Serge

Le sexe fort

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Caricature de Marina Silva portant son hamac. En portugais, « rede » veut dire en même temps hamac et réseau. crédit photo: Facebook

La mort d’Eduardo Campos a radicalement changé le scénario de la campagne électorale pour les présidentielles de 2014 au Brésil. En retrait dans son rôle de « vice-président » d’Eduardo Campos, Marina Silva, désormais émancipée du capital politique de l’ancien gouverneur du Pernambuco monte très fort dans les sondages. Pour le second tour, un « match féminin » se profile à l’horizon.

« Nous gagnerons au premier tour », affirmait hier un internaute qui croit fermement en à la victoire de Dilma Rousseff. Mais les derniers sondages indiquent un premier tour serré car jamais la présidente n’aura été aussi menacée par un rival. En effet, un sondage réalisé par l’institut Ibope, le journal Estado de São Paulo ainsi que la chaîne de télévision Rede Globo place Marina Silva (29 %) en deuxième position dans les intentions de vote derrière Dilma Rousseff (35 %), Aécio Neves restant bloqué depuis des semaines à 19 %.

Or, avant le tragique accident d’avion à Santos qui a emporté Campos, le PSB peinait à atteindre 10 % des sondages en raison de l’incapacité de Marina Silva à pouvoir transférer son électorat au canditat socialiste.

Il faut dire qu’avant l’officialisation de la candidature d’Eduardo Campos, ce dernier restait loin derrière la candidate écologiste, Marina Silva. Celle-ci ne s’était initialement pas présentée aux élections faute d’avoir obtenu les voix necessaires pour homologuer son parti politique au sein du Tribunal Suprême Electoral. Ce qui l’obligeat à intégrer le Parti Socialiste du Brésil (PSB) comme « second couteau ».

En outre, les mêmes sondages révèlent qu’en cas d’un second tour entre Dilma Rousseff et Marina Silva, cette dernière l’emporterait avec 9 % d’avance sur l’actuelle présidente du Brésil. Mais, d’ici là beaucoup de choses peuvent arriver.

Le grand perdant de ce début de campagne électorale, mais surtout celui qui est le plus « affecté » par les conséquences du décès de Campos, est évidemment le social-démocrate Aécio Neves, désormais presque sûr de ne pas participer à un second tour, s’il a lieu.

Si Campos affirmait être le représentant logique d’une « troisième voie » brésilienne, les sondages ne confirmaient guère cette prétention. Par contre, Marina Silva semble logiquement pouvoir révendiquer ce statut quoiqu’au le fond, elle n’ait aucune base politique pour pouvoir gouverner.

A propos de la Troisième voie, cliquez ici pour lire

Et c’est peut-être là que les choses se compliqueront pour Marina Silva au second tour. Car si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est qu’au Brésil, on ne gouverne pas sans une majorité parlementaire. Le président Collor ne termina pas son mandat en 1992 pour cette raison, ayant été abandonné par des alliés éphémères au Congrès. D’un autre côté, malgré le scandale du mensalão, Lula a su se maintenir au pouvoir grâce à sa majorité.

A propos de l’impeachment de Fernando Collor lire ici; pour en savoir plus sur le scandale du mensalão, cliquez ici.

Il m’a aussi semblé, notamment dans mes conversations récentes, que le thème qui fera perdre des voix à Dilma Rousseff par rapport à l’écologiste soit celui de l’avortement. Certains brésiliens semblent accorder plus d’importance aux questions morales qu’économiques. Car l’avortement au Brésil est considéré, avant tout, comme une question morale, et non pas comme un problème de santé public.

Il se dessine donc un scénario de guerres entre « deux soeurs amazones ». La bataille des femmes pour le Palácio do Planalto est lancée. Le sexe fort ici, c’est le sexe féminin. Une tendance qui se renforce dans les institutions politiques brésiliennes depuis quelques années.

Un exemple à suivre pour l’Afrique, certainement.

 


Hercule Poirot, John Lennon et le bon pasteur

Hercule Poirot / wikimedia commons /CC
Hercule Poirot / wikimedia commons /CC

Premier round intéressant lors de cette campagne électorale pour les élections présidentielles du Brésil. Hier mardi 26 août, la chaîne de télévision Band a proposé le premier débat entre les candidats en course pour occuper le Palácio do Planalto.

Si rien de surprenant n’est apparu dans ce scénario de Street fight où chaque candidat posait des questions à qui il voulait, des personnages atypiques ont tout de même retenu notre attention. En vérité, en posant une question à un autre candidat, on se donne seulement le droit de répliquer avec un élément plus ou moins pertinent de son propre programme, ce qui assez affligeant à regarder.

Le bon pasteur

Alors, lui c’est le pasteur Everaldo Pereira du Parti Social Chrétien (PSC), eh oui, ça n’existe pas qu’en Allemagne. Personnage atypique donc, presque caricatural, il sort facilement du lot grâce à un discours aux antipodes de ses collègues. A chacune de ses phrases, on entend les mots « Dieu », « salut » ainsi que d’autres formules qu’affectionnent nos amis chrétiens. La phrase qui tue: « Ici ce n’est pas Cuba, ce n’est pas le Vénézuela… ».

On sait déjà qu’il volera quelques voix à Marina Silva qui elle aussi flirte avec les évangéliques.
« Tout privatiser au nom de Jésus! »

Mario Bros ou Hercule Poirot s’invite au débat des présidentiables

Le candidat Lévy Fidelix, de la gauche radicale

Il a volé la vedette a tout le monde avec sa verve à la Mélanchon et sa tête de Mario Bros… mieux, d’Hercule Poirot. Toute ressemblance entre le candidat Lévy Fidelix et le personnage héroique de Nintendo est une simple coïncidence… cela n’aura évidemment pas échappé aux twittos brésiliens qui s’en sont donné à coeur joie pour placer des moqueries ça et là.

« Qui a laissé Mario Bros se présenter aux élections? Les personnages fictifs, c’est permis? »

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Crédit photo: HighTechDad on Flickr.com / CC

Il n’hésite pas à citer John M. Keynes lors d’un débat politique de 2014. Ok, le grand économiste qui incarna les accords de Breton Woods a su être réinventé par ses disciples, mais il fallait tout de même l’oser lors d’un débat proposé à un public pas forcément féru d’économie. J’ai rien dit.

Eduardo Jorge, le candidat de John Lennon

Paz e Amor ! Vous l’aurez compris, on a droit ici à un candidat hippie. Eduardo Jorge n’a d’ailleurs pas mis l’eau à la bouche avant de citer John Lennon comme l’exemple à suivre pour ce grand Brésil. Il aura au moins convaincu un twittos, 

On l’a un peu soupçonné d’être venu « stone » au débat, mais sur Twitter, sa victoire ne fait ce soir aucun doute.

Heu, c’est quoi le patrimonialisme?

D’ailleurs le vocabulaire des candidats est toujours ce qui m’agace le plus lors des débats télévisés. Lorsqu’un journaliste demande à Dilma Rousseff d’apporter des solutions à l’un des plus grands fléaux du Brésil, entendez par là, le patrimonialisme, mon coeur accélère…

Franchement, ils sont combien les brésiliens qui savent ce que c’est que concept weberien (ah, oui heim…)? On voit bien que ces gens-là n’ont aucune idée de la réalité des brésiliens. Il faut dire aussi qu’après une certaine heure, personne n’est vraiment en mesure de capter des théories économico-politiques d’obédience weberienne. Ainsi, on a eu droit au tweet provocateur de BuzzFeed Brasil: « ce débat ira jusqu’à l’heure du dejeuner ». Il est minuit, heure de Brasília.

Bref, on savait déjà à quoi s’attendre avec Dilma Rousseff, comme d’habitute, hésitante devant les caméras, décidément… Si elle gagne les élections, ce ne sera pas grâce à son éloquence. Quant à Marina Silva, elle semblait vouloir imposer l’image d’une femme forte. Difficile de dire si elle y est parvenu. Elle n’a cependant pas hésité à concluir la soirée en révendiquant pour elle l’héritage politique de feu Eduardo Campos… Ah, Marina!

En tout cas, les vainqueurs de ce débat sont bien Mario Bros alias Hercule Poirot, John Lennon et le bon pasteur…

 


Le vieux lapin qui écrivait des romans

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L’écrivain Paulo Coelho – crédit photo: timferriss / Flickr.com

BIOPIC | Le Brésilien le plus célèbre du monde après Pelé fait son entrée dans le septième art. Le pas vient d’être franchi à l’occasion de la sortie d’un biopic dédié à la vie de Paulo Coelho*, auteur entre autres de Veronika décide de mourir et de L’alchimiste.

Même si je l’évite autant que faire se peut, Paulo Coelho s’invite inexorablement dans ma vie. Après ses propos quelque peu opportunistes pendant la Coupe du monde, ce qui m’avait poussé à le descendre ici même, l’écrivain « le mieux vendu d’Amérique latine » fait l’objet d’un biopic…

260x365_1405965443Le film revient également sur l’association de ce dernier avec le rockeur Raul Sexta considéré, à raison, comme le plus irrévérencieux et talentueux artiste de l’histoire du rock brésilien, si l’on excepte Cazuza.

Il semble même que le cinéma soit décidé à s’emparer du personnage, car du côté de Hollywood une surprenante adaptation de Veronika décide de mourir est sortie en salle il y a quelques années avec, ma foi, de forts bons acteurs. A l’affiche, une certaine vampire du nom de… Buffy.

Je ne vous cacherai pas que ce livre, qui figure parmi ses meilleures oeuvres, paraît-il, ne m’a pas impressionné. Pour être encore plus franc, je n’ai pas eu le courage de le terminer. Je ne suis pas maso, désolé !

On dit que les meilleurs livres ne font jamais de bons films, alors peut-être qu’un livre moyen fera un joli petit film. La bande-annonce suggère qu’une soirée à regarder le triste destin de Veronika Buffy ne sera pas complètement gâchée… alors, pourquoi pas? Lancez-vous !

Quant au dernier film, « Nao Pare na Pista – A melhor história de Paulo Coelho » (avec un titre pareil, je ne vois rien de bon à attendre du projet… ) qui raconte les crazy years de l’écrivain, j’en dirai quelques mots plus tard. En attendant, voici la bande-annonce:

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* Coelho, en portugais veut dire lapin.

 


Gomorra: A Naples, la cité des hommes

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Crédit photo: bram willemse / Flickr.com

CINEMA | C’est un ami mondoblogueur qui me l’a signalé en commentaire posté dans un de mes articles sur la mafia au cinéma. Gomorra est une adaptation cinématographique du livre éponyme de Roberto Saviano, journaliste amateur de football qui s’est intéressé à la mafia napolitaine.

Au visionnage de Gomorra de Matteo Garrone , on ne peut s’empêcher de penser au chef-d’oeuvre tragique de Paulo Morelli  co-produit par Fernando Meirelles, La Cité des Hommes qui raconte les trajectoires croisées de deux garçons noirs et pauvres (normal au Brésil) emportés par la violence du trafic de drogue dans les favelas de Rio. On a du mal à croire que Barack Obama s’y soit aventuré lors de sa visite au Brésil

https://mondecran.blogspot.com.br/2008_03_01_archive.htmlOn pense aussi et surtout au chef-d’oeuvre cartoonesque de Katia Lund et Fernando Meirelles, La Cité de Dieu, basé sur des faits réels mais curieusement dépeints avec des allures de bande dessinée. Ce film raconte l’ascension et la chute de Zé Pequeno, le truand le plus crédible et emblématique du cinéma brésilien. Qui oubliera Zé Pequeno avec sa coupe d‘Afro Samurai portant un flingue plus grand que sa tête? L’influence de ce film est incontestable et marque une tendance dans le cinéma brésilien jusqu’à Toupe d’Elite de José Padilha.

On retrouve cette même allure cartoonesque dont je vous parlais tantôt dans Gomorra, notamment dans une scène où l’on voit deux hommes à moitié nus s’exercer au « tir aléatoire » sur la plage… Un vrai délire psychologique d’adolescents dopés aux Scarface et autre Rambo!

PORTRAIT AMOCHÉ DE L’ITALIE

Le film est en lui-même difficile à aborder par la lenteur qui le caractérise. Pour une fois que la mafia italienne nous est montrée sans le romantisme ni le glamour qui ont marqués les oeuvres de Coppola et Scorsese, on ne s’en plaindra pas. Les « dons » sont ici des idiots apeurés.

L’auteur du roman, Roberto Saviano, vit on le sait dans la clandestiné depuis que sa tête a été mise à prix par la Camorra, la vraie mafia napolitaine.

On se demande au fil des minutes qui s’égrainent quelle est donc cette ville de Naples que l’on voit compter ses victimes sous nos yeux. Des hommes (et des femmes) se font tuer comme s’il s’agissait d’un abattage de bétail: avec une banalité effarante. La géographie de la ville (des tunnels et des plages) s’y prête à merveille, semble-t-il.

Hormis les maillots de Maradona et Paolo Cannavaro (le frère du champion du monde, Fabio) incrustés ça et là dans un sombre décor, rien d’autre ne nous laisse déviner que nous sommes bien plongés au coeur de Naples.

De près, ce film ressemble étrangement à la série culte de HBO, The Wire, par la profondeur sociologique que nous proposent ses auteurs, ou devrais-je dire, Saviano. Mais ici, les forçats sont chinois, main-d’oeuvre de la Haute couture, pas les noirs.


Lecteur éphémère, je n’ai pas besoin de vous

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Crédit photo: Rafael Olah / Flickr.com

Je n’irai pas par quatre chemins, je suis très en colère. Cette semaine, je n’ai presque pas publié de billets sur ce blog en raison de mes activités universitaires et certains lecteurs me l’ont fait remarquer. Pourtant, le 3 août, je publiai un article sur le racisme dont étaient victimes les Africains vivant au Brésil parce que certaines personnes les considèrent comme responsables du virus d’Ebola. Le 5 août, je m’attardai sur la guerre à Gaza m’interrogeant, sur le ton de l’humour, quant à l’indifférence de la communauté internationale face à ce drame.

Puis, je suis resté muet pendant six jours m’occupant de mes activités universitaires. Jusqu’au 13 août quand nous avons appris la mort du candidat à la présidentielle du Brésil, Eduardo Campos dans un accident d’avion à Santos (post précédent).

Avant cela, j’avais écrit sur ma page Facebook, une blague sous forme d’ironie affirmant que  » j’avais attrapé le virus d’Ebola via fibre optique « ... certains de mes lecteurs qui ont lu mon post du 3 août ont évidemment compris que cette blague était en réalité une forme de protestation contre un certain type de racisme dont on est victime au Brésil.

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Crédit photo: digitalrob70 / Flickr.com

Malheureusement, tous mes lecteurs ne sont pas intelligents. Non, sur ce point, je dois être juste avec mes vrais lecteurs. Car il y a ceux qui me lisent vraiment et les autres… le genre qui ne lit pas et critique tout s’arrêtant simplement sur une photo publiée sur Facebook ou le titre d’un article. Ils sont détestables. L’imbécilité du lecteur éphémère l’empêche de dépasser les 26 lignes (j’ai compté…) de mon article du 5 août pour comprendre que mon message (posté sur Facebook) était une forme d’ironie à l’intention des ceux qui nous accusent de porter le virus d’Ebola par le simple biais de notre africanité.

Deux choses m’ont donc été reprochées:

1. de ne pas assez écrire sur la RDC: bon sang ! Regardez donc le titre de ce blog, Carioca Plus, et en sous-titre, « Actualité, culture et société vues du Brésil ». Que faut-il encore pour faire comprendre à ces lecteurs éphémères que ce blog traite à 95 % du Brésil ?

2. de plaisanter sur un sujet trop sérieux, à savoir le virus d’Ebola : inutile de revenir sur l’explication de mon post. Le comble est que mon ironie a été comparée à une mauvaise blague sur l’Holocauste. Décidément, ces lecteurs-là ne comprennent rien à ma démarche, car j’ai écrit sur ce blog (voir le billet sur Anwar Congo) que je préparais un article scientifique sur les génocides au XXe siècle. Ceux qui prétendent recadrer l’humour n’ont eux-mêmes aucun sens de l’humanisme.

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Crédit photo: owenwbrown / Flickr.com

Ce qui est encore plus grave et que je pardonne difficilement, c’est qu’on remette en question mon nationalisme ou mon patriotisme. Premièrement, je ne le dis pas assez, mais j’ai écrit un texte de plus de cent pages analysant le processus de transition vers la démocratie en RDC depuis 2005 ainsi que la situation politique dans les Grand Lacs; ce texte sera bientôt publié dans une revue brésilienne dédiée aux relations internationales. Mais eux, qu’ont-ils fait pour ce pays, le Congo ? Deuxièmement, qu’ont-ils sacrifié ?

Ces gens qui critiquent mon « manque de patriotisme », qu’ont-ils perdu sur le plan personnel pendant ces années de guerre qu’à connues notre pays? Dans ma famille, nous avons eu des pertes humaines avec l’entrée de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) à Bukavu. Aujourd’hui encore, une partie de ma famille vit dans la tourmente dans une région constamment en guerre depuis 1994, l’année du génocide rwandais.

Si certains lecteurs souhaitent me voir écrire des billets de blog sur la R.D. Congo, ils peuvent toujours se rendre sur mon blog spécialement dédié à l’Afrique.

Je suis moi-même un lecteur de blogs, je ne suis pas parfait et je n’ai pas la science infuse. La RDC n’est pas ma spécialité même si je lui ai consacré quelques années d’études (et cent pages…). J’ai le courage et l’honnêteté pour l’admettre. Il y a plusieurs personnes beaucoup plus qualifiées que moi pour parler du Congo. D’un autre côté, si j’écris sur le Brésil, c’est parce que dans mon domaine, il s’agit d’une vraie spécialité. Si tout ce passe comme je le veux, un jour j’entrerai dans le cercle fermé des auteurs appelés « brazilianist », les universitaires étrangers spécialistes du Brésil.

En attendant, je tiens ce blog. Merci à mes vrais lecteurs…

P.S: Cette semaine j’ai été agréablement surpris par le commentaire d’un certain MKS, qui a lu mon Top 10 des films sur la mafia m’indiquant par ailleurs un autre film qui m’avait échappé. Ce genre de lecteur nous fait avancer… 

 


Brésil: quels changements après la mort d’Eduardo Campos

Le candidat à la présidence Eduardo Campos est décédé dans un accident d'avion à Santos
Le candidat à la présidence Eduardo Campos est décédé dans un accident d’avion à Santos

C’est une tragédie politique qui frappe le Brésil, ce mercredi 13 août. Le pays tout entier s’est réveillé avec la triste nouvelle du décès de l’ancien gouverneur de l’Etat de Pernambuco, et surtout, candidat à la présidence de la République avec le Parti Socialiste Brésilien (PSB). L’avion d’Eduardo Campos s’est écrasé dans un quartier populaire de la ville de Santos, dans le littoral de l’Etat de São Paulo.
Quels changements espérer après ce décès?

On attendait des élections extrêmement animées, mais rien ne présageait une telle tragédie. Candidat principal pour le Parti Socialiste, Eduardo Campos partageait les lumières des projecteurs avec Marina Silva (dont vous pouvez lire le potrait ici), Parti écologiste (Rede). Aux dernières nouvelles, cependant, les deux personnalités politiques n’étaient pas en totale harmonie à cause des positions conservatrices de Marina Silva proche des évangéliques.

A l’heure actuelle, il est évidemment difficile de prévoir quel sera l’impact de ce décès dans les futures élections. En effet, Eduardo Campos n’était crédité que de 10 % aux derniers sondages, mais ce dernier bénéficiait d’un charisme indéniable.

La question de l’inversion des positions avec Marina Silva se posait déjà à l’interne. Plusieurs observateurs espéraient également une alliance de dernière minute avec le candidat Aécio Neves, social-démocrate.

L’homme fort du Pernambuco

Eduardo Campos est originaire du même Etat que Lula da Silva, le Pernambuco dont la capitale (Recife) est le symbole du dynamisme économique du nordeste brésilien. Campos était à l’image même de cet Etat devenu par la force de sa propre volonté le reflet d’un Brésil en mutation et en quète de nouveauté.

Un changement qui se manifestait évidemment dans sa production culturelle, notamment dans le cinéma, considéré comme le plus dynamique du Brésil (Lire mes critiques sur deux films du Pernambuco ici et ).

La mort d’Eduardo Campos est donc une énorme perte pour ce pays dont les élites politiques sont totalement discrédités. L’ancien gouverneur de Pernambuco représentait un nouveau souffle pour le Brésil, géant du XXIè siècle.

Marina Silva avec ou sans les socialistes

C’est anecdotique mais révélateur. Marina Silva devait embarquer dans le même avion qu’Eduardo Campos, mais elle aurait décidé à la dernière minute de voyager avec son état-major du groupe politique écologiste Rede.

Destin ou chance? Les deux peut-être. Le fait est que désormais, Marina Silva revient dans la course aux présidentielles et pourrait enfin réaliser son rêve après son le relatif succès de 2010. La seule inconnue de cette équation est celle de savoir si elle briguera ce mandat avec le Parti Socialiste ou si elle présentera une candidature avec le mouvement Rede.

D’un point de vue politique, il serait plus aisé pour elle de renforcer son alliance avec les socialistes d’autant plus que ces derniers comptent avec une véritable structure nationale, avec notamment plusieurs gouverneurs dans le nordeste.

Trois jours de deuil national

La présidente Dilma Rousseff, visiblement très affectée s’est exprimée en fin d’après-midi décrétant ainsi trois jours de deuil national. Marina Silva, candidate à la vice-présidence aux côtés d’Eduardo Campos s’est également manifesté lors d’une conférence de presse.

Sur son compte Twitter, Dilma Rousseff a rappelé que son opposition avec Eduardo Campos s’arrêtait à la politique se rejouissant des moments passés ensemble aussi bien dans le gouvernement Lula da Silva que dans sa propre administration.

L’information selon laquelle le jet privé d’Eduardo Campos aurait percuté en plein vol un hélicoptère qui se trouvait également en situation d’urgence a été démenti par la chaîne de télévision Bandeirantes qui avait initialement relayé une éventuelle collision avec un autre appareil. Ce décès rappelle tristement la mort un mois avant de prendre ses fonctions du président élu Tancredo Neves, grand-père d’Aécio Neves.

 

>>> Retrouvez ici le portrait d’Eduardo Campos candidat aux présidentielles.

>>> Voir les images de l’accident; images fortes!

Dernière actualisation de l’article à 19h 37, heure de Brasília.

 

 


Que fait-on maintenant, on oublie les 1822 Palestiniens tués ?

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Crédit photo : EU Humanitarian Aid and Civil Protection / Flickr.com

C’est un bilan extrêmement lourd que publie le bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), 1822 Palestiniens tués en un peu plus d’un mois, dont 377 enfants. N’ayons pas peur des chiffres. Il s’agit effectivement d’un désastre humanitaire. Ok, on prend acte du constant, mais après, que fait-on? On continue à regarder nos telenovelas?

Quoi, c’est tout ? On nous informe comme ça, au beau milieu de la nuit qu’un cessez-le-feu est accepté par les deux camps (Israël et Hamas), et puis quoi, c’est tout ?

On fait quoi maintenant, on oublie les 1 822 personnes tuées par l’armée israélienne ? Les 377 enfants et ceux qu’on retrouvera après sous les décombres ne valent rien politiquement ? Aucun tribunal des hommes ne sera formé pour que leurs âmes reposent en paix ?

C’est ça la justice mondiale ? Cette même justice qui s’est empressée de condamner et sanctionner la Russie pour « son rôle dans le conflit ukrainien ». « Circulez, messieurs, y’ a rien à voir ! », c’est le message que nous transmet la communauté internationale ? Ben, bravo !

Le virus d’Ebola se transmet par fibre optique…

Je ne sais pas vous, mais moi je n’ai pas l’âme à la fête en ce moment. C’est vrai que le cas palestinien ne me concerne que vaguement n’y ayant accès que via télévion et réseaux sociaux, ce qui est le cas d’à peu près tout le monde. N’empêche, on est tout de même indigné par le massacre, par la boucherie orchestrée par les partis conservateurs israéliens. Pas trop quand même.

C’est vrai, j’ai franchement pas le temps de penser à Gaza. Surtout qu’en ce moment, mon esprit est occupé par le virus d’Ebola… de nos jours il faut faire le tri avant de s’indigner. C’est vrai qu’on a largement le choix.

Et puis là, je passe mon temps à expliquer aux Brésiliens que je n’ai pas attrapé Ebola via Internet, en communiquant avec ma famille restée en Afrique… oui, il paraît qu’Ebola a muté et se propage maintenant par fibre optique. Heu, ça c’est plus grave que les 1822 tués? 1822, c’est l’année de l’indépendance du Brésil, non?

« Ah ok, il y aura une suite dans deux ans »

Sinon, moi, pour tout vous dire, je me sens un peu comme quand je suis sorti de Transformers 4 :

– « Quoi? c’est ça l’âge de l’extinction ? Mais, ils sont toujours là les transformers. Ils ont tout détruit mais personne n’est mort en fait… Ah ok, il y aura une suite… DEUX suites ?» oui !

– «Mais quand ça ? Ah ok, dans deux ans.»

– Ben oui, quoi! On attend la troisième Intifada aussi.

– Mais, et les 377 enfants tués?

– Oooh,  de toute façon tu vois des enfants partout, toi. Prends pas tout ça au sérieux, ce n’est jamais qu’un gros blockbuster filmé en temps réel à Gaza.

– Je comprends maintenant pourquoi John Kerry a l’air d’un con dans son rôle de négociateur de paix. C’est fait exprès.

Très bien alors. On fera le bilan après Transformers 6.

 


Ebola : faut-il fermer les frontières aux Africains ?

Photo récupérée  sur Facebook
Photo : Facebook

La question n’est plus seulement posée, elle devient une tendance, plus encore, une exigence politique chez une bonne partie de la population brésilienne. Difficile pour autant d’en faire un portrait définitif, car dans cette mosaïque d’opinions racistes se retrouvent toutes les couches de la population : blanche, noire, riche, pauvre, de gauche ou de droite.

La peur nous fait faire les pires choses. Ce n’est pas nouveau. La montée du Front national en France en est la preuve. Dans l’histoire, plusieurs exemples le démontrent. Quand les hommes ont peur, ils optent pour la facilité, pour la cruauté et l’indifférence.

Depuis un moment, avec le regain épidémiologique du virus d’Ebola, la panique se fait présente sur les réseaux sociaux où la population se prononce pour la fermeture des frontières du pays.

Des propos qui sont l’évidence du racisme et de l’ignorance. Si un pays comme la France a toutes les raisons du monde de craindre une propagation de l’épidémie dans ses frontières, rien ne justifie une telle montée d’extrémisme au pays de Lula. Et encore, pour la France il faut relativiser [voir les explications en vidéo].

Certains ici, des leaders d’opinion notamment, appellent non seulement à la fermeture des frontières, mais exigent la réalisation d’examens médicaux pour tous les Africains désireux de venir au Brésil. Où est la démocratie?

Sur les réseaux sociaux, on lit par exemple ce type de commentaire:

Il faut régler la question car il semble que le Brésil soit une porte ouverte pour les Africains. Nous avons besoin de lois dures comme le font d’autres pays pour empêcher l’entrée des étrangers. Ils devront maintenant passer des examens médicaux avant d’entrer dans le pays.

Ou celui-ci:

Il est clair que des examens sont nécessaires pour stopper l’entrée des peuples ressortissants des pays contaminés au Brésil. Un plus grand contrôle aussi de la part des autorités. Ce virus est fatal et nous devons nous préparer, il s’agit d’une question publique et c’est de la responsabilité des gouvernants.

On demande donc un Etat d’exception pour les Africains. Vive la démocratie !

A-t-on jamais demandé à un malade de la grippe ou de n’importe quelle autre maladie tropicale (dingue…) que l’on trouve au Brésil de présenter des examens avant de prendre un avion? Si parfois on exige un certificat de vaccination, c’est dans l’intérêt du voyageur et non pas dans le but de le discriminer.

Ces gens-là, dont je ne devine pas encore les appartenances politiques, demanderaient presque que les personnes atteintes du VIH soient empêchées de voyager.

Est-ce un crime que d’être malade?

Mais, évidemment, pour le cas d’Ebola, la question est tout autre. La peur réside dans le fait que le virus tue à une vitesse hallucinante et qu’apparemment les pays atteints en Afrique ne semblent pas être capables de résorber l’épidémie…

C’est là aussi que se situe une grande confusion. Pour le Brésilien moyen, le Nigeria c’est l’Afrique, la RDC, une ville d’Angola, ainsi de suite. Donc, quand ils lisent qu’Ebola sévit en Guinée ou au Liberia, pour eux, c’est toute l’Afrique qui est responsable.

Par une facilité que je ne m’explique pas encore, on attribue ad nauseam la présence du virus en Afrique à quelque chose qui relève de la race. Ils sont Africains, ils portent Ebola !

Quand ils veulent, les Brésiliens peuvent être très cruels…

 


Que raconte Dilma Rousseff aux footballeurs?

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Dilma Rousseff – crédit photo: Panorama Mercantil / Flickr.com

BRESIL | Est-ce là une nouvelle carte sous l’écharpe de Dilma Rousseff en vue des élections? La présidente a rencontré plus d’une fois un groupe de footballeurs « rebelles » qui veulent transformer l’état actuel du football brésilien. En ligne de mire, les dirigeants de la CBF.

Jamais dans l’histoire du pays un chef d’Etat ne s’était autant réuni avec des footballeurs. Cela rappelle évidemment « l’épisode Thierry Henry », auto-invité à rencontrer Nicolas Sarkozy après le Mondial sud-africain. Bref, ces rencontres entre « footeux » et présidents semblent répondre aux situations de crise. Alors, communication de crise ou révolution du football brésilien?

Ici, une autre situation: mauvais calendrier, trop lourd à supporter, les finances des clubs, le football amateur et les divisions inférieures, des horaires de match qui n’ont aucun sens et qui obéissent aux caprices des telenovelas de la chaîne de télévision Rede Globo, soit des diffusions au-delà de 22 heures, les mercredis…

Mais qui sont donc ces footballeurs qui font trembler la fédération brésilienne de football (CBF)? Il s’agit d’un groupe de joueurs au status accompli tels que Dida (ex-Milan), Zé Roberto (ex-Bayern), Rogério Ceni (São Paulo), Gilberto Silva (ex-Arsenal), regroupés au sein du Bom-senso Futebol Club – littéralement, le club oeuvrant pour le bon-sens. Une espèce de « moralisation du football » pour emprunter une formule, comment dire… sarkoziste. C’est la dernière fois, promis.

Derrière cette histoire de réunion à Brasília se joue un autre match politique qui a commencé il y a plus de trente ans, à l’époque où Dilma Rousseff était membre des mouvements armés luttant contre la dictature des militaires, dont l’actuel président de la CBF fut très proche en tant qu’oligarque de l’ancien parti conservateur Arena.

Pour la petite histoire, le président de la CBF José Maria Marin, surnommé « Zé das medalhas » (José, le médaillé) s’est illustré il y a deux ans en volant une médaille pendant la cérémonie de remise de trophées du championat pauliste juniors. Voyez plutôt:

Selon la version officielle, il s’agirait d’un cadeau de la part de la fédération pauliste de football… circulez!

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Dilma Rousseff avec José Maria Marin (à sa Droite), Marco Polo Del Nero (à sa gauche) et Felipe Scolari – crédit photo: Blog do Planalto / Flickr.com

Des promesses, donc. C’est ce que les joueurs de football vont chercher au Palácio do Planalto, l’humble demeure de madame Rousseff. La promesse surtout d’interférer dans les hautes sphères de la fédération afin de faire tomber, qui sait, l’actuel groupe au pouvoir.

Néanmoins, un vieux loup comme José Maria Marin sait protéger son terrain de chasse. L’homme fort du football brésilien est en effet protégé par un groupe de députés fédéraux opposés au gouvernement travailliste de Dilma Rousseff. Une impasse politique. Surtout en année électorale.

Et pourtant, après le 7-1 infligé au Brésil, la CBF est en position de faiblesse, un animal moribond attendant le coup de grâce. Mais pour éxécuter la bête, il faut plus que des bonnes intentions, il faut du courage.

Reste à savoir si la présidente Dilma Rousseff est comme on ranconte, une dure à cuire.

 


Anwar Congo, l’homme moderne par excellence

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Des enfants morts à Auschwitz, crédit photo: Skyliber / Wikimedia Commons

La guerre dans la Bande de Gaza fait ressurgir un mot que l’humanité avait juré de ne plus jamais prononcer après Auschwitz  et le Rwanda. Vous avez compris, je parle bien de génocide. Le terme revient de plus en plus sur les réseaux sociaux et dans les médias notamment dans la bouche de ceux qui critiquent « l’action » d’Israël en territoire palestinien.

Pour autant, est-il correct d’employer ce mot pour désigner un crime, aussi massif soit-il en terme d’extermination d’une population?

La distance est tenue entre la compréhension que l’on a d’un crime de « guerre tout court » et d’un génocide. Il semble même que l’on passe aisément d’un terme à l’autre, à l’envie.

Pour ma part, je suis toujours gêné lorsque quelqu’un « utilise le mot génocide en vain », pour reprendre une expression biblique. On ne devrait pas prononcer ce mot en vain au risque de le démystifier et de perdre tout le recul nécessaire dans ce genre de situations.

Tout le monde s’accorde à dire qu’au Rwanda, il y a bien eu un génocide. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale aussi, sans parler évidemment du génocide arménien.

Il faut donc essayer de comprendre ce que renferme ce concept qui a dépuis été adopté dans les vocabulaires aussi bien du Droit International que du Droit Humanitaire.

Si certains crimes de guerre ont en commun un élement qui les fait passer du status de « crime tout court » à celui de génocide, il s’agit peut-être de la cruauté dans l’exécution du pogrome programme… mais aussi de la rationalité mobilisée pour y parvenir.

Adorno et Horkheimer ont été les premiers à s’être véritablement « penché sur Auschwitz » en montrant surtout la dimension rationnelle de l’extermination. Ce qui a eu la conséquence de faire prononcer à Adorno l’une des phrases les plus radicales de l’histoires des sciences humaines: « Après Auschwitz, il est désormais interdit à l’homme de penser ».

La suspension de la raison. Voilà ce que le génocide produit de plus dramatique dans la modernité.

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Une voie menant sur l’entrée d’un camp de concentration à Auschwitz – crédit photo: C.Puisney / Wikimedia Commons

Hélas, nous vivons bien à l’ère des génocides. La modernité a déjà son synonyme le plus légitime. Aucune autre époque n’a allié avec une telle perfection l’art de tuer à la science: Rwanda, RDC, Cambodge, Auschwitz, Arménie, le Darfur, Hiroshima, Nagasaki, Gaza (?),  Indonésie, etc.

L’Indonésie est d’ailleurs, à mon sens, un cas à part. Peut-être même pire que l’extermination des juifs. Loin de moi l’idée de m’engager dans une tentative de hiérachisation des génocides. A ce jeu-là, malheuresement notre époque est déjà passée maître. Nous sommes donc tous des génocides. Ah, voilà un hashtag que personne n’ose mais qui nous va si bien… #WeAreAllGenocides, #NousSommesTousDesGénocides.

Le cas du massacre des millions d’indonésiens opposés au régime militaire dans les années 60 est l’objet d’un article que je publierai cette année dans la révue brésilienne  « Sociologie des émotions ». Je m’interesse particulièrement au documentaire produit par le réalisateur américain Joshua Hoppenheimer qui « donne la voix » littéralement aux auteurs des crimes les plus barbares que l’humanité n’ait jamais vus.

Anwar Congo et ses complices sont aujourd’hui des stars dans un pays qui cherche encore sa propre voie démocratique malgré une une société à la morale trop fragile. Ce qui gêne le plus ici, c’est que personne en Indonésie ne semble être choqué par ce crime. Enfin, pas la majorité en tout cas si l’on en croit le prisme du documentaire.

La « scène du balcon » qu’il est recommandé de voir est la preuve ultime « de l’utilité de la raison pour commettre un génocide ».

Pas d’indignation, donc. Au contraire, ici, les bourreaux sont des héros. Les victimes, simplement des « communistes »… ou comment les discours préparent les « meilleurs génocides ». Les « cafards » tutsis, ça vous dit quelque chose?

Anwar Congo est l’homme moderne par excellence: assassin, calculateur, méthodique et terriblement rationnel.

Pour finir, je reviens donc sur le conflit dans la Bande de Gaza et ses d’ores et déjà 1200 morts dont 200 enfants. Il y a évidemment quelque chose de rationnel dans les attaques de Tsahal: l’attaque ciblée sur la centrale d’électricité, les maisons bombardées, etc. mais, il faut encore un pas avant qu’on parle de génocide.

D’ici là, continuons au moins de nous indigner, puisque c’est ce qui nous rend encore humain… malgré tout.

 


Pour Gaza, le Brésil adopte la stratégie anti-apartheid

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Dilma Rousseff et Mahmoud Abbas en 2011- crédit photo : Antonio Cruz/ABr / Wikimedia Commons

Le gouvernement brésilien est enfin sorti de son mutisme sur la crise à Gaza, mais il est encore trop tôt pour analyser froidement son choix diplomatique. Alors que sur les réseaux sociaux la pression se fait de plus en plus grande contre l’opération « Bordure protectrice » menée par Israël à Gaza, le ministère brésilien des Affaires étrangères adopte une position radicale.

L’Itamaraty a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv pour une « consultation » à Brasília. En langage diplomatique, on sait que ce n’est pas pour lui transmettre des mots doux destinés à Benjamin Netanyahu…

S’agit-il d’une stratégie diplomatique alignée sur l’opinion publique brésilienne considérant qu’on est à quelques mois des élections ou d’une mesure innovatrice vis-à-vis d’Israël?

On se rappellera évidemment que le Brésil fut l’un des premiers pays à soutenir ouvertement l’ANC dans sa lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, ce à quoi Mandela rendit un vibrant hommage en se déplaçant à Brasília quelques temps après sa sortie de prison.

D’un autre côté, on est en droit de se demander si cette mesure radicale de la part de l’Itamaraty ne s’inscrit pas dans la « logique des réseaux sociaux ». Déjà pendant l’affaire Snowden, Brasília s’était sensiblement laissé influencer par les médias, quitte à froisser ses relations avec Washington.

Si comme certains observateurs le suggèrent il s’agit d’un boycott annoncé contre Israël, le Brésil donne encore la preuve d’une vision humaniste de sa politique étrangère.

Cependant, on peut se questionner le fait qu’à Brasília, il n’a pas été fait mention des coups de roquettes lancés sur Israël par le Hamas depuis Gaza.

Reste à savoir si d’autres pays adopteront la même stratégie…

Le gouvernement israélien a quant à lui réagi avec violence à la note officielle publiée sur le site du ministère brésilien des Affaires étrangères. Tel-Aviv qualifie le Brésil de « pays sans importance politique sur la scène internationale ». Brasília réfléchirait sur la meilleure réponse à donner suite à cette déclaration offensive d’Israël.

>>> Lire mes articles précédents sur la crise à Gaza ici et .

>>> Participez à une mobilisation internationale contre l’opération « Bordure protectrice » ICI.


Império : les promesses d’une télénovela

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La plus grande chaîne de tv au Brésil, Globo perd de plus en plus son audience – Crédit photo: midianinja / Flickr.com

La chaîne Globo a vu son audience chuter de façon inédite ces dernières années. Des statistiques confirmaient cette tendance même avant le début de la Coupe du monde. A cause du Mondial de la FIFA, l’audience était partagée. Même les télénovelas, fleurons de la toute puissante Globo sont en chute libre avec une perte d’espace de 30 % en moins de 10 ans. Une nouvelle télénovela se donne l’ambition de changer la donne.

Une première fracassante… 

On juge une télénovela à son premier épisode, dit-on du côté de Rio. Et qu’en plus, si tu as regardé le début, le milieu et l’avant-dernier épisode, tu auras tout compris. Parce que le dernier épisode sert à « boucher les trous », une dernière fête en famille où l’on revoit tous les gentils de la série.

Império semble être parti pour démentir cette règle. La grande production d‘Aguinaldo Silva a la difficile mission de faire rebondir l’audience de la chaîne de télévision Globo. L’auteur mise pourtant sur des thèmes classiques de la dramaturgie brésilienne: un garçon pauvre, enfant de la rue qui fait fortune en construisant un empire de… diamants!

Le tout avec une bonne dose de sadisme comme on en fait souvent à Globo où un personnage, souvent une femme, incarnera le vilain de la novela de façon quasi caricaturale. Mais ça marche.

La chaîne de télévision avait progressivement perdu de l’espace à cause de l’émergence des chaînes câblées et d’une offre de plus en plus qualifiée chez la concurrence.

L’ascension météorique d’un trafiquant

L’ironie de l’histoire, c’est que la trajectoire du héros ressemble à quelques détails près à l’ascension de Silvio Santos, patron de SBT, une autre grande chaîne nationale concurrente de Globo tv. Ce dernier était vendeur ambulant avant de faire fortune et devenir le président de la banque Panamericano… Juste une coïncidence.

Mais cette ascension fulgurante révèle une trace culturelle typiquement brésilienne, dans ce pays où plus de la moitié de la population joue à la loterie dans l’espoir de toucher le jackpot. Au Brésil, s’enrichir en un clin d’oeil est le rêve de chacun… le dur labeur ne fait pas rêver.

Império confirme enfin le statut de star de l’acteur Alexandre Nero qui se contentait jusqu’ici de seconds rôles. A suivre.


Je ne connais qu’un israélien et c’est un mec sympa

 

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A l’époque l’éspoir était permis – crédit photo: Vince Musi / Wikimedia Commons

Ariel Sharon et Benjamin Netanyahu ont fait plus de mal que de bien à Israël. Les deux hommes politiques représentent aujourd’hui pour le citoyen lambda de n’importe quel pays, la figure de l’Etat hébreu. Ce qui est déjà un mal en soi. Alors que l’on vit encore un moment dramatique à Gaza où l’armée d’Israël mène une énième offensive militaire (et cette fois-ci elle est terrestre) la haine contre ce pays augmente dans des proportions inquiétantes. 

Il se peut que ce que j’interprète comme de la haine soit simplement le reflet d’un appui inconditionnel à la Palestine. En tous les cas, les réseaux sociaux ont radicalisé l’animosité contre Israël qui est aujourd’hui comparé au régime du Troisième Reich, ses dirigeants assimilés à Hitler, Goebbels et autres nazis que l’on sait.

Pour autant, ce peuple est-il si odieux que cela? A force de voir défiler des images de Gaza, de la Cisjordanie, le Hamas et de Jérusalem à la télévision (et maintenant nous avons aussi Facebook et Twitter) les gens ont l’impression de connaître les israéliens. Enfin, connaître, c’est un gros mot.

Dans toutes les grandes villes du monde, on voit des manifestations contre Israël, des slogans contre les « génocidaires » du Likoud et d’Yisraël Beiteinu…

#FreePalestine est devenu l’un des hashtag les plus populaires d’internet même si dans les faits, j’ose croire que 80 % de ceux qui écrivent et commentent ce conflit n’ont qu’une vague idée de ce qui s’y passe réellement, moi y compris.

Depuis que j’ai compris que je suis comme des millions de gens victime d’un chantage émotionnel, j’ai décidé de « débrancher ». Plus de lecture de billet sur le conflit israélo-palestinien, plus de commentaire sectaire non plus sur les réseaux sociaux. Je préfère garder mon esprit propre.

Et puis, hier soir, j’ai quand même lu une tribune intéressante sur Rue89 qui m’a rappelé qu’en fait, je ne connaissait qu’un seul israélien en chair et en os.

Eh, oui! En 2008, arrivant au Brésil, j’ai étudié le portugais pendant 8 mois avec un israélien dénommé… Ariel.

C’était un homme simple, gentil et respectueux. Pas du tout radical dans ses idées, il était marié à une brésilienne avec laquelle il avait trois petits enfants.

Je me souviens qu’on échangeait souvent pendant les intervalles et j’étais assez impressionné par sa culture générale et sa connaissance du Congo.

Il n’était pas non plus riche comme on suppose que tous les juifs le sont. Je me souviens de le voir passer de temps en temps devant mon appartement sur sa moto pourrie… blond, droit sur la selle, une sale chemise déboutonnée, il a toujours l’air d’un Steve McQueen encore plus paumé que dans La Grande Evasion.

Quand je pense à Ariel, les souvenirs de Gaza et des crimes d’Israël s’évanouissent de ma mémoire. Je relativise: « Tous les israéliens ne sont pas des monstres, tous les palestiniens ne sont pas des saints ».

Mais qui s’en souvient encore maintenant?


Vol MH17: Don’t cry for me

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Des débris d’un avion de la Turkish Airlines, crédit: Radio Nederland W. / wikimedia commons

Il y a vraiment quelque chose de dérangeant dans notre époque. Des fois, je souhaiterais vivre dans une autre période l’histoire, moins hypocritique. Une époque où le cynisme ne serait pas la première règle morale de la société. Peut-être ne l’avez-vous pas noté, mais depuis jeudi, un seul sujet occupe notre esprit (consciemment ou inconsciemment): le crash du Vol MH17.

C’est vrai qu’on n’entend pas tous les jours aux infos de 20 heures qu‘un missile a atteint un avion en plein vol. Sans vouloir paraître moi-même cynique, c’est le scénario idéal pour un film de Steven Spielberg considérant que le réalisateur américain a déjà filmé Munichwait and see.

Sans doute, l’attentat contre cet avion qui transportait, en grande majorité, des Hollandais est une vraie catastrophe, mais n’en fait-on pas un peu trop dans les médias?

Je m’explique. Hier, j’accède à ma page Facebook, et je tombe sur un article publié par un ami brésilien, le titre m’interpelle : « La cure du Sida était peut-être dans l’avion… ». Alors là, je suis choqué.

Je me dis alors que nous sommes, de toute évidence, les victimes consentantes d’un chantage émotionnel à l’échelle planétaire; les médias font dans la surenchère pour savoir lequel arrivera plus que les autres à nous émouvoir.

Chose curieuse aussi, la guerre à Gaza n’est plus l’information principale des chaînes de télévision et des journaux à travers le monde. Après tout, la guerre palestino-israélienne, on en a droit tous les ans; même les intifadas n’effrayent plus autant puisqu’elles arrivent à intervalle plus ou moins régulier…

En gros, en une semaine, nous avons eu droit, à la fois, à la sempiternelle crise israélo-palestinienne (j’inverse le néologisme pour être équitable) qui en lasse déjà plus d’un, mais aussi à ce crash d’avion en Ukraine.

Pour nous, pauvres mortels impuissants, la seule chose à faire maintenant c’est de bien canaliser nos émotions pour l’une ou l’autre « cause ». Personne ne sera sensibilisé de la même manière par les deux évènements, soyons réalistes.

Si bien que vendredi soir, je vérifie cette information selon laquelle un chercheur spécialiste du VIH était bien dans le vol MH17.

L’hypocrisie n’a pas de limites… On nous présente cet homme, Joep Lange, comme le « sauveur » de l’humanité, parce qu’il détenait le « savoir », ou l’expertise nécessaire à la lutte contre le VIH. A Gaza, j’imagine bien qu’il n’y a aucun « spécialiste », donc les centaines de morts palestiniens sont moins importants. Il n’y a que moi que ça choque?

Nous vivons une semaine typique de ce que le sociologue français Luc Boltanski appelle la « fatigue morale » ou the distant suffering, si vous préférez [PDF en anglais].

Et pour couronner le tout, un ami me fait remarquer que non seulement on nous bombarde à coup d’informations sur l’Ukraine et/ou Gaza, mais en plus on doit se contenter d’un profond silence sur l’éternelle crise sécuritaire en RDC… là aussi, il y a eu 5 millions de morts depuis 1998. Vous avez dit chantage émotionnel ?


Papa Wemba, au sommet du village

Papa Wemba vient de sortir son nouvel album « Maître d’Ecole »

Ça y est ! Il est de retour au sommet du village. Ou devrais-je dire aux commandes de l’école. Le maître incontestable et incontesté de la Rumba congolaise fait une sortie estivale qui restera dans les annales. « Maître d’Ecole » arrive pour redessiner la carte de la rumba nationale qui, il faut le dire, commençait à se perdre dans de tristes utopies dites « world music ». Merci Papa.

L’année dernière, j’écrivais sur ce blog un commentaire de Papa Wemba concernant son jeune « héritier » Fally Ipupa parce que ce dernier « ne respectait pas la guitare ». Il se devait donc de revenir sur ce petit détail, Ô combien fondamental dans l’histoire de la Rumba congolaise, depuis les Docteur Nico et autres Lutumba Simaro.

C’est chose faite, notamment dans le titre « Mobembo » avec à la guitare celui qui est pour moi le meilleur du Congo en la matière, Olivier Tshimanga: « L’homme qui fait parler une guitare », pour utiliser une vieille formule.

 

L’arrangement même de ce titre est un chef-d’oeuvre, les changements de rythme introduits par l’usage du synthétiseur, sans pour autant en abuser. Joli !

On entend également le maître citer, tenez-vous bien, Sidney Poitier, un Libanga qui fait chaud au coeur du cinéphile que je suis… pourtant, on saura plus tard qu’il s’agissait en fait de l’un de ses nombreux fils. Que dire encore de cette inflexion que Papa Wemba imprime à sa voix sur ces mots qui prennent alors une dimension nouvelle, « Patience na nga enzuluki, nzulukiiii… ».

Le fondateur du Village Molokai fait un retour aux sources de la Rumba et de la culture congolaise dans un titre comme « Poule de Mort« , une chanson provocatrice et non moins drôle quand on sait ce que signifie la culture de la sape en RDC.

La rumba, c’est le détail. Un détail que l’on perçoit dans le mixage des choeurs basses qui impressionnent dans cette chanson… écoutez !

Ce retour aux sources, Papa Wemba en est conscient, puisque même l’affiche de l’album le suggère assez clairement. On y découvre un Papa Wemba en maître d’école, bâton d’instituteur à la main, à enseigner le b.a.-ba de la rumba aux jeunes… et ils en ont bien besoin car notre musique commençait à se perdre.

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Malgré l’humiliation, Dilma Rousseff gagne son pari

Dilma Roussef via Wikimedia Commons, CC
Dilma Rousseff via Wikimedia Commons, CC

ANALYSE | Le pari était risqué. La présidente Dilma Rousseff l’avait prévu à sa manière un peu maladroite, comme toujours devant les caméras : « Nous allons organiser la Coupe des coupes – a Copa das Copas ». La belle formule a été accompagnée par un hashtag ultrapopulaire sur le réseau social Twitter, #copadascopas.

Même le président de la FIFA, plutôt réservé avant le début de la Coupe du monde vient d’attribuer une excellente note au Brésil pour son travail exceptionnel en tant qu’organisateur : 9, 25 sur 10. Un succès qui fait du Brésil un grand parmi les grands.

La première semaine post-Coupe du monde est l’occasion de faire le bilan, et il faut croire que même les plus pessimistes des observateurs s’accordent à dire que l’organisation du Mondial est un succès. Le Brésil s’est bien vendu, comme on dit.

La seule humiliation est restée sur le compte du beau jeu que la Seleção de Felipe Scolari n’a jamais réussi à présenter.

Solidaire sans pour autant exagérer

La grande gagnante de ce succès est évidemment Dilma Rousseff qui, dès le début, avait prévu un bon comportement de la population ainsi que des organisateurs. Plutôt abandonnée par l’ensemble de la classe politique qui redoutait une explosion sociale, Dilma Rousseff s’est rangée tout au long du tournoi « derrière la population et sa Seleção… ».

Intelligente, elle s’est montrée nuancée à savoir que le destin de la Seleção ne serait pas le baromètre d’évaluation de la Coupe du monde.

C’est ainsi qu’au lendemain de la défaite face à l’Allemagne elle était tout à fait à l’aise pour admettre que le Mondial était une réussite. Dimanche, elle a insisté après le match sur cet aspect, tout en regrettant la triste élimination des joueurs de Felipão, le big Phil.

Comme tous les Brésiliens, je suis triste pour cette défaite.

C’est que les enjeux étaient énormes : les élections d’octobre. On pouvait s’attendre à ce que le déroulement de la Coupe du monde dicte le « mouvement » général des électeurs. Dilma Rousseff se devait donc d’être solidaire avec l’équipe nationale sans pour autant exagérer.

L’impression qu’elle a donnée à la fin est celle d’un personne neutre. Au-dessus des résultats, loin des stades, elle n’est apparue qu’à deux occasions – huée certes – durant le match d’ouverture et la conclusion du Mondial au Maracanã. Bien vu.

 

Nous avons la foi en notre seleção. Le Brésil c’est 200 millions de coeurs unis !

Pas de conséquences sur l’élection

Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent à dire que cette Coupe est effectivement la Copa das Copas, tant sur la pelouse, grâce notamment au spectacle qui est allé jusqu’au bout du bout du suspense, tant en dehors du terrain où les touristes ont été impressionnés par la réceptivité des Brésiliens (…et Brésiliennes?). Mais ça, ce n’est pas une surprise pour moi.

Donc, je peux déjà m’avancer et dire que l’élimination du Brésil n’aura aucun effet sur les prochaines élections. Et ce, pour deux raisons :

  1. la première est sportive : le responsable de la défaite n’est pas Dilma Rousseff, mais bien Felipe Scolari et son staff en commençant par Parreira. Les deux hommes sont directement tenus pour responsables par l’ensemble des analystes ainsi que 75 % de la population. Par ailleurs, 95 % des étrangers affirment vouloir revenir au Brésil selon un sondage publié sur le site du Parti des travailleurs (PT).
  2. la deuxième raison est historique : en 1998, le Brésil perd la Coupe du monde en France et le président Fernando Henrique Cardoso (social-démocrate, mais centre droit en réalité) est réélu face à Lula da Silva. En 2002, au Japon, la Seleção de Ronaldo et Rivaldo est championne du monde, mais Cardoso perd l’élection et voit Lula initier la période la plus prospère de l’histoire du pays. 2006 et l’élimination précoce en Allemagne, Lula da Silva est réélu malgré le scandale du Mensalão.

 

Le Brésil est donc prêt à recevoir les Jeux olympiques dans un climat beaucoup plus serein. Toutefois, il ne faudra pas s’enflammer dans le camp de la présidente Dilma Rousseff.
 

 Bonus:

– Tous mes articles sur la Coupe du monde sont à retrouver ICI.

– A propos des manifestations de juin 2013, lire mon reportage pour l’Atelier des médias / RFI.

– Me suivre sur Twitter.

 


Terminée la Coupe du monde, et si on parlait (enfin) du Brésil

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Un supporteur brésilien avec un cercueil dédié à Maradona, crédit photo : Adenilson Nunes / AGECOM / Wikimedia Commons

Ouf ! Finalement, elle est passée cette Coupe du monde. Elle a trop duré. J’ai du mal à l’admettre, mais j’ai effectivement perdu un mois de ma vie à regarder des matchs, à lire des billets de blogs, à méditer pour une victoire des Bleus face à l’Allemagne, à espérer la Chute de Sepp Blatter encore pris dans un scandale. Un mois à ne rien faire d’utile, et pendant lequel j’ai outrageusement délaissé Carioca Plus (je me cachais ) n’ayant presque pas parlé du Brésil. Cette Coupe du monde était surtout l’occasion – pour les autres – d’alimenter des mythes sur le pays de Pelé et Gilberto Gil.

Après avoir frôlé une overdose de matchs, j’en suis arrivé à culpabiliser pour avoir rangé mes livres, oublié d’écrire mes deux articles scientifiques du premier semestre, reporté la traduction de trente pages d’un article sur l’économie solidaire… le retour à la réalité sera pénible !

Et puis, il faudra actualiser mes lecteurs sur l’évolution de l’actualité brésilienne qui risque également d’être chargée…

Pendant que j’étais « en vacances », d’autres ont assuré le relais. C’est ainsi que j’ai pu lire ici et quelques vérités dérangeantes – ma spécialité – sur le Brésil. Mais en règle générale, ce Mondial a éclipsé tous les problèmes du Brésil dont on nous parlait pourtant jusqu’au 30 juin.

Une fête sans les Noirs… comme toujours !

Je l’ai écrit mille fois sur ce blog. Au Brésil, « les Noirs meurent plus que les Bancs« , ils sont en majorité analphabètes, pauvres et exclus de tous les circuits culturels du pays. La Coupe du monde n’a fait que confirmer mes propos comme on peut le lire dans un reportage de Slate.fr et même sur Bloomberg.com.

Certains peuvent toujours fermer les yeux, mais la vérité est que pendant cette Coupe du monde, les Noirs ne sont jamais allés suivre les matchs dans les stades qui ont été « réservés » aux Blancs de la classe moyenne… et à la Jet Set internationale.

Why always Us

Ah, les Noirs ! Toujours eux ! C’est Balottelli qui a compris l’affaire en s’interrogeant ainsi : « Why always me » ? Cette Coupe du monde a aussi été un prétexte pour faire du « black-bashing » sur les réseaux sociaux. Le premier à en pâtir fut le défenseur brésilien Marcelo, auteur d’un but contre son camp face à la Croatie.

Les réseaux sociaux se sont chargés de déverser sur lui leur haine raciste… « il fallait bien que ce soit un Noir », lisait-on sur Twitter. D’ailleurs, je me suis toujours demandé pourquoi Twitter n’avait pas de politique de modération. Vous n’imaginez pas le nombre de comptes racistes, xénophobes, antisémites, pornographiques et néonazis qu’on trouve sur le réseau social…

L’autre joueur qui a fait les frais du racisme, c’est évidemment « ce diable » de Zuniga. Le malheureux a eu l’audace de promener son genou sur la colonne vertébrale de Neymar privant le Brésil du rêve d’un hexacampeonato… mais ça, c’était avant le fameux 7-1.

Et les femmes, elles aiment vraiment le foot ? 

Je n’ai rien contre le femmes. Mais, franchement, pendant cette Coupe du monde, les Brésiliennes m’ont fatigué avec leurs commentaires sortis tout droit de Blanche Neige… Après, elles diront que « c’est le foot qui ne les aime pas ».

Combien de fois ai-je entendu, après un but de David Luiz ou James (ne se lit pas Dgemès, mais Ramès) Rodriguez des commentaires du genre : « ô qu’il est beau David« , « Seu lindo, James Rodriguez !« . Franchement, mesdames, êtes-vous vraiment obligées de reproduire ces clichés contre votre propre sexe?

Sinon, on a dit aussi que cette Coupe du monde, avant de commencer, était déjà le Mondial des « match’o »… elle se termine comme la plus sexiste de l’histoire. Mesdames, 7; messieurs, 1.

Pendant ce temps-là, les élections…

7-1. Je ne devais pas en parler. Mais l’affaire est grave. Il paraît que Dilma Rousseff n’a pas suffisamment payé la FIFA – et les Allemands ? – d’où cette sanglante défaite, mardi 8 juillet à Belo Horizonte. Ou est-ce le fait qu’elle ait payé en reais?

Le fait est qu’une partie de la population veut à tout prix la rendre responsable de la déroute de la Seleção. Si l’on en croit le plus grand anthropologue brésilien vivant (Houla, les superlatifs…), le « Claude Lévy-Strauss de Tijuca », Roberto DaMatta, la présidente ne perd rien pour attendre… « Les conséquences de cette défaite vont dépasser le cadre normal du sport et se faire ressentir dans d’autres domaines. On ne sait pas comment, mais cela va arriver ». C’est dit.

Heureusement pour l’héritière de Lula da Silva, le « brazilianist » Peter Hakim l’entend d’une autre oreille: « cette ‘honte passagère’ ne durera pas longtemps ». C’est dit… aussi.

La Coupe du monde est finie, mais le match DaMatta-Hakim ne fait que commencer.

Bonus:

– Dilma Rousseff a encore été huée ce dimanche lors de la finale de la Coupe du monde au Maracanã.

« Aqui é o país do futebol »

 


Neymar : «Nous sommes mal formés à la base»

Le 7-1 infligé par l’Allemagne au Brésil a été qualifié par un journaliste de « score fleuve éducatif« . Nous sommes là en face d’un nouveau concept dans le football mondial. Le monde du ballon rond attend avec une certaine impatience la finale de la Coupe du monde dimanche 13 juillet 2014 au Maracanã, mais au Brésil l’heure est à la remise en question du football national. (Crédit photo : Danilo Borges, Wikimedia Commons)

D’aucuns attendait que les meilleures réponses viennent de Felipe Scolari et Parreira – pas moi en tout cas – , pourtant c’est bien Neymar, apparemment transformé depuis son passage au FC Barcelone qui a trouvé les meilleures formules pour « expliquer » le drame de ce mardi au stade Mineirão de Belo Horizonte, quand l’Allemagne a désintégré la Seleção.

« On nous enseigne mal à jouer au football au Brésil. Nous n’apprenons plus les fondamentaux », a-t-il rappelé devant un parterre de journalistes stupéfaits par une telle maturité sortant de la bouche d’un garçon de 22 ans.

La Seleçao dans le déni ?

« C’est mon père qui m’a appris à faire le minimum qu’un joueur de football doit faire : contrôler le ballon, faire des passes… Il m’a appris plus que tout autre entraîneur que j’ai eu dans ma carrière… », a révélé Neymar invité jeudi à la Granja Comary pour réconforter ses coéquipiers.

Le discours de Neymar contraste avec le spectacle surréaliste offert par Felipe Scolari et Parreira un jour plus tôt. Les deux hommes se sont enfermés dans le déni jugeant leur travail « positif » malgré « une défaite accidentelle ».

Carlos Alberto Parreira a eu le courage de lire la lettre d’une certaine Dona Lúcia, ménagère, qui de son propre aveu « ne comprend rien au football » , mais qui en revanche « savait juger les hommes »...  Pour elle, « le travail des deux hommes forts de la Seleção a été positif », s’est empressé de dire Parreira apparemment satisfait de compter avec le soutient d’une mystérieuse supportrice.

« Nous avons honte« 

Toutefois, Neymar, plus que jamais lucide reconnait que « la Seleção a présenté un football raisonnable », ce qui est trop peu en comparaison avec l’histoire du football brésilien.

« Nous avons honte. Nous avons commis une erreur et serons marqués par ce score fleuve qui n’appartient pas à notre histoire, mais des jours meilleurs viendront« 

Samedi, la Seleção affronte la Hollande pour le match de la troisième place, mais ici au Brésil tout le monde a le regard fixé vers le futur, c’est-à-dire, vers l’urgence de copier ce qui se fait de mieux aujourd’hui dans le monde : l’Espagne et l’Allemagne.

Reste à savoir si les bonnes personnes feront ce qui est nécessaire pour y parvenir.

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