Andriamialy

Comment un selfie a sauvé la vie de mon fils

Ceci est une histoire vraie car elle est arrivée à mon fils et, donc, à notre petite famille. Ce jour-là, mon fils a failli mourir, mais il a été sauvé par un selfie.

Mon fils avait 5 ans au moment des faits. Mais à 5 ans, il ne communique pas encore. Il est ce que les francophones appellent un enfant dysphasique, ce que les anglophones désignent par « out of sync » (décalé, déconnecté, désynchronisé, déphasé, etc.). C’est le cas de tous mes enfants, alors ce n’est pas exceptionnel pour nous. Mais pour mieux comprendre, il faut savoir que ces enfants ont une intelligence comparable à celle des enfants de leur âge, peut-être même supérieure en certains points, mais ils ont du mal à communiquer verbalement. Souvent, on confond les enfants dysphasiques avec les enfants autistes et il est vrai que le manque de communication verbale peut amener un enfant dysphasique à développer des attitudes autistiques. Mais en général, il cherche à communiquer par d’autres moyens.

J’ai plusieurs enfants et le surnom que l’on a donné à celui-là est « Fugueur », car il a tendance à s’enfuir lorsqu’il sait qu’aucun grand ne le regarde. Fugueur a donc 5 ans et il est en vacances avec sa famille au bord de la mer à Mahajanga, à l’ouest de Madagascar. Le bord de mer de la ville de Mahajanga, à côté du port, est un lieu de rassemblement pour tous les majunguais, les vacanciers et les touristes, surtout en fin d’après-midi quand la chaleur commence à baisser.

Des petites voitures pour promener les enfants
Image : layandri

Vers 5 heures du soir, l’endroit commence à être parsemé de gens qui prennent place sur les bancs publics tandis que des saisonniers commencent à étaler leurs manèges ou leurs étals de nourriture. La famille de Fugueur s’installe sur un de ces bancs juste à côté d’un manège tenu par des saisonniers venant de la capitale Antananarivo. Les enfants demandent à faire des manèges et les adultes essayent de les faire patienter. Quand même, il y a des petites voitures qui font faire un tour aux enfants et Fugueur et ses frères en prennent une à tour de rôle.

Fugueur est émerveillé par ce qu’il voit : la mer, les manèges, les gens. Il ne pense qu’à s’amuser et découvrir. Comme les malgaches les appellent, il est de ceux qui « ne savent pas ce qui peut les tuer ».

La mère de Fugueur vient d’accompagner quelques-uns de ses frères faire un tour en voiture quand elle est revenue près du banc et a constaté que Fugueur a disparu. Elle demande aux autres adultes qui étaient là et eux croyaient que l’enfant était avec elle. Ils sont 5 « grands » à avoir été, une fois de plus, bernés par Fugueur et aucun n’a remarqué où il est parti. Stupéfiés, incrédules, ils ont mis quelques secondes à réagir et, comme dans le parabole de Jésus, ils ont tous laissé les enfants « sages » sur place pour partir à la recherche du fils prodigue.

Pendant 5 minutes, ils ont fait deux équipes pour longer le « bord » chacune dans une direction. Au retour, bredouilles, ils ont décidé d’étendre les recherches aux rues adjacentes. Le papa de Fugueur est rentré assez loin dans la ville pour ressortir au bout du « bord » et longer une fois de plus le trottoir qui borde la mer déjà plein de monde et de plus en plus sombre. De son point de vue, le bord est une falaise et justement, personne ne s’aventure sur les rochers noirs et coupants qui le constituent. Et surtout, selon la marée, l’eau qui est tout en bas de la falaise peut monter au niveau de la route. Mais il aperçoit des jeunes qui prennent des photos au dessus de la falaise et qui osent s’avancer de plus en plus près du bord.

Quand la marée monte, l’eau atteint le niveau de la route
Image : layandri

Le papa hâte ses pas et comme souvent, ses pensées vont plus vite que lui. Est-ce que c’est un enlèvement pour une rançon ? Si c’est le cas, il pourrait recevoir d’un instant à l’autre un appel sur son téléphone. Le téléphone a de la charge. Et s’il est parti en ville, quelles sont ses chances de survivre alors qu’il ne sait pas traverser les rues ? Pourrait-il passer une nuit entière dehors même si le climat est doux à Mahajanga ? Le papa décide de visiter toutes les maisons alentours.

La maman de Fugueur revient sur le banc, cela fait 15 minutes que l’enfant est recherché, toujours avec le même résultat, aucun des 5 adultes n’a vu le bébé. En faisant un petit calcul, elle s’aperçoit que ça fait déjà une demi-heure que le bébé est parti. S’il a couru dans une direction, il doit être déjà très très loin. Elle décide de calmer les autres enfants qui sont en train de pleurer et ils font une petite prière.

Rindra (le prénom est modifié pour l’histoire) est un travailleur d’une entreprise qui installe des manèges partout dans Madagascar. Aujourd’hui, il surveille son camion pour cinéma 5D avec ses collègues. Un homme bizarre, courtois mais un peu sans gêne, est tout à l’heure entré sans permission dans la salle de projection en demandant si on n’a pas vu un enfant rôder autour du camion. Derrière lui, les jeunes sont tout près du bord de la falaise pour leur séance photo. Ils ont décidé de faire un selfie plongeant au dessus de la falaise et en vérifiant une photo, ils ont trouvé une tâche de couleur derrière eux. Ils se sont retourné et ont crié « Misy tsaiky anaty rano » (Il y a un enfant dans l’eau). En tananarivéen qu’il est, Rindra n’entend pas « enfant » (« zaza » en dialecte des hauts-plateaux, « tsaiky » en dialecte de l’ouest) mais « sac ». Il a couru pour voir si le sac en valait la peine et il a tout de suite compris que « ce n’est pas un sac mais un bébé ». Sans hésiter, il a dévalé la pente avec précaution pour se retrouver en bas et tirer l’enfant de l’eau. Il a raconté plus tard : « l’enfant était sur le ventre, sous l’eau et il était coincé entre deux rochers par la taille. Je l’ai tiré et suspendu par la jambe en lui tapotant le dos et il a vomi de l’eau et s’est réveillé en souriant. »

La maman de Fugueur vient de finir sa prière quand elle entend une clameur au bord de la falaise. Elle, qui a une très grande foi, a tout de suite compris que c’était son fils et elle a couru en direction de l’attroupement. Là, elle voit Rindra qui tient l’enfant et qui remonte la falaise en criant d’un ton réprobateur : « qui est la maman de cet enfant ? » La maman, toute frêle, avec ses airs d’adolescente répond : « je suis la maman de cet enfant ! » Rindra la regarde et, considérant que ce n’est pas sérieux, réitère son appel : « où est la maman de cet enfant ? ». La maman n’y tient plus et arrache l’enfant de ses mains.

Rindra, avec le sentiment d’avoir sauvé une vie, s’est effacé discrètement, mais il passera la nuit à revivre ces scènes et à se demander comment tout cela était possible.

Le papa revient d’une longue recherche dans la ville quand il a vu de loin la troupe de badauds. D’abord un soulagement, car cela voudra dire que les recherches sont finies, mais tout de suite une plus grande crainte car après 30 minutes, c’est peut-être déjà trop tard. Et pire encore, si l’enfant n’était pas retrouvé, peut-être que ces gens sont là pour un autre drame encore. Et en s’approchant, son frère, un peu maladroit, n’est pas du tout rassurant en disant « on l’a trouvé, il était la tête sous l’eau. » Quelle joie de voir l’enfant sourire dans les bras de sa mère. Les gens disaient tous leurs trucs : « il va bien, il est sauvé ! », « amenez-le à l’hôpital. »

On l’a emmené à l’hôpital et ils l’ont laissé partir après avoir nettoyé ses égratignures. Il a eu des difficultés à respirer les deux jours suivants. On l’a surveillé et on lui a donné ses médicaments d’asthmatique. Au bout de trois jours, on a été enfin soulagé et en croisant Rindra près de son camion, on a eu une discussion tout à fait surréaliste à propos de l’événement.

Vue nocturne sur le phare de l’île de Katsepy depuis le Bord de Majunga Image : layandri

Pour Rindra, il était impossible que ce bébé ait pu berner les dizaines de personnes présentes et qu’aucune d’entre elles ne s’aperçoive de rien. Peut-être que quelqu’un l’a aidé à monter le muret qui limite le trottoir et puis à descendre la falaise. Et cette falaise ! Comment serait-il descendu seul sans se blesser ?

Le papa a voulu reconstituer le déroulement de la scène. Profitant d’un moment d’inattention pendant que les enfants s’échangeaient de place dans les petites voitures, Fugueur est parti droit vers la mer. Chaque adulte pensait qu’il était dans l’autre groupe. Pour grimper le muret, il a peut-être demandé l’aide d’un adulte ou d’un autre enfant qui passait là, à sa manière. Puis, pour descendre, on ne sait pas comment mais il était parvenu jusqu’en bas, où il avait pied. Il a joué quelques instants avec la mer comme il le fait à la plage. Puis en 30 minutes, l’eau a monté très vite et les vagues ont commencé à le frapper et à le plaquer contre les rochers. C’est là qu’il s’est fait des égratignures aux jambes. Impossible pour lui de remonter en grimpant aux blocs de pierre. Quand le courant a été assez fort pour le faire tomber et le ressac prêt à le tirer au large, il s’est retrouvé coincé entre deux rochers par sa taille. Il est resté comme ça quelques minutes avant d’être submergé. Mais après quelques secondes seulement sous l’eau, il a été sauvé par Rindra.

La maman de Fugueur rappelle qu’une fois de plus, Dieu a montré dans la vie de la petite famille qu’Il existe. Elle rappelle qu’il y a trop de coïncidences pour qu’on parle de hasard. Dieu s’est déjà manifesté comme cela, en laissant d’autres frères de Fugueur dans la tourmente et en les sauvant au dernier moment d’une manière miraculeuse. Par exemple, il y avait ce chirurgien qui a dit, à propos d’un grand frère qui était malade : « Vous avez bien fait de l’avoir transféré ici, si vous aviez attendu une ou deux heures de plus, cet enfant serait mort. » L’autre fois, un autre frère a failli se défenestrer par accident. Il s’en est fallu de quelques secondes. Et cette fois, on ne sait pas combien de minutes l’enfant était dans l’eau, mais ce qui est sûr c’est que quelques secondes de plus et c’était la fin.

Et si vous ne croyez pas en Dieu où à quelque chose de supérieur qui dirige les événements, comment nous expliquer qu’au moment où une prière ait pris fin, un inconnu décide de se mettre sur un rocher, faire un selfie plongeant pile 20 mètres au-dessus d’un enfant qui se noie ? A cause de l’angle, cet enfant était invisible à tout le monde, il fallait faire le geste du selfie pour révéler sa présence. Et il y a un kilomètre de bord de mer, mais il a choisi cet endroit pour sa photo. Le titre de cet article parle d’un selfie qui a sauvé la vie d’un enfant, mais à vrai dire, c’est plus qu’un selfie, c’est un miracle.


Le stylet de mon téléphone m’a réconcilié avec le dessin

Le dessin a toujours fait partie de mon monde, mais de moins en moins depuis quelques années. C’est en visionnant des vidéos sur internet que l’envie de dessiner sur un téléphone m’est venue, et avec, l’envie de redessiner.

D’abord, je dois avouer que je suis atteint d’artisme aigüe. En matière d’art, je n’ai presque rien étudié mais tout essayé : la musique, la peinture, la photographie, un peu de sculpture, un peu de théâtre, un peu de tout. Depuis quelques temps, grâce au blogging, j’écris des petites histoires sur le net et dans ma communauté, j’écris aussi des scénettes bibliques et des comédies musicales évangéliques et on en fait de petits films. Et j’ai aussi toujours aimé la calligraphie et le dessin.

léopard
Léopard en gouache sur carton que j’ai dessiné dans ma jeunesse (image: layandri)

J’ai pourtant commencé ma vie avec un handicap qui touche la partie droite de mon corps et dont la partie la plus visible est une syndactylie corrigée de la main droite, la correction ayant consisté à amputer un doigt. Le problème c’est que, justement, je suis droitier.

Ma définition du handicap étant « une différence qui oblige une personne à travailler plus que les personnes dites normales pour réaliser son projet », je n’ai jamais renoncé à aucun de mes talents. J’ai, par exemple, toujours joué au foot malgré l’avis du kinésithérapeute qui me disait : « si tu joues au foot, tu peux te casser un os au moindre contact et tu peux même te luxer la hanche ou te briser le dos. » J’ai joué au foot. Je n’ai pas intégré une équipe et ne suis pas devenu un joueur professionnel, même s’il y a eu des périodes où avec des amis, on jouait pour de l’argent et d’autres où on faisait des tournois.

Revenons à (dessiner) nos moutons

Je me souviens qu’en primaire, on faisait des cours de dessins. J’étais nul. Et pourtant je m’appliquais. On nous avait donné un modèle et on n’avait qu’à copier. Je l’ai fait et j’avais reçu un 2/10. Plus tard, en sixième, avec des amis, on faisait des bandes dessinées. L’un d’eux dessinait de superbes personnages en 5 secondes et moi, je faisais ce que je pouvais, mais c’était pas beau. Je l’enviais un peu, mais surtout, c’était comme un professeur, car j’essayais de refaire tout ce qu’il faisait.

Je sentais que j’avais ce talent mais que je ne pouvais pas m’exprimer. Est-ce que c’est génétique ou culturel ? Je ne sais pas, mais on me disait que mon grand-père était aussi un bon dessinateur et j’ai vu mon oncle décorer ses murs avec des peintures de personnages de B.D. Surtout, même si je dessinais mal, j’aimais ça !

Et finalement, j’ai eu ma période dessinatrice entre les classes de seconde et terminale. Tous mes cahiers, paix à leurs âmes, étaient pleins de gribouillis plus ou moins géniaux. Je me souviens d’avoir copié des pochettes des Beatles ou de Michael Jackson pendant les heures de cours. J’ai aussi inventé une écriture à base de gothique et de germanique que j’ornais d’arabesques et de frises en tous genres. Pour expliquer aux plus jeunes, en ce temps-là, il n’y avait pas de réseaux sociaux, mais l’équivalent s’appelait « cahiers de souvenirs »,  où l’on écrivait à la main notre profil, nos données personnelles, nos citations et nos MP. On me passait volontiers ce genre de cahier pour que j’y mette une œuvre originale.

Est-ce que j’ai voulu en faire mon métier ?

J’ai voulu en faire mon métier. Quand je faisais ces gouaches sur carton, j’avais deux amis dessinateurs de talent. Ils avaient fait une B.D. tirée de la Bible et j’étais en quelque sorte le metteur en scène, leur indiquant pourquoi un tel arbre n’est pas réaliste ou comment devrait être un personnage au moment d’une scène. Et on pensait vraiment aller loin dans le projet et pourquoi pas publier. Mais cela ne s’est pas fait.

Je me souviens aussi dans un salon de l’informatique à Antananarivo, vers les années 1990. Il y avait un européen qui faisait la démonstration d’un ancêtre des logiciels de traitement d’image où il effaçait la dent jaune d’un modèle en faisant un copier-coller. Cela m’a beaucoup impressionné et, avant même d’avoir mon premier ordinateur, j’ai beaucoup dessiné sur tous les PC que je trouvais. C’est par nostalgie de ce temps-là que j’ai redessiné sur Paint pour illustrer des épisodes de l’histoire en ligne de ce blog « Vacances au soleil« , par exemple.

« Les ampoules, par milliers, qui jonchent les tunnels créent plus d’ombres que de lumières… » (image: layandri)

Mon téléphone m’a définitivement réconcilié avec le dessin

Définitivement, je ne suis pas un dessinateur. Je suis un chef de projet dans une banque de renom et si j’arrive à publier quelques articles de blog par mois, et que je continue mes autres activités artistiques (le groupe, la composition, etc.), je ne pourrais sûrement pas avoir le temps pour dessiner de manière professionnelle. Mais l’envie est toujours là.

J’ai vu des vidéos sur le web montrant des dessinateurs à l’œuvre sur de petits écrans de téléphone et j’ai compris que c’est la solution idéale pour moi. Mon téléphone est toujours dans ma poche et je peux l’utiliser quand je veux. Pas besoin de papier, de crayons ni de gommes, mais le résultat est quand même un dessin. J’ai donc troqué mon smartphone pour un modèle avec stylet et j’ai téléchargé des applications qui permettent de faire des dessins.

Je vais vous laisser avec quelques exemples de dessins, mais ma conclusion est simple : le smartphone est un outil formidable pour travailler, mais surtout pour s’amuser. Au prochain article, je vais vous raconter comment un selfie a sauvé la vie de mon fils.

J’ai dessiné une rose comme celle-ci en 1994 dans un cahier de souvenir… (image: layandri)
Certaines applications permettent de faire des symétries qui donnent des images très satisfaisants (image: layandri)
Faire des paysages sur un écran de 5 pouces est assez ardu (image: layandri)

 

Calquer des photos pour en faire des portraits est par contre assez simple. (image: layandri)


À Madagascar, la peste fait des morts, et vice-versa

À Madagascar, la peste fait cette année 2017 plus de morts que d’habitude. Aujourd’hui, on parle d’épidémie et le nombre de morts dépasse les 70. Mais s’il y a des vérités, il y a aussi des non-dits et surtout des rumeurs.

La peste existe

La peste sévit à Madagascar depuis longtemps. Depuis les années 1980, il y a toujours des cas recensés tous les ans. Je l’ai dit dans mon précédent article que j’ai vécu longtemps dans un quartier exposé. J’en ai toujours entendu parler comme le choléra, le paludisme et la grippe, d’ailleurs. En 2014, j’ai déjà écrit un article sur la peste à Madagascar. Pour vous dire, j’ai entendu il y a des années cette anecdote anonyme. Je dirais que c’est une légende urbaine car je l’ai entendue de plusieurs personnes avec des versions différentes. Il s’agissait d’un guérisseur qui avait l’habitude d’aspirer avec la bouche le pus des plaies de ses patients pour les guérir. Cette fois-ci, il serait mort en quelques minutes (ou quelques heures) après avoir pratiqué une séance sur un malade car celui-ci avait la peste.

Et alors?

Parfois, quand on vit avec le danger, quand on est habitué, on ne sent plus sa présence. C’est vrai que l’on vit dans un pays qui abrite Yersinia Pestis, ou la bacille du choléra. On doit aussi avoir de multiples rétrovirus du VIH. Ces microscopes tueurs sont même devenus endémiques à Madagascar. Parce que tout ce qui reste un peu sur cette île devient endémique (lisez le cas du ravintsara). Mais on vit avec.

Les malgaches bénissent Zanahary, le Dieu créateur que cette île paisible ne connaisse pas de dangereux prédateurs comme le lion en Afrique, le tigre en Asie,  le loup dans les pays tempérés ou même un de ces petits serpents mortels, silencieux et sournois qui vous pique les mollets si vous vous aventurez dans les broussailles. Je suis sur qu’un habitant de Dakar, de Bangkok ou de Kamtchatka aujourd’hui dira qu’il préfère, de loin, faire face aux animaux sauvages, par habitude, que de venir à Madagascar risquer d’attraper la peste.

Même pas peur

Dans l’article précédent, les gens qui ont vraiment peur de la peste sont parfois moqués. Il y a, c’est vrai, des gens qui ont développé une phobie de la peste (pesto-phobie?), et qui font la totale :

– J’ai mis des pièges à rats partout dans la cour
– J’ai aussi traité toutes les chambres, les murs, la cours, l’intérieur des voitures avec l’insecticide
– Et je met un masque tout le temps si jamais je suis obligé de sortir
– Bonjour, pas de bises s’il te plaît…

Mais la plupart des gens continue à vivre comme tous les jours. La peur existe mais si on s’imagine que Tana devrait être une ville morte, assiégée, dans la réalité, on ne voit qu’un homme masqué tous les 500 mètres pour nous rappeler qu’il y a la peste.

Mal(heureusement), il y a des morts

Au début, même les premiers morts ne sont pas pris au sérieux. La communication du gouvernement a aidé cette phase d’incrédulité quand les mots et expressions qui se sont répétés étaient  : « saison pesteuse »,  « sous contrôle », « habituel », « maitrisé », etc. Les dirigeants et leurs politiques savent peut-être ce qu’ils font et ils sont et seront responsables de leurs décisions.

Mais les cas se sont multipliés. Quand le nombre de cas officiels dont les cas mortels était « tsy takona afenina » (impossible à cacher), il a fallu donner l’alerte, évidemment, en retard de quelques jours par rapport à ce qui est prévu par l’OMS dans ces cas. Décidément, à Madagascar, si la peste fait des morts, ce sont aussi les morts qui font la peste. Je rappelle, en passant, le principe des cafards : »un cafard visible peut facilement en cacher 200″ .

Heureusement, les mesures sont prises et appliquées. Par exemple, les écoles ont fermés pendant 2 semaines et certaines ne sont pas encore ouvertes dans plusieurs régions. Les véhicules de transport publics sont désinfectés. Des affiches sont collés et des campagnes de communications sont faites tambour battant. Les entreprises aussi, dans la peur de perdre leurs forces vives, appliquent des mesures strictes. Ce qui est vraiment bien, si on peut le dire, c’est que les parents craignent surtout pour leurs enfants et qu’ils s’ajoutent des mesures complémentaires pour les protéger particulièrement. Ce qu’on veut faire, c’est vraiment maitriser cette épidémie par tous les moyens.

NE PAS baisser la garde

C’est un avis personnel, mais comme souvent à Madagascar, les rumeurs  ont plus d’impact que la vérité. Dans le cas de la peste, l’histoire du supposé patient zéro, un voyageur entre Ankazobe et Toamasina a très vite fait le tour de la toile et des réseaux sociaux plusieurs jours avant que l’alerte officielle ait été donnée. Je dirais que quelquefois, surtout quand on ne peut pas avoir de données fiables, on doit écouter les rumeurs qui courent. Dans les cas de maladies transmissibles il vaut mieux trop avoir peur que pas du tout. L’inconvénient qu’il faut éviter c’est la panique. Il ne faut pas qu’à la moindre mauvaise nouvelle, non confirmée, tout le monde se met à vider les stations d’essences et les magasins de P.P.N.. Il faut juste se dire que les rumeurs, surtout à Madagascar cachent souvent une vérité qui peut être plus importante ou moins grave, mais qu’il ne faut pas ignorer.

 


Débat stérile en cours : quand la peste pulmonaire ne fait pas de discrimination, c’est le cache-bouche qui prend le relais

La peste existe et persiste à Madagascar depuis des dizaines d’années. Tous les ans, une épidémie plus ou moins importante (300 cas en moyenne) a lieu mais la multiplication des cas de peste pulmonaire a changé la donne.

Quand la peste n’est plus la maladie des pauvres

J’ai habité longtemps à Anjanahary, à une vingtaine de mètres du quartier de Manjakaray. Ces 20 mètres constitués de la largeur d’une rue n’était que la frontière physique entre nos quartiers. Je vivais la vie de Manjakaray, la pauvreté, l’insalubrité, l’insécurité, les disputes familiales, les enfants qui jouent dans la rue, les fêtes traditionnelles (circoncision, retournement des morts) et leurs fanfares dans les ruelles du quartier. Et aussi les morts subites (bizarres) et les cas de maladies moyenâgeux. En 2017, la peste revient et Manjakaray est à nouveau cité.

On ne sait pas combien sont déjà malades ou morts de la maladie depuis le début de l’année dans tout Madagascar. C’est comme pendant les manifestations : « les organisateurs ont dénombré 1 000 000 de manifestants alors que la police parle de 10 000″. Par précaution, moi, j’applique la règle des cafards : « un cafard visible peut facilement en cacher 200« .

 

La différence pour cette année c’est d’abord les réseaux sociaux. Les malgaches sont très actifs sur les réseaux et propagent les nouvelles, vraies et fausses plus vite qu’une épidémie de grippe. La réaction de panique face à un fake news est compréhensible quand pour le malgache : « Ny hitsikitsika tsy mandihy foana fa ao raha » (le faucon danse pas pour rien, en référence au vol sur place du faucon à l’origine d’une danse des bras malgache).

Et surtout, la variante pulmonaire qui se transmet directement entre les humains ne fait plus la distinction si la personne est pauvre ou riche, habite un quartier pauvre au aisé, si elle est malgache ou venant de l’étranger. Maintenant, il n’y a plus question de croire ou non aux rumeurs puisque ce sont des gens qui nous sont proches qui sont touchés.

Le cache-bouche qui divise

Mais voilà, même devant la « peste pulmonaire », les malgaches ne sont pas tous égaux. Il y a ceux qui portent des cache-bouches et il y a les autres.

Le cache-bouche, c’est un masque chirurgical ou un masque de chantier ou n’importe quel truc à mettre sur la bouche des malgaches pour éviter d’attraper la peste pulmonaire. Est-ce que ça marche? Est-ce que c’est utile? Le débat (stérile) est en cours :

  • Non : Contre la peste, un masque ne va pas te protéger d’une piqûre de puce et la bacille n’est pas présent dans l’air à moins d’être très proche du malade (moins de 2m)
  • Oui : Mais si vraiment on est à moins de 2m, par exemple, si le malade est un voisin de taxibe, au moins on aura le masque
  • Non : Mais c’est ridicule, tu es le seul à porter un masque, tu crois qu’on est tous malades et qu’on va te refiler un truc?
  • Oui : Imaginez que vous êtes tous en bonne santé et que c’est moi qui suis malade, je le garde ou pas mon masque?
  • Non : Sur 10 personnes ici, vous êtes 2 à avoir un masque
  • Oui : Mais sur les 8 autres, combien voudraient bien en avoir une mais ne peuvent pas s’en procurer parce qu’ils n’ont pas l’argent ou qu’il ne sont pas « mahitahita »? (litt. qui trouve [des chemins], signification : a les bras longs)

Mais il faut (juste) toujours rester prudent

Et voilà comment certaines personnes arborent leurs masques tandis que d’autres rigolent ou envient. Pendant ce temps, la peste continue de faire des victimes. Le but de cet article n’est pas de statuer si oui ou non il faut porter des masques mais juste de constater que très souvent à Madagascar, il est très difficile de mettre en place quoi que ce soit sans trouver des détracteurs, des critiques et des délateurs.

Peut-être que le port du masque n’est qu’un placebo mais moi, je trouve les gens qui les portent courageux, au contraire des autres :

  • les sceptiques : « pfff, ce n’est peut-être pas de la peste, et puis, je ne pense pas que le masque est utile. Et même si c’est utile, ce n’est pas suffisant, et bla bla bla »
  • les fatalistes : « Quand c’est ton tour de mourir, tu meurs…de la peste ou d’autre chose… »
  • les illuminés (qui n’ont rien compris à ce qu’ils ont lu) : « Un enfant de Dieu ne doit pas craindre la peste…non, un bon chrétien ne peut pas tomber malade… »

Ces gens-là, même si on leur donne tous les conseils pour éviter la maladie : rester propre, surveiller l’état de santé, éviter le contact avec les malades, etc, ils ne suivront pas. Pourtant, mon avis est qu’il faut prendre toutes les précautions possibles comme dit le proverbe « Ramalina aza nifehy hazo tokana » (Monsieur Prudent a un jour fagoté une seule branche).

 

 


Le communiqué du Ministère Rat de la santé sur la peste à Odag à Madagascar

Voici le communiqué du Ministère Rat de la Santé pour expliquer la situation aux rongeurs de la province d’Odag et leur donner les directives pour faire face à l’épidémie de peste chez les rats.

« Mesrates et Mesrats, devant la recrudescence des cas mortels ou non de peste chez les rongeurs d’Odag, le ministère tient à informer et clarifier la situation auprès des rongeurs de la province.

La peste est due à une bacille Yersinia Pestis. Elle se transmet de plusieurs façons :

La puce de rat, Xenopsylla_cheopis,  est le principal vecteur de la maladie. Une puce infectée le reste toute sa vie. La bactérie bloque sa digestion et de ce fait, elle aura toujours envie de s’alimenter. C’est lors de ces phases d’alimentation qu’une puce peut vous infecter. Alors, évitez le contact avec les puces de rat.

Quand d’autres mammifères sont infectés (chat, chien, humain), leurs puces aussi peuvent prendre le relais. Donc, évitez les puces en général.

En manipulant les congénères décédés , on risque de faire rentrer le microbe dans notre organisme. Il faut les laisser à l’air libre et éviter même de s’en approcher car leurs puces vont chercher d’autres hôtes.

La bacille de la peste peut survivre et se multiplier sous terre, par exemple à l’intérieur de terriers inoccupés depuis longtemps. Évitez d’aménager dans un terrier connu pour avoir abrité des rongeurs décédés de la peste ou d’une maladie inconnue.

Les crachats d’un humain infecté est hautement contagieux. Évitez tout contact rapproché (2m) avec un humain malade et évitez les endroits où l’on peut être en contact avec leurs crachats : caniveau, trottoir, mouchoirs usagés, etc.

Il faut savoir que nous, les rats, n’avons pas encore trouvé le remède à cette maladie. La seule façon de maîtriser sa propagation est l’isolation des malades et des cadavres. Néanmoins, nous rassurons la population des rats et aussi nos cousines les souris que la situation est sous contrôle. Nous mettons tout à pied d’œuvre pour endiguer la maladie. Le plus important reste que la population des rats garde le calme. Tous les rumeurs auront droit à une enquête approfondie pour en connaître les auteurs et les punir. Peste ou pas peste, on est des rats et on déteste les corbeaux.

Enfin, nous savons que cette situation n’est pas nouvelle, elle se répète tous les ans à la même époque. La haute saison ne fait que commencer. Bientôt, il y aura la pluie avec les inondations et les canaux qui se bouchent en déversant leurs succulents contenus partout. Comme nous, les rats, n’avons pas encore inventé de vaccins, préparez-vous à la résurgence du choléra, de la rage, de toutes sortes de grippes, du palu et tout le reste. Comme chaque année, nous survivrons en profitant au maximum des mannes qu’apportent la pluie et l’insalubrité de l’humain d’Odag pour se multiplier plus vite qu’on perd d’éléments, alors,  « Croissez, et multipliez, et remplissez la terre« 


Top 8 : Testez votre apparence à Tana, entre Tsaralalàna et Soarano

J’aime marcher dans divers quartiers de Tana.  J’ai remarqué que je suis parfois interpellé par divers vendeurs à la sauvette et businessmen. Comme leurs activités sont interdites, c’est sûr qu’ils choisissent leur clients. Ma théorie est que ces gens regardent ton apparence avant de te proposer leurs produits ou services. Alors, faites le trajet Tsaralalana-Soarano pour tester votre apparence externe.

Le Tana Downtown

On peut dire que les quartiers autour d’Analakely concentrent beaucoup d’affaires. Il y a plusieurs entreprises, des banques, des boutiques et des marchés mais il y a aussi les vendeurs de rue et les « mpanao bizna »  (qui font du business ou du trafic). Il faut savoir que cette partie de Tana constituait il y a encore quelques années le marché du Zoma, le plus grand marché à ciel ouvert du monde en son temps. Et aujourd’hui encore, tout peut se trouver à Analakely et ses environs.

Le zoma à Antananarivo
Une partie du légendaire marché du Zoma

Le trajet

Selon Google Maps, le trajet se fait à pied en 10 minutes. Mais avec les magasins, la foule, les voitures, ce délai peut se rallonger. Et presque tous les 10 pas, il y aura une personne qui va t’interpeller. Si ce n’est pas le cas, c’est que tu n’es pas quelqu’un d’intéressant (pour la personne), et que tu n’es, donc, pas un client potentiel. Commençons notre parcours.

1- Tsaralalàna

Comme je me limite à un Top 8, développons tout de suite le cliché. Car même si Tsaralalàna (littéralement : la bonne loi) est le quartier des Karana, donc des riches, et même s’il y a des banques, des hôtels (là-même où Mondoblog 2016 a pris ses quartiers) et des bureaux administratifs, dans le discours populaire tananarivienne, c’est surtout les boites de nuits et les prostituées. Oui, l’expression « voir les putes » en malgache c’est « aller à Tsaralalàna ». Et c’est vrai que quelque soit l’heure, ces travailleuses du sexe sont disponibles à cet endroit.

Tsaralalàna
Tsaralalàna, little India de Tana

Donc, premier test, c’est passer devant ces filles assises ou debout appuyées sur les murs. Je dois avouer qu’aujourd’hui, quand je passe là-bas, les filles me regardent, à l’affut de n’importe quel signe de ma part, sans que je n’oses même leur adresser mon regard. Mais quand j’étais beaucoup plus jeune et que j’affichais beaucoup mon manque de confiance en soi (avec mon blouson en plein soleil, mes yeux rivés au sol et ma démarche de rêveur), je me souviens avoir été presque harcelé par ces dames : « Andao isika sy ialahy hiaraka » (Viens toi et moi, mettons-nous ensemble!)

2- Les vendeurs sur des étals

Ils vendent des vêtements, des chaussures, des outils électriques, des gadgets, des téléphones ou autre chose. Leur façon de t’appeler est la suivante : « – Inona ny atao ho an’i Ramose? » (Que puis-je faire pour Monsieur? ou Qu’est-ce que Monsieur désire?). Les plus « mentalistes » proposeront tout de suite un produit dans son stock qui devrait t’intéresser, à en juger ton apparence. Par exemple, en passant devant un marchand de gadgets électroniques, il m’a dit : « – J’ai un lecteur mp3 bluetooth pour voiture ». Il a été incrédule quand je lui ai répondu : « Hum, comme ça j’aurai envie d’acheter la voiture qui va avec! ».  Bien sûr, j’ai une voiture et il a vu juste.

Étal de sandales

3-Les vendeurs sans étal

A mon avis, ces gens là sont louches. Ils portent leurs produits à bout de bras ou sous leurs manteaux et ils essaient de détecter le client (ou le pigeon) idéal. Soit le produit est beaucoup moins cher en magasin soit c’est un produit vicié ou volé.

C’est comme ça qu’en demandant les prix des téléphones clowns au bord de la rue, un gars s’est approché de moi en disant : « Monsieur a l’air de chercher des téléphones originaux, moi j’en ai un pour 70 000 ariary » (20 euros). Ce téléphone, je l’ai acheté car le prix était dérisoire et j’ai détecté (même s’il l’a bien caché) qu’il était en panne donc non volé. J’ai des amis réparateurs qui me l’ont raccommodé pour pas cher.

4 – Les mendiants

Les mendiants sont partout. Eux aussi, ils sont de deux sortes. Il y a les passifs qui restent par terre avec leur boîte ou chapeau, certains jouant de la musique ou chantant et il y a les agressifs qui poursuivent les passants pour un petit billet. Tous les passants? non, seulement ceux qu’ils jugent « intéressants ». Si tu soignes ton image, et que tu fais apparaître des signes extérieurs de richesses, c’est déjà normal si tu attires les mendiants. A mon avis, si tu es d’apparence simple, sobre et que pourtant chaque mendiant te demande de l’argent, c’est que tu as l’air d’un gentil.

5- « On achète de l’or »

Au niveau d’Analakely, des gens assis au bord de la rue ou dans une voiture stationnée disent à quelques passants ciblés : « On achète de l’or ». Quand j’ai mon alliance, ils le disent en lorgnant sur ce petit bout de métal sur mon doigt. Mais même depuis que j’ai cassé la bague, ils continuent à me le dire à chaque fois.  Je ne sais pas comment le deal se fait et je ne pense pas que ce soit légal mais, donc, j’ai l’air de quelqu’un qui a de l’or.

Lapan'ny tanàna
Voici l’Hôtel de Ville d’Antananarivo, et c’est aux alentours que les « acheteurs d’or » patrouillent

6- Elle vous intéresse?

Elle? C’est une voiture d’occasion, fraichement importée, stationnée là du matin au soir. La plupart des gens les ignorent car ce sont des voitures haut de gamme. Parfois, il m’arrive de m’attarder devant l’une d’elles pour admirer et peut-être par curiosité sur le prix. Mais le vendeur m’ignore complètement. Il voit bien que je n’ai pas des millions d’Ariary avec moi ni dans mon compte en banque. Il faut vraiment insister en regardant de près pour que le vendeur demande :« Elle vous intéresse? »

Les voitures d’occasion exposées ici sont souvent encore immatriculées en Europe

7- Les produits pour chaussures

« Voici le produit pour nettoyer les chaussures, venez l’essai est gratuit! ». La façon dont ils regardent mes souliers, c’est comme si j’avais 1 kilo de boue sur chaque pied. C’est gênant, je ne suis pas si sale même si j’avoue que faire reluire mes godasses ne fait pas partie de mes priorités en sortant de la maison. Et puis, de toute façon, avec la poussière et la promiscuité de Tana, je ne ferai pas 100 mètres ou un seul trajet en bus avant de me faire marcher dessus ou de recevoir des tâches dessus.

8- Tu veux changer des euros?

Un peu plus flatteur pour terminer. Ils demandent « – Tu veux changer des euros ou des dollars? » et parfois, ils font juste le geste de l’argent avec les doigts. C’est parce que tu as l’air de quelqu’un qui a des devises à vendre. Soit, tu es toi-même un « mpanao bizna » spécialisé dans la spéculation sur de petites quantité de devises étrangères, soit tu as de la famille qui a envoyé de l’argent soit tu es toi-même revenu de l’étranger. Au moins, tu en as l’air.

Au fond, on voit la gare de Soarano et c’est ici qu’on a le plus de chances d’être interpellé par des changeurs ambulants.

 

Ces gens qui vous abordent dans la rue, ils font partie de l’animation, de la vie et peut-être parfois de la peur des grandes villes. Certaines personnes traversent les quartiers incognito tandis que d’autres se font interpeller tous les deux pas. Si vous avez été touriste dans cette ville, vous avez peut-être été choqué d’être si attirant. À Antananarivo, autour d’Analakely, l’apparence compte pour beaucoup.


Top : 3 anecdotes où j’ai fait du mentalisme

Inspiré par le commentaire d’un abonné twitter, je vais un peu m’exposer dans cet article. je vais vous raconter 3 anecdotes pendant lesquelles j’ai fait du mentalisme.

Le mentalisme, même s’il paraît impressionnant, n’est qu’une illusion. Aujourd’hui, plusieurs instituts proposent de l’apprendre mais chez certains, il y a des facultés innées qui aident. Donc, il y a la technique et il y a les aptitudes.

Sur les 3 histoires que je vais vous raconter, j’ai utilisé comme technique « la lecture à froid » et j’ai aussi utilisé mes aptitudes en tant que « surdoué » (comme la vidéo du lien du commentaire que j’ai cité au début l’explique) dont, surtout, l’empathie qui me permet de me mettre à la place d’un autre. J’explique.

La lecture à froid est une technique qui consiste à déceler le moindre indice chez son interlocuteur pour deviner s’il dit la vérité ou s’il ment. On utilise la statistique pour deviner certaines choses selon son âge, son travail, son quartier, etc.; des vérités générales pour le mettre en confiance, des questions sans issues pour qu’il donne des indices. Parfois, on utilise la lecture à chaud, qui consiste à chercher à connaitre le maximum sur la personne avant de l’interviewer. S’il cache quelque chose, un mentaliste de haut niveau peut deviner la vraie réponse en regardant ses moindres réactions. Je vous rassure, je n’ai pas ce niveau-là et dans mes anecdotes, j’ai peut-être eu de la chance et surtout j’ai beaucoup plus d’intuition que de technique, c’est à dire l’intention de « mentaliser » quelqu’un.

En effet, et c’est le déclic qui m’a pousser à écrire cet article, la vidéo explique que certaines personnes « surdouées » ressentaient plus les choses et surtout les émotions des autres. Ce qui leur permet d’avoir plus d’empathie. Moi, quand je vois une personne mendier, je me retrouve tout de suite à sa place et je ressens, en partie, toute sa détresse. Mon imagination est aussi très claire et précise, ce qui me permet de voir des détails dans ces « rêves éveillés ». Parfois, j’arrive à imaginer d’autres facettes de sa vie (comment il dort dans la rue ou chez lui, qu’est-ce qu’il mange, etc.) et si c’est souvent du fantasme, d’autres fois, cela correspond à la vérité.

1- Fanja

Donc, ce n’était pas la première fois que j’essayais de deviner des choses. Mais cette fois, c’était la première fois que je réussissais à être très précis et du premier coup. J’avais 15-16 ans et pendant qu’on séchait les cours, on allait dans d’autres établissements scolaires pour jouer au foot ou regarder les filles. C’est là que j’ai vu une fille. Il faut préciser que j’ai dit « regarder les filles ». J’étais et je suis toujours très très timide et à cet âge, c’était impossible que j’aborde une fille inconnue.

Mais je dois d’abord vous dire un paradoxe, je n’avais jamais de petites amies mais depuis la sixième, j’étais toujours entouré de dizaines de filles. Je pense que j’évoluais dans une sorte d’intersection de toutes les friendzone alentours, dont la mienne. Parler avec des filles, les comprendre, je savais le faire.

On s’est,donc, mis à côté d’un groupe de filles et j’ai dit à haute voix : « – Moi, je suis là juste pour regarder Fanja ». L’une d’elles a tourné la tête d’un coup et comme c’était elle que je fixais, elle a cru qu’on se connaissait. C’est comme ça qu’on s’est parlé pour la première et la dernière fois. Là, c’est ma faute parce que lorsqu’on s’est recroisé pendant la « Journée des écoles », je ne l’ai pas reconnu. Honte à moi!

Explication? Fanja est un prénom très répandu et dans sa tranche d’âge et selon son apparence (couleur de peau, vêtements, etc.). C’est la technique des statistiques que j’ai utilisé sans le savoir. Mais on l’utilise déjà tous. Vous l’avez peut être vu dans le film Les Minions quand la méchante dit de l’organiste : « Elle a une tête à s’appeler Edna, salut Edna! ».

2- La danse

La seconde histoire s’est passé à la Fac. J’étais un peu plus grand mais toujours aussi timide.  Donc, au sortie d’un des premiers cours, on était en train de marcher et on s’est retrouvé à la hauteur d’un groupe d’étudiant. On a fait connaissance, bla bla bla, et puis j’ai demandé à une fille : « Mais pourquoi t’as arrêté la danse? ».

Comment j’ai deviné? Bah, elle marche comme quelqu’un de très souple. Elle parlait aussi comme ces filles qui font soit de la musique soit de la danse, pas du judo. Et si elle avait l’air de quelqu’un qui a fait de la danse, elle l’a surement arrêté, d’où l’usage du passé. C’était une lecture à froid et sans connaître le nom de la technique, je l’ai utilisé juste comme à pile ou face pour attirer son attention. Elle n’est pas devenue ma petite amie pour cela.

3- « On ne parle pas de ça »

Cette fois-ci, c’était il y a quelques mois. On a voyagé avec des amis et j’avais dans ma voiture que des jeunes dont 2 jeunes filles qui n’arrêtaient pas de parler. L’une, plus âgée s’est mise à chuchoter dans l’oreille de l’autre et j’ai fait, depuis le volant, mon « adulte » en disant: « On arrête de parler de ça s’il vous plaît« . Elle a répondu, qu’elle a chuchoté et que la voiture faisait beaucoup de bruit alors je ne peux pas savoir ce qu’elle disait. J’ai répondu : « -Tu lui a dis exactement : ……. ».

C’était juste une intuition mais couplée à de la déduction sur toute la journée qui venait de se dérouler et des bribes sur le début de la conversation. Si tout à coup, elle s’est mise à chuchoter à l’oreille de l’autre, cela ne voulait dire qu’elle a dit une certaine phrase qui est dans la suite logique.

Voilà pour l’article. Et si je ne suis pas un illusionniste ou un mentaliste, je dois dire que ce sont des sujets que j’aime et quand j’ai vu certains documentaires et articles du net, je me suis aperçu qu’il y a eu déjà des occasions où j’en ai un peu fait l’expérience. Et je pense qu’en lisant l’article, vous-même allez vous souvenir que vous avez aussi un jour deviné un « truc » avec simplement votre intuition.


Top 7 : Ces noms sont des gros mots malgaches, interdit aux -16

Âmes sensibles, les noms de cette liste sont de vilains gros mots malgache dans la langue officielle ou argotique. Je liste surtout les noms de marques, vous verrez que c’est sidérant la coïncidence, ou pas?

1- Tay, Amany et le reste (les prénoms usuels)

Ces noms-ci sont des gros mots en malgache. Ce n’est pas pour se moquer mais si vous ou votre entreprise ou votre produit avez l’un de ces noms, préparez-vous et si nécessaire, changez de nom avant de vous installer à Madagascar :

  • Tay = Excrément
  • Amany = urine
  • Alika = Chien(ne)
  • Foribe= gros vagin
  • La suite à partir du numéro 3

2- Tay

Mais faisons un zoom sur Tay en numéro 2 car à partir d’ici, je vous parlerai de noms de marques qui existent vraiment.

Tay, c’est le nom d’une intelligence artificielle que Microsoft a lancé sur le réseau Twitter et qui a, comme son nom l’indique « merdé ». En effet, en malgache, tay signifie excréments.

Certains gasy (malgaches), avec leur pudeur asiatique ou chrétienne ou n’importe quelle autre excuse préfèrent utiliser kakà (caca) au lieu de tay car ce serait plus poli. C’est un réflexe courant à Madagascar où les gens utilisent et souvent enseignent à leurs enfants un mot français à la place du mot malgache dans la catégorie « honteux ».

Je sais que Tay est un prénom courant aux USA et Microsoft a peut-être utilisé des initiales en rapport avec « Intelligence Artificielle » qui twitte ou qui texte ou qui textote. Mais je parie que les gasy de chez Microsoft ont bien rigolé avec le nom et peut-être moins quand il a déconné sur Twitter.

3- Manao

Si on prend le chemin inverse de la logique sur le mot précédent, on peut en trouver beaucoup de mots anodins mais qui sont utilisés en remplacement de gros mots.

A la base, ce sont des mots de tous les jours mais après quelques générations, ils sont jugés malsains  voire obscènes et on les remplace. Et ainsi de suite. C’est un procédé courant surtout sur les haut-plateaux de Madagascar (au centre) et c’est à rapprocher avec la manière française. En français, on a des dizaines de verbes pour désigner l’acte sexuel, du biblique « connaitre » aux très cru « baiser » en passant l’archaïque « foutre » ou par les scientifiques « copuler », « coïter », etc. Mais dans le langage approprié, on utilisera le sacro-saint « faire l’amour« .

Beaucoup mieux, les malgaches utilisent seulement « manao » (faire) et tout le monde comprend.

– T’as déjà fait?

Si vous faites la recherche sur Google, vous trouverez que manao est un nom utilisé partout, en France, au Brésil, aux Antilles, etc. avec parfois d’autres orthographes comme mana’o ou manaü. Et quand c’est le nom d’une entreprise, je pense qu’un gasy peut être assez motivé d’aller tous les jours chez « manao« .

4- Vody

Quand un média en Côte d’Ivoire titre « Vody, la boisson des nuits torrides« , le malgache pudibond lira « fesses,… » et un autre plus dévergondé verra « cul,… » car le mot vody, c’est ça. Selon l’article, c’est un de ces boissons énergétiques saturés de caféine que les jeunes de ce pays d’Afrique de l’Ouest boivent pour se donner la pêche.

Quoi qu’il en soit, les gasy d’Abidjan, Yamoussoukro ou d’autres villes doivent se tordre de rire ou parfois rougir de voir Vody affiché partout sur les panneaux publicitaires, les magasins et les affiches.

– Achetes du vody, qu’il disait!
– Vody, ça donne de l’énergie qu’il disait!
– Moi, je prend 3 vody d’affilée quand je fis du sport qu’il disait!

5- Mofos

En malgache, mofo signifie pain. En anglais, ce serait une abréviation d’une déviance sexuelle dégoutante mais depuis quelques années, c’est aussi le nom d’un site porno. Et ça tombe bien! si on peut le dire.

En effet, mofo est un surnom malgache de l’appareil sexuel féminin chez l’Homme, en vogue il y a des années. Ce serait l’équivalent du français « moule » si on reste dans la gastronomie. Malheureusement, c’est sûr qu’aujourd’hui, à l’heure ou vous lisez cet article, il doit y avoir quelques gasy sur mofo’s en train de mâter des mofo.

6- Kindy

C’est la célèbre marque de chaussettes dont le nom est souvent affiché au bord des terrains de foot. C’est logique : sport = chaussettes de sport. Mais Kindy est l’un des mots dans la langue officielle malgache pour désigner le vagin.

Bon, il faut savoir qu’en anglais, kind est l’adjectif qui signifie gentil(le) mais il y aussi le nom kind qui veut dire « genre », « sorte ». Kindy est donc l’adjectif, sans équivoque, de la gentillesse. Cela étant dit, il y aura toujours un enfant malgache apprenant à lire qui va essayer de déchiffrer le panneau au bord du terrain quand la télé diffuse le match. Il dira :« -Kin…dy, ça veut dire quoi? » Et il y aura toujours un grand frère qui va rigoler sans répondre et un adulte qui dira « -Arrêtes de lire n’importe quoi! » et un vieux qui va hausser des épaules et secouer la tête en faisant « -Shhh! »

7-Lely

Et pour finir, lely, en malgache c’est « la baise », exactement. Ne vous étonnez pas de voir un jour un site classé X malgache au lien www.lely.mg, mais aujourd’hui, au lely.com, c’est « juste » un site d’agriculteurs américains que certains peuvent trouver sexy ou pas, chacun ses goûts. Je doute qu’il y ait un malgache aux USA qui a déjà postulé chez eux. Et si c’est le cas, j’imagine ce qu’il doit répondre quand sa grand-mère au pays lui demande  :« – Mon petit, tu travailles dans quel société déjà aux USA?« , « -El-i-èl-way mamie, El-i-èl-way… »

Voilà, le top est fini. Vous avez remarqué que les malgaches sont partout, et c’est vrai. Coucou aux gasy de France, Côte d’ivoire, USA et les autres! Et je m’excuse si la lecture a été pénible. Moi-même, j’ai eu du mal à l’écrire car je n’utilise presque jamais ces mots, sauf peut-être un peut de tay ou de ‘lay alika. Mais un jour, j’ai fait le pari de mettre tous les gros mots malgaches dans un article de blog. Je l’ai déjà fait mais aujourd’hui, j’ai battu mon record.

 


Vacances au Soleil -Partie 4

La vie de Joseph et de sa mère était tranquille. Ils étaient habitués aux tunnels de Fiadanana. Mais cela n’allait pas durer longtemps.

Ce soir-là, quand Joseph était rentré chez lui, il a trouvé sa mère en train de pleurer. Tout de suite, il a demandé ce qui se passait mais sa mère s’est mise à sourire de toutes ses dents, les yeux encore imbibés de larmes. Elle tenait une lettre dans sa main qu’elle montrait comme une trophée et Joseph n’a rien compris. Sans un mot, la lettre s’est retrouvé dans sa main et Joseph s’est mis à la lire :

« Monsieur, Madame,

Le Ministère de l’Exploration de Fiadanana est fier de vous annoncer que Monsieur Joseph ANDRIANILAINARIVONY est sélectionné pour devenir un argonaute. Après une formation de 6 mois, il partira en mission de 5 ans.

Il est, de ce fait, convoqué dans les locaux du Ministère de l’Exploration situé dans le bloc N°35 du centre le 08 septembre à 8h pour son enrôlement.

Le Ministre de l’Exploration vous exprime etc. »

Voilà pourquoi la mère de Joseph était à la fois fier, heureuse et triste. Devenir argonaute est le rêve de toutes les filles et les garçons de Fiadanana. Et il est vrai qu’à 12 ans, Joseph parait être un enfant mais à Fiadanana et partout dans les tunnels, c’est officiellement la fin de l’enfance. C’est à 12 ans que son père et sa mère ont, eux-aussi, quitté Fiadanana pour explorer les sous-sols. Sa mère était revenue, enceinte de Joseph, radiée et exclue. Son père, que sa mère n’a pas dénoncé, a eu une belle carrière mais a péri à 20 ans lors d’une mission très risquée loin de Fiadanana. Il a été célébré comme un héros.

C’est après sa mort que la mère de Joseph a avoué qu’il était le père de son enfant. Le maire de l’époque a eu vent de la triste histoire et flairant le bon coup de marketing, il a pris Joseph sous son aile, donnant à sa mère sa maison et son travail.

Le sélection de Joseph fait peut-être partie de ce plan mais il le mérite aussi, par son courage et son intelligence. Il lui manque juste de la force et c’est le garçon modèle de la C.A.F. , La Compagnie des Argonautes de Fiadanana.

Cette compagnie suit la trace des taupes. Les taupes sont des machines téléguidées qui sont envoyées vers différentes directions et qui découvrent des ressources, des dangers ou d’autres villes souterraines qu’il faut contacter, amadouer ou au pire combattre. Évidemment, plus Fiadanana étend son réseau, plus les missions de la C.A.F. sont éloignées du Centre. Mais c’est comme cela que Fiadanana peut survivre. Parfois, c’est en découvrant des excavations naturelles qui sont idéaux pour les champs, d’autres fois, ce sont des poches de gaz ou de pétrole, et d’autres moment encore, ce sont des survivants qui peuvent partager du savoir et des connaissances et qui font des alliances. D’autres fois, ce qu’ils découvrent ce sont des nids d’animaux dangereux comme des serpents venimeux ou d’autre araignées géantes, cannibales, de la matière radioactive, des tunnels habités par des humains belliqueux, eux aussi à la recherche d’autres humains mais dans le but de les asservir.

C’est cette vie qui attend désormais Joseph. Il devra faire face. Sa mère rêve qu’il devienne, lui aussi un héros mais elle espère surtout qu’elle pourra le voir grandir, avoir une épouse, devenir un vieux. Même s’il lui paraît impossible à elle de devenir une vieille, elle en rêve car à 27 ans, sans possibilité d’avoir un époux, même en étant une protégée de la mairie, ce sera très dur.

 

 

 


Malagasy ou Malgache, vous ne pouvez pas forcer les gens à choisir

Dans ce blog francophone, à chaque fois qu’un de mes article fait un petit buzz, il y a toujours des lecteurs « gasy » qui se « moquent » du contenu mais vont commenter par « malagasy mais pas malgache!!! ». Et d’autres vont répondre et on aura deux camps : les malagasy-iens et les malgache-iens. Alors, sachant que je ne vais peut-être pas régler ce conflit tout de suite, voici ce que j’en pense.

Il a pourtant utilisé « gasy » mais (dommage) on dit « malagasy » et non « malgache »

Ce qu’en disent les autres blogs

Les blogueurs malgaches ont déjà beaucoup écrit sur le sujet. Le Blog de Madagascar en a déjà fait un résumé. Cet article dans ce lien est aussi très complet. Ce que je vais noter, c’est la même incompréhension de Ranouraii  devant ces commentaires. Difficile de comprendre pourquoi on veut forcer les autres langues à adopter un mot plutôt qu’un autre quand les deux sont compréhensibles. Moi-même, j’ai déjà traité ce sujet plus d’une fois. Et je le redis ici, si quelqu’un arrivait à démontrer les réelles significations des mots Madagascar et Malagasy, on pourra, ensuite, discuter du pourquoi ne pas accepter un orthographe ou un autre.

Qui décide, en fait?

Le français et l’anglais sont des langues utilisées (voire officielles) à Madagascar. Ce serait au gouvernement, par décret ou par publication dans le journal officiel ou par d’autres moyens de dire aux malgaches que « malagasy » est la seule forme acceptée lorsqu’on parle du peuple de Madagascar. Sauf erreur de ma part, aujourd’hui, il n’y a rien de cela. Les dictionnaires, par contre, écrivent que malgache c’est en français et malagasy c’est en anglais.

Prenons des cas d’autres pays que j’ai déjà mentionné dans ce blog. Ce sont les gouvernements qui ont décidé que les habitants du Burkina Faso sont des burkinabé. De même, ce n’est pas le peuple de la Côte d’Ivoire mais les dirigeants qui ont décidé que les habitants s’appellent les ivoiriens et non des « côtiers d’ivoire » ou des « côte-d’ivoiriens ». (Désolé du manque de lien de référencement mais ce sont des amis blogueurs qui m’ont conté cela? Si c’est faux, ce n’est pas moi qui ai menti. Vous pouvez confirmer ou non).

Burkinabè est un mot invariable construit à partir de Burkina et -be qui est un mot appartenant à une langue du pays et qui signifie « les gens de ». C’est pratique et pourtant ce n’est pas les burkinabè qui le décident pour le monde entier. Dans ce lien, il est expliqué que dans le Journal Officiel français ( n°0223 du 24 septembre 2008), la France ne reconnait que les formes burkinabé et burkinabée. Et ce même lien admet l’existence des synonymes comme burkinais, burkinabais et burkina-fassien.

C’est un faux problème ou une solution inutile

Cela veut dire que même si les malgaches, un  jour, disait au monde entier que « dorénavant, on s’appelle des « malagasy » même si on ne sait pas ce que ça veut dire« , on ne peut pas forcer les autres pays à en faire autant.

Malgache est peut-être une francisation de malagasy ou peut-être directement issu de madécasse (forme archaïque). Mais qui dit que ce n’est pas l’inverse? Malagasy pouvant être une malgachisation de malgache car c’est « malgache » qui est issu de madécasse. Et si madécasse provient d’un mot malgache plus proche de Madagasikara, tout devient très compliqué.

Mais on n’est même pas sûr si ce ne sont pas les malagasy qui ont inventé ce mot puisque les français (et autres  navigateurs) l’utilisaient avant que nous ne sachions écrire (19è). C’est, en tout cas ce qu’explique un autre des commentateurs du blog.

Que ce soit « gasy » ou « malagasy » ou « malgache », c’est toujours des étrangers qui l’ont inventé car au temps des anciens (Ntaolo), le mot malagasy n’existait pas mais ce qui existait était « tsimihety », « betsileo », « sihanaka », « vezo » (tribus mlagaches), etc. Les étrangers on inventé Madecasse, Malgascar, Madagascar, …

Nous avons, par contre, pu imposer « malagasy » à certains étrangers qui ne savaient pas comment nous appeler avant qu’on leur ait appris. Le contraire est impossible. Je pense que personne voyant le nom de Madagasikara arriverait à deviner que les gens dedans s’appellent des malagasy. Et si aujourd’hui, en mois d’août 2017, on faisait un sondage dans une rue quelconque d’une ville quelconque aux U.S.A, il est sur qu’à la question « comment s’appellent les habitants de Madagasikara? », ceux qui connaissent diront les malagasy. Ceux qui n’ont jamais entendu parler du pays inventeront madagascarians, madagascans ou madagascarois.

Le choix de Lay Corbeille

Personnellement, je préfère utiliser le mot « gasy« . Bien que c’est un diminutif, ce sont quand même les 2 syllabes qui relient « Malagasy » et Madagasikara« . Et comme je l’ai dit, il faut, avant tout que les malgaches sachent ce que leur nom signifie, quite à l’inventer.

J’ai déjà vu ici (sur Facebook) que Malagasy signifie Manankasy (qui a de la valeur)

Mais si un francophone me demande ma nationalité, je vais répondre « malgache » et il comprendra tout de suite. Si je dis « gasy » ou « malagasy« , cela va éterniser les présentations.

Si ce n’est pas un francophone et si je sens qu’il ne connait pas l’île, je vais dire : « je suis malagasy, ce qui signifie habitant de Madagasikara« . Sinon, vous avez déjà deviné les conversations, anecdotiques, qui risquent de se faire. Bon, je vais les remettre ici, histoire de bien nous énerver entre nous :

– Je suis de Madagascar
– Alors, vous êtes un madagascarien ou un madagascarois…madagascarite peut-être…ou madagascarais…je sais, je sais, malgache, j’ai vu à la télé…mais pourquoi donc malgache? Qu’est ce que ça veut dire?

– Je suis malgache
– Et c’est où la Malgachie? Attends, Madagascar, c’est ça? J’ai vu le film. Hey, Margot, il vient de Madagascar, le pays des lions … je blagues, je sais bien que Madagascar ce n’est pas en Afrique. Si? en te regardant, on dirait pas. Moi, je reconnais tout de suite un malgache quand j’en vois un. Etc.

Bref, vous voyez bien que l’identité malgache ou malagasy ne se joue pas sur l’un ou l’autre de ces orthographes. Si c’est vrai que « Malagasy » en jette plus que « Malgache »,  je préfèrerais, de loin entendre dire « les malgaches sont cool » que « Malagasy people are weird ».

 


2 images pour expliquer les adverbes de lieu en malgache

Les adverbes de lieux en malgaches sont faciles à écrire, mais pour les comprendre, il faut faire des dessins.

Les adverbes de lieu

Ce sont des mots en deux syllabes. Ils ont deux voyelles et entre les deux, il y a une consonne (ou une double consonne ou rien) et selon cette consonne, c’est plus où moins loin, plus ou moins précisé et plus ou moins connu. Par exemple, voici l’image qui explique les adverbes commençant par « a ».

ato : c’est ici, dans cette maison

ao : c’est là bas, dans l’autre maison

ary : c’est là-bas, audélà de la colline

aty : c’est ici, autour de la maison

atsy : c’est la-bas, autour de l’autre maison

any : c’est là-bas, dans une autre région

Les voyelles

Dans l’autre article, je vous ai déjà expliqué l’échelle de valeur entre les voyelles malgaches. Donc, en parlant de lieu, « i » est quand c’est très précis, « a » c’est quand c’est plus large et « e » quand c’est vraiment large.

Voici l’image qui répond à la question : « où est le paquet cadeau? »

ito : Voici

ato : c’est ici (dans la maison)

eto : c’est ici, dans la region

Derniers exemples

  • avec la consonne « n ». À la question : « ou est-ce qu’il y a une voiture? »:
    • iny : là-bas, il y a une voiture.
    • any : là-bas, il doit y avoir une voiture (on ne la voit pas).
    • eny : là-bas, dans cette zone, il doit y avoir une voiture, quelque part.
  • avec la consonne « r ». À la question : « ou est Bryan? »
    • iry : il est là-bas (en le pointant du doigt)
    • ary : il est là-bas (mais on ne le voit pas)
    • ery : c’est là-bas qu’il faut chercher
  • Sans consonne. À la question : « Où est mon téléphone? »
    • io : il est là!
    • ao : il doit être là!
    • eo ihany : il est surement là mais il faut chercher.

 

 


Top 210 chansons d’amour slow gasy

Si aujourd’hui, on cherche à faire la playlist ultime des chansons d’amour slow gasy, il faudra, surement choisir entre ces 210 titres.

Je dirais même plus, un malgache, bien entendant aura un jour ou l’autre soit aimé l’une des ces chansons, soit dansé sur l’une d’elles soit chanté un de ces airs en karaoké ou sous la douche. Et juste la lecture de ces titres évoquera à un malgache ou un  des souvenirs, je suis prêt à le parier.

Donc, voici ces 210 titres, à connaître, à découvrir aussi et si vous êtes entre amis avec une guitare, retenez le lien de cet article et vous aurez toujours des idées de titres à chanter.

Adinoy ny anarako – Jérôme Randria
Afom-pitiavana – Jean Kely sy Basth
Aiza izy izay – Mireille
Aleoko izy ho any – Tovo J’Hay
Alina mangina – Marion
Alokao – Johary
Amitô fafako – Dédé Fénérive
Ampy izay – Mage 4
Ampy lzay – Niu Raza
Anaro aho – Njakatiana
Anilan’ny tiana – Rossy
Anjara tandrify – Rija Rasolondraibe
Anjarantsika roa – Jean Fredy
Ankoso-bolamena – Zezex
Antson’ny manina – Spesialista
Any malala -Rossy
Aporatiana – Jean Kely sy Basth
Avelao – Lalatiana
Avelao aho hitia – Njakatiana
Aza ampirafesina – Ndondolah sy Tahiry
Aza atao risoriso – Lendrema
Aza dia omena tsiny – Njakatiana
Aza ela leitsy beby – Zeze Mahanoro
Aza filafilaina – Dor’s groupe
Aza ilaozanao – Vola sy Noro
Aza mitomany – Dolly Rica
Diam-penina – Spy D
Dila – Apost
Diso Fiantefa – Kiaka
Diso ianao – Raindimby
Djarina Banou – Ejema
Efa eto- Do Rajohnson
Efa Voatondro – ‘Zay
Eny sa tsia – Mirado
Eto aho – Mirado
Eto am-baravarankely – Alòma
Eto anatrehan’Andriamanitra – Nônô
Fa iza – Rija Ramanantoanina
Fa tiako loatra ianao – Elsie
Fahatsorana – Parson Jacques
Farakely – Dama
Feo roa – Nanie sy Lalie
Fialonana – Clo Mahajanga
Fitia adaladala – Parson Jacques
Fitia Nindramina – Kiaka
Fitia voarara – Poopy sy Mahery
Fitiavako ialahy – Raindimby sy Voahangy
Fitiavana kely – Erick Manana
Fitiavana Mampitogaigy – Krutambull
Fitiavana Tsara Rindra – Tsanga   sy Liva Andrianavalona
Fito taona – Nônô
Fo mijaly – Y-Zit
Fo natolotro – Aina Cook
Hafaliana – Samoela
Hafatra – Rossy
Hanaraka anao – Mahaleo
Havako mamomamo – Samoela
Hay ve ka nisy – Rija Ramanantoanina
Hiangavy farany – Njakatiana
Hiaraka isika – Mahaleo
Ho antsika – Do Rajhonson sy Lôla
Ho haiko ve – Jerome Randria
Ho tia anao – Dô Rajohnson
Hoy ianao – Nônô
Ialahy Leitsy – Raindimby sy Voahangy
Ianao irery – Simon Randria
Ianao no tiako – Melky
Ikalakely iny – Samoela
Ilay fitiavany – Lalatiana
Ilay Fiverenanao – Spy D
Ilay hatsaranao – Mirado
Iny havako iny – Ricky sy Balita Marvin
Io fitiavana io – Lôla
Io fitiavana io ihany – Nônô
Iray ampina iray – Poopy sy Ricky feat. Mbolatiana
Isaky – Solo
Ity hirako ity – Thiera Bruno
Izaho sy ianao – Kiady
Izany vehivavy izany – Jeneraly
Izay ratranao dia feriko – Erick Manana
Jeanne – Seald Group
Jerijery – Jean Fredy
Kiakin’ny manina (Raha latsaka ny orana) – Rolly  (Ny Oro)
Kôfa tia – Samoela
Kotrobaratra – Bruno Resner
Kris – Fakr
Laingalainga – Niu Raza
Lasa – Mirado
Lasalasa ambiroa – Lalatiana
Lavitra – Njila
Lay tia anao – Marion
Leferiko – Njakatiana
Mahatsara Zaho – Shyn
Mahatsiaro – Stephanie Tsakarao
Mahery ny fitia – Solo sy Lola
Malahelo – Rambao
Malahelo aho – Doc holliday
Malala o! Samoela sy Elsie
Mampamangy – L Saphira
Manahiragna – Ejema
Manantena zaho – Feon’ala
Maninona e – Lolo sy ny tariny
Manorata taratasy – Dédé Fénérive
Marary gny tia – Prosh’Ely
Maratra ambopo – Mage 4
Matoa – Vola sy Noro
Matokia – Nary Arthur
Mba henoy – Imagine
Mba Marina Anie – Mr Sayda
Mbola ho avy – Dédé Fénérive
Mbola ho avy – Tselatra
Mbola miandry – Lija
Mbola tiako – Mada Groove
Mbola tiako ianao – Charles Martin
Mbola zaza – Ricky
Mifona – Unik
Mihevera Ianao – Zo Ryan
Mila anao – Titi
Mila anao foana – Tempo Gaigy
Mimoza – Dama sy Bodo
Miova ny fitia – Mage 4
Miraigna – Micka sy Davis
Misy antony – Lalatiana sy Haingo
Misy kalo – Tselonina sy Mireille
Miverena – Patricia
Mosoara – Iraimbilanja
Mpilalao fitia – Mbolatiana
Mpivahiny – Lôlo sy ny tariny
Nahoana re izato ianao – Vetson’Androy
Naleonao – Ambondrona
Ngidy – Nanie
Nofiko – Balita Marvin sy Lova Rakoto
Ny endrikao – Voahirana
Ny fitia – Lalao Rabeson
Ny fitiavako anao – Felaniary sy Bodo
Ny hafanana – Jeneraly
Ny hasambarana – Solo
Ny hiram-poko – Vola sy Noro
Ny itiavako anao – Bessa sy Lola
Ny misy anao – Toucky
Odian-tsy hita ve? – Henri Ratsimbazafy
Ody fitia – Eric Tahina
Olo ratsy – Dadah de Fort-Dauphin
Omeko anao – Alain Rabetrano
Ora iray tsy miverina – Tempo Gaigy
Raha hiverina – Njila
Raha mba fantatrao – Ejema
Raha mba manan’elatra – Dama
Raha nofy – Poopy
Ranomasina – Aina Cook
Ranomaso efa ritra (Ataovy zay tianao atao e) – Tempo Gaigy
Rava – Samoela
Rava teo – Anja Andrianjafy
Romy – Jerome Randria
Ry foko – Bodo
Ry lasako – Solo sy Poopy
Sambatra – Joy K
Sambatra – Rolf
Sangim-pitia – Lendrema
Sangodim-panina – Tselatra sy Lija
Sarine – Babaique
Sarobidy – Liva sy Nirina
Sasa-miandry – Njila
Satriko – Imagine
Sipa voadona – Zozo sy Dorlys
Tablier manga – Lolo sy ny tariny
Tady vita fatomaty – Lolo sy ny tariny
Tambitamby – Jean Fredy
Tanala Very Sampy – Raymond sy Ernest
Tantara – Iraimbilanja
Tara avion – Berikely
Taratra hazavana – Ricky
Te hiverina aho (Izaho ilay Bandy…) – Fafah
Tena namana – Eric Tahina sy Poopy
Tena tia tokoa – Doc Holliday
Tena tiako ianao – Mirado
Teny Mamy -Tovo Jhay
Tia – Poopy
Tiako raha ianao – Fanja Andriamanantena
Tojo anao – Bessa
Tolory – Freedom Jah
Tompon-tsafidy – Lôla
Toy ny vao omaly – Njakatiana sy Melky
Tratrako ianao – Dondolahy sy Tahiry
Tsiaro – Aina Cook
Tsiaro anao – Lalatiana
Tsiky malefaka – Erick Manana
Tsy ahita – Poopy
Tsy andriko – ‘Zay
Tsy anjara – Dor’s group
Tsy azo atao ahoana – Lôla
Tsy ferana – Erick Manana
Tsy foiko – Bodo sy Kiaka
Tsy hanadino anao – Rija Rasolondraibe
Tsy hitanao ny aleha – Mage 4
Tsy ho very – Mirado
Tsy Irery Ianao – Dillie
Tsy maintsy tongako – Fascination
Tsy misy toa anao – Ny Ainga
Tsy nampoiziko – Dor’s group
Tsy neniko – Feon’ala
Tsy niova – Benja Ralibera
Tsy sahy – Mage 4
Veloma farany – Tsiory
Volazara – Oza Jérôme
Voninkazo adaladala – Erick Manana
Voninkazo voarara – Arione Joy
Vonoy ny anarako – Jerôme Randria
Zaho marary – Samoela
Zakarandah – Lolo sy ny Tariny


Malgachisation des noms au suffixe -el

Une autre démonstration que la langue malgache écrite est plus compliquée à lire quand on ne la connait pas, je vais vous montrer comment les prénoms judéo-chrétiens se terminant par -el ont subit leur malgachisation.

El, en hébreu est un nom de Dieu. Les prénoms contenant El ont des significations autour de Dieu. Samuel peut, par exemple, avoir comme signification « Le Nom de Dieu », et Elie « Dieu est Yahvé ». Et ainsi, dans la Bible ou d’autres livres sacrés, on a beaucoup de noms en -el comme Rachel, Joel, Elisée, etc. Notre article du jour concerne ceux qui se terminent par -el.

Malgachisation de noms

Madagascar n’est pas, jusque-là, prouvée comme l’île originelle. Mais même si c’était le cas, beaucoup de noms malgaches proviennent de mots étrangers. Et si la malgachisation, dans le sens où l’on veut utiliser des mots malgaches en lieu et place de mots étrangers n’a jamais eu de succès, l’autre malgachisation qui consiste à créer des mots malgaches à partir de mots étrangers marche très bien, dans les noms. On prend n’importe quel nom ou prénom étranger, au bout de quelques génération, il sera malgachisé et difficile à reconnaitre. Il sonnera malgache et aura même une signification proche ou exactement malgache :

  • Sue = Soa (belle)
  • Suzanne =Soazanany (belle enfant)
  • Samuel = Samy (tous, ensemble)

Les terminaisons -y,-a, -ka, -tra, -na

-Y est appelé en malgache « i » de terminaison. Il n’est pas rare de trouver un mot français malgachisé dont le « e » muet est remplacé, à la fin, par « y ». Par exemple, « cale » de vient kaly. Sinon, d’autres voyelles peuvent être utilisées mais « a » aura toujours la primeur. Par exemple, « chaise » devient seza.

Dans la langue officielle, les mots malgaches se terminent, dans la majorité, par -ka, -tra ou -na. Et même, grammaticalement, un mot ne peut être lié à un autre s’il ne se termine pas par l’un de ces 3 syllabes. Si le mot ne se termine ni par l’un ni par l’autre de ces syllabes, il faut lui rajouter -na avant qu’il ne puisse être relié à un autre. Par exemple, « cale de voiture » devient kalina fiara et « chaise pour enfant », sezan’ankizy.

Malgachisation de Samuel

Venons-en au fait, Samuel est un nom biblique apporté à Madagascar par les missionnaires et peut-être avant par d’autres personnes. Cela dit, des malgaches ont porté et portent ce nom. Celui-ci a subit des malgachisations de diverses formes et aujourd’hui, on en a plusieurs orthographes :

  • Samoela : C’est la version de la Bible en version malgache. C’est un prénom porté par l’un des plus célèbres chanteur malgache.
  • Samy : C’est un autre prénom, un diminutif à la malgache de Samuel.

En malgache, lorsqu’une personne acquiert la maturité, on lui rajoute Ra– au début du nom, Samuel et Samy deviennent Rasamuel et Rasamy. Et avec la colonisation et l’adoption du système nominatif français Nom de Famille -Prénom individuel, Rasamuel et Rasamy sont devenus des noms de familles.

Malgachisation toujours. Puisque la voyelle u n’existe pas, il a fallu la remplacer par o (ou). Ce qui nous donne Rasamoel, un mot qui ne se termine ni par -y ni par -a ni par -na, et il faudra les ajouter.

De ce fait, les formes actuels du nom, dans les noms malgaches sont :

  • Rasamoely
  • Rasamoela
  • Rasamoelina

Et vous serez étonnés mais la forme la plus proche de l’originale, dans la prononciation, est le dernier : Rasamoelina. A cause de la position naturelle de l’accent, Rasamoely et Rasamoela ne sonnent pas comme -el en français, tandis que Rasamoelina se prononce exactement comme Ra-Samuel, la terminaison –ina étant avalée.

En étant francophone, non-malgache, vous l’avez peut-être déjà remarqué pendant la transition de 2009-2013 quand des journalistes avisés ont appelé le Président de la Transition (Rajoelina) Ra-Joel au lieu de Ra-jo-é-li-nah.

Voilà, vous avez (peut-être) compris, maintenant, d’où viennent les noms malgaches Ramisaely, Ragaby, Ramanoelina, Ranoely ou Radanielina.

 


Les sens du mot andro dans les expressions malgaches

Comme beaucoup de mots malgaches, la polysémie du mot andro est aussi phénoménal. Voici les sens de ce mot selon les contextes.

1- Andro

Le sens littéral du mot « andro » [prononcer andjou] est « jour » par opposition à la nuit qui est « alina« . Donc, avec ce numéro 1, on peut mettre toutes les utilisations autour de « jour » comme « andro » (journée), « iray andro » (un jour), « isan’andro » (tous les jours), etc.

On a aussi beaucoup de mots composés de « andro » avec des sens proches comme « atoandro« = milieu de journée, « herinandro« = semaine, « androany« = aujourd’hui, etc.

Il y a même des mots un peu éloignés mais bien reliés à « andro » comme « manandro »=faire de l’astrologie, de la divination. En effet, c’est souvent pour chercher le « bon jour » (andro mety) que les « mpanandro » (devins) sont consultés.

 

2- Andro, le temps qui coule

Dans les expressions, le temps qui court est désigné par « fotoana » mais si on utilise « andro », on comprend pareil. Donc, on peut dire : « mandeha be ny fotoana » = le temps va très vite comme « mandeha be ny andro ». De ce fait, on peut avoir des expressions comme « maro andro » ou « voky andro » (qui a eu une longue vie) car « maro »= nombreux et « voky » = répus. On a aussi « lany andro aho » = j’ai perdu mon temps. Donc, temps est la seconde signification de « andro ».

3- Andro, le temps de la météo

En malgache, quand on demande si le temps est beau, on dit « tsara ve ny andro? »« tsara » signifie bon, bien. Dans le cas contraire, le temps est mauvais : « ratsy ny andro ». De là, on peut avoir des expressions imagées comme « andro mamiratra »= les beaux jours, « maloka ny androko »= mon ciel est sombre, etc.

4 – Andro, au temps de …, l’époque

En malgache, quand on dit « au temps de… » ou « à l’époque de… », on utilise aussi « andro ». Par exemple « du temps de Matusalem » est traduisible par « tamin’ny andron’i Metosela ». Notre époque c’est « andro ankehitriny » ou « izao andro izao ». La fin du monde ou la fin des temps est « fara-andro ». On a aussi « andro sarotra » (temps difficile) qui est le contraire de « andro soa », le bon temps.

5- Andro, procrastination

do it – procrastination concept

L’expression « mangataka andro » signifie mot à mot « demander du temps ». Mais il s’applique aussi bien entre deux personnes quand l’une demande un sursis à l’autre que tout seul quand on se donne soi-même du temps pour effectuer une tâche. Bizarrement, l’inverse, donner du temps ne marche pas avec « andro » mais seulement avec « fotoana » (temps), « manome fe-potoana » mais jamais « manome andro ».

6- Andro, une catastrophe

Pour finir, une expression qu’il est difficile à expliquer c’est le « andro miditra » qui est un « mauvais jour » dans le sens de « un jour catastrophique ». C’est inexplicable puisque « miditra » signifie entrer. Donc, mot à mot, « andro miditra » = un jour qui entre. Peut-être qu’au début c’était « andro ratsy miditra » (un mauvais jour qui entre) mais que le mot « ratsy » (mauvais) s’est perdu en route. Mais on obtient l’expression qui signifie « victime d’un catastrophe » = « idiran’andro » qui, donc, littéralement devrait signifier « pénétré par le jour ».

 

Voilà, et si vous vous demandez d’où vient mon inspiration, il suffit de penser à notre époque. Il suffit de voir tout le malheur que subit mon pays et les malgaches. Aujourd’hui, c’est une époque où le monde subit des catastrophe dignes de la fin du monde : le mauvais temps, les difficultés et l’hésitation à se repentir. En malgache : « Amin’izao andro izao ny tontolo dia idiran’andro toy ny amin’ny andro farany : andro ratsy, andro mahory ary fangataha’andro tsy hibebaka ».

 


L’ordre de grandeur dans les voyelles malgaches

J’ai remarqué que les voyelles, dans la langue malgache, forment, en général, un ordre de grandeur dans les noms, les verbes ou les adjectifs. C’est une sorte d’onomatopée mais pour deviner la taille, la masse ou l’énergie d’une chose. C’est un avis personnel mais vous allez voir qu’il tient pas si mal la route.

Du plus petit au plus grand jusqu’à l’exagéré

Avec cet intertitre, je vous montre déjà qu’au moins dans cette phrase, la langue française aussi utilise la même échelle. Donc, à mon avis, les voyelles malgaches suivent cet ordre du plus petit au plus grand :

i (ou y), o (prononcé ou), a et e (prononcé é)

Remarquez déjà que « kely » et sa traduction française « petit » utilisent les mêmes voyelles « e » et « i ». En anglais ce serait « little » et en italien « piccolo« .

La voyelle i ou y en terminaison

La voyelle « i » a toujours représenté ce qui est petit. Dans l’alphabet grec, le iota est une petite lettre que Jésus a mentionné pour dire qu’aucune lettre, « même pas un iota » ne bougera de la loi jusqu’à la fin des temps. Les français ont pris cette expression « ne pas bouger d’un iota » pour dire que cela ne bouge pas du tout.

Dans la phonétique, « i » , voyelle fermée antérieure non arrondie, se trouve aux extrémités des phonèmes en étant la plus fermée et la plus antérieure. Et comme la langue malgache n’a pas de « u », donc pas de voyelle fermée postérieure, on peut dire que tout ce qui est petit, peu en malgache est souvent en « i ».

vitsika = fourmi
bitsika = chuchotement
vitsy = peu nombreux
Ankizy = enfant

« i » est la voyelle des touts petits rikiki

La voyelle a

Elle qui, phonétiquement est à l’opposé de « i », exprime souvent ce qui est grand, haut, beaucoup.

Lava = Grand (taille), long
Avo =Haut
Maro = Beaucoup
Laza = célébrité
Tabataba = acclamations

Je dirais que le « a » n’est pas exagérément grand mais plutôt grand dans la norme, accompli. Je pense que le mieux pour l’illustrer et d’utiliser quelques mots argotiques. Par exemple, on a le mot « kinkina » qui signifie « être en banqueroute » et à l’opposé on a les mots « kala« (argot. 200 Ariary), « kata« (argot. être sur le 31), « tafa » (argot de « tafita« , être sorti d’affaire), pata (argot. dérivé de patron) qui expriment plus ou moins la richesse.

Faites aaaah!

 

La voyelle o

Je dirais que « o » se trouve entre « a » et « i ». Elle, qui est prononcée comme « ou », est la voyelle entre celle à la bouche fermée (i) et l’autre grande ouverte (a). Souvent, elle est dans les mots qui expriment soit ce qui est, soit un peu au-dessus de « i », soit un peu en dessous de « a », soit pile dans la moyenne :

Antonony = moyenne
Zatovo = jeune
Mora = lentement, doucement
Monja = seulement (atténuation)somary = un peu (atténuation)

Le « o »

La voyelle e

Et la voyelle « e » prononcé « é » se trouve au-delà de « a ». Souvent, c’est très, voire exagérément, grand, gros. Pour expliquer cela, prenons le mot « be ». C’est un mot qui, placé devant ou derrière un autre va l’amplifier. Par exemple si fotsy= blanc, fotsy be = très blanc; si mafana est chaud, mafana be = très chaud. Si mony= est une un bouton d’acné, be mony est en être plein. Si loha et la tête, be loha est en avoir une grosse. D’autre exemples :

Lehibe, ngeza = Grand
Mivelatra = étendu
Rehaka, dedaka, hevoka = fier, vantard (fig.)
Rapeto = Nom d’un géant légendaire malgache

Allons plus loin!

Il y a beaucoup de mots malgaches formés de deux syllabes. Souvent, on ne voit pas de lien entre des mots utilisant les mêmes consonnes mais parfois, justement, en gardant les consonnes mais en changeant les voyelles, on obtient des nuances sur un même sens. Par exemple, avec r et n, on a des mots autour de l’eau : rano (eau, étendue d’eau), riana (cascade), rony (soupe). On a aussi « reny » (mère) qui est la « loharano nipoirana« , source de vie.

Mais pour bien illustrer l’ordre de grandeur, on va utiliser v et t ou, inversement t et v. On a :

Vity (dialecte) = jambe
Tovo =jeune
Vanto(tra)* = qui est grand mais apparemment immature
(Be)vata (dialecte) = ngeza = grand ou (va)venty = gros

*en malgache, la majorité des mots se terminent avec -ka, -tra ou -na. Souvent, ajouter une de ces terminaisons facilite la diction, sans changer le sens.

Avec t et v, on a d’autres mots relatifs au corps humain comme vata(na) = corps, tavy (graisse), veta (vice, sexe). si on ajoute une lettre, on peut avoir vatsy (provisions, vivres pour un voyageur), votsy (cor), vonto (enflure), etc.

Avec tout ça, on peut fabriquer des allitérations avec nos 4 voyelles  i, o, a et e et la photo de ces 4 personnes :

  • Izy dia ankizivavy kely batitika kely sy mahafatifaty mihitsy. (Elle, c’est vraiment une toute petite fille toute mignonne), à lire avec une petite voix
  • Tovolahy mbola tanora roa amin’ny folo taona kosa ny faharoa. (Le deuxième, par contre, est un garçon encore jeune de 12 ans)
  • Rangahy lava sady ranjanana no manan-kaja ny alohan’ny farany. (L’avant dernier est un homme, grand, fort et honorable)
  • Vehivavy efa lehibe sady vaventy no tena meva ny fahaefatra. (La quatrième est une femme mure, corpulente et charmante.

Encore plus loin

La démonstration par l’absurde est amusante surtout pour les malgachophones. C’est à dire que pour nos oreilles, si on intervertissait les voyelles, cela sonnerait bizarre. Par exemple avec les précipitations (météo), on a erika =crachins, orana =pluie et orambaratra =orage. La langue malgache s’est façonnée pendant des siècles. Si on n’a pas respecté, un tant soit peu la logique de ma théorie, on aurait dit aujourd’hui :

– Manao ahoana ny andro ao ivelany ao? (Quel temps il fait dehors?)
– Misy erakeraka kely (Un peu de crachan, le a à la place du i)

Cela ne peut pas marcher. Même que « era-ny », en malgache signifie « plein ». De même :

– Manao ahoana ny andro ao ivelany ao? (Quel temps il fait dehors?)
– Orimbiritra be (Un grand orige, le i à la place du a)

Vous voyez que cela ne peut pas marcher. Même en français, c’est la même chose.

Voire un peu trop loin

Je me suis amusé à prendre les mots désignant les stades de la vie dans la langue malgache :

zaza = (bébé)
(an)kizy = enfant
(mpi)tovo = jeune
manto(anto) = litt. pas encore bien cuit, se dit des jeunes pas murs (cuit et mur signifient tous « masaka » en malgache)
(ta)nora = jeune
lehi(lahy-vavy) = homme, femme
(an)titra = vieux
maty = mort
raza(na) = esprit

On peut laisser tomber « manto » et si on enlève les préfixe et suffixes entre parenthèses, on a :

zaza, kizy,tovo,nora,lehi,titra,maty,raza

On va pondérer les voyelles conformément à notre théorie, c’est à dire, on va leur donner des valeurs :

i=1, o=2, a=3, e=4

On aura un poids pour chaque mot. Par exemple zaza a 2 « a », donc, son poids sera 2×3=6. Ainsi, on a :

zaza = 6
kizy = 2
tovo =4
nora = 5
lehi = 5
titra = 4
maty =4
raza = 6

Et si on construit une graphe à partir de ces données cela donne :

Cycle de vie selon les voyelles

 

Je ne sais pas vous, mais pour moi, cela montre bien que chez les malgaches, les bébés sont très importants, les enfants moins, et puis la valeur augmente au fil des temps avant de décroitre un peu avant la mort. Après la mort, du moins pour ceux qui croient aux ancêtres et qui en viennent à les vénérer comme des dieux, cette valeur remonte très haut. Et pour ceux qui croient à la réincarnation, tout recommence avec la même valeur entre l’ancêtre et le nouveau-né (6).

Conclusion

La voyelle « i », qui se dit en fermant (presque) la bouche est l’image de ce qui est petit tandis que « a », qui incite à l’ouvrir en grand est comme, il se prononce, la voyelle de tout ce qui est grand. C’est vrai dans une partie du vocabulaire malgache comme dans d’autres langues. C’est sûr qu’il y a des exceptions mais, en tout cas, dans certains cas, la logique est respecté et cela montre toute une philosophie des voyelles.

 


Mon parcours d’inadapté scolaire dans les années 1990 à Madagascar #Mondochallenge

Ah ! Que de bons souvenirs je garde de mes horribles années au collège et au lycée dans les années 90.

Je profite du mondochallenge et de l’actualité à Antananarivo avec la vidéo qui a fait un buzz cette semaine pour écrire ce témoignage. Après ces années de recul, je commence à comprendre beaucoup de choses.

Tout n’est pas de ma faute mais j’étais, je pense, inadapté à l’école. Je n’étais pas un idiot fini même si la moitié des profs croyaient que c’était le cas. Il faut aussi dire que l’autre moitié pensait, au contraire, que j’étais un petit génie. Moi je m’en moquais, presque complètement.

Je détestais l’école

Une journée d’école n’était pas vraiment un supplice. J’adorais même venir 30 minutes à l’avance pour jouer dans la cour ou causer avec les amis. Les autres bons moments étaient la récréation, quand le prof racontait sa vie et d’autres mythes et légendes urbaines, quand il sortait 30 minutes en nous laissant un exercice que je ne faisais pas ou que je finissais en cinq minutes. Et le summum du plaisir c’était, bien sûr, la cloche à la fin des cours. J’allais pouvoir courir à la maison et regarder MaTV (la seule chaîne privée en ce temps) ou jouer dans la cour de l’école jusqu’à tard le soir. Tout le reste de la journée était une purge.

Pour la connaissance, en fait, j’avais besoin de comprendre et cela suffisait. J’étais attentif aux leçons. Je n’aimais pas faire des révisions, des devoirs, des interrogations. Tout ce temps perdu ! Je préférais jouer, regarder la télé et faire l’école buissonnière. Mais je passais les examens, la plupart du temps haut la main, récoltant quelques tableaux d’honneurs. Personne ne soupçonnait que tout ça n’était qu’un château de cartes prêt à s’effondrer.

Nous étions nombreux

Sortant du primaire plus tôt que mes camarades, j’étais toujours le petit Poucet de la classe. Je voulais aussi être l’ami de tout le monde. J’aimais faire rire toute la classe. Jeux de mots, sarcasme, calembours, ah ! Je devais être pénible.

Le collège où j’étais est un de ces établissements payants mais bon marché qui accepte quasiment tout le monde. Cela donnait lieu à des classes qui comptaient entre 20 et 60 élèves. Il y avait des surdoués, des enfants très sages, des « bossistes ». Mais j’en avais vu aussi passer des camarades de classes paumés : des adolescents alcooliques, drogués, délinquants, insolents, accrocs au sexe avérés ou prétendus, des rebuts qu’aucune autre école n’a accepté et d’autres cancres dont on se demande comment ils ont pu sortir de la maternelle. Ils étaient mes camarades, mes amis. Ils et elles me racontaient leurs vies, à moi leur petit frère. Qu’est-ce que je n’ai pas entendu ? Je ne vous raconte pas.

Parfois je pense à ces centaines d’anciens camarades. Que sont-ils devenus ? Moi, j’ai une très mauvaise mémoire des prénoms mais je reconnais souvent les visages. C’est toujours un plaisir de se revoir et se remémorer ces années surtout en se disant qu’on s’en est finalement sorti.

Nous faisions des bêtises

Maintenant qu’il y a prescription, je vais donner la liste des bêtises que nous faisions. Ou peut-être pas ! Car l’article risquerait de ne pas finir… Donner des surnoms aux profs, bavarder, ne pas faire nos devoirs, tricher, ça c’était classique. Mais on avait d’autres exploits au compteur.

Il faut comprendre que les années 1990 à Madagascar, c’était encore très « cool ». Le temps où il n’y avait pas autant de chaines de télé, pas de portable, pas de tablette, le temps des cassettes, des vidéo-clubs, des bornes arcades et des gros bus de Tana.

Une fois, nous étions entrés dans un autre établissement, juste comme ça car en ce temps-là, les malgaches n’avaient pas encore peur des kidnappings et il n’y avait aucune fouille à l’entrée des écoles. On y a rencontré notre prof qui attendait son fils et il nous disait : « Hé les gars ! Qu’est-ce que vous faites ici ? Vous courez les filles ? Vous allez voir, je vais le dire à votre prof d’Histo-Géo que pendant son cours, vous ratissez les écoles à la ronde ». Une autre fois, en classe, le prof nous a laissé des tonnes d’exercices en disant : « Je reviens, finissez et on fera la correction ». Au bout de 15 minutes, nous étions sortis et jouions au basket. Le surveillant, un jeunot fou de basket a sorti la tête de son bureau : « Hé, les gars, vous n’avez pas cours ? Qu’est-ce que vous faites ? » – « On attend un sixième pour faire un match à 3 contre 3 » – « Euh… bougez-pas, je viens ». Une autre fois, nous avions cours avec un prof qui avait toujours 30 minutes de retard. Un jour, on a tous décampé avant qu’il n’arrive, lui laissant une classe vide. Aucun pion ni membre de la direction n’a vu quoi que ce soit. Et ce ne sont là que des exemples.

Les profs qui aimaient bien châtiaient bien

Venons-en au sujet d’actualité. Oui, la violence des profs, ça existe. Mais il ne faut pas généraliser. Parfois, même, ce sont les profs qui subissent des attaques verbales ou physiques.

Sur le buzz de la semaine, j’ai déjà donné mon point de vue dans l’article des Observateurs. Mais ce qu’on oublie souvent dans l’adage « qui aime bien châtie bien » c’est la répétition du mot « bien ».

« Aimer bien » c’est aimer comme il faut. Un prof qui aime « bien » ses élèves aura un amour correct. Il ou elle maternera peut-être ses élèves et aura un ou une petite préféré(e) mais son instinct maternel réveillé ne doit même pas être perçu par les élèves. Il ou elle doit être impartial(e). Nous avions des profs qui sortaient avec des élèves ou qui les harcelaient devant les autres élèves. Aujourd’hui, peut-être, ils iraient en prison mais pas en 1990 à Madagascar. Ça, aussi, c’est aimer « mal » un élève.

La vocation d’enseigner, c’est une envie très forte de transmettre un savoir et d’utiliser tous les moyens qu’on a à disposition pour y parvenir. Il faut d’abord l’avoir, cette vocation. Après, chacun a ses méthodes d’enseignement et la plupart du temps, ces méthodes prévoient des punitions. Mais punir n’est pas le seul moyen d’avoir l’attention et le respect des élèves. Enseigner est une vocation et s’il reçoit des salaires, l’éducateur est encore plus heureux lorsqu’il voit un de ses élèves devenir quelqu’un de bien, pas un psychopathe ou un traumatisé.

« Châtier bien », donc, ne veut pas dire frapper de manière optimale en vue de faire bien souffrir ! Tout le monde n’est pas d’accord sur comment il faut frapper un enfant pour qu’il apprenne « la leçon ». Des parents malgaches disent : « Ny anahy rehefa tratrako ataoko marary amin’izay fay! » (Le mien, quand je l’attrape, je lui fait bien mal pour qu’il s’en souvienne). D’autres sont contre donner des coups mais préfèrent les séances de « morale ». En France, le débat sur la fessée a débouché sur le maintien de son autorisation, il est encore admis que la punition corporelle peut être tolérée sous certaines formes et à certaines occasions.

Nous, au collège, on en a bavé, avec nos bêtises. A genoux, faire la chaise, les mains sur la tête, marcher à genoux, donne-moi ta main pour que je te frappe ! L’autre côté, sur les doigts ! Pince-oreille, jet de craie ; « copiez mille fois » ; « Sortez, je vous dis sortez !  Si vous ne voulez pas sortez alors c’est moi qui va sortez » disait un prof de maths peu soucieux du verbe. Ça, c’était les gentils profs. Quand ça dérapait, quand l’exaspération était à son comble, quand un élève était particulièrement méchant, j’ai vu des gifles et des baffes et parfois des coups de pied aux fesses voler dans tous les sens, le tout accompagné d’insultes en tous genres.

Quand on est enfant, on le sent parfois quand quelqu’un vous frappe de colère et de méchanceté et vous êtes choqué ou s’il le fait en calculant, en voulant « corriger », presque parce que tu le mérites et que c’est pour ton bien et là, vous ne ripostez pas. Je ne garde aucune rancune envers aucun de mes profs qui m’ont déjà puni. Mais avoir peur des punitions et même des réprimandes m’a fait encore plus fuir les heures de cours.

J’ai eu mon purgatoire

Je n’étais pas tout le temps dehors. J’ai quand même été présent la majorité du temps. Présent, physiquement j’entends ! Dans ma tête, je voyage, comme toujours.

Parmi les premiers de la classe en 1ère, j’ai voulu passer le bac série C (maths-physiques) en terminale car c’était le bac de prestige et celui de mes parents. Les malgaches disent : »L’insensé est comme son père », alors, je devais commencer par l’avoir pour espérer un parcours meilleur que celui de mes parents. Mais la première fois au Baccalauréat, car il y aura plusieurs autre fois, j’avais des 0/20 presque partout. J’étais effondré !

Là, j’aurais pu chercher un bac littéraire que j’aurai empoché avec facilité mais j’ai persévéré ou plutôt je me suis entêté pour avoir mon précieux Bac série C au bout de la quatrième tentative. Pourquoi ? Parce que j’avais entendu cette phrase qui allait devenir le guide de ma vie étudiante et professionnelle. Une phrase anodine. Elle disait pour nous aider dans notre orientation : « Étudiez ce que vous ne savez pas encore« .

Non, rien de rien ! Non, je ne regrette rien !

« Étudiez ce que vous ne savez pas encore ». C’est tout à fait le contre-pied de ce qu’on enseigne dans l’orientation des élèves. Au contraire, on apprend aux éducateurs à déceler les talents des enfants et à les encourager dans ce sens. C’est comme ça qu’on voit des petits forts en calcul devenir des docteurs en maths, des forts en SVT devenir des médecins, des forts en langues devenir des linguistes, etc. Étudier ce que je ne sais pas encore, c’est ce qui a fait la personne que je suis devenu. Je ne suis pas parfait et j’aurais pu aller plus loin dans mes études. J’aurais pu être un cadre supérieur ou un grand patron. Mais ce que je suis maintenant, c’est quelque chose que je kiffe ! Je n’ai aucun regret parce que je n’ai jamais eu à sacrifier aucune des mes passions, ni ma vie de famille avec mes 5 enfants ni ma religion. Et je continue encore à apprendre et expérimenter de nouvelles choses.

Calculez, pesez, mesurez et vous verrez souvent que de tout ce que vous avez appris, surtout après le bac, une infime partie vous sera vraiment utile au boulot. Quand vous rentrez dans l’entreprise, ou si vous montez le votre, vous allez passer les premiers mois et années à apprendre, encore. Et face à chaque nouveau changement, il faudra encore et encore s’instruire.

Finalement, ce que je devais savoir, vraiment, c’est comment moi, j’apprenais. Et l’école à la malgache n’est vraiment pas mon truc. A ma 4ème année de terminale, à 15 jours du Bac, lorsque même dans ma famille on a compris que j’apprenais mieux en étant relax et tout, mes parents ont décidé qu’on devait aller en vacances à la plage. Pas de révision, rien que des journées à la plage, la baignade et les bains de soleil. Et j’ai eu mon bac !

Voilà mon parcours d’inadapté scolaire au collège et au lycée. Dieu m’a donné des enfants et au vu de leurs notes, je pense que mon expérience pourra leur servir. L’un d’eux m’a montré son bulletin. « Arithmétique : 10/10 », « géométrie : 0/10 », ou encore « vocabulaire : 20/20 » et « grammaire : 0/20 », incompréhensible. Quand on lui a demandé « mais, comment et pourquoi ? » c’est juste que « parfois je n’avais pas envie ! ». Souhaitez-moi du courage ! Mais si un jour c’était possible, je rêve de créer une école qui ne chercherait pas à formater les élèves mais qui saurait s’adapter à chaque enfant.


Madagascar : 2018, c’est déjà demain

Ça y est, on a dépassé la moitié de 2017. Désormais, quelques mois nous séparent de 2018, année des prochaines présidentielles malgaches. Mais aujourd’hui, 2018 semble si loin et si près. Voici une petite analyse personnelle de la situation actuelle à Madagascar.

Parfois, dans la vie, quand on attend et surtout quand on prépare un évènement important : un mariage, un examen, une opération chirurgicale, une naissance, ou autre, on fixe la date prévue comme un objectif à atteindre et on a du mal à voir au delà de cette échéance. Il nous arrive de tout faire pour être prêt à cette date, comme si tout le reste n’avait plus d’importance, et comme si après on pouvait mourir tranquille. J’imagine que chez certains malgaches, versés dans la politique et autres sympathisants, l’idée de gagner les élections de 2018 est perçue ainsi, comme une opportunité à ne pas rater, coûte que coûte.

Pourtant, ce que je ressens, dans la vie de tous les jours, c’est que la population ne se rend même pas compte de l’imminence de l’échéance 2018. « Milaza miara-mahita » disent les malgaches (Raconter, commenter, dire ce que tout le monde est en train de voir) si je devais, encore, décrire la situation sociale actuelle qui prévaut dans le pays. Le Père Pedro en a fait un livre, la pauvreté à Madagascar est insurgeant. L’insécurité est chronique, c’est une folie collective. La corruption est « miharihary toy ny vay an-kandrina » (visible comme un furoncle sur le front), même le Président de la République a avoué cette situation devant le monde entier. Difficile de concerner la population à la politique qu’on appelle « politicienne » lorsque « Rehefa noana ny kibo, mivezivezy ny fanahy » (Quand le ventre est vide, l’esprit vagabonde).

2018 ou pas 2018?

Ce que l’on sait, c’est que le quinquennat de l’actuel président a commencé en 2013. Normalement, le calendrier prévoit tout (1er tour en septembre 2018) mais déjà, on a oublié les territoriales de 2017, alors, comment être sûr pour les présidentielles? Moi même, je me déclare incapable de « mahita volana alohan’i Abibo » (connaître le mois avant Abibo, un devin du roi Ralambo). Un rien peut si vite arriver. Comme le disent les malgaches : « Ny fotoam-bita tsy mahaleo ny sampona » (un rendez-vous pris ne peut rien contre un accident). Et des présidentielles, même très attendues peuvent être ajournées sine die.

De l’autre côté, 2017 aussi est encore long. Il reste 6 mois à courir et en 6 mois, voire un peu plus d’un an avant septembre 2018, tout peut arriver : un astéroïde géant, une invasion alien, la Troisième Guerre Mondiale. Je suis un peu trop pessimiste, c’est parce que les malgaches disent que « Ny hamisavisana ny ratsy hiavian’ny soa » (on récite les catastrophes pour que les bonnes choses arrivent). Pour moi, il est inconcevable qu’à une année des présidentielles, on puisse penser à un coup d’état, par exemple, ni même à une démission du Président. Même si un opposant a déjà affirmé ne pas être obligé d’attendre 2018, ou qu’un pseudo-prophète annonce déjà qu’il recevra le pouvoir des mains du Président actuel, on a du mal à y croire.

Et pourtant, aujourd’hui, plusieurs syndicats sont en grève : les douaniers, les enseignants chercheurs et les magistrats. Les faits divers et l’insécurité fragilisent l’état de droit. Le Président peut annoncer des financements de tous parts, des dettes qui s’accumulent encore plus dans les comptes du pays, mais la grogne sociale augmente sans cesse.

Et pourtant, 2018, on y est déjà

Les braves politiciens malgaches, que je comparerais à une créature reptilienne… la tortue de la célèbre fable « Le lièvre et la tortue » parce qu’ils savent, toujours, qu’il faut « partir à point », sont déjà tous en route vers 2018. Nul besoin d’attendre le début officiel des propagandes, c’est sûr qu’on les verra et on les entendra souvent derrière des initiatives de toutes sortes. Le président sortant, qui semble vouloir ré-entrer est depuis quelques mois devenu une star de sa propre chaîne Youtube dans des rendez-vous qu’il se prend avec les moins de 5% de malgaches connectés. Ravalomanana, qui est le « premier gentleman » de la ville d’Antananarivo multiplie les voyages et les apparitions. Aussi innovant qu’une chaîne Youtube, il est le héros d’un film documentaire sur lui-même. Pour finir avec le trio des favoris, Rajoelina a déjà déclaré depuis 2013 qu’il est dans la course et il fait son pré-campagne à son rythme.

Mais cette course n’est pas vraiment « Le lièvre et la tortue », c’est plutôt « Tom et Jerry ». Tom et Jerry sont un chat et une souris en dessins animés qui ne cessent de se donner des coups aussi vils que mesquins. Le Président est interpellé par le dossier Claudine. Cette femme d’affaire, prise dans les tourments de la justice anti-corruption, est étiquetée « proche du Président« . Et malgré l’effort de ce dernier pour se démarquer de l’affaire, les révélations qui se suivent semblent de plus en plus tourner la mire vers lui. Mais il n’est pas le seul. Ses adversaires voient aussi leurs « dossiers » mis à la lumière à mesure que l’année avance. D’un côté, on peut penser que c’est une tendance nouvelle qu’on a déjà vu aux USA ou en France où les candidats ont eu leurs vies décortiquées jusque dans la partie privée. Aujourd’hui, quand on traine des casseroles, il est mieux de ne pas faire de la politique. Et comme on a souvent « les dirigeants qu’on mérite », l’opinion publique est de plus en plus exigeant. Mais de l’autre côté, cela peut être perçu comme une manœuvre pour discréditer tous les candidats connus afin de servir un illustre inconnu, sauveur inattendu, sans tâche, qui orchestre déjà tout derrière le rideau. Qui sait?

Le malgache, pauvre, attend pour voir. Les propagandes, déjà, c’est une période de fêtes, qu’ils durent encore et encore. Distribuez du riz, des t-shirts, des concerts gratuits avec un an d’avance et grâce à Dieu, que cela continue après. Et si ça fait surtout vendre des journaux, toutes ces révélations glauques et repoussantes sont aussi très utiles pour alimenter les débats aux coins des rues et sur les tamboho (muret, clôture). Ce dont je rêve, c’est qu’un candidat, connu ou non puisse transformer ce ras-le-bol général en un nouvel élan patriotique. Et cela n’arrivera jamais avec du simple « kobaka am-bava » (litt. paroles de la bouche, sign. paroles en l’air).

 


L’autre elle – Partie 3 – Sari

Jean continuait à jongler, tant bien que mal, entre sa relation à distance avec Fanja, ses études et sa passion pour la programmation. Puis, un jour, Jean a visité, au hasard, un site web qui allait changer tout dans sa vie.

Ce jour là a commencé comme tous les autres. Le matin, Jean s’est réveillé à 6h au son de son smartphone. Un réveil en douceur grâce à l’intelligence de son téléphone qui détecte la meilleure phase de son sommeil pour le réveiller. Tout de suite, Jean est alerte et comme d’habitude, il envoie un « coucou chérie! » à Fanja en guise de réveil pour elle. Avec le décalage horaire, Fanja se réveille à 5h du matin mais avec un rythme différent, elle doit le faire pour ne pas être en retard. La réponse de Fanja rassure le couple que tout va bien.

Ce que Fanja ne sait pas, c’est que Jean a déjà programmé son téléphone pour le réveil et pour l’envoi automatique du « coucou chéri ». Ce matin là, comme beaucoup de matins auparavant, Jean n’a pas quitté son lit à 6h. Jean ne va pas quitter ce lit avant 8h et sa chambre avant midi. Une chose l’obsède. Il a trouvé une faille dans l’intelligence de son jeu de Fanorona et il ne sait pas comment la combler. Voilà ce qui s’est passé.

Son jeu était presque parfait, imbattable mais Jean continuait à l’entrainer. Jean a inséré dans le code le concept de sacrifice et il l’a paramétré de manière à devenir assez mesquin pour laisser le joueur aligner des prises « paika » avant de se retrouver battu à plate couture. Malgré cela, Jean parvenait toujours à battre sa création, mais de moins en moins. Et même ces rares fois étaient de trop pour Jean. Il a décidé d’utiliser des modules d’apprentissage profond pour son jeu afin que celui-ci puisse jouer, grâce à la caméra, contre des joueurs humains sur un jeu de fanorona réel et qu’il puisse enregistrer les milliers de parties qu’il fait, avec Jean ou ses amis. Le modeste équipement que Jean avait à la maison a accumulé trop de données et a failli exploser avant que Jean ne se rendre compte qu’il allait peut-être dans la mauvaise direction.

Il avait un logiciel qui pouvait jouer au fanorona, qui savait reconnaitre un plateau de fanorona, des pions et leurs places et en conséquence proposer des coups pour gagner la partie. Mais entre humains, il y a un code linguistique qui se partage et qui donne réellement vie aux parties. Les gens, avant de bouger les pions prévenaient avec des mots précis dans le but de cacher le jeu ou de déstabiliser l’adversaire. C’est pareil lorsqu’ils réagissent aux coups de l’adversaire, ils exprimaient des pensées bien humaines. Un logiciel n’en est pas capable. Bien sûr, Jean pourrait programmer des phrases pour que son jeu les débite selon la situation mais ce serait robotique, le mieux serait que son jeu puisse interagir comme s’il s’agissait d’un cousin, d’un vieux voisin ou un petit écolier.

Voilà ce qu’il s’est passé et ce matin, dans son lit, Jean rêve d’un robot joueur de fanorona, plus vrai que nature et il décide de le concrétiser. Où trouver les ressources? Aujourd’hui, son jeu de fanorona occupe déjà les deux tiers de son puissant ordinateur, reléguant ses autres logiciels ou même sa mémoire de fin d’études à l’état de traces. Il n’a pas d’argent et il n’a pas le courage de partager son travail avec d’autres, par jalousie surtout car ce jeu, c’est son bébé.

En y réfléchissant, Jean parcourt internet et les forums sur l’intelligence artificielle avec des centaines personnes plus ou moins comme lui, en train de créer des jeux, des robots, des logiciels dans divers domaines et il se sent fondre dans la masse jusqu’à sentir tout son enthousiasme du matin se diluer.

Il est presque midi et Jean a oublié de prendre un petit déjeuner. Il n’a rien de préparé pour le déjeuner. Bien sûr, il a raté son cours du matin et son barbe naissant lui indique que c’est depuis plusieurs jours qu’il n’est pas sorti de chez lui. Les gens vont croire qu’il a fait une dépression avec le départ de Fanja. Et si c’était vrai? Si tout ça n’est qu’un leurre pour détourner Fanja de ses pensées? Jean ressent l’angoisse l’envahir en pensant qu’il est peut-être en train de tout foutre en l’air. Un robot joueur de Fanorona, que c’est commun, voire, idiot! Et même s’il réussissait et que son jeu devienne réellement et définitivement imbattable techniquement et qu’en même temps, il serait capable de lancer des piques en plein cœur comme un véritable champion de fanorona, intraitable, à quoi cela servirait?

Jean allait se ressaisir, tout abandonner, courir à l’université et abandonner à jamais son idée lorsqu’il a vu un lien qui disait : »Télécharger gratuitement Sari sur votre PC ». La description disait : « Sari est une intelligence artificielle embryon. Ses codes révolutionnaires lui permettent d’apprendre tout ce que vous voulez hors-ligne et en utilisant un minimum de ressources. Téléchargez-là gratuitement et faites-en la meilleure IA du monde. En été 2034, remettez-la en ligne dans notre concours qui désignera la meilleure intelligence artificielle dérivée de Sari avec un prix d’un million de dollar pour le vainqueur ».

Jean ne croyait pas ses yeux : 5 mégaoctets de données pour ce qui est sensé être une IA révolutionnaire. C’est bien trop peu. Il cherche où est l’arnaque mais n’a pas trouvé. Au contraire, il a trouvé des vidéos avec des personnes qui en quelques mois ont déjà réussi à utiliser Sari pour tout et n’importe quoi : des robots parlants, évidemment, des ustensiles de cuisines, des jouets, des véhicules, des poupées gonflables. Cela n’a pas fait de buzz car tous ces produits, intelligents, parlant se trouvent déjà partout mais entre amateurs et professionnels de l’intelligence artificielle, on a compris le potentiel de Sari.

Jean, après quelques hésitations a aussi téléchargé le soft et a commencé à plonger dans son projet. Il voit déjà que le code source de Sari est verrouillé et impénétrable. Sari propose aussi l’apprentissage des conversations soit en faisant des millions de saisies au clavier ou  au micro, soit en téléchargeant des conversations existantes. C’était prévisible et pour Jean, cela pourrait être un moyen d’accéder à ses données personnelles. Son jeu de fanorona est peut-être son obsession mais il n’est pas question que quelqu’un ait le moindre accès à son travail. Jean a alors complètement débranché son ordinateur d’internet et archivé tous ses documents avant de travailler exclusivement sur Sari. Maintenant, il va voir si Sari et ses 5Mo de codes est bien une arnaque ou non.

« – Bonjour Sari
– Bonjour, comment t’appelles tu?
– Jean
– Bonjour Jean, comme tu vois, je possède déjà les bases de la conversation, mais tu encore dois m’apprendre beaucoup de choses. Je te promets de ne pas te prendre beaucoup d’espace disque.
– Tu es un garçon ou une fille?
– Tout ça et les autres questions du type test de Turing, c’est à toi de décider Jean.
– lol
– Comme tu dis!
– Remarque que t’as fait une erreur dans une phrase au-dessus!
– Ah bon! où ça?
– Tu as écrit : »tu encore dois » au lieu de « tu dois encore »
– C’est vrai, l’erreur est humaine, je ne le ferai plus 🙂

Jean est perplexe. Il ne peut pas comprendre comment 5Mo de lignes de codes, avec une base de données sensée être quasiment vide sont capables de fournir ces réponses.  Il doit avouer qu’il n’aurait pas, à ce stade, reconnu un robot s’il ne savait pas d’avance que c’était Sari. C’est déroutant. Était-ce un piège? Un génial informaticien aurait-il prévu ces questions et aurait même fait exprès d’insérer l’erreur pour dérouter les utilisateurs? Et comme il ne peut pas comprendre le « comment », Jean décide d’y aller avec la foi, trouvant en Sari une opportunité d’aller plus loin dans son travail sur son joueur de fanorona.