Isidore KWANDJA NGEMBO

CEEAC : Isidore Kwandja Ngembo brigue le poste de secrétaire général adjoint

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La Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), dont le mandat est notamment de renforcer les relations pacifiques et la coopération harmonieuse entre les États, de promouvoir l’intégration physique et économique afin de stimuler la croissance et le développement socio-économique pour le bien-être des populations vivant dans la paix et la concorde au sein d’un même espace géographique, tiendra sa 17ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement membres en mai 2016 à Libreville (Gabon).

L’un des thèmes de discussion qui seront abordés lors de cette session ordinaire sera la question du renouvellement de tous les postes à responsabilités dont le mandat arrive à terme et de procéder à une nouvelle répartition équitable des postes de haute direction au sein de l’équipe dirigeante de la CEEAC, en tenant dûment compte du principe de rotation géographique.

Lors de la dernière session qui s’était tenue à N’djamena (Tchad) en mai 2015, la question de la répartition équitable des postes à responsabilités avait déjà été soulevé par un certain nombre de pays et débattu. Les chefs d’État et de gouvernement avaient convenu de maintenir la répartition actuelle en attendant la finalisation de la réforme institutionnelle profonde de la CEEAC, pour assurer son bon fonctionnement, indispensable à la fois pour son existence et sa survie.

La République démocratique du Congo (RDC), jadis locomotive de l’Afrique centrale, de par les différentes ressources naturelles, forestières, énergétiques, hydriques qu’elle regorge et surtout son poids démographique; est susceptible de favoriser réellement l’intégration économique sous-régionale tant souhaitée. De ce fait, elle est naturellement appelée à jouer un rôle prépondérant de « puissance sous-régionale » pour impulser cette intégration économique pour relever le grand défi du continent de permettre à la jeunesse africaine d’accéder au travail stable, productif et décent, nécessaire pour lutter contre l’embrigadement idéologique et l’extrémisme religieux des jeunes africains.

Pour permettre à la RDC de jouer pleinement son rôle au sein de la CEEAC, il convient de lui confier une responsabilité qui correspond à son poids réel. Ceci dit, pourquoi ne pas lui confier un des postes de secrétaire général adjoint, en lieu et place de celui de directeur des Affaires politiques et du mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique centrale (MARAC) qu’elle occupe actuellement.

En effet, si ce géant africain a perdu la place de choix qu’il occupait au sein de l’organisation économique sous-régionale, c’est certainement à cause de la persistance des conflits armés successifs que la RDC a connu ces vingt dernières années. Maintenant que le pays voit poindre à l’horizon de réelles perspectives d’avenir, les filles et fils de ce grand pays, y compris ceux de la diaspora, à l’instar de Isidore Kwandja Ngembo, entendent aider la RDC natale à redorer son image et reconquérir pleinement sa place au sein de l’organisation sous-régionale.

Animé par cette volonté d’apporter sa petite pierre à l’édification d’une Afrique, un endroit où il fait bon vivre pour tous ses filles et fils, M. Kwandja Ngembo promet que, si les chefs d’État et de gouvernement membres de la CEEAC lui faisaient confiance en le désignant dans l’un des postes de secrétaire général adjoint, il ne ménagera aucun effort pour s’acquitter avec célérité et efficacité de son mandat.

Durant les quatre prochains mois qui reste avant la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, il entend prendre les contacts pour solliciter et obtenir les appuis nécessaires afin de briguer l’un des postes de secrétaire général adjoint de la CEEAC. Il compte notamment sur le soutien de la RDC pour y parvenir.

Qui est-il ce monsieur qui veut briguer le poste de secrétaire général adjoint de la CEEAC?

La quarantaine révolue, Isidore Kwandja Ngembo est un fin analyste politique dont les réflexions sur la politique internationale et africaine sont régulièrement publiées dans les grands médias occidentaux et africains. En septembre 2015, M. Kwandja Ngembo a été sélectionné parmi les finalistes du concours international de journalisme sur les enjeux du développement durable « Objectif 2030 », organisé par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), en marge du Sommet spécial des Nations Unies sur les objectifs de développement durable à New York.

M. Kwandja Ngembo a eu le privilège de travailler au sein de différents ministères du gouvernement du Canada comme analyste des politiques publiques, notamment à la Commission canadienne des droits de la personne, au Ministère du patrimoine canadien, au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, au Ministère de ressources humaines et développement des compétences du Canada; au Ministère de l’environnement du Canada; à Statistique Canada; au Ministère des affaires étrangères et commerce international du Canada; au Service correctionnel du Ministère de la sécurité publique et protection civile du Canada; et à Bibliothèque et Archives Canada.

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Quel Background scientifique et universitaire a-t-il pour assumer cette fonction?

M. Kwandja Ngembo n’a pas seulement que des expériences enrichissantes et diversifiées à son actif. Il est bardé des diplômes issus des grandes écoles et universités européennes et Nord-américaines. Il s’est spécialisé dans différents domaines, notamment en Éthique publique à l’Université Saint-Paul d’Ottawa, en Science politique et relations internationales à l’Université d’Ottawa au Canada, en Management des organisations publiques à l’École nationale d’administration publique du Québec, en Droit international des droits de l’homme à l’Université Saint-Louis de Bruxelles, en Développement international à l’Université catholique de Louvain et à l’Université libre de Bruxelles en Belgique.

M. Kwandja Ngembo a effectué également différentes formations spécialisées en droit international, notamment en Droit international public à l’Académie de droit international de La Haye au Pays-Bas, en Droit international de l’environnement à l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) à Genève, en Droit international humanitaire au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Belgique, en Droit international et droit comparé à l’Institut international des droits de l’homme à Strasbourg en France, et à EQUITAS-Centre international de formation aux droits humains à Montréal au Canada.

Connait-il bien les réalités de l’Afrique centrale?

Bien qu’ayant évolué professionnellement en dehors de l’Afrique, M. Kwandja Ngembo a une parfaite connaissance et une bonne compréhension des problématiques liées à la situation politique, économique, sociale et sécuritaire de l’Afrique centrale.

En effet, une des richesses communes à la sous-région d’Afrique centrale est la forêt du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical après la Forêt amazonienne, qui est partagée entre six pays – Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale et République démocratique du Congo.

Lorsqu’il œuvrait au Ministère de l’environnement du Canada, M. Kwandja Ngembo était chargé d’analyse des politiques environnementales des dix pays membres de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) qui regroupe – Angola, Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée Équatoriale, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Rwanda, Sao Tomé & Principes et Tchad –, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, conserver et gérer de façon durable les écosystèmes forestiers du bassin du Congo, dans le cadre de la présidence canadienne du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC), afin de lutter efficacement contre les changements climatiques.

Entant que conseiller à la direction générale de l’Afrique au ministère des Affaires étrangères, commerce et développement du Canada, M. Kwandja Ngembo avait en charge les dossiers de six pays d’Afrique centrale – Cameroun, Gabon, Guinée Équatoriale, République centrafricaine, Sao Tomé & Principes et Tchad. Il a contribué naturellement à l’approfondissement des relations bilatérales du Canada avec les pays de la sous-région d’Afrique centrale, notamment sur les questions de lutte contre les changements climatiques, de droits de la personne, de la gestion de ressources naturelles, du maintien et consolidation de la paix, et de l’intégration économique sous-régionale.

Si cette opportunité lui est donnée, sans doute que M. Kwandja Ngembo a le sentiment de pouvoir faire œuvre utile de ses connaissances théoriques de la gestion des organisations publiques, ses expériences enrichissantes acquises au fil des années au sein de l’administration publique canadienne, et son bagage intellectuel impressionnant, au service de la CEEAC et d’apporter une plus-value pour relever les défis importants auxquels sont confrontés les États de la sous-région.

Créée en 1983 par les États membres de l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale (UDEAC), l’actuelle CEMAC, et les États membres de la Communauté économique des États des Grands Lacs (CEPGL) ainsi que l’Angola et Sao Tomé et Principe, la CEEAC compte actuellement onze États membres.


Élection présidentielle hypothétique en RDC : vers un suicide politique collectif

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À une année de la date fatidique du 20 décembre 2016, prévue pour la passation de pouvoir entre le président sortant, Joseph Kabila au pouvoir depuis 15 ans, qui achève son dernier mandat et le nouveau président, qui, nous l’espérons, sera élu en novembre 2016; rien alors rien ne rassure que les élections présidentielles auront bel et bien lieu.

La Commission électorale nationale indépendante de la République démocratique du Congo (CENI), chargée de l’organisation et de la supervision des élections, n’a tout simplement pas des moyens (financiers, matériels et logistiques) nécessaires pour organiser les élections justes et transparences dans un temps record. Le gouvernement de la RDC qui était censé donner les moyens conséquents à la CENI pour la tenue de ces élections, n’est pas du tout prêt à délier le cordon de la bourse. Le calendrier publié pour les scrutins prévus en 2015 et 2016 n’a jamais été respecté et est tombé en désuétude.

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Et si les élections n’avaient pas lieu à la date prévue en RDC?

Lors de son discours de fin d’année, du 14 décembre 2015, devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès, le président Kabila a présenté son bilan de l’année qui s’achève et fait des projections pour les années à venir. L’opinion publique, tant au niveau national qu’international, attendait notamment à cette occasion, que le président Kabila annonce publiquement, une fois pour toute, qu’il n’avait pas l’intention de briguer un troisième mandat anticonstitutionnel, pour rassurer et apaiser la tension politique qui prévaut en RDC à la veille des élections présidentielles.

Mais à la fin de son discours, tout le monde est resté sur sa soif. Joseph Kabila n’a dit aucun mot concernant la fin imminente de son dernier mandat. Un discours de fin d’année qui serait probablement son dernier qu’il tenait devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès. Ce qui laisse présager qu’il n’est pas encore préparé moralement à quitter le pouvoir à l’issu de son dernier mandat.

C’est également l’analyse qu’a faite Noel K. Tshiani, promoteur du plan Marshall pour la RDC, que nous avons interrogé :

« Le président de la République a raté l’occasion de dire au peuple congolais que ce discours sur l’état de la nation est le dernier qu’il prononce avant de passer le torchon le 20 décembre 2016 à un nouveau président démocratiquement élu. En entretenant le flou, le chef de l’État crée l’incertitude nuisible à la paix, ce qui ne permet pas de favoriser des conditions idoines pour l’organisation des élections apaisées, crédibles et transparentes. Sans nul doute que ce discours plante les graines d’un chaos total au niveau de tout le pays et pourrait créer une situation incontrôlable au plan sécuritaire général du pays. La confrontation avec la communauté internationale et l’opposition politique intérieure annonce un mauvais présage pour le pays dans les jours à venir. »

En effet, les seules paroles qui nous ont semblé apaisantes, c’est lorsque Joseph Kabila a appelé la classe politique au dialogue :

« Ce n’est pas par la violence que nous réglerons nos divergences. Ce n’est pas non plus des Nations unies, de l’Orient ou de l’Occident que viendront les solutions à nos problèmes, mais plutôt de nous-mêmes et par le dialogue entre des Congolaises et des Congolais. »

Mais même là aussi, le président Kabila n’a pas daigné reconnaître que le semblant de paix que connaît la RDC actuellement est dû, en grande partie, à la présence et au soutien de la mission des Nations unies au Congo.

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Le dialogue est-il toujours opportun?

À un moment donné, seule l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), l’un de grands partis politiques de l’opposition congolaise, qui a toujours revendiqué sa victoire aux élections présidentielles de 2011, était favorable au dialogue, sous une médiation internationale. Elle a transmis sa feuille de route pour la sortie de crise à la communauté internationale, par l’intermédiaire de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, qu’il est difficile d’affirmer ou d’infirmer au jour d’aujourd’hui si l’UDPS est toujours favorable à ce dialogue avec la majorité au pouvoir.

En effet, au sein de l’UDPS, il y a beaucoup de dissonances, chacun jouant sa partition, au point où l’on ne sait plus qui est la voix autorisée et qui dit vrai. La seule voix crédible et respectable est celle du président du parti, Etienne Tshisekedi, mais ce dernier ne s’est pas encore exprimé de vive voix pour savoir si son parti tenait encore au dialogue conditionné par la médiation internationale.

Les autres partis politiques de l’opposition ont réservé une fin de non-recevoir à un dialogue, prétextant qu’il s’agissait de subterfuges usés par la majorité au pouvoir pour obtenir la prolongation du mandat présidentiel de Joseph Kabila au-delà du délai constitutionnel. Ils ne voyaient donc pas l’opportunité d’un tel dialogue à la veille des élections, ce qui risquerait de les entraîner dans un schéma qui déboucherait inévitablement à violer la Constitution en vigueur.

Mais au-delà de toutes les hésitations des uns et l’intransigeance des autres, une chose est vraie que la classe politique congolaise, toute tendance confondue, est consciente que même avec toutes les bonnes volontés du monde, il y a des problèmes techniques et financiers réels qui handicapent la bonne tenue des élections présidentielles et législatives justes et transparentes dans les délais prévues, en novembre 2016. Et que cela implique qu’il faille absolument trouver un moyen de les solutionner avant qu’il ne soit trop tard.

Curieusement, au lieu de maximiser le peu de temps qui restent encore d’ici novembre 2016, pour débattre et trouver ensemble les compromis nécessaires aux questions majeures qui minent le processus électoral afin d’organiser des élections présidentielles apaisées, les acteurs politiques font semblant de ne rien savoir et attendent le jour-J pour que ces problèmes soient réglés comme par un coup de baguette magique. Quel gâchis de la part d’une classe politique qui s’oppose sans proposer des solutions idoines à la crise actuelle pour des lendemains meilleurs.

Dans un article que nous avions publié en juin dernier, dans le cadre du Bureau international d’études pour la paix et le développement (BIEPD), nous disions que dans le contexte actuel de la RDC, le dialogue entre la classe politique et les forces vives de la nation était l’approche la plus efficace de résolution pacifique et de prévention de la crise imminente qui se profile à l’horizon, et ce, conformément à la Constitution.

Renier l’opportunité de dialoguer équivaudrait à renier l’existence d’une crise politique latente aux conséquences imprévisibles. Si la classe politique pense qu’il n’est pas opportun d’engager un dialogue franc entre Congolais maintenant, pour régler les principaux problèmes pendants avant les élections de novembre 2016, alors elle a opté pour un suicide politique collectif, en acceptant inconsciemment la violation inévitablement de la Constitution.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


L’an 1 de Michaëlle Jean à l’OIF : encore du pain sur la planche

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Il y a exactement un an que Michaëlle Jean a été désignée secrétaire générale de la Francophonie par les chefs d’État et de gouvernement membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), réunis au XVe Sommet de Dakar du 29 au 30 novembre 2014. Une élection qui a été vivement saluée aussi bien par le Canada et ses deux provinces (Québec et Nouveau-Brunswick) qui avaient présentés et soutenus cette candidature, que par l’ensemble de la communauté francophone de cinq continents. L’élection de Mme Jean était donc considérée comme un symbole d’une avancée significative sur la voie de l’équité, de l’égalité homme-femme et de la non-discrimination au sein de l’OIF.

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Pendant la campagne pour son élection à l’OIF, Mme Jean a fait un plaidoyer pour la Francophonie économique comme moteur essentiel du développement économique, social et culturel de l’espace francophone. Une Francophonie qui promeut la croissance économique et la prospérité; l’éthique du partage, du développement durable et de la solidarité; et la promotion de la langue française dans le monde. Elle a également promis l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie pour aider les femmes et les jeunes à occuper la scène économique.

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Au Sommet de Dakar, neuf résolutions ont été adoptées et devraient être exécutées au cours de son mandat de quatre ans à l’OIF, notamment sur les situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de la paix dans l’espace francophone; le terrorisme; mais aussi l’éducation et la formation des femmes et des jeunes à l’ère du numérique; la promotion de la diversité des expressions culturelles, etc.

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Une année après, qu’est-ce qu’on peut déjà observer?

Dès les premiers jours de son entrée en fonction jusqu’à l’aube de sa première année à la tête de l’OIF, l’avènement de Michaëlle Jean à la Francophonie est marqué par une succession d’attentats terroristes dans plusieurs État membres. On n’a qu’à se rappeler des attaques terroristes de janvier et très récemment en France avec des répercussions en Belgique, en Tunisie, au Mali, au Liban, au Cameroun, au Tchad, au Niger. À cela s’ajoute les conflits armés qui ne s’estompent pas en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en Ukraine, avec leur lot quotidien de violations systématiques des droits de la personne.

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Et comme si cela ne suffisait pas, il y a une difficulté réelle dans l’organisation des élections libres, transparentes et équitables dans des nombreux États francophones. Le cas actuel au Burundi en dit long sur les sérieuses préoccupations qu’éprouvent des nombreux États à respecter les principes démocratiques, la primauté du droit et le respect des droits de la personne. On observe que, dans la plupart des pays où les élections sont mal organisées, entachées de fraudes et d’irrégularités, elles aboutissent très souvent par des contestations violentes et des bains de sang.

Mais au-delà de cette réalité très préoccupante et de turbulences qui secouent actuellement l’espace francophone, il y a une réelle volonté, dans le chef de la secrétaire générale de la Francophonie, de mobiliser les dirigeants francophones et mondiaux à s’attaquer aux problèmes urgents pour lesquels des solutions immédiates sont nécessaires pour prévenir les menaces terroristes et garantir la paix et la sécurité internationale.

Mme Jean essaye dans la mesure du possible de maintenir cap sur l’essentiel des mandats et des objectifs ambitieux qui lui ont été assignés par les chefs d’État et de gouvernement de l’OIF. Ainsi, elle s’invite sur toutes les tribunes pour encourager les États à la nécessité de resserrer les liens de coopération entre eux pour contrer cette menace terroriste, commune à toute l’humanité.

Dans la plupart de ses interventions, Mme Jean croit que la manière efficace de lutter contre le terrorisme, est de prendre en compte également la dimension économique et les besoins de développement des populations pauvres, et ce, en investissant dans l’éducation et la formation des jeunes pour leur offrir des perspectives d’avenir. Par l’éducation et la formation de la jeunesse, l’OIF contribue à la lutte contre l’embrigadement idéologique et l’extrémisme religieux des jeunes et ainsi prévient leur implication dans des conflits armés et la perpétration des actes barbares qui affligent et endeuillent les populations francophones.

Mme Jean est en train de poser, petit à petit, les bases nécessaires pour la matérialisation de l’ambitieux projet de la Francophonie économique, en créant des espaces communs et favorables au rapprochement et échanges des savoir-faire et expériences entre les opérateurs scientifiques, économiques, sociaux et culturels, pour favoriser le développement économique, social et culturel de l’espace francophone.

Développement et démocratie sont complémentaires et étroitement liés

Dites-vous bien que le succès de la Francophonie économique passera notamment par l’instauration d’une démocratie véritable, avec ses attributs de primauté du droit, du respect des droits de la personne, de la liberté d’expression et de manifestation pacifique, et de la reconnaissance de la dignité intrinsèque de chaque être humain.

Bien sûr que oui, le processus électoral est une composante essentielle de la démocratie, mais la démocratie ne se limite pas qu’aux élections. À ce propos, on observe que des élections sont organisées et en voie d’être organisées dans plusieurs pays de l’espace francophone. Mais cela ne suffit pas pour croire que certains de ces États sont devenus des démocraties. La démocratie représente bien davantage : c’est le respect par tous de la prééminence du droit et de lois fondamentales des États.

Nombreux observateurs avaient cru et fondent encore de grands espoirs que l’arrivée de Mme Jean à l’OIF pourrait faire avancer, au sein de l’espace francophone, les valeurs fondamentales de liberté, de démocratie, de l’État de droit et des droits de la personne, sans lesquelles, il est impensable d’imaginer la paix, le développement et le bien-être humain.

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L’OIF ne pourra apporter des réponses efficaces aux nombreuses situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de la paix dans l’espace francophone que lorsqu’elle saura agir sans complaisance pour le respect des principes et valeurs de démocratie, d’État de droit et du respect des droits de la personne, qui sont par ailleurs communs à tous les États membres.

Nombreux francophones s’attendent à ce que Mme Jean soit vigilante et intransigeante envers tous ceux qui tentent de modifier les lois fondamentales pour s’éterniser au pouvoir. Nous croyons encore en l’engagement de Mme Jean à œuvrer inlassablement, durant les trois prochaines années de son mandat, en faveur du respect par tous, sans aucun laxisme, de valeurs fondamentales de l’OIF, pour qu’enfin, la plupart d’entre les francophones puissent aspirer au développement et au bien-être social.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


L’ambitieux « plan Marshall » de Noel K. Tshiani pour la RDC

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À l’approche des élections présidentielles qui doivent avoir lieu en novembre 2016, en République démocratique du Congo (RDC), très peu de candidats potentiels ambitionnent l’accession à la magistrature suprême. Ils ont dévoilé dse projets de société cohérents pour le développement du pays, et par-dessus tout,ils misent sur l’amélioration des conditions de vie des populations.

Lors de son passage à Ottawa, Noël K. Tshiani Muadiamvita, économiste chevronné et haut fonctionnaire à la Banque mondiale à Washington, a présenté sa vision du développement sous la forme d’un « plan Marshall pour la RDC ». Nous l’avons approché pour en savoir un peu plus afin d’évaluer le réalisme de son projet.

De quoi s’agit-il au juste ?

Le Dr Tshiani constate que la RDC a, depuis son indépendance en 1960, vécu de longues années de stagnation économique et d’instabilité politique. Les infrastructures de base sont très peu développées. Celles qui existaient lors de l’indépendance, notamment les routes, les ports, les aéroports, les voies ferrées, les hôpitaux, les écoles et les marchés publics sont aujourd’hui dans un état de délabrement total. La situation socio-économique qui en résulte est catastrophique. Environ 10 % de la population seulement a accès à l’eau potable et à l’électricité, et ce, essentiellement dans le milieu urbain. Le taux de chômage avoisine les 80 % de la population active. En 2015, le PIB par habitant est de 394 $ US. Le pays est classé parmi les derniers, selon l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement.

En plus de la précarité économique et de la vulnérabilité sociale, l’insécurité est largement ressentie sur l’ensemble du territoire national. Les libertés individuelles sont bafouées et les droits humains ne sont pas respectés. Il n’existe ni une justice indépendante, ni une administration publique fonctionnelle. Les conditions préalables au développement socio-économique d’un pays ne sont quasiment pas réunies.

En conclusion, le Dr. Tshiani estime que le modèle de développement qui a été adopté et poursuivi par la RDC au cours de ces cinq dernières décennies a échoué. Pour changer le destin du pays et de sa population, le Dr. Tshiani propose d’adopter un nouveau modèle de développement sous la forme d’un « Plan Marshall », s’échelonnant sur 15 ans. Ce plan nécessiterait 800 milliards $ US pour aider à la reconstruction et au redressement économique du pays après deux décennies de guerre et conflits armés qui ont fait plus de huit millions de morts.

L’initiateur du plan croit fermement que son projet peut réussir à condition que toutes les énergies  et les ressources du pays soient mobilisées. La réussite créerait une croissance économique inclusive profitable à tous les Congolais et augmenterait le PIB par habitant actuellement de 394 $ US à 15.000 $ US dans 15 ans.

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L’ambitieux« Plan Marshall » de Noel K. Tshiani pour la RDC s’articule donc autour de huit piliers : (1) investir dans les ressources humaines en mettant l’accent sur l’éducation, la santé et l’autosuffisance alimentaire; (2) promouvoir la paix, la sécurité, l’État de droit et la démocratie; (3) promouvoir l’émergence de la finance nationale; (4) promouvoir l’émergence d’un secteur privé national responsable; (5) favoriser la réalisation de grands travaux d’infrastructures à haute intensité de main-d’œuvre; (6) favoriser et accélérer l’industrialisation du pays par la transformation locale des minerais, la mécanisation de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, la mise en valeur planifiée et ordonnée des forêts, et l’éclosion du secteur tertiaire, le tourisme inclus; (7) créer des synergies entre le marché intérieur et l’intégration régionale; et enfin (8) mobiliser les ressources humaines et financières pour mettre en œuvre les différents piliers du plan. Un projet certes ambitieux pour redresser un pays qui regorge d’immenses ressources naturelles mais dont la grande majorité de sa population vit dans la pauvreté absolue.

Avec quelles ressources mettre en œuvre ce plan ?

Le pays aura besoin de ressources financières et humaines importantes pour une bonne exécution du plan. L’initiateur est conscient que la reconstruction de la RDC ne sera pas l’œuvre d’une poignée de personnes, mais de tous les Congolais. Il compte sur les Congolais de l’intérieur et ceux de la diaspora.  « Le peuple congolais dans son ensemble doit prendre son destin en mains. Personne ne viendra nous faire cadeau pour le développement de notre pays ». Il est important que les Congolais comprennent qu’ils doivent compter d’abord sur eux-mêmes. Mais étant donné que sa stratégie reposera en partie sur le secteur privé en tant que principal moteur de la croissance économique, « on devrait, au besoin, faire appel également à l’expertise étrangère », dit-il.

Le coût total pour la mise en œuvre de ce « Plan Marshall » est estimé à 800 milliards $ US sur 15 ans. Cette somme pourra être mobilisée sur une combinaison des ressources intérieures, des contributions des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux et du secteur privé sous forme d’investissements directs étrangers.

L’initiateur du projet souligne que la réussite de la mobilisation de ressources financières passe par un leadership politique qui soit crédible et à la hauteur des ambitions de développement du pays. Un leadership politique qui a fait ses preuves de bonne gouvernance des ressources publiques de façon efficace et efficiente. Un leadership politique qui ne sent pas l’odeur de la corruption, de malversations financières ou qui a les mains tachées de sang des Congolais.

Ayant été lui-même banquier commercial et d’investissement à New York pendant une dizaine d’années avant de se reconvertir en banquier de développement à la Banque mondiale pendant les 25 dernières années, le Dr Tshiani se dit un « homme nouveau » qui n’a jamais trempé dans la mauvaise gouvernance dont souffre le pays à cause de la corruption endémique qui a appauvri les Congolais. Il voudrait apporter une nouvelle approche et une dynamique novatrice à la RDC en quête de leadership intègre et visionnaire. Il s’estime capable de pouvoir mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires pour la mise en œuvre d’un projet colossal au profit du développement de la RDC, un pays qui regorge d’immenses ressources naturelles.

Pour démontrer que la vision de développement grandiose de la RDC est faisable, le Dr Tshiani donne l’exemple du Cap-Vert, un petit pays sans beaucoup de ressources naturelles, qu’il a accompagné dans la conception et la mise en œuvre de sa stratégie de développement et qui a réussi à augmenter son revenu par tête d’habitant de 400 dollars en 1992 à 4.400 dollars en 2015. « Si le Cap Vert a pu réaliser une telle performance, la RDC, avec ses immenses ressources naturelles et humaines, pourrait certainement faire mieux et plus vite, si tout le monde se mettait sérieusement au travail. »

À ses détracteurs qui disent que ce banquier international n’a pas une bonne connaissance des réalités congolaises, il répond que cela est faux, mais constitue néanmoins pour lui un avantage. En effet, dans l’état actuel de la RDC, le pays a besoin d’un leadership intègre, qui n’a pas été mêlé dans la gestion chaotique du pays ; qui vienne avec des nouvelles idées, sans a priori, pour changer la mentalité des hommes et des femmes de ce pays. Il brandit un atout majeur, celui d’avoir eu l’opportunité d’évoluer dans des institutions plus sobres telles que les banques américaines new-yorkaises et la Banque mondiale à Washington. Il note néanmoins, qu’en tant qu’expert de la Banque mondiale, il avait co-présidé la Commission de réforme monétaire qui avait conçu le Franc congolais (monnaie actuellement utilisée en RDC). Il affirme également que c’est lui qui avait convaincu le feu président Laurent Désiré Kabila de ne pas mettre son effigie sur les billets de banque.

Que peut-on en conclure ?

Un plan de développement comme celui présenté par Noel K. Tshiani ne peut qu’être applaudi, dans la mesure où il offrirait des opportunités à la grande majorité de Congolais pour améliorer leurs conditions de vie. Mais le grand problème de la RDC est celui de la corruption endémique, de l’impunité et des anti-valeurs qui sont érigées en système de gestion. Comment et avec qui le Dr  Tshiani va-t-il s’y prendre pour réaliser son ambitieux« plan Marshall » pour la RDC ? Quel rôle compte-t-il jouer dans le pays pendant les 15 prochaines années pour s’assurer de la bonne exécution de son plan et de la mobilisation des ressources nécessaires à la mise en œuvre de sa vision ? Comment va-t-il s’y prendre pour convaincre les Congolais, les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ainsi que les investisseurs privés étrangers du bien-fondé d’une initiative aussi grandiose dont le succès pourrait fondamentalement changer le destin d’un pays aussi vaste et doté de tant des ressources naturelles et d’une population avoisinant les 80 millions ?

Toutes ces questions et beaucoup d’autres encore méritent d’être posées, car il y a un risque réel dans la mise en œuvre d’un tel projet prometteur si son initiateur ne jouait pas un rôle prépondérant dans son exécution, le suivi et son évaluation.

Quand on sait que l’année 2016 est une année électorale en RDC, présenter, en cette période, un projet si ambitieux pour la RDC n’est pas fortuite. Il est clair que son initiateur a des ambitions présidentielles et que son plan ne serait, en réalité, qu’un projet de société qu’il vend au peuple congolais, aux bailleurs de fonds et au secteur privé.

A ce jour, l’intéressé ne s’est pas encore prononcé publiquement sur ses intentions. Toutefois, il multiple les contacts avec les dirigeants des principales formations politiques et les potentiels candidats aux prochaines élections présidentielles en RDC dans le but peut être de rassembler le plus de monde possible autour de sa vision de développement. Wait and see, comme disent les Anglais.

 

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


Et si les élections n’avaient pas lieu à la date prévue en RDC?

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L’année 2016 est supposée être une année électorale en République démocratique du Congo (RDC), avec les présidentielles et les législatives. Mais depuis quelques mois, le pays est plongé dans une sorte d’incertitude qui n’augure pas d’un lendemain meilleur.

Il n’y a plus rien qui marche au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), une institution d’appui à la démocratie et constitutionnellement reconnue comme pouvoir organisateur des élections en RDC. Un flou purement politique orchestré depuis quelques mois, avec des démissions qui se suivent et se ressemblent, enfonçant davantage le pays dans une incertitude d’une possible élection d’ici là.

C’est le président de la CENI qui a été le premier à ouvrir le bal de démissions. Il s’en est suivi celle de son vice-président, ainsi de suite… Tout ça donne l’impression que tout est mis en marche pour bloquer sciemment la machine et se rendre à l’évidence que les élections ne seront pas possibles devant cet imbroglio.

Le cafouillage est indescriptible : pas de calendrier général chronométré, pas assez d’argent pour les élections, une navigation à vue et pas de lumière au bout du tunnel. L’impasse est donc totale, même l’élection des 21 gouverneurs par 500 députés provinciaux seulement qui devait avoir lieu en octobre dernier, pour diriger les nouvelles provinces récemment créées, n’a pas eu lieu faute d’argent.

Le président de la république s’est résolu de procéder par la nomination des commissaires spéciaux pour diriger les nouvelles provinces, en attendant l’hypothétique l’élection des gouverneurs, alors que celui-ci avait déclaré dans une de ses entrevues antérieures qu’il ne le faire pas.

Du côté de l’Opposition politique, depuis quelque temps, elle est en porte-à-faux avec les décisions de la CENI. Se trouvant dans une situation embarrassante, elle ne se reconnait plus dans les membres qu’elle avait pourtant délégués au sein de cette institution. Ces derniers ayant tourné casaque, n’obéissent plus aux recommandations de leur famille politique.

Du côté de la Majorité présidentielle (MP), famille politique du chef de l’État, pas plus tard qu’hier, son secrétaire général a invité tous les membres issus du G7 (groupe des sept partis politiques exclus de la MP pour avoir adressé une lettre ouverte au président Kabila en septembre dernier) qui occupaient encore des postes revenant à la MP au sein de la CENI, de faire preuve de cohérence de leur choix politique et de libérer ces postes dans les meilleurs délais.

De son côté, la société civile aussi n’est pas restée en marge de la méfiance qui s’est installée entre la CENI et la classe politique congolaise. Elle exige simplement une recomposition complète du bureau de la CENI et la désignation de nouveaux animateurs en tenant compte de leur expertise, et non des considérations politiques. Il en va de la crédibilité même du processus et de l’organisation des élections à venir, étant entendu que l’élection est une opération beaucoup plus technique.

Bref, il y a une évidence que la CENI, dans sa configuration actuelle ou du moins pour ce qui en reste, ne rassure personne, ni par son indépendance, son expertise ou son objectivité. Elle est noyautée par la classe politique, toute tendance confondue. Il sera donc très difficile, techniquement, d’organiser les élections générales telles que prévues en 2016, même avec toutes les bonnes volontés du monde.

Devant cette évidence, que faut-il faire pour rassurer les Congolais que 2016 ne sera pas une apocalypse? Comment rassurer aussi les investisseurs et les capitaux étrangers, créateurs d’emploi et de prospérité économique, face à cette incertitude préoccupante?

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Un scénario possible de sortie de crise

Les acteurs politiques congolais savent bien que les élections ne seront pas possibles dans moins de 12 mois dans un pays comme la RDC, sans infrastructure de transport adéquat, sans administration électorale rodée et sans argent. Et même si l’argent était disponible, il ne faut pas se voiler la face et penser qu’il est encore possible d’organiser les élections crédibles en si peu de temps qui reste. Il est indéniable que pour des raisons de techniques, les élections de 2016 pourraient être différées de quelques mois.

Si tel est le cas, c’est maintenant qu’il faudrait commencer à réfléchir sur les dispositions à prendre pour gérer cette situation. Pour prévenir le chaos qui se profile à l’horizon, si jamais les élections n’ont pas lieu telles que prévues, un des scénarii possible serait d’envisager maintenant la possibilité de former un gouvernement de transition, pour éviter de s’empêtrer de nouveau dans une nouvelle crise.

Pour cela, les acteurs politiques et de la société civile congolaise devraient s’accorder sur l’éventualité de convoquer rapidement un dialogue politique, tel que déjà souhaité par un certain nombre d’entre eux, pour débattre de toutes ces questions, y compris la possibilité de former un gouvernement qui serait composé essentiellement des technocrates, sans appartenance politique et sans ambition pour les échéances à venir, afin de préparer sereinement et dans la transparence les élections prochaines.

En effet, les acteurs politiques congolais ont suffisamment d’expériences de conflits armés et d’où ils ont amené le pays, pour savoir qu’en démocratie, les problèmes ne peuvent se régler autrement que par un dialogue politique.

Les Congolais méritent mieux. Ils ont un pays est un béni de Dieu, qui dispose de tous les atouts possibles pour devenir un pays émergent où il fait bon vivre. Malheureusement, les Congolais qui dorment sur d’immenses ressources naturelles, doivent se résigner de toujours tendre la main vers l’occident, même pour des obligations qui affirment l’exercice de la souveraineté d’un État.

Gouvernement transitoire des technocrates

Dans une situation de crise politique, l’avantage d’un gouvernement transitoire composé des technocrates est, entre autres, qu’il a un temps bien limité avec un mandat clair de proposer des pistes de solutions pour régler les problèmes actuels et futurs au bénéfice de l’intérêt général. Ses décisions sont généralement guidées par la science et la technique, la rigueur et la rationalité, et non la partisanerie politique. Il ne s’embourbe pas dans la realpolitik du type de Machiavel qui considère que le seul but du Prince est de rechercher le pouvoir, indépendamment des questions éthiques et morales. Mais une realpolitik qui consiste à composer avec la réalité politique, économique, sociale et culturelle du pays pour le plus grand intérêt de tous.

Oui, certains pourront dire que la proposition d’un gouvernement des technocrates n’est pas démocratique. J’admets certes que la démocratie est nécessaire parce qu’elle permet aux citoyens de se choisir leurs dirigeants. Ce choix n’est toujours pas porté sur les meilleures personnes rompues dans la gestion de la chose publique, mais bien souvent sur ceux qui sont plus habiles et parfois rusés. Mais ça c’est un autre débat qui mérite une autre réflexion.

Qu’à cela ne tienne, une chose est certaine que si les Congolais veulent bien éviter de replonger leur pays dans une incertitude après 2016, il n’y a rien de mal que d’envisager toutes les solutions possibles et imaginables, c’est cela aussi la realpolitik.

Isidore KwandjaIsidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


COP21 : comprendre et tirer les leçons des échecs précédents

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Dans exactement un mois s’ouvrira à Paris la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/CMP11), du 30 novembre au 11 décembre 2015. Une conférence qui devra aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, avec un objectif de maintenir le réchauffement climatique mondial en deçà de 2 degrés Celsius.

Les optimistes estiment qu’il s’agit là d’une conférence de tous les espoirs pour protéger notre planète Terre et la préserver au profit de tous; alors que les pessimistes pensent qu’elle aboutira aux mêmes résultats que les précédentes.

Sans vouloir entrer dans les détails de l’argumentaire des uns et des autres, je me questionne simplement sur l’issue de cette conférence, à savoir: Est-ce que la COP21 va-t-elle réussir là où les précédentes ont échouée? En quoi est-elle différente des autres? Quelles sont les nouvelles propositions qui seront mises sur la table pour contenter tout le monde?

En réponse à toutes ces questions, j’ai toujours pensé que le principe 7 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, en 1992, représentait l’un des obstacles majeurs à l’aboutissement d’un accord international contraignant et opposable à tous.

Principe 7 – Responsabilités communes mais différenciées :

Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent.

Et que si les États voulaient réellement combattre le réchauffement climatique mondial, ils feraient mieux de réexaminer substantiellement ce principe 7 pour parvenir à un accord réaliste qui établirait un certain équilibre entre protection de l’environnement et prospérité économique.

Pour mieux saisir la portée de ce concept de «traitement différencié», il faut remonter très loin dans le temps pour connaitre l’origine et comprendre les véritables raisons de celui-ci et son intégration en droit international de l’environnement.

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En effet, c’est lors de la première Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) – organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations unies créé en 1964 -, que le concept de «traitement différencié» a été évoqué pour la première fois. La revendication majeure des pays nouvellement indépendants du Tiers-Monde était que le système commercial multilatéral mis en place par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) en 1947 ne répondait pas à leurs problèmes spécifiques.

Les pays du Tiers-Monde exigeaient l’instauration d’un Nouvel ordre économique international qui tienne compte des réalités des pays pauvres, notamment le traitement différencié au regard de leurs obligations conventionnelles, pour parvenir à réduire les inégalités économiques et sociales flagrantes et le fossé de plus en plus béant entre les pays riches et les pays pauvres.

Plus tard, avec la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995 – clef de voûte du système commercial multilatéral – pour régler les relations commerciales entre les États, le concept de «traitement spécial et différencié» a été intégré pour tenir compte des besoins particuliers des pays en développement et moins avancés.

Le concept de «traitement différencié» a donc été utilisé pour la première fois en droit international économique, spécifiquement dans les accords multilatéraux sur le commerce. Toutefois, il faut admettre sincèrement que malgré tout, les rapports de force et le pouvoir de négociations à l’OMC restent toujours très inégalitaires entre les États.

Dans le domaine de l’environnement, le principe du «traitement différencié» a été relancé par les pays en développement à la Conférence de Stockholm, en 1972, en se référant aux mêmes revendications évoquées pour les règles du système commercial multilatéral mentionnées ci-dessus. C’est seulement 20 ans plus tard, à la Conférence de Rio de Janeiro en 1992, que le «traitement différencié» a été défini clairement dans la Déclaration. L’idée était de moduler les obligations conventionnelles des États en fonction du niveau et des besoins de leur développement.

Depuis cette Conférence de Stockholm, les États ont jugé nécessaire de lier tous les efforts de protection de l’environnement aux efforts de développement économique, dans tous les traités internationaux en matière d’environnement. Une différenciation nette des obligations entre les groupes de pays – développés et en développement -, est faite afin de remédier aux inégalités socio-économiques. Voilà comment le traitement différencié est devenu l’une des bases de référence du droit international de l’environnement.

Mais bien que le traitement différencié soit adopté et intégré à la fois dans la Convention-cadre sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1992 et dans le Protocole de Kyoto en 1997, les différentes négociations sur le climat qui se sont poursuivies tout au long de 22 dernières années échoppent, entre autres, sur cette même question épineuse. Les États peinent à trouver un consensus sur l’application durable de cette différenciation de traitement dans un instrument juridiquement contraignant.

Une des raisons qui rend difficile l’adoption d’un accord contraignant, c’est le consensus sur la responsabilité que doivent assumer certains pays notamment (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui, autrefois, étaient catégorisés comme pays en développement, mais aujourd’hui ont connu une forte croissance économique et comptent parmi les grands pollueurs.

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Comment surmonter cette impasse et aboutir à un compromis?

Le réchauffement climatique est le résultat de notre mode de vie, de production et de consommation. Il constitue donc un des grands défis de notre époque auquel nous devons absolument relever. Tous les États devraient relire le Rapport Brundtland de 1987 pour comprendre que le développement durable doit être celui qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité, pour les générations à venir, de répondre à leurs propres besoins.

Pour nos intérêts égoïstes et parfois les choix des politiques publiques que nous adoptons, nous ne nous préoccupons pas de la détérioration de l’environnement et de la Terre, qui est un patrimoine commun à l’humanité toute entière. Nous feignons d’ignorer qu’en laissant brûler la Terre consciemment, la nature finira par devenir néfaste à tous les humains, peu importe leur niveau de développement, et le feu nous consumera tous.

Par contre, si nous voulons véritablement réduire le réchauffement climatique mondial, nous savons exactement ce que nous devons faire. Tous (États, entreprises, individus), nous devons mettre la main à la pâte et nous engager à participer individuellement et collectivement, en tenant bien évidemment compte des particularités de chacun et sa capacité de disposer des moyens appropriés d’atténuation et d’adaptation pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique.

Ceci dit, nous avons tous le devoir moral et la responsabilité éthique d’assurer la durabilité de l’environnement. Si chacun devait assumer sa responsabilité à la COP21, le résultat sera éclatant, mais si l’on recommençait à se rejeter des responsabilités historiques, le résultat sera mitigé comme lors des précédentes.

Qu’à cela ne tienne, une chose est vraie que si les problèmes environnementaux sont mondiaux, les impacts se font ressentir d’abord au niveau local, notamment par la fonte des glaces, l’élévation du niveau des mers, les inondations, la sécheresse, les vagues de chaleur, la contamination des réserves d’eau douce, les migrations massives, etc.

DSC02865yyyIsidore KWANDJA NGEMBO, Politologue.

Il a œuvré à la direction des affaires internationales sur le changement climatique au ministère de l’Environnement du Canada.


Canada-Afrique : Justin Trudeau va-t-il offrir une perspective nouvelle?

 

ORIGINAL

L’élection de Justin Trudeau est accueillie avec beaucoup d’enthousiasme, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. Par sa vision politique novatrice, le nouveau premier ministre canadien ouvre des perspectives nouvelles quant à l’orientation future en matière de politique étrangère. Sa vision du monde et son vif intérêt de renouer avec la politique traditionnelle du Canada, suscitent beaucoup d’espoir et d’attente au niveau international.

L’Afrique aussi espère retrouver un interlocuteur qui lui prête une oreille attentive. En effet, depuis les années 1960, le Canada a toujours été sensible aux problèmes des jeunes États africains nouvellement indépendants.

En 1960, alors que la République démocratique du Congo, quelques mois à peine accédait à l’indépendance sombra dans le chaos, le Canada, fort de son expérience dans les opérations de maintien de la paix, n’hésita pas à jouer un rôle déterminant au sein de la mission des Nations Unies au Congo (ONUC) pour rétablir la paix.

Depuis, le Canada bénéficiait de beaucoup de considération en Afrique, comme un pays qui contribuait au maintien de la paix et la sécurité internationale, notamment par son engagement aux opérations de paix des Nations Unies, sa diplomatie préventive efficace qui privilégiait le dialogue, la médiation et le consensus, et sa contribution financière importante aux programmes d’aide au développement en vue de combattre la pauvreté dans les pays en développement.

Mais pendant la décennie écoulée, le Canada a pris un virage à 180 degré en s’éloignant politiquement de l’Afrique. Du coup, la dynamique de la coopération canadienne d’autrefois a considérablement changé en donnant priorité essentiellement à la croissance économique et aux investissements privés. Ottawa n’a manifesté que peu d’intérêt politique à l’égard de l’Afrique.

Maintenant que la donne politique vient de changer à Ottawa, du moins sur le plan idéologique, une opportunité se présente de renouer politiquement avec l’Afrique. Ottawa devrait rétablir des relations cordiales avec les pays africains. Il devrait irrémédiablement revoir la politique qui a limité à 7 le nombre de pays africains bénéficiant du soutien financier et de l’assistance technique du Canada. Inutile de rappeler que cette politique n’avait pas du tout été bien accueillie par l’opinion publique africaine.

Ottawa devrait axer sa politique africaine sur trois volets essentiels (politique et diplomatique; humanitaire et développement; et économique et investissements privés) pour lancer un signal clair aux africains que le Canada de Justin Trudeau a une réelle volonté de renouer avec l’Afrique. Ces trois volets devraient être soutenus par des aides bilatéraux substantiels pour garantir les intérêts canadiens dans le continent.

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Volet politique et diplomatique

Le volet politique est très important pour renforcer les relations bilatérales entre les États et ouvrir des portes pour des opportunités d’affaires. D’ailleurs les spécialistes, tant de relations internationales que de développement international, sont très conscients et reconnaissent que toutes formes d’aide bilatérale comportent un certain degré de manipulation politique, économique ou diplomatique de la part du pays donateur.

En effet, le Canada est le seul développé qui n’a pas un passé colonial en Afrique et qui pouvait se prévaloir d’être un partenaire privilégié de l’Afrique, dans la mesure où il appartient à deux organisations intergouvernementales (Francophonie et Commonwealth) dont la plupart des pays africains sont membres soit de l’une, de l’autre ou de deux.

Dans ces deux organisations intergouvernementales, le Canada a une position de membre influent, politiquement et diplomatiquement, notamment par sa contribution financière au bon fonctionnement de celles-ci.

Et pourtant, la présence et l’influence politique du Canada en Afrique a diminué sensiblement. Le Canada a tout simplement fait mine d’ignorer l’importance politique que représentait l’Afrique comme un allié éventuel sur l’échiquier international. J’en veux pour exemple tous les efforts entrepris par la diplomatie canadienne pour persuader les États africains, membres de la Francophonie et du Commonwealth, d’appuyer la candidature du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont aboutis aux résultats non concluants.

Tout ceci pour dire que l’aide au développement est profitable, de part et d’autre, aussi bien pour celui qui donne que pour celui qui reçoit. Elle demeure un outil important dont disposent les diplomates qui s’en servent allègrement pour influer sur les décideurs politiques de leurs pays d’affectation. Elle facilite également la progression des intérêts politiques, économiques et diplomatiques de pays donateurs.

Volet humanitaire et développement

L’assistance humanitaire comme un support aux efforts de paix dans le monde et l’aide publique au développement (APD) qui, autrefois, étaient d’une importance vitale pour l’Afrique, ont vu leur budget se fondre comme neige au soleil, d’année en année.

Le Canada a sensiblement réduit sa participation aux opérations de maintien de la paix en Afrique, alors que nombre et l’intensité des conflits armés dans cette région du monde n’ont cessé d’augmenter au courant des dix dernières années.

Selon les statistiques de l’OCDE, l’APD du Canada se situerait aux alentours de 0.24 % du revenu national brut (RNB) en 2014, soit une baisse de 10.7 % en termes réels par rapport à 2013. Alors qu’il devrait normalement être d’au moins de 0.7% du RNB. L’APD du Canada a donc reculé tant en volume qu’en pourcentage du RNB, au point qu’aujourd’hui le Canada se classe au 16e rang des donneurs membres du Comité d’aide au développement (CAD) pour le rapport de l’APD au RNB et à la 10e place pour le volume de l’aide.

La part belle du budget du développement international est destinée essentiellement à la promotion des intérêts économiques privés, ce qui n’est pas mauvais en soi, si on pouvait faire de même pour l’assistance humanitaire aussi.

Avec l’adoption en septembre dernier des Objectifs du développement durable (ODD), espérons que le Canada pourrait se réengager avec un programme ambitieux pour aider l’Afrique dans le processus de réalisation des ODD.

Volet économique et investissements privés

Point n’est besoin de rappeler que l’Afrique regorge d’immenses ressources naturelles qui suscitent bien des convoitises.

Les quelques entreprises canadiennes qui sont présentes en Afrique, investissent essentiellement dans le secteur des ressources naturelles, notamment énergétique et de l’exploitation des mines.

Au cours des dix dernières années, le Canada a signé des accords de promotion et de protection des investissements étrangers (APIE) avec plusieurs pays africains pour éliminer les barrières discriminatoires et garantir aux entreprises canadiennes l’accès aux marchés nationaux, ce qui est une très bonne chose pour encourager les investissements étrangers dans le continent.

L’Afrique offre beaucoup d’opportunités d’affaires pour les entreprises canadiennes. Avec une volonté politique, le Canada peut faire davantage pour renforcer les liens économiques avec l’Afrique. Il dispose de ressources et de savoir-faire nécessaires pour obtenir des parts de marché importantes dans divers domaines tels que la construction des infrastructures de base.

En effet, pendant que le Canada a délaissé l’Afrique pour se tourner essentiellement vers l’Asie, notamment en Chine et en Inde, ces derniers se positionnaient en Afrique avec des gros investissements et raflaient les parts de marché importantes dans le continent. Aujourd’hui, la Chine devient pratiquement le premier partenaire économique de l’Afrique, dépassant même les partenaires traditionnels du continent. Elle est présente dans la plupart des pays africains et importe massivement les matières premières africaines.

Comme le nouveau premier ministre canadiens l’avait indiqué dans sa plate-forme électorale : « Nous allons rétablir le leadership du Canada sur la scène mondiale. » et répété après son élection : « le Canada est de retour sur la scène internationale », nous avons bon espoir et restons confiants que le gouvernement Trudeau va déployer des efforts substantiels pour rétablir des rapports cordiaux avec l’Afrique et consolider des relations politiques, économiques et diplomatiques avec celle-ci.

Les populations africaines aimeront voir un premier ministre canadien qui parle sincèrement aux dirigeants africains, pas seulement de l’économie et d’inopportunités d’affaires pour les investisseurs canadiens, mais aussi de l’État de droit, du respect des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité entre les sexes, de la non-discrimination et de la préservation de la paix et la sécurité internationale, telles sont des valeurs chères aux Canadiennes et Canadiens.

12065499_10153243477507183_6221012148673777083_nIsidore KWANDJA NGEMBO, Politologue & ancien conseiller à la direction de l’Afrique centrale et occidentale au ministère canadien des Affaires étrangères et commerce international.


RDC : le G7 dans l’opposition ou la stratégie du glissement ?

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Les responsables du groupe des sept partis politiques de la Majorité présidentielle (MP) en République démocratique du Congo (RDC), dénommé « G7 », signataires de la lettre articulée en 23 points et adressée au président Kabila en date du 14 septembre 2015, ont été pour les uns révoqués, pour les autres contraints de renoncer à leurs mandats au sein de différentes directions tant au gouvernement qu’aux deux Chambres du Parlement.

Tout le monde (y compris au sein de l’opposition politique congolaise) a applaudi un acte courageux venant des membres éminents de la MP. Une initiative qui va dans le sens du respect des principes démocratiques et du renforcement de l’état de droit qui doit être garanti par le respect strict de la Constitution.

Le G7 occupe le paysage politique congolais

Dans leurs premières déclarations publiques, les membres du G7 disaient qu’ils ne faisaient plus partie de la MP et ne rejoignaient pas non plus l’opposition politique, mais se battraient pour faire respecter strictement la Constitution du pays. En fait, ils étaient en faveur de la tenue des élections dans les délais constitutionnels afin de parvenir à une alternance démocratique en 2016. Une bataille que l’opposition politique est en train de mener depuis plusieurs mois déjà.

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Mais cette sortie fracassante du G7 dans le paysage politique congolais et surtout leur exclusion au sein de la MP a non seulement éclipsé complètement l’opposition politique traditionnelle, le G7 s’est approprié la bataille du respect de la constitution dont ils sont les géniteurs. De ce fait, le G7 occupe maintenant tout l’espace politico-médiatique. Sur les plateaux de télévision congolaise, ainsi que dans les journaux écrits, ne sont présents que les anciens sociétaires et les fidèles de la MP, aujourd’hui en discordance avec les principes idéologiques qu’ils ont pourtant élaborés ensemble et défendus bec et ongles.

Quel crédit peut-on donner à l’Homme politique congolais face à tout cet imbroglio quand on sait bien que dans ce pays la roue du changement d’allégeances politiques tourne beaucoup plus vite que celle du moulin?

Nombreux diront qu’il ne faut surtout pas croire tout ce que l’on dit. En RDC comme ailleurs, la plupart vont en politique non pas par conviction idéologique, mais plutôt par opportunisme.

À lire aussi : Et si c’était le stratagème du PPRD pour conserver le pouvoir?

Ce qui laisse surtout perplexe et est incompréhensible pour le commun des mortels est que ces hauts cadres quittent le « bateau MP » à quelques mois de la présidentielle et des législatives, alors qu’ils sont  comptables – les passifs et actifs – d’une décennie de gestion collective des affaires de l’État. Est-ce une fuite en avant, une réelle volonté de changement, un repositionnement politique ou une stratégie insidieuse de la MP. Une stratégie visant à injecter ses membres au sein de l’opposition en prévision du fameux dialogue politique, afin de consommer le glissement tant redouté? Tous ces questionnements ont le mérite d’être soulevés pour en avoir le cœur net sur la sincérité de l’acte posé par le G7.

Il est important de rappeler que ces personnalités du G7 ne sont pas n’importe quels simples quidams de la MP. Il s’agit bien des bonzes du régime Kabila. Les piliers qui ont construit l’édifice du régime et l’ont maintenu contre vents et marées pendant une décennie. Ils n’étaient pas tombés en disgrâce pour que l’on dise que ce sont des revanchards. La plupart d’entre eux occupaient encore des postes importants dans l’architecture gouvernementale.

Et si l’histoire se répétait?

En effet, ceux qui s’intéressent à la situation politique congolaise de vingt-cinq dernières années vont certainement se souvenir des péripéties des années 90. Tout ce qui se passe actuellement dans le paysage politique congolais n’est pas sans rappeler la fameuse « Union sacrée de l’opposition radicale et alliés (Usoral) », un regroupement politique de l’opposition contre le régime du président Mobutu.

Après son fameux discours du 24 avril 1990 dans lequel Mobutu annonçait la fin du MPR parti-État et le début du multipartisme, il y a eu une multitude des partis politiques qui se sont créés et qui se réclamaient de l’opposition. Nombreux d’entre eux avaient rejoint le noyau dur composé de l’UDPS pour former une plateforme dénommée « Usoral » qui, au départ, était derrière Tshisekedi. Mais après un court cheminement ensemble, l’Usoral s’est morcelée pour finalement rejoindre leur famille naturelle de la mouvance présidentielle, d’où provenaient la plupart d’entre eux. La morale de l’histoire, c’est que l’opposition a été émiettée et complètement affaiblie de l’intérieur. Il ne faut donc pas sous-estimer la capacité de l’Homme politique congolais à se métamorphoser pour les besoins de la cause.

Plus de vingt ans après, sommes-nous en train de revivre les mêmes scénarii des années 90? Seul l’avenir nous dira si nous pouvons ou non accorder le bénéfice du doute quant à la sincérité du G7 de barrer la route à un probable troisième mandat de Joseph Kabila. Et surtout de l’empêcher de glisser après novembre 2016.

Ce qui est sûr, c’est que, quelle que soit la manière dont les événements vont se dérouler dans les jours et mois à venir, Karl Marx nous prévient déjà que : « Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre. »

Qu’on le veuille ou non, le G7, désormais constitué en plateforme politique, devient ipso facto un interlocuteur avec lequel l’opposition devrait compter pour faire pression au régime en place afin de respecter la Constitution et organiser les élections dans le délai prévu. La politique est toujours dynamique et la vigilance devrait être le maître mot.

À lire aussi : Moise Katumbi : l’homme qui peut déboulonner Joseph Kabila en RDC.

ikIsidore Kwandja Ngembo,politologue


Moise Katumbi : l’homme qui peut déboulonner Joseph Kabila en RDC

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Le richissime homme d’affaires, Moïse Katumbi Chapwe, 50 ans révolus, qui a fait fortune dans le secteur privé avant de s’engager en politique, est celui qui pourrait succéder à Joseph Kabila au pouvoir depuis 15 ans en République démocratique du Congo (RDC).

C’est désormais officiel, celui qui était depuis 2007 jusqu’à hier gouverneur de la riche province du Katanga et membre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), parti cher à Joseph Kabila, vient de démissionner de son poste de gouverneur. Moïse Katumbi a immédiatement pris ses distances avec Joseph Kabila, en claquant également la porte du parti présidentiel dont il était représentant provincial.

Dans sa lettre de démission, Moïse Katumbi dit :

« Au moment où nous, peuple congolais, entrons dans la dernière ligne droite du dernier mandat constitutionnel du président de la République, les faits indiquent que depuis maintenant un an, tout est mis en œuvre pour ne pas respecter la Constitution […] Je m’oppose fermement à tout prétexte pour retarder les élections […] Ces derniers temps, trop d’exemples doivent nous alerter : arrestations arbitraires de militants pro-démocratie, interdictions de sorties de films, intimidations de toutes sortes, répressions policières de plus en plus violentes, coupures des connexions Internet […] Il est de mon devoir, en tant qu’homme politique d’interpeller nos dirigeants sur ces dérives inacceptables. »

En effet, quand bien même il ne se serait pas encore prononcé officiellement sur son avenir politique, il s’agit à mon avis d’un secret de polichinelle. Cette double démission ne laisse aucun doute sur ses intentions de briguer la présidence de la République. Depuis très longtemps, on le voyait venir avec cette annonce qui marque définitivement la rupture avec le régime Kabila.

Il y a quelques mois, il avait déjà annoncé qu’il quitterait son poste de gouverneur de province du Katanga, même si son électorat ne voulait pas l’entendre de cette oreille.

Maintenant qu’il vient de franchir le Rubicon, il n’y a plus de doute possible, c’est désormais une question de quelques jours. Moïse Katumbi va annoncer sa candidature à la présidentielle de novembre.

Katumbi peut-il réellement gagner et succéder à Kabila?

Il est important de rappeler que Joseph Kabila a hérité accidentellement du pouvoir de l’État en RDC à la suite de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001, qui, lui-même a, avec sa rébellion armée, chassé l’ancien président Mobutu en 1997. Il n’est donc pas arrivé au pouvoir par la voie démocratique.

En 2oo6, Joseph Kabila a, avec le soutien de la communauté internationale, organisé des élections présidentielle et législatives à l’issue desquelles il a été proclamé gagnant. Mais selon l’Eglise catholique qui avait déployé le plus grand nombre d’observateurs électoraux sur toute l’étendue du pays, c’est Jean-Pierre Bemba qui aurait gagné.

En 2011, Joseph Kabila a organisé des nouvelles élections. Cette fois encore même scénario : nombreux observateurs déployés aussi bien par l’Eglise catholique que par des ONG internationales disaient que c’est Étienne Tshisekedi qui avait gagné massivement. Et malgré toutes les protestations qu’elles ont à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, Joseph Kabila est resté au pouvoir avec le soutien de l’armée, de la police et de services secrets, et doit finir son deuxième et dernier mandat dans une année.

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Si les élections présidentielle et législatives ont lieu effectivement en novembre 2016 avec Joseph Kabila comme candidat, qui peut le battre et obtenir l’imperium?

À cette question, quatre éléments de réponse doivent être considérés (le soutien populaire, l’argent, le soutien des forces de l’ordre et ultimement le soutien international). Considérant ces quatre éléments, il nous semble que M. Katumbi pourrait bien les réunir pour succéder à Joseph Kabila.

Dans le contexte africain, la grande majorité de la population est analphabète, paupérisée, très fragile face à la corruption et au clientélisme. Et surtout, elle n’a pas suffisamment d’informations pour faire un choix judicieux d’un candidat qui a un projet de société capable de sortir le pays de la misère et la pauvreté. Il faut reconnaître que la période électorale consiste essentiellement à distribuer des petits cadeaux aux électeurs pour obtenir des voix.

Sur ce point, Moïse Katumbi présente un avantage comparatif. Il a ses propres moyens financiers pour faire campagne sur toute l’étendue du pays. Comme on l’a vu en 2006 et en 2011, la plupart des candidats ne disposaient pas des moyens conséquents pour faire campagne sur toute l’étendue de la RDC, un pays sans infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires.

C’est évident, qu’avec le capital de sympathie dont il jouit notamment auprès de ses amis de la Majorité présidentielle (MP) et de l’Opposition politique, auprès de la population congolaise en général et particulièrement celle du Katanga, Moïse Katumbi peut assurément obtenir les appuis nécessaires dans toutes les provinces de la RDC pour succéder à Joseph Kabila.

Patron d’un grand club de football congolais « TP Mazembe », qui a déjà remporté à deux reprises la Ligue des champions africaine et atteint la finale de la Coupe du Monde des Clubs, Moïse Katumbi est populaire à l’intérieur du pays. Il l’est surtout auprès de la jeunesse, le groupe d’électeurs le plus nombreux dans ce pays.

Dans un pays grand comme un continent, sans armée nationale et républicaine, gagner une élection présidentielle est évidemment une très bonne une chose, mais avoir l’effectivité du pouvoir en est une autre. Les dernières élections ont montré que sans le soutien de l’armée, de la police et de service secret, il est pratiquement difficile d’avoir l’imperium.

Sur ce point également, Moïse Katumbi peut être le mieux placé pour, non seulement battre Joseph Kabila très impopulaire à cause de ses intentions de briguer un mandat de plus, mais également obtenir le soutien de l’armée, de la police et de services secrets.  En effet, trois quarts des hauts gradés sont essentiellement issus de la province du Katanga.

La RDC n’étant pas n’importe quel pays d’Afrique, plusieurs groupes d’intérêts bataillent pour avoir le contrôle et l’exploitation des minéraux congolais. Ces groupes d’intérêts ont des relais avec les puissants de ce monde qui, malgré votre choix démocratique, décident en dernier ressort qui peut ou non diriger tel ou tel pays.

Sur ce point aussi, Moïse Katumbi peut bien compter sur le soutien au niveau extérieur. Né d’un parent juif qui avait fui la Seconde Guerre mondiale pour s’établir au Katanga, Moïse Katumbi bénéficierait de solides soutiens de milieux financiers occidentaux, notamment juifs (Washington, Londres, Tel-Aviv, Paris, Bruxelles, Ottawa), très influents dans leurs pays respectifs.

Tout ça réuni, il y a donc peu de chances pour quiconque veut se faire élire, s’il ne dispose pas suffisamment des soutiens énumérés ci-haut.

Certes, il y a d’autres outsiders qui ont une feuille de route impressionnante et des programmes ambitieux pour le Congo, notamment Noël Tshiani et Freddy Matungulu qui ont fait leur carrière internationale auprès des institutions de Bretton Woods et qui comprennent mieux le système de la gouvernance mondiale. Mais l’entrée en scène de Moïse Katumbi va certainement refroidir bien des ardeurs de ceux qui ambitionnaient également de briguer la magistrature suprême.

Mais une chose est vraie, dans le contexte actuel de la RDC, un pays fragile qui sort lentement d’une longue guerre, avec une armée, une police et des services secrets tribalisés. Il nous semble que Moïse Katumbi serait probablement celui qui pourrait jongler avec toutes ces évidences pour déboulonner Joseph Kabila et obtenir l’appui des forces de l’ordre pour stabiliser le pays.

Il ne faut surtout pas perdre de vue qu’à quelques mois de la présidentielle, Joseph Kabila n’a démontré aucun signe qui laisse présager de sa volonté de quitter le pouvoir à la fin de son mandat en 2016. Par contre, sa dernière décision de révoquer les membres de son gouvernement qui se sont opposés à la modification de la Constitution conforte les pressentiments de ceux qui le soupçonnent de vouloir s’accrocher absolument au pouvoir au-delà du délai constitutionnel.

Face à cette réalité implacable, les prétendants candidats à la magistrature suprême devraient comprendre qu’il est nécessaire de fédérer leurs forces autour de l’un d’entre eux qui réunit suffisamment d’atouts pour sauver la démocratie en RDC et redonner de l’espoir au peuple congolais.

Si Moïse Katumbi a un destin national, il doit d’abord gagner le pari d’approcher les potentiels candidats pour former une force politique qui fera face à Joseph Kabila. En effet, depuis les premières élections après l’accession du pays à l’indépendance, suivie de celles de 2006 et 2011, l’histoire nous apprend qu’aucun candidat n’a gagné sans avoir fait une coalition avec d’autres forces politiques.

Une bonne équipe est le premier élément essentiel sur lequel repose toute victoire électorale. Moïse Katumbi devrait à tout prix éviter de tomber dans les divisions tribales et s’entourer d’une équipe outillée et professionnelle en communication politique pour polir son image et le faire connaître auprès du public congolais et international. Il doit avoir derrière lui de la matière grise pour analyser, formuler et proposer de supports de communication efficace pour convaincre tous ceux qui sont méfiants et croient à tort ou à raison qu’il serait le candidat de la MP fidèle à Kabila et qui tient à conserver le pouvoir.

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DSC02837 (1)Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue

 


Majorité présidentielle en RDC : difficile respect de la ligne du parti

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En l’espace d’une semaine, deux événements majeurs ont profondément changé la donne et modifié le paysage politique en République démocratique du Congo (RDC). Conséquence logique d’un climat politique délétère, couplé d’une méfiance qui règne dans ce pays au point où, il est pratiquement difficile de tenir un dialogue franc et sincère entre les différents acteurs politiques.

Premièrement, le retrait soudain de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), la fille aînée de l’opposition congolaise, à la table de négociation avec Majorité présidentielle (MP) en vue de la préparation d’un dialogue national qui devait absolument se tenir avant les élections présidentielle et législatives apaisées, prévues en novembre 2016.

Deuxièmement, la lettre ouverte du G7 (Groupe des sept partis politiques exclus de la MP) adressée au président Kabila exigeant le strict respect de la Constitution du pays. Cette goutte d’eau, lettre de trop, qui a fait déborder le vase de la MP, au point de provoquer de l’énervement au sein de cette famille politique qui a soutenu fermement Joseph Kabila en 2006 et 2011. Ce dernier n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, en procédant immédiatement à la révocation des frondeurs. S’en est donc suivi une série des démissions en cascade tant au sein de la direction de deux chambres du Parlement qu’au gouvernement dit de « cohésion nationale ».

Ces deux événements ont affecté toutes les tentatives entreprises par la MP en vue de repousser les élections et ainsi offrir une chance de plus à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir après novembre 2016.

President Kabila looks on during signature ceremonies.
President Kabila looks on during signature ceremonies.

Décidément la mayonnaise ne prend pas. Les choses semblent se compliquer de plus en plus pour l’actuel président qui, il faut le dire, est resté sourd à toutes les agitations au sein de sa famille politique qui aimerait savoir s’il se présentera ou pas en 2016. Même ses plus proches collaborateurs ne sont pas informés de son avenir politique après 2016.

Qu’à cela ne tienne, avec les révocations et démissions survenues à la suite de la publication de la lettre ouverte du G7, il est absolument nécessaire de réaménager l’équipe gouvernementale qui a été amputée subitement d’un certain nombre de ministres seniors.

Par souci de cohésion et d’efficacité, le premier ministre Matata Ponyo devrait absolument procéder rapidement à un remaniement de son cabinet pour combler les postes laissés vacants. Mais à l’approche des échéances électorales, personne ne peut se faire d’illusions, il est fort probable que le premier ministre tiendra compte prioritairement de poids politique des composantes restantes dans la MP, encore fidèles à leur autorité morale.

Qu’adviendra-t-il des ministres qui n’ont pas respecté la ligne du parti ?

La ligne du parti est nécessaire pour une action efficace des partis politiques tant au sein du gouvernement que du parlement. Les députés et ministres doivent être loyaux à leurs chefs et aux décisions de leurs partis politiques respectifs. Dans le contexte du parlementarisme canadien, par exemple, la ligne du parti fait référence à l’obligation qu’ont tous les députés membres d’un parti de respecter la discipline du parti lorsque vient le temps de voter sur une motion présentée ou une question particulière à la Chambre des communes (Parlement).

Ainsi donc, en faisant un saut en politique sous la bannière d’un parti, un acteur politique doit savoir qu’il fait partie d’une équipe et sous la direction d’un chef du parti. Il doit se conformer à la ligne et aux orientations déterminées par le parti, même si celles-ci vont à l’encontre de ses propres ambitions.

Dans la plupart de régimes politiques, les candidats se présentent aux élections sous la bannière d’un parti politique. Et lorsqu’ils sont élus, ils doivent savoir que c’est le parti qu’on a choisi avant tout. Et donc, ils doivent leur élection, dans bien des cas, à leur parti. Et quand le parti choisit un membre pour faire partie d’un gouvernement d’union nationale, ce ministre représente d’abord son parti et doit veiller aux intérêts de celui-ci. S’il arrive que son parti lève une option sur une question fondamentale donnée, il doit se conformer scrupuleusement. Sinon, il ferait mieux de se lancer en politique en tant qu’indépendant.

En effet, après que le G7 ait été exclu, le bureau politique de la MP a demandé à tous les parlementaires membres des bureaux de deux chambres, ainsi qu’à tous les ministres appartenant au G7 de se prononcer publiquement, soit pour désavouer les signataires de la lettre ouverte, soit alors de démissionner parce que leurs partis n’étaient plus membres de la MP. Ce qui est tout à fait logique.

En démocratie, les électeurs votent, dans la plupart des cas, pour le parti que pour le candidat. Le gros bon sens voudrait que lorsque les militants votent pour un candidat de leur parti, que celui-ci reste fidèle et défende le projet de société établi par son parti au sein du Parlement et au gouvernement. Ils ne s’attendent pas à ce qu’une fois député ou ministre, que celui-ci puisse tourner le dos à son parti pour ses intérêts personnels. Il semble qu’il y a là une question d’éthique pour tous les élus, face à eux-mêmes, à leurs électeurs et aux partis qui les ont mandatés au gouvernement.

De toute façon, le changement d’allégeance en politique n’est toujours pas bien perçu, aussi bien par ceux que vous avez trahis, que par ceux qui vous reçoivent pour X raisons.

Sans vouloir tirer des conclusions hâtives sur le sort qui attend les ministres qui ont désobéi au mot d’ordre de leurs partis, nous pouvons dire que ces ministres doivent être conscients qu’ils ne représentent aucun poids politique en restant dans la MP comme indépendants. En effet, ils n’ont pas de chance de conserver longtemps leurs postes ministériels, devant la multitude de partis qui ont pignon sur rue dans la MP et attendent désespérément leur entrée au gouvernement. C’est comme qui dirait : « Donner une deuxième chance à quelqu’un qui t’a trahi, c’est comme donner une deuxième balle à quelqu’un qui t’a manqué. »

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Lutte contre le changement climatique : l’Afrique attend une juste rétribution

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Les quatre prochains mois qui précèdent la fin de l’année 2015 seront déterminants pour l’avenir de notre planète Terre et l’héritage que nous laisserons aux générations futures. En effet, l’humanité s’apprête à vivre deux événements majeurs internationaux qui pourront ouvrir la voie à un nouveau chapitre de la lutte contre le changement climatique.

Du 30 novembre au 11 décembre 2015, les États membres des Nations unies devront se réunir à Paris, dans le cadre de la 21e conférence internationale sur les changements climatiques. Au menu de cette rencontre; un accord contraignant sur le climat avec pour objectifs de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Et ainsi limiter à 2 degrés Celsius le réchauffement climatique mondial, conformément à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

La conférence de Paris sera précédée par un sommet des Nations unies à New York, du 25 au 27 septembre 2015, un sommet consacré à l’adoption d’un nouveau programme de développement durable pour l’après-2015. Il s’agit en effet des nouveaux Objectifs de Développement durable (ODD) que les États veulent se fixer pour orienter leurs actions en faveur d’un développement durable et équitable, afin d’améliorer les conditions de la vie humaine. Ces nouveaux Objectifs s’appuieront naturellement sur les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qui arrivent à échéance à la fin de l’année 2015.

Mais, même s’il convient de reconnaître que des progrès notables ont été réalisés pour atteindre les OMD, il y a lieu de noter néanmoins que la pauvreté est loin d’avoir été éradiquée. Certaines régions du monde n’ont pas encore un accès à l’eau potable indispensable à la vie et à l’énergie électrique nécessaire pour une activité économique.

Il est donc important que les décideurs politiques et économiques, tant au niveau international, national qu’au niveau local, prennent conscience que le réchauffement climatique est irréversible et nuit énormément au bien-être des humains. Et, qu’il est temps maintenant de prendre des mesures d’urgence et des solutions novatrices réalistes pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Tous les efforts de lutte contre le changement climatique devraient tenir compte à la fois des problèmes liés au développement durable, au développement socio-économique, à l’équité et l’égalité sociale pour réellement combattre la pauvreté et améliorer les conditions de la vie humaine.

La forêt comme une des solutions au réchauffement climatique

Les scientifiques spécialisés dans les questions de changement climatique sont d’avis que l’augmentation des émissions de GES expose inévitablement la planète Terre au réchauffement climatique. Ils reconnaissent également que les forêts jouent un rôle important dans le processus de réduction des émissions de GES, dans la mesure où elles contribuent au stockage de carbone et à l’atténuation des émissions anthropiques. En effet, les arbres retiennent le CO2 par le mécanisme de la photosynthèse, rejetant l’O2 et stockant le carbone atmosphérique.

Dans une étude menée par les chercheurs de University College London et University of Leeds au Royaume-Uni, les auteurs notent par ailleurs que les forêts tropicales représentent plus de la moitié du patrimoine boisé mondial et sont le principal foyer de biodiversité.

L’Assemblée générale des Nations unies a, dans une résolution déclarant l’Année internationale de la forêt, rappelé également que :

Les forêts sont une partie intégrante du développement mondial durable : les activités économiques relatives aux forêts ont une incidence sur l’existence de 1,6 milliard de personnes au plan mondial, apportent des bienfaits socioculturels, servent de fondement aux savoirs autochtones et, en tant qu’écosystèmes, jouent un rôle primordial en matière d’atténuation des répercussions des changements climatiques et de protection de la biodiversité.

Incontestablement, la forêt fait partie intégrante des solutions pour un développement durable.

Le parc national Yasuni, dans l'Amazonie équatorienne, est probablement le biote hébergeant la plus grande densité de biodiversité de la planète.
Le parc national Yasuni, dans l’Amazonie équatorienne, est probablement le biote hébergeant la plus grande densité de biodiversité de la planète.

Forêt du bassin du Congo et lutte contre le changement climatique

Avec plus de 200 millions d’hectares de la forêt tropicale, le bassin du Congo en l’Afrique centrale est le second poumon écologique du monde et le plus grand réservoir de biodiversité en Afrique. Cette forêt libère de l’oxygène indispensable à la vie de toute l’humanité. Mais force est de reconnaître que les populations locales qui se privent des avantages qu’elles auraient pu tirer de son exploitation ne reçoivent pas nécessairement une rétribution juste et équitable, correspondant aux sacrifices qu’ils endurent pour garder intacte cette forêt au bénéfice de toute l’humanité.

Nous ne devons pas perdre de vue qu’en Afrique subsaharienne, la forêt est un élément vital du mode de vie traditionnel et une ressource socio-économique pour les populations locales. Plusieurs centaines de millions de personnes ne disposant pas de l’énergie électrique dépendent de la forêt pour leur survie. Ils se servent pour la construction de cabane; de la biomasse pour cuisiner, se chauffer, s’éclairer; de la chasse et la cueillette pour se nourrir; mais aussi des racines et écorces d’arbre (substances médicamenteuses) pour se soigner, etc.

Accès au financement pour lutter contre le changement climatique

Pour utiliser le langage politiquement correct, disons que certains pays pauvres ne sont pas en mesure d’aller chercher suffisamment des ressources financières disponibles au niveau international pour assumer les coûts d’adaptation et d’atténuation aux effets climatiques. Plusieurs obstacles d’ordre technique se dressent à eux, les empêchant d’accéder équitablement aux instruments de financements internationaux destinés à soutenir tous les efforts d’adaptation et d’atténuation aux effets climatiques.

Très souvent, on entend également dire que les pays pauvres manquent des ressources humaines capables de comprendre la complexification des mécanismes internationaux de financement et de présenter à temps des projets qui répondent aux exigences des bailleurs de fonds. Ceux qui parviennent tout de même à présenter des projets selon les standards exigés, reçoivent des sommes « dérisoires » qui ne correspondent pas du tout aux besoins d’adaptation et d’atténuation aux effets du climat.

Au regard de tout ce que précède, il apparaît clairement que la préservation de l’immense ressource forestière du bassin du Congo n’a pas pour objectif seulement d’assurer le bien-être de populations locales. Cette mesure concerne l’humanité tout entière, dans la mesure où cette forêt contribue à la réduction des émissions de GES à échelle mondiale.

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Investir dans le développement des énergies renouvelables pourrait faire d’une pierre deux coups dans la préservation de la forêt : à la fois procurer de l’énergie à un prix abordable à la population locale qui utilise la biomasse pour cuisiner, se chauffer et s’éclairer; mais également stimuler l’activité économique pour sortir l’humain de la pauvreté.

Par contre, ne pas investir dans la préservation de cette importante ressource forestière qui contribue à limiter le réchauffement climatique mondial, c’est laisser le bassin du Congo à la merci de « prédateurs », à la recherche effrénée du lucre, qui coupent à la tronçonneuse les arbres et saignent à blanc la forêt tropicale pour extraire des grumes de bois brut destinées à l’exportation.

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Ainsi, avec la déforestation qui se poursuit à une vitesse grand V, la dégradation de la forêt du bassin du Congo aura des conséquences néfastes, non seulement pour les populations locales qui en dépendent, mais également pour population mondiale qui bénéficient du bienfait de cette forêt.

 

DSC02722 (1)Isidore KWANDJA NGEMBO a été analyste des politiques à la direction des affaires internationales sur le changement climatique au ministère de l’Environnement du Canada et conseiller à la direction d’Afrique centrale au ministère des Affaires étrangères et Commerce international du Canada.

 


Dernier voyage du président Obama en Afrique : côté pile et côté face

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À seize mois de la fin de son deuxième et dernier mandat en tant que président des États-Unis, Barack Obama, prépare déjà une sortie honorable de la Maison Blanche et met la table pour les prochains défis qu’il compte relever après sa présidence.

Son quatrième et dernier voyage dans le continent africain, en tant que président, est à la fois une occasion de retrouvailles avec sa famille biologique et une tournée d’au revoir d’un « fils du continent » qui a assumé deux mandats consécutifs à la tête de la super puissance mondiale.

Que peut-on retenir côté pile et côté face de ce dernier voyage du 44e président américain en Afrique?

CÔTÉ FACE : SAUVER LA FACE

Le choix du Kenya comme dernière destination du président Obama en Afrique n’est pas fortuit. Depuis son élection en novembre 2008 et son accession à la Maison Blanche en janvier 2009, Barack Obama n’était pas allé au Kenya, pays natal de son père, bien qu’il y fût allé à trois reprises déjà avant, en quête de ses racines africaines.

Le Kenya n’est donc pas que le pays de son père, c’est aussi son pays. On ne se doutait pas qu’il puisse, un jour, faire un voyage au Kenya pendant sa présidence, ne serait-ce que pour honorer son défunt père. Mais le président américain ne pouvait pas aller s’afficher publiquement avec un président kényan, Uhuru Kenyatta, qui était poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité perpétrés par ses supporteurs pendant la période post-électorale de 2007 et qui avaient fait plus de 1 500 morts.

La première escale de deux jours à Nairobi de son périple africain, bien qu’officiel, était d’abord et avant tout un retour au bercail d’un « enfant du pays ».

Comme il l’a dit lui-même : « Je vous avais promis que je viendrais, et en tant qu’homme politique, il est important de tenir ses promesses […] Je suis très fier d’être le premier président kényan des États-Unis ».

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À son atterrissage à l’aéroport Jomo-Kenyatta de Nairobi, on a remarqué une forte présence de la famille biologique du président, notamment les images de retrouvailles chaleureuses avec sa sœur et ensuite aux côtés de sa grand-mère très émue, qui témoignent de son attachement à ses origines africaines.

Comme un fils du pays, Barack Obama n’a pas porté de gants ni usé de langage diplomatique pour dénoncer ouvertement la corruption et le tribalisme qui minent le Kenya, mais aussi l’ensemble des pays africains.

« Au Kenya, comme dans d’autres pays d’Afrique, la corruption est tolérée… alors que c’est un fléau qui ronge le pays et le tire vers le bas […] vous devez savoir vous lever et dire trop c’est trop », dixit le président américain devant un auditoire de près 5 000 personnes triées sur le volet.

CÔTÉ PILE : TOURNÉE D’AU REVOIR

L’étape d’Éthiopie est strictement officielle. En effet, Addis-Abeba est le siège des institutions de l’Union africaine. Le président Obama y prononcera un discours historique. Discours d’au revoir en tant que président et fils du continent devenu le président de la super puissance économique et militaire du monde, alors que le continent fait face à des sérieux problèmes économiques et en proie aux conflits armés et guerres civiles.

En effet, comme lors de ses trois précédents voyages dans le continent africain, le président Obama choisit toujours les pays qui s’efforcent de faire progresser la démocratie et l’État de droit.

Les États-Unis n’ont cessé d’encourager les pays africains dans leurs efforts de démocratisation. Nul doute que comme à Nairobi, le président Obama va rappeler aux Africains la nécessité de respecter les lois fondamentales de leurs pays et de lutter contre toutes les formes de discrimination, comme il le fait lui-même dans son pays.

QU’EST-CE QUE SA PRÉSIDENCE A APPORTÉ AUX AFRICAINS?

L’élection Barack Obama avait été célébrée partout en Afrique. Nombreux croyaient à tort ou à raison que maintenant qu’un fils du continent est à la Maison-Blanche, il aurait une oreille attentive aux préoccupations des Africains.

Ceux qui disent que le président Obama n’a rien fait pour les Africains doivent savoir que celui-ci est d’abord et avant tout le président des Américains, à qui il doit rendre des comptes. En tant que tel, il n’a rien d’africain à part son nom. Il agit comme tous les autres dirigeants américains avant lui, c’est-à-dire qu’il est au service des intérêts américains dans le monde.

Il est donc illusoire de penser un seul instant que le président Obama puisse faire des concessions lorsque les intérêts de son pays sont en contradiction avec ceux des Africains: « Business is business».

Ceux qui ont compris que Barack Obama est un président américain au service des Américains savent qu’aux États-Unis, il a beaucoup fait pour les Américains en général et les Afro-Américains particulièrement. Déjà par sa présence à la Maison-Blanche,  il a brisé le plafond de verre, démystifié les mythes et préjugés, permis aux jeunes noirs de rêver aux lendemains meilleurs.

Bien qu’il soit astreint au devoir de réserve, Barack Obama est très conscient des réalités que vivent encore aujourd’hui les Afro-Américains aux États-Unis. Il n’a jamais hésité de dénoncer, avec beaucoup de délicatesses, les brutalités policières et autres comportements discriminatoires des agents de l’ordre.

On a qu’à se rappeler de propos tenus lors de l’arrestation de l’Afro-Américain et professeur à Harvard University, Henry Louis Gates Jr, comme un malfrat par le sergent Crowley, ou encore à la suite de la mort de Michael Brown, abattu par un policier à Ferguson. Il a dénoncé certaines « lois raciales », encore en vigueur, qui font peupler le nombre des noirs dans les prisons américaines.

Il ne s’est jamais gêné ni même complexé de promouvoir les Afro-Américains qui ont des compétences éprouvées. Il suffit de jeter un coup d’œil dans son administration pour s’en rendre compte.

Tous les efforts qu’il entreprend dans son pays pour rapprocher les communautés bénéficient également aux Africains, directement ou indirectement.

À la fin de sa présidence, les Africains peuvent aussi profiter d’un Barack Obama, même sans mandat public, pour soutenir, cette fois-ci, les causes qui leur tiennent à cœur. Il a un charisme hors du commun, une personnalité digne de respect et peut réussir à faire évoluer positivement les mentalités.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


Un nouveau président à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie

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La 41e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) qui s’est tenue à Berne en Suisse, du 6 au 10 juillet 2015; et dont le thème choisi pour le débat général était : « Encourager l’accès à une formation de qualité pour tous : un défis prioritaire pour la Francophonie », a connu un temps fort, celui de la passation de pouvoir entre l’ancien et le nouveau président.

En effet, le mandat de deux années de la présidence canadienne s’est achevé à l’issue de la 41e session annuelle de l’APF. Le sénateur Paul E. McIntyre a parachevé le mandat qu’avait entamé par sa collègue Andrée Champagne en juillet 2013. Celle-ci avait tiré sa révérence du Sénat en juillet 2014, pour avoir atteint l’âge limite de 75 ans pour siéger à la Chambre haute du Canada.

C’est le président de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, Aubin Minaku Ndjalandjoko, qui a pris la relève. Il a été élu par acclamation à la  présidence de l’APF pour deux ans.

Pour rappel, l’APF a été créé en mai 1967 au Grand-duché de Luxembourg, d’abord comme une Association internationale des parlementaires de langue française, puis comme une Assemblée parlementaire de la Francophonie. Elle réunit actuellement des parlementaires de 81 assemblées issues des cinq continents.

Il est important de mentionner également que l’APF avait joué un rôle important à la création, en 1970, de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue par la suite l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Son statut d’Assemblée consultative de l’OIF « Parlement de la Francophonie » a été confirmé par la Charte de la Francophonie, en son article 2. Elle sert donc de relais entre les instances de l’OIF et les populations francophones; et participe activement à la vie institutionnelle de la Francophone en donnant des avis et recommandations destinés aux chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage.

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Aubin Minaku pourrait-il infléchir sa famille politique?

Le nouveau président de l’APF est à la fois président de l’Assemblée nationale de la RDC, et en même temps secrétaire exécutif de la Majorité présidentielle (MP), une plateforme de partis politiques et personnalités qui appuient les politiques du chef de l’État congolais Joseph Kabila et qui veulent, à tout prix, le voir se représenter pour un troisième mandat.

En janvier 2015, le gouvernement congolais a présenté au parlement un projet de loi portant modification de la loi électorale en vigueur. Celui-ci subordonnait l’organisation des élections au recensement général de la population. Mais nombreux observateurs de la situation politique dans ce pays considéraient certaines dispositions de ce projet de loi comme voulant intentionnellement prolonger de facto, le mandat du président Kabila qui, constitutionnellement, ne devrait plus briguer un troisième mandat.

Le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, avait joué un rôle déterminant pour faire passer le vote de cette loi, malgré la vive tension qui prévalait pour exiger la suppression de l’alinéa 3 de l’article 8 de la loi controversée. Il a convoqué une session extraordinaire pour faire voter la loi électorale par les députés de sa Majorité présidentielle, les autres ayant boycotté la plénière.

Le vote de cette loi avait entraîné des manifestations de protestation violente dans les grandes villes du pays pendant trois jours, du 19 au 21 janvier 2015. Il y a eu plusieurs dizaines des morts, selon les ONG des droits de la personne. Finalement, l’Assemblée nationale a fait marche arrière et procédé au retrait pur et simple de ladite disposition de la loi controversée.

 « Étant les élus directs du peuple, nous étions donc dans l’obligation d’écouter le souverain primaire qui nous a élus », avait expliqué le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku.

En effet, si cette disposition de la loi controversée avait été maintenue et adoptée comme telle, dans un pays grand comme un continent, sans infrastructures routières et ferroviaires, le recensement général prendrait plusieurs années avant d’organiser les élections en RDC.

Actuellement, le président Kabila est en consultations avec les acteurs politiques de l’opposition, de la majorité, de la société civile et les chefs des confessions religieuses en vue d’un dialogue politique qu’il envisage d’organiser dans les jours ou mois à venir.

Certains partis de l’opposition ne veulent rien entendre d’un dialogue à 15 mois de la présidentielle et des législatives. Ils estiment que ce dialogue, initié par le président Kabila, est un prétexte de la Majorité présidentielle en vue de prolonger tacitement le mandat du président de la République au-delà du délai constitutionnel, et ainsi retarder inutilement les élections prévues en 2016. D’autres par contre, veulent bien aller au dialogue, mais sous une médiation internationale.

S’il doit avoir lieu, le dialogue en question se focaliserait essentiellement sur des questions électorales, notamment la révision du calendrier électoral qui prévoit plusieurs scrutins – présidentielle, sénatoriales, législatives, provinciales, municipales et locales en RDC – en moins de deux ans et qui devrait coûter pas moins d’un milliard de dollars américains, selon les prévisions de la Céni, pouvoir-organisateur des élections en RDC.

En effet, maintenant que le président Minaku assure la présidence d’une organisation internationale qui se trouve être un lieu par excellence de débats, de propositions et d’échanges d’informations sur les sujets d’intérêt commun de l’espace francophone, notamment la promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de la personne, conformément à la Charte de la Francophonie, aux Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, nous avons bon espoir que le nouveau président de l’APF sera très attentif aux pratiques de la démocratie et des libertés individuelles dans l’espace francophone, tout prêchant par l’exemple dans ses actions quotidiennes.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


RDC : L’opposition doit-elle dialoguer avec un président en fin de mandat ?

Le président Joseph Kabila pose avec le premier ministre, les président deux chambres du Parlement, le président de la cour suprême de justice et  le procureur général de la République le 15/12/2012 au palais du peuple à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo
Le président Joseph Kabila pose avec le premier ministre, les président deux chambres du Parlement, le président de la cour suprême de justice et le procureur général de la République le 15/12/2012 au palais du peuple à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

Le climat politique en République démocratique du Congo (RDC) est particulièrement tendu depuis quelques mois. Le 19, 20 et 21 janvier 2015, plusieurs dizaines de personnes ont été tuées et beaucoup d’autres disparues suite à des manifestations contre le régime au pouvoir, accusé à tort ou à raison de vouloir  modifier précipitamment  la Loi électorale afin d’assurer le glissement du mandat de l’actuel Chef de l’État au-delà des délais constitutionnels.

Suite aux manifestations de janvier 2015, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a lancé un appel au calme demandant la reprise du dialogue politique sous les auspices de son Représentant en République démocratique du Congo, Martin Kobler.

Le 14 février 2015, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), l’un de grands partis politiques de l’opposition congolaise, qui réclame la victoire aux élections présidentielles de 2011, a transmis sa feuille de route pour la sortie de crise à la communauté internationale, par l’intermédiaire du Représentant de Nations Unies au Congo.

En mai 2015, le président Kabila a dépêché un émissaire auprès de grandes formations politiques de l’opposition pour négocier la tenue d’un dialogue. L’UDPS qui se réfère à sa feuille de route sur la sortie de crise par le dialogue sous une médiation internationale, a annoncé son intention d’y participer, prétextant qu’il s’agit là d’une meilleure solution pour sortir le pays de la crise politique qu’il traverse.

Les autres partis politiques et mouvements d’opposition ne voient pas l’opportunité d’un tel dialogue qui risque de les entraîner dans un schéma de transition et de déboucher inévitablement au glissement du calendrier électoral en violation de la Constitution. Ils ont réservé une fin de non-recevoir à cette requête, prétextant  qu’il s’agit d’un artifice supplémentaire pour permettre au Chef de l’État de se maintenir au pouvoir au-delà des deux mandats constitutionnels.

Cette divergence de vue sur la participation ou non à ce dialogue politique initié par le pouvoir en place crée une énième crise qui secoue et divise la classe politique congolaise. Partant de l’hypothèse qu’il serait inopportun pour l’opposition congolaise de dialoguer avec un régime en fin de mandat, le Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD) a élaboré cette étude qui vise à démontrer dans le contexte de la crise actuelle en RDC que le dialogue demeure l’approche la plus efficace.

President Kabila looks on during signature ceremonies.
President Kabila looks on during signature ceremonies.

CONTEXTE HISTORIQUE

Le retour de deux personnalités proches du régime de Kinshasa : l’Abbé Apolinaire Malu Malu à la tête de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et Lwamba Bintu, un ancien magistrat retraité à la tête de la Cour Constitutionnelle – deux institutions en charge, respectivement, de publier et de valider les résultats des élections et trancher les contentieux électoraux -, est considéré comme de signes précurseurs des élections non transparentes et non apaisées et par conséquent comme un ferment au retour d’un conflit post électoral.

Le découpage territorial précipité, l’indisponibilité de l’Abbé Malu Malu qui propulse ipso facto son vice-président et membre du parti présidentiel à la tête de la CENI, les bruits de bottes à la frontière rwandaise et ougandaise ont conduit une partie de l’opposition à opter pour un dialogue avec le pouvoir. Une autre frange a optée pour le statu quo jusqu’aux élections de novembre 2016, espérant ainsi contraindre le Chef de l’État actuel à respecter la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiel.

Ces deux tendances ont donné naissance à deux courants de pensée. La première est dictée par la feuille de route de l’UDPS qui vise à réformer la CENI à travers un dialogue. La deuxième articule son combat autour d’un troisième mandat à Joseph Kabila, refusant tout dialogue avec ce dernier. Cette problématique du dialogue divise l’opposition. Ainsi, l’opinion nationale congolaise de se demander si il est inopportun pour les partis politiques et autres organisations de l’opposition de dialoguer entre eux et d’harmoniser leur point de vue face à cet enjeux crucial?

ANALYSE DU BIEPD

Le manque d’une vision globale des enjeux clés de la crise politique congolaise explique le comportement tactique des uns et inconstant des autres acteurs de la classe politique de l’opposition au point de susciter une question de savoir comment la seule réforme de la CENI ou encore le seul refus d’un troisième mandat au chef de l’État actuel conduirait aux élections neutres, transparentes et apaisées. D’où la question : Est-il inopportun de dialoguer avec un régime à fin mandat?

Le BIEPD plaide pour un modèle de réforme intermédiaire utilisé en Argentine et au Kenya qui serait propice à favoriser l’alternance démocratique. Un modèle de réforme dans un contexte de crise politique exprimé par une forte volatilité électorale, conduit à deux types de réformes électorales.

D’une part, une reforme initiée suite à l’impopularité des gouvernants qui centre la discussion sur la question de légitimité et qui aboutit à la proposition des règles inclusives menant à un gouvernement d’union ou de cohésion nationale.

D’autre part, une reforme initiée par les nouveaux gouvernants qui jouissent du soutien populaire, qui centre le débat sur l’efficacité et qui aboutit à la mise en place des règles exclusives.

L’expérience des pays de l’Amérique Latine montre que ces deux types de réformes ne visent que le maintien au pouvoir de la coalition qui les initie.  Ainsi aucun gouvernement, ni de la Majorité au pouvoir ni de la coalition de l’opposition ne peut prétendre à elle seule mettre en place des réformes attendues par les Congolais. D’où la nécessité d’un gouvernement d’union nationale issu d’un dialogue franc pour conduire ces réformes, avec ou sans Kabila, pendant ou après son mandat actuel.

Cependant, aller aux élections sans ces vraies réformes ne profitera qu’à maintenir le système actuel en place et prolonger cette crise de légitimité, ce qui serait suicidaire pour l’avenir de la RDC. Le BIEPD est d’avis que le dialogue demeure la voie efficace de résolution de cette crise de manière pacifique. Renier l’opportunité de dialoguer avec le président Kabila équivaut à renier l’existence de la crise politique congolaise actuelle et par conséquent, renier la nécessité d’une réconciliation nationale comme le recommande l’accord cadre d’Addis-Abeba et les résolutions 2098 et 2211 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui invite toutes les parties prenantes à engager un dialogue politique ouvert sur les préparatifs des élections à venir, conformément à la Constitution.

Aussi, certes l’obtention de la réforme de la CENI ou le refus d’un troisième mandat à Joseph Kabila constitue un avancé majeur au processus électoral en cours en RDC. Ce n’est qu’une réforme complète de l’appareil de l’État qui réduirait le risque de récidive du système.

FEUILLE DE ROUTE POUR UNE NÉGOCIATION DE PAIX

Une feuille de route désigne un plan de paix axé sur des résultats et des objectifs en vue d’un règlement permanent et définitif d’une crise politique. Elle est structurée en phases et comporte des délais, des dates butoirs et des critères clairement énoncés visant à permettre aux parties concernées, au moyen de mesures réciproques, de progresser dans les domaines politique, sécuritaire, économique, humanitaire et de la mise en place des institutions légitimes, sous les auspices d’une autorité désignée par un accord de paix habilité par une série des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

L’Accord-cadre d’Addis-Abeba a permis entre autre d’obtenir l’engagement de 11 pays (Afrique du Sud, Angola, Burundi, RCA, Congo, Ouganda, RDC, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie et Zambie) et de la communauté internationale, notamment l’Organisation des Nations Unies, les États-Unis d’Amérique, l’Union Européenne, la Belgique, la France et la Grande Bretagne afin de collaborer pour mettre un terme à la crise politique en RDC et ramener ainsi la paix dans ce vaste pays.

Cet Accord-cadre inclut les engagements de chaque partie, notamment pour la RDC de continuer les réformes du secteur de la sécurité, en particulier l’armé et la police; des institutions de l’État notamment la réforme des finances; de promouvoir les objectifs de réconciliation nationale, de tolérance, et de démocratisation; de compléter la décentralisation, etc. Pour pays de la région, il est demandé entre autre de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins.

L’Accord met toutes les parties impliquées devant leur responsabilité à tenir leur engagement. Cependant il manque des délais pour chaque partie de respecter son engagement. Cette lacune rend l’accord élastique au point que deux ans après, le secrétaire général de l’ONU, bien qu’ayant nommé à deux reprises ses représentants, n’arrive toujours pas à produire le plan à plusieurs volets (feuille de route).

Aussi, étant donné que le plan détaillé de mise en œuvre de l’accord que devrait produire le 11+4 est tributaire de la feuille de route, ces derniers trouvent aussi un prétexte pour ne rien faire. C’est aussi le cas avec le gouvernement congolais qui en a profité pour faire des réformes tout azimut qui ne peuvent être évaluées suite au manque d’étalon de mesure, à savoir les critères de mise en œuvre qui seront définis dans le plan détaillé de mise en œuvre de l’Accord, qui traine encore.

Cette lenteur de la communauté internationale de respecter ses engagements et les drames qui se succèdent en RDC (ex., la fosse commune de Maluku, les massacres de Béni, etc.) devraient créer un état d’urgence au sein de la classe politique de l’opposition pour interpeler le Secrétaire générale de l’ONU de respecter ses engagements et de produire sa feuille de route dans un délai raisonnable au lieu d’en produire une à sa place.

Pour le BIEPD, le dialogue selon l’Accord-cadre d’Addis-Abeba ne doit pas précéder la feuille de route du Secrétaire général de l’ONU et encore moins le plan détaillé de mise en œuvre que devrait produire le 11+4, qui devrait inclure, les critères et les mesures de suivi appropriées.

En conclusion, le BIEPD estime que le dialogue est nécessaire et opportun. Il encourage toutes les parties prenantes à engager un dialogue politique ouvert sur les préparatifs des élections de 2016 dans le respect de la Constitution. La classe politique devrait s’entretenir en vue d’harmoniser leur point de vue sur les enjeux cruciaux de la vie nationale. Une rencontre est nécessaire avec le Secrétaire général de l’ONU pour discuter de l’urgence de publier son plan ou sa feuille de route, ainsi que le plan détaillé de 11+4 sur la mise en œuvre de l’accord, et aussi de la nécessité de consulter l’opposition lors de l’élaboration de ces plans.

Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement


Afrique : un continent aux multiples contrastes et opportunités

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« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots », Martin Luther King

Le 25 mai, le monde célèbre la journée de l’Afrique. Cette journée est commémorée chaque année en Afrique et dans la diaspora africaine pour encourager le rapprochement entre les peuples africains et d’origine africaine afin d’agir ensemble pour renforcer l’unité africaine, favoriser la paix et la stabilité pour le développement et le progrès socioéconomique du continent.

Pour un petit rappel, le 25 mai est une date mémorable de la signature de l’acte constitutif de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1963, devenue par la suite l’Union africaine (UA) en 2002, à Addis-Abeba en Éthiopie par les Pères de l’indépendance africaine.

L’Afrique compte 54 États. Sa superficie de plus de 30 millions de kilomètres carrés abrite plus d’un milliard d’habitants, soit près de 16 % de la population mondiale. Cette partie de la planète terre regorge suffisamment de ressources naturelles et humaines susceptibles d’être transformées en richesse réelle au bénéfice de sa population.

À tous ceux qui ont à cœur l’Afrique et son avenir, cette journée qui lui dédiée est une occasion donnée de réfléchir froidement et débattre de la situation politique, économique et sociale actuelle du continent, mais aussi du comportement des acteurs qui animent ces différents secteurs de la société africaine.

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Comment se porte l’Afrique?

L’Afrique est un continent qui connaît encore des graves problèmes qui l’empêchent de décoller et tendre vers son émergence. Il y a un réel problème de gouvernance démocratique. C’est une infime minorité de la classe dirigeante qui détient la quasi-totalité de richesses du continent. On n’y trouve pas des structures sociales fiables de redistribution équitable de maigres ressources financières dont elle dispose à une franche importante de la population qui croupit dans une misère indescriptible.

L’Afrique a beau être considérée comme berceau de l’humanité, elle sert juste à endormir ses enfants, mais n’arrive pas à leur procurer de la nourriture suffisante à leur faim, des soins de santé et de l’éducation de qualité. Et pourtant, elle regorge d’immenses ressources minérales, forestières et énergétiques qui pouvaient servir de levier pour créer de la richesse et procurer du travail à sa population.

Pour mieux comprendre la situation actuelle, il faut remonter aux années 60, lorsque les différentes entités territoriales administrées par les colons accédaient aux indépendances. René Dumont avait déjà soulevé un certain nombre des préoccupations qu’il considérait comme étant un handicap majeur au développement du continent africain. Son ouvrage publié en 1962 et intitulé : « L’Afrique noire est mal partie » avait dressé un portrait peu reluisant de conséquences de la décolonisation et révélé des réalités que les Africains d’alors se refusaient de voir en face.

Certains intellectuels et surtout l’élite politique africaine trouvaient scandaleux une telle prédiction qui ramait à contre-courant des espoirs qui régnaient à l’époque et de la vague d’euphorie suscitée par le mouvement des indépendances africaines qui balaya tout le continent.

Hélas 53 ans après, « L’Afrique Noire est mal partie » de R. Dumont reste encore d’actualité. L’Afrique piétine encore et a l’air de n’avoir pas encore trouvé ses repères. Le continent africain est miné de l’intérieur par des conflits armés, les guerres civiles et ethniques souvent instrumentalisées de l’extérieur, avec tout ce que cela comporte comme violations des droits de la personne, prédations des ressources naturelles, etc.

À cela s’ajoute la question de l’exercice du pouvoir politique dans un État de droit et de respect de textes fondamentaux qui régissent la gestion de la Res publica. La situation actuelle au Burundi en est une illustration.

L’idéal des Pères de l’indépendance africaine, celui d’unir le continent et promouvoir l’intégration économique, s’est révélé au fil des années comme un cauchemar, sinon un rêve lointain et difficilement réalisable. L’Afrique est plus que jamais divisée et ne peut parler d’une seule voix sur un certain nombre de sujets cruciaux d’intérêt continental.

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Y a-t-il un avenir pour l’Afrique?

Il y a lieu dire simplement que là où les afro-pessimistes voient le verre à moitié vide, les afro-optimistes voient plutôt le verre à moitié plein. En effet, il y a une Afrique qui bouge et dont les images ne sont pas souvent montrées dans les médias notamment occidentaux.

Certes, l’Afrique fait encore face à des défis énormes sur les plans de l’éducation, la santé, la gouvernance et la gestion de l’environnement. Il y a un manque de la nourriture suffisante, de l’eau potable en abondance, de l’énergie électrique et de structures de soins de santé de qualité.

En  ce qui concerne les questions liées au processus démocratique, notamment l’organisation des élections libres et transparentes, le Nigeria, la plus grande puissance économique du continent, a donné une leçon de démocratie et d’alternance pacifique. Il est important que chacun comprenne que l’instauration de régimes réellement démocratiques, de la bonne gouvernance et de l’indépendance de la justice sont les principes importants qui doivent s’appliquer pour régler durablement les maux du continent.

Avec les taux de croissance enregistrés ces dernières années, une population jeune et de mieux en mieux formée, et d’immenses ressources naturelles, je suis de ceux qui pensent que l’Afrique est un continent d’avenir, que son développement est possible, à condition que les Africains comprennent sérieusement qu’il est impérieux de repenser le système scolaire, les structures de gouvernance et de gestion de ressources naturelles, etc.

Les Africains doivent éviter de tomber dans le fatalisme, le pessimisme et la résignation, au contraire ils doivent avoir la conviction qu’il est possible de procurer de l’avenir aux milliers de jeunes africains aujourd’hui abandonnés à leur triste sort. Ces jeunes qu’on a vu manifester au « Printemps arabe » (en Tunisie, Égypte, Libye et dans une moindre mesure en Algérie et Maroc), le mouvement « Y’en a marre » au Sénégal, le « Balai citoyen » au Burkina Faso ou encore le « Filimbi » en République démocratique du Congo.

Ces manifestations illustrent bien le degré de frustrations des jeunes Africains qui osent défier les régimes en place, quand d’autres affrontent la mort chaque jour en tentant d’embarquer à bord des bateaux de fortune à la recherche d’une « vie meilleure » en Occident.

« Faisons de l’Afrique l’arbre de vie. Pour maintenir les liens qui déterminent notre destin, consacrons-nous tous au combat pour une paix durable et la justice sur terre. Unissons-nous tous et travaillons dur afin de donner le meilleur de nous-mêmes à l’Afrique, berceau de l’humanité et source de culture… » Extraits de l’hymne de l’Union africaine.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


Les 100 jours de Michaëlle Jean à l’OIF

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Du 5 janvier au 14 avril, cela fait exactement 100 jours depuis que Michaëlle Jean a pris ses nouvelles fonctions de secrétaire générale de la Francophonie. Quel bilan peut-on dresser en 100 jours?

Les 100 jours sur un mandat de quatre ans ne sont rien du tout pour dresser un bilan sérieux, c’est juste une symbolique qui permet à l’opinion publique de savoir quels sont les menus que la nouvelle secrétaire générale compte-t-elle mettre sur la table et quel plan de match propose-t-elle pour la suite des choses. Les 100 premiers jours sont également déterminants pour savoir si la personne est capable de prendre les bonnes décisions le plus tôt possible.

En effet, le début du mandat de Mme Jean à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a été marqué par un événement tragique qui a secoué le monde entier. Aussitôt entrée en fonction, deux jours après, le pays hôte de l’organisation dont elle tient désormais les commandes a été ébranlé par les attentats de Charlie Hebdo. Ces attaques horribles rappellent également la fusillade du 22 octobre 2014 au Parlement du Canada, celle du 18 mars 2015 au musée du Bardo en Tunisie et tout récemment l’attentat terroriste du 2 avril 2015 à l’Université de Garissa au Kenya, pays non membre de l’OIF. L’ensemble de ces événements, l’émoi et l’indignation qu’ils ont suscités, vont certainement influer beaucoup dans les actions à entreprendre tout au long du mandat de Mme Jean à l’OIF.

En suivant la plupart des interventions de Mme Jean dans les médias, on note à chaque fois sa volonté de lutter contre les forces du mal qui endoctrinent les jeunes et les poussent à commettre des actes de barbarie, c’est le cas notamment en Afrique avec le Boko Haram qui massacre aveuglement les populations civiles et enlève les jeunes filles dans les écoles. On peut donc déduire qu’elle est convaincue que l’extrémisme qui pousse aux actes de barbarie trouve dans la pauvreté et la précarité un terreau fertile et que le meilleur moyen de le contrer, est d’utiliser « l’arme de construction massive » pour sortir les jeunes de la pauvreté en leur donnant une éducation de qualité qui va leur procurer un meilleur avenir.

En effet, les actes de barbarie à travers le monde démontrent qu’aucun État n’est à l’abri des menaces extrémistes. D’où la nécessité pour l’OIF en tant qu’espace d’échange et de dialogue, de contribuer à préserver la paix, la démocratie et l’État de droit, en misant sur la francophonie économique pour endiguer la pauvreté.

Ceux qui ont suivi de près ou de loin les premiers pas de Mme Jean à l’OIF ont certainement observé que les trois premiers mois ont été très intenses, notamment par la succession des audiences accordées. Mme Jean était quotidiennement à l’écoute de différentes personnalités, notamment les chefs d’État et de gouvernement, les ministres, les ambassadeurs de pays membres, les représentants des organisations nationales et internationales pour faire les points sur la bonne marche de l’OIF.

100 jours déterminants

En 100 jours, elle a naturellement formé et mis en place son cabinet tout en veillant à assurer une transition dans la douceur avec l’ancienne équipe. Elle a attendu jusqu’au 30 mars, date prévue pour présider son premier Conseil permanent de la Francophonie (CPF), au cours duquel elle a présenté les objectifs principaux de son mandat conformément à la feuille de route décidée au Sommet de Dakar et comment elle entend s’y prendre pour les atteindre. Elle a également informé les représentants personnels des chefs d’État et de gouvernement du choix de la personne, Adama Ouane, qui devra désormais gérer des affaires administratives et financières et administrer la coopération intergouvernementale multilatérale, sous son autorité bien évidemment et ce, conformément à l’article 8 de la Charte de la Francophonie.

Durant les 100 jours, la secrétaire générale a mobilisé les jeunes et les organisations de jeunes francophones sur les conséquences du changement climatique qui n’épargnent aucun État au monde et le devoir moral des États de trouver une solution durable pour préserver notre environnement. Elle a donc lancé une consultation en perspective de la 21e session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). Une conférence sur le changement climatique qui se tiendra pour la première fois dans un pays francophone en décembre 2015.

Lire aussi: Défis climatiques: quelle contribution doit-on attendre de l’OIF?

Une autre chose que l’on peut observer durant les 100 premiers jours de Mme Jean est son style tout particulier de communication – dû peut-être de son passé de journaliste -, qui consiste à être régulièrement sur le devant de la scène, soit pour condamner les violations des droits de la personne d’où qu’elles surviennent, soit pour insister sur le rôle de l’OIF d’accompagner les pays membres dans leurs efforts à la fois pour le développement et dans le processus démocratique. Et cela, en dépit de ceux qui pensent et disent « qu’il ne faut pas trop tirer sur le balafon ou encore qu’il ne faut pas trop mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce, au risque d’y laisser les phalanges ». Il y a lieu de noter que d’ici à la fin de son premier mandat, il y aura au moins une dizaine d’élections présidentielles dans les États membres de l’OIF.

Faire preuve d’une grande capacité de plaidoyer

Une chose est vraie, présider une organisation éminemment politique, Mme Jean doit savoir aménager le chou et la chèvre si elle veut mener à bien et imprimer une nouvelle dynamique à l’OIF. Elle doit non seulement sensibiliser les États membres, mais également faire preuve d’une grande capacité de plaidoyer auprès des partenaires multilatéraux pour mobiliser les moyens conséquents afin de mettre en œuvre les engagements pris lors du Sommet de la Francophonie à Dakar en novembre 2014.

Un signe encourageant, après son passage à New York où elle a eu des entretiens fructueux avec le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, l’Assemblée générale des Nations Unies vient d’adopter, le 2 avril 2015, la Résolution A/69/L.58 portant sur l’approfondissement de la coopération entre les deux organisations, l’ONU et l’OIF. Tout ceci augure bien pour l’avenir de l’Organisation.

Tout compte fait, après les bisbilles qui ont suivi la nomination de Mme Jean et au-delà des critiques parfois injustes de la part de ceux qui tenaient absolument que le poste reviennent à un Africain, bien qu’elle porte en elle, également, une partie de l’Afrique, il y a lieu de souligner que la poussière est retombée, la confiance s’est installée au fur et à mesure et sa personnalité inspire de plus en plus confiance. Ceux qui ont eu l’occasion de la côtoyer disent d’elle, qu’elle est à la hauteur de la tâche.

Nous avons bon espoir qu’elle tiendra ses promesses de campagne pour une Francophonie de plus en plus audible et active dans la recherche des solutions aux grands défis du monde contemporain.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


Combattre la discrimination raciale par l’équité en matière d’emploi

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Le 21 mars de chaque année, le monde célèbre la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Depuis l’époque lointaine où le racisme avait été ignoré sciemment jusqu’à ce que nous prenions conscience de conséquences néfastes subies par des nombreuses personnes, le monde a fini par réaliser que la discrimination, sous toutes ses formes, est intolérable et doit non seulement être combattue par tous les moyens, mais que des progrès doivent nécessairement être faits pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement équitable pour tous les humains.

Fondés sur une fausse croyance selon laquelle il existe une hiérarchie entre les races et groupes humains, le racisme et la discrimination raciale ont la peau dure et encore des beaux jours devant eux, si nous ne comprenions pas que c’est par l’équité en matière d’emploi que nous pouvons changer la perception que nous avons de l’autre.

En effet, l’adoption en décembre 1965 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ratifiée à ce jour par 177 États, est une reconnaissance que la discrimination a des conséquences néfastes non seulement pour les personnes qui en sont victimes, mais également pour toute la société.

La Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale nous offre l’occasion de réaffirmer notre engagement en faveur de l’édification d’un monde de justice et d’égalité, d’où la xénophobie et l’intolérance auront disparu. Nous devons tirer les leçons de l’histoire et prendre acte des ravages causés par la discrimination raciale. Propos de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies.

Comme a souligné le secrétaire général des Nations Unies, la discrimination renforce les préjugés et devient un obstacle à une coexistence pacifique et harmonieuse entre différentes personnes au sein d’une même société.

La Charte des Nations Unies est fondée sur les principes de la dignité et de l’égalité de tous les êtres humains. La Déclaration universelle des droits de l’homme proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur ou d’origine nationale. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnait le droit au travail, la possibilité de gagner sa vie et le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables. Le Canada a signé et ratifié tous ces instruments internationaux qui garantissent le droit à l’égalité et la non-discrimination.

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Comment éliminer la discrimination au Canada?

La Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale nous donne une importante occasion de réaffirmer, de réitérer, notre engagement envers l’élimination de la discrimination raciale ou ethnique, sous toutes ses formes, au Canada et ailleurs dans le monde. Propos de Stephen Harper, Premier ministre du Canada.

À mon humble avis, la meilleure manière de combattre la discrimination en générale, serait nécessairement de commencer par combattre la discrimination diffuse et ancrée dans les systèmes et les pratiques d’embauche et les inégalités de traitement en milieu du travail, ce qui représente une atteinte à la justice.

Au plan national, le droit à un traitement équitable au travail est garanti par toutes les Lois sur les droits de la personne, tant au niveau fédéral, qu’aux niveaux de provinces et territoires. L’égalité de traitement et la non-discrimination sont protégées par la Charte canadienne des droits et libertés et par la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Adoptée en 1986, la Loi sur l’équité en matière d’emploi avait pour objectif d’éliminer les obstacles systématiques auxquels se heurtent les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les membres de minorités visibles sur le marché du travail. La Loi recommande aux employeurs de mettre en place des mesures adéquates pour assurer un traitement juste et équitable en matière d’emploi pour tous. Il s’agit de corriger les inégalités systémiques que les quatre groupes désignés ont subies en milieu de travail et de faire en sorte que nul ne se voit plus jamais refuser d’emploi pour des motifs étrangers à sa compétence.

Mais en dépit de cette Loi et des efforts déployés tant au niveau fédéral qu’aux niveaux de provinces et territoires pour combattre cette discrimination en milieu du travail, il y a malheureusement encore beaucoup des personnes qui sont victimes chaque jour de préjugés et stéréotypes et donc ne peuvent avoir la chance d’obtenir un emploi qui correspond à leurs compétences.

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Les minorités visibles et l’accès à l’emploi

D’après le Rapport statistique sur l’équité en matière d’emploi, du Ministère de l’emploi et du développement social Canada, publié en 2014, la disponibilité des membres de minorités visibles était de 17,8 % en 2011. Ils représentaient près de 20 % de la population canadienne. À l’échelle nationale, leur disponibilité au sein de la population active s’élève à 17,8 %. Le rapport note que la plus part d’entre eux occupent un emploi de professionnel ou un emploi spécialisé, intermédiaire ou autre dans la vente et les services. Ils sont moins susceptibles d’occuper un poste de cadre, de travailleur qualifié ou d’artisan, ou un emploi semi-professionnel ou technique que la moyenne canadienne.

En effet, si nous partons de l’hypothèse que l’éducation exerce un effet positif sur les niveaux de revenu et le bien-être économique des citoyens, on pourrait conclure, en se basant sur ce rapport statistique du Ministère de l’emploi et du développement social Canada, que les membres de minorités visibles doivent avoir un niveau de vie élevé, du fait qu’ils ont un niveau de scolarité plus élevé que la moyenne de la population active et qu’ils sont généralement plus jeune.

Mais en réalité, ils font face à beaucoup d’obstacles insidieux, pour ne pas dire la discrimination, qui se heurtent à eux et les empêchent de donner le meilleur d’eux-mêmes et de tirer également profit des efforts consentis sur le banc de l’école dans le but d’améliorer leurs conditions de vie.

29 ans près l’adoption de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, il y a eu certes des efforts notamment dans le secteur public, mais pas toujours assez pour refléter la représentation actuelle de la société canadienne. On dénombre encore un taux de chômage beaucoup plus élevé dans la catégorie de minorités visibles, ce qui parfois crée un sentiment de frustration. Ceci dit, il y a manifestement encore beaucoup du travail à faire pour essayer de changer la mentalité de certains employeurs qui ne comprennent pas que la diversité est une richesse pour leurs entreprises.

La discrimination est donc un défi important à relever pour affranchir l’homme de préjugés qu’il entretient vis-à-vis de l’autre. En milieu du travail, nous devons tous nous efforcer de surmonter les facteurs culturels et idéologiques qui sont à l’origine de la discrimination raciale et qui restreignent notre capacité de voir l’autre, pas par rapport à ce qu’il peut, mais par rapport à ce qu’il est. Ces obstacles artificiels et systémiques non seulement n’ont rien avoir avec les compétences de la personne, mais ils l’empêchent de donner le meilleur d’elle-même à sa société d’accueil, mais également de réaliser ses aspirations tant personnelles que professionnelles.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue


Une brouille inquiétante entre la RDC et la Monusco

 

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Le gouvernement de Kinshasa a renoncé à tout soutien, militaire, matériel ou logistique de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco), pour une offensive tant attendue de son armée contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe rebelle basé en République démocratique du Congo (RDC) et accusé d’avoir participé au génocide de 1994 au Rwanda.

Cette annonce a été faite le dimanche 15 février 2015, à Kinshasa par le chef de l’État congolais, Joseph Kabila, lors d’une réunion à laquelle ont été conviés une vingtaine d’ambassadeurs essentiellement occidentaux, y compris le chef de la Monusco. Au cours de cette réunion, Joseph Kabila a fustigé l’ingérence de la communauté internationale dans les affaires intérieures de son pays.

La RDC est un État souverain qui n’est sous tutelle ni de l’ONU, ni d’un quelconque État. Par conséquent, le positionnement des officiers supérieurs dans la chaîne de commandement de l’armée nationale relève de la compétence exclusive des autorités congolaises.

La brouille entre la RDC et la Monusco est survenue après la nomination de deux généraux de l’armée congolaise, censés collaborer avec la Monusco contre les FDLR, mais que la mission des Nations unies accuse de graves violations des droits de la personne.

Pour rappel, la Mission des Nations unies au Congo a été créée par le Conseil de sécurité, par sa Résolution 1279 du 30 novembre 1999. Cette mission est présente au Congo depuis 15 ans, avec des effectifs de plus ou moins 20 000 hommes. La Monusco a le mandat qui l’autorise à recourir à tous les moyens nécessaires pour protéger les populations civiles contre toute violation des droits de la personne et soutient le gouvernement de la RDC dans ses efforts de stabilisation et de consolidation de la paix.

Le 28 mars 2013, le Conseil de sécurité a renforcé le mandat de la Monusco en créant, par sa Résolution 2098 (2013), une brigade d’intervention chargée de « neutraliser » et de désarmer les groupes armés menaçant l’autorité de l’État et la sécurité des civils dans l’est de la RDC, notamment les FDLR. Ce mandat a été prorogé par la Résolution 2147 (2014) du Conseil de sécurité, à titre exceptionnel, et prendra fin le 31 mars 2015.

Ce qui est bien curieux, c’est que la brouille survient à un mois de la fin du mandat de la brigade d’intervention de la Monusco. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce qui a pu motiver une telle décision du gouvernement congolais, quand on connaît l’horreur que font subir les rebelles de FDLR aux femmes et fillettes de l’est de la RDC ?

On peut spéculer sur différents scénarios possibles : soit que le gouvernement de Kinshasa n’a pas l’intention de solliciter le renouvellement du mandat de la brigade d’intervention, soit qu’il se complaît de la présence des FDLR sur son territoire et donc n’a pas l’intention de les neutraliser, soit alors qu’il y ait d’autres motivations obscures qui feraient en sorte que la présence des Nations unies serait gênante ou alors il n’en veut plus de cette mission qui n’a que trop duré et dont les résultats sont discutables.

Un son de cloche, pas de n’importe qui, mais d’un fin connaisseur de la situation politico-sécuritaire de la région des Grands Lacs africains, député européen et ancien ministre des Affaires étrangères belge, Louis Michel, qui a dressé un réquisitoire sans complaisance de la situation en RDC :

« La situation en RDC est particulièrement préoccupante. Il est essentiel qu’une élection présidentielle crédible se déroule dans le délai prévu. Le président de la Commission électorale nationale indépendante de la RDC, monsieur l’abbé Malu-Malu,  sans tarder, doit élaborer un chronogramme en vue de  la tenue d’un scrutin en 2016. Il est donc indispensable que l’ensemble du processus électoral se déroule dans un climat apaisé. On ne peut tolérer ni des arrestations, ni des intimidations. Et on assiste à ça aujourd’hui en RDC.C’est la raison pour terminer pour laquelle je vous proposerais de soutenir l’idée d’un observatoire ou d’une équipe d’observateurs avec les Nations unies et l’Union européenne pour vérifier le respect des droits de l’homme en RDC. »

En suivant attentivement l’intervention de Louis Michel au Parlement européen à Strasbourg le 10 février 2015, on peut imaginer entre autres que les considérations électoralistes ont contribué pour beaucoup au renoncement de Kinshasa au soutien des Nations unies.

À ce propos, il est important de rappeler que la communauté internationale a longtemps exigé la publication par la Commission électorale nationale indépendante du Congo, un calendrier global des élections dans le délai constitutionnel. Maintenant que c’est chose faite et que la date prévue pour les élections présidentielle et législatives est le 27 novembre 2016, il est possible que le pouvoir de Kinshasa essaie de trouver des raisons pour obtenir le glissement du calendrier électoral.

Sinon, la question qu’on se pose est de savoir si réellement le gouvernement de Kinshasa a l’intention de désarmer les FDLR enracinés à l’est du Congo pendant plus de 20 ans ? En effet, comme l’a si bien souligné l’ancien ministre belge des Affaires étrangères, tant et aussi longtemps que cette question des FDLR ne sera pas réglée, il n’est pas possible d’imaginer la paix durable et la sécurité à l’est de la RDC. L’avenir nous dira si la décision de renoncer au soutien de Nations unies était salutaire pour la RDC.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue