Yves Tchakounte

Les erreurs médicales au Cameroun : Bachir Ndam, l’histoire d’un miraculé

Ce billet fait suite à l’émission « Le Débat Africain » d’Alain Foka diffusé le dimanche 13 juillet 2014 sur Radio France Internationale (RFI) et qui avait comme invités entre autre le Dr Guy Sandjong, Président de l’Ordre national des Médecins du Cameroun (ONMC) et Claire Hédon, présentatrice de l’émission à succès « Priorité Santé », toujours sur RFI. Au cours de cette émission qui m’a parue un peu, pour ne pas dire trop déséquilibrée par le fait que le panel n’était pas composé de victimes des « erreurs médicales », je me suis rendu compte de la nécessité de mettre sur la table le témoignage d’une victime qui, jusqu’ici ne se remet pas de ces séquelles dues à une main mafieuse qui s’est servie de Bachir Ndam, puisqu’il s’agit de lui, pour accomplir ses desseins funestes et égocentriques. Ce billet n’a donc pas pour but de mettre en cause la sincérité des déclarations du Dr Guy Sandjong qui affirme, sans ambages et imbu de sa personne, que tous les médecins reconnus coupables de fautes professionnelles sont systématiquement sanctionnés par l’Ordre, encore moins de mettre en cause la crédibilité de l’organisme dont qu’il assure la présidence. En vérité, Dr Guy Sandjong ne peut pas dire le contraire par politesse. Mais, la réalité est tout autre chose.

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Bachir Ndam, en solitaire en plein boulot.
Crédit photo: Bachir Ndam

Mon objectif ici est de montrer comment fonctionne le domaine médical au Cameroun dans la gestion des erreurs médicales à travers l’expérience d’un cas. Je sais que beaucoup ici vont me rétorquer que l’étude d’un seul cas ne peut pas suffire pour généraliser et en faire école. Soit. Ce qui est différent avec le cas du désormais handicapé moteur Bachir Ndam c’est qu’il a des éléments de preuves irréfutables et utiles pour sa défense. Il a, en sa possession, réuni des preuves (Vidéos et appels téléphoniques) enregistrés au cours de chaque étape de ses confrontations et de ses visites médicales –ce que beaucoup de victimes n’ont pas. Ce qui m’intéresse encore plus, c’est qu’il a décidé de partager son expérience en publiant un ouvrage fort intéressant sur la forme de récit de vie. En publiant son histoire relevant presque de sa sphère privée, Bachir se donne pour mission de servir l’intérêt général. Il l’affirme lui-même en ces termes : « Mon histoire était basée sur la vérité des faits dont je détenais des preuves indiscutables. Elle était aussi d’intérêt public pour contribuer à faire cesser l’irresponsabilité dans ces comportements jugés critiquables, voire même répréhensibles ». C’est donc l’histoire d’une personne en situation de handicap qui vit le martyr et le drame à la fois d’un incompris et d’un frustré qui cherche désespéramment son chemin de salut après s’être rendu malheureusement ou heureusement compte que : « L’homme propose. Dieu dispose ».

Le réseau social facebook fait quand même des merveilles. Je rencontre Bachir par l’entremise d’une amie virtuelle, en 2013. Bachir fait donc partie de mes amis virtuel en situation de handicap. Dans ma liste de plus de 2.800 amis, je n’ai que six qui font partie de cette catégorie de personne. Ils sont vraiment rare sur la toile, ce genre de personnes. Pour quelle raison ? Je n’en sais rien. Et dire que c’est moi qui convaincs trois d’entre eux à avoir un profil dans un réseau social ! Passons. Je rencontre donc Bachir pour la première fois un soir de la fin du jeûne du Ramadan. Tout joyeux de faire ma rencontre. Moi aussi d’ailleurs ! Située non loin de Bonamoussadi, la prestigieuse cité résidentielle dite « cité SIC » de Douala, au lieu-dit « Sable », la vaste villa où habite Bachir est une bâtisse apparemment construite à l’époque où la cité n’était pas encore habitée. A peine arrivé, Bachir m’attendais au portail rouge cloitré sur son fauteuil roulant devenu désormais son compagnon inséparable. Il n’avait pas l’air d’un martyrisé. En embonpoint, il ne semblait pas dessiner en lui un homme qui venait de traverser ou qui traverse encore des moments difficiles. Nous longeons donc la grande cour de la villa à travers les allées du jardin. Bachir occupe, en solitaire, une permanence de trois pièces de cette vaste et somptueuse demeure de presque 1.000 m². Le temps de m’affaler sur son canapé en rotin après avoir parcouru une longue distance du portail au fond du jardin où se trouve la dépendance du désormais handicapé moteur.  Ma toute première question, après les formules d’usage de bienvenu, c’est de savoir les raisons de sa solitude dans une si vaste demeure. Sa réponse fut brève : « un handicapé est d’abord un homme solitaire ». Du coup, j’ai compris que Bachir a une expérience à partager. Il est temps maintenant de découvrir l’homme dans sa totalité qui n’hésite pas à ouvrir son cœur encore plein de souvenirs teintés des moments de gaieté et surtout plein de tristesses. Du coup, Bachir m’avoue qu’il a des douleurs interminables qui proviendraient des nerfs au niveau des deux jambes.

Tout a commencé comme un jeu. Un après-midi de mars 2008, Bachir fait une chute grave dans la cour de cette vaste villa où résidait encore toute la famille au complet, sauf les parents qui avaient décidé de se retirer en retraite douillet en campagne. Retraite bien méritée, donc. L’arbre sur lequel Bachir avait décidé de grimper était son porte malheur. Voilà l’homme courage à la recherche des mangues jusqu’à presque le sommet de l’Himalaya. Un mauvais contrôle, et hop ! La chute a été tellement violente que Bachir a perdu connaissance. Heureusement, Shayma, sa femme était là. Elle a entendu les bruits sourds de sa chute et a accouru pour le secourir. La raideur du corps de son mari l’a fait paniquer. Elle alerte donc toute la maisonnée qui se dépêche de transporter le pauvre Bachir à Ad-Luchem, une polyclinique privée située juste en face de la villa. Après, c’est l’Hôpital Général de Douala (HGD) qui a pris le relais. Sortis de leur retraite, les parents accourent sur Douala avec la forte présomption de la mort certaine de leur fils aîné. Que non ! L’homme courage vit, malgré tout. Evidemment, le papa prend les devants pour toutes les formalités de soins et c’est le Dr Motah, le désormais bourreau, qui sera chargé d’opérer Bachir. Tout se passe comme une éclaire ce jour-là. Avant d’admettre Bachir en réanimation, le diagnostic était nécessaire. Malheureusement, le scanner du HGD est en panne. Bachir sera donc conduit dans un centre d’imagerie médicale au quartier Bonapriso en plein centre administratif de la ville de Douala. Le diagnostic fut brutal : « début d’hémorragie cérébrale » qui devait être traité rapidement. Donc, la chute accidentelle avait causé un « déséquilibre de la colonne vertébrale ». Il faut rappeler, pour la gouverne de tous, que le HGD est un hôpital de référence. Il en existe deux au Cameroun : Yaoundé et Douala.

Il fut alors décidé, par le Dr Mathieu Motah, d’opérer Bachir pour le remettre sur ses deux jambes. C’était l’objectif de l’opération telle que le médecin avait formulé au père du malade qui se trouvait encore dans le coma après deux réveils momentanés. La colonne vertébrale déséquilibrée avait besoin de retrouver son équilibre. Le Dr Motah avait donc un délai de deux à six jours maxi pour opérer Bachir. Mais, comble de bizarreries, l’opération n’a finalement eu lieu qu’au treizième jour. Voilà la première faute professionnelle et médicale dont le Dr Motah porte la responsabilité jusqu’aujourd’hui. La question que l’on pourrait se poser est celle de savoir pourquoi avoir attendu jusqu’au treizième jour ? Eh ! Bien, c’est justement là le véritable problème. C’est le fait du fonctionnement buissonnier, unique en son genre, qu’a adopté cet hôpital de référence. Des faits et des pratiques pour le moins surprenants allant de la sauvagerie à la barbarie étaient, à cette époque comme à l’heure actuelle, des habitudes factices et tacites de marketing, donc non écrites. Ainsi donc, les médecins du HGD étaient primés pour avoir effectué plus d’opérations chirugicales. C’est par là que beaucoup d’entre eux entretenaient des marchandages pour avoir plus de malades au bloc opératoire. Voilà donc cette loi commerciale en vogue au HGD qui fera de Bachir une victime, je dirais même un martyr non seulement de cette loi du HGD mais aussi de cet esprit de mercantilisme et de l’appât effréné du gain rapide du Dr Motah. Le bloc opératoire du HGD étant occupé et surchargé par les malades qui se faisaient opérer, les autres seront priés d’attendre leur tour. D’autres sources affirment même que tous les blocs opératoires étaient en panne en ce moment-là. D’autres encore affirment que le HGD manquait le matériel adéquat pour ce genre d’opération. Tout compte fait, le HGD ne pouvait pas opérer Bachir. Ainsi, le malade et courageux Bachir sera abandonné entre quatre murs. A la merci des douleurs atroces qui ont envahi tout le corps qui, devenu pâle, ne supportait plus le moindre touché. La différence avec Bachir et les autres malades c’était que son cas s’avérait d’extrême urgence. Le médecin traitant ne s’est donc pas soucié de ce cas particulier qui pourrait coûter la vie à son patient. Son objectif était déjà fixé dans sa cervelle : opérer plus de malades que tous ses collègues quel que soit l’issu de l’opération afin de bénéficier des primes. Il m’a semblé, d’après une analyse personnelle, que cette loi non écrite avait pour objectif de booster le personnel au travail compte tenu du fait que beaucoup de malades étaient négligés par laxisme. C’est ce qui se passe généralement dans les hôpitaux publics où les médecins sont plus préoccupés par les malades qui se rendent dans leur cabinet privés, généralement à leur domicile. Cette loi qui avait l’air d’être salutaire s’est révélée assassine à la fin. Les médecins véreux, comme le Dr Motah, bondissent, comme un chien affamé, sur des occasions en or comme celle-ci pour se faire des sous au détriment de la santé, du serment d’Hippocrate, donc ! Voilà le pauvre et courageux, l’homme fort de Koupa Matapit (village d’origine) dans de sale draps du HGD et du Dr Motah. Imaginez un peu les supplices infligé à Bachir par cette loi barbare qui le contraint aux douleurs les plus atroces de sa colonne vertébrale dans l’attente d’une opération chirurgicales. Treize jours au lieu de six jours maxi ! Comment pourrait-on appeler ça si ce n’est un meurtre, un assassinat volontaire. Cherchez-vous-même le terme juridique qui sied à cette situation.

L’honnêteté aurait été de dire simplement au parent du malade que le HGD n’a pas de place au bloc opératoire qui est très sollicité par ces temps de « pointage » des médecins et qu’il est nécessaire de solliciter l’intervention d’une clinique pour opérer rapidement Bachir. Que nenni. Les médecins du HGD sont à la chasse de la prime et donc, Bachir va seulement attendre que le bloc opératoire soit prêt. D’ailleurs, il n’est pas le seul malade, son cas n’est pas si grave que ça. Est-ce que c’est la fin du monde ? Sûrement, il y a beaucoup de malades qui ont payé de leur vie cette loi bizarre et ça a dit quoi à qui ? Malgré tout, Bachir connaîtra des suites de calvaires inexplicables.

Après donc l’opération qui a eu lieu le treizième jour, Bachir fait presque un mois au HGD. Le Dr Motah prescrit une rééducation motrice et fonctionnelle au Centre National de Rééducation des Handicapées d’Etoug-Ebe de Yaoundé (CNRH). C’est donc le Dr Maben qui, le premier et après avoir vu les cliches de radio, découvre un vice de forme dans le rapport du Dr Motah comme le dit lui-même Bachir dans son ouvrage : « Immédiatement, [Le Dr Maben, ndlr] avait décelé un vice de forme à la lecture du rapport médical de l’hôpital général de Douala. Les radiographies qui l’accompagnaient lui démontraient déjà qu’il y avait eu une grosse bêtise de la part du médecin Mathieu ». Cela va constituer la deuxième faute professionnelle et médicale du Dr Motah : la fixation des os de la colonne vertébrale a été faite au mauvais endroit. Les recommandations du Dr Maben étaient donc claires et formelles comme le dit Bachir : « reprise de l’intervention chirurgicale […]. Au plan technique, cela avait l’avantage de permettre efficacement la position verticale pendant mes exercices ré-éducationnels », comme pour dire que le Dr Motah avait raté son opération. Malheureusement, celui-ci n’en démord pas et insiste pour que le CNRH commence la rééducation le plus vite possible. La troisième faute professionnelle consistera ce qu’on appelle la suffisance. Tous les médecins rencontrés à Douala, à Yaoundé et à Johannesburg où Bachir a été évacué médicalement, ont fait curieusement le même constat en relevant ces trois fautes professionnelles du Dr Motah du HGD. Même la contre-expertise demandée par le HGD au Dr Ngah Eloundou de l’Hôpital Central de Yaoundé a révélé ces fautes graves du Dr Motah. Il est vrai que les opérations chirurgicales de ce type aboutissent difficilement à une reprise de la motricité des membres du malade. D’ailleurs, l’assurance de la guérison ne pourrait qu’être certaine étant donné que le traitement a lieu dans un hôpital de référence. En plus les promesses du Dr Motah  ne pouvaient que rassurer la famille et le malade lui-même. Mon ami avait fermement et naïvement cru à sa guérison. A vrai dire, même s’il ne pouvait plus retrouver la motricité de ses jambes inférieures, l’opération maladroite du Dr Motah a eu comme conséquence d’infliger des douleurs insupportables provenant des nerfs. D’où les nombreuses visites chez les neurologues. Et dire que ces douleurs ne finiront jamais, comme le stipulent les médecins qui ont eu à examiner le cas de Bachir. Bachir subira donc à vie des douleurs des nerfs qui, de temps en temps, lui font faire des crises qui peuvent tourner au vinaigre. Voilà donc un médecin, à défaut de réparer le mal vous inflige un autre supplice. Le médecin de Johannesburg a d’ailleurs repris l’opération avec pour objectif de réparer ces fautes qui pourrait alléger les douleurs du malade. Véritable scandale, non ?

« J’étais même obligé de réfréner cette euphorie qui m’envahissait de poursuivre mon combat jusqu’au bout ». C’est sur cette position que Bachir se fonde pour poursuivre son combat comme il le dit lui-même. Face à cette attitude de suffisance du médecin Motah et de la mauvaise foi du Directeur Général du HGD qui a refusé de régler les factures de la contre-expertise qu’il a pourtant réclamé et promis, le recours à la force de la loi était donc la seule issue qui restait au malade et qui, entre-temps, avait perdu son papa, paix à son âme et qui a aussi vu sa belle Shayma, l’amour de son cœur partir pour d’autres aventures certainement meilleures que celles de Bachir désormais cloué sur son fauteuil roulant. Pour Shayma, son bonheur n’est certainement pas chez une personne en situation de handicap. Bachir a commencé par saisir l’Ordre National des Médecins du Cameroun (ONMC) par courrier en octobre 2010. Le dossier est entre les mains du représentant de l’OMNC pour le Littoral, le Dr Fonkoua Rodolphe. Un arrangement à l’amiable a été proposé au Dr Motah par l’ONMC pour la région du Littoral, lieu de résidence de Bachir, pour réparer sa faute. Rien. Le Dr Motah reste imperturbable et confiant. Comme pour dire qu’il est intouchable. Le Dr Fonkoua, dépassé par les événements, a donc laissé Bachir continuer en saisissant le tribunal. L’affaire reste donc pendante en attendant une caution de 18 millions de FCFA réclamés à Bachir pour que le parquet ouvre une enquête qui a pour but de dédommager le malade.

Bref, le récit de vie de Bachir est riche en rebondissements et suspenses. Son récit est teinté à la fois des moments de joie, de bonheurs et de malheurs. Son ouvrage : « Survivre pour vivre » édité par Edilivre en 2013. La lecture de cet ouvrage vous fera certainement du bien dans la compréhension de ce que c’est qu’être une personne en situation de handicap. Il n’est pas du tout facile de s’imaginer à la place d’une personne dans cette situation, car on aurait tôt fait de penser que celui-ci est définitivement prisonnier, enchaîné à vie. Surtout pour une personne à la fleur de l’âge et qui, hier, marchait sur ses deux jambes. Trois leçons à retenir à la suite de la lecture de cet ouvrage de presque 300 pages : 1-En situation de handicap, forcer l’estime de l’autre, « plaire à l’autre » est un exercice impossible ; 2-Se taire, « entretenir le silence », « refuser de dénoncer » « toutes les pratiques qui portent atteinte aux facteurs existentiels » des personnes en situation de handicap est un acte injuste et condamnable ; 3-Contrairement à ce qu’on peut penser, le handicap a pour avantage de booster la personne afin de lui donner l’énergie suffisante pour surmonter toutes crises morales, physiques, et relationnelles.

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Crédit photo: Bachir Ndam

« Vivre seul, tout seul dans ma solitude la plupart du temps ces dernières années, a été très dur avec une infirmité apparente. Mon désir d’écrire de nouveau, mon envie de me faire relire comme avant, et mes attentes de me faire critiquer, même sans arguments réalistes, m’a permis de me rendre à l’évidence que je n’ai jamais été infirme ». C’est donc ça, la réalité d’une personne handicapée. Le quotidien de Bachir, coloré en solitude, est plus réservé à l’écriture. Bachir est donc déjà à plus de dix publications donc deux romans que je vous conseille personnellement : « Dans les entrailles de ma chambre silencieuse » (publié en 2014) et « Il pleut dans mon cœur » (à paraître).

Tchakounté Kemayou

Liste des ouvrages publiés et à paraître :

1-LE NOUS D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN, entre tradition et modernité, la rencontre d’un autre destin. (Douala, avril 2005) ; 2-LE ROYAUME BAMOUN, De l’élite et du Politique, une voie, un avenir. (Douala, Juin 2007) ; 3-CAMEROUN : LE POINT D’ACHEVEMENT DE L’INITIATIVE PPTE, ET APRES ? (Douala, Juin 2007) ; 4-L’INSTITUTION DU MARIAGE ET LA POLYGAMIE : Coutumes-Traditions et modernisme (Douala, Juin 2007) ; 5-SOUFFRIR POUR COMPRENDRE (Douala, Décembre 2008) ; 6-LE CHOIX DE LA RUPTURE : Elites politiques, de l’essentiel ou de l’accessoire (Douala, Décembre 2008) ; 7-DE NJOYA IBRAHIM A MBOMBO NJOYA IBRAHIM : Histoire et incompréhension d’une dynastie qui survit (Douala, 2014) ; 8-DANS LES ENTRAILLES DE MA CHAMBRE SILENCIEUSE (Douala, 2014) ; 9-REVENONS VERS L’AVENIR, Des différences à l’intolérance (à paraître) ; 10-ET SI LE PEUPLE BERBERE VENAIT DE NULLE PART ? (à paraître) ; 11-LE CAMEROUN : Ces hommes de pouvoir (à paraître) ; 12-IL PLEUT DANS MON CŒUR, (à paraître)


Les Accords de Partenariat Economique (APE) : mes 10 craintes

Les 09 et 10 juillet 2014, respectivement l’Assemblée Nationale et le Sénat Camerounais, avec une majorité absolue du parti au pouvoir dans les deux chambres, ont donné leur feu vert au Président de la République Paul Biya qui a définitivement signé les Accords de Partenariats Economiques (APE) ce lundi 21 juillet 2014. La signature de ces Accords, par le Président de la République, qui, en principe, doivent entrer en vigueur à partir du 1er octobre prochain marque un tournant décisif dans le climat des affaires au Cameroun. Pour rappel, Paul Biya avait signé les Accords d’étape depuis le 15 janvier 2009 et cette signature a été appelée « Accords intérimaires » en attendant le feu vert de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ainsi donc, Paul Biya avait décidé de cavalier seul en lieu et place de la CEMAC habilitée à négocier les accords APE entre UE et ACP pour le compte de l’Afrique Centrale. La Côte d’Ivoire et le Ghana avaient devancés le Cameroun en signant des Accords intérimaires. A la date d’aujourd’hui, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a signé le 10 juillet à Accra et récemment la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC) qui a signé le 15 juillet au Cap attendent la ratification de leur Assemblée Nationale avant la signature des chefs d’Etat. Manque encore à l’appel les pays de l’Afrique de l’Est, les pays de l’Afrique Centrale (CEMAC), les pays du Caraïbe et du Pacifique. A ce rythme, il est évident que les six groupes régionaux des pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) signeront ces Accords de Partenariat Economiques (APE) d’ici le mois d’octobre prochain. Il m’est donc particulièrement utile de profiter de cette occasion pour exposer ici les préoccupations qui sont les miennes depuis 2000 qui a vu naître les Accords de Cotonou considérés comme la base juridique des APE. Depuis que les économistes font des analyses pour expliquer les avantages et les inconvénients de ces Accords, beaucoup, comme moi, restent encore sceptiques quant à la volonté manifeste, soit du côté des chefs d’Etats Africains que du côté des européens, de sortir l’Afrique de la pauvreté qui est l’objectif principal des relations économique UE-ACP.

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Crédit photo: republicoftogo.com

1. La raison d’être des APE

A peine accédés à l’indépendance, les pays ACP sont soumis aux Conventions qui connaitront plusieurs processus (de Yaoundé 1 et 2 à Lomé 1, 2, 3, 4 et 4 bis) et qui auront pour but de permettre aux pays ACP de bénéficier des avantages de non taxation des produits exportés vers l’UE. C’est ce que les économistes ont appelés « traitements préférentiels ». Leur but était, comme l’affirme l’économiste camerounais Thierry Amougou, dans un document publié par le Cercle de Réflexions Economiques Sociales et Politiques (CRESPOL), de « donner un coup de pouce aux économies des pays ACP n’ayant pas encore les capacités institutionnelles de se battre à armes égales au sein du marché mondial ». Le début des accords de Cotonou le 23 juin 2000 consacre donc la fin des traitements préférentiels. Comme pour dire que les économies des pays ACP ont déjà acquis « les capacités institutionnelles de se battre à armes égales au sein du marché international » ! Plus loin, l’économiste affirme que : « Les Accords de Lomé ont évolué vers les Accords de Cotonou pour prendre en compte la crise de la dette internationale, la faillite des Etats ACP dans les années 1980, l’ajustement structurel, la fin de l’Uruguay round ». Il faut donc comprendre par-là que les Conventions de Yaoundé et de Lomé ont été un échec ! A cette allure, qu’est-ce qui peut donc garantir le succès des APE ? Que vont donc devenir les ACP habitués à la « protection » des Conventions UE-ACP ? Pour mémoire, les pays asiatiques et de l’Amérique du Sud, sans protections et sans aides, comme le Brésil, l’Inde, la Chine, le Singapour et Hong-Kong sont plus avancés que les pays ACP. Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que les APE restent sceptiques. D’ailleurs, en 2008, Christophe De Vroey, conseiller en commerce, secteur privée et pèche de la délégation de la Commission Européenne a Dakar, confirme lui-même, sans coup férir, l’échec des Conventions UE-ACP et que ceux-ci ont rendu un mauvais service aux pays ACP en ces termes : « Il y’a 20 ans, certaine pays comme la Corée du Sud se trouvait dans la même situation que certaines pays africains, mais elle a ouvert son marché, attiré l’investissement étranger et est maintenant l’un des dragons de l’Asie ».

2. A propos de la différence entre les Conventions de Yaoundé et Lomé d’une part et les Accords de Cotonou, introduisant l’APE, d’autre part

Les APE sont essentiellement fondés sur une notion précise : Le « contrat ». C’est-à-dire que les parties en présence doivent d’une part, consentir des avantages et d’autre part se plier aux obligations sous peine d’être disqualifié. En d’autres termes, pour avoir les avantages concédés par l’autre partie il faut soi-même concéder des avantages nécessaire à vis-à-vis. C’est ce qu’on appelle « contrat négocié ». En ce sens donc, les APE sont différents des Conventions de Yaoundé et de Lomé. Ces Conventions sont des instruments de coopérations commerciales entre l’UE et les pays ACP. C’est-à-dire qu’une seule partie se charge de concéder les avantages à une autre partie qui en a grand besoin. Les textes régissant les APE étant des « contrats », les parties signataires deviennent donc des « partenaires ». En claire, les APE sont des accords commerciaux qui sont compatibles avec les règles de l’OMC et c’est ainsi que les pays ACP et l’Union Européenne ont accepté de supprimer progressivement les entraves aux échanges entre eux en renforçant leur coopération. Les APE étant fondé sur le principe des Accords de Libre-Echange (ALE), comment comprendre le concept de partenariat entre l’UE et les pays ACP avec les échanges réciproques asymétrique ? Parce que les Etats ACP sont tenus pour la première fois de « négocier » leurs relations commerciales avec l’Europe, il va s’en dire que dans un contexte d’échange asymétrique, l’UE s’en tirera inévitablement à bon compte. Qu’est-ce j’appelle « réciprocité des échanges » ?

3. A propos de la réciprocité des échanges entre l’UE et les pays ACP

Les APE sont des Accords de Libre-Echange (ALE), en français facile cela signifie clairement que : Premièrement, selon les termes de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la signature des accords bilatéraux doivent accorder une place primordiale à la libéralisation de « l’essentiel » des échanges (article XXIV du GATT). Deuxièmement, les produits européens accéderont librement aux marchés ACP et vice versa d’une part et d’autre part les produits ACP circuleront librement dans les zones ACP ; Troisièmement, les échanges doivent représenter 90% du commerce total. Ce taux estimé est la moyenne de la part du commerce libéralisé pour chacun des partenaires. Les 10% restant représentent les produits d’origine qui ne subiront aucune concurrence dans le marché intérieur des pays ACP ; Quatrièmement, la part de commerce libéralisé par l’UE peut être supérieure à celle des pays ACP : voilà pourquoi ont dit que les échanges libéralisés des APE sont asymétriques. En résumé, les APE sont des Accords de Libre Echange (ALE) réciproques asymétriques entre l’UE et chacun des six régions. D’où la question de l’inégalité ou de la disproportionalité des échanges au profit de l’UE grâce à la modernisation et à l’évolution technologique de son tissu industriel. D’ailleurs, cette superpuissance de l’industrie européenne est aussi due à sa possibilité et sa capacité à mobiliser tous les moyens pour contrôler tous les marchés, y compris ceux des pays ACP.

4. A propos du contrôle des marchés ACP

Les produits de rente issus des pays ACP sont exportés vers l’UE et les prix sont fixés par celui-ci (l’UE=l’acheteur) ; et l’UE, grâce à leurs industries, exporte les produits finis issus de ces matières premières vers les pays ACP et les prix sont fixé par celui-là (l’UE=le producteur et le commerçant). Donc, dans ces deux schéma, l’UE fixe les prix des matières premières qu’il importe et fixe aussi et encore les prix des produits finis qu’il exporte vers les pays ACP. On peut donc dire que l’UE détient en même temps à la fois les marchés de l’UE et les marchés des pays ACP. D’où la question : Si les APE consistent au libre-échange, pourquoi refuser aux pays ACP de fixer eux-mêmes les prix de leurs productions en fonction du coût de production ? Cette escroquerie dure depuis les fameuses Conventions de Yaoundé et de Lomé où l’UE disait aider les pays ACP, pourtant il se servait de la plus grande part du gâteau ! Si les pays ACP ne détiennent pas le contrôle des marchés de leurs matières premières utiles aux industries européennes, qu’est-ce qui leur restera comme rapport de force pour peser dans la négociation entre eux et l’UE ? Il ne leur restera qu’à demeurer, à n’en plus douter, que des « réservoirs de matières premières et déversoir des produits manufacturés ». Pour reprendre mon compatriote Bonaventure Tchucham, juriste et chercheur, « Quels produits et services ont à offrir les ACP par rapport à L’UE qui de toute façon « possède » les marchés des ACP ? ». Et il renchérit, à propos des droits de douane en s’interrogeant avec amertume : « Que tirent les pays exportateurs de matières premières et importateurs des produits finis élaborés à partir de ces dernières lorsque l’on sait que toute la chaîne de création de plus-value réelle est déplacée vers l’UE au détriment des ACP ? À quoi servent de simples taxes à l’importation au regard de cette véritable « perte sèche » ».

5. A propos de l’ouverture des échanges entre l’UE et les pays ACP

Les APE consacrent la levée des « barrières tarifaires » entre les pays ACP et l’UE. L’économiste Thierry Amougou explique que l’objectif de la suppression de ces barrières c’est l’ouverture des marchés en ces termes : « Les marchés de l’UE sont ouverts sans restrictions aux produits et services ACP et les marchés ACP sont ouverts sans restrictions aux produits et services ACP ». Mais il existe aussi ce qu’on appelle les « barrières non tarifaires ». Il s’agit ici principalement du respect des normes internationales (hygiène, sécurité, calibrage) que doivent avoir les produits des pays ACP exportés vers les marchés européens. Les entreprises industrielles des pays ACP étant peu strictes en matière de respect des normes internationales pour des raisons diverses, il est à craindre des conséquences néfastes sur leur avenir et cela peut aller jusqu’à la mort de certaines PME face à une concurrence rude. Ainsi, il est donc dommageable de constater que malgré les discours d’ouverture des marchés, les pays ACP seront pénalisés par leur incapacité à s’arrimer à ces normes internationales comptes tenu de la fragilité et de la non modernisation de leur économie. Il faut donc, par-là, craindre l’augmentation de « la vulnérabilité de l’économie Africaine » qui s’avère alors fondée et évidente ! Peut-on, par ailleurs, considéré que des programmes de mises à niveau, dans les pays ACP, qui viendront en appuie aux entreprises et aux politiques publiques, viseront à accompagner efficacement les politiques publiques en faveur des secteurs productifs qui seront exposés à la concurrence des entreprises étrangères ? Depuis 2009 que le président Paul Biya a signé les Accords intérimaires, il serait difficile d’affirmer ici avec certitude que l’Etat a préparé les PME, comme le stipule les accords avec les aides accordées par l’UE, à affronter cette concurrence. Maintenant, les PME camerounaises et même Africaines sont dos au mur !

6. A propos de la signature des Accords régionaux

Selon l’article 35.2 de l’Accord de Cotonou, « La coopération économique et commerciale se fonde sur les initiatives d’intégration régionales des Etats ACP considérant que l’intégration régionale est un instrument clé de leur intégration économique ». Cet article fort intéressant et d’actualité au Cameroun, stipule, en français facile, que les APE ne doivent être négocié que dans un cadre régional : C’est ce qu’on appelle « Accords régionaux ». C’est après la signature de ces Accords que les textes devraient être soumis à chaque Assemblée Nationale pour leur feu vert avant la ratification définitive. Il est donc tenu que c’est à chacune des six régions que revient le droit de négocier les Accords avec l’UE. Malheureusement, avant la signature de ces Accords régionaux, la Côte-d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun avaient déjà signé individuellement et au mépris du reste des autres pays, les Accords. On a vite fait de justifier que c’était des « Accords d’étapes » ou des « Accords intérimaires ». Question : A quoi doivent servir ces « Accords d’étapes » s’il faille encore requérir la signature, à la suite des négociations, au niveau régional ? Cette stratégie solitaire et égocentrique n’est ni moins ni plus que de la traîtrise. Louis Michel, le commissaire européen au développement s’en défend en affirmant que les Accords intérimaires ne concernent que les pays qui détiennent des intérêts spécifiques d’accès aux marchés européens et il ajoute que : « sans APE la Cote d’Ivoire pourrait perdre un milliard d’euros par an ». Question : Avant les APE, la Côte-d’Ivoire ne perdait-elle pas d’argent ? En somme, les accords d’étapes conclus par la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun constituent, d’abord, une menace sérieuse pour l’intégration en Afrique, ensuite, laisse un traumatisme au processus d’intégration régionale et enfin, accentue d’une part la fracture UEMOA/CEDEAO/CEMAC et d’autre part érode considérablement le climat de confiance mutuelle et de solidarité indispensable à la construction de l’intégration. En conclusion donc, conformément aux principes contenus dans l’accord de Cotonou, l’UE envisageait des négociations avec les principaux groupements régionaux des pays ACP. Cette stratégie de négociation a été présentée dans un document appelé « Livre Vert » et publié en 1996. Ce document introduit la notion d’APER (Accord de Partenariat Economique Régionale). Pourquoi, comme le suggérait Me Wade, l’Union Africaine (UA) ne négocierait pas pour tous ses membres en Afrique comme l’UE négocie pour tous ses membres en Europe ?

7. A propos de l’aide au développement des pays ACP

Je ne cesserai jamais de le rappeler, les APE placeront les pays signataires dans une situation de contraintes économiques, sociales et environnementales telles que, les pays ACP, avec leur tissus économique fragile, auront des difficultés pour faire face aux défis de la norme internationale. C’est ainsi qu’avant le début de la mise en œuvre des APE, afin de répondre aux objectifs de respect de la norme internationale dans les marchés de l’UE, les pays ACP vont bénéficier, dans plusieurs domaines, des aides en vue du développement des capacités des systèmes administratives et institutionnelles. L’acquisition de ces capacités  a pour objectif d’intégrer ces nouveaux programmes dans les stratégies de développement des pays ACP. L’UE encourage et envisagera donc, par-là, l’octroi des aides au développement. Il faut signaler que les aides visant à l’acquisition des capacités font partie des politiques complémentaires aux APE. Elles ne peuvent être effectives que par le biais de l’aide au développement comme le prévoit si bien l’accord de Cotonou. Contrairement donc à ce qu’on pourrait penser, l’accord de Cotonou fixe un cadre global pour la « coopération » et le « soutien » aux pays ACP. Pour aller plus loin, cette coopération au développement, est un point récemment reconnu par la communauté internationale à l’issue du sommet du G8 à Monterrey (Canada) et qui devient alors un élément important de l’accord de Cotonou. Comment expliquer la persistance des aides au développement dans un contrat de partenariat même si c’est pour la bonne cause ? J’avais pensé naïvement que l’avènement des APE sonnera le glas de l’assistanat pour laisser la place à la compétition, à la compétence. Si l’on considère que les pays ACP ne sont pas prêts pour la concurrence et la compétition, pourquoi « imposer » alors les APE ?

8. A propos des stratégies et les processus de négociation pour chacune des parties

Les 25 et 26 septembre 2002, une session extraordinaire du conseil des ministres de l’UE et des pays ACP s’est tenue à Bruxelles. Il avait été donc convenu que les négociations avec l’UE vont se dérouler à trois (03) niveaux : Ministres, Ambassadeur et techniciens. Le processus de traitement des dossiers de négociation devant se dérouler, pour les pays ACP, sous la supervision de trois (03) pays au niveau des ministres et ambassadeurs. Mais, au niveau de la préparation technique des dossiers, le secrétariat des ACP se charge de mener les études sous la supervision des ambassadeurs. Par contre, l’UE simplifiera le processus en confiant tout le dossier à la Commission Européenne qui est le principal acteur. Le Commissaire Pascal Lamy était donc chargé d’étudier les dossiers tant au niveau des ministres, des ambassadeurs qu’au niveau technique. Les résultats des études du dossier des APE sont donc soumis aux pays membres de l’UE dans le cadre d’un comité de groupe de travail qui émettent leurs avis à la Commission. Celle-ci rend également compte au conseil des affaires générales et relations extérieures de l’UE sur l’état d’avancement des négociations au sein des différents groupes de travail. J’expose ce processus de la prise de décision amorcé par les deux grands groupes (UE et ACP) pour montrer comment il est intéressant de remarquer la différence dans le processus d’étude des dossiers. A l’UE, une seule personne pilote tout : c’est le commissaire Pascal Lamy, alors que chez les pays ACP, le secrétaire n’est chargé que pour l’étude purement technique. La question qu’on pourrait se poser est donc celle de savoir pourquoi les politiques sont-ils, en Afrique, des domaines purement réservés, des dossiers relevant du mythe ?

9. A propos de la subvention des agriculteurs de l’UE

L’ouverture des marchés des pays ACP aux importations européennes deviendra une opportunité pour les agriculteurs de mieux écouler leurs productions sur le marché des pays ACP. Dans un mémoire de Maîtrise en Droit des Affaires de l’Université Cheikh Anta Diop en 2008 intitulé « Les Accords de Partenariat Economique (APE) », Elhadji Modou Gueye fait remarquer avec amertume que « L’afflux massif de produits européens, pour la plupart subventionnés sur les marchés africains pourrait causer d’importants chocs dans les secteurs agricoles et industriels en Afrique ». Cette conclusion est le constat selon lequel dans le secteur industriel, les produits européens sont dotés d’une technologie de haute qualité et de dernier cri alors que dans les pays ACP, les industries sont naissantes et restent encore embryonnaires malgré le dynamisme des hommes d’affaires Africains. L’autre crainte, souligne encore Elhadji Modou Gueye, et c’est malheureusement la plus dangereuse, c’est le fait que les produits agricoles européens bénéficieront des subventions des Etats des pays de l’UE. Les Etats des pays ACP quant à eux ont du mal à subventionner l’agriculture. Elhadji Modou Gueye cite alors ces produits qui seront les plus visés à savoir « entre autres les céréales, la viande de bovin et les viandes volailles et de porc, les produits laitiers, les concentrés de tomates, pomme de terre, oignon etc. » en s’interrogeant sur leur avenir. Que deviendront alors le secteur agricole des pays ACP face à cette concurrence inégale ? Lors de la conférence ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), il a été convenu d’une solution définitive à cette préoccupation à travers la déclaration de Doha. Celle-ci interdit donc les Etats des pays de l’UE de subventionner des produits agricoles. Cela a aussi été catégoriquement réaffirmé dans la déclaration ministérielle de Hong-Kong du 18 Décembre 2005. Si cette décision est sincère, ce que je doute fort, le problème qui reste cependant est celui du comportement des produits agricoles des pays ACP dans ce nouveau contexte car « les marchés des Etas des pays ACP risquent d’être perturbés non seulement par la concurrence des exportations mais surtout par la nécessité d’une réorientation de leur priorité économique ». Le contexte de concurrence augure donc des moments de grands changements au niveau des stratégies d’adaptation avec les normes internationales. C’est la raison pour laquelle la mise en place de nouvelles politiques agricoles d’une part et d’autre part de la spécialisation de l’agriculture des pays ACP seront désormais à l’ordre du jour. On craindrait donc que ces nouvelles politiques accordent une priorité aux cultures d’exportation au détriment des cultures vivrières. Quand on sait l’importance de celles-ci dans la satisfaction des besoins élémentaires des populations, il y a à fort à craindre d’un éventuel dérapage pour ne pas dire crise.

10. A propos du Franc CFA

Pour revenir au document de l’économiste Thierry Amougou cité plus haut, la question du Franc CFA a été malicieusement élucidée par les APE. Si « Les APE épousent le raisonnement de l’OMC suivant lequel c’est en se confrontant au marché avec tous les autres pays du monde que les économies africaines vont s’aguerrir », en d’autres termes si les pays ACP acceptent de se livrer aux Accords de Libre-Echange (ALE), il n’est donc pas normal que la gestion de la monnaie échappe à cette logique. L’UE, à travers la France, ne peut pas parler de « Libre-échange » en contrôlant à la fois sa propre monnaie (€) et la monnaie (FCFA) de plus de 14 pays ACP. Ce fonctionnement est contraire aux logiques de l’OMC qui avance l’idée selon laquelle « les traitements préférentiels doivent être abandonnés car ils n’ont pas entraîné le développement des pays ACP depuis 1958 qu’ils sont en vigueur ». Ces accords préférentiels monétaires qui existent depuis 1948 entre la France et les pays africains de la zone franc consacrent confortent jusqu’ici les limites des « mouvements de libération des systèmes financiers en monétaires » des pays ACP par rapport aux pays de l’UE. L’évitement de cette question de la monnaie trouverait leur origine, selon beaucoup d’observateurs, dans la problématique de la « souveraineté » des peuples Africains.

Pour ne pas conclure

Mes inquiétudes soulevées plus haut peuvent se résumer en un seul mot : « Souveraineté ». Cette posture dans l’analyse est chère aux compatriotes Guy Simon Ngakam et Bonaventure Tchucham pour qui la souveraineté des peuples africains serait non négociable. Cela veut tout simplement dire que les chefs d’Etat Africains signataires des APE pour le compte de leur pays, quoique légaux, ne sont pas légitimes. D’où viendrait donc posture qui semblerait surprenant et hors de propos pour beaucoup ? Historiquement, les Conventions UE-ACP mises en œuvre depuis 1958 avaient pour but de donner un coup de pouce aux dirigeants Africains triés sur le volet pour gérer les jeunes Etats bientôt nouvellement indépendants qui avaient besoin d’un soutien pour se bâtir et se construire. Ce qui est curieux, c’est que ces dirigeants placés à la tête de ces Etas Africains étaient tous contre les indépendances en Afrique parce que, disaient-ils, les Africains n’étaient pas encore prêts à se prendre en charge eux-mêmes. Par contre, les leaders Africains qui soutenaient le contraire étaient considérés comme des « subversifs », des « rebelles », des « maquisards ». Au juriste Bonaventure Tchucham de s’interroger en se demandant comment ces « subversifs » pouvaient-ils oser demander une liberté s’ils étaient incapables de la gérer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces « subversifs » ont été empêchés d’accéder au pouvoir. A leur place, les « collabos » ont pris le pouvoir par un hold-up avec la bénédiction des anciennes colonies. Le soutien de celles-ci à l’économie des pays ACP était donc évident. Et c’est Guy Simon Ngakam de conclure, à juste titre, que « Les APE seraient profitables si les ACP avaient la capacité de bien négocier », comme pour dire que la « capacité de bien négocier » passe par la légitimité des chefs d’Etat Africains à travers la souveraineté des peuples, c’est-à-dire libres de choisir en toute transparence et équité, leurs gouvernants : « La souveraineté, c’est ce qu’il nous faut. Elle nous dictera quoi produire: ce dont nous aurons besoin, et ce sera financé par notre monnaie. En cas d’agression, notre armée nous protègera ». C’est ce principe qui doit être posé sur la table avant toute « négociation ».

Il faut tout de même dire que cette position radicale de mes deux compatriotes ne peut être considérée que comme les seules solutions possibles pour sortir l’Afrique de sa pauvreté. Il reste cependant très vrai que cette position relèverait d’une révolution des systèmes politiques en Afrique. Même si la question de la souveraineté reste à l’ordre du jour, peut-on tourner le dos aux négociations ? Et c’est au journaliste Jean-Baptiste Sipa de donner son avis en ces termes : « Très modestement, je suis d’accord avec le principe qui veut que le compromis soit le meilleur gage de l’intérêt des parties. […]. Mais tout compromis se négocie, et la négociation qui exige comme préalable un respect mutuel des positions, ne peut, ni prospérer sur une base asymétrique des moyens, ni s’opérer entre un original et sa photocopie ».

Tchakounté Kemayou 


Brésil 2014 – Jusqu’à la lie…

L’orgueil est le chef tyrannique des principaux vices, c’est-à-dire de ces vices d’où en découlent une multitude d’autres. Chez les Brésiliens, l’orgueil est prépondérant. Ils ont obéi à l’orgueil hâtif et se heurtent donc à laVox Populi, qui chez eux aussi pays très superstitieux dit souvent et volontiers « jamais 2 sans 3 ». Ils sont donc avertis et leur premier adversaire est décidément eux-mêmes. Pourtant, les Brésiliens qui dans la version du portugais qu’ils parlent ont maintenu la construction des expressions savantes, fidèle au latin devraient savoir communier avec des sages tel que Jean de La Bruyère pour qui « Le voile de la modestie couvre le mérite, et le masque de l’hypocrisie cache la malignité ». Ils ont laissé libre cours à l’instinct de gourer leur propre public deux fois en peu de jours avec un paravent. Le Brésil a fini par montrer sa médiocrité.

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Mougoué Mathias Lionking, en pleine action.
Crédit photo: M.M.Lionking

Point de surprise de voir donc les Pays-Bas magistralement conduits par « Beep Beep Robben » le 12 juillet 2014 finir 3e du Mondial devant le Brésil (3-0). Les Auriverde ne se sont pas du tout remis de la gifle reçue contre l’Allemagne. Ils pensaient plus à comment se situer pour le match contre l’Argentine aux côtés des Allemands. Curieux acteurs qui s’auto-éduquent comme fans de leurs bourreaux, mais c’est aussi ça le Mondial quand toutes les cartes sur la table n’ont pas été conjuguées au tracé de la carte du terrain.

Match de classement du Mondial Brésil-Pays-Bas : 0-3. Buts : Van Persie (3e minute), Blind (16e minute), Janmaat (90e minute). Je vois Zidane sourire en 1998 et quelqu’un se souvenir qu’en match officiel le Brésil n’a jamais battu la France de son histoire par exemple.

Les Hollandais jouent un match assez timide, mais ne renoncent pas à bastonner un enfant déjà à moitié déculotté à sa deuxième bêtise en 5 jours. Le Brésil a rendu son honneur en voyant « sa » Coupe du monde commencer à prendre le chemin de l’Europe quand le sélectionneur Scolari, critiqué à raison pour ses choix tactiques tout au long du tournoi, décidait de sortir quelques éléments jugés parasites de son onze de départ. Exit les Fred, Hulk, ou encore Marcelo qui avait été si friable sur son côté gauche en demi-finale. Le retour de Thiago Silva dans la défense, aux trois-quarts parisienne avec la présence de Maxwell et David Luiz, ne suffit pas à stabiliser l’arrière-garde brésilienne.

Après seulement deux minutes de jeu, David Luiz est battu dans un duel aérien par Van Persie qui lance Robben dans la profondeur. En retard et mis dans la position du Coyote derrière l’autruche, le charismatique capitaine Thiago Silva se rend coupable d’une faute en tant que dernier défenseur. L’arbitre, l’excellent algérien, M. Haimoudi, n’avertit le défenseur parisien que d’un carton jaune quand le rouge semblait de mise. Il est bon psychologue et justement, avec beaucoup de personnalité, il désigne le point de penalty, pour une faute  juste à l’entrée de la surface donne faculté de choisir comment la punir. Van Persie s’en charge et convertit la sentence d’une frappe sèche croisée,  à la bonne hauteur (0-1, 3e minute). C’est sa façon de montrer qu’il existe toujours, vu que même son brassard ne lui a pas garanti de finir tous les matchs, son rendement s’étant limité à quelques buts spectaculaires. Les Pays-Bas sont lancés et les souvenirs du cauchemar vécu face à l’Allemagne commencent déjà à ressurgir côté brésilien.

Les joueurs de Van Gaal, privés de leur meneur de jeu Wesley Sneijder stoïque au point de se donner à fond dans l’échauffement, mais qui a ressenti une pointe à la cuisse avant le match, déroulent leur jeu sans le moindre mal. Son remplaçant, Jonathan de Guzman, se dit qu’il faut bien qu’on sache qu’il a du talent à la 15e minute. Légèrement hors-jeu, il a l’instinct astucieux d’un bon centre depuis l’aile droite que David Luiz dégage en plein axe, confus et c’est le châtiment qu’il voit venir qui se matérialise. Daley Blind, le fils du légendaire Dany Blinbd capitaine de l’Ajax de Louis Van Gaal qui domina la seconde moitié des années 90 en Europe assis sur le banc comme collaborateur technique remercie et enfonce le clou. (0-2, 16e).

La scène apocalyptique se vit d’abord comme un stress psychique tactique et technique pour l’équipe de Felipão Scolari, citoyen italien depuis 2002, puisque sa famille a ses origines sous la coupole de Rome. Le manque criant d’une alternative à Neymar dans le schéma offensif des hommes en jaune est édifiant. Pourtant, j’insiste, lui déjà n’est pas Pelé et l’alibi de l’absence de Thiago Silva en demi-finale ne tient pas. Il est bien là ce soir. Assis sur le banc de touche, Neymar le milieu offensif du Barça observe ses coéquipiers en se disant que rester dans sa chambre d’hôpital sans jouer les héros sympathiques aurait été bien mieux. Oscar tente de secouer souvent les siens, mais ça manque de mordant à l’avant, où Jô est porté disparu. Les Pays-Bas retournent au vestiaire avec deux buts d’avance.

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Belle illustration prise dans un forum Facebook

En seconde période, le Brésil se meut davantage avec l’insertion de Fernandinho puis du « prophète » Herna ès dans l’entrejeu. C’est pourtant Robben qui d’une frappe croisée à la cinquantième donne l’idée de ce que doit faire un joueur pour marquer la compétition. À la 68e minute, Oscar peut obtenir un penalty, mais est finalement averti pour simulation. C’est l’arbitre qui use bien de son sens salomonien. Rien ne sourit aux joueurs de Scolari. Il faut dire qu’ils n’y mettent pas de brio non plus dans la surface adverse. L’entrée de Hulk ne change rien au destin du Brésil dans cette compétition. Le contraire aurait bien étonné. Sa place c’est dans les magazines pour femmes fans de physiques d’haltérophiles. C’est même Robben qui s’échappe à deux reprises et manque d’obtenir un penalty à la 83e minute. Il aurait été judicieux, mais l’arbitre africain maîtrise son sujet comme son sifflet.

Dans le temps additionnel, l’immense ailier du Bayern prouve que c’est justement le coup de sifflet final qui sanctionne la fin d’un match même si comme le Brésil on a hâte de filer sous la douche se laver des houements de son public. Il décale pour Janmaat qui sert un centre chirurgical au capitaine du PSV Eindhoven, Wijnaldum entré plus tôt. Le verre est bu jusqu’à la lie et l’humiliation est complète pour le Brésil qui reste dans son pays, mais quitte la compétition la queue entre les jambes, bien loin des rêves de gloire qui avaient bercé tout un peuple depuis quelques mois. Pourtant, comme les Camerounais, tous savaient ! Étant donné que la troisième place rapportait 180 millions d’euros… Que ceux qui pensent que les « tulipes » auraient dû laisser le Brésil, aillent eux-mêmes trouver cet ARGENT à dépenser dans un acte de générosité aux Brésiliens… Personne ne s’est autant apitoyé sur le sort de l’Afrique du Sud il y a 4 ans pourtant si on enlève aux Brésiliens les coups de pouce des arbitres au premier tour, on découvre que le niveau de leur équipe est à peu près celui des Sud-Africains qui en passant avaient aussi un entraîneur brésilien… Je vais personnellement à la Coupe du monde depuis 16 ans et je n’ai pas encore vu le niveau d’organisation et d’implication populaire qu’il y avait en Afrique du Sud…

Ce n’est pas ce qui empêchera le Brésil plus amoureux du foot que fair-play, moqueur, mais pas forcément auto-ironique de se ranger du côté de ceux qui leur avaient imparti une leçon à sept étoiles pour clôturer la fête du football à leur manière, en affrontant des gradins et devant le téléviseur l’Argentine. Comme dit Alphonse Esquiros dans « Les vierges sages » (chose rare au Brésil de notre âge). La modestie est le voile naturel de la beauté. L’Allemagne est arrivée ambitieuse sans être ni prétentieuse ou présomptueuse. Elle s’en retrouve somptueuse en s’encastrant à la perfection dans le pronostic du coach Lippi, qui conduit l’Italie au sacre de 2006 en Allemagne justement avant de prendre la raclée qui punit son arrogance en Afrique du Sud en 2006. Il s’y connaît très bien donc et avait à sa façon mis en garde les Brésiliens. Ceux-ci n’ont même pas besoin d’attendre que l’Allemagne se rende sympathique outre mesure en arborant le même maillot avec lequel ils ont imposé au Brésil sa déconfiture. C’est à peu près le maillot du flamenco dont on joue dans l’arène et les fans brésiliens donnent un coup de main à l’Allemagne en se chargeant tous seuls de le porter.

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Belle illustration sur Photoshop

Finale de la Coupe du monde 2014, Allemagne-Argentine : 1-0. But : Gotze (113e). Face à une Argentine pas trop belle, mais tenace, l’Allemagne a dû attendre les prolongations pour faire la différence. Les matchs de finale sont parfois l’antithèse de la beauté et du dynamisme dans un scénario où chacun est prudent et obéit à la peur du « quitte ou double ». Le remplaçant de luxe Mario Götze propulsait les siens au firmament à la 113e minute. Au bout du suspense, l’Allemagne a décroché une quatrième Coupe du monde après prolongations sur une action velouté de Mario Götze, gladiateur fier, pas à son premier coup d’essai dans cette compétition.

Les Argentins sont en supériorité numérique autour de la pelouse avec un Maracaña bourré de supporters de l’Albiceleste. En plus de 30 000 déjà présents, j’ai eu vent de 100 000 fraichement arrivés pour ne pas regretter de n’avoir pas vécu l’événement dans le voisinage. 50 000 de ceux-ci regarderont la finale dans les places de Rio, sur écran géant, pas trop mal non plus. L’ambiance Des Coupes du monde est magique même hors des stades et parfois même mieux. La Mannschaft a peut-être souffert de l’absence de Sami Khedira, blessé à l’échauffement et remplacé par Christoph Kramer. Pas de pot, le joueur du Borussia Monchengladbach se heurte au terrible coup d’épaule de Garay au quart d’heure de jeu, alors que son équipe s’empare de l’administration de la partie. Les plus grosses occasions sont sans surprises allemandes et six minutes plus tard, une mauvaise remise en retrait de Toni Kroos permet à Higuain de se présenter seul face à Manuel Neuer. Seuls les entreprenants finissent par travailler pour les attentistes. Frappe instantanée du joueur de Naples à qui malheureusement les Shamans qui concoctent le Yerba Màté qu’aucun Argentin ne rate de boire le matin n’aveint promis qu’un but. Petite mesure avec laquelle l’Argentine a souvent avancé dans ce Mondial plus conduite par Di Maria que guidée par le sauveur proclamé par anticipation d’onction Messi.

Le tir qui ne trouve même pas le cadre. Le ballon avait été promis à une aficionada dans les tribunes. Chacun a son Mondial. Premier raté (si on veut) d’une longue série donc. Lionel Messi, dont on attend le grand Réveil qui le portera au niveau de Diego Maradona, se montre par intermittence. Sa voiture n’avance qu’avec les clignotants, jamais les pleins phares dans une nuit où on a avancé le match par rapport à la veille pour qu’il bénéficie de plus de temps de lumière naturelle et d’énergie solaire on espérait, pour justifier le gros cadeau que le marketing avait déjà programmé pour lui. Son décalage pour Lavezzi à la demi-heure de jeu permet à l’entreprenant ailier du PSG de placer un retrait pour Higuain, tout seul dans la surface. Sa reprise croisée est parfaite et trompe Neuer, mais le natif de Brest, parti célébrer son but, ne voit pas l’arbitre-assistant signaler sa position de hors-jeu. Il est abonné depuis les demi-finales aux célébrations d’illusion de buts qu’il se procure plus que de finalisations vraies. Après une réaction allemande par Schürrle, Messi cherche dans ses godasses les clés de l’ouverture du score. Mais la porte obéit seulement aux cartes magnétiques personnalisées sur le toucher tactile de Neuer. La percée côté droit manque de prendre Neuer à revers, ce qui n’empêche pas la cuirassée Werhrmacht de conserver sa concentration, malgré ces fulgurances. Les teutons restent réguliers dans le jeu. Ils manquent d’ouvrir le score en toute fin de première période, d’abord par Kroos à la 43e puis surtout par Howedes dont la tête heurte le poteau fait de la même matière que son crâne je crois une minute plus tard.

Le rideau se lève sur le second acte en naturellement plus enlevé. Ce sont les 45 minutes du va-tout ! Lavezzi contrairement aux parties précédentes est curieusement remplacé dès la pause par Sergio Aguero, pourtant diminué et qui n’aura pas eu l’impact souhaité sur la partie. Peut-être les efforts aux quarts et demi-finales ont été trop dispendieux pour le Parisien Pocho de la Pampa. Messi à la 48e se distingue encore mais n’est pas aidé par la maladresse de ses coéquipiers. Le pauvre… Quand il peut, personne ne se meut. C’est donc pour ça qu’il gagne un titre seul. Le sort du match est suspendu, les Argentins ayant bien compris la manière de verrouiller derrière. Mais ce n’est pas là qu’on gagne. Si jamais on retarde le moment de perdre. Comme ils l’ont démontré devant la Suisse avant de trembler contre la Belgique qui pense tout le contraire. Tout peut pourtant changer à l’heure de jeu lorsque Neuer vrai libéro de la Mannschaft percute maladroitement Higuain tout en boxant le ballon de la main, à la limite de la surface. Cela aurait pu être un penalty, ou un carton rouge. M. Rizzoli assez complice des Argentins aux quarts devant la Belgique. Ici il ne dit mot. Le tempo manque d’électricité, mais les occasions sont toujours plus nettes. Müller à la 71e puis Howedes à la 80e minute peuvent enfin débloquer le compteur, mais le score a choisi de rester muet.

Les Argentins jouent leur deuxième prolongation consécutive, après celle face aux Hollandais en demi-finale. L’histoire de cette Coupe du monde a montré que c’est comme ça qu’elle décide l’équipe qui perdra la partie en cours. Deux matchs prolongés de suite, tu sors à la seconde. Demandez au Costa Rica et à la Hollande. Le nouvel entrant Rodrigo Palacio rate l’avantage, faisant montre de ses habituels contrôles orientés et approximatif du championnat italien. Justement les Italiens avec moi en profitent pour maudire le coach de n’avoir pas convoqué Tevez. 70 % des Argentins ont du sang italien parmi leur ascendance. Messi, Lavezzi ou Di Maria ne diraient pas le contraire. Carlos Tevez se retourne dans sa tombe dont on ne sait si elle est au Brésil, à Buenos Aires ou Turin. Les deux équipes souffrent, mais personne ne veut abandonner. Schweinsteiger est victime de nombreuses fautes, mais retourne à chaque fois au charbon. On sait que son nom fait allusion au cochon, viande star de son pays, mais il a 7 vies de chat. Alors, à la 113e minute vient la délivrance.

Les chrétiens comprennent que pour avoir un pape la loi prévoit que l’ancien meure… Non. Le pape argentin ne croit que maintenant que le pape allemand lui a donné un jouet mais pas le pouvoir comme cadeau. C’est sa prière que Dieu entend puisqu’il n’est pas mort. Avec une action menée par deux joueurs entrés en cours de match. André Schürrle, entré à la place de Kramer au quart d’heure de jeu, déborde et centre pour Mario Götze, qui a pris la place de Klose, rassasié à 36 ans d’une compétition dont il est le meilleur buteur de l’Histoire. Nous jouons la fin du temps réglementaire. Le contrôle de la poitrine enchaîné d’une reprise du pied gauche de Götze est superbe et envoie l’Allemagne au paradis. Ils ont eu le courage avant tout de bien déclarer qu’ils avaient prévu une fête en donnant la date au Brandenburger Tor. Pour eux, être l’équipe la plus constante de l’histoire de la Coupe du monde était déjà une victoire. Pas moins de 14 demi-finales sur 18 et 4 trophées. Si les Argentins n’ont pas démérité, les individualités auraient eu tort de dicter raison devant l’équipe, le groupe, chose que le rusé Löw sait bien gérer et avec stratégie. Le pauvre Di Maria, cantonné au banc des remplaçants pour blessure, est le plus déçu de tous. C’était lui le fuel des albiceleste dont le sacre était attendu des abords de la Patagonie aux extrémités de la Terre de Feu… Au bout des prolongations, le rêve d’un peuple s’envole, celui d’un autre s’embrase dans le temple du football…

La chance n’aide que les audacieux dit-on et l’Allemagne au fil des matchs a légitimé ce qu’aujourd’hui la critique ne peut lui arracher… En plus elle jouait contre l’Argentine et les plus contents ici au Brésil sont les locaux! La liesse est des Brésiliens qui pourront toujours se payer la tête des Argentins au son de « Pelé est plus grand que Maradona ». Ils n’auraient pas toléré que le temple de leur football soit profané par les voisins rivaux et permettent ainsi que l’Allemagne enfreigne un tabou : celui de la première sélection européenne à gagner un Mondial en Amérique latine ou d’ordinaire ce ne sont que le Sud-Américains qui gagnent et cela n’a pas suffi comme alibi aux Brésiliens pour se ranger du côté des Argentins et préserver l’exclusivité de l’Amérique latine.

Robben a sûrement lu « Observations Morales » d’Adrien Destailleur pour savoir que , « La modestie ne consiste pas précisément à ignorer son mérite, mais à ne pas s’en glorifier » d’autant qu’il ajoute, « La modestie est au mérite ce que la pudeur est à la beauté ». S’il ne l’a pas fait, son attitude l’a réécrit, balle au pied. Robben pendant le match fait même dire à son collaborateur : « Quel joueur, quelle énergie, quelle volonté… Quelle technique et quelle course à son âge » avant de s’étonner quand je lui dis que Robben, la star des « Oranges » n’a que 30 ans. Sacré joueur quand même ! Il est clair que pour que Messi gagne le trophée de meilleur joueur il faut qu’on décide que Robben est un nain de jardin qui es resté en Hollande jouer dans l’arrière-cour de sa grand-mère pendant que les autres jouaient le Mondial au Brésil.

Ceux qui ne sont jamais arrivés au Brésil ce sont les ex-Lions indomptables. Autrement ils auraient trouvé le Lion King et appris qu’il faut toujours oser…

Mougoué Mathias Lionking


La montée du jihad en Afrique dans un contexte de pluralisme religieux

« Un islamiste est certainement un musulman, mais un musulman n’est pas forcément un islamiste ». C’est par cette petite boutade que j’aimerais attirer l’attention de beaucoup de lecteurs qui pensent malheureusement que la pensée islamiste peut et doit être confondue à la religion musulmane. Certains pensent aussi que la différence entre les deux peut résider dans la pratique de la religion musulmane, en ce sens que les islamistes sont plus pratiquants et plus respectueux des lois coraniques et que les musulmans le sont moins. C’est donc tout simplement des balivernes. Ces préjugés sur la religion font des musulmans des victimes à la fois des terroristes supposés ou non islamistes et des non-musulmans. Mais, à la base se trouve la question de la civilisation. Après avoir lu quelques écrits, embryonnaires soient-ils, expliquant la pensée islamiste, je me rends compte à l’évidence que le combat des islamistes aujourd’hui est presque ou même très semblable à celui que les peuples ont connu lors de la pénétration occidentale en Afrique et ailleurs. La résistance des peuples contre l’occupation extérieure, à cette époque, était toute légitime compte tenu du fait que, moralement, aucun autre peuple n’avait le droit de venir s’approprier des territoires qui ne lui appartiennent pas. Par la suite, ce droit est devenu caduc par le droit à la civilisation des peuples à qui les Occidentaux ont tôt fait d’apporter plus principalement les langues (français, anglais, etc.) et les religions (plus principalement la religion chrétienne et la religion musulmane) d’origine non africaine sous le simple prétexte que les Africains étaient des barbares et ne connaissent pas Dieu. La question qu’on pourrait se poser est celle de savoir comment les islamistes en Afrique disent défendre l’intérêt du peuple africain en luttant contre la civilisation occidentale et en imposant une autre qui n’est pas elle aussi d’origine africaine ? En d’autres termes, le jihad a-t-il sa place en Afrique ?

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« Religions chrétienne, musulmane et traditionnelle cohabitent en Afrique. Cette mixité a eu des effets de cohésion sociale dans certains pays, tandis que dans d’autres cela a contribué à la fracturation de la société » (https://www.ledevoir.com/)
Crédit photo: Agence France-Presse (photo) Sia Kambou

Qu’est-ce que le jihad ?

J’aimerais d’abord dire ici que l’on ne peut pas parler du jihad sans faire allusion aux termes de fondamentalisme, d’intégrisme, de salafisme et d’islamisme. En fait ces concepts, dans leurs différentes assertions, renvoient à un retour et au respect de la tradition religieuse, un retour aux sources et aux origines. Le jihad est donc cette forme de pression, de répression, de violence exercée sur celui qui refuse et empêche le peuple dans le respect des pratiques religieuses comme le Coran le souligne. Une sorte de légitime défense, donc. Le jihad tel qu’il est pratiqué aujourd’hui reste quand même interrogateur pour deux raisons : cette façon d’exercer la violence sur autrui au nom des principes divins et la violence faite sur des civils, donc des innocents sont-elles légitimes ? Faisons un tour dans un article intitulé “Recollecting the Spirit of Jihad,” dans Islam, Fundamentalism and the Betrayal of Tradition, Edition Joseph Lumbard (Bloomington, IN: World Wisdom, 2004) pour avoir le cœur net. Selon le Dr Reza Shah-Kazemi, auteur de l’article et chercheur associé à l’Institut des études islamiques de Londres, tous les combats doivent être guidés en soi par les principes divins : « Si le combat de chacun est réellement pour Dieu, il doit être mené en Dieu, les moyens comme la fin doivent être définis par des principes divins, donc inclus dans la présence divine et inspirés par elle ». En d’autres termes, même si le mot arabe jihad signifie guerre sainte il est clair que les combats menés au nom des principes islamiques qui sont dirigés contre les innocents ne sont pas inspirés du Coran. Moralement, on pourrait concéder le jihad, selon la définition de Reza Shah-Kazemi, à toutes les religions dans la mesure où chaque religion, et pour aller plus loin, chaque civilisation doit lutter, doit se battre contre ses ennemis, contre ceux qui œuvrent pour sa destruction. Nous voyons donc qu’il ne s’agit pas seulement d’un principe religieux, mais d’un principe moral et éthique universellement acceptable pour la lutte contre la destruction de la nature humaine. Car personne ne peut accepter sa propre destruction. Reste maintenant la préoccupation qui est celle de savoir pourquoi ceux qui se revendiquent du jihad ont-ils tendance à imposer le fondamentalisme religieux par la force, comme pour dire que « l’enfer c’est les autres » ?

La problématique de la tolérance religieuse

D’une manière générale et cela doit être tenu pour vrai, à travers l’histoire des religions, une persécution active et systématique des juifs et des chrétiens sous autorité islamique est quasiment inconnue. Bien entendu, les attentats à la bombe et les enlèvements sur des civils sont le fait des personnes qui n’ont pour seul objectif que de semer la terreur pour des buts non orthodoxes au nom de l’islam. Il n’existe donc pas une hostilité au judaïsme inhérente à l’islam. Dans un contexte comme celui-ci, où une sorte de résurgence atavique de haine de l’Occident est en train de naître à travers l’opinion africaine, il est de bon ton de relever ce détail peu évident. A l’origine se trouve être l’opposition entre les musulmans et les juifs. L’antisémitisme, donc.  D’ailleurs, comme le note Bernard Lewis dans son ouvrage Juifs de l’Islam, un critique acerbe de l’islam, le phénomène de l’antisémitisme n’a absolument rien à voir avec l’islam. L’intolérance religieuse viendrait probablement d’une certaine vénération qui n’a rien à voir avec la croyance religieuse et donc les intérêts sont ailleurs. Même si au-delà de la religion les intérêts sociaux économiques sont en jeux, on ne saurait encourager le jihad sous cette forme. Car il faut le dire, la religion en soi ne pourrait se comprendre sans ramification avec le social, le politique, et l’économique. Il advient que les pratiques et les lois religieuses ont des incidences sur les différents pans de la société. Dans cette approche, la difficulté est de penser une société où une loi religieuse issue de l’islam implique toute la société entière et s’impose à tous. Comment concevoir donc une société dite « République » sans toutefois tenter de violer une loi religieuse islamique ? Où s’arrête et où commence la tolérance religieuse dans une communauté où différentes croyances religieuses s’entremêlent ? A mon avis, je pense que c’est à ce niveau que se pose le problème du jihad. Car, il se trouve que, l’avènement de la modernité et l’hégémonie occidentale, ou si l’on veut, de la mondialisation, a fait naître et mis en exergue les exacerbations des minorités, généralement celle religieuse. Si l’on prend pour principe que chaque peuple a sa civilisation et qu’un peuple a toujours un rattachement territorial, il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que chaque religion a sa sphère géographique. Selon ce principe, même les migrations et des échanges commerciaux internationaux ne sauraient mettre en doute le fondement selon lequel à chaque peuple doit correspondre à la fois sa civilisation et son territoire géographique. La colonisation à travers la religion et la mondialisation à travers le système économique par les multinationales, en sapant ce principe, sont venues réveiller cet esprit de haine contre ce que je pourrais appeler « l’occidentalisation de la société ». Du coup, à côté de ce jihad se sont formées des sortes de militantisme contre l’oppression, contre les pays colonisateurs à qui les Africains reprochent de ne pas vouloir quitter définitivement les pays du continent africain malgré les indépendances de ceux-ci. Les plus sceptiques sur la sincérité et la réalité de ces indépendances affirment que celles-ci ont été fabriquées de toute pièce. Conséquence, les Etats et les régimes politiques africains n’ont été que des sous-fifres des anciennes colonies qui continuent, malheureusement, à régner sur le continent. Cet esprit revanchard persiste jusqu’aujourd’hui à telle enseigne que ceux qui s’en revendiquent se font appeler les « panafricanistes » pour qui la religion doit être considérée comme l’un des pans sur lequel les Africains doivent s’affranchir car la religion est l’une des superstructures qui les lient aux ex-colonies. Chez les panafricanistes, il y a des minorités religieuses que je pourrais appeler traditionalistes (les adeptes des religions coutumières, religions des terroirs, aux cultes ancestraux et aux cultes de possession  qui revendiquent une fidélité à la Tradition) qui estiment pourtant que l’Afrique doit se battre pour reconquérir et renouer avec sa racine. Une sorte de fondamentalisme religieux, de jihad à la mode africaine. Ainsi, la confrontation des valeurs traditionnelles avec l’universalité des valeurs modernes et occidentales ont généré des nouveaux types de mouvements sociaux, politiques et culturels au sein de l’opinion africaine. Ce n’est qu’à partir de ce moment que l’esprit de militantisme et mouvements religieux prend son essor que ce soit chez les islamistes que chez les traditionalistes.

Le militantisme et les mouvements de la pensée religieuse

Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du militantisme et du mouvement de la pensée religieuse ici je m’évertuerai à montrer les enjeux des manifestations qui existent entre le militantisme religieux dans la pensée islamiste et les mouvements religieux dans la pensée traditionaliste africaine. Les querelles actuelles qui existent et qui opposent ces deux courants et les tenants de la pensée occidentale sont le fait que les sociétés et les communautés africaines acceptent la technologie occidentale et refusent en même temps d’intégrer les valeurs et l’éthique occidentale au nom des valeurs dites africaines. Le conflit entre ces deux courants de la pensée (africaine et ocidentale) et la difficulté de trouver un conciliabule entraînera l’exacerbation et la canalisation des discours rebelle et révolutionnaire anti-occidental, un discours idéologique combattant plus présent chez les islamistes. Le discours traditionnaliste va même jusqu’à « réveiller » la conscience des Africains pour leur « révéler » que l’Afrique étant le berceau de l’Humanité ne pourrait être que le parent géniteur de la technologie moderne. Et par conséquent, les valeurs de la société moderne n’ont pas de place en Afrique. Autrement dit, l’Afrique a ses propres valeurs à promouvoir et elles sont non négociables. Je n’aimerais pas revenir ici sur le débat philosophique concernant l’universalité des valeurs défendues par les spécialistes de l’éthique. Le militantisme religieux ici consiste donc, aux différents courants de la pensée religieuse exerçant en Afrique, à exercer la pression et la répression afin de faire prévaloir leurs idéologies. A l’heure actuelle, je distingue deux mouvements religieux qui ne se ressemblent pas, ont des idéologies différentes et divergentes, je dirais même antagonistes, mais ont un même objectif à travers le continent : la pensée islamique (l’islamisme) et la pensée traditionnelle africaine (le khémitisme) que je compare ici, à tort ou à raison, à l’égyptologie.

L’expansion de la civilisation occidentale va jalonner toute l’histoire des civilisations en Afrique, de telle sorte que les conflits d’intérêts vont surgir pour remettre à l’ordre du jour et remettre en cause cette tendance hégémonique occidentale voulant établir une idéologie universelle appelée « Pensée unique ». C’est dans cette posture que les deux pensées religieuses placent leur objectif de combat : mettre en déroute l’expansion de la civilisation occidentale. Pour y arriver, les méthodes ne sont pas les mêmes puisqu’elles se différencient par leurs idéologies. Ces mouvements militants vont donc se manifester de différentes manières. Selon Terje Ostebo, professeur adjoint au Centre d’études africaines et au Département des religions, à l’université de Floride, dans un article intitulé « Le militantisme islamique en Afrique », fait la distinction entre « Le militantisme islamique » et « les mouvements islamiques ». Le militantisme islamique utilisera le jihad comme mode d’expression pour faire passer son message tandis que « Les mouvements islamiques veulent induire un changement politique par des moyens pacifiques ou promouvoir des réformes de nature religieuse par l’intermédiaire de l’éducation et de la da’wa (prosélytisme), par exemple. Il faut également remarquer que le militantisme islamique est le reflet d’un point de vue minoritaire au sein des diverses idéologies islamiques ». Des groupes et mouvements musulmans que je vous ai présentés au précédent billet illustrent bien cette définition et cette différence du point de vue pratique en ce sens qu’ils se définissent par la violence en se fondant sur les préférences religieuses pour faire appliquer les normes religieuses, sociales et politiques. Le pire est-il déjà arrivé ou à craindre en Afrique ? Selon William Assanvo dans un article intitulé « Etat de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest » publié en 2012, au regard de l’actualité que nous vivons actuellement, « L’Afrique est l’une des régions du monde qui connaît une évolution constante de la menace terroriste ». Ce constat est fortement illustré par les rapports annuels du Département d’Etat américain sur le terrorisme dans le monde. Selon les statistiques du « Country Reports on terrorism  2013 », le rapport affirme qu’il y a eu, en 2012 pas moins de  6.771 attaques terroristes, avec plus de 11.000 morts et plus de 21.600 blessés et en 2013, c’est 9.707 attaques terroristes dans le monde, culminant en la mort de plus de 17.800 personnes et plus de 32.500 blessés. Ainsi les pays les plus touchés en Afrique sont la Somalie, le Kenya, le Mali et le Nigeria. A côté de la théorie de la violence prônée par l’islamisme, nous avons de l’autre côté la pensée khémite qui s’exerce par les moyens pacifiques.

Tout comme la Grèce Antique pour l’Europe, l’Égypte Antique est la base de toutes les traditions africaines actuelles. Conséquences, les religions africaines modernes découleraient automatiquement de la religion africaine antique, dont le vaudou, le bwiti, etc. Voilà la logique épistémologique et heuristique que les tenants de la pensée religieuse traditionnelle africaine utilisent pour faire adhérer les Africains à leur cause. Pour eux, le jihad (La guerre sainte) doit se faire par la conscientisation, l’éducation des masses. Sans entrer dans les détails de leurs stratégies et techniques de combat contre ce que j’ai appelé ici « l’occidentalisation de la société africaine », il faut distinguer deux courants du khémitisme qui existent actuellement et font parler d’eux. Il s’agit du mouvement néo-paganiste, et du mouvement panafricain. Le khémitisme panafricain trouve sa source à la fois dans la tradition des peuples Africains et dans les travaux de l’historiens et anthropologue Cheikh Anta Diop. Cette tendance se caractérise par des revendications politiques et compte y parvenir à travers des campagnes de sensibilisations. Par exemple, au Cameroun, le Professeur Grégoire Biyogo, chaire de philosophie à l’Université de Paris-Sorbonne, a fait des cours magistraux, des séminaires doctoraux dans les universités de Yaoundé et de Douala où l’occasion lui a été donné de monter justement aux jeunes chercheurs qu’il est temps de présenter l’Afrique comme référence dans leurs travaux scientifiques. Pour ce courant, il y a un lien entre la culture africaine et la culture égyptienne et les revendications politiques et spirituelles sont indissociables. Puisque les lois religieuses ont des influences automatiques sur l’ensemble de la société. C’est la raison pour laquelle le mouvement panafricain organise leur argumentaire autour du système politique et du régime gouvernant défaillant pour légitimer sa théorie en espérant canaliser les esprits et les consciences sur la nécessité de changer de paradigme dans la vision du monde. Le mouvement néo-paganiste, par contre, se contente de mettre l’accent sur la spiritualité tout-court. Au vue donc de tout ce qui précède en matière de militantisme et de mouvements religieux en Afrique, nous sommes en droit de nous poser véritablement la question sur les raisons de cette résurgence, pour le moins brutal, de cette volonté à couper le pont, pour le dire ainsi, avec les puissances occidentales.

Facteurs propices au développement du militantisme et des mouvements religieux

Logiquement ici, il serait très maladroit de penser que le politique n’a rien à voir avec la crise religieuse, si je peux l’appeler ainsi, qui sévit en Afrique. A l’origine de la crise se trouve être l’opposition non seulement de l’universalisation de la modernité, mais aussi de la légitimité voire la légalité du pouvoir politique en place dans chacun des pays Africains où le régime politique est contesté. Cette opposition existe depuis 1970 au Etats-Unis, année où le khémitisme fut créé et depuis les années 1980 qui a vu la création d’Al-Ittihad Al-Islami (Union islamique), qui a étendu ses opérations militaires au début des années 1990 et qui a disparu en 1996 et a donné naissance à Al Shabaab (Shebab). Voilà sur le plan historique comment on peut situer le militantisme et les mouvements religieux. Schématiquement, ces courants de la pensée religieuse naissent après les indépendances des pays africains qui ont connus la colonisation. Je ne reviendrais pas ici non plus sur les conditions dans lesquelles ces pays ont connu leur indépendance. Ce qu’il faut juste savoir, pour bien comprendre mon propos ici, c’est que les Etats Africains n’ont pas été créé dans les conditions qui ne souffrent d’aucune légitimité. Ce qui est paradoxal par contre, c’est que les Etats ainsi créés se voient dirigés par les personnes qui étaient pourtant contre cette indépendance et qui estimaient que les Africains n’étaient pas prêts pour gérer un Etat. C’est avec raison que certains analystes ont pensé que ces chefs d’Etats n’étaient pas là pour l’intérêt des Africains. Ainsi, ayant donc pris le pouvoir dans ces conditions, ils avaient en face des oppositions dites nationalistes considérées comme « des subversives » et plus tard « des rebelles » et qui ne leur faisaient pas de cadeaux. Ils devaient logiquement combattre ces nationalistes pour espérer gouverner dans la quiétude. C’est l’avènement de la dictature et du totalitarisme. Cette dictature qui persiste jusqu’à nos jours fait monter la colère des africains face aux conséquences des défaillances étatiques ou de l’absence d’Etat qui ont très souvent été aggravées par des déficits de la gouvernance politique, économique et sécuritaire. Sous le plan politique, cette faillite de l’Etat, peut vraisemblablement se manifester par des systèmes politiques faillibles parce que faibles, ne reposant pas sur la base d’un consensus. Les principes et les valeurs de respect des principes démocratiques, de bonne gouvernance et de l’état de droit, ou encore se caractérisant par une démocratie de façade n’ont et ne sont jamais une préoccupation de ces nouveaux dirigeants plus prompts à se battre pour la conservation de leur pouvoir. Les pays sont noyés une corruption généralisée et criarde. Du coup, un grand nombre de secteur de ces Etats sont affectés et sinistrés. Malheureusement pour les populations, ce sont les secteurs les plus sensibles qui sont particulièrement touchés à savoir : le système de défense et de sécurité. Conséquences, ces Etas sont incapables de remplir de manière effective et efficace leurs missions fondamentales et vitales. Autres conséquences, les systèmes éducatifs, sanitaires, socioéconomiques sans oublier le chômage, tous considérés comme les besoins de base des populations n’ont jamais été penser. Cet état des lieux a généré des situations se traduisant par un sentiment de négligence et d’abandon. Ce sentiment a à son tour généré des minorités diverses et désespérées. Outre le recours aux organisations humanitaires (au gré des crises alimentaires ou sanitaires), le développement de dispositifs de solidarités religieuses ou claniques est devenu le lot quotidien des populations qui ne jure que par des dons. Cet état de pauvreté et de clochardisation a fait de cette population un bétail électoral qui n’est important que pour servir d’appât. Dans certains cas, et c’est le plus grave dans tout ça, cet état de dénuement a aussi amené les populations à accepter même ce qui est dangereux pour sa survie, comme celui d’être à la merci des forces criminelles ou islamistes. Ces organisation criminelles sont généralement bien inspirées et profitent pour gagner à leur cause les plus démunies et désœuvrés afin de bénéficier de soutiens locaux au sein des communautés.

Tchakounté Kemayou 


La montée du jihad en Afrique : le top 10 des groupes islamistes

Le continent Africain est, depuis plus de deux décennies, confronté aux jouxtes  des mouvements islamiques dits révolutionnaires. Les pays comme la Somalie, le Mali, le Kenya, l’Algérie, le Nigéria et le Cameroun, pour ne citer que ceux-là, continuent de subir les frasques de la sauvagerie des groupuscules de gens, surtout de jeunes adolescents, qui se revendiquent d’une nouvelle vision du monde par le respect de la Charia. Puissamment armés ces groupes ont généralement pour cible le gouvernement, l’équipe dirigeante. La bataille entre les deux camps (groupes d’insurgés d’une part et l’autorité gouvernementale de chaque pays d’autre part) se manifeste par des attentats terroristes suicides à la bombe, des sites historiques sacrés détruits et des centaines de milliers de civils déplacés et enlevés. Au fur et à mesure que le temps passe, la capacité de ces groupes islamiques à diviser les pays pour finalement s’emparer de vastes territoires a fini par céder la place à une instabilité politique à telle enseigne que la perspective de l’émergence d’un militantisme islamique et d’une exacerbation des tensions dans le reste du continent est devenue très préoccupante. Le sommet de l’Union Africaine (UA) tenue à la fin de la semaine dernière à Malabo en est une illustration palpable. La question sur l’objectif de ces groupes islamiques ne se pose plus puisque l’application de la Charia est leur leitmotiv. Reste alors la question de savoir, qui a intérêt à ce que la Charia s’applique ? Pour aller plus loin, la religion peut-elle être une raison suffisante pour mobiliser autant d’énergie en vue d’imposer au monde leur volonté par la force ? D’où alors la question : Qui se cacherait derrière ces groupes terroristes ? Pour mieux saisir cette problématique trop complexe dont ce cadre n’est pas approprié, je me propose de mettre en exergue ici la question du militantisme islamique en Afrique. J’entends par militantisme ici une nouvelle forme ou une résurgence d’une vision du monde face à l’incapacité des idéologies dominantes à gérer les questions fondamentales de la justice sociale. Avant d’y répondre dans le deuxième billet, je vous propose de revisiter un panorama de 10 groupes islamiques non exhaustifs et très importants pour comprendre la suite.

Des combattants shebab au sud de Mogadiscio, le 5 septembre 2010. (Photo Feisal Omar. Reuters)
Des combattants shebab au sud de Mogadiscio, le 5 septembre 2010. (Photo Feisal Omar. Reuters)

1. Boko Haram (Nigéria)

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Crédit Photo: www.solarnews.ph

Né en 2002 au Nigéria, pays de plus de 160 millions d’habitants, ce groupe terroriste, basé principalement au Nord-Est, est alors composé de simples étudiants dont l’idéologie principale était tout naturellement : le rejet « d’un enseignement perverti par l’Occidentalisation ». Ainsi, Boko Haram se définit comme d’un Peuple engagé dans la propagation de l’enseignement du Prophète et du jihad. Le leader spirituel, Mohammed Yusuf, est l’incarnation même de cette pensée idéologique et Abubakar Shekau qui est le commandant de bord et qui font de ce groupe l’un des plus dangereux en Afrique par les Etats-Unis. Mohammed Yusuf c’était le gourou et le chouchou qui, en 2009, a été tué par la police nigériane. Après cette mort, c’est désormais le seul gourou Abubakar Shekau qui a durci le ton et qui dirige les opérations. Ce n’est qu’en ce moment-là que Boko Haram a changé son discours et son mode opératoire s’est transformé en attentats et en enlèvements sans oublier que son objectif est d’imposer la charia dans les 36 Etats du Nigéria où 12 Etats suivent déjà le pas.

2. Ansaru (Nigéria)

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Crédit photo: t0.gstatic.com

L’apparition officielle du groupe Ansaru remonte en juillet 2012. Le véritable nom du groupe est : « Jama’atu Ansarul Muslimina Fi Biladi Sudan » qui signifit : « L’avant-garde pour la protection des musulmans en Afrique noire ». Jeune groupe dirigé des mains de maître par le gourou et personnage encore méconnu du nom d’Abu Ussamata Al Ansari. Ansaru est un groupe dissident de Boko Haram. Comme un communiqué d’Ansaru l’indique lui-même, les deux groupes se battent pour un même objectif : « L’instauration d’un État islamique dans le nord du Nigeria et même dans l’ensemble des 36 Etats ». Si les objectifs sont les même, pourquoi alors cette scission avec le groupe-mère Boko Haram ? C’est encore ce même communiqué qui précise en ces termes : « Nous sommes engagés dans la même bataille, mais avec différents leaders ». Il faut quand même le préciser, les deux sont aussi différents de par leur idéologie car Ansaru est plus tolérant et moins radical que Boko Haram sur certains aspects de la spiritualité et de par leur idéologie jihadiste.

3. AQMI (Algérie)

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Crédit photo: mali-web.org

AQMI signifie : « Al-Qaida au Maghreb islamique ». Né en 2007 suite à l’intégration du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) au sein d’Al-Qaida d’Oussama Ben Laden. GSPC est donc GSPC un vieux groupe qui existe depuis 1998. Et depuis 2004, AQMI est dirigé par Abdelmalek Droukdal, alias Abou Moussab Abdelwadoud. L’objectif principal de ce groupe avait pour champ d’action le Vieux Continent (Europe). Incapable de conquérir un terrain inconnu, Abou Moussab Abdelwadoud s’est vu réservé l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie, du Tchad, du Mali, du Niger et du Nigeria, en bref de tout le Sahel et le Sahara. C’est donc un groupe qui peut agir partout puisqu’il est maintenant considéré comme la branche d’Al-Qaida pour l’Afrique maghrébine et de l’Ouest. Organisé autour de deux Katibas (Unités administratives et dirigeantes d’AQMI) qui sont dirigés par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbas, est également surnommé « Mister Marlboro » du fait de son implication dans la contrebande de cigarettes (La katiba de l’Ouest) et par Abid Hammadou, alias Abdel Hamid Abou Zeïd (La katiba de l’Est). La chute du régime de Mouammar Kadhafi est pour beaucoup dans l’implantation et la progression d’AQMI fin 2011. Bien structuré à partir de ce territoire, AQMI représente un danger et une menace pour l’ensemble de la région sahélienne, de la Mauritanie au Tchad en passant par l’Algérie et le Niger.

4. MUJAO (Mali)

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Crédit photo: idata.over-blog.com

Le Mouvement pour l’Unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Jamat Tawhid Wal Jihad Fi Garbi Afriqqiya) est né en 2011 d’une scission d’avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et est dirigé par le Touareg Ahmed Ould Amer. La dissidence a donc lieu pour deux raisons au moins : le désaccord sur le partage de butins des rançons des prises d’otages au sein de la branche saharienne d’AQMI d’une part, et d’autre part la concentration du leadership sur le seule territoire Algérien fait naître la volonté de créer un autre mouvement concentré sur l’Afrique de l’Ouest. Ce qui fait dire à certains analystes que le MUJAO est un sous-traitant d’AQMI créé pour opérer en Afrique de l’Ouest. En janvier 2012, un leader du groupe connu comme porte-parole, le nommé Hamma Ould Mohamed Kheyrou, alias Abou Qumqum, annonce les couleurs dans un enregistrement vidéo posté sur Internet, en dévoilant les objectifs de cette nouvelle entité à savoir : « Imposer la charia dans toute l’Afrique de l’ouest » et déclare, en passant, la guerre à la France et déclarant que l’un des objectifs est de «frapper le cœur de la France ».

5. Al Mouakaoun Be Dam (Algérie)

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La Katiba de l’Ouest, unité administrative d’AQMI qui est dirigé par Mokhtar Belmokhtar a créé, en 2012, un groupe dissident d’AQMI appelé Al Mouakaoun be dam et qui signifie : « Les signataires par le sang ». Certains analystes estiment même que c’est un simple changement de nom puisqu’il conserve sa propre structure : katiba (unité combattante) appelé les « Moulathamounes ». Le gourou leader de ce groupe a le mérite de donner à son mouvement une réputation personnelle et qui fait de lui un personnage mythique. Mokhtar Belmokhtar (MBM) – alias Khaled Abou El Abbas, « Le borgne » (il a perdu un œil en Afghanistan en 1991/Belaouer) ou Mister Marlboro – est né en 1972. Nanti d’une lourde expérience en Afghanistan, il rentre en Algérie en 1993 et rejoint les Groupes islamiques armés (GIA) afin de poursuivre le jihad contre les autorités algériennes et il lui est alors confié la responsabilité de la zone saharienne. Cette mythique personne ne laisse personne indifférent, même chez ses paires. MBM développe de nombreuses activités criminelles et fait passer le business (trafics, kidnappings, tueries, etc.) avant ses convictions politico-religieuses, ce que lui reproche régulièrement  la direction du GSPC, puis d’AQMI.

6. Ansar Eddine ou Ansar Dine (Mali)

MALI-POLITICS-UNREST
Crédit photo: www.lefigaro.fr

Né en 2012 vers le Nord du Mali, le groupe Ansar Eddine (défenseurs de l’Islam) est plus berbère qu’arabe, donc, les Touaregs islamiques. le noyau dur est constitué par la famille de la tribu des Ifoghas . Son dirigeant, Iyad Ag Ghaly, est considéré comme l’incarnation de l’aile le plus radical. Son objectif principal, c’est l’autonomie de l’Azawad (région du Nord-Mali) et son principal fiel est Kidal. C’est donc un groupe sécessionniste. Considéré comme le mouvement clé de la guerre du désert, Ansar Eddine est réputée pour sa stratégie du silence. Le gourou Iyad Ag Ghaly a plusieurs faits d’arme à savoir : a participé à la guerre au Liban contre Israël, aux opérations commandos contre l’armée tchadienne, a survécu à un bombardement de F-16, a échappé cent fois à la mort, etc. Iyad Ag Ghali est le fils d’un homme très pieux et maître de Kidal. Ce chef touareg a côtoyé les hommes de la Dawa au Niger, des piétistes pakistanais, des missionnaires du retour aux sources de l’islam. Comme tous les chefs conservateurs des tribus, il se désole de voir les jeunes Touaregs se livrer à la débauche, d’abandonner la morale traditionnelle, de s’abandonner à la déliquescence des mœurs et par ricochet perdre leur identité. Du coup, la formule magique pour le nouveau dévot est de croire que seule la charia peut lutter contre ces maux tels que : l’insécurité, le désordre et la corruption.

7. MNLA (Mali)

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Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) est créé en 2011 suite à l’intégration des Touaregs au Mouvement national de l’Azawad. Il serait quand même difficile de parler de MNLA sans faire allusion au colonel Mouammar Kadhafi. De son vivant, le colonel avait de très fortes ambitions dans les années 1970 : devenir le « Guide », non seulement de la « Grande Jamahiriya (République) arabe libyenne populaire et socialiste », mais aussi de toute l’Afrique entière. Ambitions justifiées quand même compte tenu du très flatteur potentiel pétrolier de la Lybie. Le colonel ne pouvait pas y parvenir sans une armée composée d’hommes solides et robustes. Il a donc ciblé les Touaregs qui sont un peuple réputé pour leur tradition de guerriers, qui sont minoritaires, qui ont été marginalisés par les pouvoirs centraux de leurs pays respectifs et pour toutes ces raisons, ont été pour la plupart intégrés l’armée libyenne. Le mariage de raison avec le colonel Kadhafi et les Touaregs va chavirer malheureusement au cours de 2011 lorsque le colonel sera combattu et tué par la France à travers la communauté internationale dans une guerre démarrées à Benghazi. Après la chute du colonel, ces soldats Touaregs prennent la fuite vers le Mali où ils trouvent sur place le Mouvement national de l’Azawad et décident de l’intégrer en changeant le nom. La particularité du MNLA est qu’il est un groupe qui a des positions idéologiques très ambigües.  Le fait qu’il soit laïc et à la fois proche d’Al-Qaïda est tout de même surprenant puisque ses hommes lutteront aux côtés d’Ansar Eddine et d’AQMI en janvier et en mars 2012 pour revendiquer l’indépendance du Nord du Mali et où les villes Maliennes comme Ménaka, Aguelhok, Tessalit, Kidal et Gao seront prises et aux côtés des troupes françaises et d’un contingent ouest-africain sous mandat onusien en janvier 2013.

8. Shebab (Somalie)

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Officiellement formé en 2006 et dirigé par Ahmed Abdi Godan alias Mukhtar Abu Zubair, le Shebab qui signifie « jeunes » en arabe (al-Shabaab, en référence à leur recrutement auprès de la jeunesse), est issu d’une insurrection contre les troupes éthiopiennes au secours de l’armée Somalienne pour renverser l’Union des Tribunaux Islamiques qui contrôlaient la capitale Mogadiscio. Cet échec contre les Shebab, ne démobilisera pas l’armée Somalienne qui, en plus de l’armée éthiopienne, recevra le soutien de la Force de l’Union africaine (Amisom) épaulée par les États-Unis en 2011. D’ailleurs, tous les pays qui ont participé à cette attaque de l’Amisom sont aujourd’hui menacés d’attentats et d’enlèvements par les Shebab, à l’exemple du Kenya, de l’Ouganda et de l’Ethiopie. Tandis qu’AQMI est la branche d’Al-Qaïda pour l’Afrique maghrébine et le MUJAO pour l’Afrique de l’Ouest, Le Shebab l’est pour l’Afrique de l’Est et il a été rallié à Al-Qaïda en février 2012. C’est leur capacité de nuire à grande échelle qui leur valut ce statut malgré leur repli en zone rurale après avoir été chassé de Mogadiscio par Amisom.

9. Katibat Ansar Al-Charia (Tunisie)

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Selon le site tunisie-secret.com, le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi est le vrai fondateur de cette organisation terroriste. Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh en devient le chef en mars 2011 après la révolution du Jasmin. Cette organisation a probablement été créée en janvier 2011 à Londres, officiellement après le retour de son fondateur en Tunisie. A la suite de la chute du colonel Mouammar Kadhafi en Libye, les enquêtes ne permettent pas d’identifier les auteurs des attaques du consulat américain de Benghazi que Ansar Al-Charia nie. Leur objectif : d’abord, instaurer un Etat islamique en Libye ; ensuite, imposer la charia comme seule et unique source de législation en Libye et enfin, que la justice applique la charia immédiatement. Pour y parvenir, Ansar Al-Charia adopte les mêmes stratégies que celles utilisées en Tunisie à savoir : la provocation, le spectaculaire et la médiatisation. La particularité du groupe Ansar Al-Charia est qu’il est composé de quelques centaines d’hommes seulement : de 200 à 300 personnes. Curieusement, ce groupe est tellement imposant que la stabilité et la paix en Libye ne pourraient se faire sans lui.

10. Al Mourabitoune ou Groupe des Mourabitounes de l’Azawad-GMA (Mali)

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En août 2013, deux groupes terroristes ont annoncés à l’Agence Mauritanienne de l’Information (AMI) leur fusion. Il s’agit du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao) dirigé par le Touareg Ahmed Ould Amer, et le mouvement dirigé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, les « Moulathamounes ». Dans ce communiqué de fusion, on peut y lire : « Le ‘’Mujao‘’ (de Ahmed Ould Amer) et les ‘’Moulethemoune » (de Mokhtar Belmokhtar) annoncent leur rassemblement et leur fusion en un seul mouvement qu’ils appellent les  ‘’ mourabitoune » pour unifier les rangs des musulmans autour d’un même projet, du Nil à l’Atlantique ». L’objectif est donc clairement mentionné. Selon le site djazairess.com, en plus de leur lien avec Al-Qaïda, « Tous font partie des groupes armés islamistes qui ont occupé le nord du Mali pendant plusieurs mois en 2012, avant d’en être chassés à la suite d’une intervention internationale dirigée par la France à partir de janvier 2013 ».

En conclusions à cette brève historique non moins exhaustive des groupes terroristes opérant en Afrique, la question qui effleure l’esprit de moult observateurs est celle de savoir quel est le lien exacte entre ces différents groupes ? Je serai tenté de dire, sans risque de me tromper, que tous ont un lien avec le puissant et l’indétrônable Al-Qaïda de Ben Laden. Pour nous convaincre, empruntons ici les propos de Marc-Antoine Pérouse De Montclos, chercheur à l’Institut de Recherche pour le développement (IRD) qui affirme, dans un article de Clara Beaudoux, qu’« il n’y a pas de lien opérationnel, mais en revanche il y a des convergences, un peu de circulation des hommes » généralement dans l’entraide et la formation. Pour mieux étayer son propos, il va plus et explique en ajoutant : « Il faut distinguer ce qui relève de convergences tactiques : le fait que cela coûte moins cher d’acheter à plusieurs des armes, et d’autre part une coordination stratégique qui ferait qu’il y aurait une sorte de commando central au Nord-Mali, où on aurait appuyé sur un bouton pour demander à Boko Haram d’aller enlever des Français : ça non ». Cette problématique ne manque pas d’intérêt dans la mesure où un probable regroupement entre ces associations, comme viennent de le faire le MUJAO et les Moulathamounes, serait très « inquiétant » selon les termes du général Carter Ham, le commandant de la mission Africa Command des Etats-Unis (Africom) à la BBC. Cela confirme encore plus la montée visiblement effrayante des groupes islamiques en Afrique et même dans le monde. Les questions sur les raisons et la progression et le militantisme islamique au sein des populations africaines feront donc l’objet d’un autre billet.

Inch’Allah !

Tchakounté kemayou 


La presse écrite camerounaise : Le débat sur le droit d’auteur (suite et fin)

La série de billets sur la situation de la presse écrite camerounaise s’achève à présent et l’occasion est arrivée d’aborder un sujet très important qui concerne la survie même de cette presse agonisante. Comme je l’avais dit tantôt la presse camerounaise a commencé sa décadence à travers des années de braise (1990-1992) et après l’arrivée et la vulgarisation de l’outil internet (Généralement après les années 2000). Ce n’est que dans ce contexte-là qu’on pourrait analyser sérieusement la situation de la presse écrite camerounaise. Compte tenu de la modicité de leurs moyens financiers, les organes de presse éditeurs de journaux écrits ont du mal à s’engager dans le développement de leur média. L’avènement d’internet les a coincé dans une sorte de crise financière les empêchant d’amorcer cette étape importante en matière d’innovation technologique. Cette lacune managériale a provoqué la création, par des particulier et surtout par les camerounais de la diaspora, des sites web qui reprennent des articles de la presse écrite. La problématique majeure ici est donc celle de savoir si ces organes de presse sont aujourd’hui financièrement menacés du fait de la reprise par quelques gestionnaires ou administrateurs des sites de relai et partage d’infos qui reproduisent leurs articles sans autorisation explicite ? Le débat est ouvert.

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Crédit photo: fr.starafrica.com

Que dit la loi camerounaise concernant la reproduction des œuvres ?

Pour ce qui concerne la reproduction des œuvres artistiques, des œuvres de l’esprit, catégorie sur lequel sont classés les articles de presse écrite, les billets de blog, le décret N° 2001/956/PM du 1er Novembre 2001 fixant les modalités d’application de la loi n° 2001/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins en son article 17 et alinéa (1) stipule ainsi qu’il suit : « Par ‘’reproduction’’ il faut entendre la fixation matérielle de tout ou partie d’une œuvre littéraire ou artistique par tous moyens qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte, y compris par stockage permanent ou temporaire sous forme électronique. Elle s’effectue notamment par photographie, imprimerie, dessin, gravure, moulage, enregistrement audiovisuel, magnétique ou mécanique ».

Ce débat sur la reproduction des articles de presse par les éditeurs de sites internet privés de partage et de relai d’infos a donc mis en face des contradicteurs sur les droits d’auteur qui divisent les propriétaires des sites de reproduction d’une part et d’autre part les journalistes et quelques analystes. Au départ, les discussions qui tournaient autour de la problématique des droits d’auteur se transformeront petit à petit sur la sempiternelle question de la santé financière des organes de presse camerounais. Et du coup, le camerounais Théophile Tatsitsa conclue que « La distribution des articles en ligne participait bien, quelque part à ‘‘tuer’’ les maisons d’éditions » au Cameroun.  Les propriétaires des sites de partage se sentant donc interpellé, s’invitent à la discussion pour interpeller les patrons de presse à poser les vrais problèmes relatifs à leur manquement en matière d’innovations technologiques.

La question du « piratage » des articles et de billets par les sites de partage

Un certain nombre de journalistes s’insurgent sur cette propension qu’ont certains compatriotes propriétaires d’édition de site de reproduction à copier sans l’autorisation des auteurs les articles et de billets de journalistes et de blogueurs pour alimenter leur sites de partage. Et Théophile Tatsitsa de s’insurger en criant « Alt à la piraterie des sites de colportage ! ». Des questions tout de même sensées et osées sont alors posées pour ouvrir le débat sur le phénomène : « Qu’est-ce qui pousse les animateurs des sites internet à reprendre sans autorisation les articles de presse ? Qu’est-ce qui autorisent les sites de colportage à relayer les articles de presse au même moment ou parfois avant même l’arrivée de la presse dans les kiosques ? ». Ainsi, pour Théophile Tatsitsa et les autres, les propriétaires de ces sites web de reproduction qui font ce « colportage » doivent être considérés comme des « voleurs d’articles » à partir du moment où ils font ce qui est interdit par la loi, à savoir que la « reproduction » d’une « œuvre littéraire ou artistique » sous toute forme que ce soit, est strictement interdite. S’il faut s’arrêter à cette loi, il est tout à fait aisé, pour Théophile Tatsitsa, de condamner cet état de fait qui serait la cause de la plombée des organes de presse camerounaise dans une déprime financière inacceptable depuis plus de deux décennies. Pour lui, les propriétaires « voleurs » au-delà de servir l’intérêt public, doivent avoir d’autres motivations qui ne sont pas connues par le commun des mortels. Les organes de presse qui ont essayé d’avoir un site web ont fait faillite parce qu’ils étaient soumis à une concurrence déloyale des sites web de reproduction. Car, en plus des charges de fonctionnement, les patrons avaient à leur charge le personnel qui devrait assurer la gestion du site web. Comme le dit Théophile Tatsitsa lui-même, comment comprendre que «Tous les organes qui ont essayé de développer leur propre site web pour proposer une offre alternative aux lecteurs hors de porter du papier ont succombé à la concurrence des sites de reprise ». A la suite de cette sentence, la seule solution qu’il préconise lui-même est de demander aux propriétaires ces sites de reproduction de stopper purement et simplement la mascarade pour permettre à la presse camerounaise de reprendre son souffle d’antan. Mais, cette solution est-elle vraiment réaliste compte tenu du retard technologique de cette presse qui tarde à répondre à la demande ? Faut-il le souligner encore ici, comme dans mes précédents billets de cette série, les exigences de la demande en matière de rapidité, de qualité et d’actualisation des informations en un seul clic doivent être des priorités car les lecteurs internautes sont devenus trop capricieux et trop exigeants. Pour ce faire, la presse camerounaise manque justement les moyens de répondre à ces attentes. Pour quelle raison ?

Les propriétaires ou gestionnaire des sites de reproduction s’en défendent

L’un des administrateurs du site de reproduction www.aeud.fr, Ngassa H. Lewe, monte sur le créneau pour donner justement de la voix au débat qui envenimait déjà l’opinion. pour cet ingénieur informaticien, amoureux de la diffusion et des médias, avoue que le problème est mal posé dans la mesure où c’est la santé financière ou encore le manque à gagner des organes de presse camerounaise qui est la source des invectives. Pour lui, les affirmations selon lesquelles les sites web de reproduction sont venus concurrencer et même mettre à mal les sites web des organes de presse camerounais sont dénuées de tout fondement pour deux raisons simples : Primo, la presse écrite camerounaise soufrent depuis bien longtemps de ce mauvais état financier, avant même l’apparition de ces sites de reproduction et secundo le déficit des ventes de journaux peut être, en partie, dû à l’avènement de l’internet au Cameroun  mais surtout à la lenteur de ces organes de presse à s’arrimer à la donne technologique actuelle. Les sites web de reproduction sont venus combler le vide laissé par la presse écrite face à une demande mondiale de plus en plus nombreuse et exigeante. Evidemment, pour établir la relation entre l’apparition des sites web de reproduction et la chute des ventes des journaux papiers, les chiffres statistiques seraient d’une importance capitale. En possession de ces chiffres, il serait donc possible de faire une analyse des liaisons entre les variables sur les causes de la crise financière de la presse camerounaise : l’arrivée d’internet ? L’apparition des sites web de partages ? La qualité des articles ? Le prix des journaux ? La mauvaise distribution ? Le « trop plein » ou la multitude des titres ? Le manque de cadrage sous le plan idéologique de la presse écrite camerounaise ? Etc. Il serait donc abusif et péremptoire d’affirmer avec conviction que ces sites web de reproduction sont la cause de cette décadence. Evidemment, l’internet étant considéré comme une innovation, comment prétendre que son apparition serait considérée comme une cause de la décadence ? Les organes de presse camerounaise sont-ils en manque de professionnalisme dans la mesure où, comme l’affirme si bien Théophile Tatsitsa lui-même, qu’« Avec le manque de considération professionnelle qui fait naître les organes de presse comme les partis politiques aux nombres d’ethnies et de villages, il reste la voie du magazine numérique pour assurer la démarcation entre le professionnel et le tout-venant » ?.

Eh bien, personne de s’oppose, il faut le dire, sur le fait que les droits d’auteurs doivent être protégés comme la loi camerounaise l’exige. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de ne pas jouir des fruits du travail d’un journaliste ou d’un blogueur. A ce sujet, même la loi est claire. Mais, le problème de fond est posé par l’article 19 de la loi citée plus haut qui définit ce que signifie la « distribution » en ces termes : « La distribution est l’offre de vente, de location. La vente, la location ou tout autre acte de mise en circulation à titre onéreux de l’original ou des exemplaires d’une œuvre littéraire ou artistique ». Il s’avère donc qu’à la suite de la lecture de cet article, les produits incriminés ici ne doivent pas être destinés à la vente sous quelque prétexte que ce soit. Après vérification, non seulement aucun site web de reproduction camerounais ne vend ses contenus, mais chaque article est signé du nom de l’auteur et de l’organe de presse éditrice avec, généralement, un lien URL qui conduit à sa source.

Une autre question fondamentale reste tout de même à éclaircir : à savoir comment vivent les promoteurs et les administrateurs de ces sites web de reproduction si les articles « colportés » ne sont pas commercialisés ? La réponse donnée par l’informaticien est aussi toute simple : les promoteurs et les administrateurs des sites web de reproduction font du bénévolat. Le monde des médias pour eux, est leur passion, leur passe-temps favori, car chacun d’eux a un métier et c’est de ça qu’ils vivent. Ils se donnent à cœur joie en temps, en énergie, en argent pour faire vivre leur site. L’entretien des sites web de partage vient de leur propre économie pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir les annonceurs dont les revenus sont de loin capables de prendre en charges les personnes travaillant pour ces sites. Que peuvent d’ailleurs représenter les pubs Google ? L’ingénieur Ngassa H. Lewe de répondre : « Un site web peut coûter environ 120€ le mois pour l’hébergement. En un an, le total nous donne 1400€. Combien de sites camerounais peuvent dégager cet argent avec les pubs Google? Il y a les frais d’hébergement et l’administration du site qu’il faut payer et aussi les attaques du web qu’il faut assumer. Je vous épargne le temps à consentir pour alimenter le site. Google paie par coups de 1000, 1 centime. C’est-à-dire qu’il faut non seulement ouvrir une page, mais aussi cliquer sur la pub qui est sur la page. Naturellement, si vous seul cliquez 1000 fois sur la pub ce ne sera pas comptabilisé. Il faut donc que 1000 personnes sur des ordinateurs distincts cliquent 1 fois sur une pub de l’article pour que le site gagne 1 centime… ».

Au-delà de la reproduction des articles et les billets, certains sites web de reproduction vont même jusqu’à créer des liens qui permettent aux internautes du monde entier d’écouter les radios et de regarder les télés locales camerounaises en live ou en différé. Une belle manière de permettre aux camerounais vivants loin du pays de ne pas être coupé de l’actualité du terroir. Il est à noter que même à ce niveau, les patrons des médias camerounais confondus n’ont pas encore compris que l’innovation dans le monde d’internet est une exigence primordiale pour une visibilité internationale. Par conséquent, l’accès au satellite (Déjà effective pour la plupart des chaînes de télés locales) doit obligatoirement s’accompagner du développement des options offertes par la technologie de la toile. D’ailleurs, Canal 2 International, chaîne de télévision émettant de Douala, vient de le comprendre en diffusant en direct par internet ses émissions télévisées. Les annonceurs ne viendront que si le média possède les possibilités d’atteindre toutes les cibles de l’audimat. Le problème posé ici par Théophile Tatsitsa est donc loin d’être celui du droit d’auteur proprement dit. Mais, c’est la « distribution » ou encore des fruits, les gains de ces droits d’auteurs, comme le stipule l’article 19 du décret de 2001, qui sont en cause. Comme pour dire que si le partage générait des bénéfices, le débat aurait alors un sens. Cependant, peut-on considérer que, même sans générer de gains, les sites web de reproduction et de relai-infos n’ont pas le droit de « colporter » les articles de presse et les billets de blog sans autorisation des auteurs ? « Non », répond sans hésiter l’ingénieur informaticien, car « Il y a des médias qui ont des articles libres de toute reprise. C’est donc au média de dire clairement ‘’ne touchez pas’’ et on ne touchera pas. Rien n’empêche à un média de refuser le partage libre de ses  productions… Allez sur « Mediapart », il y a des articles qui sont payants ». Cette sentence de l’ingénieur Ngassa H. Lewe est donc claire et sans équivoque : les sites web de partage et de relai-infos continueront d’exister n’en déplaise aux médias camerounais qui ne font que traîner le pas en matière d’innovations techniques et technologiques. Reste donc à trouver des stratégies qui permettront de redonner à cette camerounaise la visibilité qu’elle recherche tant. Place aux solutions de sortir de crise, si je peux l’appeler ainsi.

Les organes de presse doivent s’associer : « Teamarbeit »

Une camerounaise de la diaspora, ingénieure informaticienne, elle aussi, Lydie Seuleu, s’invite dans le débat et propose une solution pour sortir de débat interminable. Pour elle, la nécessité de se regrouper pour faire un bloc serait une solution salutaire. Elle s’inspire de la stratégie qu’elle a appelée en allemand « Teamarbeit » et qui signifie : « Travail en équipe ». Cette stratégie se résume en cinq étapes à savoir : 1 : Quelques médias de la presse écrite, par exemples Mutations, Kalara, Le Jour, La Nouvelle Expression, Le Message, Ouest-Littoral, L’Actu, etc…), s’entendent et se mettent ensemble ; 2 : Ils créent un banner avec des expressions telle que : « La culture », « La politique », « L’économie » et qui conduisent au liens de ce type : https://spenden.wikimedia.de/spenden/ ; 3 : Ils contactent quelques sites web de reproduction, de partage et relai-infos en lignes tels que : www.aeud.fr, www.cmaroon-info.net, www.camer.be, etc… ; 4 : Pendant 6 à 12 mois (périodes et fréquences à choisir en interne entre les promoteurs), les médias presse écrite qui se sont mis ensemble envoient à ces sites web de partage et de relai-infos quelques extraits d’articles à publier ; 5 : Chaque extrait d’article apparaît donc dans des sites web de reproduction et de partage avec, à sa suite, le banner au début et à la fin de l’extrait de l’article. Evidemment, le lien du banner qui conduit au site de l’organe de presse peut être payant ou pas. Dans le cas où c’est payant, avant de créer le banner, les promoteurs d’organes de presse et de site web de reproduction et de partage contactent une banque camerounaise pour avoir un IBAN ou Swift. C’est donc à la suite de cette période de 6 mois que ces promoteurs pourront s’entendre sur les modalités du partage des bénéfices ou gains récoltés.

Et que dire alors des organes de presse qui n’ont pas du tout de site web et donc les articles sont reproduits ?  Un économiste camerounais résident au Etats-Unis, Elysée Yonta, propose une solution uniquement payante : un mail-liste est créé et regroupe tous les abonnés qui bénéficieront des envois de téléchargements d’une série de 10 à 20 titres de journaux camerounais sous le format PDF. Ainsi, un abonnement annuel à un coût très concurrentiel pour les quotidiens, un pour les hebdomadaires et un autre pour les mensuels ou les magazines seront soumis à un payement d’un montant bien précis. Chaque abonné recevra donc les éditions complètes sous le format PDF.

En tous les cas, le débat reste ouvert.

Tchakounte Kemayou 


La situation des enfants dans le monde : Le cas du Cameroun

Le 16 juin de chaque année est célébrée comme d’habitude la journée internationale des droits des enfants. A cette occasion, le Cameroun, à travers l’ouverture de la 2ème session ordinaire de l’année 2014, les députés de l’Assemblée Nationale (AN) ont cédé leur siège durant toute cette journée aux enfants camerounais. Cette 16ème session de l’Assemblée Nationale junior a été marquée par une pléthore de revendications au respect des droits des enfants camerounais notamment : le droit à la vie, à l’éducation, à la santé, etc. dans le présent billet, j’ai profité de cette occasion pour revoir les conclusions de mon mémoire de Master de 2010 où je posais justement cette problématique des droits des enfants en prenant l’exemple du droit au travail des enfants qui reste jusqu’ici une question où beaucoup de sociologues, de philosophes et de juristes et mêmes des politiques ne semblent pas s’accorder. Après avoir actualisé mes données, j’y reviens ici en posant encore le problème des droits des enfants dans sa globalité et les statistiques les plus récentes (« La situation des enfants dans le monde 2014 » publiée par l’Unicef) seront ma base d’analyse. Les organisations internationales et plus particulièrement l’Unicef accorde une place importante à la publication des chiffres, des tableaux statistiques nationales et mondiales normalisés visant à fournir une image détaillée de la situation des enfants. Les 2,2 milliards d’enfants de la planète vivent dans des conditions socio-économiques très diverses et disparates. La stratégie de l’Unicef vise à faire connaître non seulement l’existence de ces disparités mais à y accorder plus d’attention particulière, car l’enfant est le présent et le futur de l’humanité.

UNICEF
Crédit photo: Unicef

Le fait de compter les enfants les rend visibles

Les disparités assez criardes entre les enfants s’observent à travers les catégories urbain/rural ; riche/pauvre ; garçon/fille ; école primaire/école secondaire ; etc. Ce sont des disparités révélatrices de la situation très désastreuses des enfants tant sur le plan de la santé que de l’éducation. L’objectif de l’Unicef à travers ces publications des tableaux statistiques rendus publics depuis janvier 2014 est triple :

1 : « mettre à la disposition des gouvernants des informations concrètes, des données chiffrées » ; 2 : « identifier les besoins en appuyant les activités de plaidoyer et en mesurant les progrès »; 3 : « apporter un changement positif ».

La protection des enfants doit nécessairement commencer par son enregistrement dès la naissance. Plus de 50% d’enfants en Afrique subsaharienne n’ont pas de documents officiels. Les enfants non enregistrés sont considérés comme des êtres qui n’existent pas et par conséquent ne sont pas pris en compte dans les politiques de développement et d’aménagement territorial en vue d’améliorer les conditions de vie des populations pauvres et vulnérables. Evidemment, ces tableaux statistiques ne sont pas que destinés aux gouvernements des pays concernés. Les citoyens du mondes que nous sommes et des communautés doivent s’en imprégner dans le but de demander des comptes aux responsables chargés de l’amélioration des conditions de vie des enfants qu’ils sont censés protéger.

La situation des enfants au Cameroun est très mitigée. Un bref aperçu des tableaux statistiques nous montre comment, même dans la mentalité des aînés sociaux, la perception de l’enfant reste limitée aux considérations traditionalistes qui veut que l’enfant soit une « propriété » et non comme acteur, encore moins un sujet. Beaucoup oublie qu’« En instaurant la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), la communauté internationale a reconnu que les enfants sont des personnes qui ont des droits qui doivent être respectés au même titre que ceux des adultes ». Les enfants sont des êtres, des personnes qui ont des droits multiples : le droit à la santé, à l’éducation, à la nutrition, à la protection et au progrès. Mon analyse se limitera sur la description sociologique que je fais de la situation des enfants au Cameroun.

La malnutrition au menu du jour

L’alimentation des enfants est l’un des aspects par lequel le droit à la vie se manifeste le plus souvent. Les statistiques insistent sur le fait qu’allaiter son bébé de moins d’un an est un signe de bonne santé pour l’enfant. Ainsi, même cette variable est aussi prise en compte dans l’espérance de vie des enfants. Autrement, un enfant qui n’a pas droit au sein maternel est un être humain en danger et susceptible de mourir par manque de nutriments adaptés pour sa croissance dont l’allaitement au lait maternel est la seule source. Au Cameroun, 20% d’enfants seulement se nourrissent exclusivement au lait maternel durant ses 6 à 8 premiers mois. Ce chiffre est effroyable et indicateur des dangers que peuvent subir les enfants avant l’âge de 1 an. Les analyses sociologiques nous donnent de plus amples explications sur ce faible taux d’allaitement exclusivement au sein.

Initiation

précoce de

l’allaitement

(%)

Allaitement

Exclusivement

 au sein

<6 mois (%)

Introduction

d’aliments

solides,

semi-solides

ou mous

6−8 mois (%)

Nourris au sein à

l’âge de 2 ans

 (%)

20

20

63

24

Sources : Unicef (2014)

 

Insuffisance

pondérale (%)

modérée et

grave

croissance (%)

modérée et

grave

Émaciation (%)

modérée et

grave

Surpoids (%)

modérée et

grave

15

33

6

7

Sources : Unicef

La première explication viendrait du fait que les femmes sont de plus en plus appelées à participer à la survie du ménage. Elles exercent de plus en plus une activité économique de subsistance : le commerce, les champs, les services. Les femmes qui sont surtout des agents, des cadres dans des entreprises nationales ou multinationales ne bénéficient que de 3 mois (dont 2 mois après la naissance de l’enfant) de vacances de maternité. La nounou ou un membre de la famille qui est chargé de la garde de l’enfant passe une très grande partie du temps avec le bébé. Si la maman rentre le soir, l’enfant n’aura droit qu’à son lait acheté sur le marché qui n’est malheureusement pas conseillé avant 6 mois. L’enfant est donc sevré, de temps en temps, des éléments nécessaires à sa bonne croissance : le lait maternel. Malgré les campagnes pour alerter les femmes sur le bien-fondé du lait maternel, celles-ci ne semblent pas comprendre qu’elles mettent les enfants en danger en nourrissant le bébé au lait artificiel. Les statistiques indiquent néanmoins que 24% d’enfants continuent à prendre le lait maternel jusqu’à l’âge de 2 ans. Ces chiffres n’indiquent malheureusement pas si ce sont les enfants nourris exclusivement au lait maternel qui, après 6 mois, sont nourris aussi d’aliments solides, semi-solides ou mous. En tous les cas, force est de constater que la mauvaise alimentation entraîne les anomalies telles que : l’insuffisance pondérale grave[1] (5%), le retard de croissance[2] (33%), l’émaciation[3] (6%) et le surpoids[4] (7%). S’il n’y a donc rien à dire pour les uns, l’inquiétude plane surtout sur le retard de la croissance des enfants camerounais.

« S’il vous plaît docteur, mon enfant chauffe »

Ces mots de détresse sont généralement entendus par les médecins, les infirmiers et les aides-soignants qui reçoivent les enfants à la phase terminale de leur maladie. Les parents ont donc cette habitude d’attendre que la maladie soit bien grave avant de songer qu’il faut aller dans un centre de santé. Pourtant, les mesures simples de préventions et de soins sont mises à la disposition des parents pour éviter d’en arriver là ! Les campagnes de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticides n’ont permis qu’à 36% de familles d’en obtenir. Chaque fois qu’une campagne est lancée au Cameroun, toute une corruption est organisée autour de cette distribution. Certaines familles avouent avoir  acheté elles-mêmes leurs moustiquaires qui étaient pourtant gratuites. Même lorsque c’est payant, les prix ne sont pas à la portée des familles les plus démunies. Conclusion, plus de 64% de familles ont des enfants qui dorment sans moustiquaires.

Couverture vaccinale (%)

BCG

DTC1ß

DTC3ß

Polio3

Rougeole

HepB3

Hib3

Nouveau-nés protégés

contre le tétanos

81

94

85

85

82

85

85

85

Sources : Unicef (2014)

Pour ce qui concerne les campagnes de vaccination, le Cameroun souffre plutôt de stéréotypes divers à travers la perception que les parents, les familles et certaines communautés religieuses et traditionnelles ont de la vaccination. Pour ne pas aller dans les profondeurs de l’analyse qui me semble trop complexe pour être exposé dans ce cadre, il faut dire simplement que l’appartenance aux religions réveillées qui estiment que seul Dieu est le protecteur de tous les êtres vivants, est l’une des entraves à l’accès des enfants aux campagnes de vaccination. Des rixes sont souvent observées entre les équipes de vaccination et des parents dans les zones rurales. D’ailleurs, une campagne bat son plein en ce moment au Cameroun où le Ministère de la santé publique (MINSANTE), l’OMS et la société de téléphonie Orange se sont associés pour lancer un appel à tous les parents à venir vacciner et revacciner les enfants gratuitement : « La poliomyélite est encore là. Protégeons nos enfants ! Revaccinons-les à chaque occasion. C’est gratuit ! ». Le résultat semble satisfaisant puisque 85% d’enfants, selon l’OMS ont été vaccinés contre la polio. C’est de même pour les vaccins exigés par l’OMS pour tous les enfants tels que : BCG[5] (81%), DTC1[6] (94%), DTC3[7] (85%), Rougeole[8] (82%), HepB3[9] (85%), Hib3[10] (85%), Tétanos[11] (85%).

Pneumonie

Diarrhée

Consultations pour

enfants avec

symptômes de pneumonie

(%)

Traitement par antibiotiques

pour enfants avec

symptômes de pneumonie

(%)

Traitement par sels

de réhydratation

orale (SRO)

(%)

30

45

17

Sources : Unicef (2014)

 

Paludisme

Traitement antipaludique

chez les enfants fiévreux

(%)

Enfants dormant

sous une moustiquaire

imprégnée d’insecticide

(%)

Ménages possédant

au moins une moustiquaire

imprégnée d’insecticide

(%)

23

21

36

Sources : Unicef (2014)

Pour ce qui concerne l’accès à l’eau potable, il faut dire qu’il existe une disparité entre les zones urbaines et rurales. Ainsi, les enfants des zones rurales sont les plus exposés aux maladies dues au manque d’eau ou à sa mauvaise qualité. Les campagnes d’adduction d’eau de forage et de source n’ont pas encore connu un succès qu’il faille dire ici que les paysans ont aujourd’hui la possibilité de s’alimenter convenablement en eau potable. Dans les zones urbaines où la Camerounaise Des Eaux (CDE) est censée couvrir les villes et plus principalement Yaoundé et Douala, l’eau est la denrée la plus rare. Certains habitants de quartiers périphériques et même des grands centres urbains font des jours et des mois entiers sans que le robinet ne coule. Le risque de recourir aux moyens rudimentaires d’approvisionnement reste donc grand. Ces chiffres de 74% du taux d’accès à l’eau potable améliorée au Cameroun révèlent, malgré la satisfecit, les difficultés que la majorité des habitants ont à avoir l’eau. Evidemment, si 26% n’ont pas accès à l’eau, cela signifie que la couche la plus fragile qu’est l’enfant est plus exposée.

Utilisation de sources d’eau

potable améliorées (%) 2011

Utilisation d’installations

Sanitaires améliorées (%) 2011

total

urbain

rural

total

urbain

rural

74

95

52

48

58

36

Sources : Unicef (2014)

Le taux d’infection au VIH-SIDA est assez révélateur du niveau de prévalence des adultes ici au Cameroun. Si 59.000 enfants vivent avec le VIH-SIDA, et que 310.000 femmes en sont aussi porteuses, il est à craindre que ce chiffre ne soit alarmant dans les prochaines années compte tenu du taux de prévalence qui est de 4,5%. Pour une estimation de 660.000 personnes vivant avec le VIH-SIDA, il est évident que la maladie devient de plus en plus fréquente. Chez les jeunes enfants ayant une activité sexuelle avec des partenaires multiples, l’utilisation des préservatifs n’est pas encore totalement dans les mœurs : 67% d’hommes et 47% de femmes utilisent les préservatifs. C’est évident, dans ces conditions, que les maladies sexuellement transmissibles soient toujours présentes lorsqu’une partie encore de la population jeunes pensent, pour diverses raisons, que le contact « indirect » n’assure pas le plaisir total souhaité. Malheureusement, ici aussi règnent des stéréotypes sur cette utilisation du préservatif qui a des conséquences néfastes à long terme. L’une d’elle est, bien sûr, la mort des parent et par ricochet l’accroissement du nombre exponentiel d’enfants orphelins : 1.300.000 enfants sont orphelins donc 94.000 le sont suite à la mort des parents due à l’infection au VIH-SIDA.

L’éducation au cœur du développement

Dans l’Article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États parties reconnaissent le droit des enfants à l’éducation et s’engagent à « assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances ». L’une des priorités des gouvernements des pays en développement a toujours été l’éducation. Ce secteur est le plus consommateur du budget annuel de l’Etat camerounais. La politique de l’éducation au Cameroun comprenant les deux sous-systèmes, francophones et anglophones, est plus critiquée à l’heure actuelle pour des raisons historiques et fonctionnelle. Ces sous-systèmes sont d’abord hérités de la colonisation, ensuite son mode de fonctionnement reste inadapté au contexte de modernisation conforme aux canons des normes universellement acceptables. Là aussi, toute une littérature sociologique existe sur les dysfonctionnements du système qui n’ont pour conséquence que de former des citoyen en déphase avec son environnement. D’où l’éternelle problématique de l’adéquation formation-emploi. Malgré tout, le Cameroun a réussi le challenge de l’accès des enfants à l’instruction. Son taux d’alphabétisation des jeunes de 15 à 24 ans le confirme bien : 85% d’hommes et 76% de femmes. Le problème ici réside sur la disparité entre les deux sexes. Cette disparité sera observée tout autour des tableaux statistiques sur les taux bruts et les taux net de scolarisation.

Participation à l’école pré-primaire

Taux brut de scolarisation (%)

2008–2012*

garçons

filles

30

30

Sources : Unicef

 

Participation à l’école primaire

Taux brut de

scolarisation (%)

Taux net de

scolarisation (%)

Taux net de

fréquentation (%)

Taux de survie en

dernière année

d’école primaire (%)

2008–2012*

2008–2011*

2008–2012*

2008–2011*

2008–2012*

garçons

filles

garçons

filles

garçons

filles

données

admin

données de

l’enquête

128

111

100

87

87

82

57

87

Source : Unicef (2014)

L’accès à l’école primaire et au collège ou lycée est plus finement perceptible dans les faits que dans les chiffres issus des tableaux statistiques de l’Unicef. Ainsi, sur 21.700.000 habitants, les jeunes de moins de 18 ans se chiffrent à 10.808.000 personnes. Donc, presque la moitié de la population (49,80%) est âgée de moins de 18 ans ! Et 3.572.000 sont âgées de moins de 5 ans ! Donc, 16,46%. Le taux brut de scolarisation à l’école pré-primaire est de 30% pour les filles comme pour les garçons. Plusieurs enfants en âge d’aller à la maternelle sont encore à la maison. Les raisons sont multiples et celle qui domine le plus c’est que les parent considèrent l’école maternelle comme une perte de temps pour les enfants et par ricochet un gaspillage inutile compte tenu de sa cherté et la précarité du ménage. L’école primaire présente les plus forts taux qui sont quasiment supérieurs aux attentes. C’est donc l’un des meilleurs en Afrique et dans le monde : taux brut de scolarisation[12] 128% chez les garçons et 111% chez les filles ; le taux net de scolarisation[13] 100% chez les garçons et 87% chez les filles. Ces résultats plus que positifs peuvent s’expliquer par l’accès gratuit à l’école d’une part, et d’autre part, par une nécessité qu’ont les parents que les enfants aient un niveau d’instruction acceptable en sachant ne serait-ce que lire, écrire et compter.

Participation à l’école secondaire

Taux net de scolarisation (%)

Taux net de scolarisation (%)

2008–2011*

2008–2012*

garçons

filles

garçons

filles

44

39

53

49

Sources : Unicef (2014)

Le secondaire présente les résultats très mitigés : taux net de scolarisation (2011) 44% chez les garçons et 39% chez les filles ; taux net de scolarisation (2012) 53% chez les garçons et 49% chez les filles. Il y a donc un progrès de l’ordre de 9 à 10% entre 2011 et 2012. Comme pour dire qu’il y a des améliorations au fur et à mesure. La qualité approximative du système éducatif camerounais m’amène à penser que les enfants, malgré le taux brut satisfaisant de scolarisation à l’école primaire, n’ont malheureusement pas le niveau qu’il faut. Il s’avère donc que la qualité de l’enseignement reste problématique au Cameroun. Plus grave, en zone rurale, beaucoup d’école et collège manquent d’enseignants et de personnels d’encadrement qui préfèrent s’installer en ville et en général dans les grandes que sont Douala et Yaoundé. Aucune stratégie gouvernementale pour inciter les enseignants à opter pour les écoles de campagne. C’est la raison pour laquelle les régions septentrionales, par le manque de viabilisation et son enclavement, sont réputées très hostiles aux enseignants ambitieux. Chez les fonctionnaires généralement, les affectations pour ces régions sont jusqu’à présent considérées comme une sanction administrative. En plus des inégalités entre les zones rurales et urbaines, il faut aussi préciser qu’il existe des inégalités entre les régions du nord (plus peuplées et plus pauvres) et celles du sud du Cameroun.

Le travail des enfants : un débat sans fin

Environ 2,5 millions de personnes se trouvent aujourd’hui en train de subir des affres des dures conditions dues au travail forcé. Et 22 à 50% d’entre elles sont des enfants. Même lorsqu’ils ne sont contraints au travail forcé, plusieurs enfants sont néanmoins contraints par la précarité de la vie. Les disparités que nous avons relevées plus haut sont révélatrices des situations très désastreuses des enfants. Les études qui ciblent les enfants des zones urbaines sont de plus en plus porteuses d’espoir dans la mesure où les zones urbaines regorgeront, avec le temps, plus d’enfants que les zones rurales. Les statistiques comparatives nous présentent une progression sensible de la population mondiale d’enfants en zone urbaine.

 

1955

1965

1975

1985

1995

2005

Zones urbaines

(%)

27

30

33

36

40

43

Zones rurales

(%)

73

70

67

64

60

57

Total

(%)

100

100

100

100

100

100

Source : Unicef (2014)

La prise en compte de l’urbain est donc fondamental dans les analyses sociologiques du travail pour observer et résorber les problèmes en termes de perspective. La ville a des réalités affreuses de la vie qui obligent les familles pauvres à mettre les enfants, même les moins de 5 ans, dans la rue à la recherche de la subsistance. « Des dizaines de millions d’enfants vivent ou travaillent dans les rues des différentes villes du monde, un chiffre en augmentation du fait de la croissance démographique mondiale, des migrations et de l’urbanisation croissante »[14]. Les enfants travailleurs vivant en zone urbaine sont généralement ceux qui affrontent la précarité. Au Cameroun, cette précarité est plus visible dans la rue où les enfants s’activent aux petits commerces : vente d’arachides, d’œufs cuits, de beignets, de cigarettes, de maïs, de fruits (Avocats, bananes, papayes, ananas, pastèques, oranges, etc.), et ils s’exercent aussi dans les petits métiers comme la maçonnerie, la menuiserie en bois, la menuiserie métallique, la plomberie, la mécanique, la coiffure, la couture et bien d’autres encore. La rue est donc le lieu privilégié et par excellence pour mieux apprécier ce niveau de précarité des enfants en situation de travail.

En les approchant pour mieux savoir comment ils gèrent leurs activités au quotidien, les résultats de l’enquête sont pour le moins surprenants. Les enfants travailleurs supportent aussi, comme les parents, les charges du ménage. Il est souvent incongru d’entendre certaines critiques enlever cette qualité d’acteurs socio-économiques aux enfants qui jouent pourtant ce rôle. La question qui divise les observateurs est donc celle de savoir : doit-on, sous le prétexte de leur fragilité, interdire le travail aux enfants dont le fruit soutient les ménages ? Il faut dire que ce phénomène ne saurait être éradiqué dans sa totalité dans la mesure où ce travail, loin d’être un fardeau, participe en tant que tel au développement intellectuel et psychologique des enfants. Le débat reste essentiellement sur les aspects néfastes de l’exploitation du  travail et les discours qui tournent autour de ce phénomène en général. C’est cet aspect du phénomène qui fera l’objet de ma thèse que j’achèverai probablement dans un an et demi, inch ’allah !

Tchakounté Kemayou



[1] Pourcentage d’enfants âgés de 0 à 59 mois dont le poids est inférieur de trois écarts types au poids médian pour leur âge tel qu’il est défini dans les Normes OMS de croissance de l’enfant

[2] Pourcentage d’enfants âgés de 0 à 59 mois dont la taille pour l’âge est inférieur de deux écarts types à la taille pour l’âge médiane telle qu’elle est définie dans les Normes OMS de croissance de l’enfant.

[3] Pourcentage d’enfants âgés de 0 à 59 mois dont le poids pour la taille est inférieur de deux écarts types au poids pour la taille médian tel qu’il est défini dans les Normes OMS de croissance de l’enfant.

[4] Pourcentage d’enfants âgés de 0 à 59 mois dont le poids pour la taille est supérieur de deux écarts types au poids pour la taille médian tel qu’il est défini dans les Normes OMS de croissance de l’enfant.

[5] Pourcentage de nourrissons nés vivants à qui on a administré le bacille de Calmette et Guérin (vaccin contre la tuberculose).

[6] Pourcentage de nourrissons survivants à qui on a administré leur première dose de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche.

[7] Pourcentage de nourrissons survivants à qui on a administré trois doses de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche.

[8] Pourcentage de nourrissons survivants à qui on a administré leur première dose de vaccin contre la rougeole.

[9] Pourcentage de nourrissons survivants à qui on a administré trois doses de vaccin contre l’hépatite B.

[10] Pourcentage de nourrissons survivants à qui on a administré trois doses de vaccin contre l’Haemophilus influenzae type b.

[11] Pourcentage de nouveau-nés protégés à la naissance contre le tétanos.

[12] Nombre d’enfants inscrits à l’école primaire, indépendamment de leur âge, exprimé en pourcentage du nombre total d’enfants ayant l’âge officiel d’aller à l’école.

[13] Nombre d’enfants inscrits à l’école primaire ou secondaire ayant l’âge officiel de fréquenter l’école primaire, en pourcentage du nombre total d’enfants ayant l’âge officiel d’aller à l’école primaire. En raison de l’inclusion des enfants en âge de fréquenter l’école primaire inscrits à l’école secondaire, cet indicateur est parfois désigné comme étant le taux net ajusté de scolarisation dans l’enseignement primaire.

[14] Unicef (2012), « Les enfants dans un monde urbain »


Visite officielle de Guillaume Soro : Quelle leçon pour le Cameroun ?

Le président de l’Assemblée Nationale de la Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori SORO, en visite de travail au Cameroun, a presque partagé l’actualité avec la sortie manquée des Lions Indomptables à la coupe du monde au Brésil. Il a été invité sur le pupitre de la chambre basse de l’Assemblée Nationale pour s’adresser aux Camerounais. Fidèles à leur habitude de boycott, les députés du principal parti de l’opposition (SDF) sont sortis de la salle. Les députés du parti au pouvoir (RDPC) les ont accompagnés par de acclamations. Mais, ce que j’ai remarqué dans ce discours de Soro, c’est l’utilisation du mot « panafricanisme » plus de 10 fois dans son discours. Depuis une décennie que la crise ivoirienne a déclenchée, le concept de panafricanisme, cher à Kwame Nkrumah, et le celui très couru de « nationalisme » ont de plus en plus pris de l’ampleur dans l’opinion. Ces concepts sont la manifestation, ces derniers temps, d’une certaine volonté de changement dans l’approche et la vision du développement du continent Africain que les leaders se donnent pour les objectifs de l’Unité Africaine. Les crises qui ont successivement suivies celles de la Côte d’Ivoire, la Libye, le Mali et la Centrafrique ont consolidée ce durcissement dans le ton et le discours. Au fait, de quoi s’agit-il ?

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Guillaume Soro au perchoir pendant son speech.
Crédit Photo: Cameroon_Politics

La France au box des accusés

C’est devenu presqu’une ritournelle et un secret de polichinelle : « Ce sont les Français qui sont derrières ». Voilà la sentence que beaucoup lance à tort ou à raison lorsqu’une crise survient dans un pays où les rebelles armés déclenchent l’insurrection pour lutter contre ce qu’ils appellent eux-mêmes « l’injustice ». D’ailleurs, selon le droit international, ne dit-on pas que tout peuple qui se sent écarté de la gestion du gâteau national, peut prendre les armes pour revendiquer leur droit lorsqu’il est dos au mur ? Et comment les Français se retrouvent-ils dans ce pétrin ? « Ils sont des complices des rebelles », arquent certains. Ils profitent d’une situation de crise interne pour attiser le feu et viennent jouer au pompier. D’autres critiques vont même plus loin en avouant avec certitude que les rebelles sont une fabrication de la France. La stratégie est toute simple, disent les tenants de cette thèse : les régions les plus riches en ressources du sol et du sous-sol sont les plus convoitées. Lorsqu’un régime ne convient pas aux attentes, la France et ses alliés créent une situation d’insécurité pour déstabiliser la région et compromettre la paix. C’est la conséquence d’une France qui se voit réduit économiquement si l’Afrique se libérait du joug colonial qui est encore considéré comme une chaîne dont il faut se départir. Donc, une France sans ses ex-colonies est une France finie, sans envergure mondiale. Une France dépourvue de ses sources de richesses et appelée à disparaître de la carte du monde. Cette thèse confirme par ailleurs que l’esclavage est toujours d’actualité mais sous une autre forme : le néo-colonialisme. En fait, le colonialisme a été la nouvelle trouvaille après l’esclavage. Toutes ces stratégies des Occidentaux avaient pour but de ne pas lâcher l’Afrique considérée comme la mamelle nourricière. Il existe dans l’histoire les faits institutionnellement établis qui avaient pour but de maîtriser toutes les richesses du monde afin de s’en accaparer au détriment des peuples. Ce sont des raisons suffisantes qui montrent la nécessité pour chaque dirigeant de considérer que l’amitié entre les Etats n’existe pas, il n’y a que des intérêts. Au lieu de lutter pour sauvegarder les intérêts de leur pays respectifs, les dirigeants Africains construisaient autour d’eux des réseaux d’amis et cercles du pouvoir pour assurer la longévité de leur gouvernance. Pourquoi les dirigeants africains considèrent-ils alors les Occidentaux comme leurs amis ?

La pseudo-indépendance des pays africains : Le cas du Cameroun

Les mouvements d’indépendance vécus en Afrique dans les années 1960 étaient le fait des leaders qui considéraient que les peuples avaient soif de sa liberté et souhaitaient une indépendance totale de toutes les colonies sans exception. A côté d’eux, il y en a qui n’en voulaient surtout pas et considéraient, par contre, que les Africains n’étaient prêts pour l’indépendance. Ce qui est pourtant curieux, c’est que ces derniers se sont retrouvés à la tête des jeunes Etats indépendants. Ils ont donc eu le privilège d’être appelé aux affaires et à proclamer l’indépendance dans leur pays respectif. Pour le cas particulier du Cameroun, ces derniers ont pris le pseudonyme d’ « aujoulatiste » du colon Français et maçonnique Louis Paul Aujoulat (1910-1973) qui était le faiseur de personnalités politiques. Ministre et secrétaire d’Etat de la France d’Outre-mer sous plusieurs gouvernements français de 1950 à 1955, c’est sur son auspice que l’Etat du Cameroun a été créé et beaucoup n’hésitent pas à penser que son système de gouvernance continue de régner, malgré tout, jusqu’à présent. Il a été au four et au moulin dans la mise en place des deux Assemblées nationales constituantes (ARCAM et ATCAM) et de l’Assemblée nationale du Cameroun. C’est donc à lui, selon les historiens, qu’on doit cette pseudo-indépendance. Il a œuvré pour le changement du statut du Cameroun du « Territoire sous tutelle de la SDN » au « Territoire associé » pour intégrer le pays dans l’Union Française en décembre 1946 et l’Assemblée de l’Union était composée, « Par moitié, de membres représentant la France métropolitaine et, par moitié, de membres représentant les départements et territoires d’outre-mer et les États associés »[1]. En conséquence, le Cameroun a été un territoire privé de l’Allemagne (le 12 juillet 1884), de la France et de l’Angleterre sous mandat de la SDN (le 28 juin 1919) et sous tutelle (le 13 décembre 1946) après la seconde guerre mondiale. C’est cette politique d’assimilation qui a créé deux tendance dans le paysage politique camerounais : la tendance évolutionniste et celle révolutionnaire.

Les Camerounais de la première tendance n’étaient pas satisfaits du bilan de la politique d’assimilation de la France. Mais, curieusement voulait travailler dans son accomplissement. Le deuxième front appelé la tendance révolutionnaire, comprenait ceux qui voulaient changer la politique française pour évoluer vers l’autonomie interne ou l’indépendance totale. La première tendance a remporté les élections législatives de 1945 pour être des représentants du Cameroun à l’Assemblée Nationale Française. Au total, sur les 624 députés que compte l’Assemblée nationale de Paris, 4 députés sont élus pour le Cameroun : 1 par les Français (Louis Paul Aujoulat) et 3 par les autochtones (Alexandre Douala Manga Bell, Georges Mo Linati et Jules Ninine). Ces élections ont réveillé les consciences et beaucoup de partis politiques qui voient le jour ont eu comme débat idéologique le droit à l’autonomie ou l’assimilation des peuples « indigènes » ou « autochtones » comme les colons aimaient si bien appeler les Africains à l’époque. Les leaders comme les Ruben Um Nyobe de l’UPC (1948) ; les Aujoulat avec Ahmadou Ahidjo, André Marie Mbida et André Fouda du BDC (1951) initialement opposé au programme politique de l’UPC ; les André-Marie Mbida  des Démocrates Camerounais (1954) où le leader claqua la porte du BDC après avoir été accusé de trahison par le leader du mouvement ; les Paul Soppo Priso du Mouvement D’Action Nationale du Cameroun (1956) fondé après avoir quitté le BDC ; les Ahmadou Ahidjo de l’Union Camerounaise (UC); les Mathias Djoumessi du Mouvement des Indépendants et Paysans Camerounais, etc.

Le front révolutionnaire qui avait à sa tête les Um Nyobe de l’UPC avait tellement durcit le ton, à tel enseigne que de 1955 en 1970, lui et ses paires sont entrés dans le maquis sous les menaces d’extermination de l’armée française. La région de l’Ouest du Cameroun, qui n’était pas la seule, mais était la cible principale des Français puisque les « maquisards » s’y sont réfugiés pour des raisons de son relief pittoresque, a connu des affres horribles considérés pour beaucoup comme un génocide.  Au plus fort de cette guerre civile, la France lâche du lest en 1958 et consentit à octroyer l’indépendance au Cameroun le 1er janvier 1960. Comme je l’ai dit tout au début de ce paragraphe, ce qui est paradoxal c’est que la gestion du pays a été confié au camp opposé à l’indépendance : au camp des Aujoulat et compagnies. Question à mille inconnus : comment peut-on octroyer la gestion d’un pays après l’indépendance entre les mains de ceux qui étaient pourtant contre cette indépendance ? Voilà où viendrait l’origine de la haine des Camerounais pour la France : l’indépendance du Camerounais est ainsi symbolisée par l’image de la chèvre qu’on libère sans détacher la corde qui la lie à son propriétaire. Pour les upécistes, il serait donc malhonnête de parler d’indépendance du Cameroun. Pour ceux qui s’entêtent à reconnaitre, malgré tout, cette indépendance, sont, tout de suite, taxés d’aujoulatistes, donc ennemis du Cameroun. Du coup, le débat sur la nécessité d’acquérir cette fameuse indépendance du Cameroun est remise sur la table. Ce débat s’est accentué, avec le temps, par la nécessité de l’appropriation du concept de panafricanisme de Henry Sylvester Williams (1869-1911)[2] et cher à Kwamé Nkrumah. La remise en cause perpétuelle de la gestion postcoloniale ou postindépendance a réactivé les débats sur le panafricanisme et certains sont même allé plus loin et prônent le nationalisme ou la préférence nationale, idéologie proche des concepts de l’extrême-droite.

La leçon de Guillaume Soro au Camerounais

Ce qui m’intéresse dans la visite du président de l’Assemblée Nationale (AN) de la Côte-d’Ivoire, c’est le fait qu’il est l’une des rares personnes à monter sur le pupitre de l’Hémicycle du palais des verres de Ngoa-Ekélé (Palais de l’Assemblée Nationale Camerounaise). A ma connaissance, aucun leaders de l’opposition n’a jamais, oui au grand jamais, eu ce privilège. Même le leader du principal parti de l’opposition camerounaise (SDF), Ni John Fru Ndi, tout comme les partis qui ont comme idéologie politique le panafricanisme, n’ont pas réussi ce challenge. Voilà donc le président Soro qui vient au Cameroun, sous une vaste contestation de ces partis-là, prononcer à plusieurs reprises le concept de panafricanisme sur le pupitre d’une AN d’un régime aujoulatiste. Que c’est intéressant ! Cela peut sembler, pour beaucoup de détracteurs de la France comme un épiphénomène, car pour eux, Alassane Ouattara et Guillaume Soro ont été installés par la France, ce sont donc des aujoulatistes. Il n’y a donc rien à cirer avec un homme, de surcroit,  deuxième personnalité de la Côte d’Ivoire. Sa faute ? C’est qu’il a pris des armes pour accéder au pouvoir. Les leaders camerounais l’accusent donc d’être un rebelle. Et à Guillaume Soro de répondre aux journalistes : « Oui, je suis rebelle comme Um Nyobe, comme Felix Moumie, comme Manga Bell. Je suis rebelle, mais surtout pas comme les petits rebelles du SDF, incapables de supporter la contradiction et l’adversité »[3]. Ouf ! Quelle gifle ! Cette réponse a vexé plus d’un et qui estimaient, à juste titre, que ces propos de Guillaume Soro sont une injure aux nationalistes et au peuple camerounais tout entier en ce sens que les leaders comme les Um Nyobe et compagnies avaient pris les armes contre la France coloniale et non contre le peuple comme Alassane Ouattara, Guillaume Soro et compagnies l’ont fait. Au fait, que signifie même ce concept du panafricanisme ? Je me suis livré à un exercice de cogitation intellectuelle qui m’a amené à comprendre une chose : je ne dirais pas que les leaders camerounais manque d’éducation politique, mais je dirais plutôt qu’il y a une déviation dans la vision qui ressemblerait à un manque de politesse, de culture et de lucidité politique. Mon rôle n’est pas de donner les leçons politiques aux camerounais. Il me semble plutôt que les camerounais sont assez intelligents, mais il règne dans ce pays une sorte de mesquinerie et de malhonnêteté intellectuelles qui ne disent pas leur nom.

Le panafricanisme ne se fait pas dans la rue

Le challenge de Guillaume Soro a été celui d’introduire le débat sur l’idéologie d’Um Nyobe dans un milieu où elle était presque bannie. Ce milieu, ce régime ou cet Etat aujoulatiste que l’écrivain Patrice Nganang appelle à juste titre l’« Etat tribal » est considéré comme la chasse gardée du dépositaire du totalitarisme. C’est le lieu par excellence de la fabrication du contrôle du pouvoir. C’est une sorte de lieu sacré où il est possible de bouleverser le destin national. C’est le lieu où Soro a choisi de s’adresser aux Camerounais pour leur dire ceci, en posant la question suivante : la conférence de Brazzaville de 1944 a-t-elle été un « acte fondateur d’une décolonisation réussie, ou simple signe annonciateur d’un long et difficile processus d’émancipation de notre continent ? ». Au vu de cette analyse, la deuxième thèse pourrait être la réponse la plus adaptée. C’est donc la preuve que la lutte engagée par les leaders de l’UPC reste encore d’actualité. Que signifie alors ce concept de « panafricanisme » si cher à beaucoup de camerounais ?

Le terme « panafricanisme » recouvre les courants divers : Garveyiste, Négritude, Afrocentricité, Consciencisme philosophique, Panafricanisme révolutionnaire, etc. Et même Guillaume Soro a donné, dans son discours, les différentes tendances en parlant de « nuances de l’idéologie panafricaniste » et il cite : « Les mouvances capitalistes et socialistes, pragmatistes et traditionnalistes ». Malgré tout, ces divergences de vue sont loin d’être un problème en soi. Ce qu’il faut cependant retenir, c’est que toutes ces composantes ont un dénominateur commun qui peut se résumer en deux idées majeures à savoir : primo, la question de l’Unité africaine et secundo, la question de la libération, avec comme substratum la désaliénation. Ce dénominateur commun nous autorise la définition suivante : « Le panafricanisme est à la fois une vision sociale, politique et culturelle de résistance et un mouvement qui cherche à unifier les Africains d’Afrique et de la diaspora africaine en une communauté africaine globale, et qui appelle à l’unité politique de l’Afrique au sein de l’Etat Fédéral d’Afrique Noire (EFAN), à travers le processus de la Renaissance Africaine »(2012)[4]. Si nous voulons rester dans l’esprit du fondateur de cette idéologie, et même de Kwamé Nkrumah dans son ouvrage « L’Afrique doit s’unir » publié en 1994, il est convenu que les concepts de nationalisme, de tribalisme, d’autochtonie, etc. ne doivent plus faire partie du vocabulaire de nos leaders et même des citoyens ordinaires. Mais, que remarquons-nous actuellement ? Une tendance très poussé à la négation de l’autre considéré comme un étranger parce que venant d’ailleurs. Si le problème s’est posé en Côte d’Ivoire sous le prisme de l’ivoirité, ici au Cameroun, c’est le tribalisme vu d’une part sous l’angle d’« autochtone » et d’« allogène » que la loi fondamentale (Constitution) a institué comme valeur, et d’autre part sous le système d’équilibre régional qui a pour fondement la sélection sur la base tribale des candidats des concours administratifs. C’est donc cet « Etat tribal » d’Aujoulat que Soro est venu vilipender en ces termes : « Tout au long de mon enfance et de mon adolescence, je m’étais familiarisé avec l’idée qu’être Ivoirien et être fier d’être Ivoirien, c’était la même chose, qu’il y avait au cœur de chacun de mes concitoyens cet indéfectible attachement à une Côte d’Ivoire unie, qui vit en parfaite harmonie avec tous ses voisins et amis. J’ai fait mes classes avec des camarades dont je ne me suis jamais soucié ni de l’origine ethnique, ni de l’appartenance religieuse, car, pendant longtemps, ces données sectaires n’ont jamais habité, ni la façon de penser, ni la façon de faire des ivoiriens. Imaginez donc ma stupéfaction, quand je m’aperçus peu à peu qu’il y avait désormais en Côte d’Ivoire, des ivoiriens à part entière et des Ivoiriens entièrement à part, et que rentraient dans cette catégorie de l’infamie, toutes celles et tous ceux dont on pouvait supposer qu’ils n’étaient pas de chez nous et qu’ils venaient d’ailleurs, de l’un de ces pays dont il était dit qu’ils ne pouvaient être que nos ennemis ». Et il conclue en martelant : « Je vous le dis: je me suis rebellé contre l’ivoirité qui catégorisait les Ivoiriens ».

Il faudrait bien qu’on me dise si le discours ou la vision du panafricanisme est bel et bien celle du nationalisme prônée par certains. Il me semble aussi que la tendance révolutionnaire avec comme tête de file Um Nyobe était des panafricanistes et non des nationalistes. Pourquoi cette doctrine de la préférence nationale prônée par les partis de l’extrême-droite en Occident et que les Africains condamnent pourtant est-elle tolérée en Afrique ? Il n’y a qu’à imaginer comment les Africains vont crier au racisme si un Français d’origine Africaine venait à voir ses droits remises en question. Pourquoi accepter donc cette discrimination entre les Africains ? Entre les Camerounais ?

Et à propos de la haine que les leaders du panafricanisme ont contre les ex-colonies (Les puissances occidentales en général), il faut l’avouer sans langue de bois, après avoir lu L’Afrique doit s’unir  (1194) de Kwamé Nkrumah, De la post-colonie. Essai sur l’imaginaire politique dans l’Afrique actuelle (2000) d’Achille Mbembe, La France contre l’Afrique (1999) de Mongo Béti, La philosophie négro-africaine (1995) de J.G. Bidima, Manifeste pour une nouvelle littérature africaine(2007) de Patrice Nganang, Négritude et Condition africaine (2009) de Francis Abiola sans oublier les Livrets d’informations publiés par la Ligue Panafricaine UMOJA et bien d’autres encore, je ne vois nulle part, comme le stipule Guillaume Soro lui-même : une idéologie de la « haine contre l’Occident ». je retrouve plutôt partout les concepts de « Union » et « Fédération » qui se propose comme modèle politique le dépassement le cadre des frontières hérités de la colonisation sans nier l’existence des groupes ethniques. Le contentieux historique, revendiqué par les upécistes, reviendrait ici à remettre néanmoins sur la table le projet aujoulatiste afin d’établir les responsabilités de la trahison. Mais l’essentiel, il me semble, reste et restera la mise en place d’une Assemblée Constitutive ou constituante pour la création d’un nouvel Etat du Cameroun comme le stipule la politologue et féministe engagée Marie-Louise Otabela.

Vivement les Etats Unis d’Afrique !

Tchakounté Kemayou



[1] Alinéa 1er de l’article 65 de la Constitution française du 27 octobre 1946

[2] La paternité du terme « Panafricanisme » est généralement attribuée à Henry Sylvester Williams ; un africain caribéen né à Trinidad, de parents originaires de la Barbade. En 1898, futur avocat de profession, Henry Sylvester Williams crée à Londres l’«African Association » destinée à défendre les droits civils et politiques des personnes d’origine africaine. C’est cette association qui organisa, en juillet 1900, la première « Conférence panafricaine » consacrant ainsi d’une manière institutionnelle les préoccupations panafricanistes et les termes visant à les spécifier.

[3] Tous les extraits de Guillaume Soro sont tirés de son discours du 11 juin 2014 au perchoir de l’Assemblée Nationale du Cameroun

[4] Livret d’information N°3 : « Le panafricanisme en quelques questions », publié par la Ligue Panafricaine UMOJA (LP-U)


Samuel Eto’o : « Tirez sur moi. Laissez mes jeunes frères tranquille »

Décidément, l’épisode Eto’o au sein de l’équipe nationale du Cameroun, Lions Domptables Indomptables du Cameroun, ne finit pas d’attiser les polémiques, des commentaires tendancieux autour de sa personne. Oui, je dis bien de sa personne, car les critiques n’ont pour la plupart rien à voir avec le jeu. La coupe du monde qui aura lieu dans quelques heures au Brésil est une occasion, une fois encore de plus, pour les médias camerounais de réveiller chez le public ce qui est considéré comme un égo surdimensionnée de la star mondiale victime de sa gloire. Comme il est de coutume donc, beaucoup d’informations susceptibles de saper le moral de la star ont circulé et circulent encore. Sans doute que ces informations viendraient des détracteurs. Même si elles s’avèrent être vraies, la question qui se posent est celle de savoir l’opportunité de la diffusion. Je suis mal placé ici pour faire un démenti et laver l’honneur d’Eto’o qui est capable lui-même d’affronter ses détracteurs. D’ailleurs, il le réitère à chaque fois qu’il se trouve devant les critiques : « Tirez sur moi. Laissez mes jeunes frères tranquilles ».

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Eto’o souriant, lors du match Cameroun-Allemagne.
Crédit photo: www.goal.com

Oui, Eto’o fait le buzz en ce moment dans les médias et les réseaux sociaux qui cherchent éperdument les boucs émissaires à qui on va attribuer une probable défaite des Lions Indomptables. Puisque lui-même accepte les flèches, il est bien servi depuis un certain temps, du moins, depuis que l’équipe nationale est entrée en phase préparatoire du mondial brésilien.

Le drapeau camerounais remis à qui de droit

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L’entraîneur allemand Finke tenant le drapeau camerounais.
Crédit photo: Thierry Ngogang

Cette image honteuse qui alimente les causeries en ce moment est à toute de même révélatrice de milles choses longtemps mises à nues et que personne n’en avait la moindre idée de ce que cela représentait. Un étranger, de surcroit, un Blanc, un « Moukala » comme on dit au matango, a bien tenu le drapeau, oui notre drapeau ; et c’est Eto’o, le capitaine des Lions Indomptables qui est en cause. Il se dit donc que les gars ont décidé, la veille du match amicale Cameroun-Moldavie du 08 juin dernier, de boycotter le match si leurs primes n’étaient pas payées. En fin de compte, sans avoir l’assurance que la situation sera décantée, les gars ont quand même convenus de jouer la rencontre en espérant que tout sera réglé d’ici avant le départ pour Brésil prévu pour le lendemain. Samuel Eto’o, en tant que porte étendard, qui était donc chargé de prendre le drapeau des mains du premier ministre a décidé de déclencher le mouvement de grève qui ne disait pas son nom. Lui et ses coéquipiers étaient restés au vestiaire et manifestaient donc, par ce geste, leur refus de tenir le drapeau national. Du coup, le vieux Finke, l’entraîneur en chef, puisque les Lions indomptables ont collège d’entraîneurs pour le Brésil, s’est emparé du symbole national, j’allais dire, de l’emblème national, signe que lui aussi est camerounais ! Comme l’a si bien dit mon compatriote Florian Gimbis dans son récent billet, ce n’est pas une surprise. Cette image démontre bien que tout ce qui appartient aux Camerounais est entre les mains des étrangers. A quelque chose, malheur est bon. Cette image ne peut surprendre que ceux qui sont naïfs : le Cameroun n’appartient pas aux camerounais. Cette image restera dans l’histoire et sera bien exploitée par les nationalistes camerounais qui accusent l’Etat camerounais d’être « néocolonial ». Preuve suffisante et parlante. Eto’o nous a donc aidé à ouvrir les yeux. C’est bien de cela qu’il s’agit au lieu de s’en prendre au pauvre « Pitchitchi ».

Confusion dans le protocole d’Etat ?

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Dans le parking présidentiel, la voiture du PM à droite et celle de Eto’o à gauche.
Crédit photo: Thierry Ngogang

Eto’o n’a pas joué le match Cameroun-Moldavie, mais il était là, présent en chair et en os. Il n’est pas non plus venu en bus, transport commun comme ses coéquipiers. Il est arrivé en voiture de sport personnelle. Mais, le hic c’est d’avoir le culot de garer sa bagnole près de celle du premier ministre chef du gouvernement Yang Philémon. Erreur du protocole, diront certains. Mais non, il ne s’agit pas de ça ! Les camerounais les plus futés en matière d’analyse le disent haut et fort : c’est une preuve que le « Pitchitchi » se croit tout permis. Comment le protocole d’Etat peut-il permettre qu’un joueur, même si c’est Eto’o, vienne se garer près de la Mercedes immatriculée PM ? Conclusion, cet Eto’o a les bras long et est bien placé, comme on dit chez nous ici. Est-ce que le « Pitchitchi » c’est n’importe qui ? Il se prend pour le vice-roi. Après le roi du Cameroun, c’est lui. Y a quoi ? Y a rien, c’est l’homme qui a peur. Même les vigiles, les gardes de corps, la sécurité d’Etat sont incapables de lui adresser la moindre parole. D’ailleurs, malheur à celui qui oserait lui intimer l’ordre d’aller garer loin. Aïe ! Il sait combien ça coûte, cette voiture sport ? Je vous jure que ce Eto’o là me dépasse seulement. Il a lui-même dit qu’il est habitué à recevoir des flèches empoisonnées des camerounais. Toutes les critiques de l’équipe nationale doivent lui être adressées, martèle-t-il à tout vent. Comme pour dire : « Le chien aboie, et la caravane passe ».

Ces histoires de primes

Souvenez-vous de la grève que l’équipe nationale a « organisée » le dimanche 8 juin dernier, jour du départ pour Victoria au Brésil. Le vol prévu à 9 heures du matin n’a plus décollé. Pour cause. Le capitaine et ses coéquipiers réclament leurs primes avant le décollage pour le Brésil. Ils sont donc, pour la plupart, restés dans leur hôtel en signe de protestation. Les négociations ont duré plus de 24 heures d’horloge, entraînant ainsi le retard du vol qui a coûté au contribuable, dit-on, plus de 200 millions de nos pauvres francs CFA que les contribuables que nous sommes allons payer. Voilà où nous en sommes avec la mauvaise gouvernance. Mais, ce qui m’intéresse ici, c’est l’impasse dans laquelle les discussions et les négociations se sont menées. Face à la réticence des autorités de se plier aux exigences des joueurs, et pour faire l’économie en temps et en argent, notre « Pitchitchi » fidèle à son arrogance, sort de sa réserve et propose une solution de sortie de crise en disant : « Je vais payer les primes des joueurs et on embarque à condition d’en discuter avec le chef de l’Etat ». C’est comme ça que ceux qui l’ont suivi rapportent les paroles du capitaine qui sont visibles dans de nombreux réseaux sociaux. Du coup, des commentaires fusent encore de partout : « Comme il est riche, il veut montrer même quoi aux camerounais ? » ; « Le chef de l’Etat c’est son ami ? » ; « Ce gamin se prend même pour qui ? ». Les détracteurs en profitent donc pour dire tout haut tout ce qu’ils pensaient tout bas. Inutile de rapporter les propos des uns et des autres ici, parce qu’il y a de tout et de rien, des verts et des jaunes, des murs et des pas murs. Bref, c’est chacun qui vide son sac sur Eto’o qui n’est que prêt à encaisser seul des flèches. En tous les cas, le « capi » est blindé, hein. Pour lui quoi ?

Le « big eyes » et le déballage d’Hélène Nathalie Séraphine Koah

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Séraphine Koah, à la fleur de l’âge. Belle!
Crédit photo: www.koaci.com
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Séraphine Koah, après sept de « menaces », dit-elle.
Crédit photo: www.koaci.com

La dernière flèche et pas la moindre, c’est le journal en ligne Koaci.com qui a publié ce lundi 09 juin l’information selon laquelle la star a menacé son ex-copine la nommé Hélène Nathalie Séraphine Koah d’emprisonnement. Ordre a été donné par la star de l’arrêter, dit-elle au journaliste qui l’a interviewé pour sa version des faits : « Il m’a fait passer trois jours au commissariat, dans une cellule infecte. Il a franchi le rubicond. Au petit matin, du jeudi 29 mai, je sortais de la boite, on m’a interpellé ». L’interview de la jeune fille qui a, dit-elle, passé sept ans à subir les menaces de la star qui a décidé de retirer à la belle Séraphine tous les cadeaux à lui offerts par le « Pitchitchi » national : « Bijoux, montres, véhicules, sous vêtement et vêtements, sacs et chaussures », etc. Mon Dieu ! Même les sous-vêtements ?! Ce qu’il y a lieu de dire ici c’est l’acharnement avec lequel tous les camerounais et plus particulièrement la gente féminine s’y est pris pour condamner la star. Toutes les femmes se sont pris à Eto’o en le traitant d’homme « violent ». Il n’y a qu’à voir comment cette Séraphine le qualifie maintenant : « Il a un côté possessif, manipulateur et dominateur. […]. C’est un homme très violent. Une fois, il parlait avec ma mère au téléphone pendant qu’il avait son pied sur mon cou ». Ces révélations sont assez graves pour une personne qui se trouve être Eto’o et surtout en cette période justement de la coupe du monde.  Cet homme qu’on qualifie maintenant de « violent » ne le devient-il que lorsqu’une femme décide de le quitter ? Je veux bien comprendre. Le temps que Séraphine a passé avec lui, lui était-il impossible de savoir que son mec était un homme violent ? Toutes ces révélations de Séraphine ont pour but d’obtenir quoi de ses compatriotes ? Bien, j’oubliais. Elle dit qu’elle est en danger parce que la star lui en veut beaucoup pour son arrogance après qu’elle ait trouvé du boulot. Conséquence, elle n’aura donc plus besoin des « cadeaux » de notre « Pitchitchi » national. Et du coup, elle décide de faire de sa vie ce qu’elle veut, pourtant son mec lui avait prévenu : « C’est moi qui t’ai faite, c’est moi qui vais te défaire ». Les filles adorent être amoureuses d’une star en oubliant ce que ça pourrait leur coûter plus tard. Voilà où peut mener l’arrogance. Comme les deux partenaires sont arrogants, le crash est donc inévitable. Au quartier, ce genre de fille, on les appelle vulgairement « The Big eyes » (« Les longs yeux », « Le gros cœur »), car elles veulent tout : la gloire, l’argent, la beauté. Elles ne rêvent que du glamour, quoi. Généralement, les conséquences sont désastreuses et la belle Séraphine vit donc ce martyr depuis sept ans. Faut-il en rire ou pleurer ? Franchement, je suis catégorique : si vous n’appartenez pas au monde de la star-mania, il faut éviter de penser qu’une relation amoureuse fera long feu, surtout pour le cas d’Eto’o qui est un homme marié avec des enfants. La séparation, il faut la préparer en conséquence surtout lorsqu’on a en face un milliardaire arrogant. D’ailleurs, Séraphine finit son interview en donnant les conseils à ses compatriotes « Big eyes » comme elle, à toutes ces filles qui font des rêves en couleur au lieu d’avoir les pieds sur terre : «  Aux filles, je dis les stars ça fait rêver. Il y a ce côté glamour, paillettes, l’envers du décor est parfois très noir. Je leur conseille d’être méfiantes ». Voilà qui est bien dit ! Si elle l’avait su et pensé elle-même avant, elle ne serait pas là aujourd’hui. Je vous assure, en homme d’expérience, les filles ne sont prêtes à suivre ce conseil. Elles sont toujours en train de sermonner : « ça ne pourra jamais m’arriver, car je suis très prudente ». Elles sont toutes comme ça ! Toujours prêtes à bondir devant les frics comme le diable. Je me souviens d’un conseil d’un oncle, paix à son âme, qui me disait toujours : « Mon fils, met ton énergie à chercher d’abord l’argent, les femmes vont te suivre et tu choisiras celle que tu veux. Si tu mets ton énergie à chercher d’abord la femme, tu perdras tout, ton énergie, ton argent et la femme ». C’est tout dire ! Pardon, Séraphine, rembourse seulement les cadeaux-là, même les strings, hein.

Pardon les filles chéries, faut pas fâcher hein ! C’est la vie.

Tchakounté Kemayou 


Comprendre l’immigration clandestine

Le week-end du 31 mai au 02 juin 2014 n’a pas été de tout repos pour les navires marchands et ceux de la marine italienne qui se sont battus comme de beaux diables pour sortir des bateaux surchargés d’immigrés clandestins en difficulté qui tentaient pourtant la dangereuse traversée. Ce vendredi, 2500 migrants ont été sauvés de la noyade au large de l’Italie, au moins 60 morts à proximité des côtes du Yémen. Les navires marchands et ceux de l’armée marine italienne sont habitués à ces scénarios presque toutes les semaines. Depuis janvier 2014, les statistiques révèlent que plus de 43.000 immigrés clandestins venant des pays du sud et surtout d’Afrique ont été repêchés en plein océan sur des bateaux de fortune en partance pour Sicile et Lampedusa. Décidemment, les populations pauvres n’ont encore rien compris après les deux drames d’octobres 2013 au large des côtes de Lampedusa où, malheureusement, des centaines d’africains ont perdus la vie après le naufrage du bateau qui les avait embarqué pour l’eldorado, « la terre promise » donc !

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Bateau intercepté sur les côtes du Yémen et s’apprêtant à la traversée dangereuse de l’Atlantique.
Crédit photo: https://www.lanouvellerepublique.fr/

 

Des catastrophes, des naufrages enregistrés toutes les semaines, devenus récurrents et réguliers et qui ne font même plus la une des médias parce que devenus des faits banals resteront à jamais des blessures béantes et puantes dans l’histoire de l’humanité de l’immigration clandestine. La nécessité de cogiter sur ce phénomène m’amène à revisiter les problématiques de l’immigration clandestine qui ont été mises en jeu pour extirper la graine microbienne de l’origine et de ce fléau. La sentence scientifique trouvée tout de go pour justifier, en termes d’analyse, les drames qui, en 6 mois seulement ont déjà fait plus des centaines et des milliers de naufragés au large de la Méditerranée est que la pauvreté est la cause de l’immigration clandestine. J’ai de la peine à croire que depuis plus de deux décennies les analyses pour diagnostiquer ces drames ont des résultats mitigés. La préoccupation qu’il importe de mettre sur la table actuellement est celle de s’interroger sur la persistance  des pauvres à devenir des candidats à l’immigration clandestine, à affronter l’inconnu malgré les dangers. Les avertissements, les contraintes réglementaires, naturelles et environnementales pour les dissuader restent vains. Les problématiques du risque ont été jusqu’ici été utilisée dans l’économie, la politique, à la théorie des jeux, et surtout dans la pratique du sport et même au tourisme. Les théories du risque que je transpose ici sur l’immigration clandestine m’ont donc permis de comprendre comment le concept du risque n’est pas seulement l’apanage des sociétés industrielles ; mêmes les populations les plus pauvres de la planète développent des logiques rationnelles telles que des stratégies de survie en faisant simplement recours à leur bon sens et à leur subjectivité. Pour comprendre l’immigration clandestine, la réponse à la question suivante donnera, à mon humble avis, une ébauche de réponse à ceux qui voient en ces clandestins des personnes incapables d’avoir la lucidité de mesurer les risques avant la prise de décision : « Pourquoi immigrer est-il le meilleur risque pour les jeunes africains en quête d’un mieux vivre ? ».

La société de la peur

Il faut d’ailleurs dire que la culture du risque zéro n’est pas si vieille que ça. Elle ne date seulement qu’à partir des années 1990 où l’espérance de vie a commencé à croitre grâce aux progrès de la médecine. Malgré l’évolution de la science, les individus sont toujours confrontés aux risques non maîtrisés. Le risque est donc considéré comme les obstacles de toute nature qui sont susceptibles de nous empêcher d’atteindre les objectifs souhaités dans les actions collectives ou individuelles. Dans la vie, il n’y a donc pas de risque zéro.

Dans son ouvrage « La société du risque » (2001), Ulrich Beck estime que notre société est fondée sur la peur. Toutes les actions que l’homme pose ne peuvent avoir de risque zéro. Par exemple, pour l’homme qui emprunte un avion pour ses déplacements, ses voyages, sa psychologie de la peur dépendra du niveau de développement des informations véhiculées par les médias en quête de sensationnels sur les catastrophes des vols. C’est pour dire que ce sont des faits relatés par les médias et l’entourage qui nourrissent la perception que les hommes peuvent avoir de l’idée du danger. La déferlante, dans les médians, des informations de drames et de crashs, la proximité (familiale, amicale, etc.) avec les victimes d’un crash, l’implication des gouvernements à travers l’instauration des journées nationales de deuils, sont des effets qui génèrent et suscitent la peur et de l’angoisse. Nul doute que le voyage en tant que tel, en lui-même, visiblement malgré les dangers, ne constitue en rien dans le développement de la peur (Cf. D. Heiderich dans « Crise, risque & tourisme », 2005). Ce sont les hommes et l’environnement qui développent cette angoisse. Les voyages par avions ou par bateaux suscitent plus d’émotions alors qu’ils sont moins familiers que les voyages par voiture et autobus dont les accidents sont plus légion sur nos autoroutes. Mais, les médias font plus de tapages pour des crashs d’avions alors que nos axes routiers font des dizaines de mort tous les jours. La prise de risques non familiers est donc plus propice à provoquer la peur. D’où la persistance de la peur dans les voyage par avions et/ou par bateaux. Comme l’homme ne peut se passer de l’avion pour faire des déplacements de longues distances, avec la persistance de l’effet des médias et de l’environnement, cette peur va continuellement hanter son esprit au point de devenir une obsession. Chez l’homme voyageur, l’analyse rationnelle et subjective de la situation mobilisera sa vision sur la perception du risque (L’avion est le mode de transport le plus sûr). Voilà où cette subjectivité ici l’emportera sur le sensationnel et l’émotionnel.

En somme, la peur est un facteur émotionnel qui est transmise, non seulement par les médias, mais surtout grâce à la proximité que les individus ont avec les victimes. La peur a une telle puissance psychologique et sociale telle que la plupart des régimes politiques peu crédibles et peu scrupuleux en profitent pour abuser de leur peuple. Ils utilisent cette situation de désespérance du peuple pour susciter la peur en eux sous l’effet de la manipulation de la communication de masse. Cette problématique de la peur de Heiderich, telle que nous l’avons exposée plus haut pourrait être ainsi perçue pour comprendre des phénomènes de l’immigration clandestine à travers des voyages par bateau par la traversée des mers et océans en direction de l’Occident. Mais ici, le sensationnisme sur les événements des noyades fait par les médias pourrait être moins considéré comme étant un développement du découragement, de la peur. La subjectivité, la vision du futur ici viendrait sous l’emprise de lendemain incertain face aux difficultés de la vie, alimentée consciemment par les pouvoirs publics.

La construction des risques en situation de pauvreté

Il s’avère que depuis les indépendances des pays Africains les gouvernements les moins populaires par leur dictature n’ont eu que dalle dans la gestion du développement. Les conséquences de cette mauvaise gestion ont été pour la plupart une situation de pauvreté et même d’extrême pauvreté des populations qui s’efforcent de sortir de l’ornière. Le constat amer sur le fait que l’Afrique de par sa richesse reste le continent le plus mal famé à cause de l’exploitation sans scrupule de ses richesses par les autres avec la complicité des élites gouvernantes, est une preuve suffisante pour que les pauvres, dans leur subjectivité pensent toujours que le bonheur se trouve là où vont leurs richesses. La façon donc les affaires publiques sont gérées en Afrique, l’on a l’impression que la pauvreté est une logique du pouvoir pour amener les jeunes à se lasser et à opter pour l’exil. Car, il serait dans l’intérêt du pouvoir de se débarrasser de cette gangrène, de cette jeunesse encombrante qui pourrait être prête à mettre le régime en péril. C’est cette logique qui justifierait la recrudescence de l’exil des jeunes vers l’Occident. C’est donc un système de dictature fort bien organisé pour maintenir la population dans cette situation car, disent les critiques et certains analystes, la logique du développement ne sauraient être dans l’agenda des régimes de dictature. Pour se développer et exister par-dessus tout, ce système a besoin de maintenir la majorité dans la précarité et la clochardisation les plus criardes. La population jeune, se sentant en insécurité dans son propre pays, développent le sentiment de peur du lendemain, face à un régime qui n’est pas prêt à lâcher du lest. L’exil volontaire devient donc un impératif pour sauver sa génération.

Dans la théorie de « l’irresponsabilité organisée », tous les acteurs concernés ont une part de responsabilité dans la situation de pauvreté et de cacophonie actuelle. En d’autres termes, si l’on considère que les risques sont involontaires et les responsabilités du danger se dissolvant dans la bureaucratie, il serait difficile de localiser et de préciser la responsabilité de chaque individu dans un contexte de crise. Si l’on veut donc impliquer chaque individu dans la situation de dépravation, on parlera de « coresponsabilité organisée ».  Celle-ci fait référence à la responsabilité partagée de chaque individu et de chaque institution impliqués dans la gestion d’une situation donnée. Il est cependant important de distinguer ceux qui sont la cause du problème et ceux qui sont des victimes d’une part et ceux qui ont trouvés des solutions et sont prêts à prendre le risque, d’autre part. Cette théorie fait apparaître la part de responsabilité partagée dans la construction des risques. Appliquée au contexte de pauvreté où immigrer est un risque, il est tout à fait logique d’avoir à faire à l’irresponsabilité, non pas partagée et issue d’un accroissement des risques involontaires, mais d’une irresponsabilité non partagée et volontaire. C’est l’effet de la conscience qui est en cause ici. Les pouvoirs publics donnent comme l’impression que les pays africains ne constituent pas une terre de rêve. Le comportement des élites en dit long : elles sont les premières à se faire soigner en Occident pour une simple migraine ; l’Occident est aussi le lieu privilégié pour la scolarisation de leurs progénitures et aussi et surtout le lieu par excellence de leurs vacances. Au Cameroun, certaines personnalités sont citées dans de nombreux quotidiens comme des détenteurs de la double nationalité et occupent des fonctions de pouvoirs régaliens alors que les lois de la République les considèrent comme les étrangers, donc non Camerounais. La subjectivité (Voyager par bateau, partir où se trouve la richesse est le meilleur risque pour fuir en échappant au contrôle) est plus forte que l’émotionnel orchestré par les médias par le fait des risques à haute mer.

La légitimation du pouvoir politique en question

Il ressort donc de cette démonstration que la coresponsabilité organisée doit être repositionnée au centre des préoccupations citoyennes. Le processus de responsabilité passera donc par l’implication des gouvernants dans leur gestion saine de la chose publique d’une part et d’autre part, par la prise de conscience des citoyens de leur rôle dans l’accès à leurs droits. Car l’objectif primordial des perspectives démocratiques vise en premier l’accès aux droits dans la mesure où si « quelqu’un n’est responsable de rien, ce sera exclusivement parce qu’il ne détient aucun pouvoir (la loi, en déclarant une personne incapable, lui ôte la responsabilité). Le développement d’une démocratie locale participative est un élément clé pour l’appréhension, la compréhension et la résolution du risque, du point de vue de la coresponsabilité des différents acteurs sociaux interférent dans les problèmes posés, et en définitive, pour le contrôle social du risque » (Mercedes Pardo, 2002). La gestion du risque est donc perçue comme l’implication de tous dans la gestion de la cité pour que la responsabilité des dégâts soit partagée. Dans un pays où le citoyen ne se sent pas concerné dans la gestion de la cité, il a peur d’être le seul à subir les dégâts et les affres de la gestion calamiteuse des affaires politiques, à être seul à supporter les responsabilités. Il fuit donc parce que, dans sa subjectivité, le pays en lui-même est plus un risque que celui de la traversée du désert ou de l’océan. Il vaut mieux souffrir ailleurs que de mourir dans son pays natal.

L’exil volontaire ou si on veut, l’émigration doit être considérée comme une situation de crise. Pourquoi les drames de Lampedusa et de Sicile n’indignent outre mesure les gouvernements africains ? Pourquoi les drames, jusqu’ici, n’ont-ils donc pas provoqués de stress émotionnels ? Il n’y a même pas eu des pays qui ont réclamé, à la suite des naufrages, les corps de leurs ressortissants pour les obsèques dus en leur honneur. L’angoisse et la peur de vieillir, de ne pas profiter de la vie sont considérées comme des stress terriblement harassants. Le constat selon lequel les pays dont la courbe de la pyramide d’âge est descendante se trouvent en Afrique est plus que terrifiant vue le sort que les gouvernants réservent à cette couche sociale. Les enjeux fondamentaux, pour les jeunes Etats Africains, à économie balbutiante, devraient être le sort que l’on réservé à cette force de travail extraordinaire et en hyperactivités. Les pays occidentaux sont en train, du fait du vieillissement de leur population, de profiter de cette hyperactivité en misant sur la fameuse « immigration choisie ». Cela me rappelle encore la période de l’esclavage où les millions de nos braves bras étaient embarqués de force. A la seule différence qu’aujourd’hui les négriers sont plutôt nos dirigeants supposés nous protéger et qui maintiennent la pauvreté volontairement pour faire fuir la jeunesse. L’immigration en général (clandestine ou non) a donc fabriqué une élite puissance appelée « diaspora ». Au Cameroun, cette diaspora est jusqu’ici considérée comme le parent pauvre de la citoyenneté à qui la loi d 11 juin 1968 refuse les droits de porter la double nationalité. C’était donc ça, la volonté masquée du régime de dictature : contraindre la jeunesse à l’exil, à l’immigration pour après leur refuser la nationalité !

Pathétique !

*Ce billet a été rédigé le 12 octobre 2013 et qui a été publié à la suite du drame de Lampeduza dans un magazine Pont Culturel édité en Allemagne. Compte tenu de la persistance du phénomène sur les côtes Siliciennes, j’ai repris et actualisé le billet qui me semble reste d’actualité.

Tchakounte Kemayou


Boko Haram : la déclaration (maladroite) de guerre de Paul Biya suffit-elle ?

Dans la nuit du 25 au 26 mai 2014, autour de 20 h, un arsenal de guerre camerounais se déploie à Ngaoundéré en se livrant à une démonstration spectaculaire dans les rues de la ville chef-lieu de la capitale régionale de l’Adamaoua surnommée « Château d’eau du Cameroun ». Ce menu spectacle a vite fait de réveiller les habitants qui étaient déjà presque endormis. Les souvenirs à peine oubliés des soldats de l’armée française sous l’opération Sangaris hantaient encore les esprits. De quoi s’agit-il ?

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Air Force One
Crédit photo: LeTchadhantrophus Tribune

 

Le 17 mai 2014, lors de sa convocation invitation à Paris, le président de la République Paul Biya a déclaré la guerre au groupe islamique Boko Haram. La lenteur ou même l’absence de réaction de l’Union africaine ou encore des pays concernés par la crise a poussé Français Hollande à initier, bien que maladroitement, cette rencontre entre les présidents voisins. Même si cette rencontre était nécessaire, il faut l’avouer tout de même, le président français a fait preuve de manque de considération envers ses pairs africains. Conséquence, le président Paul Biya, fidèle à lui-même dans sa posture d’extraverti, fait une déclaration d’aveux d’échec de l’armée camerounaise en avouant publiquement, en parlant de Boko Haram, que : « Ce sont des gens qui attaquent à partir de minuit et pas le jour, or la nuit nos éléments de défense se reposent ». Pauvre président ! Ainsi, une milice de bandits et de sectaires maîtrise toute une armée camerounaise au point de la surprendre ? Une armée se repose-t-elle ? Et pourquoi, surtout en temps de crise ?!

Pour montrer donc aux yeux de son maître Hollande du monde qu’il respecte les consignes sa parole, tout un arsenal de guerre comprenant les semi-remorques portant des chars, des blindés et autres avions de guerre (chasseurs-bombardiers) et de 1 000 à 3 000 hommes bien baraqués appelés « blindés » entrent en trompe dans la ville de Ngaoundéré. Le moins qu’on puisse dire est que ce déploiement des milices est bel et bien organisé dans tout le territoire national, pas seulement dans les villes des régions du Grand Nord frontalières avec le Nigeria : Makari, Banyo, Darak, Waza ou Fotokol, etc. Les villes intérieures aussi en sont concernées. Les habitués des voyages Douala-Yaoundé-Bafoussam-Dschang-Ngaoundéré et bien d’autres trajets sont soumis aux fouilles systématiques et draconiennes. Il en découle que les Camerounais sont mus par un sentiment de revanche envers ce groupe islamique. Ils sont à la fois contents de ce déploiement et inquiets pour les désagréments qu’ils subissent au quotidien. Cette démonstration de force à travers des parades dans la ville de Ngaoundéré a rassuré certains habitants de la ville qui étaient encore septiques sur la volonté de l’Etat camerounais de prendre à bras le corps cette affaire de Boko Haram qui ne cessait de dicter sa loi de jour comme de nuit.

« une guerre contre l’inconnu »

Pas plus tard qu’hier, le 27 mai, dans le quartier de Gada Mabanga, sept jeunes gens en partance pour Yaoundé ont été interpellés par les éléments de la légion de gendarmerie de l’Adamaoua à Ngaoundéré. Il existe donc une hantise dans presque toutes les villes du septentrion où la population qui jubilait au départ en arrive à se demander ce qui se passe au juste. Comme ce jeune homme Abatchoua Abdou, l’un des cousins des sept jeunes gens arrêtés s’offusque en ces termes dans le quotidien camerounais Le Jour  : « Nous avons des petits frères qui ont été arrêtés par la gendarmerie.  Je ne sais pas pour quel motif, mais ils sont à la légion de gendarmerie ». Ce jour même, le journal  LeTchadhantrophus Tribune donne l’information selon laquelle cinq  gros porteurs militaires de type Galaxy américains (le plus gros avion de transport militaire au monde) se sont posés sur l’aéroport Hassan Djamous de Ndjamena le dimanche soir 25 mai. Plusieurs matériels et des véhicules ont été débarqués en plus des hommes en uniforme . Ce déploiement a lieu après une visite de 48 heures du président tchadien Idriss Déby Itno en premier  et du ministre tchadien de la Défense en second, à Yaoundé au cours de laquelle les deux hommes, Biya et Déby, se sont sûrement mis d’accord sur les stratégies de « guerre » qui seront adoptées pour venir à bout de cette secte qualifiée de « nébuleuse ». Toute cette armada et ce déploiement de force pour lutter contre ce que d’aucuns appellent désormais « une guerre contre l’inconnu ». Et pourtant…

Boko Haram, pourrait-on le dire, n’est rien d’autre qu’un groupe de gens hantés par leur soif et leur volonté d’imposer une loi permissive. D’où peut même venir leur force à tel point qu’ils puissent tenir tête aux Etats ? Il serait difficile, pour les habitués de discours populistes du pouvoir régnant, de penser que cette nébuleuse est la résurgence de laxisme dans la gestion d’un Etat. Comme le soulignait le Professeur Touda Ebode, géostratège et enseignant à l’Université de Yaoundé II, l’illettrisme de la population est une porte ouverte à la délinquance. Voilà donc qui est bien dit ! Il ne faut surtout pas l’oublier, la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram est essentiellement une guerre de renseignements. Plusieurs spécialistes à l’instar du Pr Shanda Tonme, du droit international, affirment que ce groupe est une résurgence de braqueurs à main armée que l’on appelle « Coupeurs de routes ». Cette activité ne faisait plus recette et ces bandits se sont donc convertis en kidnappeurs des Occidentaux (Français, Italiens et Canadiens) et des Asiatiques, plus particulièrement des Chinois qui ont été pris le jour du sommet de Paris.

La posture du président Biya frise le ridicule

Selon le professeur Touda Ebode, des personnes illettrées sont susceptibles, par leur ignorance criarde, d’être manipulées par les bandits prompts à leur promettre ciel et terre pour changer leur vie. Ces régions septentrionales ont la sinistre réputation d’être la partie du Cameroun la plus analphabète selon les sources de l’Unesco. Pour aller plus loin, ne peut-on pas plutôt penser à la situation de pauvreté matérielle qu’à l’analphabétisme ? Autrement dit, la couche de la population la plus susceptible d’être entraînée dans les gangs, puisqu’il faut appeler Boko Haram ainsi, n’est-elle pas celle qui a un niveau de scolarisation acceptable et qui est frustrée de ne pas pouvoir bénéficier d’une reconnaissance de la nation pour les efforts qu’elle a fournis ? L’enseignant ne se tromperait-il pas d’analyse en indexant les illettrés et/ou les analphabètes ? De toutes les façons, ces différentes tares sont, à savoir l’illettrisme et la pauvreté sont loin d’échapper à la vigilance de l’armée camerounaise qui s’évertuera, je l’espère, à mettre le paquet pour réussir à démystifier les secrets de toutes les infos en circulation au sein de la population qui, à n’en point douter, dissimule ces infos de première nécessité. Il ne serait pas méchant de dire à l’Etat camerounais qu’il doit maintenant assumer ses responsabilités, car c’est trop facile de prendre la population à témoin en réclamant leur collaboration. Ces bandits sont donc parmi nous, camouflés dans la populace insoupçonnable. Il est donc  difficile de les appréhender par un quelconque arsenal de guerre. Ces milliers d’hommes seront-ils appelés à être stationnés sur la frontière de plus de 2 000 km en vue de ne plus être surpris par les assauts de ce gang la nuit tombée ?

Au-delà du fait que cette déclaration de « guerre totale » à Boko Haram a été faite à Paris, chez le maître, devant ses pairs, le président Paul Biya ne faisait-il pas son show pour tester « sa » milice (Le BIR) contre celle de Aboubakar Shekaoui ? Cette déclaration maladroite avait l’air de faire du bien à la population camerounaise bien qu’étant empreinte de tant d’incongruités. Des incongruités que l’écrivain Patrice Nganang a bien fait de relever en affirmant que la meilleure posture du président aurait été de 1 : faire sa déclaration au palais d’Etoudi, à la nation camerounaise; 2 : prendre la parole à l’Assemblée nationale et au Sénat, sinon aux deux en même temps; 3 : aller dans une mosquée rassurer les musulmans qu’ils ne sont pas les ennemis ; 4  : aller en France « stratégiser » avec les voisins et autres Français…

Voilà comment aurait été la posture la plus honorable du président. Cette attitude du président Biya me fait penser à la violence avec laquelle l’armée camerounaise avait massacré les jeunes dans les rues en février 2008 et  pendant les années de braise. Il est tout à fait légitime de se poser la question de savoir, au-delà de l’esprit patriotique que peut avoir toute personne de bon sens, le peuple camerounais est-il en harmonie avec « son » armée ? Si oui, comment comprendre donc la posture du président Biya qui frise le ridicule ?

Tchakounté Kemayou 


20 mai au Cameroun : Le discours biaisé de l’unité nationale

Chaque 20 mai le Cameroun célèbre sa fête nationale. Une fête nationale qui, loin de représenter une épopée, est une fête qui suscite plus d’interrogations qu’un rappel mémoire. Baptisée à souhait et à contre sens « Fête de l’Etat unitaire » ou « Fête de l’unité nationale », la fête nationale du 20 mai instituée depuis 1972 est donc à sa 42ème édition et est depuis lors considérée par l’opinion nationale comme une escroquerie politique dont le but est de servir les intérêts politiciens inavoués. Revenons dans un premier temps sur l’historique et la signification de cette fête.

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République du Cameroun
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République fédérale du Cameroun

 

Quelques petits rappels historiques

En référence au référendum du 20 mai 1972, le président de la République Fédérale du Cameroun, le feu Amadou Ahidjo a institué une République sous la dénomination « République unie du Cameroun ». C’est donc un référendum marquant la fin du système fédéral. C’est cet acte qui a mis fin à la « République fédérale du Cameroun » consacrée le 1er octobre 1961. Ce système fédéral était aussi l’œuvre d’un référendum où la population de la partie anglophone (Les régions du sud-ouest et du nord-ouest) était appelée à faire le choix entre le Cameroun et le Nigéria. Le « Oui » qui l’avait emporté faisait donc du Cameroun une république de deux Etats fédérés (Un Etat anglophone et un Etat francophone). En février 1984, par un acte unilatéral, le président Paul Biya décide de supprimer le terme « unie » et donne naissance à la « République du Cameroun ». Si cette décision est condamnable, le référendum du 20 mai 1972 l’est plus. Quelques leaders politiques anglophones considérés comme des radicaux soutiennent que ce référendum de 1972 est un « coup d’Etat » car l’alinéa 1 de l’article 47 de la constitution du 1er septembre 1961, consacrant le fédéralisme, déclarait irrecevable toute proposition de révision de ladite constitution, portant atteinte à l’unité et à l’intégrité de la Fédération. En réponse, le parti au pouvoir (RDPC, Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) soutient une « Nécessité politique » d’unir les camerounais. D’ailleurs, son argument se fonde sur le fait que le référendum de 1972 a connu une forte participation.

Depuis cette date, des débats autour de la nécessité du retour au fédéralisme sont toujours en vogue. C’est la conséquence de la mauvaise gestion des ressources naturelles et humaines dont dispose le pays. Les débats les plus récurrents et qui ravivent les esprits sur les velléités de troubles sont ceux relatifs à la « Question anglophone » que j’avais présenté dans un billet, et la « Question Bamiléké » que j’ai eu le plaisir de présenter à travers un entretien de l’écrivain Patrice Nganang et Bing Burley. Il ne s’agit donc pas pour moi de revenir ici sur ces débats qui ont cours depuis longtemps chez de nombreux intellectuels. Il est plutôt question ici de montrer la contradiction entre le discours sur « L’unité nationale » prônée par le régime dirigeant et les actes posés par ce même régime.

Quel sens donner à « L’unité nationale » ?

Chaque 20 mai, le Cameroun célèbre son « unité nationale » à travers une « fête nationale ». La curiosité ici et qui n’échapperait à personnage, c’est le choix de cette date qui me semble très important à signaler. Pour reprendre le linguiste Jean Takougang « Une fête nationale commémore un événement qui a marqué de façon profonde, indélébile et irréversible le destin d’un peuple ; un événement dont l’impact et la charge émotionnelle sont tels que plus personne de sensé ne puisse jamais  remettre en cause sa pertinence, sa signification et son importance ; un événement fondateur, capable de résister aux morsures du temps, aux humeurs des politiciens les plus torves, aux régimes et aux alternances politiques de tous bords. Une fête nationale commémore un événement révolutionnaire, qui a apporté des changements radicaux marquant une rupture qualitative nette entre le passé et l’avenir, qui émeut chaque citoyen au tréfonds de lui-même et qui chatouille son patriotisme. Un tel événement ne peut être imposé, ni par un décret, une loi ou toute autre force extérieure ».

Pourquoi le Cameroun fait le choix de célébrer sa « fête nationale » le 20 mai au lieu du 1er janvier, jour de son indépendance, comme le font la plupart des pays ? Tout part de la nécessité du régime politique, du parti unique au pouvoir d’agir dans la conscience collective par une sorte de « Lavage de cerveau » à travers des discours pompeux sur « L’unité nationale ». Des concepts comme « La paix », « L’unité », « L’équilibre régional » et bien d’autres sont balancés depuis des années et surtout à partir des années de braise (à partir de 1990) à tout détracteurs qui oseraient mettre sous la table la question du fédéralisme. C’est cet endoctrinement que le Cameroun subit depuis 42 ans déjà. Ainsi, remettre la théorie de « l’équilibre régional » en cause c’est remettre en cause « l’unité nationale ». Tout est donc fait pour noyer les problèmes sérieux dont souffre le pays afin de légitimer ce « coup d’Etat » comme le disent mes compatriotes des parties anglophones du pays. Même les thèmes de chaque édition de cette fête nationale traduisent cette volonté de musellement du peuple pour les éviter de dire ce qui fâche. Cette année par exemple, le thème communiqué par la Présidence de la République est : « Armée et Nation, en synergie pour la préservation de la paix et de la sécurité, gage de l’intégration, de la stabilité et du développement socio-économique ». Ce discours est plus une propagande qu’une volonté de développement, car le constat simple est qu’il y a dans ce discours redondant un non-dit de menace probable de la « paix et de la sécurité » nécessaires pour « l’intégration, […] la stabilité et du développement socio-économique ». Pourtant, les faits et les actes posés les démontrent moins.

Le musellement des leaders d’opinion

A côté des violences physiques à travers des assassinats des leaders historiques, des manifestations réprimandées, il existe une violence psychologique que nous rencontrons à travers la volonté qu’ont les gestionnaires de l’Etat camerounais d’effacer toutes les traces de l’histoire du Cameroun. D’ailleurs, Yves Mintoogue le dit bien en ces termes : « Dans son souci de purger le pays d’une part importante de son passé, le pouvoir n’a pas hésité à s’investir dans la production d’une histoire officielle expurgée des souvenirs jugés « dangereux ». dans les discours officiels et les manuels d’histoire, l’indépendance et la réunification des deux Cameroun furent présentés comme des trophées du régime postcolonial et le chef de l’Etat, dans l’optique de son projet hégémonique, en accapara l’avènement par des images telles que « Père de l’indépendance », « Père de la nation » ou encore « premier camerounais »… le discours et l’ouvre des nationalistes furent falsifiés et confinés dans le lexique du terrorisme, lorsqu’ils n’étaient pas tout simplement passés sous silence ».

De quelle unité parlons-nous lorsqu’une menace à la paix et la cohésion est brandie lorsqu’une partie de la population, par la bouche de certains leaders d’opinion ou intellectuels, met sur la table un problème préoccupant qui pourrait menacer cette paix si rien n’est fait ? Avant de dire que « la paix et […] la sécurité » sont le « gage de l’intégration, de la stabilité et du développement socio-économique », il faut aussi dire, sans langue de bois, que « la paix et […] la sécurité » ont aussi des gages. Et le seul gage véritable ce n’est pas de museler  le peuple dont les revendications ont pour but principal de mettre l’Etat camerounais face à ses responsabilités. Donc, le discours qui consiste à traiter de tribaliste le Bamiléké qui oserait s’interroger sur la question de l’équilibre régional est malsain. Car, dans cette question justement, se pose le problème fondamental d’accès et de partage des ressources du pays. Il se développe un discours qui vise à présenter le peuple Bamiléké comme des « envahisseurs », comme un peuple de la « bourgeoisie ». Comme le peuple Bamiléké, dans la conscience collective, est réputé pour son dynamisme économique, la crainte de voir les enfants d’origine Bamiléké aux affaires donne des frissons au régime de Yaoundé. Les discours qui consistent à montrer comment les enfants d’origine Bamilékés sont les plus intelligents de tous sont de mauvaise foi. Car, ces discours visent justement à écarter ces enfants des concours administratifs sous le sceau de « L’équilibre régional ». Comme pour dire qu’il faut que toutes les ethnies soient représentées dans l’administration camerounaise pour éviter que ce peuple Bamiléké victime de son soit-disant dynamisme d’envahir cette administration. Mais, ce qu’on évite de dire c’est que l’équilibre régional, pratiquée depuis la nuit des temps, est une loi, non écrite bien sûr et qui date de l’époque du colon français Lamberton, est antérieure au système éducatif camerounais. Quand est-ce que le régime de Yaoundé a-t-il constaté que les Bamilékés sont « les plus intelligents » pour justifier cette loi ? Il serait aussi utile de dire ici que toute ethnie, à la place des Bamilékés, serait dans la même situation, car les enfants Bamilékés qui sont les premiers de leur classe, comme le montre les résultats du baccalauréat série C session 2013 publiés par l’Office du Baccalauréat du Cameroun (OBC), ont toujours été poussé à l’effort personnel par leurs parents qui estiment qu’il ne faut pas compter sur l’équilibre régional. C’est aussi un faux débat de dire que l’équilibre régional vise à donner la chance aux enfants, originaires d’autres ethnies, qui n’ont pas eu la moyenne qu’il fallait pour passer un concours. C’est même une insulte à ces peuples à qui on veut faire croire que leurs enfants sont tous des idiots et que seul cet équilibre régional pourrait les sauver pour accéder au gâteau national, à la mangeoire, donc.

Le débat est donc loin d’être clos sur cette question de l’unité nationale.

Tchakounté Kemayou


La question Bamiléké au Cameroun : Le point de vue de l’écrivain Patrice Nganang

« L’Etat camerounais doit aux Bamiléké une excuse formelle pour les crimes qu’il a commis entre 1960-1970. Cela, c’est le minimal, je répète le minimal, car cela n’exclue pas d’autres revendications. Ça a pris cent ans pour l’Etat turc pour s’excuser du génocide arménien, mais il y est arrivé parce que des citoyens l’ont mis devant ses responsabilités historiques. L’Etat camerounais va y arriver aussi ». Voilà l’une des révélations fortes qui n’est pas nouveau mais qui a retenu mon attention dans cet entretien tenu des mains de maître par King Burley sur le mur facebook de l’écrivain. Non seulement cet entretien est riche d’enseignement, il pourrait aussi être considéré comme une « boussole » à ceux qui considèrent que le « problème Bamiléké » est une vue de l’esprit pour une certaine caste d’élite à la recherche d’un positionnement politique. Lisez plutôt…

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Patrice Nganang
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King Burley

Voilà, Patrice… J’aimerais savoir pour te comprendre: Qu’attends-tu des non-bamiléké pour que ton esprit soit enfin en paix?

Rien du tout. J’ai un problème avec l’Etat camerounais, et ceux qui l’incarnent.

Qu’attends tu donc du gouvernent Camerounais sur le « Problème » Bamiléké? Je dis problème car à te lire, on a l’impression qu’il y’en a.

La, tu vois donc que nous élevons le débat, comme on dit au pays, mais tu n’as pas encore suffisamment élevé, car je parle-moi de l’Etat, je répète, de l’Etat, je répète encore, de l’Etat camerounais qui est tribal. Changeons d’Etat, et nous aurons de nouveaux réflexes citoyens.

Qu’attends-tu, Patrice, de l’Etat Camerounais sur le « problème » Bamiléké?

Tu vois donc que ça vient pas-à-pas. Ce que j’attends de l’Etat camerounais qui est tribal, c’est: 1) son auto-sabordement (donc l’interdiction du RDPC) et son remplacement, le remplacement de l’Etat tribal donc, par un autre Etat, partisan celui-là; 2) l’introduction de lois anti discrimination fermes, c’est-à-dire au moins vingt (20!) ans de prison pour tout acte tribaliste; 3) la pratique de la démocratie comme respect des minorités, et ici le parlementarisme est idéal car il est fondé sur la balance des pouvoirs institutionnels, en lieu de chambres de papier comme le Sénat et l’Assemblée chez nous; 4) l’instauration du fédéralisme comme forme administrative de l’Etat. Comme tu vois, les Béti, comme les Moundang, ou les Bakoko, etc. m’indiffèrent complément.

Maintenant, parce que le problème Bamiléké est historique et moral, j’attends de l’Etat camerounais au minimal des excuses formelles aux victimes du génocide perpétré entre 1960-1970, car le 1er janvier 1960, l’Etat camerounais était devenu indépendant, et doit donc répondre de ses actes, surtout quand ceux-ci sont criminels. Voilà.

Sous quelle base le Cameroun deviendrait-il Fédéral? Appartenance tribale ou tu as autre chose à proposer?

Les régions que nous avons peuvent sans problème, pour moi, devenir des Etats, car le fédéralisme veut dire ceci : les gouverneurs, les préfets, les sous-préfets et les juges sont élus, et répondent de leurs actes, 1) devant leurs électeurs, et 2) devant le gouvernement fédéré. Il y a donc une culture de la responsabilité qui vient de la base, des électeurs donc. Le fédéralisme est donc une remise de la responsabilité de l’Etat aux mains des citoyens. Il va de soi que dans cette constellation, les villes Yaoundé et Douala auront un statut particulier, seront donc des villes-Etat, dont le responsable ne sera plus nommé sur des bases tribales (comme l’est le délégué du gouvernement actuellement), mais élu par les populations de ces villes-là, comme c’est le cas pour Washington, DC, Berlin, etc. Voilà ce que le fédéralisme veut dire pour moi. Il y aurait donc au total 12 Etats fédérés.

Seuls les bamiléké auraient-ils un « problèmes » avec « l’Etat tribal » du Cameroun ?

Moi je suis Bamiléké, je pose le problème à partir de ce que je connais – c’est-à-dire de mon identité choisie. Ici, Bamiléké. Cela s’appelle avoir un point de vue. Le mien est Bamiléké. Je n’empêche pas à quiconque d’autre de poser son problème selon son point de vue. Il y a des points de vue de femmes, d’homosexuels, de handicapés, etc., qui doivent à tout prix être pris en compte dans la composition de l’Etat. Celui que j’ai choisi, ce n’est pas le point de vue des Béti, ou des Moundang, ou alors des femmes, ou des handicapés, mais le point de vue Bamiléké.

Et donc avec ton Etat fédérale, ne crains tu pas le détachement de certains « Etats fédérés » pour se rattacher à d’autres pays? Genre Crimée – Russie? Qu’est-ce que le Cameroun aura à gagner à être fédéral? Ne vois-tu pas que ça le fragiliserait?

Les Etats fédérés n’ont pas le droit d’avoir une armée, ni d’ailleurs les citoyens d’appartenir à une milice. Le pouvoir militaire et la diplomatie sont aux mains du chef de l’Etat fédéral qui seul peut déclarer la guerre. Dans cette constellation, le détachement d’un Etat fédéré est impossible. Il n’aura pas d’armée.

Ce ne serait-il pas là le tribalisme que vous condamnez ? En tant qu’intellectuel, ne devriez-vous pas poser le problème du tribalisme d’une façon globale ?

Notez ce détail : je pose mon problème à partir de mon point de vue – j’ai dit Bamiléké -, et c’est le problème de la responsabilité historique de l’Etat du Cameroun devant les crimes qu’il a commis depuis le 1er janvier 1960, date de son indépendance, mais je défends, je dis bien, je défends quiconque veut poser son problème à partir de son point de vue et n’est pas écouté par l’Etat: ici, les femmes, les handicapés, des Bétis, les homosexuels, etc. Je les défends, je répète encore, je les défends, mais moi je pose mon problème à moi à partir de mon point de vue. Je sais que c’est difficile à entendre, mais je n’ai pas l’habitude que l’on pense à ma place. Voilà en bref, comment je pense: il y a une différence essentielle dans l’action entre poser son problème, et au besoin défendre des gens pour leur permettre de poser le leur. Je pense que faire ces deux choses-là, c’est faire un travail intellectuel. C’est faire le travail d’un intellectuel au Cameroun, car on est ancré dans son pays, et ouvert aux problèmes des autres.

Parce que je pose mon problème, celui de la responsabilité historique de l’Etat camerounais devant le génocide perpétré entre 1960-1970, et en même temps aide tout le monde (Teyou, Enoh, Marafa, etc., etc., etc.) à poser son problème à lui, j’agis donc de manière globale. Comme intellectuel, je pose donc le problème camerounais de manière globale, en étant vraiment spécifique, c’est-à-dire, en évitant les généralités et les phrases passe-partout. C’est cela agir.

« 2) L’introduction de lois anti discrimination fermes, c’est-à-dire au moins vingt (20!) ans de prison pour tout acte tribaliste; ». C’est quoi le tribalisme Patrice? Es-tu tribaliste?

Es-tu tribaliste? Es-tu pédé? Es-tu rosicrucien? Es-tu un fou? Es-tu… etc.? Ce sont toutes des questions d’identité. J’y ai déjà répondu plus haut : je suis Bamiléké. J’adopte le point de vue Bamiléké, bref, je choisis de m’identifier comme Bamiléké, pour poser le problème de la responsabilité historique du Cameroun par rapport aux milliers des morts à immense majorité et exception Bamiléké, morts qui ont été causés par l’Etat camerounais entre 1960-1970. Il en découle les problèmes de discrimination, etc., mais le problème de fond est historique. Cette question de responsabilité historique de l’Etat camerounais donc, n’a rien à voir avec le niveau d’étude des Bamiléké, leur fortune financière, ou quoi que ce soit, car c’est tout simplement une question de sang versé, et une question de conscience. La conscience, comme nous savons tous, ne s’achète pas, du moins pas la mienne, et le sang dépasse toujours l’argent comme nous savons. La question de la responsabilité de l’Etat camerounais n’est donc pas négociable selon moi, et tant que je vis et écris, elle sera sur la table, quel que soit celui qui est président de ce pays.

Le génocide qui commença en 1955 (car tout part de là) et finit à 1970 n’a pas fait que des victimes Bamilékés. Les Bassa (tête de file), Douala, Béti, Bamum et certainement beaucoup d’autres y sont morts. Oui, comme tu dis, tu ne réponds qu’en Bamiléké. Pas de problème.

Si chaque Camerounais pratique le même repli tribal que toi, cela ferait moins du Cameroun un Etat tribal? Je repose la question en d’autres termes: Moi je t’aime bien et je t’admire. Voulant t’imiter (vu que tu es un leader d’opinion), je pratique le même repli tribale que toi et disons, comme moi, nous sommes plus de 10.000 Intellos de tribus différentes. A ton avis, cela aiderait-il le pays? Cela serait-il moins tribal que ce qui se vit aujourd’hui?

Ce qu’au Cameroun, suivant le langage de la Droite française sous Sarkozy, c’est-à-dire de l’extrême-droite, on appelle « repli identitaire », c’est le geste simple que pose chaque citoyen de se choisir une identité. Chacun de nous en a plusieurs. Je suis professeur d’université, écrivain, père de famille, Bamiléké, etc. Maintenant, si je choisis mon identité Bamiléké pour poser le problème de la responsabilité historique de l’Etat camerounais, c’est un choix. Si les Camerounais choisissent de se fixer sur « Bamiléké », ils ont un problème. Le mien est très simple au fond : tout Etat indépendant doit répondre de ses actes, parce que l’indépendance veut dire l’acquisition du monopole de la violence. Ce que le Cameroun a acquis le 1 janvier 1960, en se constituant une armée mise alors sous la direction de Pierre Semengue (https://www.youtube.com/watch?v=hBkqXwTs6ns). Voilà ce que l’indépendance veut dire dans les faits. Je commence en 1960, parce que c’est à cette date-là que l’Etat camerounais devient responsable de moi. Je suis citoyen camerounais. Je porte plainte contre l’Etat camerounais. Maintenant, quiconque peut s’attaquer à ce qu’a fait le Cameroun entre 1955-1960, là c’est son choix. Moi, je suis citoyen, et cela veut dire que je commence juridiquement, je répète encore, juridiquement, je répète bien, juridiquement, à compter le 1 janvier 1960. Là, l’Etat camerounais avait un problème avec les… Bamilékés.

Détail : j’encourage tout camerounais à mettre l’Etat camerounais devant ses responsabilité, et cela en tant que Béti, Haoussa, femme, handicapé, syndicaliste, Musulman, rosicrucien, homosexuels, etc. Chacun doit fondamentalement toujours choisir son point de vue, et demander à l’Etat camerounais : « que fais-tu des homosexuels dans ce pays? », « Que fais-tu des femmes dans ce pays? »; « Que fais-tu des Bétis dans ce pays? »; « Que fais-tu des Musulmans dans ce pays? ». Le faire c’est agir en citoyen. Aucun citoyen ne pouvant assumer tous les points de vue d’une République, chacun doit en choisir quelques-uns selon ses moyens, sa force, son intelligence, sa capacité d’organisation. Mais mettre l’Etat camerounais devant ses responsabilités à partir d’un point de vue bien précis, c’est cela être un citoyen camerounais.

Mettre l’Etat camerounais devant ses responsabilités, c’est faire à ce que des Camerounais qui ont été déclarés héros nationaux en 1991, ne soient plus traites comme ça par celui qui leur a coupé la tête : https://www.dailymotion.com/…/xgfd4j_tetes-coupees-le…

Nous sommes Camerounais, Patrice. Ce n’est un secret pour personne que « repli identitaire » chez nous veut dire « repli tribal ». Refuser de le reconnaitre ne serait pas très honnête. Gauche, droite, extrême-gauche, extrême-droite : Ces notions n’existent pas dans le paysage politico-culturel de notre pays. Je repose ma question: Si tes admirateurs non-Bamiléké connaissent le même repli que toi, est-ce un pas en avant pour notre pays? Est-ce bénéfique? Autrement : est-ce que ce ne sont pas ceux qui ont ce « repli identitaire » non-Bamiléké que ceux-ci (les Bamiléké) traitent de tribalistes?

Cette phrase « nous sommes camerounais » n’a aucun sens pour moi, parce que justement j’agis pour un Cameroun meilleur, mais pas pour accepter les injustices de ce pays, injustices qui incluent le lynchage des homosexuels, le génocide contre les Bamiléké entre 1960-1970, etc. Mettre l’Etat camerounais devant ses responsabilités, comme je le fais et comme j’espère chaque citoyen camerounais le fera (en tant que homosexuel, en tant que femme, en tant que Musulman, en tant que Béti, etc.) c’est en d’autres termes faire que Pierre Semengue qui est devenu responsable de l’armée camerounaise le 1 janvier 1960, n’éclate pas de rire quand il parle de citoyens camerounais dont il a coupé la tête, à moins évidemment qu’il ne soit déclaré cliniquement fou. Voilà, pour être bien concret, et pourquoi je crois que partant du point de vue Bamiléké, l’Etat camerounais doit aux Bamiléké une excuse formelle pour les crimes qu’il a commis entre 1960-1970. Cela, c’est le minimal, je répète le minimal, car cela n’exclue pas d’autres revendications. Ça a pris cent ans pour l’Etat turc pour s’excuser du génocide arménien, mais il y est arrivé parce que des citoyens l’ont mis devant ses responsabilités historiques. L’Etat camerounais va y arriver aussi. https://www.lemonde.fr/…/la-turquie-presente-ses…

Manifestement tu évites ma question. Pas grave.

Je lis ceci: ‘gauche, Droite, extrême-gauche, extrême-droite: Ces notions n’existent pas dans le paysage Politico-culturel de notre pays.’ Ça ne veut pas dire que ça n’existera pas, vu que ça existe par exemple au Sénégal. Les termes ‘partis politiques’, etc., n’existaient pas non plus dans ce qui est le Cameroun au 19eme siècle. Aujourd’hui, ces termes existent, parce que les Camerounais l’ont voulu. Eh bien, ces Camerounais-là, c’est nous. Si nous voulons organiser notre scène politique d’une manière particulière après l’Etat tribal, eh bien, nous le ferons.

Pour la question ‘qui est le tribaliste?’, je crois que dans tout Etat fonctionnel, il y a des tribunaux qui y répondent, et des lois qui aident a circonscrire le crime, car alors sinon c’est la chasse aux sorcières. La formulation de lois définit qui est tribaliste, et lie cela a une sanction claire, et là j’ai dit 20 ans de prison. Pour le reste, c’est une perte de temps comme ce qui se fait au Cameroun aujourd’hui ou au tout venant on accuse tout le monde, y compris son chien d’être tribaliste. On le fait parce que ça n’a aucune conséquence.

Larousse dit: Tribalisme .Organisation sociale fondée sur la tribu. Hum! Au vu de ce que tu as dit plus haut Patrice, Larousse lui dit que tu es Tribaliste deh!

J’ai une ‘Organisation sociale’ fondée sur la Tribu? Voici mon organisation sociale, sorry : www.tribunalarticle53.com

Tchakounté Kemauou


La situation de la presse écrite camerounaise (suite)

Les problèmes de financement de la presse écrite camerounaise ne sont pas le fait du hasard. Depuis les années 2000, cette presse a du mal à s’arrimer aux nouvelles technologies qui auraient eu un impact sur son développement ne serait-ce qu’au niveau de son image marketing. Il serait tout de même malhonnête de mettre sur le dos des nouvelles technologies cette décadence qui ne dit pas son nom. Les deux premiers billets consacrés à ce dossier sur la situation de la presse écrite camerounaise évoquaient : 1-Les débuts de la décadence due en grande partie au changement des habitudes des lecteurs camerounais avec l’arrivée de l’Internet ; 2-La création et la gestion des sitesInternet des journaux et l’état de la connexion Internet au Cameroun qui freine le développement des sites Internet. J’ai choisi de vous entretenir ici sur le mode de fonctionnement de la presse écrite à travers son système de production et de distribution de son produit de consommation : le journal papier. Pour comprendre en général les problèmes de financement de la presse écrite au Cameroun, il est indéniable de mettre en exergue ce système où tous les contours de sa mort subite y sont développés.

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Un aperçu de la diversité des journaux publiés au Cameroun
Crédit phot: blogitude.mondoblog.org

La chaîne des intervenants

Il sera question ici de démontrer la chaîne de production, d’une part, du journal papier, et d’autre part du journal en ligne pour montrer comment le journal papier reste très coûteux et exigeant en matière d’intervenants qui ont pour rôle de mettre le journal papier à la disposition des consommateurs ou lecteurs. L’identification à la fois des difficultés et des pistes de collaboration probable entre les différents acteurs impliqués dans la production et la publication des journaux et livres au Cameroun sont décrites ici de manière sommaire afin de mieux saisir le nœud du problème qui fait l’objet de notre présent billet.

Le journaliste qui est considéré ici comme un « auteur » est, comme pour le cas d’un livre, l’auteur de l’article qu’il rédige. En tant qu’auteur, il est aussi considéré, en terme juridique, comme « Le droit d’auteur » de l’ensemble des articles qui sont signés en son nom, puisqu’il en est la matière grise. Le journal ou l’organe de presse qui l’emploi est son « Editeur » ou « Le diffuseur ». C’est celui-ci qui assure le montage, c’est-à-dire la mise en forme, la mise en page et la mise à jour de l’article du journaliste par les soins de son secrétaire de rédaction. C’est après avoir eu le « OK » du rédacteur en chef que l’article de presse, ou mieux le journal final est envoyé chez « l’imprimeur ». Au Cameroun, il existe deux grands imprimeurs de journaux : MACACOS et SOPECAM. Le produit ainsi fini qui sort de l’imprimerie (le journal en papier) sera immédiatement et par la suite confié à un transporteur ou un distributeur. Ici au Cameroun, l’entreprise MESSAPRESS, détenue par les Français, est le plus important distributeur des journaux et livres sur toute l’étendue du territoire. Il est considéré comme « Le transporteur » ou « Le grand distributeur ». C’est elle qui sollicite les autres distributeurs de la chaîne que j’appelle ici « Les vendeurs à la crié ». Chez ce type de vendeurs, il y a des « vendeurs aux kiosques verts » agréés par MESSAPRESSE et des « colporteurs » qui assurent la vente et la livraison à domicile ou dans les bureaux.

La répartition des charges de publication

C’est justement à ce niveau où les difficultés de financement de la presse écrite camerounaise sont décelées. L’éditeur qui est l’organe de presse et qui emploie le journaliste auteur de l’article est celui qui choisit le distributeur responsable de la vente. Cet éditeur sollicite donc le distributeur chez qui le produit (journal) est déposé. Généralement, le transporteur ou le grand distributeur comme MESSAPRESSE se taille un pourcentage de 35 à 40 % du prix de vente. C’est donc en fonction de la quantité de journaux vendus que ce pourcentage va jouer. Mais le maximum est de 40%. Ensuite vient la part de petits distributeurs ou les vendeurs aux kiosques qui se taillent 25% du prix de vente. Les kiosques qui emploient des revendeurs laissent à leur tour un pourcentage de 10 à 15% de leur part au profit des vendeurs à la crié. L’éditeur, ou le diffuseur ne reste donc théoriquement qu’avec 15%.

Avant d’en arriver là, l’éditeur est d’abord passé voir l’imprimeur pour payer sa note directement et au comptant avant la sortie des journaux de la chaîne d’imprimerie. Sur les 60% qui restent, l’éditeur (l’organe de presse) a donc déjà dépensé 23 à 30 % chez cet imprimeur pour le tirage du produit. Curieusement, il serait trop risquant de s’hasarder tout de go sur les comptes puisque le transporteur ou le grand distributeur ne les dispose pas à la fin des ventes. MESSAPRESSE prend son temps et ne met les comptes à la disposition de l’éditeur qu’après 3 à 6 mois. Le temps pour elle de faire des récapitulations des exemplaires de journaux vendus et non vendus. Ce temps est trop long pour permettre à l’éditeur de mettre sa comptabilité à jour. Et ce n’est qu’après ces comptes que les invendus sont retournés chez le grand distributeur.

Au vue de tous ces détails très sommaires et non exhaustifs, il apparaît que, si l’entreprise d’édition (l’organe de presse) n’a pas reçu de publicité et que le tirage n’excède pas 5.000 exemplaires, il ne lui restera que 30 à 37% du prix de vente d’un exemplaire de journal tirés et effectivement vendus qui coûte 400 FCFA au Cameroun. Ce qui reste à l’éditeur est donc reparti entre les charges de fonctionnement de l’entreprise : Le personnel permanent, le fonctionnement de la structure (Biens matériels et immobiliers), la pige, les courses diverses, etc. L’une des bêtes noires de la presse écrite dite indépendante (La presse privée en l’occurrence), c’est la fiscalité qui ne fait surtout pas de cadeau aux éditeurs. Il me souvient que le quotidien « Le Messager » et bien d’autres avaient eu de sérieux soucis avec le fisc camerounais qui considérait que les journaux exagéraient déjà avec ses rendez-vous manqués qu’ils n’honoraient pas pour solder leurs comptes.

Voici, pour résumer, ce qui reviendrait à la fin à l’éditeur ou au diffuseur en termes de bilan financier des ventes d’un exemplaire de journal au Cameroun :

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Pour une édition de journal

Responsable

Pourcentage

Coût CM/FCFA

1

ImprimerieL’Imprimeur

25 %

100

2

Transporteur distributeurLe Distributeur

40%

160

3

Edition/Assemblage Montage/Taxes/Droit Invendus/ImprévusLe Promoteur du Journal (L’éditeur Le diffuseur)

35%

140

4

L’exemplaireLecteur

100%

400

1-Tableau des ressources financières d’un journal écrit au Cameroun (Source: Théodore Tatsitsa)

S’il m’était permis de faire une comparaison avec la production sur le net, bien que cela ait un coût, il ne serait pas exagéré de dire que la presse écrite profiterait à mettre l’accent sur la mise en place d’une rédaction strictement réservée au site internet du journal comme le préconise depuis un certain temps le doyen Jean Vincent Tchiénéhom. Ce journaliste avait une très grande ambition lorsqu’il avait été appelé à présider aux destinées de la direction du quotidien « Le Message » qui avait besoin d’un souffle nouveau. Hélas ! Cette nomination avait accouché d’une souris. Il avait donc pour ambition, à l’époque, de doter le journal d’une rédaction réservée uniquement aux publications internet. Dans ce cas, le journal aurait donc eu en son sein au minimum deux rédactions : celui du papier et celui de son site web. Innovation dans la mesure où aucun organe de presse ne possède jusqu’aujourd’hui une rédaction internet au Cameroun. Ce qui est inconcevable au 21ème siècle et à l’heure de la révolution des nouvelles technologies. Même au-delà de la presse écrite, aucune chaîne de radio et de télé ne dispose de cette importante structure. Il faut tout de même signaler qu’il existe des titres publiant uniquement sur le net : www.goducamer.com. En général, ici, le fournisseur d’accès est considéré comme l’imprimeur comparé à la production du journal papier. A lui seul, il s’empare de 60% des revenus du site, puisque c’est lui qui héberge le site du journal. Les 40% qui restent reviendraient donc à l’éditeur du site internet qu’est le promoteur du journal. Ce taux reste à prendre avec des pincettes, car un site web peut produire beaucoup plus que ce qu’on aurait dû penser : à travers ses publicités, l’accès payant de ses publications, etc. Les promoteurs de journaux au Cameroun n’osent pas y penser pour des raisons que j’avais déjà évoquées dans les précédents billets de cette série sur la presse écrite camerounaise : la prise en charge des frais supplémentaires comme le recrutement des journalistes spécialisés dans le domaines, les webmasters qui seront chargés de mettre à jour les infos et les scoops à la minute près, les community managers qui seront chargés d’assurer les interactivités avec le public internaute, et sans oublier les informaticiens chargés de gérer la maintenance du site, surtout contre le hacking. Donc, disposer d’une rédaction internet reste un challenge pour les éditeurs de presse au Cameroun.

Voici, comme pour la presse écrite, un tableau récapitulatif très sommaire des prises en charges et de la gestion d’un site internet de journal écrite :

0

Pour une édition

de journal

Responsable

Pourcentage

Coût/ Online Multidevise

1

Imprimerie/Diffuseur : Hébergement de site de publication et d’affichage d’articles, gestion des comptes d’abonnementsSite Web/Fournisseur d’accès/Le Promoteur du Site

60 %

V1

3

Edition/Auteur : fournisseur des donnée/ DroitsLe Promoteur du Journal

40%

V2

4

L’exemplaireLecteur

100%

PPP/PPV, Dlw or Abon*

2-Tableau des ressources financières d’un site web de journal écrit au Cameroun (Source: Théodore Tatsitsa)

En somme, la presse écrite au Cameroun reste handicapée par son incapacité à s’arrimer et à s’adapter à son environnement, à un contexte mondial dominé par l’innovation incessante dans le domaine des nouvelles technologies sur qui elle pouvait compter pour se faire une meilleure santé financière dont elle souffre. Ce vide, ou alors ce manquement technologique laisse une partie des camerounais dans l’embarra. La diaspora camerounaise, puisqu’il s’agit d’elle, se sent couper du pays car les journaux camerounais ne sont pas distribués à l’extérieur. Ce besoin inspire quelques camerounais qui conçoivent des sites de partages des articles publiés dans les journaux de la presse écrite camerounaise. Cette ingénieuse idée donne à ces sites une renommée internationale qui frustre et rend jaloux les journalistes et les patrons de presse. Du coup, la problématique sur les droits d’auteur est mise sur la table. Une rixe verbale à travers les réseaux sociaux oppose l’ingénieur Guy Ngassa H. Lewe, administrateur du site www.aeud.fr, le journaliste Hugues Seumo, administrateur du site www.camer.be, vivant tous les deux en Europe contre le journaliste Gony Waday qui accuse les deux compatriotes de « voleurs d’articles », selon ses propres termes. Je vous donne rendez-vous pour analyser cette question des droits d’auteurs dans le prochain billet.

Peut-on fonder un espoir de voir la presse se relever un jour à la suite de la mise sur pieds de la Fédération des Editeurs de Presse (Fédipresse) qui a vue le jour le 03 mai dernier à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse? En tous les cas, wait and see!

Tchakounté Kemayou 


Cameroun: 11 mai 2014, une fête des mères amère pour Josépha Kileba

Josépha Kileba ne connaît pas la fête des mères cette année. Depuis plus de 17 ans, elle a le cœur meurtri. Le monde entier s’agite sur le sort des 223 enfants enlevées au Nigéria par Boko Haram. C’est un groupe d’islamistes et criminels qui a kidnappé les enfant pour une destination inconnue. Pendant ce temps, le Cameroun, ce pays de l’Afrique centrale qu’on dit en miniature, s’illustre dans la bêtise humaine. Depuis 1997, Madame Josépha Kileba se voit retirer ses deux enfants mineurs. Ils ont été enlevés pour une destination inconnue. Tout ça avec la complicité des hauts responsables du ministère des affaires sociales (MINAS).

Josèpha Kileba
Josépha Kileba à la recherche de ses deux enfants/Matango Club/Crédit photo : Collectif SOS Enfants Volés

Les débuts de l’affaire Kileba

L’affaire Kileba commence donc en 1997. Il s’agit maintenant d’une affaire pendante au tribunal de première instance du Mfoundi à Yaoundé. La pauvreté et l’indigence obligent dame Kileba à solliciter l’aide du MINAS. Le ministère place son garçon de 2 ans et sa fille de 5 mois dans sa crèche. Celle-ci est dénommée « Centre d’Accueil des Enfants en Détresse » (CAED). Kileba, lasse des démarches vaines, adressée une lettre aux Camerounais ce week-end. Elle écrit comme suit : « Humble camerounaise, malmenée par la vie, j’avais en dernier ressort, eu recours à la protection de cet Etat ». Voilà ! Un pays qui ne peut plus protéger les pauvres citoyens n’est même un « Etat », c’est une palmeraie.

Madame la directrice du CAED propose à la mère de vendre ou de faire adopter les enfants. « Vendre » ? Quelle audace ! Un refus catégorique de Mme Kileba courrouça la directrice. Face à l’affront, la directrice opta pour la force. C’est donc en 1998 qu’une interdiction catégorique d’accéder au CAED fut signifiée à la mère. Celle-ci n’avait plus alors la possibilité de voir ses enfants. Le début de la galère, quoi. Le vrai malheur commence en 1999. Date où l’information selon laquelle les enfants ont été mis en adoption est parvenue à dame Kileba.

Madame Kileba entame les démarches

En 2000 elle prend l’initiative de mener des démarches auprès de la Délégation Régionale du MINAS pour le centre. Sans oublier le ministère. Mais ces démarches se sont soldés par des échecs. Lasse et déçue par l’attitude irresponsable du MINAS, dame Kileba change alors de stratégie. Elle décide de récupérer ses enfants coûte que vaille. Par la suite, elle adresse donc à cet effet une demande de récupération des enfants le 1er août 2007. Cette demande qui se solde par une fin de non-recevoir du MINAS.

En 2009, plusieurs démarches judiciaires ont été entreprises par la mère sans suite favorable. Le problème c’est que, faute de moyens financier pour engager les procédures, tout bloque. Le 06 janvier, une plainte est faite contre Madame NANA Yvonne, Directrice du centre d’accueil des enfants en détresse. Le 23 juin, une requête aux fins d’intervention a été faite à la Ministre des affaires sociales par Me MBOGMBOG. Le 18 juillet, une requête aux fins d’intervention a été faite à Monsieur le Procureur de la république près du Tribunal de Grande Instance (TGI) du Mfoundi.

La réaction du ministère des affaires sociales (MINAS)

Ce n’est qu’à partir de 2012 que le MINAS, dans sa correspondance du 30 juillet, va enfin sortir de sa réserve pour répondre à une ultime requête de la mère qui veut récupérer ses enfants en ces termes. Les termes de la ministre sont sans appels : « Les enfants sont en bonne santé et sont élevés dans deux familles différentes ». Cette correspondance indique également que « Le ministère se penche sur la situation pour une rencontre entre la famille héréditaire et la famille d’accueil ».

Cette réponse est loin de satisfaire dame Kileba qui veut à tous les prix que ses enfants lui soient remis. Tout de suite, dame Kileba sollicite le concours des associations de défense des droits comme « Cameroun Ô Bosso » (CÔB) et la « Commission Indépendante Contre la Corruption et la Discrimination » (Comicodi) qui se mobilisent autour de ce qui est désormais convenu d’appeler « Affaire Kilèba ». Un avocat spécialiste des droits de l’homme, Me Meli Hyppolite, est sollicité pour défendre les droits à la maternité de dame Kileba.

Les démarches de Me Meli Hyppolite

Depuis 2013, les démarches légales de Me Meli Hyppolite ont consisté à la rédaction d’une lettre adressée au MINAS en vue de récupérer les enfants de dame Kileba. Elle avait d’abord comme objectif « Ouverture d’un droit de visite à la mère, communication des documents administratifs de placement des enfants dans les familles d’accueil ainsi que les frais exposés pour leur éducation ». Ensuite et surtout, à une « Requête aux fins de dessaisissement et de dédommagement du MINAS de l’affaire ». Et enfin à une « Requête aux fins de reconnaissance des droits constitutionnels en représentation d’enfants sous placement provisoire, contrôle en révision judiciaire des mesures administratives des deux enfants recherchés  près le tribunal de grande instance du MFOUNDI ».

Les réactions de la ministre n’ont été que des confirmations des bêtisassions diaboliques qui gangrènent les couloirs de ce ministère qui n’a d’yeux que pour le « non-social ». La réponse du MINAS aux démarches de Me Meli Hyppolite sonne comme un coup de poignard : « Les enfants sont la propriété exclusive des familles d’accueil » d’une part, et d’autre part, « Les enfants vont bien et que les mesures sont en train d’être prises pour une rencontre entre les deux familles ». Voilà donc ça !

Et la suite ?

En ce 11 mai 2014, jour de la fête des mères, pendant que tout un « Etat », le Nigéria, se bat au nom de la dignité humaine, pour retrouver ses enfants kidnappés par Boko Haram, un autre, celui dont je suis originaire, le Cameroun, cet « Etat » voyou se bat pour vendre les enfants au nom de la cupidité et la méchanceté. Quelle est cette fête des mères si amère que je viens de passer-là ?

Voilà que ma Tata adorée, Christiane Oto, mère d’enfants elle aussi et présidente de l’association de droit français La Perche, s’est fâchée et elle n’est pas du tout tendre dans cet état et les mots qu’elle crache sont aussi amers « Au nom de quoi ? De qui ? Pour quoi ? Pour qui ? ». Quand je dis que ce pays me dérange, je le pense sincèrement. Un coup de fil à cette dame me le confirme lorsqu’elle avoue avoir été tentée par la corruption pour la réduire au silence à jamais. Un ami à qui je raconte souvent les bêtises de ce pays a toujours la mauvaise habitude de me répondre en reprenant cette citation « L’Etat est un monstre froid ». Et à moi de toujours lui rétorquer : « Le Cameroun est-il un Etat ? ». Vraiment, le pays-ci !

Tchakounté Kemayou 


Cameroun : Les 10 curiosités des Jeux Universitaires

L’Université de Douala, pour la troisième fois de son histoire, abrite depuis samedi 03 mai 2014 la 17ème édition des Jeux Universitaires du Cameroun (J.U) placé sous le thème « Les jeux de la concorde nationale » et organisé par la Fenasu (Fédération Nationale des Sports Universitaires). Ce samedi 10 mai, les 22 universités d’Etat et instituts privés d’enseignements supérieur composées de 4075 participants dont 3143 athlètes, membres des Fans clubs, clubs olympiques, 668 encadreurs et officiels techniques qui ont répondu présents vont se dire au-revoir au cours d’une cérémonie d’apothéose.

Le bilan provisoire des compétitions a dévoilé le classement final qui confirme l’INJS (Institut National de la Jeunesse et des Sport) à la 1ère place avec 16 médailles en or, suivit de l’Université de Douala très applaudie avec ses 11 médailles en or et de l’Université de Yaoundé 1 avec 10 médailles en or respectivement à la 2ème et à la 3ème place.

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L’animation était au rendez-vous. L’Université de Dschang, champion des « Fans Club »
Crédit photo: TKC_Yves

Je vous invite plutôt à jeter un coup d’œil sur des attractions diverses proposées à tous les visiteurs. Aux campus 1 et 2 de l’Université de Douala, les J.U ne sont pas seulement un rendez-vous du sport et de l’olympisme. C’est aussi et surtout l’occasion pour les étudiants camerounais, les cop’s (en langage populaire), de se déstresser à fond.Les deux campus de l’Université de Douala ont été aménagés pour la circonstance. Les attractions diverses sont proposées dès que le visiteur franchit les entrées principales. Ces attractions sont considérées, pour moi, comme des curiosités à pareils circonstance. Un grand rendez-vous annuel sportif et national des universités camerounaises, les J.U ont toujours été des occasions de défoulements récréatifs très courues par les jeunes.

1. L’exposition et l’orientation universitaire : Ce qui attire d’abord le visiteur qui franchit l’entrée du village des J.U ce sont des expositions réservées aux universités elles-mêmes. Ici, même les universités qui ne participent pas aux jeux sont invitées à se présenter au public. Les universités ne manquent pas de stratégies pour se faire connaitre. L’accent est d’abord mis sur la beauté des stands. C’est l’université la plus belle et la plus attirante qui va susciter l’envie du visiteur à venir. Voilà l’orientation marketing que ces universités ont choisi de mettre en exergue. De la beauté du stand à la beauté des hôtesses. Tout y est mis pour créer l’envie des étudiants. Les filières de plus en plus diverses et variées sont proposées : de l’informatique 2D, 3D et 4D à l’expertise maritime, du journalisme classique au web journalisme, de la gestion financière et comptable à la gestion administrative. Le visiteur a donc l’embarras du choix des filières proposées. Le seul regret ici est l’absence criarde des universités d’Etat qui estiment, peut-être à raison, qu’en dehors des journées portes-ouvertes, qu’elles n’ont pas de pub à se faire à pareille circonstance. les universités privées ont donc saisi la perche et se donnent à cœur pour se vendre.

2. La présence du Gabon : Parmi les universités présentes à cette exposition, le Gabon à travers BBS, établissement privé d’enseignement supérieur situé à Libreville, est bel et bien là et se positionne comme une université en pôle d’excellence. C’est une curiosité dans la mesure où personne n’aurait imaginé une université non camerounaise venir dans un campus camerounais se faire une publicité. Curiosité aussi parce que c’est la première fois qu’une université étrangère vienne aux J.U. Une certaine opinion est même allée jusqu’à imaginer les J.U de la Cemac, donc les universités de l’Afrique centrale. En tous les cas, pas mal comme idée ! Mais alors, une université de la sous-région invitant les camerounais à s’y inscrire… C’est quand même osé. Surtout qu’il faut avoir des filières introuvables sur place au Cameroun. En dehors de la « Gestion des risques » qui peut susciter la curiosité du visiteur, toutes les autres filières comme la finance, la comptabilité, le marketing, le management et le droit sont aussi des filières habituelles chez les jeunes camerounais qui n’ont d’yeux que les universités occidentales. Après tout, ce sont des ambitions légitimes sur lesquelles il m’est difficile d’étudier les contours dans ce billet.

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Le déploiement de YooMee au campus 1
Crédit photo : www.camer.be

3. La publicité des produits et services adaptés aux étudiants : Les entreprises qui proposent des produits et services et qui sont susceptibles de se bousculer pour proposer tout ce qui est adapté à la clientèle estudiantine n’existent malheureusement pas. Toutes les entreprises n’ont pas leur place ici. Elles sont donc inexistantes ces entreprises qui ont des options réservées aux cop’s. On aurait dû penser que la clientèle estudiantine n’est pas une option efficace pour nos entreprises. La banque UBS se démarque de toutes de par sa présence et son produit d’épargne spécifique pour les étudiants. Ainsi, il est possible de solder sa pension universitaire à temps en demandant un crédit scolaire et/ou universitaire avec un taux d’intérêt presque nul. C’est la seule différence qui existe entre UBS et les autres banques qui proposent le même produit. Les autres entreprises comme YooMe Cameroon et MTN Cameroon ne sont présentes qu’en tant que sponsors officiels. YooMee Cameroun partenaire traditionnel de l’Université de Douala a des offres spéciales internet (sur le wifi et le résidentiel).  Pendant toute la durée de la compétition les étudiants sont appelés à surfer à haut débit et à téléphoner à un coup très réduit grâce à une couverture wifi sur toute l’étendue des deux campus 1 et 2 de l’université de Douala, sans oublier qu’une réduction des prix sur les équipements des téléphones Smartphones est aussi prisés par les cop’s. MTN Cameroon, c’est le grand sponsor de la Fenasu depuis 12 ans maintenant. Dans un communiqué rendu public le leader de la téléphonie mobile au Cameroun, MTN Cameroon a pris une part active dans : « La participation au réaménagement des infrastructures sportives ; la prise en charge des primes, médailles et trophées des meilleurs équipes et athlète ; l’organisation d’animations culturelles sur le site des jeux ; la fourniture d’équipements sportifs aux athlètes et officiels… ». En plus du fait que tous les sites abritant les jeux portent les couleurs de Mtn Cameroon, le podium où les artistes camerounais viennent se produire chaque soir à partir de 20 heures jusqu’à minuit est offert gratuitement et qui attire davantage le public. Une autre curiosité offerte par ce sponsor officiel c’est la formation gratuite à l’utilisation des technologies innovantes. Les tentes installées sur le site du Campus 1 servent de salles de cours et d’expérimentation. Les étudiants qui sont acteurs des jeux et visiteurs ont l’opportunité de flirter avec le nouveau monde digital de MTN Cameroon.

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Le « Fan Club » de l’Université de Ngaoundéré
Crédit photo: TKC_Yves

4. la diversité culturelle représentée par les « Fans clubs » : C’est l’une des attractions les plus remarquables de cette 17ème édition des J.U. Toutes les universités présentes aux jeux n’ont pas de « Fans Club ». C’est un luxe qu’il faut se payer, car il faut aussi se donner les moyens de l’avoir comme on le fait pour constituer une équipe de football ou hand ou encore de volley. Les « Fans Club » c’est une aussi une équipe constituée d’étudiant-e-s et avec pour objectif principal de booster leurs collègues sportifs pour les amener à la victoire. Ce qui frappe le visiteur qui débarque au campus, c’est d’abord un grand bruit assourdissant provenant de mélodies endiablées de différents « Fans Clubs » qui se rivalisent d’adresse en termes de cadences et d’intensités vibratoires des tambours et de percussion sonores. Il n’y a pas que les équipes en compétition qui les intéresse. C’est à qui va proposer la plus belle mélodie, la plus belle chorégraphie au public pour maintenir celui-ci en alerte. C’est un régal fou de voir comment toute cette jeunesse camerounaise réussit manier la diversité musicale du terroir. Mêmes les costumes ont été conçus pour la circonstance. « C’est les modèles que vous voulez voir ?! » : voilà comment on pourrait traduire cette exclamation à la façon camerounaise face à la richesse vestimentaire que ces jeunes étudiants donnent à voir. Les mots ne suffisent pas pour les décrire en fond et en comble. Les images parlent d’elles-mêmes. A la fin des jeux, le « Fan Club » qui aura eu une meilleure prestation sera promu. Comme quoi, il n’y a pas que les équipes sportives qui auront les médailles. C’est donc l’Université de Dschang (Université publique) et L’Université St Gérôme de Douala (Université privée) remporte chacune la palme d’or, trophée réservé aux « Fans Club ».

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La bouffe à l’honneur
Crédit photo: TKC_Yves

5. La diversité culturelle représentée par les stands de la restauration : On ne le dira jamais assez : les camerounais aiment, pardon, adorent la bouffe. Pas une cérémonie sans réserver un espace spécialement pour la restauration. Peu importe qu’elle soit payant, pourvu que qu’elle soit prévue. Bien que ce soit une habitude dans toutes les cérémonies, les manifestations festives, la bouffe a toujours été une curiosité dans la mesure où chaque cérémonie a son originalité. Partout où il y a la bouffe et la beuverie, il y a aussi les bouches et les panses prêtes et à bonne condition pour une consommation à grande échelle. Du Ndolè de crevettes ou de poissons fumés au Mbongo-tchobi de carpe, du poisson braisé au barbecue, du bouillon aux pattes de porc au Condrè à la viande de chèvre, les restaurateurs se rivalisent aussi pour se faire de la clientèle. Il ne s’agit pas de professionnels aguerris, mais ce sont en majorité des étudiantes qui ont souscrit à cette offre pour se faire un peu de sous pendant ces jeux. A l’occasion donc, elles ne tarissent pas de stratégies pour inviter les camarades étudiants à venir déguster les plats du terroir qu’elles savent le mieux faire. Par curiosité donc, les fins limiers de la cuisine sans être cordons bleus comme moi y vont pour se faire une idée de l’habileté gastronomique de nos séduisantes cuisinières.

6. Handisport : Cette discipline fait partie de ce que la Fenasu appelle « Disciplines para-olympiques ». Les étudiants handicapés, comme d’habitude, ne sont pas en reste pour cette 17ème édition de la Fenasu. Après une rude revendication, ils ont été admis à présenter des disciplines sportives de leur catégorie. Une seule discipline était en lice au départ et avec le temps, une deuxième a été introduite : La course à tricycle et/ou fauteuil roulant et la dynamophilie. Cette année, la curiosité a été le record de la discipline de l’haltérophilie Homme 88 Kg et Femme 65Kg remportée respectivement par l’Université de Yaoundé 1 et l’Université de Ngaoundéré. En attendant que les autres discipline prennent place dans le handisport dans nos universités, le handisport reste la discipline avec laquelle il faudra désormais compter comme des curiosités qui attirent toujours du monde. Cette curiosité est due au fait que la conscience collective a toujours pensé que la personne handicapée n’avait pas voix au chapitre en matière de sport qui exigent de l’athlète une certaine capacité physique avérée. Seul regret par contre, le handisport dans nos universités camerounaise n’est pratiqué que par les handicapés moteurs. Les personnes aveugles réclament aussi une discipline qui leur conviendrait. Pour cette 17 ème édition, c’est une fois encore l’Université de Douala qui remporte la palme d’or de ces J.U. En attendant que les choses vont mieux, je dis bravo à mes chers amis les handicapés.

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La beuverie à l’honneur
Crédit photo: TKC_Yves

7. La vente de la boisson alcoolisée : Il me souvient que tous les bars et espaces marchands commercialisant les boissons alcoolisées avaient été récemment interdits et déguerpis tout autours de l’Université de Douala. Ce respect de la discipline aurait pu persister même pendant les J.U. Bien que semblable à une foire, les J.U se déroulant dans un campus universitaire seraient de loin perçus comme le dit l’adage « Un esprit saint dans un corps saint ». Que non. Ici règne la « folie », cette ambiance féérique chère aux cérémonies festives. C’est la détente, la distraction qui prime. Rien à voir avec ces maximes qui « déroutent » la jeunesse pendant le temps d’une petite récréation d’une semaine par an réservée aux étudiants de toutes les universités camerounaises. Le visiteur n’aperçoit pas les boissons alcoolisées à première vue. Normal, puisqu’elles doivent être discrètes. Elles ne sont visibles que dans les stands de restauration. Le visiteur bien averti et habitué du campus est donc frappé par la présence de ce type de boisson dans un lieu universitaire. Une débauche tout de même ne ferait pas de mal en une semaine, n’est-ce pas ?!

8. la distribution des préservatifs : Depuis le 03 mai, pas un pas sans qu’une étudiante qui sillonne le campus aborde un homme pour lui parler des méthodes de lutte et de prévention contre les MST ou le SIDA. Habitué que je suis à les écouter, j’ai toujours eu, comme beaucoup d’autres camerounais d’ailleurs, du mal à leur prêter ne serait-ce qu’une seule oreille. Mais, ces vaillantes femmes sont toujours là vous tirer les oreilles et à vous dire sans cesse : « La répétition est la meilleur de la science de l’apprentissage ». Comme pour vous rappeler qu’une sensibilisation de plus pour préserver la santé n’est pas de trop pour une jeunesse qui reste l’avenir, la prospérité d’une jeune nation appelée à se construire. Il y va donc de l’intérêt de cette jeunesse d’être toujours en santé pour relever le défi du développement. Lorsque, malgré tout ce beau discours, elle se rend compte que le vaillant gars turbulent que je suis est indifférent, elle évoque alors le cas des préservatifs que les équipes d’hygiène et de propreté ramassent au sol chaque matin dans le campus même en plein cours. Je tends alors une oreille et dis : « Hein ? ». Elle renchérit en disant : « Imagine que les préservatifs n’avaient été distribués aux jeunes étudiants pendant ces J.U, quel aurait été les risques d’infection ? Les jeunes sont vraiment irresponsables !». Heu Yeu !!! M’écriais-je. Tout de suite j’ai eu envie : « Donc les étudiantes libèrent facilement comma ça ici ? Pardon chérie, je veux 10 ». Et à elle de sourire convaincue de m’avoir eu pour de vrai : « Non, grand frère. Comme tu es ma personne je te donne 5, car chacun a droit à 2 seulement par jour ». Même après les J.U ça peut toujours servir cher amis.

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Un environnement propre
Crédit photo: TKC_Yves

9. La campagne de sensibilisation pour l’hygiène et la propreté : Comme je l’ai signalé plus haut, la curiosité la plus marquante pour moi c’est l’innovation que l’Université de Bamenda a instaurée cette année. L’Université de Bamenda est une jeune institution universitaire d’Etat qui n’a que trois ans d’existence. Avec l’Université de Buea, l’Université de Bamenda fait partie des deux universités anglo-saxonnes actuelles que compte le Cameroun. Pour leur troisième participation, cette université va quand même fait parler d’elle. Elle est venue aux J.U de Douala avec cette ambition, non seulement de sensibiliser le monde estudiantin à la notion de propreté, mais surtout de prêcher par l’exemple. Ainsi, son « Fan Club » n’est pas seulement venu pour se défouler les hanches, mais aussi pour ramasser tous les déchets traînant au sol : papiers, nylons, objets dangereux comme les objets pointus et tranchants, sans oublier les préservatifs jonchant le sol dans la broussaille. Vous voyez ?! Les belles occasions comme celles-ci il faut en profiter au max, même en plein air. Les gars ne donnent pas le lait. Expression bien d’ici comme pour dire « No piti in Business » à la manière de l’humoriste ivoirien Gohou.

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Même le « Djambo » était à l’honneur
Crédit photo: TKC_Yves

10. La présence des jeux de hasard : Qui l’aurait cru ? Oui, même ici au campus, les J.U aidant, les jeux du hasard ont accès ici ? Je crois savoir que c’est une erreur des organisateurs ou même une infiltration inaperçue par les vigiles qui sont à l’entrée du village des jeux. En tous les cas, parlons-en tout de même. Le gars dispose d’une machine de fabrication locale. Elle est constituée de bois d’environ 0.25m de hauteur, de 35 cm de largeur et de 60cm de largeur. Sur un écran blanc est inscrit les montant de 0 à 5.000Fcfa ou 10.000Fcfa, c’est selon. Une pièce de 100Fcfa introduit dans la machine vous donne droit un essai pour tourner la manivelle qui va faire pivoter une aiguille qui va s’immobiliser sur un des montants classés en désordre sur le cadran. Exactement comme le loto qui fait ressortir les boules numérotées. Ici, c’est plutôt une aiguille qui vous indique votre gain qui vous est remis à l’immédiat. Le langage populaire appelle ce jeu « Djambo ». Ça désigne aussi ce genre de jeu de jonglerie de cartes où vous êtes appelé à choisir la bonne pour avoir votre gain. En tous les cas, j’ai aimé ça. Beaucoup d’étudiants ont été marqué par cette ingéniosité camerounaise à concevoir aussi des jeux. Tout prêt de là, un autre style de jeux aussi attrayant que le premier. Un grand tableau de presque un mètre carré où figurent les chiffres est à même le sol. Le jeu ici consiste à jeter une pièce de monnaie sur un chiffre qui correspond à un objet (Un seau, des verres, une casquette, un panier, une bassine, etc.) que vous emporté. Attention à ne pas tomber sur un numéro foiré qui ne correspond à rien du tout.

Il m’a fallu tenter à ce jeu de « Djambo » avec une pièce de 100Fcfa pour avoir ce qu’il me fallait pour le taxi du retour. Vous comprenez donc qu’il est toujours nécessaire de bien se préparer aux J.U qui se déroulent chaque année dans une université choisie par la Fenasu. Toutes les attractions sont aussi fascinantes les uns comme les autres. Les tentations sont donc grandes et il est aussi important d’éviter de mauvaises surprises. C’est un conseil pour des hommes qui savent ce que être gallant veut dire. L’année prochaine, l’Université de Yaoundé 1 est pressentie pour accueillir les J.U de 2015.

Tchakounté Kemayou


Pour une histoire de passeport biométrique…

Mon mariage avec la famille Mondoblog de RFI commence le 9 septembre 2013, date à laquelle je reçois une fiche de candidature que je remplis et envoie immédiatement. Il serait peut-être prétentieux de dire ici que j’attachais beaucoup d’importance à ce « concours ». J’étais loin d’imaginer ce que cela pouvait représenter pour moi d’appartenir à cette grande famille des blogueurs francophones. Même un tour dans la file d’actualité du site de Mondoblog ne changeait rien à cette posture, en quelque sorte, naïve. C’est le 7 octobre 2013 que le message de l’équipe Mondoblog RFI m’annonce que j’ai été admis à faire partie de la famille. Du coup, un réel enthousiasme dont je n’arrive pas toujours à percevoir l’origine m’envahit tout d’un coup. Il faut aussi dire que, manifestement, je suis hanté par l’écriture depuis fort longtemps, mais une occasion me manquait pour avoir une tribune où la libre pensée était de rigueur.

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Passeport biométrique CEMAC
Crédit photo: https://ditengou.over-blog.com/

Mondoblog a donc été un déclic qui a réveillé en moi cet esprit. Petit à petit, je me construis mon monde, je partage mes convictions sous divers aspects de l’actualité nationale et internationale à travers les billets si médiocres soient-ils. En 7 mois (d’octobre 2013 à avril 2014) d’existence, je comptabilise plus de 40 billets environ. Ce qui me vaut l’honneur d’être invité via un message de l’équipe Mondoblog le 6 mars 2014 pour être parmi les bénéficiaires d’une formation en « Journalisme et en technique du web » qui aura lieu à Abidjan du 2 au 12 mai 2014. Subitement, je me rends compte que je n’ai même pas de passeport. J’étais en convalescence et j’estimais avoir le temps devant moi. Le 16 mars 2014, je reçois une lettre d’invitation pour la circonstance et je me résous, malgré ma convalescence, de me faire établir ce fameux sésame le plus tôt possible. Je contacte quelques aînés qui me donnent des conseils et des directives. Parmi eux, le Dr Shanda Tonme, président de l’ONG Comicodi (Commission indépendance contre la corruption et la discrimination) qui me fait sonner les cloches avec raison dans un courriel en ces termes : « Tu es encore derrière comme les fesses et j’ai peur que ton émergence n’arrive qu’en 2099. Bon, tout ce constat parce que personne ne comprendrait qu’un Charlot TK connu pour être un intello alerté et un citoyen avisé et moderne, ne dispose pas en permanence d’un passeport ». Non seulement ce message m’avait anéanti, mais c’était aussi et surtout une prémisse de ce qui allait m’arriver.

Le lundi 17 mars, habitant Douala, je suis en route pour la capitale Yaoundé après avoir pris rendez-vous avec Emile, un ami à mon frère aîné, qui est commandant à la Garde Présidentielle (GP) et qui accepte de me donner un coup de main pour accélérer le processus. Nous prenons la direction de l’Emi-Immigration où je reçois le soutien du commissaire. N’ayant pas les frais de timbre de passeport qui s’élèvent à 50 000 F fCa, j’avais pris le soin de contacter un ami une semaine avant qui me l’a promis pour la fin du mois. Comprenez donc qu’il ne pouvait compter que sur son salaire pour me sauver de la « fessée » mémorable de celui que je considère comme mon oncle, Shanda Tonme. J’ai fini de constituer tout mon dossier ce 17 mars et j’ai pris la route vers midi et demi pour Douala, ma ville de résidence avec la ferme conviction de revenir à la fin du mois.

Le 3 avril donc, je retourne à Yaoundé pour payer les frais de timbre pour ce fameux passeport. Mon invitation de RFI en main, je ne manque pas de faire un crochet dans le bureau du commissaire et ensuite de celui de son adjointe qui me donnent la certitude que mon passeport sera tout fin prêt dans deux semaines au plus tard. Je reste à Yaoundé pour attendre le 15 avril et retirer mon passeport. C’est avec cette sérénité que je répondais aux interpellations incessantes de Raphaëlle Constant et surtout de Manon Mella sur la situation de mon passeport en leur disant que tout sera fin prêt le 15 mars 2014. Connaissant assez bien ce pays, je ne doutais pas un seul instant que les paroles d’un commissaire pouvaient être mises en doute surtout pour une situation comme la mienne. Vraiment, j’étais loin de ne pas le croire. A la date du 15 avril 2014, rien ne pointe à l’horizon et je retourne à Douala puisque j’avais un rendez-vous avec mon médecin le lendemain, 16 avril 2014. Je suis resté stressé dans l’attente de ce passeport jusqu’au jour fatidique où le commandant Emile de la GP, à qui j’ai pris soin de laisser le reçu qui permet de retirer le passeport, m’appelle et me dit qu’il a envoyé mon passeport via l’agence de voyages « Buca Vouyage ». Nous sommes le 23 avril 2014, après 3 semaines d’attente. Très content de pouvoir enfin voyager, je cours rapidement à l’agence retirer le passeport. Après l’avoir retiré, j’ouvre l’enveloppe pour contempler le fameux sésame, je soupire après et j’arrête de respirer. Première page et hop, je constate que la photo n’est pas la mienne bien que toutes les autres infos sont exactes. Je reste immobilisé sur place pendant plus d’une heure me demandant ce qui m’arrivait compte tenu du temps qui me restait pour respecter le rendez-vous du 2 mai 2014 à Abidjan. Tout de suite, je renvoie le passeport au commandant Emile qui ne s’était pas rendu compte de l’erreur. Normal, puisqu’il me voyait pour la première fois le 17 mars dernier. Difficile donc pour lui de s’en rendre compte.

Le commandant Emile reconstitue un dossier pour rectification en joignant encore une fois de plus la lettre d’invitation de Mondoblog RFI pour accélérer le processus. Le lendemain, il revient pour prendre connaissance de l’avancement de mon dossier et patatras… Il se fait dire que la Sarcel entreprise chargée de confectionner les cartes nationales d’identité et les passeports camerounais, est en rupture de connexion internet provenant de Camtel (Cameroon Telecommunications). Du coup, la Sarcel ne pouvant plus avoir accès à mon fichier logé dans son serveur pour modifier ma photo, se trouve en arrêt total d’activité. Malchance ! Juste au moment où il faut me servir ? Ainsi, tout le week-end du 24 au 28 avril 2014, moi-même j’ai été victime de cette perturbation d’internet qui a été ressentie dans tout le territoire national. Je suis encore resté stressé jusqu’au 1er mai 2014. J’écris à l’équipe Mondoblog RFI pour annoncer mon échec. En réponse, Raphaëlle Constant m’encourage en me réconfortant et en me donnant une dernière chance. J’appelle mes collègues mondoblogueurs Ulrich Tadajeu Kenfack et Josiane Kouagheu qui expriment leur surprise. Normal ! On ne peut être que surpris. Ils m’encouragent sur mon initiative de me rendre sur place pour m’enquérir de la situation. Grâce à eux, je reprends mon courage à deux mains.

Je repars à Yaoundé dans la nuit du 1er mai 2014 et j’arrive dans la capitale autour de 4 heures le 02 mai 2014. Je vadrouille à la gare routière de Mvan pour attendre 7 h30, heure d’ouverture des bureaux. Le commandant Emile vient me rejoindre et me conduit partout : à l’Emi-Immigration, à la police des frontières, à l’ambassade de la Côte-d’Ivoire, à la Sarcel. Tout ceci pour trouver une issue qui pourrait me permettre de rejoindre mes collègues mondoblogueurs. J’ai même bénéficié des apports des amis, frère et sœur, Bergéline Domou et Mathieu Youbi qui ont essayé de dénouer l’écheveau de cette administration pour trouver une astuce qui pourrait me sortir de la galère. Face à cet échec, je retourne alors sur Douala où j’arrive autour de 23 h 30 le 2 mai et je découvre le message de Josiane qui s’inquiète et veut savoir ce qui se passe. Presque, en larmes, je lui réponds que je ne pourrai pas aller à Abidjan. Le lundi 5 mai 2014, une nouvelle me vient du commandant Emile selon laquelle l’entreprise Sarcel ne pourrait reprendre du service que vers le 15 mai 2014 ! Tout est bloqué. Tout est en panne. Dans quel pays ! Pour l’histoire, le passeport biométrique qui est en cours a été lancé le 19 août 2013 date de la cérémonie d’inauguration de la machine de fabrication capable de produire 1300 passeports par jour. Deux semaines après son lancement, cette machine était tombée en panne. Les techniciens avaient été dépêchés du Canada pour sa remise en service. La panne actuelle est donc la deuxième qui survient après 8 mois de sa mise en service.

A vrai dire ce n’est pas la formation qui m’intéressait. J’avais soif de cette chaleur humaine d’une diversité et d’une densité culturelles certainement humaniste et fraternelle. Sociologue de formation, je voulais vivre cette expérience qui n’est pas unique dans ma vie (je suis un habitué des rencontres initiées par les réseaux sociaux), mais qui est exceptionnelle par sa particularité : les francophones partageant l’amour pour l’écriture, le partage des idées, de la pensée, bref une rencontre de blogueurs, de libres penseurs se réunissant pour échanger. Voilà le challenge que je voulais relever. Hélas ! Les dieux de la technique ont décidé autrement, ajouté à cela de la désinvolture administrative, de l’incompétence notoire.

A travers donc ce billet, je transmets tous mes remerciements à l’équipe mondoblog RFI qui n’a pas cessé de booster mon moral pour avoir ce passeport. A mes collègues Ulrich et Josiane pour leurs encouragements. Mes salutations vont enfin à tous ces mondoblogueurs francophones présents à Abidjan pour qui je dois beaucoup d’admiration à travers la lecture de leur blog respectif. Beaucoup de blog m’ont enchanté et j’ai espoir qu’un jour, un jour nos plumes changeront quelque chose dans ces bêtises humaines que sont la désinvolture et l’incompétence qui tuent et annihilent le génie dont fait preuve la jeunesse africaine.

Complétez vous-même cette phrase : « Pour une histoire de passeport biométrique,… (…J’ai loupé Abidjan ; …Josiane n’a pas eu son chocolat ; …j’ai échappé aux fessées de Ziad sur mes fautes de grammaire et d’orthographe ; …j’ai raté le bisou de Manon ; etc.)

Tchakounte Kemayou 


Le Cameroun singe sa mise au vert

Après un grand tapage médiatique pour l’interdiction des emballages plastiques non-dégradable au Cameroun depuis le 24 avril dernier, le Cameroun signe-t-il définitivement son entrée dans le monde des verts de la protection de la nature avec son Blue Bus? Le premier bus solaire voit le jour en septembre 2010 à Okayama au Japon. Bien que les voitures solaires existent déjà avant, il n’existait pas encore de voitures solaires de transport public. Le Solarve, puisqu’il s’agit de lui, est conçu et équipé des panneaux solaires sur le toit. Ces panneaux solaires peuvent fonctionner en autonomie continuelle et lorsqu’une intempérie survient, les batteries prennent le relais. Voilà pour ce qui est de l’histoire de véhicules solaires.

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Crédit photo: Blue Bus. Le jour de l’inauguration du Blue Bus flambant neuf

Grâce au groupe Bolloré, le 02 mai à Yaoundé, le premier ministre Yang Philémon a inauguré dans la matinée des « Blues Bus ». Ce sont des bus à énergie renouvelable de 20 places maximum. Ils ne sont pas équipés de panneaux solaires comme à Okayama au Japon ou comme dans  la ville de Colonia del Sacramento en Uruguay. Ils sont plutôt équipés de batteries rechargeables de 25 kilowattheures chacune. Les 228 panneaux solaires sont exposés dans un entrepôt situé au lieu-dit « Stade Matéco » de 2000 m² au moins. Après 150 Km de fonctionnement, les véhicules bus sont appelés à rentrer à l’entrepôt se faire changer les batteries qui ont été au préalable rechargées par l’énergie des panneaux solaires afin de couvrir tous les 18 points d’arrêt de Yaoundé qui ont déjà été ciblés. C’est donc une grande première en Afrique centrale. Voilà pour la description sommaire du véhicule.

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Crédit photo: Blue Bus. Un point de stationnement au Campus de Yaoundé 1

Mon séjour à Yaoundé a été d’une grande richesse, quand même. Lorsque j’apprends cette nouvelle de la mise en circulation de ce bus sur toute la ville de Yaoundé, je me dépêche immédiatement au lieu de stationnement unique actuel du bus. De là, j’apprends désespérément que « Blue Bus » n’est réservé que pour les étudiants et les enseignants de l’Université de Yaoundé 1. Mais, ce qui est intéressant, et c’est cela qui me comble de joie, c’est que tout a été prévu pour des étudiants handicapés : pont bascule à l’entrée, espace intérieur réservé aux fauteuils roulants, sièges adaptés et modulables à souhait. Tout y est ! Pour tromper la vigilance des vigiles pour le premier coup d’essai, je me présente comme un « étudiant handicapé ». Une carte d’étudiant m’est exigée. Ce que je n’ai malheureusement pas. J’ai quand même réussi à entrer. J’étais émerveillé et stupéfait. Propre et simple. Pas de luxe. C’est un transport en commun, tout de même !

Il m’est revenu de méditer encore une fois de plus sur les choix de nos gouvernants sur des décisions à prendre concernant l’amélioration des conditions de vie de la population des grandes métropoles. D’abord, pour presque 1 milliard et demi, il est encore préférable d’avoir des bus entièrement autonomes dotés de panneaux sur le toit. Il ne serait donc pas nécessaire de retourner à l’entrepôt pour changer de batteries. Celles-ci ne peuvent fonctionner qu’en cas de défaillance du système photovoltaïque. Ensuite, le fait que le Blue Bus ne soit réservé que pour les étudiants ayant une carte d’étudiants est malheureusement un affront qu’il faudra désormais géré, car l’Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun (ADDEC) ne se laissera pas faire du tout. Surtout qu’elle avait déjà combattu cette gabegie selon laquelle la délivrance d’une carte d’étudiant est subordonnée au paiement de frais subséquents et que cette carte confère au propriétaire le statut d’étudiant. Pourtant, la loi de 1993 sur la réforme universitaire est claire et indique que le paiement des frais de scolarité de 50.000Fcfa donne automatiquement aux propriétaires du reçu de paiement le statut d’étudiant. Aucun autre frais n’est exigé en dehors des frais de scolarité. Enfin, les handicapés vont, pour une fois, profiter d’un système en milieu éducatif qui ne les avait pas donné une place au soleil. Les étudiants handicapés bénéficieront d’un transport gratuit. Mais, le hic est que le Blue Bus a des points d’arrêt qui peuvent être situé loin du domicile de l’étudiant indigent qui ne possède ni fauteuils roulants, ni canne, ni béquilles. Beaucoup d’entre eux vont au campus à quatre pattes sur un support en bois. Dommage !

Tchakounte Kemayou