Serge

La Justice Electorale concède un droit de réponse à Dilma Rousseff

La « Une assassine » de la revue Veja n’aura pas été sans conséquences. Hier, samedi 25 octobre 2014, la Justice Electorale brésilienne a concédé un droit de réponse au Parti des Travailleurs suite à la publication par la revue citée d’un dossier à charge contre Dilma Rousseff et Lula da Silva.

Ce dimanche encore, il est possible de lire le droit de réponse du PT sur le site internet de Veja. Voir la capture ci-dessous:

Le droit de réponse du PT suite à l'article de Veja
Le droit de réponse du PT suite à l’article de Veja

Cette affaire montre encore une fois comme le journalisme est une profession difficile qui exisge avant tout de la responsabilité de la part de celles et ceux qui l’exercent. Et aussi, c’est l’occasion de repenser à l’effet réelle d’un droit de réponse. Surtout que dans un cas comme celui-ci, l’édition de Veja a circulé et continue de circuler dans tout le pays avec les conséquences électorales que l’on ne connaîtra que ce soir vers 20h00, heure de Brasília, lorsque les premières tendances des résultats seront publiées. En toute conscience, Veja a décidé de publier une rumeur faisant preuve d’une partialité grotesque et irresponsable considérant le contexte électoral actuel. L’article faisait référence à une possible implication du gouvernement dans un schéma de corruption monté autour de la multinationale Petrobras, sans pour autant avancer les preuves nécessaires qui justifieraient une telle Une.

Voici donc la Une accusatrice de Veja

La "Une assassine" de Veja
La « Une assassine » de Veja

PS: Plus tard dans la soirée, ma première analyse des résultats des élections présidentielles.

 


« Ils savaient tout », la Une assassine de Veja

 

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La Une de Veja, « Il était temps ». Puis, celle du journal de gauche Carta Capital, « Cuba sans Fidel » – Crédit photo: tcnbaggins / Flickr.com /

« Ils savaient tout! », cette phrase prononcée par André Malraux au moment où le Panthéon s’apprêtait à accueillir Jean Moulin fera la Une de la revue Veja ce week-end. Les historiens et tous ceux qui auront le coeur à raconter l’histoire du Brésil dans 50 ans devront le faire en lettres de sang, car en un soir d’octobre 2014, on tenta encore une fois d’assassiner la démocratie brésilienne.

La revue Veja est peut-être le magazine ayant la plus grande circulation au Brésil, sans parler du fait que ses gros titres sont systématiquement reprises par les journaux télévisés des chaînes gratuites telles que Globo, Record ou Band.

« Ils savaient tout! »Cette Une assassine pour Dilma Rousseff et Lula da Silva se réfère au scandale de corruption touchant la multinationale Petrobras, l’affaire étant elle-même déjà entre les mains de la justice. Donc, pourquoi faire courir des rumeurs? Et surtout, pourquoi n’exposer que le PT (Parti des travailleurs) quand ce même témoin a déjà déclaré que des hauts cadres du parti d’Aécio Neves étaient également impliqués?

En premier lieu, si l’on s’en tient uniquement au travail journalistique, il s’agit là d’une Une totalement irresponsable, car elle se base sur les propos d’un témoin qui ne présente aucune preuve, mais raconte UNE version de l’affaire… rien de plus. On ne sait rien. Et justement puisqu’on ne sait rien, on peut tout supposer. On peut accuser sans preuve comme le fait Veja qui choisit définitivement son camp, encore une fois, contre la démocratie. Il s’agit ni plus ni moins d’une forme de terrorisme électoral pratiqué par une catégorie professionnelle censée être le garant de la démocratie. Le constat de Véronique Montaigne, journaliste pour Le Monde est sans appel

Deuxièmement, en associant Lula da Silva à ce titre, on s’aperçoit que le but de Veja n’est pas d’informer. Car « Lula » n’est plus dans le gouvernement, il n’exerce aucune fonction officielle; cette Une a donc la double fonction de détruire l’image de Dilma Rousseff, mais surtout celle de Lula, symbole de ce Brésil qui a « roulé à gauche » pendant 12 ans. Lula étant la caution morale du PT, c’est donc lui qu’il faut détruire avant de s’attaquer à Dilma Rousseff.

Ceux qui écriront l’histoire, donc, auront le devoir de dire que Dilma Rousseff, Lula da Silva et le PT ne contrôlaient pas la presse, contrairement à ce que véhiculent les correspondants de Folha de São Paulo, Estado de São Paulo ou Veja à l’étranger…

Il convient aussi de rappeler, pour mieux situer le lecteur, que tous les sondages donnent désormais Dilma Rousseff comme victorieuse avec plus de 4 % d’avance sur le candidat de droite, Aécio Neves.

A deux jours de l’ élection présidentielle, cette Une de Veja est un sérieux coup de massue porté à la démocratie brésilienne.

 


Lula est partout

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Dilma Rousseff, Lula da Silva et le vice-président du Brésil Michel Temer (centre) / Valter Campanato/ABr/ Wikimedia Commons

A São Paulo où l’on élisait le gouverneur de l’Etat le plus riche d’Amérique latine, quand le candidat du PT, Alexandre Padilha, l’ancien ministre de la Santé responsable de la venue des médecins cubains a été humilié dans les urnes, Lula a prononcé ces mots : « Nous avons une dette morale envers le compagnon Alexandre. Nous n’avons pas assez travaillé pour lui ».

Cette simple phrase a remobilisé les militants du Parti des travailleurs qui se voyaient trop beaux derrière leurs ordinateurs, à « manifester » sur Facebook, alors que la droite gagnait du terrain dans la vie réelle.

Lula a donc décidé de se racheter en faisant tout son possible pour faire élire Dilma Rousseff pour un second mandat présidentiel. Lula est partout. Il se démultiplie. Il déborde d’énergie au point que l’on a peur qu’il ne s’écroule. Il harangue les foules comme à la meilleure époque des luttes ouvrières dans l’ABC paulista… 

Lula parcourt son Brésil. Comme avant. Il « agresse » Aécio Neves sur ses terres, à Minas Gerais, où le PT a fait élire un gouverneur. Il mobilise les troupes comme jamais on ne l’avait vu. Tout cela, pour que Dilma Rousseff se concentre sur le marathon de débats présidentiels sur les quatre principales chaînes de télévision du pays.

Lula, l’ouvrier. L’ouvrier au service de Dilma. Au service du PT. Au service du Brésil.

Pour la première fois depuis le début de la campagne présidentielle du second tour, Data Folha place Dilma Rousseff en tête des intentions des votes (52 %). La machine PT qui semblait un peu enraillée a mis du temps à démarrer. Elle est finalement lancée. Rendez-vous, dimanche, 26 octobre 2014.

 


Jersey Boys: Clint Eastwood fait un bon Scorsese

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Crédit photo: id-iom / Flickr.com

Il y a évidemment plusieurs raisons d’aller voir « Jersey Boys ». L’une d’elle est la possibilité d’observer l’évolution de ce cher Clint, non seulement en tant que cinéaste mais surtout en tant qu’humaniste.

Oui, j’ai lâché le gros mot. Mais pourquoi pas finalement. Ceux qui ont vu Million Dollar Baby, Mystic River, Gran Torino ou Letters from Iwo Jima savent pertinemment que Clint Eastwood a bien une facette humaniste. Le personne est complexe, sans doute.

Ensuite, il y a les nombreuses références cinématographiques placées intelligemment dans le film. D’un point de vue technique, on retrouve la méthode narrative de Martin Scorsese, notamment par l’indispensable voix-off… souvenez-vous de Goodfellas, mais ici avec une « touche David Fincher » dont on ne vous dira pas plus.

La première scène (panoramique en plongé) de « Jersey Boys » n’est pas sans rappeler l’ouverture de Changeling – un travelling vertical en plongé qui évoque l’entrée dans une communauté -. Comme si Clint Eastwood nous invitait à poursuivre cette intropection de l’Amérique profonde esquissée dans Changeling et J. Edgar et qu’il ne cesse d’exploiter. Ce n’est en effet pas la première fois que le cinéaste s’attaque à l’Amérique des années 1930-1960.

Clint Eastwwod est obssédé par l’Amérique traditionnelle, protestante mais paradoxalement fragile, elle ne tient qu’à un fil. Les valeurs familiales reviennent aussi dans un schéma social fait de tensions: le capitalisme joue son rôle…

« Papy » Eastwood fait de l’humour aussi, car dans « Jersey Boys », on rit. Et pas qu’un peu. Les dialogues sont bien écrits et joués de façon crédible par des acteurs qui n’en font pas trop. Morceau choisi:

– « We do everything together »
– Really? How old are you? 
– « Together or separated? »

Même le parrain de la mafia ici a un côté bon enfant qui nous fait penser à un Marlon Brando sur le déclin. Dommage que le personnage ne soit pas plus étoffé…

Les plus familiers de l’oeuvre de Clint Eastwood – n’ayons plus peur d’employer ce terme – retrouveront dans « Jersey Boys » l’une des plus grandes passions de l’acteur-cinéaste: la musique (son fils Kyle est un musicien réconnu).

Après Bird, le voici donc embarqué dans un projet non moins ambitieux, accompagner l’ascension de Frankie Valli. Nous sommes dans les années 60.

Justement, Frankie Valli – que je ne connaissais pas, mais ses chansons on les connait – est l’une des raisons d’aller voir le film. Son entourage familial est, de mon point de vue, une claire référence à Ragging Bull (Robert de Niro dans le premier rôle) de Martin Scorsese. Il possède une voix tellement atypique qu’on se demande pourquoi il n’a pas connu un destin plus glorieux.

Le casting est intéressant aussi. On retrouve Vincent Piazza, jeune acteur qu’on a vu dans Boardwalk Empire (encore Scorsese), qui vole complètement la vedette aux autres acteurs. L’intérêt de ce film est aussi qu’on en sort avec une folle envie d’écouter des hits des Four Seasons sur Youtube.

Bref, j’adore Clint Eastwood pour plusieurs raisons (la passion pour le jazz en fait partie), au point de ne pas m’importer de le voir se ridiculiser dans un dialogue bizarre avec Obama – on lui pardonne volontier ses péchés de vieillesse.

Quand on le voit réaliser un film de cette portée, on a juste envie qu’il ne s’arrête jamais. Longue vie donc, « Dirty » Clint !

 


Marina Silva change sa politique… et son look

 

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Marina Silva et la milliardaire Neca Setubal / Cacá Meirelles/ Wikimedia Commons

Marina Silva a-t-elle finalement compris pourquoi elle perd les élections présidentielles? Celle qui aime tant surfer sur son image d’amazone, de « femme de la forêt » par qui la synthèse ville-forêt arrivera sur Brasília,  s’incline finalement face aux lois de la modernité médiatique… 

C’est une Marina Silva rajeunie de vingt ans qui est apparue lors d’un meeting avec le candidat aux élections présidentielles, Aécio Neves [PHOTOS], fort de sa haute performance pendant le deuxième débat face à Dilma Rousseff. Un débat organisé par le chaîne de télévion SBT. Marina Silva arborait un incroyable chignon façon collégienne, chemise (ou blouse, je ne suis pas spécialiste en la matière) verte aux manches franchement seventies (le Funk des années 1970, c’était beau aussi), un patalon en pattes d’éléphant… le pouvoir donne des ailes… ou plutôt, d’énormes pattes.

Elle était belle, élégante et semblait un moment avoir oublié sa défaite. L’excellent débat d’Aécio Neves face à Dilma avait de quoi la réjouir. C’est pas tous les jours que sa pire ennemie se fait bastonner en direct… Dilma Rousseff en est ressortie K.O, littéralement. Petit quota de bisarrerie d’une campagne électorale où l’on aura franchement tout vu…


Dilma passa mal após debate no SBT por thevideos11

Marina Silva a donc changé son look. A une époque où l’image est reine on ne peut pas longtemps se passer des avantages de la communication. Surtout quand on sait que dans ces élections présidentielles, ce sont les jeunes qui feront la différence. Machiavel n’avait-il pas dit « qu’en politique il faut avant tout paraître et non pas être », comprenne qui pourra.

Certains médias n’ont pas pû s’empêcher de glisser de petites blagues sur le nouveau look de la championne des écologistes brésiliens: « Marina Silva troque sa ‘Nouvelle Politique’ pour de nouveaux cheveux ». Et si elle avait tout simplement compris (enfin) son époque?

 


Le « coming out » des conservateurs

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Phénomène à la mode, surtout chez les stars, le coming out est devenu un rituel démocratico-libéral visant à sacraliser le voyeurisme. Michel Foucault, démolisseur des idoles en son temps, après (et avec) Nietzsche, nous avait pourtant prévenu dans Surveiller et punir [PDF].

Le coming out, donc. Cette réincarnation libérale de la confession qui inaugure chez les catholiques le « régime de vérité » que Foucault dénonçait et dont aujourd’hui l’exposition médiatique de la sexualité homoaffective (sous la forme d’une confession) marque l’apogée.

C’est cette même logique qui exige aux musulmans qu’ils « renoncent » publiquement au jihadisme par le biais d’un hashtag douteux: #NotInMyName. Ils sont rares, ceux qui ont perçu la supercherie

Le conservatisme décomplexé ronde librement nos rues. Il prend la forme de la Manif’ pour Tous, en France et du « Sem partidos! » – « sans partis politiques! » -, slogan récurrent pendant les manifestations de juin 2013 au Brésil. Il est multiforme… c’est un polymorphe.

Nous voici donc arrivés au Printemps des réactionnaires. Ils font leur coming out rassurés par l’impunité qui caractérise une époque pas du tout politiquement correcte, post-Reagan, post-Thatcher… bref, d’une droite conservatrice qui sort enfin de sa niche sans peur de se casser les dents.

On comprend donc qu’au Brésil, au moment même où le pays est divisé par les « tensions électorales », les réactionnaires de tout bord sortent de leurs armoires pour distiller leur haine:

Contre les Africains : porteurs héréditaires d’Ebola et du sida. A-t-on la richesse nécessaire pour s’acheter une sainteté? Clairement, non!

Contre les humanistes : parce que Cuba est leur habitat naturel. Sinon, il reste toujours le Venezuela.

Contre les pauvres : sauf Malala, récente Prix Nobel, donc béatifiée. Elle, bien sûr, « on l’adore », s’exclamait une journaliste de Globo comme si elle parlait d’une paire de chaussures Louis Vuitton… les pauvres, on les aime à deux conditions: qu’ils soient loin, mais surtout étrangers.

Voilà où nous en sommes. Les conservateurs ont réussi à retourner tous les symboles du progrès démocratique conscients du champ libre laissé par une gauche compromise avec le diable.

 


Brésil: Aécio Neves attire Marina Silva avec une lettre inspirée de… Lula

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Los Angeles, 2009. Avec le gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger. Aécio Neves a toujours eu une posture présidentielle / Wikimedia Commons

La droite libérale n’a jamais été aussi proche du pouvoir depuis la fin de la présidence de Fernando Herinque Cardoso. Avec le soutient officiel de Marina Silva, la candidature d’Aécio Neves à la présidence du pays gagne une nouvelle substance progressiste. Les libéraux se préparent à s’installer à Brasília. Le Brésil n’a jamais été aussi idéologiquement polarisé depuis la fin de la dictature militaire.

La « Nouvelle politique » attendra

Marina Silva a fait son choix. Celui du suicide politique, comme je l’avançais ici. Je vous parlais d’un exercice d’équilibriste qui s’imposait à elle dans la mesure où, ce rapprochement clair avec la droite libérale serait assimilé à un reniement de la « Nouvelle politique » dont elle se révendique. Finie donc aussi toute possibilité d’une Troisième voie qu’elle incarnerait.

Marina Silva a expliqué son choix en comparant la lettre ouverte d’ Aécio Neves dans laquelle ce dernier « offre des garanties en direction d’une politique publique plus sociale, écologique et moins sécuritaire », à la fameuse lettre de Lula da Silva publiée avant l’élection de ce dernier en 2002.

Quand Aécio Neves s’inspire de Lula

En effet, dans une lettre ouverte au peuple – la Carta ao povo brasileiro [PDF en portugais] – Lula da Silva avait pratiquement signé un pacte national dans l’objectif de « calmer les marchés », de « rassurer les patrons » ainsi que les classes les plus pauvres.

Par cette explication aussi déroutante que malhonnête, il faut le dire, non seulement Marina Silva confisque l’héritage politique de Lula da Silva, mais (et surtout) elle réhabilite d’une certaine façon Aécio Neves auprès des brésiliens dont le vote est traditionnellement plus progressiste.

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Aécio Neves en compagnie de sa fille Gabriela / Wikimedia Commons

Aécio Neves s’engage notamment à être plus regardant sur la question de la démarcation des terres indigènes (Lire sur la polémique qui avait emmaillée la Coupe du Monde), à prioriser une réforme agraire (on attend de voir) et à adopter une politique écologique plus progressiste (une necessité pour le Brésil).

Quant à son intention de reduire la majorité pénale, Aécio Neves est resté inflexible.

En somme, elle nous explique que si Lula a dû prouver son « engagement capitaliste » aux patrons et aux marchés, Aécio Neves vient de faire un « compromis social » avec les brésiliens. Le coup est magistralement bien joué.

Finalement, pour Dilma Rousseff et Aécio Neves, les deux candidats originaires de Minas Gerais, et plus proches qu’on ne le suppose, comme le montre ici le journal Estado de São Paulo, la bataille idéologique de cette dernière ligne droite des élections présidentielles se jouera sur des thèmes progressistes.

Quant à Marina Silva, elle vient peut-être d’hypothéquer ses chances de victoire en 2018. Vengeance et de l’opportunisme politique. Un sentiment et une attitude dont l’histoire politique de l’humanité est replète…

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P.S: Une branche du mouvement Rede Sustentabilidade créé par Marina Silva a déclaré, samedi dans une note officielle, son intention de se désolidariser de Marina Silva si cette dernière appuyait ouvertement Aécio Neves.

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João Santana, le « magicien » derrière Dilma Rousseff et… Eduardo do Santos

https://www.fabiocampana.com.br/2013/10/requiao-debocha/
João Santana, l’homme derrière Dilma Rousseff et Eduardo dos Santos

Qu’est-ce que Gustave Le Bon et le Brésil ont en commun? Rien, me direz-vous. Faux ! Gustave Le Bon et le Brésil sont deux passions d’un homme mystérieux que les médias brésiliens commencent peu à peu à sortir de l’ombre. Son nom? João Santana. Un nom qui rappelle immédiatement celui du chanteur sertanejo – la Country Music du Brésil – Luan Santana. João a également été chanteur, puis journaliste à succès (on y reviendra), mais c’est en tant que responsable du marketing politique de Lula da Silva puis Dilma Rousseff qu’il entrera dans l’histoire du Brésil… et de l’Angola aussi.

C’est en assistant à une émission politique sur Globo News que j’ai entendu pour la première fois le nom de João Santana. Vers la toute fin de l’émission, l’analyste politique de Globo News avertit qu’il faudra « s’attendre à une « bombe » de dernière minute que le PT plantera contre le candidat Aécio Neves. De telle sorte que ce dernier n’aura probablement pas le temps de réagir… car João Santana est un spécialiste en la matière ».

Qui est Gustave Le Bon? 

Si vous ignorez qui est Gustave Le Bon, sachez simplement que c’est à cet auteur français que l’on attribue les premières analyses du phénomène … des masses. Avec son livre La psychologie des foules [PDF, en français] , Le Bon devient le principal auteur de l’étude du comportement des foules qu’il caractérise, disons-le sommairement, comme fondé sur l’imitation et la suggestion.

Pour l’époque, la fin du XIX siècle, c’est une révolution. Mais les idées de l’homme feront date. Car aujourd’hui encore, il est récupéré, réinterprété, sans parler de l’usage qu’en font de nombreux spécialistes de la propagande ou de la criminologie.

João Santana place Le Bon parmis ses 60 écrivains / auteurs préférés. Santana s’appuie donc sur les idées de Le Bon et d’autres spécialistes de la propagande, dont un auteur russe, Serguei Tchakhotine (La mystification des masses par la propagande politique).

Remarquez le côté pragmatique de cet homme qui a fait une partie de ses études aux Etats Unis avant de revenir au Brésil et de se dédier au marketing politique.

Personne ne croit en la réélection de Lula

La revue Época rapporte que son premier contact avec le PT se produit en 2001 alors que Lula da Silva n’est pas encore confirmé candidat. C’est lui, João Santana, qui convainc le Parti des Travailleurs (PT) que Lula doit être le candidat à la présidence… on connait tous l’histoire.

En 2006, Lula fait face à l’immense scandale du mensalão (cliquez le mot sur recherche), un vaste mécanisme d’achat de votes au Parlement. Personne ne croit en la réélection de Lula… sauf Santana. Encore une fois, il fait mouche. Il faut rappeler que João Santana s’est fait connaitre dans le mileu politique au début des années 1990 par un reportage qui conduira à l’Impeachment de l’ancien président Fernando Collor.

Sachant que le portugais n’est pas une langue universelle, j’ai effectué une petite recherche qui m’a dirigé vers ce portrait dressé par le New York Times sur João Santana [ANGLAIS]. Pour les lusophones, ce long article de la Revue Época est absolument immanquable.

Le talent de Santana est immense au point de s’exporter. En Argentine, au Vénézuela où il fait réélir Hugo Chaves et plus tard, après la mort de ce dernier, s’occupe de la campagne de Nicolas Maduro, actuel président vénézuelien. Un record mondial.

Il est aussi chargé de la campagne de réélection de Eduardo dos Santos qui lui aussi sera réélu. Il reste que les montants de ses services ne sont pas connus…

Toujours dans cet entretien donné à Época, João Santana raconte que le « gouvernement Dilma » avait été surpris par les manifestations de juin 2013 qu’il compare aux huées dont fit l’objet Dilma Rousseff dans les stades pendant la Coupe du Monde: « C’est passager, cela n’aura aucune incidence sur les élections… c’est un tremblement de terre et personne ne peut prévoir un tremblement de terre ».

L’homme est comme ça. Sûr de lui. Il y a une part d’ombre sur sa personnalité et ses goûts littéraires; certes, sa relation avec un dictateur comme Eduardo Santos pose question, mais s’il existe un salut pour le PT et Dilma Rousseff, il viendra probablement du chapeau de João Santana… comme par magie.

 


Présidentielle au Brésil : Marina Silva va-t-elle se suicider politiquement?

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Marina Silva, la candidate malheureuse du premier tour de l’élection présidentielles 2014 – crédit photo: José Cruz/ABr / Wikimedia Commons

Nous n’étions pas nombreux à l’écrire. Deux ou trois en tout, avec The Guardian, à prévoir que Marina Silva ne passerait pas au second tour. Cela dit, la voici face à un nouveau défi. Un choix pour la vie. Un choix pour une carrière…

Marina Silva joue son avenir politique

Marina Silva se retrouve face au choix le plus difficile de sa carrière politique. Plus difficile encore que celui qu’elle avait fait en quittant le Parti des travailleurs (PT). Exactement comme en 2010, le 6 octobre 2014, la candidate écolo a obtenu 20 % des suffrages au premier tour de la présidentielle, ce qui en fait une valeur sûre de la scène politique brésilienne.

Normalement, avec quelques députés au Parlement, aucune alliance gouvernementale ne devrait plus se faire sans elle. Mais pour cela, il faudra qu’elle choisisse bien son camp lors du prochain scrutin.

S’allier à Dilma Rousseff serait synonyme d’une volte-face pour celle qui s’est autoproclamée la « troisième voie »,  le visage de « la nouvelle politique » au Brésil. Elle doit marquer SA différence avec Dilma Rousseff.

D’un autre côté, si Marina Silva déclare publiquement soutenir Aécio Neves contre le gouvernement du PT, ce sera l’équivalent, pour elle, d’un suicide politique. Car si elle se trouve dans l’obligation politique de marquer ses distances avec le PT, tout rapprochement avec le PSDB (social-démocrate) d’Aécio Neves serait perçu par ses électeurs comme un reniement de son propre projet sociétal – plutôt à gauche – alors qu’Aécio représente la droite pure et dure.

Comment faire avaler cette terrible pilule à ses électeurs alors que ces derniers sont idéologiquement localisés à gauche, la plupart ayant bénéficié massivement des projets sociaux du PT depuis l’avènement du gouvernement Lula da Silva?

Pour Marina Silva, survivre politiquement voudra probablement dire « laisser » Dilma Rousseff gagner un deuxième mandat.

Si bien que même si Marina Silva déclarait son appui à Aécio Neves dans « une espèce d’union sacrée pour le changement » – le changement comme fétichisme politique – il n’est pas certain que son électorat la suive. Selon les premières observations que j’ai pu faire ces deux derniers jours, il semble assez clair que l’électorat de Marina est plus disposé à voter pour Dilma Rousseff plutôt que pour Aécio Neves.

La grande question de cette phase décisive de l’élection présidentielle consiste à savoir par quelle acrobatie Marina Silva passera de la gauche écologique à la droite néo-libérale représentée par Aécio Neves et le PSDB

 


Une version raciste de « Sex and the City » choque le Brésil

https://vicmatos.deviantart.com/art/Sex-And-The-City-119274673
Crédit photo: vicmatos – Creative Commons

« Sexo e as Negas » est le titre choisi par Miguel Falabella, créateur pour la chaîne de télévision Rede Globo d’une série à forte connotation raciste mettant en scène de jeunes femmes noires particulièrement futiles, sexy et nymphomaniaques.

Si l’intention de la série était de faire un portrait de la femme brésilienne, on ne comprend pas pourquoi ce choix porté exclusivement sur les noires et les mulâtres. D’autant plus que dans « Sex and the City » les femmes qu’on nous montre représentent une catégorie spécifique appartenant aux classes moyennes des grands centres urbains ayant plutôt réussi leurs carrières professionnelles. Or dans cette série elle sont domestiques de maison ou femmes de chambre.

Un site brésilien a répertorié une liste de stéréotypes présents dans cette série.

  • Les femmes noires sont tout le temps en train de penser au hommes.
  • les femmes noires font l’amour partout, y compris dans leurs lieux de travail, dans une voiture.
  • Les favelas ne sont habitées que par des criminels.
  • les femmes noires pensent uniquement à faire des enfants dans le but d’obtenir une pension de leurs partenaires.

La liste est exaustive. Franchement sécouée par la critique, notamment sur les réseaux sociaux, la série ne devrait pas avoir une deuxième saison. Son créateur s’est défendu d’être raciste, mais peut-on le croire?

A l’opposé, les acteurs blancs sont souvent traités comme de personnes ayant atteind le succès professionnel ou comme des « sages » vers lesquelles nos femmes noires « se ressourcent »… lamentable !

Par ailleurs, une avocate noire a enregistré une vidéo postée sur le réseau social Facebook dans laquelle elle rappelle que « l’image de la femme noire pulpeuse, sexy, passiste de samba et bonne au lit ne lui convient pas ». Elle ajoute que « de nombreuses femmes noires ont accedé aux fonctions libérales comme avocate, journaliste ou professeure. La télévision, elle, reste enfermée dans ses clichés dégradants ».

Il est frappant de constater que justement sur la chaîne de télévision Rede Globo, le dernier débat des présidentiables ait choqué par le comportement raciste et machiste des candidats conservateurs (catholiques et évangéliques, notamment).

Lors d’un moment désormais culte du débat diffusé jeudi soir, Lévy Fidelix ordonne à la candidate du PSOL, Luciana Genro, de se tenir devant lui afin qu’il l’interroge: « Vem aqui! », « Viens ici! » , lui ordonne-t-il dans un moment surréaliste qui n’a pas manqué de choquer les internautes. Le site anglais The Guardian a pour sa part remarqué les dérives homophobes du même personnage.

« C’est paradoxal de voir une personne qui veut devenir président du Brésil avec des idées aussi opposées à la réalité d’une nation ».

Encore plus spirituelle, une internaute utilise la métaphore pour critiquer le comportement de Lévy Fidelix:

 


« ce ne sont pas de douleurs dûes à la menstruation, c’est Lévy Fidelix qui traverse mon utérus à bord d’un train… il essaye de renverser Luciana Genro » (candidate pour le PSOL, gauche).

A croire qu’il s’adressait à un chien à sa chienne?. Pathétique ! Le tout, sans que le journaliste vedette de Rede Globo ne le recadre (au nom de la « neutralité »…).

Une scène de la série Sexo e as Negas diffusée sur Rede Globo
Une scène de la série Sexo e as Negas diffusée sur Rede Globo

Sexo e as Negas n’est pas une série sur la femme brésilienne. C’est une série raciste sur l’idée que l’homme blanc se fait de la femme noire au Brésil. Être femme au Brésil est déjà difficile; être femme et noire, c’est l’enfer. Et les médias ne font rien pour changer les choses.

Le titre de la série est révélateur. Le mot nega est une variante de negra qui veut dire noire. A la différence qu’il porte une connation foncièrement sexiste, raciste et paternaliste: « la noire de maison qu’on a envie de baiser… ».

Encore plus frappant en cette semaine d’élections présidentielles, c’est que les deux candidates femmes en passe de protagoniser le Second tour se soumettent volontier à la domination masculine. Marina Silva étant clairement contre l’avortement et Dilma Rousseff montrant son incapacité à admettre ses idées progressistes sur la question, comme l’ont remarqué les internautes.

La déception des internautes sur le sujet de l’avortement a été dominante sur les réseaux sociaux.

« Dilma nous baratine sur le droit à l’avortement dans ce débat. La vérité est que elle, Aécio et Marina défendent une loi qui tue les femmes pauvres ».

Et si Sexo e as Negas n’etait finalement pas un épiphénomène mais plutôt le réflet d’une société extrêmement machiste et raciste?


Elections au Brésil: mode d’emploi

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Une urne électronique – crédit photo: José Cruz – AgenciaBrasil / Wikimedia Commons / cc

J’ai écrit hier que « la vérité pour Marina Silva se trouvait au fond des urnes ». Erreur ! Je devrais plutôt dire qu’elle se trouve… au bout des doigts des électeurs. Explication? Simplement parce que le vote au Brésil est totalement biométrique; et ce, à tous les niveaux. Personnellement, j’ai pu testé ce mode de votation lors de l’élection de notre recteur, à l’Université Fédérale de Paraíba. L’exercice est plaisant.

C’est presque bête de le dire en ces termes, mais le vote aujourd’hui ressemble à une banale action qui consiste à payer ses achats à l’aide d’une carte bancaire Visa ou Master…

Quels sont les avantages?

C’est là le rêve de plusieurs théoriciens de la démocratie qui se réalise grâce à l’introduction de la technologie. Avantages? Une plus grande inclusion d’électeurs, y compris les analphabètes (car il y en a encore, malheureusement) et les personnes âgées; un système beaucoup plus simple qui contraste avec l’énorme papier à peine pliable (20 pages) qui servait de bulletin de vote en RDC (2006)… il ressemblait plus à une édition papier du Monde. Ce n’est pas pratique du tout car on s’y perd. Mais, cela a évolué vers le vote biométrique [PDF] … Or ici, c’est assez simple:

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L’inclusion est prise au sérieux…

Les personnes porteurs de handicap peuvent également voter grâce aux urnes comportant des inscriptions en braille et d’autres conditions adaptés aux personnes en chaises roulantes, aux amputés, etc.

Qui peut voter?

Tout le monde ! Et c’est obligatoire. Tout le monde, c’est à dire à partir de l’âge légal. Les personnes agées de 16 à 18 ans, les analphabètes ainsi que celles ayant plus de 70 ans ont le droit de ne pas voter s’elles le désirent. Pour elles, le vote est donc facultatif.

Le vote obligatoire au Brésil est un sujet polémique dans la mesure où ceux qui ne votent pas et ne le justifient pas dans les délais prescrits par la loi peuvent se voir rétirer certains droits fondamentaux pendant une période déterminée: ils ne peuvent donc plus demander un passeport, ils ne peuvent plus faire de concours pour la fonction publique, il devient même parfois compliqué d’ouvrir un compte bancaire. etc.

Cependant la justification peut aussi être troquée par le payement d’une amende de moins de 5 dollars.

Des critiques…? 

Plusieurs critiques du vote obligatoire affirment que cette règle dédouane les politiques de leurs responsablités dans la mesure où ils continuent de se présenter aux élections sans de véritables projets de changement en même temps qu’ils ne craignent pas de voir augmenter le taux d’abstention.

Le Tribunal Suprême Electoral (TSE), qui dirige, en pratique, le pays pendant le vote, a le droit de convoquer n’importe quel citoyen dans le cadre du recrutement du personnel qui fera partie de la logistique électorale. Ainsi, il n’est pas rare de voir une personne être obligée de voyager vers sa region natale afin de pouvoir surveiller le processus dans un bureau de vote. Là encore, le sujet fait débat.

Mais que voulez-vous, c’est cela l’Etat socialiste. On donne, on réçoit et on retribue…

Quelques curiosités…

Il existe aussi des lois très curieuses lors des élections au Brésil. Cela peut faire rire … ou peur… La police n’a par exemple pas le droit d’arrêter toute personne porteuse d’une carte d’électeur. Cette mesure sert à prévenir les indimidations de la part des forces de l’ordre.

C’est surtout une stratégie qui rappelle les dérives des militaires à l’époque de la dictature. Depuis, le législateur brésilien prend très au sérieux la question de la répression politique. Exceptés les délis extrêmement graves, la loi est assez tolérante un jour avant ainsi que le jour du vote. Vous êtes prevenus.

 

P.S: Je vais m’absenter pour cette période d’élections, certains commentaires prendront du temps pour être modérer. 🙂


Présidentielles au Brésil: l’heure de vérité… pour Marina Silva

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Marina Silva, ministre de l’environnement au sein de gouvernement Lula da Silva, crédit : Fabio Rodrigues Pozzebom/ABr / wikimedia / CC

La vérité se trouve… au fond des urnes. La vérité vous affranchira. La vérité, ce gros mot. Pour la candidate écologiste du PSB (socialiste), Marina Silva, elle pourrait s’avérée être cauchemardesque. Ce dimanche 05 octobre 2014, les brésiliens vont voter.

Ces derniers mois, les sondages ont été très largement généreux avec Marina Silva que l’on annonçait victorieuse au second tour des élections présidentielles, si elle y arrivait. On le lui souhaite vivement car sans elle, cette campagne électorale n’avait rien d’intéressant à offrir.

Marina Silva a, malgré elle, surfé sur la vague émotionnelle provoquée par le décès d’Eduardo Campos. Ce « tsunami émotionnel » a complètement bouleversé le scénario de ces élections, fragilisant notamment une Dilma Rousseff sans charisme (qualité essentielle en Amérique Latine) bénéficiant encore de l’image de Lula da Silva.

Si l’on en tient à une explication purement économiciste de cette remontada electoral de Marina Silva, celle-ci se serait bénéficié d’un manque d’offre politique sur le « marché politique » brésilien… elle s’est donc imposé comme une alternative légitime. Cependant, ses projets politiques obscures ont vite fait de ralentir les pretentions présidentielles de l’ex-ministre de l’environnement de Lula da Silva.

Pour plus d’explications, écouter l’émission Décryptage de ce lundi sur RFI.

Je n’irai pas jusqu’à la folie qui consiste à la comparer avec Barack Obama (ils sont tous les deux noirs), mais il faut avouer que Marina Silva possède ce côté attachant qui fait que plusieurs électeurs jusqu’ici indécis indiquent leur volonté de voter pour elle.

Ses origines humbles et sa trajectoire de self made woman la rendent plus que légitime aux yeux des brésiliens qui se définissent souvent comme des batailleurs.

D’un autre côté ses relations avec les groupes évangéliques, notamment les représentants au Congrès de Brasília, inquiètent les milieux progressistes.

Marina Silva avec Leonardo Boff, intellectuel de la théologie de la libération / wikimedia commons
Marina Silva avec Leonardo Boff, intellectuel de la théologie de la libération / wikimedia commons

S’il est vrai que ses positions conservatrices sur le mariage entre homosexuels ainsi que son opposition à la dépénalisation du cannabis constituent les points faibles de son programme, personne ne peut affirmer que son échec sera dû à ses motifs d’ordre culturel et symbolique.

Marina Silva (25 %) sait que son adversaire au premier tour n’est pas Dilma Rousseff, celle-ci étant confortée dans son avance (40 %)… mais bien Aécio Neves (19 %).

Cette semaine, un vent calme souffle sur tout le pays. Le calme avant la tempête? Dimanche sera une très longue journée pour Marina Silva qui fera face à la seule vérité qui compte en politique… celle des urnes !

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Comment parler (en mal) des Noirs et de «l’Afrique qui bouge»?

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Crédit photo : Strobridge & Co. Lith / Wikimedia Commons / cc

Ce problème se pose à tous ceux qui s’intéressent plus ou moins à l’Afrique. Quel que soit le thème sur lequel on s’attarde, que ce soit la politique, la société, le cinéma ou le football, si vous parlez (en mal) de l’Afrique, vous risquez d’avoir un gros retour sur la gueule, car les si les Africains aiment se plaindre, ils acceptent mal de se regarder sur la glace. Pour autant, toutes les critiques sont-elles méritées?

L’autre jour, j’ai provoqué un petit débat en mettant en avant un billet critique qui portait sur le film Le Crocodile du « Botswanga », un film, même si je ne l’ai pas vu, qui m’interpelle à plusieurs égards.

Si l’intention est bonne, je trouve que ce film tombe très vite dans la facilité. Heureusement, dans l’océan des critiques positives qui ont suivi sa sortie en salle en France, une personne est venue exprimer exactement les réserves que j’avais. (cliquez sur le lien ci-dessus).

Le film dresse un portrait très accusateur (à juste titre) et caricatural des régimes politiques africains, dans le but, certainement, de proposer une nouvelle voie aux dirigeants du continent, mais le réussit-il ?

En choisissant par exemple, un nom générique pour ce pays imaginaire, ne contribue-t-il pas à renforcer l’idée selon laquelle il existerait UNE Afrique, homogène et en l’occurrence corrompue? 

De ce point de vue, je me demande si le réalisateur, ainsi que les producteurs atteignent leurs objectifs.

Évidemment, selon les retours que j’en ai eus, le film a largement plu au public africain vivant en Afrique. Ne me demandez pas comment ils y ont eu accès. Mais c’est peut-être là que se situe le noeud du problème. Un Africain vivant en Afrique ne s’intéressera pas forcément aux aspects idéologiques du film, probablement parce que justement il vit en Afrique et que par conséquent, le racisme n’est qu’une réalité fictionnelle pour lui.

Mais pour un expatrié comme l’auteur de la critique citée et moi-même, cet aspect du film compte. C’est un peu comme l’album d’Hergé Tintin au Congo. Personne ne niera le talent fou d’Hergé, mais comment ne pas y voir une mentalité foncièrement colonialiste, condescendante, voire raciste. Il en est de même pour  Tintin chez les soviets; un album truffé de préjugés.

C’est pour ça que le film Le Crocodile du Botswanga dérange. J’ai eu la même impression face au très remarqué Intouchables, le film qui a définitivement placé Omar Sy au firmament des stars du septième art.

N’étant pas moi-même quelqu’un de très drôle, il se peut que l’humour subtil, s’il en est, d’Intouchables m’ait échappé; cependant, je remarque que le HuffingtonPost a franchement démoli cette comédie populaire que le Monde.fr qualifiait, lui, de « métaphore sociale généreuse ». Qui a raison ?

Omar Sy danse dans Intouchables (Extrait) por Filmsactu

De mon point de vue, Intouchables est un bon film de comédie. Pas plus. Il est même sauvé par le jeu de ses acteurs. Sinon, le reste n’est pour moi qu’une succession de préjugés sur les Noirs des « bas quartiers » de France et sur les Noirs en général. Jamais dans ce film on ne verra un personnage noir mis en valeur. Jamais. Le diable est dans les détails…

Tout comme dans Le Crocodile du Botswanga, la critique sociale envisagée se retourne contre ses auteurs qui n’arrivent jamais à dépasser le niveau de sens commun. On reste sur le terrain de la facilité et de la caricature gratuite et agaçante.

Bref, parler de l’Afrique et des Noirs n’est pas facile, l’exercice pouvant même se révéler périlleux pour ceux qui s’y risquent. Certains réussissent, comme Kechiche, avec son film Vénus noire… Comme le dit tout simplement le saxophoniste noir-américain Hal Singer, « les gens qui ont connu l’oppression sont capables d’exprimer des sentiments bien plus profonds que ceux qui ignorent cette réalité-là ». Ce n’est finalement pas leur faute.

Quelques exemples :

Le dernier roi d’Ecosse

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Dans la caricature, on ne peut pas faire mieux. Le portrait proposé du personnage d’Idi Amin Dada frôle carrément le grotesque. Bon, de toute façon, les dictateurs sont en général des bouffons…

Blood Diamond

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Dans le genre blockbuster, le film est très réussi. Politiquement, il a surtout servi à sensibiliser les consciences sur la question des minerais de sang en Afrique. Le sacrifice biblique de DiCaprio pose cependant problème du point de vue du rôle que l’Occident entend y jouer.

Amistad

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Même problème ici. Comme toujours, Steven Spielberg est très didactique, mais le film est une oeuvre qui se regarde sans peine et même avec un certain plaisir. On y voit encore la victimisation des Africains, c’est aussi un classique du genre – 12 Years a Slave en témoigne – … Et comme toujours, pour sauver le Noir, l’homme blanc…

 


Se déconnecter… progressivement

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« Connect me« , Crédit photo: Thomas Hawk / Flickr.com / cc

Il m’est de plus en plus difficile de « passer du temps sur Facebook ». C’est bien ça qu’on y fait, non? Passer du (bon) temps. Lorsque je lis que le réseau social californien compte désormais 100 millions d’abonnés en Afrique et que ce chiffre ne fera qu’augmenter, j’en ai presque des frissons. Parce que si le marché africain représente une opportunité pour Facebook, la « boite » de Marc Zuckerberg tend à perdre ses abonnés dans le reste du monde. Évidemment chacun a ses raisons d’abandonner la reine des réseaux sociaux. Voici les miennes.

1. Mon fil d’actualité est pollué par la campagne électorale

J’avais dit il y a quelques mois ici que nous allions assister à l’une des plus abjectes campagnes électorales. Ces premières semaines me donnent raison. Facebook ressemble actuellement à un grand festival publicitaire, sauf que là, on a droit à une publicité mensongère sur les différents candidats aux élections présidentielles.

Les brésiliens adorent les extrêmes. Ou est-ce l’internet (à cause de sa logique basée sur la spontanéité) qui les rend aussi exagérés. Il devient de plus en plus courant de tomber sur des caricatures représentant les candidants aux élections présidentielles. Dilma Rousseff et surtout Marina Silva en font les frais plus que les autres (voir notamment ici et ).

Cette dernière est très souvent décrite comme une imbécile par les partisans du PT (parti de Dilma Rousseff et Lula da Silva), au point que même si j’ai des arguments objectifs contre son élection, je préfère les garder pour moi afin ne pas en rajouter. On ne discute pas le font. On préfère le mensonge et la caricature. Tristes élections!

Je crois aussi que le fait qu’elle soit une femme noire en fait une proie facile, ce qui pourrait, à long terme, jouer en sa faveur. Bref, voilà qui est tout à fait régrétable vu son  programme…

2. Les états d’âmes de mes « amis »

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Crédit photo: Bethan /Flickr.com / cc

« Nouveaux médias, nouveaux usages ». Mais tout de même, faut pas pousser. Quand Facebook a développé son algorithme capable de capter les émotions des usagers, je me doute bien qu’il s’imaginait le succès de ce dernier. Depuis, il est devenu impossible de ne pas voir des publications de ce type affichées sur son fil d’actualité: « Adèle se sent déprimée avec John, Matthieu, Rose, Ange, Fidèle »; « Sophie se sent diminuée…  » , sans autres explications.

Non seulement tout cela ne fait pas trop sens, mais en plus, c’est d’un mauvais goût. A-t-on besoin de voir chacun exposer ses états d’âmes sur Facebook?

3. La montée des extremismes…

Les réseaux sociaux ont-ils une ligne éditorale? La question a été posée ce week-end par Marie-Catherine Beuth. Elle s’interrogeait en fait sur « le filtrage et la mise en avant de certains contenus sur les réseaux ». Mais un autre problème me préoccupe. Twitter, il est vrai, ne s’occupe pas tant que ça de la présence d’extrémistes sur son site. On y trouve donc un nombre considérable de racistes, d’homophobes, des profils pornographiques, etc. Cependant, la structure du microblog faite de « posts éphémères » nous donne une certaine impression de sécurité – et de distance – par rapport à ces profils dérangeants. Il n’en est pas de même pour Facebook, par exemple.

Après avoir passé une semaine dans la magnifique ville Natal, sur la côte brésilienne, je suis revenu ce week-end à João Pessoa. Il m’a suffit de me connecter sur Facebook pour me rendre compte qu’une bonne partie de mes « amis » est soit de l’extrême gauche soit de l’extrême droite. J’en arrive à me demander ce que je suis…

Evidemment, la campagne était encore au centre des débats, certains souhaitant l’avènement d’un Etat communiste au Brésil, d’autres estimant qu’un gouvernement d’extrême droite (ou néolibéral) serait la meilleure solution pour la croissance.

Quand vous revenez d’un voyage de trois heures, ce n’est vraiment pas le genre de message que vous souhaitez lire sur votre fil d’actualité… non, merci !

Morale de l’histoire: si chez vous aussi, on vote dans les prochains mois, il serait peut-être plus sage de vous déconnecter un moment, histoire de rester positif.

 


Pelé, le roi du cirque abîme l’image de Shell

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Pelé en Afrique du Sud en 2010 – crédit photo: Marcello Casal Jr./ABr / Wikimedia Commons / CC

Je vais encore m’attaquer à sujet polémique. Mes lecteurs le savent depuis fort longtemps, l’un des thèmes les plus récurrents de ce blog est le racisme. Vivant au Brésil, j’en suis bien obligé. Il y a quelques semaines je vous racontais l’histoire du gardien de but du FC Santos, Aranha. Eh bien, le plus grand joueur de l’histoire de ce club, et même du football tout court a décidé de contribuer au débat. Enfin, contribuer, c’est un gros mot.

Le roi Pelé, vous l’aurez compris, c’est bien de lui qu’il s’agit, estime du haut de sa sagesse, si tant est que les jampes d’un footeux peuvent regorger de sagesse, que « le joueur de Santos s’est précipité en réagissant publiquement aux insultes racistes dont il était la cible ». Pour Pelé, « Aranha n’aurait pas dû réagir. On doit combattre le racisme mais pas dans un espace public ». Ah, bon? Et où ça alors?

« Si j’avais réagi à chaque fois qu’on m’insultait ou que l’on me qualifiait de macaque, tous mes  matchs auraient été arrêtés… » a-t-il enchaîné lors d’un événement publicitaire du groupe Shell Brasil.

Il faudrait que l’on explique à Pelé que s’il a manqué quelque chose dans sa carrière, c’est justement en refusant de s’engager en faveur de la cause des noirs du monde entier. S’il n’arrivera jamais à la cheville de Mohamed Ali ou de Nelson Mandela, c’est justement parce qu’il a trahi son peuple. Et plus encore, c’est toute l’humanité que Pelé condamne à vivre encore plus l’absurdité qu’est le racisme dans le sport. En ce sens Balottelli et Prince Boateng lui sont supérieurs.

Quel autre joueur ayant un tel prestige aurait pu intervenir dans l’espace public justement pour faire avancer les mentalités?

Pelé se trompe d’époque. Nous ne sommes plus en 1960, avant l’indépendances des pays africains, avant aussi la marche de Castro et Guevarra, lorsque les peuples opprimés se soumettaient – parfois volontairement.

Les années sont passés et Martin Luther King a fait son discours à Washington, Malcom X a été assassiné mais nous a laissé une autobiographie d’une incroyable puissance. Non, Pelé, nous ne nous soumettrons pas, même pas pour vous, magesté.

Car même les princes se trompent. Et je vous dirai pourquoi.

Ce samedi, vers midi, je me suis rendu au supermarché de mon quartier pour acheter un délicieux poulet rôti. Alors que je me tiens sur la file d’attente, une bonne dame accompagnée de sa fille, d’une remarquable beauté je dois dire, s’approche dans mon dos et murmure: « Ei, negão, me passe essa cesta, por favor ». Pour faire simple, elle me demande gentilment de lui passer le panier qui se trouve devant moi. Sauf qu’elle m’a appelé negão.

Negão, au Brésil ne peut pas vraiment être traduit par nègre. Il s’agit au contraire d’une sorte de superlatif que les noirs doivent accepter peu importe leur conscience politique. C’est un peu comme la neginha qui vaut pour les femmes: la belle petite mulâtre

Le mot negão se réfère normalement au noir très costaud à qui l’on associe également des qualités sexuelles uniques. Il faut dire que cela vient de l’époque de l’esclavage quand les dames de la haute société « s’amuser » avec leurs nègres de maison. Or moi, je n’ai pas vraiment la taille d’un Teddy Riner.

A ces mots, donc, je n’ai pas réagi regardant choqué la dame ainsi que sa fille qui n’avaient pas du tout l’apparence d’être racistes. Cependant, elles ont internalisé les codes du racisme. Elles m’obligent à accepter ce qualificatif qui pour moi est dégradant et offensif.

Cependant, j’ai commis une faute morale en ne réagissant pas. Peut-être parce que pendant que je rationalisais tout ça… mais, le temps passait et la dame s’en allait… j’ai donc perdu une belle occasion de l’éduquer.

Bref, je me suis décidé à organiser une campagne contre le racisme dans mon quartier. Je pense à faire faire des T-shorts avec la phrase, « Ne m’appellez pas negão« , tout cela dans le but de réveiller les consciences contre les discriminations silencieuses.

Quant à Pelé, j’ai juste pensé que si le groupe Shell souhaitait se construire une belle image auprès du public, c’est raté. Ils auraient dû penser à cette phrase de Romário sur « le roi »: « Pelé est un poète lorsqu’il se tait ».

Pas mieux !

P.S: Shell ne s’est d’ailleurs pas exprimé pour recadrer son roi, ce qui démontre aussi la banalisation du racisme au Brésil.

 

 


Brésil/Etats-Unis : quelle place pour les Noirs dans les médias ?

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Le logo du Network brésilien, Sistema Brasileiro de Televisão / wikimedia commons / cc

TELEVISION | Si vous avez la chance (ou le privilège, c’est selon…) d’être abonné aux chaînes de télévision câblées, il vous sera facile de faire un constat sur la place que chaque pays semble accorder aux Noirs dans l’espace médiatique. Pour ma part, j’ai comparé la situation de deux pays historiquement construits grâce à l’exode forcé des Noirs africains en Amérique. Quelle place les télévisions accordent-elles aux Noirs au Brésil et aux Etats-Unis?

Lorsqu’on arrive au Brésil, l’une des choses qui frappe le plus par rapport aux relations raciales est le fait que les Afro-Brésiliens ne sont pas autant organisés que leurs homologues Afro-Américains.Je m’explique. Vous ne trouverez pas ici une industrie cinématographique destinée à promouvoir la culture noire, il n’y a pas ici de réalisateurs ou acteurs noirs reconnus nationalement ou internationalement (à l’exemple de Spike Lee, Steve McQueen, Denzel Washington, Oprah Winfrey, Forest Whitaker, Samuel L. Jackson), il n’y a aucun gouverneur noir, même pas à Bahia, un Etat dont 75 % de la population se déclare noire (si l’on inclut les métis dans cette statistique). Pour ce qui est des acteurs noirs, s’il en existe, on les compte sur les doigts d’une main: Lázaro Ramos, Tais Araujo

Le constat est amer. Les grandes chaînes de télévision brésiliennes n’accordent que très peu d’espace aux journalistes noirs. J’inclus dans la catégorie « journaliste » les spécialistes et consultants généralement employés par ces chaînes.

« Mais nous avons beaucoup de reporters noirs »

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Zileide Silva, journaliste – reporter pour la Rede Globo

Ainsi, si l’on considère la couleur de la peau, peu de chaînes de télévision gratuites (les grands Networks calqués sur le modèle américain) comptent un présentateur de journal noir. La Rede Globo, par exemple a bien une présentatrice noire qui apparaît « éventuellement » au Jornal Hoje de 12 heures. Zileide Silva a récemment présenté aux côtés d’un journaliste blanc le journal de minuit.

Or, si l’on compare avec les chaînes américaines telles que CNN, FOX ou ABC News, on remarque vite que les patrons américains ont considérablement intégré les Noirs dans leur personnel et ne se contentent pas de leur donner des postes de « reporter ». Idem pour les consultants.

Il n’est pas rare de voir sur CNN un Kareem Abdul-Jabbar ou un Magic Johnson (ESPN) apparaître sur le petit écran et donner une opinion avisée sur un domaine qu’ils maîtrisent parfaitement. Il y a également de nombreux spécialistes et consultants (juridiques, économiques, etc.) de race noire (comme @DonnaBrazile) invités sur les plateaux des grandes chaînes américaines contrairement au Brésil.

Récemment, un directeur de la chaîne de sport ESPN-Brasil justement, a été mis dans l’embarras par un téléspectateur qui l’interrogeait sur l’absence de présentateur noir dans son équipe… et ce, au moment où le cas de racisme contre le gardien de but de Santos, Aranha, fait rage. Il n’a évidemment pas présenté de réponse satisfaisante se contentant d’un classique, « mais nous avons beaucoup de reporters noirs… ». Merci !

Les chaînes gratuites à la traîne, Globo sort du lot

Lorsqu’on regarde vers les chaînes payantes, on s’étonne de constater que le nombre de Noirs présentateurs d’émissions ou de journaux télévisés augmente par rapport aux chaînes gratuites. Pourquoi cette différence quand on sait que les élites brésiliennes sont blanches? La réponse est dans la question : si elles sont blanches, ce sont aussi les élites qui présentent une opinion critique sur les questions du racisme

Les pauvres, malheureusement, ne veulent pas penser, ils préfèrent manger… Et donc, logiquement, si une chaîne gratuite n’offre pas de diversité ethnique, elle court moins le risque d’être critiquée par un public peu instruit et indifférent aux questions sociologiques.

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L’ancien joueur de la Seleção, Junior – wikimedia commons /cc

Le sport qui est justement le domaine où les Afro-Brésiliens excellent le plus n’est pas plus représentatif de la communauté noire (le concept est un peu inapproprié, je l’admets).

Depuis sa retraite, Denilson, le champion du monde de football passé par Bordeaux notamment, commente les matchs de deuxième division pour la chaîne Rede Bandeirantes, alors que son aîné Junior est une star à Globo. On le retrouve notamment lors des retransmissions des matchs de première division.

C’est paradoxalement la chaîne Rede Globo dite conservatrice qui donne plus d’espaces aux Noirs

Aux Etats-Unis, non seulement les Noirs américains sont acceptés dans les grands médias du pays, mais – et surtout – les ethnies minoritaires aux Etats-Unis s’organisent de façon à avoir des « chaînes communautaires » qui ont vocation à promouvoir la culture locale. Il y a évidemment aussi la volonté des grands Networks de cibler les populations d’immigrés comme les Latinos.

Ces différences sont d’autant plus étonnantes que la population noire-américaine est estimée à 12 % aux Etats-Unis, alors que le Brésil compte 51 % de Noirs dans sa population.

 


Chasse à l’homme contre une victime du racisme au Brésil

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Aranha, le gardien de Santos – crédit photo: Clube Atlético Mineiro / Flickr.com

Deux faits ont marqué cette fin de mois d’août au Brésil. Non, cela n’a rien à voir avec l’élection présidentielle ou la Seleção brésilienne qui retrouve miraculeusement ses anciennes vertus footballistiques. Non, hélas, rien de beau ne vous sera relaté dans ce billet. Je vous demande la patience de lire jusqu’à la fin, car les faits sont assez graves.

Encore une fois, le Brésil, ce cher pays qui m’a adopté (jusque-là…) s’illustre par deux cas, pas un, mais deux cas extrêmement graves de racisme. Contre une jeune fille anonyme et contre Aranha, le gardien de but du FC Santos, l’ancienne équipe de Neymar, Robinho et Pelé.

« Où l’as-tu achetée, cette esclave? » 

La semaine dernière, Facebook nous a encore sorti une de ses perles. Un jeune couple d’adolescents s’est retrouvé sous les feux des projecteurs après que la jeune fille de race noire a publié sur son compte du réseau social californien une photo d’elle-même avec son amoureux de race blanche.

S’en est suivi une vague de commentaires racistes, des remarques d’une sauvagerie indescriptible, « Où l’as-tu acheté cette esclave? », « vends-la moi! », pouvait-on lire dans les commentaires de la photo. Certains sont même très moqueurs: « Ah, ah, quelle merde… on dirait Thiago et la laide… ».

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Evidemment la police se charge de l’identification des criminels, mais le mal est fait. La fille dit « avoir pleuré pendant des jours » ne comprenant pas ce qui motivait une telle haine chez certains de ses compatriotes. Ce n’est certainement pas la meilleure façon de devenir célèbre…

Si les responsables de cette barbarie sont punis (on attend pour voir) il ne faudra quand même pas oublier que la majorité des personnes qui se rendent coupables de ce type d’actes restent impunies. La loi existe, mais n’est pas appliquée.

Mais si vous pensez que je vous ai raconté le pire, vous vous trompez…

Fouiller le passé d’une victime du racisme, oui monsieur !

Et donc, retour (malheureusement) sur l’épisode de Grémio (le nouveau club de Felipe Scolari) et sur une rencontre de la Coupe du Brésil qui voyait Santos visiter les gaúchos de Porto Alegre, région sud du pays, berceau des séparatistes brésiliens et réputée comme…  » pas tendre avec les Noirs « .

Pendant la rencontre, le gardien Aranha est pris à partie par le public gremiste qui entonne des chants racistes, imite des primates alors que les caméras de la chaîne câblée ESPN-Brasil (que j’ai la chance d’avoir à la maison) captaient une jeune femme hurlant comme une folle  » macaque, macaque… » , au gardien de Santos. [VIDEO]

La répercussion est immense. On parle non seulement de punir les coupables, mais aussi d’exclure le club de Porto Alegre de la compétition. C’est alors que le mauvais côté de certains dirigeants fait brutalement surface.

Lors d’une intervention sur une radio de la capitale du Rio Grande do Sul, l’ancien président du club, Luiz Carlos S. Martins a pris la défense de la jeune femme, faisant d’elle  » la victime d’un lynchage collectif « , et de rappeler que le coup de genou de Zuniga pendant la Coupe du monde était un acte bien pire.

Selon lui, en s’indignant contre ces chants,  » Aranha a organisé une scène théâtrale « , avant d’ajouter que  » les chants contenant le mot macaque faisaient partie du folklore du football « .  » Les interdire serait la fin du football « , s’est-il indigné.

Eh bien, qu’on arrête donc ce maudit football !

Ce monsieur ne s’est pas arrêté là. Visiblement décidé à entrer dans les livres d’histoire qui raconteront les pires barbaries du siècle, il a recommandé, je cite :  » Que l’on fouille dans le passé du gardien de but Aranha  » , certainement dans le but de lui trouver quelques pailles dans les yeux… Comme pour dire que certaines personnes, compte tenu de leur passé, méritent bien quelques folklore chants racistes.

C’est bon, j’arrête ? J’avoue que cela me fait l’effet d’un film d’horreur. La seule satisfaction que l’on éprouve à l’écoute de ce document audio, c’est de constater que l’un des invités de l’émission quitte le studio après de tels propos racistes et criminels.

 » Miroir, miroir, dis-moi si je suis beau « 

Muricy Ramalho, l’entraîneur de São Paulo a été très sévère avec son pays :  » C’est malheureusement le reflet de notre pays et cela vient d’en-haut. Le ballet va continuer… ».

Grémio renvoie aux Brésiliens une image peu flatteuse de leur société et c’est pour ça que la réaction d’Aranha passe mal. Avec son coup de gueule, Aranha révèle la face défigurée d’un Brésil incapable de résoudre ses problèmes de relations raciales.

Cela nous conduit également à l’analyse du journaliste Joel Rufino qui critique le racisme comme spectacle : » Aujourd’hui, plus personne n’a honte de se montrer publiquement raciste « .

 


Fan d’Obama à 22 ans… Eh oui, j’étais un …

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crédit photo: Pete Souza/ Wikimedia Commons

2008, une année finalement très importante dans ma vie. En février j’arrivais au Brésil mes deux valises noires en main, avec la ferme volonté de construire une vie digne de ce nom au pays de Pelé. L’année de tous les espoirs puisqu’elle coïncidait avec l’élection de monsieur Barack Obama, le premier président noir de l’histoire des Etats-Unis.

Ce jour-là, je me suis réveillé très tôt pour suivre le direct de la proclamation des résultats des élections aux Etats-Unis. J’étais euphorique et pensait que d’une façon ou d’une autre ma vie changerait radicalement grâce à cette victoire historique.

J’étais tellement con que je me suis fait faire un T-shirt avec le fameux slogan qui a marqué ce début de siècle, « Yes We Can » que quelqu’un de très intelligent décodifia plus tard en « Yes, He Can ! ». Rastaman, jeune et con… voyez plutôt pour que cela ne fasse aucun doute.

João Pessoa, 2008: Crédit photo: Serge Katembera
João Pessoa, 2008 : Crédit photo : Serge Katembera

Puis, les années ont passé et Barack Obama a perdu tout le charisme que je lui trouvais. Avec le temps, grâce à mes études, un sens critique commençait à émerger en moi et surtout à cause de mon vécu au Brésil, jour après jour à voir le racisme dans cette société brésilienne si injuste et qui ressemble tellement aux Etats-Unis.

Pendant ce temps-là, en Amérique, les Noirs continuaient de se faire tuer comme des animaux, et notre cher Obama, Prix Nobel de la paix, artiste incontestable de la langue de bois et fin manipulateur des émotions nous gratifiait de ses phrases d’effets : « J’aurai pu être Trayvon Martin… ».

C’était presque la même histoire que celle de Fergusson aujourd’hui. Et toujours, la même indignation de la famille Obama. L’autre jour, je suis même tombé sur une vidéo de Michelle proclamant toute la pertinence des politiques favorables aux immigrés (son discours en anglais). Mais en attendant, le gouvernement de monsieur Obama poursuit sa politique de fermeté contre les clandestins

Aujourd’hui, à 28 ans, je dois l’avouer: « Je ne ressens aucune sympathie pour Barack Obama ».

Et ce n’est pas qu’à cause de sa légendaire hypocrisie par rapport à la question raciale aux Etats-Unis. Mais pour tout le reste, de sa politique étrangère (alimentant une haine viscérale contre la Russie par exemple) ou sa lâcheté sur des questions aussi importantes que celles de l’Irak… ou Cuba.

Tout ça pour vous dire que finalement entre Obama et Bush (le fils), je préfère le Texan qui a au moins le bon goût d’adhérer à l’ « Ice Bucket Challenge »… oui, c’est bête, je sais !

Ok, le président Obama aussi l’a fait…

En fait, non… c’était pas lui.

Bref, j’aime bien cette sincérité de George Bush. Avec lui, on saura toujours à quoi s’attendre.
Malheureusement on commet trop souvent l’erreur de fonder nos espoirs sur les mauvaises personnes pour les mauvaises raisons : parce qu’elles sont noires ou parce que ce sont des femmes (Margareth Thatcher, par exemple).

Ce soir, je me suis permis cette petite escapade de mes sujets habituels parce que franchement, il fallait que je soulage ma conscience de cette honte d’avoir un jour réveillé tout mon quartier en hurlant comme un imbécile parce qu’un Noir venait d’être élu président des Etats-Unis d’Amérique… pauvre con que j’étais !

Je me sens bien mieux maintenant.