues minutes pour dérouler en plein carrefour des enchaînements de katas d’un art martial né de sa folie. Personne n’a jamais osé le faire dégager car quelqu’un qui prétendait bien le connaître avait déclaré que c’était un ancien maître de karaté qui avait « trempé les mains » pour monter en grade. Depuis on le nommait Maître Chen Chen. J’ai découvert quelques accidents plus tard que sa folie était due à une overdose de chanvre indien et que son passetemps favori c’étaient les films chinois d’un bar voisin de son fumoir.

Et notre génial gouvernement ne fait rien. Ah ! Si. Je me souviens que lors d’un inutile sommet France-Afrique, les décideurs ont décidé de nettoyer les rues de tous les malades pour épargner la vue de  tonton Chirac. Sauf qu’au lieu de les envoyer en asile (ce qui aurait posé le problème du financement de leur séjour), ces génies ont organisé des charters nocturnes qui avaient pour mission de dispatcher les pauvres hères dans les villes périphériques de Yaoundé, lieu du sommet. On s’endormait avec un dingue dans le village et le matin, paf ! on en avait dix de plus, sortis de nulle part : la sorcellerie !

Je n’ai pas peur. Un Ngimbis ne connaît pas la peur. Mes ancêtres affrontaient les troupes coloniales surarmées avec des machettes rudimentaires et leur courage. Le jour où je recroise le « gros fou », il va me rendre mes 500F, liane blanche ou pas.

On est où là ?

Peace !


Bienvenue à Nsimalen, Cameroun en miniature

A mon vieil ami aux paroles si jeunes…

A force d’emprunter les avions, je me suis mis à m’intéresser aux aéroports. Un aéroport est un lieu de vie qui la plupart du temps est le reflet quasi exact de la société qui l’abrite. A ce titre, j’ai observé les aéroports camerounais et ma foi… Bref, lisez plutôt.

La vraie fausse gratuité
Comme l’école primaire dont un décret proclame la gratuité, les aéroports camerounais ont leurs contradictions. Tenez ! Les chariots. Quand vous arrivez à Nsimalen, ne cédez surtout pas aux sourires racoleurs des opérateurs qui vous abordent : Mon frère ! Tu es frais comme l’igname ! ou Ho ! la go Paris te mérite, tu attendais quoi pour partir ? Des approches toujours sanctionnées par la même phrase : mets ton sac ici je t’accompagne. Sauf que rendus à l’enregistrement, le gars va te tendre la main, tu t’étonnes, il va te parler de « la vie qui est dure », de l’agrément qu’il paye aux ADC, bref, tu vas que payer. Un futur mbenguiste ne discute pas. Hein tara ? Mille francs pour toi c’est quoi même ? Ne gâte pas ton nom grand !

La magouille
Elle commence dès l’entrée avec cette histoire de kilos. Mon frère, vous allez où ? On a un problème de kilos excédentaires blablabla. Je me suis toujours fait la réflexion que transporter l’excédent de bagages d’un camerounais c’est comme bouffer des sushis chez un restaurateur chinois à Bamako. Cette opinion n’engage que moi.

Les débrouillards
Cette nouvelle race – créée par le Renouveau et les Grandes Illusions Ambitions – est aussi présente dans les aéroports camerounais. Ils vendent du crédit téléphonique (nos fameux call-boxeurs), vous abordent pour changer des devises. Un tuyau : vous pouvez boire des Castel à l’aéroport de Nsimalen !
Si ! si ! les jeunes femmes que vous apercevez dehors et qui vous regardent droit dans les yeux n’attendent personne. Elles vendent des bouteilles de bière qu’elles trimballent dans des sacs à main. J’ai testé hein ? C’est pas beau ça ?

Les impôts qui ne servent à rien
Chez nous, on a la taxe dite d’aéroport dont je n’ai jamais compris l’utilité ni le sens. En effet, tous les passagers des vols internationaux sont astreints au payement de 10.000 francs avant d’embarquer dans un avion. Je me suis toujours demandé à quoi servait cet argent, dans quelle poche il rentrait. Si au moins on pouvait avoir la clim à ce prix…

Les bureaucrates
Nos fameux fonctionnaires avec leurs airs importants qui font croire qu’ils servent à quelque chose. On les remarque à leurs valises neuves donnant plus l’impression d’un départ en vacances qu’une mission de routine et leurs vêtements d’hiver qui sont la preuve qu’ils consultent la météo avant de voyager. Parfois en traversant la première classe de certains vols Air France, je me dis que l’épervier au lieu de voleter au dessus des sept collines de Yaoundé, devrait tout simplement prendre l’avion.

La joie
Les gens sont heureux de te voir partir : tu t’en va chercher les euros. Ils sont tout autant fiers de ton retour : tu ramènes les euros. J’adore cette foule dans les aérogares. A l’aller, c’est la famille, les amis, tout un fan club improvisé qui semble dire: Ma chérie, tu es l’espoir de tout le village, va de l’avant ! Photos. Dominant tout le monde, le Blanc, conquis sur Internet, rouge de son séjour à Kribi, ivre de plaisirs inaccessibles chez lui, assez bête pour croire que tous ces cousins à la mine renfrognée sont vraiment des cousins. La mère qui pleure, les regards envieux des sœurs, la fille, ex mouton noir qui prend sa revanche et rit fort pour masquer la peur de cet outre-mer dont elle ignore tout. Les flashes qui crépitent, une atmosphère de Cannes.
Il y en pour toutes les sauces: aventuriers, étudiants, futurs Eto’o, futurs riens, tous sont adulés, parce qu’ils partent. L’avion devient plus qu’un moyen de transport, c’est l’ascenseur social.
Il n’y a pas que l’aller, le retour aussi a ses ambiguïtés.

Le carnet de vaccination
Avant même le passeport, le premier document exigé en terre camerounaise est ce carnet jaune qui prouve que vous êtes vacciné contre je ne sais quoi. « Bonne arrivée au royaume des moustiques, nous vérifions que vous n’êtes vacciné ni contre le paludisme ni contre le SIDA ». Un peu comme les policiers et la carte nationale d’identité sur nos axes routiers: Vous n’avez pas de ceinture de sécurité ? Tant pis, présentez vos cartes qu’on soit sûrs que vous mourrez en règle.

Les hommes habillés
Comme dans les rues de Yaoundé, dans les aéroports camerounais on croise des flics et militaires en grande tenue. Sauf qu’eux ne sont pas là pour le Vigipirate hein ? Nous on n’a (vait) pas de soucis avec les terroristes. C’est plutôt des soucis de douane. La douane au Cameroun, tu la paies si tu ne connais personne, du coup pour le trafic d’influence, rien de mieux que des galons dorés : le prestige de l’uniforme.

Il y a aussi cette foule, comme à Douala, qui observe les avions atterrir et décoller. Cette foule de jeunes qui n’attendent personne mais sont debout devant le hall d’embarquement à longueur de journée. Avec dans les yeux cette envie de partir, cette envie de connaître un ailleurs meilleur, ils vous regardent quand vous embarquez, vous lorgnent quand vous débarquez, les yeux pleins d’étoiles, semblant se dire que là bas ne peut être pire qu’ici.

Néanmoins il ya de la joie dans nos aéroports hein, rien à voir avec cette froideur de Paris Charles de Gaulle par exemple. Cette indifférence affectée. Chez nous ce sont des youyous à l’arrivée, un brouhaha de conversations au départ, les gosses qui courent dans tous les sens, les rires, la chaleur, le tutoiement spontané, les blagues grasses et épicées. Même dans un avion à destination du Cameroun, on est déjà au Cameroun. Et quand l’aéronef atterrit, on applaudit à tout rompre. Bah oui, dans un pays où personne ne fait correctement le travail pour lequel il est payé, on sait transformer la routine en miracle. Tu as fais atterrir cet avion ? Alléluia ! Mon commandant tu bois quoi ?
Moi j’aurais répondu la Castel!, mais d’ici à ce que je pilote un avion de ligne…

Peace !