Yves Tchakounte

Le coup fatal de Carrefour Market sur l’économie camerounaise

Le magasin Carrefour tant attendu au Cameroun a enfin ouvert ses portes à Douala. Cette enseigne de commercialisation et de distribution de produits made in France, a été inauguré ce 05 décembre 2017. La cérémonie a eu lieu en présence de presque six ministres qui ont fait le déplacement depuis la capitale économique. Avant Carrefour, il y a eu Super U et Mahima. D’autres arriveront certainement. D’emblée, ces enseignes appartenant aux grands groupes des multinationales viennent rivaliser avec les PME camerounaises (Fokou, Ecomarché, Kdo, Santa Lucia) déjà présentes sur le terrain.

L’accueil réservé par la population à toutes ces enseignes étrangères n’a pas été mauvais. Les produits de luxe et de grande consommation (chocolat, par exemple) ne seront plus considérés comme des mythes. Ainsi, les Camerounais de la diaspora qui viendront en vacances au pays natal n’auront plus besoin d’encombrer leurs bagages de friandises des Blancs. Ces objets venant des pays européens et tant convoités par les Camerounais seront maintenant à la portée de la main. Sur le plan économique, cela semble être une innovation à nulle autre pareille.

La ruée des grandes surfaces vers le Cameroun laisse pantois quelques observateurs avertis. Cette arrivée massive des multinationales au Cameroun est l’une des conséquences de la signature par le gouvernement des accords APE, longtemps critiqués. La signature des ces « Accords intérimaires » intervenue en 2009 a été entérinée par l’Assemblée nationale et le sénat en 2014. L’heure n’est plus au débat sur la nécessité de cette signature. Aujourd’hui, il est non seulement question de nous interroger sur les raisons de cette ruée, mais aussi sur ses conséquences. Pour le dire autrement, le faible tissu économique camerounais réduit à la paysannerie survivra-t-il à cette chasse au filon d’or menée par les mastodontes de la distribution ?

Comment Carrefour va précipiter à la mort des PME camerounaises (Par Claude Abate)

La dette extérieure de l’État et le déficit budgétaire

Notre pays le Cameroun, comme l’ensemble des pays de la CEMAC, traverse une profonde crise économique et financière. Cette crise est même aiguë dans les pays qui étaient déjà au bord de la banqueroute il y a peu. Le francs CFA a été à deux doigts d’être dévalué. Ceux qui sont dans les affaires savent que l’argent ou la liquidité est devenue rare… Que l’État a du mal à honorer ses engagements, notamment celui de payer les entreprises qui accumulent les impayés… Que dans le même temps, l’endettement de notre pays s’est accéléré, suscitant l’inquiétude de nos partenaires.

En sus des causes endogènes de cette crise (crise sécuritaire, mauvaise gouvernance, etc), la cause principale et la plus violente provient d’un choc extérieur consécutif à la baisse drastique du prix du baril de pétrole. En moins de deux ans, celui-ci est brutalement passé de 120$/le baril en 2015 à plus ou moins 30$ à ce jour. A cette baisse du prix du pétrole s’est ajoutée celle des autres matières premières (bois, cacao, café, coton, etc).

Toutes choses qui ont eu pour conséquence une diminution significative des recettes d’exportation et par ricochet des ressources budgétaires surtout dans les pays où les recettes provenant du pétrole représentent encore 80 à 90% du budget (Guinée Équatoriale, Gabon, Congo). Les déficits budgétaires se sont creusés (pour faire simple, le déficit budgétaire, c’est quand les dépenses de l’État dépassent ses recettes budgétaires), d’où l’accélération du taux d’endettement pour financer ces déficits et une accumulation de la dette domestique.

Une baisse alarmante des recettes d’exportation

Il faut savoir que c’est l’argent ou les devises issues de la vente de notre pétrole et des autres matières premières que le Cameroun utilise pour régler ses factures extérieures (sa dette et toutes les importations de l’État, des entreprises et des citoyens lambda). Tout produit et service ou tout aliment étranger vendu ou consommé au Cameroun a été payé ou réglé par les devises du pétrole, du cacao, du café, de la banane, etc. Même le simple cure-dents importés de Chine sont payés par nos devises issues de nos recettes d’exportation (dont 50% sont virés au Trésor Français et les autres 50% à la BEAC). Notre F CFA, bien que garanti par le trésor français, n’est ni convertible ni reconnu en dehors de la zone CEMAC. Il ne peut donc servir à payer quoi que ce soit à l’étranger, même pas le papier hygiénique.

Il découle du paragraphe ci-dessus que si les prix des matières premières et du pétrole baissent fortement et durablement comme c’est le cas, nos recettes d’exportation diminuent et nous engrangeons moins de devises. Or pendant que les recettes d’exportations baissent, nos attitudes et habitudes de consommation, elles, restent les mêmes. Précisément, nous continuons à consommer et à utiliser les produits importés. Et Dieu seul sait que nous importons presque tout dans ce pays en ce moment.

La crise économique et l’intervention du FMI

Il arrive donc un point où le niveau d’importation de biens dépasse en valeur (argent) le niveau de recettes issues de nos exportations. Nous commençons donc à dépenser plus de devises pour régler nos importations que les devises que nous encaissons de la vente de nos produits à l’export. Et si ça continue, nous arriverons à une situation où nous n’aurons plus aucune devise pour régler nos factures extérieures ou nos importations. C’est précisément dans cette situation que nos États se sont retrouvés il y a quelques mois. D’où la crise économique et financière actuelle, et le recours forcé au FMI pour éviter l’insolvabilité et une dévaluation inéluctable du F CFA.

La sortie massive des devises et le chômage

Pour sortir de cette crise, il ne reste qu’à espérer à court terme une remontée des cours du pétrole et des matières premières. Mais rien n’indique que ce sera le cas. Et même si cela arrive, rien n’indique que nous n’allons pas nous retrouver dans la mème situations quelques mois ou quelques années plus tard.

La vérité c’est que nous ne pouvons pas continuer à bâtir nos pays ou nos économies en comptant simplement sur la vente de nos matières premières à l’état brut. La vérité c’est aussi que l’installation des enseignes comme Super U ou Carrefour ne va que contribuer à empirer notre situation ou la crise puisque ça vient justement amplifier les causes profondes de cette crise à savoir l’importation massive et la consommation effrénée des produits fabriqués ailleurs. Les devises ne pourront que continuer à sortir, et elles serviront à créer des emplois ailleurs dans les pays d’origine de ces produits.

En plus de participer à la fuite de nos capitaux, ces enseignes vont rendre la vie difficile à nos petits producteurs car ces derniers ne sont pas en mesure de rivaliser ou de supporter la concurrence imposée par les produits concurrents importés. Bien sûr, ils vont vous chanter qu’ils vont créer des emplois et payer des impôts, mais ils ne vous diront jamais quels emplois et quelles PME locales ils vont contribuer à détruire, ni quelle quantité de la richesse nationale ils vont rapatrier dans leurs pays d’origine.

Pour quelques solutions pour sortir du blocage créé par les enseignes étrangères de distribution et de commercialisation des produits européens, voir le billet suivant.


Pourquoi les violences sexuelles à l’égard des femmes suscitent-elles des polémiques ?

Les chiffres sur les violences en général et les violences sexuelles en particulier faites aux femmes sont révélateurs. Les Nations Unies se sont investies depuis 1999 dans une campagne sur ce thème très évocateur. Elles ont, par la voix de son ancien secrétaire général, mis l’accent sur la sensibilisation. La communication est donc l’option choisie par l’ONU pour faire stopper le fléau. Ban Ki-moon, mettant l’accent sur cette ère de communication new-look sonne le glas du silence : « Ne restez pas silencieux », dit-il. Et de continuer, « Lorsque vous êtes témoin de violence à l’égard de femme ou de fille, ne restez pas sans rien faire, agissez ».

Il devient donc évident que le monde, à travers les Nations-Unies, s’engage à lever les tabous. Cette annonce signifie justement que le phénomène est resté longtemps dans le silence absolu. En terminant son annonce par le terme « agissez », il lance un appel à la mobilisation, et, bien entendu, à l’action. Mais de quelle action s’agit-il ? Tenterez-vous de vous demander. Passer à l’action signifie à la fois, la dénonciation et la sensibilisation. Mais, à la lecture des publications qui pullulent sur le sujets, l’ONU a choisi de mettre l’accent sur la publication des statistiques sur le phénomène.

violence sexuelles subies par les femmes
Statistiques sur les violences sexuelles et d’autres types de violences à l’égard des femmes. Infographie par www.stampaprint.fr

Notre souci à travers ces lignes n’est pas de faire des commentaires sur ces chiffres. Il ne peut s’agir ici que d’examiner avec modération les phénomènes observés sur lesquels ces chiffres ont restitué l’ampleur. Commençons donc par le concept lui-même : « les violences faites aux femmes », de quoi s’agit-il ? A quoi peut renvoyer ces deux concepts de « violences » et de « femmes » réunis ?

Les violences faites aux femmes : qu’est-ce que c’est ?

Chaque année, le monde entier consacre la journée du 25 novembre aux violences faites aux femmes. L’occasion est donc donnée à toutes les institutions de protection des droits des femmes de mettre au grand jour leurs déboires.

Il existe deux genres, le masculin et le féminin. Mais, pourquoi cette fixation sur les femmes concernant la violence ? Les femmes sont-elles à subir des violences ? Evidemment, non ! D’où vient-il que l’ONU s’apitoie sur le sort des femmes en consacrant toute une journée sur « la violence à l’égard des femmes » ?

Cela sous-entend effectivement que parmi les deux genres, c’est la femme qui est considérée comme la plus faible. C’est donc un discours qui confirme, tout bonnement, ce que l’opinion populaire a souvent l’habitude de qualifier la femme de « sexe faible ». C’est un discours qui ne plait pas aux féministes. La raison la plus simple est le fait qu’il est détourner pour laisser croire à une incapacité des femmes à s’assumer.

Les statistiques confirment justement que ce sont les femmes qui subissent le plus de violences. Cela sous-entend également que ce sont les hommes qui sont les auteurs des violences. Ils sont donc ici considérés comme des bourreaux des femmes. Instinctivement, cela renvoie à une forme d’exercice de la domination dans une relation de pouvoir.

Dans les études des genres (Gender Studies), la disproportion dans une relation de pouvoir est une forme d’injustice. Cette relation est considérée comme déséquilibré par le fait même de la loi de la force physique. Évidemment, il serait prétentieux de jouer au malin pour ne pas reconnaître l’existence de cette forme de violence sur les femmes.

Quelques hypothèses de travail

En conclusion, le fait de dire que les « femmes subissent des violences » signifie au moins trois hypothèses : 1- ce sont elles qui subissent le plus de violence par rapport aux hommes ; 2- elles sont physiquement faibles pour résister aux attaques des hommes ; 3- elles sont imbriquées, consciemment ou non, volontairement ou non, dans des relations alambiquées plus ou moins formelles où les rapports de force ne sont toujours pas en leur faveur.

Les deux premières hypothèses sont confirmées par les statistiques publiées chaque année. A ce niveau, le débat repose encore sur la suprématie des hommes sur les femmes. Ce qui est une évidence. Quant à la troisième hypothèse, c’est elle qui fait maintenant l’actualité. Les recherches en sciences sociales ont déjà démontré que le type de relation entre l’homme et la femme détermine, non seulement, l’existence ou non de l’exercice de la violence, mais également le type de violence qui peut en découler.

Pourquoi une analyse sur les violences sexuelles faites aux femmes ?

Une fois que nous nous mis d’accord sur les fondamentaux de ces concepts, il ne reste plus qu’à observer le phénomène lui-même.

De quelles violences s’agit-il ? Il s’agira alors ici de définir les types de violences. Ces types de violences dépendront, évidemment, des types de relations que les femmes ont avec leurs bourreaux. Toutes études en sciences sociales abordant cette question doivent être orientées dans ce sens : recherche du type de relation afin comprendre les raisons de la manifestation des violences qui peuvent en découler.

Pour une analyse sur les violences sexuelles ? Sans faire dans l’exhaustivité, observons ensemble, ces types de relations pour comprendre les manifestations de ces violences sexuelles.

La première relation primordiale que peuvent avoir une femme et un homme, c’est la relation de couple. Ce type de relation possède plusieurs ramifications : les relations de couple mariés, les relations couples polygamiques, les relations de couples célibataires, les relations de couples homosexuels, les relations de couples transsexuels. Les statistiques les plus préoccupantes révèlent que toutes ces relations de couple dites « relations de partenaires intimes » sont les plus touchées par les violences à l’égard des femmes.

Les relations de couple issues des mariages forcés

Dans le monde, plus de 750 millions de femmes et de filles qui vivent encore ont été mariées de force. Les mariages forcés sont le fait d’un homme qui souhaite épouser une femme qui ne l’aime pas ou encore qui ne souhaite pas aller en mariage. Le souci de la femme ici est d’aller en mariage quand elle veut avec l’homme qu’elle a choisi.

Peut-on, dans un contexte africain, demander l’avis de la femme ? Laissons tomber les considérations religieuses et traditionnelles, et contentons-nous de la législation dans les pays africains. Une loi de la famille faisant de l’homme le chef du ménage fait de lui le plus fort, par principe. Le rapport de force est ainsi établi. Même si certains pays africains comme la Côte d’Ivoire, ont déjà modernisé leur code de la famille pour changer cette donne, ce principe reste néanmoins dans les mœurs. Pourquoi ? Parce que malgré le fait que la loi stipule l’égalité des charges du ménage, l’opinion collective considère l’homme comme le principal fournisseur des devises pour la survie de la maisonnée.

Imaginons un peu un couple marié dont un seul partenaire possède un emploi rémunéré. Il sera difficile de concevoir le fait qu’une femme puisse prendre en charge un « homme au foyer ». Cela relèverait de l’extraordinaire voire du vaudou. En plus, certaines entreprises ont cette habitude de donner un supplément salarial aux employés hommes qui ont des « femmes aux foyer », c’est-à-dire, des femmes qui n’ont pas d’emploi. L’inverse serait-il possible ? Ce n’est même pas concevable et j’en doute d’ailleurs. Vous comprenez donc pourquoi ce terme « gigolo » convient bien aux hommes et non aux femmes.

Les violences sexuelles au cœur des relations de couple

On ne saurait concevoir ces types de relation de couple sans révéler la violence qui en est liée. La plus rependue est inévitablement, vous en doutez bien, la violence sexuelle. L’opinion collective en Afrique a encore cette fâcheuse conception de la soumission sexuelle de la femme. Autrement dit, tout refus de relation sexuelle avec son partenaire est perçu comme un manque de respect. A défaut de la soumission, l’homme utilise donc sa force physique pour contraindre sa partenaire à plier l’échine : les féministes parlent alors de « viol ». C’est justement là où l’on en est avec cette fameuse idée de « violences à l’égard des femmes ».

Ainsi, plus de 120 millions de femmes ont déjà eu affaire, au moins une fois dans leur vie, à un homme utilisant la force pour avoir un rapport sexuel avec elles. Pire encore, 30% de ces cas ont été violentées par leurs partenaires intimes. Et ce n’est pas fini, 55% des femmes qui meurent ont été tuées par leurs partenaires intimes. Ces chiffres publiés par plusieurs instituts sont effarants. Mais ça choque qui ? Moi certainement et vous peut-être. Malheureusement, pour certains, ça ne l’est pas du tout, car ils continuent de penser que c’est de leur droit de consommer le mariage ou d’être satisfait par leur partenaire.

Le contraire serait-il possible ? C’est-à-dire, est-il possible que la femme exerce une force sur son partenaire pour avoir une relation sexuelle avec lui ? Évidemment, c’est non. Ici, la force physique et la force de la persuasion interviennent pour dompter son vis-à-vis. Dans une relation où le rapport de force est déséquilibré, l’injustice fait son lit.

Le combat des féministes ici est un plaidoyer pour donner aux femmes, au niveau législatif par exemple, la possibilité d’équilibrer leurs forces avec celles de leurs partenaires. Ainsi, la force du droit mise à la disposition des femmes viendra équilibrer la force physique que possède déjà naturellement l’homme. Les violences sexuelles ne sont pas seulement le fait des relations de couple.

Les violences sexuelles liées aux mœurs

Les mutilations sexuelles

Le cas des mutilations sexuelles est généralement le plus décrié ces dernières décennies. Les statistiques révèlent que 200 millions de femmes qui sont en vie ont déjà subies une mutilation de leur sexe. Il faut préciser ici que ces statistiques ne sont disponibles que dans les 30 pays qui disposent de données représentatives sur la prévalence. C’est dire que ce chiffre est loin de refléter la réalité et l’ampleur du phénomène. Ici encore, la violence fait office d’effet de soumission. Il ne s’agit plus des violences physiques, mais d’une autre forme dites psychologique. Elles sont donc liées aux pressions sociales de respect de la tradition.

Quel que soit les raisons que l’on pourrait donner pour justifier ces pratiques, il n’en demeure pas moins vrai que l’avis des personnes mutilées n’a pas été requis au départ. Comme elles se trouvent dans une position de faiblesse, elles se voient obliger de céder aux caprices de la tradition. C’est donc à ce niveau qu’intervient la violence.

Le harcèlement sexuel

L’une des violences sexuelles qui continuent de faire la une des journaux dans le monde, c’est le harcèlement sexuel. Évidemment, cette pratique est considérée comme une violence parce qu’elle est généralement exercée dans un conteste de rapport de force. Les milieux comme le cadre professionnel et le cadre familial sont les terrains où ce type de violences excelle. Les harcèlements les plus insidieux sont souvent ceux qui se confondent à des compliments, voire de la drague.

C’est la raison pour laquelle les preuves de harcèlement sont difficiles à déceler. Sans oublier que le harcèlement peut également être un moyen de chantage utilisés par les femmes vicieuses. Que dire du cas des femmes qui se font désirer au point de susciter consciemment des envies et des désirs ? Ainsi, passer inaperçue sans attirer l’attention des hommes, peut être synonyme de malchance.

Comment donc faire la distinction avec ces types de comportements calculateurs et le harcèlement ? La réponse est toute simple : une drague ou un compliment est considéré comme harcèlement à partir du moment où ça devient une obsession. C’est par exemple le cas des cyberharcèlements (réseaux sociaux, SMS, courriers électroniques, etc.). Les statistiques révèlent d’ailleurs que ce cas touche les femmes de 15 à 30 ans.

La « promotion canapé »

La « promotion canapé » est un concept qui désigne toute forme de promotion professionnelle liée au sexe. Le sexe est un élément de réussite professionnelle. C’est une forme de harcèlement sexuel insidieuse qui a pour finalité l’accès à l’emploi et aux privilèges socio-professionnels. Le bourreau ici étant forcément un homme détenant les pouvoirs d’accès à ces privilèges. Ici, on a donc coutume de donner aux femmes les qualités extraordinaires de négociation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle leur charme est toujours mis à contribution dans des relations de partenariats professionnels (signature de contrat, octroi d’un marché, etc.). Elles possèdent ce charme qui peut séduire les hommes et les amener à lâcher du lest. Ce type de relation peut-il être qualifiée de violente ? La réponse est évidente. Le sexe ici est utilisé comme critère à la place des compétences requises.

Cette pratique pousse alors les femmes à penser qu’elles réussir professionnellement sans avoir les compétences requises. Il faut préciser ici que toutes les femmes ne cèdent pas à ce chantage. Mais, les chiffres de celles qui ont ce courage d’abandonner une carrière de renom représente quelle valeur statistique ? Presque rien, dirait-on. C’est pourquoi l’opinion collective a souvent la maladresse conception selon laquelle toute réussite sociale, économique ou politique d’une femme est généralement le résultat d’une promotion canapé.

Les camaraderies et les errements de jeunesse

Ces types de violences sont principalement le fait des adolescents. Elles ont généralement lieu en milieu scolaire. Leur principale caractéristique, c’est l’embuscade tendue par les garçons aux filles maladroites. Ainsi, les toilettes et la broussaille (pour les collèges et lycées avec toilettes mal entretenues si elles existent) sont des lieux par excellence de la manifestation de ces violences sexuelles. Ces types de violences commencent toujours par un harcèlement et finissent donc par le viol dans les toilettes. Sous la menace d’une arme blanche, elles sont obligées de se plier aux injonctions de leurs bourreaux cagoulés.

Dans le monde, cette insécurité touche 246 millions de filles chaque année. C’est la raison pour laquelle beaucoup de filles hésitent toujours à utiliser les toilettes scolaires.

Le débat est-il pour autant clos ?

Les violences sexuelles sont les types de violences les plus rependues dans le monde. Dans tout type de violences sexuelles, les relations dont elles sont issues sont considérées comme des « relations de pouvoir ». En d’autres termes, aucune violences sexuelles ne peut être exercée dans un contexte où le pouvoir n’existe pas. Pour rééquilibrer les forces, il faut aussi donner aux femmes les moyens d’accès à ces pouvoirs. Les féministes prônent donc l’égalité des droits et des devoirs dans les milieux professionnels et familiaux. Par exemple, les termes comme « gigolo » ne conviendrait plus dans notre contexte où l’accès à l’emploi n’est plus l’apanage de l’homme.


Le journalisme et la presse camerounaise au cœur de la tyrannie

La presse peut-elle être livre en temps de disette ? Pour dire autrement, pauvreté et liberté sont-elles compatibles ? Cela renvoie au fait que si l’exercice du métier de journalisme est l’expression d’une liberté d’expression, comment peut-on alors concevoir le journalisme dans un contexte de tyrannie dont l’objectif est de clochardiser les citoyens ?

Le journalisme est le plus beau métier du monde, m’entendais-je dire. C’est toujours en ces termes qu’on me présentait le métier du journalisme. Mes années de lycée étaient tout aussi fabuleuses pendant mes piges au club journal « Les Antilopes ». Dès la classe de Seconde littéraire, j’en rêvais. C’est en Terminal que tout a basculé. Que s’est-il passé entre-temps, je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que le journalisme est un métier de plus en plus hanté par des intrigues.

L’objet ici n’est pas de faire un récit d’une vocation ratée. Il s’agit tout simplement de mettre au goût du jour les méandres qui jonchent ce métier de journalisme. D’aucun ont pensé, et continue d’ailleurs de le penser, que le journalisme est un métier comme les autres. On peut tolérer cette assertion sur la forme, mais pas sur le fond. Ce qui fait la différence entre le journalisme et les autres métiers, c’est la capacité qu’a un journaliste d’être un leader d’opinion. C’est celui qui peut ou même qui joue à l’alerte ou à la sentinelle.Bref, c’est un éveilleur de conscience.

C’est ce caractère qui fait du journalisme un métier dit « dangereux ». Il l’est encore plus dans une tyrannie comme le Cameroun. Parce que dans une tyrannie, la clochardisation et le musellement sont les maître-mots de tous les corps de métier qui peuvent nuire à sa « sérénité ». Les journalistes étant la première cible, il faut donc les laisser se débrouiller seuls. Bien entendu, étant donné que la liberté et la pauvreté ne font pas bon ménage, il faut donc que les « alerteurs » soient à l’abri du besoin pour ne pas être tenté par l’appât du gain. Dans ce contexte, les journalistes ne pourraient ne pas se mêler à la poubelle de l’histoire.

Pour illustrer ce tableau sombre de la situation du journalisme dans un contexte de tyrannie, un bref parcours de la presse camerounaise est plus que nécessaire. La principale problématique ici sera celle de savoir comment les journalistes font-ils pour vivre de leur métier dans une tyrannie ? Ou mieux encore, comment la presse camerounaise, avec moins de 1000 exemplaires pour 400 Fcfa l’unité, fait-elle pour tirer son épingle du jeu ? Avec cette capacité de tirage, on dirait l’époque de la préhistoire.

Quelle est la situation du journalisme et de la presse camerounaise dans les années 1990 ?

Ce qu’il faut tout de même savoir, c’est que la presse se portait très bien avant. La situation s’est de plus en plus dégradé vers les année 2000. La mendicité a commencé à prendre de l’ampleur avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux. C’est pour ça que la plupart d’observateurs pensent que la dégringolade de la presse vient du fait qu’elle n’a pas été en phase avec le développement technologique. Pour beaucoup d’autres encore, les raisons sont ailleurs. Benjamin Zebaze, l’un des pionnier de la presse camerounais, livre ici sa version des faits :

Ce qu’il est important de savoir, c’est qu’à cette période dominée encore par les lois d’Ahmadou Ahidjo, devenir Directeur de Publication n’était pas une sinécure. Une enquête de moralité et un lourd dossier arrivait sur la table du ministre de l’Administration Territoriale qui pouvait ou non le rejeter. Aujourd’hui, il suffit juste d’une déclaration faite à un préfet. Si ce système mis en place par Ahmadou Ahidjo existait encore, combien de Directeur de publication actuels auraient traversé ce filtre ?

Pourquoi le régime de Paul Biya a changé les règles ? Nous le verrons plus loin.

Lorsque j’arrive dans ce milieu en 1990, « Le Combattant », « La Gazette », « Le Messager »… sont sur le terrain et se battent dans des conditions difficiles. Le journal de Pius Njawe (Le Messager, ndlr) est celui qui souffre le plus parce qu’il s’aventure dans le domaine politique ; pour cela, il est la cible principale de la censure. Le slogan de son journal est alors, « le journal qui apparait à l’improvise ».

Je lui explique qu’il est nécessaire de prendre un rendez-vous fixe avec nos lecteurs. Je propose tous les mercredis pour mon journal, lui jeudi et plus tard nous laisserons le mardi à Sévérin Tchounkeu.

Notre modèle économique est simple : faire tout ce qui est nécessaire pour faire le meilleur journal possible afin de maximiser nos ventes ; mettre en place un embryon d’organisation pour défendre nos intérêts collectifs.

Comment avec Pius Njawé, on a sauvé la presse ?

Nous étions alors forts comme en témoigne cet épisode. Au lancement de la TVA et en violation des conventions internationales, le gouvernement impose cette TVA à l’importation du papier journal qui va renchérir les coûts de fabrication de presque 20%. En tant qu’imprimeur des journaux, j’indique à Pius Njawe que je suis obligé d’augmenter les tarifs et que seul le ministre des finances peut faire quelque chose.

Malgré la « guerre » que nous menions contre le gouvernement, Pius appelle immédiatement le ministre des finances Justin Ndioro et lui explique la situation. Le ministre nous donne rendez-vous pour le lendemain matin à Yaoundé. Pius fait venir Severin Tchounkeu et le met au courant de la situation. Mais au moment de nous en aller, il nous rappelle en criant presque pour nous rappeler que nous sommes tous les trois bamiléké et que ce n’est pas bon pour une cause nationale. C’est ainsi qu’il appelle immédiatement Michel Michaut Moussala qui se joindra à nous.

L’entretien au bureau du ministre Justin Ndioro

Le ministre Justin Ndioro, un homme de très grande classe, écoute mes explications et déclare : « je n’ai pas à pénaliser la presse si elle a raison. Je vais vérifier et prendre des mesures ». A notre sortie, sa secrétaire nous annonce que le ministre délégué au budget Roger Melingui a appris que nous sommes là et veut nous voir. Nous avons passé un moment agréable dans son bureau. Dès le lendemain, Pius Njawé m’appelle pour me dire que le ministre vient de lui dire qu’il a fait le nécessaire.

Monsieur Gwanala (Pardon pour son nom), le directeur des douanes me reçoit tout sourire quelques heures plus tard et me montre le fax reçu du ministre. Mais qui a réellement profité de notre action ? Pas seulement la presse, mais des industries comme le groupe Safca de Fotso qui utilisait le papier journal pour fabriquer les cahiers scolaires ; ainsi que de nombreux vendeurs de papier pour imprimerie.

Tout cela juste pour montrer qu’en se réunissant sur l’essentiel et en mettant le lecteur au cœur de notre stratégie, nous étions très forts et vivions pour l’essentiel de nos ventes.

Quelles sont les origines de cette décrépitude du journalisme et de la presse camerounaise ?

Cette période de vache grasse finira par prendre fin. La situation est presque cocasse aujourd’hui. Comment s’est manifesté cette dégringolade de la presse pour qu’elle devienne aujourd’hui la cible des railleries ? Il ne se passe plus une occasion où un journaliste est mêlé de près ou de loin à un scandale de mœurs et de corruption. Pour la presse est-elle tombée aussi si bas depuis presqu’une décennie ? Une fois encore, la position du doyen Benjamin Zebaze sera nécessaire pour comprendre justement ce qui arrive à ce monde si merveilleux que le journalisme.

A mon avis, plusieurs facteurs entre en jeu :

a) Les magouilles du pouvoir

Il n’accepte plus l’influence des journaux de Douala qu’il qualifie de « journaux bamiléké ». Les règles pour devenir Directeur de publication sont alors modifiées et de nombreux journaux naissent à Yaoundé (Les ministres Fame Ndongo et Joseph Owona peuvent en dire plus) dont l’un avec un commissaire de police comme Directeur de Publication.

Suite à une énième suspension, nous produisons un journal commun pour nous plaindre : dans ces journaux, un ministre bien connu qui écrivait sous le pseudonyme d’Oussibita d’Assotol Ebolo nous qualifie de « La Sainte Trinité ».

b) Le rôle néfaste de la Crtv

Ces journaux de Yaoundé n’ont pas de lecteurs ; leurs responsables font le tour des ministres et des sociétés d’Etat afin d’obtenir les moyens nécessaires pour assurer leur fonctionnement quotidien.

Ils ne suivent que l’exemple des journalistes de la Crtv qui pour le moindre reportage, demandent aux préfets, maires, ministres, directeurs de société…les «frais de carburant ». C’est comme cela que le terme « gombo » s’impose dans la presse.

c) La victoire volée de Ni John Fru Ndi et la dévaluation du Franc CFA

La presse, qui pour l’essentiel avait soutenu ce candidat, subit un contre fouet terrible après cet échec. On eut dit que les électeurs voulaient nous faire payer le rêve avorté.

La dévaluation de CFA est venu tout aggraver de telle sorte qu’un journal comme le Messager est passé de 100 000 exemplaires à 25 000 ; Challenge Hebdo de 70 000 à 15 000. Partout, c’était le même désastre.

Quelle entreprise peut supporter sans de gros dégâts une telle perte de chiffre d’affaires ?

d) Les nouvelles techniques de « marketing » inventées par la jeune génération des Directeurs de publication

Au lieu de continuer à nous serrer les coudes, certains se sont mis à appliquer les méthodes des journaux de Yaoundé.

On pouvait lire désormais des titres comme ceux-ci :

  • Mebe Ngo’o, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut
  • Qui en veut à Tchouta Moussa ?
  • Motazé, le sauveur des retraités à la CNPS

D’autres « experts » ont vite trouvé un autre filon basé sur du chantage :

  • Dans notre prochaine édition, tout sur les frasques du directeur général de la Camair.
  • A ne pas manquer jeudi prochain : comment les milliards se sont envolés au port de Douala.

Peu importe si les lecteurs ne découvrent pas ces « pseudo révélations », l’objectif est ailleurs : se remplir les poches à moindre frais.

A ce petit jeu-là, la presse dans son ensemble a perdu de sa crédibilité.

e) Le rôle des lecteurs et des hommes publics

Au lieu de soutenir les médias qui essayent de rester un peu à l’abri de tout cela, la presse est abandonnée. On ne peut pas refuser d’acheter les journaux ; se contenter de lire des articles pillés par des pirates sur le net et s’attendre à une presse de qualité. Combien parmi ceux qui braillent aujourd’hui sont prêts à prendre un abonnement sur un site payant ? L’information a un coût et il est évident que si le lecteur ne paye pas, il faut bien que quelqu’un le fasse à sa place.

Sur le même plan, cette hypocrisie de la classe politique et d’affaires est insupportable. C’est elle qui est prompt à utiliser les médias quand ses intérêts sont menacés et qui se plaint quand ses adversaires utilisent les mêmes méthodes.


Le pugilat entre artistes hante la Toile au Cameroun

Le pugilat est à son comble entre artistes. Les Camerounais s’en délectent et se mettent en rang serré pour assister, sur la Toile et les médias classiques, au concert de musique pas comme les autres. C’est un concert très particulier d’un autre genre que deux artistes ont accepté d’offrir gratuitement aux Camerounais. Il s’agit d’un concert d’insultes par médias et réseaux interposés. Ce concert est devenu bruyant au point de diviser l’opinion. Les fans, en bataille rangée, se défendent en mettant en avant les fumisteries de l’artiste adverse.

Sur le ring du concert, Ngono Adèle Ruffine, alias LADY PONCE, née en 1983 et Longkana Agno Simon, alias LONGUÉ LONGUÉ, né en 1973. Ce sont les deux artistes musiciens camerounais adulés sur la scène nationale et internationale. Ces deux-là, à la place des belles chansons qui honorent le patrimoine culturel de leur pays, se donnent, via les médias (presse écrite, TV) et les réseaux sociaux, une volée de bois vert d’une rare violence.

Comment en est-on arrivé là ?

Le pugilat des artistes
Le quotidien satirique camerounais Le Popoli a fait du pugilat des artistes ses choux gras. Crédit photo : capture d’écran du journal.

Affaire Longue Longue/Lady Ponce : un cas singulier des « mythes et délires d’une société camerounaise contemporaine en crise »

Les faits

Ces derniers jours, une escalade conflictuelle opposant Longue Longue à Lady Ponce défraie la chronique autant dans les mass médias que dans les techno-médias. En effet, une guerre symbolique auréolée des clichés négatifs cristallise les deux figures de la scène musicale locale. A coups de quolibets, de stéréotypes, de diatribes, de chiens écrasés et de sarcasmes, ces deux singularités du monde de l’art musical s’étripent sur l’espace médiatique au grand bonheur des auditeurs et des internautes enclins à l’écoute systématique et régulière des scènes crisogènes d’un tel acabit.

Suivant l’historicité de cette guéguerre envenimée dans l’arène publique, Longue Longue est le premier acteur à sonner le tocsin du clash avec sa congénère tant dans l’une de ses envolées narcissiques sur la toile, il l’a qualifiée « d’illettrée » et de « prostituée ». Réponse du berger à la bergère : Lady Ponce n’a pas manqué, dans l’une de ses récentes interviews télévisées sur Vision4, de battre en brèche la posture désinvolte, désobligeante et incongrue de Longue Longue. Ainsi, l’auteur de la chanson à succès « Aio Africa » a-t-il été affublé du statut de « violeur » et de « pédophile » par l’auteur du titre adulé « Moan yesus ».

Ce jeu de l’étiquetage social ne s’est pas limité à cette émission puisque sur Soleil Fm, l’une des dernières nées du kaléidoscope médiatique local à Yaoundé, ce 23 octobre 2017 entre 10 et 12h, Lady Ponce a, une fois encore, à la faveur du temps d’antenne à elle accordé, labellisé négativement Longue Longue. Les mêmes qualificatifs de « violeur » et de « pédophile » englués dans un magma d’histoires ont été relayés, mieux diffusés tantôt à la grande satisfaction du consortium d’animateurs présents en studio, tantôt à la grande désolation de certaines catégories de l’agora peu intéressées pour ce type d’excroissance langagière.

Les médias mis à contribution pour enflammer les artistes

L’exaltation de la catharsis sociale autour de cette affaire morbide au plan de la Sémiotique du discours de l’un et de l’autre s’est, de surcroît, vérifiée à l’aune de la prise et de la diffusion coercitive et massive des vidéos liées à des indiscrétions de la chanteuse sur les réseaux sociaux. Toute chose, curieusement, amplifiée par des Hommes de médias, dont d’aucuns ont tôt fait d’annoncer, deux heures à l’avance, la participation de cette dernière à un programme à coloration animatif. L’on dirait une scène de prestance individuelle émotive, affective et cathartique. Mais pour quel dessein au demeurant ?

Du coup, il naît, en tant qu’homme de science, un questionnement épistémique sur le statut, voire sur la fonction des médias dans la société en général et, singulièrement, dans le processus de règlement de la crise de rapports interpersonnels. A ce giron, sans se prévaloir de la posture de maître-censeur, le théoricien et le praticien des sciences de l’information et de la communication s’interroge sur le rôle des journalistes et des animateurs dans la dynamique d’exacerbation de cette dissension ou d’apaisement social entre les deux artistes-musiciens. Doit-on informer, éduquer, divertir ou, a contrario, insulter, se quereller et invectiver étant donné qu’il s’agit des adultes ?

L’analyse psycho-sociale de l’avalanche conflictuelle entre le « libérateur libéré » et la « ponceuse nationale »

Pour ceux et celles qui ne le savent pas, la vie sociale est une scène de théâtre, nourrie de la construction de la réalité quotidienne. Chacun joue, délibérément ou inconsciemment, un rôle théâtral d’une part et un rôle social d’autre part. Lorsqu’un cas de crise de rapports inter-individuels se pose avec acuité dans l’arène sociale, faut-il faire le jeu de l’aggravation de la crise à coups de facteurs de la « violence symbolique », en alimentant les médias et les réseaux sociaux des émotions, des passions, des pulsions et des affects, vecteurs de la stigmatisation sociale ? Si Longue Longue, depuis près de deux mois, est un acteur théâtral ayant assailli l’espace techno-médiatique et ayant labellisé, de façon stéréotypée, Lady Ponce, faut-il qu’elle aussi s’enlise dans la boue, voire dans la gadoue en théâtralisant le rôle de « dépravé mental spontané »?

Mû par une folie de grandeurs habituelle et désormais rituelle, le « libérateur libéré », qui n’est pas à son premier coup de dérive orale, s’est permis, contre toute attente, dans ses vidéos insolites, insolentes et exubérantes, de flinguer certaines figures de l’échiquier artistique et médiatique. Jean-Pierre Essome, Petit Pays, Tchop Tchop, Fingon Tralala en sont quelques exemples patents. Aussi s’est-il donné du plaisir et du loisir malsain en raillant certaines catégories sociales en proie à la paupérisation ambiante et chancelante dans un hôtel de la place.

Les frasques de cet artiste étaient, d’ailleurs, filmées par ses amis qui l’y encourageaient avec un intérêt singulier. Lorsqu’un être humain qui plus est un acteur théâtral se livre à ce jeu stigmatisant et inconvenant à l’égard de plus d’un, faut-il basculer, comme lui, dans la scénarisation de cette posture malsaine et nauséeuse ? Toute chose qui participe, dans la même veine, à ternir votre image ?

Peut-on espérer la fin du pugilat de ces artistes ?

Eu égard à ce cas singulier des mythes et délires d’une société camerounaise contemporaine en crise, les Hommes de médias, plutôt que d’accentuer cette tension inter-individuelle à coups d’interventionnisme médiatique de la labellisée, doivent, fort au contraire, opter pour la logique de l’apaisement social. A ce niveau, au plan psycho-social, il est idoine de faire tabula rasa de ce type d’ignominie du provocateur, lequel relève du futile pour se consacrer à l’utile lié à la promotion de nouvelles sonorités de Lady Ponce.

A preuve, l’essentiel auquel devrait se consacrer Lady, depuis la sortie de son album, est la promotion et, a fortiori, la communication autour des singularités et originalités de cette fleur musicale. Mais comme les acteurs médiatiques d’ici sont friands et raffolent des faits divers et des histoires tissées d’intrigues et des dessous de ceinture, il naît, chaque fois, une incitation subliminale des protagonistes à se crêper le chignon et à s’opposer littéralement à coups de propos discourtois et de mauvais aloi. Illico presto, le questionnement épistémique est, dans la même veine, orienté vers les promoteurs d’entreprises de presse qui prêtent le flanc à ce jeu de l’exacerbation du conflit, ainsi que vers des personnes proches collaboratrices desdits artistes-musiciens.

L’instrumentalisation de certains organes médiatiques à des fins de polarisation crisogène entre des artistes n’aide pas à polir l’image et le statut social des théoriciens et des praticiens de l’art musical.

Dans la vie, il faut savoir se consacrer à l’essentiel au détriment de l’accessoire. Comprenne qui pourra et réagisse qui voudra

Un texte du sociologue Serge Aimé Bikoi


Comment comprendre le positionnement des acteurs dans la crise anglophone au Cameroun ?

L’un des avantages qu’aura apporté la crise anglophone au Cameroun, c’est justement le réalignement des acteurs. C’est une forme de positionnement ou ré-positionnement des acteurs et des leaders politiques, des analystes et des chroniqueurs. Pour dire autrement, c’est une crise qui donne l’occasion à chacun de s’exprimer en dévoilant au grand jour ses opinions et convictions.

Toute crise a donc cela de particulier : dévoiler à l’opinion la position claire de chaque acteur politique et de certains leaders. L’occasion est alors venue de découvrir les vrais visages de certains et leur alignement idéologique qui ne faisait l’ombre d’aucun doute. Il sera question ici de donner les détails sur les différents camps de positionnements des discours des acteurs. Les lignes de démarcation de chaque discours montreront au grand les réalités du changement tant convoité.

Les journaux, acteurs partisans du statut-quo
La presse écrite profitant de la crise anglophone pour se lancer dans une campagne de dénigrement et de sabotage du fédéralisme par les journaux qui sont des acteurs partisans du statut-quo. Matango Club

Depuis le début de la crise anglophone, les Camerounais ont construit trois champs de manifestation de la crise. Les champs de manifestation sont des espace de mobilisation et d’expression sur le déroulement de la crise. Tandis que les uns sont sur le champ du terrain de mobilisation, les autres s’illustrent, soit, comme des observateurs, soit, comme des activistes à travers la Toile et les médias audio-visuels. Ces deux derniers semblent particulièrement intéressants pour une raison simple. Les débats noués autour de la crise font l’objet d’une cristallisation autour des positions idéologiques sur l’avenir politique du Cameroun.

Qui sont d’abord les acteurs de la crise ?

La crise, autrefois corporatiste s’est investie de plus en plus sur le champ politique. On peut donc distinguer trois catégories d’acteurs : les manifestants, les leaders, les penseurs-activistes, les observateurs et les fonctionnaires. Chacun d’eux joue un rôle précis dans l’évolution positive ou négative du la crise.

Les acteurs et leurs positions

Chez les manifestants et les leaders, trois camps se neutralisent : les fédéralistes, les sécessionnistes et les républicains. La zone géographique des manifs se trouve dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest d’expression anglaise. Les deux premiers catégories d’acteurs sont les plus nombreux puisque ce sont eux qui ont déclenché la crise. Par contre, il serait actuellement difficile de faire la distinction entre les fédéralistes et les sécessionnistes. Car, ceux-ci, avec le pourrissement et la dégradation de la situation, ont largement pris le dessus. Ainsi, le positionnement des fédéralistes a évolué vers la sécession.

Chez les observateurs (ceux qui n »émettent aucune opinion) et penseurs-activistes, il existe également trois camps. Ils sont répartis en positionnements identiques que ceux ont été identifiés chez les manifestants. Sauf que la proportion pour chaque catégorie est inversée. Ici, par contre, les fédéralistes et les républicains sont plus nombreux. Il serait par contre plus difficile de faire la distinction entre les républicains et les fédéralistes. Théoriquement, les huit régions d’expression française et les Camerounais (Anglophones et Francophones) de la diaspora représentent les champs d’expression de ces acteurs. Les Anglophones de la diaspora sont plutôt adeptes de la sécession.

Les autorités administratives jouent ici le rôle de gestionnaires de la crise. Ils s’illustrent par des méthodes caractérisées de zèles. Elles sont pointées du doigts comme celles par qui la crise le dialogue doit être enclenché. Curieusement, les multiples échecs et tentatives de dialogues divisent l’opinion sur leur réelle volonté de voir un dénouement heureux de la crise.

Le contenu des alignements des acteurs

Il est cependant utile de préciser ici que le temps a favorisé l’évolution des positions qui se sont de plus en plus endurcies. Ainsi, on a donc des positions qui, au départ, plus conciliantes sont devenues trop radicales. Aujourd’hui, le sécessionnisme a pris du terrain chez les Anglophones tandis que les Francophones évoluent vers vers le fédéralisme. Cette évolution des positions n’est pas du goût des autorités dont l’objectif, visiblement, est de laisser pourrir la situation pour faire reculer les positions ou maintenir le statu-quo.

Il existe quatre camps de positionnement

Les républicains sont ceux qui soutiennent le pouvoir de Yaoundé. Ils sont unanimes aux dénouement de la crise par le strict respect des dispositions de la constitution de 1996. Celle-ci prône l’État unitaire avec une décentralisation comme mode de gestion de la cité.

Le fédéralisme, par contre, est une option qui n’est pas du tout nouvelle au Cameroun. Il était en vigueur dans la constitution de 1961. Cette option va au-delà de la décentralisation et donne un réel pouvoir parlementaire et exécutif aux régions.

La sécession, à son tour, donnée marginale, est presque devenue une option à prendre dorénavant au sérieux. Les menaces séparatistes, prônées par le SCNC, sont de plus en plus visibles. Aujourd’hui, le groupe sécessionniste se fait appeler « Southern Cameroons/Ambazonia ».

Le dernier camp me semble un peu complexe. C’est celui des partisans du statut-quo actuel. Ces partisans sont à la fois, les autorités administratives et les membres du parti au pouvoir. A la suite de la victoire à la présidentielle de 2011 remportée par Paul Biya, c’est le camps de ceux qui ont été chargé d’implémenter la constitution de 1996. Une constitution qui fait du Cameroun un « État unitaire décentralisé ».

Le double-jeu des partisans du statut-quo

En fait, la décentralisation c’est l’autonomie de gestion des régions avec un réel pouvoir d’indépendance budgétaire. En fait, c’est de quitter l’État unitaire centralisé vers l’État unitaire décentralisé. Cette politique, en vigueur depuis 1996, n’est toujours pas appliquée. Pourquoi ? Pour les autorités de Yaoundé, la peur de se départir des prérogatives décisionnelles freine l’application de ces dispositions constitutionnelles. Ici, les partisans du statut-quo se confondent avec les républicains. Les deux prônent l’application de la décentralisation, mais les partisans du statut-quo jouent un double-jeu.

Les trois positionnements de l’opinion, décentralisation, fédéralisme et sécession, sont proposés pour renverser le statut-quo. Ils sont aussi considérés comme des options de dénouement de la crise anglophone. Cependant, chacune d’elle étant porteuse d’enjeux qui pourraient mettre en péril le pouvoir de Yaoundé, on comprend dès lors le choix du pourrissement de la situation. Mais, ce qui fait problème, justement, c’est le positionnement des Francophones dits progressistes ou modérés depuis le début de cette crise.

Qui sont les francophones (fédéralistes ?) dits « modérés » ?

Même s’il est difficile de savoir la proportion des francophones favorables au fédéralisme par rapport aux républicains, il n’y a cependant aucun doute que les anglophones en sont majoritairement favorables. 

Le camp des fédéralistes est beaucoup plus complexe que celui du statut-quo. Depuis les deux dates sanglantes (22 septembre et 1er octobre 2017), le flou qui persistait pour faire leur distinction s’est de plus en plus estompé. Il faut alors distinguer les fédéralistes radicaux (solidaires des Anglophones) et les fédéralistes dits « modérés ». Ces derniers sont considérés comme des républicains dits « progressistes ».

La tendance est à la confusion entre les républicains et républicains progressistes (ou fédéralistes modérés). Cette confusion est semblable à celle qu’on fait entre les partisans du statut-quo et les républicains. Pour les républicains progressistes, l’accent doit être mis à l’application de la constitution de 1996. Puis, progressivement, le fédéralisme pourra être implémenté à dose homéopathique. Les républicains progressistes se retrouvent généralement chez les Francophones. Pourquoi ces progressistes se disent solidaires des revendications anglophones, mais se désolidarisent des combats qui vont avec ? Ou alors,  comment sont-ils différents des fédéralistes radicaux solidaires des manifestants anglophones ? La réponse est à chercher dans leur espièglerie.

La mauvaise foi entretenue par ces « progressistes »

Les progressistes ou modérés affichent, depuis le début de la crise, des positions carrément ambiguë. Ils disent être d’accord pour le fédéralisme, mais se désolidarisent des méthodes du « ghost town ». Ils se sont toujours illustrés par leur souhait incessant au retour au calme pour la simple raison qu’ils veulent la paix. Plus encore, ils insinuent que personne ne peut défier l’autorité de l’État. Pour cela, quiconque ne se plie pas aux injonctions de l’autorité mérite la morts. Ils se fichent pas mal des victimes des balles réelles des soldats. Ils entretiennent un discours de diabolisation envers les manifestants en les qualifiant de « sécessionnistes » et « anti-patriotes », de « terroristes », de « chiens », de « Biafrais » qui méritent la mort.

Pour eux, l’application des mesures fortes (police, justice) pour rétablir l’ordre et la paix à tous les prix doit être perpétuée. Depuis le début de cette crise, ils sont dans une posture de diabolisation de la crise. Leur souhait, d’ailleurs, c’est de voir l’échec de la crise pour se donner bonne conscience d’avoir alerté les manifestants Anglophones. Ils continuent de pérorer sur la force de l’État qui, pour eux, détient le monopole de la violence légitime.

En fait, ils scandent l’ouverture des écoles. Plus même, ils disent aimer les enfants plus que les parents de ces enfants. Ils disent qu’il faut protéger l’avenir de ces enfants alors que les enseignants estiment que cet avenir est en péril. De quel avenir parlent donc ces progressistes-modérés ? Ils sont convaincus que les parents maintiennent leurs enfants à la maison par la peur et la contrainte. Pour preuve, la vague d’élèves qui fuient les régions anglophones pour aller s’inscrire dans les régions francophones est le signe que les populations vivent dans la terreur. Comment expliquer donc ces liesses populaires observées le 22 septembre et le 1er octobre ? Ces populations ont-elles été manipulées ?

Discours biaisé ?

Curieusement, ce discours des progressistes-modérés n’est pas loin de celui entretenu par les autorités, partisans du statut-quo et les républicains. Du coup, le discours des fédéralistes est brouillé pour laisser croire à l’opinion que les Anglophones veulent à tous les prix le pouvoir en brandissant la sécession comme un objet de chantage.

Pourquoi les Francophones sont-ils si méchants au point de se réjouir de la morts des Anglophones ? Au fait, comment expliquer cette différence de comportement de deux populations de langue différente, mais qui vivent ensemble ?

Le déterminisme culturel des acteurs

La nécessité de reconnaitre la spécificité des problèmes Anglophones au Cameroun est un préalable. Le respect des spécificité de la minorité devrait alors être de soi, puisque garanti par le droit international. En dehors du fait de sa minorité, les Anglophones sont un peuple de réfractaire à la soumission.

Il faut bien se rappeler que les populations des régions anglophones du pays ont, pendant de nombreuses années, de 1919 À 1961, soit environ 50 ans, vécu sous le système de l’ « indirect rule », où avec leurs autorités coutumières, elles géraient les affaires de leur localité sans attendre que les ordres viennent de la capitale. Ils n’ont pas subi la colonisation française qui a développé, dans la partie francophone, cette culture de la soumission quasi-religieuse, à la moindre autorité de l’État (au prétexte que tout pouvoir vient de Dieu). Nos compatriotes anglophones peuvent donc être plus mal à l’aise que les francophones dans cet État au fonctionnement de plus en plus centralisé, là où les francophones peuvent être tolérants, sinon carrément heureux.

Atangana Mebara, Ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République, incarcéré pour détournement de deniers publics.

Les progressistes-modérés francophones sont en fait dans le déni

Les autorités administratives qui gèrent la crise continuent, coûte que coûte, à multiplier des stratégies de dénouement. D’échec en échec, elles se sont heurtées aux barrières qui ont empêché un début de dialogue franc et sincère. Curieusement, les progressistes continuent de crier au complot de déstabilisation en oubliant qu’ils ont affaire à un gouvernement d’incompétents.

– Ils ont commencé le dialogue avec le consortium, et quand ils se sont rendu compte que les leaders ne voulaient pas céder au chantage, ils ont capitulé,
– Ils ont alors saboté le dialogue avec le consortium,
– Ils ont mis les leaders du consortium en prison en espérant que la peur allait dissuader les Anglophones,
– Ils ont cru que l’intimidation allait marcher comme ils l’ont fait en 1990 et en 2008,
– Ils sont allé en rang dispersé dans la zone anglophone pour négocier, le résultat a été catastrophique,
– Ils sont aussi allé rencontré la diaspora pour négocier, l’accueil a été désastreux,
– Ils ont alors libéré les leaders du consortium en espérant que ça allait calmer les Anglophones,
– Ils sont maintenant allés négocier pour une troisième fois dans la zone anglophone, et l’un des leaders du consortium, en voyant le dos du nageur, a tout simplement dit « Niet, Nada, vous mentez ».

Nous sommes maintenant dans l’impasse.

Pour une première fois dans ce pays, une population, j’allais dire, les Anglophones réussissent à soumettre la bande du tyran au pas. Il a fallu l’existence des Anglophone dans ce pays pour réussir ce challenge : malmener les autorités imbues et zélées. Et je suis très content de ce qui leur arrive. Il n’y a que des Francophones qui son incapables de comprendre que ce sont les Anglophones qui tiennent le bon bout, je veux dire, qui tiennent le bâton du pèlerin. Je n’ai jamais vu les autorité aussi dépassées par les événements.


La longue marche vers la sécession au Cameroun

La crise politique que traverse le Cameroun aujourd’hui fait des émules. Une crise politique jusqu’ici émaillée de manifestations qualifiées de non violentes et appelée « ghost town« . Ses manifestations sont à la fois essentiellement populaires et symboliques voire provocatrices.

Commencées depuis octobre 2016, c’est la crise politique la plus longue et la plus pernicieuse jamais vécue depuis l’indépendance du pays en 1960. Autrefois qualifiée de « problème anglophone », elle a pris des formes d’une crise avant de devenir aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler un affrontement ou un conflit au sens propre du terme. Au fur et à mesure que le temps passe, les Anglophones ne cessent de multiplier des actes qui feraient réfléchir même les analystes les plus futés des mouvements sociaux. Leurs comportements ne laissent personne indifférent.

De quelle crise politique s’agit-il ?

Il existait bel et bien deux parties du Cameroun sous administration française et britannique : le Cameroun oriental et le Cameroun occidental. Le Cameroun occidental était lui aussi divisé en deux territoires : le Southern Cameroon et le Northern Cameroun. En d’autres termes, le sud-Cameroun et le nord-Cameroun.

Quelques repères sur la création de l’État du Cameroun

Une ordonnance n° 58-1375 du 30 décembre 1958 signée du Gouvernement français de Michel Debré change le statut du Cameroun oriental. Celui-ci passe de l’État sous tutelle en « État du Cameroun ». Le Cameroun oriental devient donc indépendant le 1 janvier 1960 . C’est le 20 septembre 1960, lors de la 864ème Assemblée Générale de l’ONU, que le Cameroun oriental sous la dénomination de « République du Cameroun » devient membre à part entière de cette organisation (Résolution 1476).

La Grande Bretagne avait refusé d’accorder l’indépendance au Cameroun occidental. Pourquoi ? Andrew Cohen, le représentant britannique au conseil de tutelle des Nations unies s’y était opposé. Le 11 février 1961, un référendum fut organisé pour que les deux territoires britanniques choisissent librement de se rallier soit au Cameroun oriental, soit au Nigeria. Le verdict du référendum affichaient alors les résultats suivants : le Northern Cameroon choisit le Nigeria (60 % votent pour le Nigeria contre 40 %). Tandis que le Southern Cameroon quant à lui, se rallie au Cameroun oriental (70,5 % votent pour le Cameroun oriental contre 29,5 %).

Naissance et mort de la « République fédérale du Cameroun »

Tandis que le Northern Cameroon formait une union avec le Nigeria le 31 mai 1961, le Southern Cameroun, quant à lui, se réuni avec le Cameroun oriental le 1er octobre 1961. C’est la réunification des deux Cameroun. Celle-ci est rendue possible à la suite de la conférence de Foumban où le fédéralisme sera alors adopté. La « République du Cameroun » devient donc « République Fédérale du Cameroun« .

La violation des accords de la conférence

Le Président Ahidjo viole les conclusions de la conférence de Foumban. Celles-ci stipulaient entre autre, que, ladite fédération ne pouvait être modifié qu’à la suite d’un consensus négocié. La « République Fédérale du Cameroun » devient « République Unie du Cameroun » à la suite d’un simulacre de référendum organisé le 20 mai 1972.

Paul Biya enfonce le clou dans la plaie en remplaçant « République Unie du Cameroun » par la « République du Cameroun » par un décret en 1984. Cette dénomination rappelle celle du Cameroun oriental. La source de la crise est donc liée à ce contentieux historique.

La découverte du pétrole au cœur des enjeux

La question qui reste encore sans réponse jusqu’ici est celle de savoir pour quelle raison le feu président Ahidjo voulait-il abolir le fédéralisme ? Ici, plusieurs analystes sont partagés entre deux hypothèses. La première est celle défendu par les théoriciens proches du pouvoir de Yaoundé. Cette hypothèse stipule qu’il était temps pour le régime de Yaoundé, après 11 ans de fédéralisme, d’unir les deux territoires. D’où le concept d’unité nationale vantée comme un héritage du « père de la nation ». C’est justement le décret de  Paul Biya qui est alors venu confirmé ce macabre projet donc l’objectif reste assez flou pour beaucoup d’observateurs.

La seconde hypothèse est celle défendue par les opposants du régime de Yaoundé et quelques historiens et intellectuels. Elle concerne la signature d’un accord entre le Cameroun oriental et la France appelé « Pacte colonial » le 26 décembre 1959. Ce fameux pacte jusqu’ici tenu pour secret stipule que la France reste la propriétaire des ressources du sous-sol camerounais. La découverte d’un gisement de pétrole à Limbé, ville située au Southern Cameroon empêcherait la France de l’exploiter. Il fallait donc à tous les prix abolir le fédéralisme. Sinon, il serait difficile d’avoir accès à ce pétrole sans l’aval du gouvernement fédéral du Southern Cameroon.

Octobre 2016 : énième rebondissement de la crise

A la suite des grèves des avocats et enseignants en octobre et novembre 2016, les leaders syndicaux se retrouvent dans l’étau des revendications politiques. Ce contentieux historique refait surface comme d’ailleurs dans toutes les crises politiques au Cameroun (1990-1991). Il est alors mis sur la table des négociations comme préalable pour la levée du mot d’ordre de grève. Le dialogue entamé depuis le déclenchement de cette crise en octobre 2016 entre les leaders syndicaux et les autorités a été brusquement interrompue en janvier 2017. La cause ? Les leaders syndicaux ont été arrêtés puis incarcérés à cause de leur position radicale. Ils n’ont été libérés qu’après 224 jours de captivité à Yaoundé.

Depuis lors, on remarque particulièrement une montée en puissance des revendications. De simples demandes corporatistes, nous sommes partis de l’option fédéraliste revendiquée par des leaders syndicaux, à celle de sécessionniste sous la bannière du SCNC. Cette dernière option s’est de plus en plus répandue comme une traînée de poudre. Aujourd’hui, tout est au point mort. Le fédéralisme longtemps revendiqué, semble ne même plus être à l’ordre du jour. Les sécessionnistes ont largement pris du terrain. Ils se sont battis une réputation à tel point que la panique est à son comble. Ils gagnent petit à petit la sympathie de la population des deux régions anglophones.

Comme lors du 22 septembre, peut-on craindre le pire, le 1er octobre 2017 ?

Au commencement de cette crise, il était difficile d’imaginer l’ampleur qu’elle allait prendre. Le succès du « ghost town » n’a même convaincu les Francophones septiques. Ils se réjouissaient du déploiement de la police et la gendarmerie dans les zones anglophones pour ramener, selon eux, cette partie du peuple camerounais à la raison. De même, ils n’hésitaient pas à qualifier ces Anglophones de tous les noms d’oiseaux au nom de la sécurité de l’État. Ils minimisaient cette crise jusqu’au moment fatidique du 22 septembre 2017. Il a donc fallu que ces manifestations du 22 septembre 2017 viennent fermer leur bouche. Elles démontrent la fermeté des sécessionnistes et la hargne des Anglophones malgré la cécité de ces Francophones septiques.

Cette journée mémorable entrera dans l’histoire comme celle d’une démonstration de force. Bien plus, elle démontre que l’argument selon lequel les Anglophones seraient contraints par les extrémistes de respecter les « ghost town » est farfelu.

Les Anglophones avaient alors choisi cette date en rapport avec le discours de Paul Biya à la 72è assemblée générale des Nations Unies. On a craint le pire et le temps a failli s’arrêter. Les forces de l’ordre, sur le qui-vive, sont restées heureusement inoffensives. Le climat reste quand même très tendu malgré l’accalmie. A la veuille de la date fatidique du 1er octobre 2017, marquant le 56ème anniversaire de la réunification, on en était encore à se demander ce qui devait se passer.

Sisiku Ayuk Tabe, nouvel homme fort ?

Sisiku Ayuk Tabe, le Chairman du Southern Cameroon Governing Council, dit autrement, le président auto-proclamé de la « Républic of Ambazonia », le nouvel État du Southern Cameroon, avait promis dans un communiqué que le 1er octobre n’accouchera pas d’une souris. Malgré les manifestations non-violentes, les Anglophones ne finiront pas de nous surprendre tous les jours qui passent. Ainsi, si jamais cette crise connaît un dénouement sur le fédéralisme, ce serait grâce aux sécessionnistes. C’est grâce à leur puissance de frappe, à la technologie de mobilisation dont ils ont fait preuve depuis un an. Alors, qui se cache derrière toutes ces mobilisation ?

Le 1er octobre 2017, la population anglophone est sortie comme prévu. Un appel à la non-violence a été suivi. Les Anglophones ont donc bravé l’interdit des autorités des deux régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest qui instituaient le « couvre-feu ». L’armée, chargée de faire respecter cette consigne a donc tiré à bout portant. Le bilan est donc celle que nous connaissons : Amnesty International fait état de 17 morts au total.

Il n’y pas longtemps que le richissime Sisiku Ayuk Tabe a commencé a s’afficher sur les réseaux sociaux. Du coup, il est pointé du doigt comme le commanditaire de tous ces ramdams. Les fédéralistes, considérés maintenant comme des modérés, sont presque marginaux dans cette crise. La violence d’État a exacerbé la colère de la population. Les sécessionnistes ont donc pris le poil de la bête après un désaveux. Ils semblent devenir désormais de nouveaux interlocuteurs de la crise.

Quelle issue pour la crise ?

Après avoir voulu anéantir la crise par l’arrestation leaders syndicaux, la nouvelle stratégie consiste à discréditer la lutte à travers la stigmatisation de séparatistes. Certains analystes disent que cette situation conflictuelle a été voulue par les autorités. Les autorités administratives et policières se livrent à un langage d’invective pour incriminer les Anglophones. Pire encore, une partie de la population Francophone se prête également à ce jeu de dénigrement. Ce qui ne facilite pas du tout le climat de dialogue dont on est sensé installé. Cette énième stratégie va-t-elle réussir à éteindre la crise ? Ou encore va-t-elle tout simplement la durcir davantage ? Wait and see.

Tchakounte Kemayou


Au Cameroun, les soubresauts d’une crise anglophone et le sabotage du fédéralisme

Le Cameroun traverse depuis 11 mois un moment important de son histoire à travers la « crise anglophone ». Depuis le 11 octobre 2016, les deux régions anglophones, sur les dix que possède le pays, sont paralysées presque à plus de 80%. Les anglophones ont choisi la stratégie la plus destructrice jamais pratiquée au Cameroun : la non violence. Les écoles, les tribunaux, les marchés et quelques services administratifs restent fermés. C’est ce qu’ils appellent le « Ghost Town« . De mémoire, le Cameroun n’a jamais connu une crise d’une telle ampleur. Jamais.

Au départ, il était question de revendications corporatistes : enseignants et avocats exigeaient une amélioration de leurs conditions de travail. Il faut rappeler ici que ces revendications ne dataient pas d’octobre 2016, début de la crise. Les syndicalistes étaient en pourparler bien longtemps avant avec les autorités à Yaoundé. Il fallait absolument trouver des solutions à leurs problèmes et éviter le pire. Des revendications corporatistes, nous sommes passés aux revendications politiques. Au fait, quelle est l’origine de cette crise anglophone ? De quoi les enseignants et les avocats se plaignent-ils ?

Presse sabotant la Crise anglophone
La presse écrite profitant de la crise anglophone pour se lancer dans une campagne de dénigrement et de sabotage du fédéralisme.

Crise anglophone et revendications corporatistes et politiques

En général, le problème des enseignants et des avocats anglophones se résume à ce qu’on appelle ici « problème anglophone ». Dans un contexte de rapport de force de la majorité démographique francophone, les anglophones se plaignent de la marginalisation. Celle-ci se caractérise par la confiscation de tout l’appareil politico-administratif par une élite comprador en majorité francophone. Cette gestion centralisée prolonge ses tentacules jusqu’au niveau des communautés locales. Celles-ci dépendent donc de Yaoundé, le maître à jouer. Même en situation de négociation, les syndicalistes anglophones avaient en face d’eux des autorités en majorité, sinon toutes, francophones.

Ce qui a fait dire aux anglophones qu’ils vivent en fait une situation de colonisation des francophones. C’est un euphémisme, pour ne pas dire ségrégation linguistique. La condescendance, la suffisance et l’imposture de ces autorités meublaient les négociations ? Conséquences, celles-ci se sont malheureusement soldées par un échec cuisant. C’est cet échec qui a abouti à la crise qui secoue le Cameroun depuis octobre 2016 jusqu’à nos jours. Vu sous cet angle, la crise anglophone, tout comme le problème anglophone ne datent pas d’hier.

Le déclenchement de cette crise anglophone a obligé les autorités à relancer les négociations avec les syndicalistes. De fil en aiguille, nous assistons à un match de ping-pong qui ressemble à un dialogue de sourds. En fait, des négociations corporatistes, les leaders syndicaux en sont arrivés à une exigence relevant du politique. Évidemment, ce revirement à 360 degrés était prévisible compte tenue des contentieux historiques de 1972. Durant les négociations, les leaders syndicaux anglophones ont trouvé là une occasion propice pour remettre sur la table le fameux « problème anglophone ».

Du fédéralisme aux velléités sécessionnistes et séparatistes

En fait, les leaders anglophones se rappellent de la mauvaise foi de ces autorités et décident de mettre la barre haute. Pire encore, ils savent pertinemment que les problèmes corporatistes, le mal-être et la pauvreté n’ont qu’une seule origine : la mal-gouvernance. Ils savent aussi que se limiter aux solutions corporatistes n’est pas rassurant. Pour trouver donc une solution définitive à cette marginalisation, l’autonomie de gestion des communautés locales est nécessaire. Voilà pourquoi les revendications sur le changement du système politique et le retour du fédéralisme ont été remises sur la table.

L’incrustation du SCNC dans le débat

Cela a fait malheureusement renaître des velléités sécessionnistes de certains anglophones, quoique minoritaires. Les militants et les partisans du SCNC, mouvement politique qui prône le séparatisme, organisent une campagne de dénigrement des francophones. Dans leur langage, on peut entendre les mots et expressions comme : « Allez chez vous », « colons francophones », etc. Les francophones, ennemis du fédéralisme, bondissent sur l’occasion et taxent les anglophones de sécessionnistes. Inutile de préciser ici que cette pirouette des francophones est d’une curiosité abyssale. Prendre au sérieux et attribuer aux anglophones partisans du fédéralisme le comportement des partisans du SCNC dont les actes de violence verbale et de destruction des emblèmes nationaux existent depuis 1993, est non moins une preuve de mauvaise foi.

La dernière actualité des sécessionnistes du SCNC, c’est justement cette correspondance adressée à la reine d’Angleterre Elizabeth II. L’objectif de cette correspondance était d’avoir le soutien de la reine. Malheureusement, ils en eu pour leur compte. Ils ont tout simplement été déboudé. Ce qui a créé une euphorie de raillerie chez les détracteurs du fédéralisme dont la ritournelle, pour désigner les anglophones est devenue « Amba-zozo » pour « Ambazonia », terme choisi par le SCNC pour désigner leur nouvel État indépendant. C’est devenu même à la limite un objet de distraction.

Le fédéralisme à l’ordre du jour

Cette campagne n’a pas du tout ébranlé les leaders anglophones. Et le sang froid des leaders anglophones n’a pas du tout été du goût des autorités qui se sentaient déjà en position de faiblesse. Pour ces autorités, elles ne comprenaient pas comment des questions politiques pouvaient être soulevées par des leaders syndicaux. C’est la raison pour laquelle, Paul Biya avait profité du discours de vœux le 31 décembre 2016 pour sortir de son long silence. Il martèle, avec un ton ferme, que le système politique est non négociable et par conséquent « le Cameroun est un et indivisible« .

Cette position des autorités qui ne comprennent pas les exigences politiques des syndicats est une preuve d’une naïveté déconcertante. Ne savent-elles pas que la société civile, comme les partis politiques, sont des contre-pouvoirs ? Malgré ces menaces à peine voilées, les leaders anglophones qui négociaient avec les autorités ne reculent pas. La tension monte d’un cran et la crise anglophone ne fait que durer.

En janvier 2017, ces leaders et quelques anglophones sont alors arrêtés. Il faut préciser que beaucoup d’arrestations ont eu lieu depuis le début de la crise anglophone. Ils sont ensuite déportés au tribunal militaire à Yaoundé pour y être enfin jugés comme des « sécessionnistes ». Ils étaient sous la menace de la peine de mort selon la loi du 23 décembre 2014 portant répression des actes terroristes.

Les différentes campagnes de sabotage du fédéralisme

Ces arrestations avaient pour but de mettre fin au « Ghost Town ». Mais, rien n’y a fait. Au contraire, les anglophones durcissent eux aussi le ton et la paralysie ne fait que s’intensifier. Ce qui a entraîné une année scolaire bâclée avec plus de 80% d’élèves anglophones qui n’ont pas achevé leur année scolaire. Cette dureté du ton du côté des anglophones et de leurs leaders ne laissera pas indifférent les autorités.

Les fédéralistes cloués au pilori

On va alors assister à une vague d’intimidations sous fond de communication incendiaire et de vilipendage. Cette forme de communication consiste à diaboliser les leaders anglophones en les traitant de sécessionnistes. Communication orientée probablement vers la population francophone qui est jusque-là restée observatrice, indifférente et inoffensive. Du coup, ce tapage médiatique entretien des confusions et des mal-entendus sur les deux concepts de fédéralisme et de sécessionnisme. La crise anglophone fait donc des remous. Cette confusion crée une lutte de camps ou de batailles rangées. Les anglophones taxés de sécessionnistes par les francophones s’opposent aux francophones taxés de colonialistes par les anglophones.

Dans une parution datant de ce mardi 12 septembre, certains journaux de la presse écrite en sont venus même à attribuer une armée aux anglophones. Le titre de la Une est suffisamment claire : « Les sécessionnistes optent pour une rébellion armée« . On assiste alors à une bataille rangée dont les conséquences seront certainement désastreuses. Ce titre ne doit même pas faire l’objet d’un commentaire encore moins d’une analyse pour éviter de tomber dans le piège de la violence verbale.

Il faut néanmoins préciser ici que chez les francophones partisans du fédéralisme, il existe deux camps : les radicaux et les modérés. Pendant que les radicaux sont de tout cœur avec les anglophones, les modérés, quant à eux,  jouent à un jeu trouble dont l’objectif reste encore flou pour ne pas dire partisane de la tyrannie. Ils participent eux aussi dans cette campagne de sabotage du fédéralisme. Malheureusement, ils sont confondus, dans cette manœuvre, avec des ennemis du fédéralisme dont l’objectif est de noyer le poisson dans l’eau. Nous y reviendrons dans le prochain billet.


YooMee Cameroun : le petit poucet dans le monde des télécommunications

Le 25 août 2017, YooMee Cameroun lançait ses activités à Douala, ville siège. Cela fera au total 5 opérateurs de la téléphonie mobile : Camtel (entreprise à capitaux publics), MTN (Afrique du Sud), Orange (France) et Nexttel (Vietnam). Ils existe un vaste marché de presque 23 millions d’habitants occupé par les 4 opérateurs. En dehors de Camtel qui est l’entreprise publique considérée comme opérateur historique par excellence, les 3 autres sont des filiales de puissantes multinationales. De prime abord, il est sans doute convenu de constater que les 4 opérateurs ont déjà ratissé le terrain. Le marché serait presque, voire totalement saturé.

La première question qu’on peut donc se poser est celle de savoir ce que YooMee Cameroun vient faire dans un tel environnement. Évidemment, cette question ne manque pas d’intérêt dans un contexte bien marqué l’attitude des consommateurs déjà désabusés. Pour aller plus loin dans l’analyse, le niveau de satisfaction des consommateurs serait mitigé. La deuxième question est donc celle de savoir pourquoi, dans un contexte de concurrence avec 4 opérateurs offrants des services aussi divers que multiples, les consommateurs ont un sentiment qu’il leur manque toujours quelque chose ? Non seulement, on a l’impression que le marché est saturé, mais en même temps, les consommateurs continuent de railler. Un petit crochet en sociologie des consommateurs pour comprendre l’atmosphère qui règne actuellement.

Siège social de YooMee Cameroun SA à Douala
Une vue du siège social de YooMee Cameroun SA à Douala. Crédit photo : René Jackson Nkowa

Le contexte de la téléphonie mobile depuis 1998

Depuis 1998, année où la libéralisation de la téléphonie mobile a été légalisée, Camtel Mobile, premier opérateur de la téléphonie mobile, battait de l’aile deux ans après. La domination de Camtel (téléphone filaire et mobile) ne servira à rien. Le rachat de Camtel Mobile par MTN en 2000 doublé par l’arrivée de Orange la même année donnerait un regain d’espoir.

Les deux gros multinationales MTN et Orange se livrent un semblant de bataille rude. On aurait pensé à une concurrence qui donnerait plus d’espace à la liberté de consommation. Que nenni. Au fil du temps, les deux mastodontes filent un amour parfait en narguant les consommateurs avec des offres et tarifs presque identiques. Du coup,elles se taillent le part du lion avec un parc de 19,46 millions de SIM vendues et un coût moyen de 2000 Dollars US de dépense mensuelle pour une connexion internet. Pourtant, le débit moyen ne dépassait pas les 256 Kbs.

Un penchant de « nationalisme » s’empare des consommateurs qui jugent d’un mauvais œil l’envahissement du marché par les « étrangers ». L’inertie et la très lourde bureaucratie de Camtel ne pouvaient pas résoudre ce problème de sursaut d’orgueil. Ce penchant nationaliste a pour fondement idéologique la recherche d’une entreprise nationale pour éviter d’enrichir les étrangers qui se font du beurre dans un secteur aussi lucratif.

L’arrivée du Vietnamien Viettel en 2014 (date de la signature de la 4ème licence de la téléphonie mobile), ne pourra rien y faire. C’est seulement en 2015 qu’il occupe véritablement le marché avec sa marque commerciale Nexttel. Même la forte implication du richissime Baba Ahmadou Danpullo dans le capital de l’entreprise, ne changera pas la donne. Tout compte fait, ce sera quand même dans un contexte de désenchantement que YooMee fait son entrée dans l’arène, ce secteur bien miné par des charognards.

Le renouveau d’internet avec YooMee en 2011

L’arrivée du suisse HTT Telecom SA en 2011 enrichira le marché des offres en connexion internet. L’entreprise, sous la marque YooMee, commercialisera le haut débit sans fil avec la technologie Wifi dès 2012. C’était une grande première au Cameroun où le digital n’était pas encore bon marché. Comment donc faire connaitre et vulgariser cette découverte un peu fascinante ? Nul doute que la jeunesse sera la cible pour populariser l’offre. YooMee innove dans un projet social en connexion Wifi. Ainsi, tous les 70.000 étudiants de l’Université de Douala recevront le signal Wifi dans le rayon du camus universitaire.

L’entreprise suisse avait donc réussi à échapper un peu aux foudres des consommateurs. La raison simple est le fait que HTT Telecom SA avait décidé d’investir seulement sur internet. YooMee n’était alors presque pas visible à cette époque où les Camerounais n’étaient pas encore familiers à la communication digitale. Malgré tout, elle marquait des points et faisait son petit bonhomme de chemin. Si sa réussite a été d’introduire le Wifi au Cameroun, elle n’en a pourtant pas profité au premier plan. Quelque chose manquait à cette entreprise pour se relancer dans l’arène. Faut-il continuer dans la même lancée ? Faut-il changer de stratégie ?

La redéploiement total de YooMee en 2016

Ce positionnement sur le marché va évidemment amener YooMee à surfer sur ce climat délétère. Le marché de la télécommunication est plus complexe que ce qu’on a toujours eu à constater. Le nombre d’abonné revendiqué par les deux multinationales ne représente en fait, que le nombre de SIM vendues. Conclusion, le chiffre officiel de 80% de taux de pénétration du mobile est en fait biaisé. Si on considère que chaque chaque consommateurs possède en moyenne deux SIM, le taux de 40%, à peu près, serait plus raisonnable. Il existe donc 60% de marché à conquérir.

Voilà donc un marché à conquérir donc YooMee aura à faire face. Mais, pour y parvenir, il faudra identifier quelques zones d’ombres du marché à exploiter afin de donner un coup de maître à son marketing. Trois éléments ont milité pour le choix stratégiques de YooMee pour son redéploiement sur le marché. Ces éléments sont en même temps technologique, économiques et bien sûr idéologiques.

la recapitalisation de YooMee

L’entreprise HTT Telecom SA devient YooMee Cameroun SA à la suite d’une reprise par un consortium d’hommes d’affaire camerounais. Elle change également son offre et s’investit également en téléphonie mobile avec la marque YooMee Mobile. Du coup, elle devient ainsi, en 2017, le 5ème opérateur de la téléphonie mobile offrant en même temps les données voix et digitales. Ce qui est intéressant ici, c’est sa capitalisation 100% camerounaise.

C’est un coup de maître dans un environnement dominé majoritairement par des multinationales. Emmanuel Forson, le Directeur Général de YaooMee Cameroun, n’est pas allé du dos de la cuillère pour vanter justement ce mérite en ces termes : « Ce qui rend YooMee Mobile encore plus fort, c’est sa fierté d’être camerounais et de contribuer à l’édification du pays. Ce Cameroun fier et volontaire, qui lève la tête et qui assume ses ambitions » (Discours du lancement de YooMee Mobile le 25 août 2017).

L’entreprise YooMee Cameroun SA à capitaux privés camerounais ne s’est pas seulement limité là. Elle a mis les bouchées doubles pour trouver des stratégies afin de tutoyer les multinationales.

L’investissement de l’entreprise

YooMee Cameroun a tout simplement acquis les infrastructures de la défunte HTT Telecom SA. Mais, ces infrastructures adaptées pour la connexion internet n’étaient pas suffisantes. Pour tutoyer les multinationales, il fallait penser grand en investissant de gros moyens financiers pour la couverture du territoire national. Cela devrait représenter un très gros risque financier dans un secteur déjà miné. Pour empêcher ses concurrents de grignoter les 60% restant du marché, il faut une solution rapide et à moindre coût. L’idée de partenariat avec Camtel, l’opérateur historique à capitaux publics est arrêtée.

Ainsi, YooMee Cameroun et Camtel signeront un accord de partenariat le 22 février 2017. Cet accord très ambitieux fait de YooMee Cameroun un MVNO (Mobile Virtual Network Operator). Il fait par conséquent de YooMee Cameroun le premier full MVNO du Cameroun. Par définition, le MVNO est un opérateur qui utilise le spectre de fréquences et les infrastructures de réseaux radios appartenant à un opérateur déjà implanté. Celui-ci étant alors considéré comme un MNO (Mobile Network Operator).

Par contre, le petit détail qu’il faut préciser ici c’est sa capacité à pouvoir gérer elle-même sa flotte ou sa base de données. En d’autres termes, YooMee Cameroun doit vendre ses propres SIM et enregistrer ses abonnés. Ce qui fait d’elle un full MVNO. La conséquence est donc double. D’une part, cela peut lui permettre de s’affranchir de la tutelle de Camtel, et d’autre part, l’entreprise sera donc obligée de déployer ses équipes commerciaux et marketing sur l’ensemble du territoire national. Après l’inauguration du showrooms de Douala le jeudi 31 août 2017, l’entreprise entend cibler les villes de Yaoundé, Bafoussam, Garoua et les autres agglomérations.

Les offres de YooMee Mobile

La question qui reste maintenant à se poser est celle de savoir si les offres de l’entreprise sont alléchantes ? Est-ce que les prix pratiqués pourront faire fléchir les consommateurs ?

YooMee a maximisé les chances en combinant les deux types de technologies : CDMA* utilisée par Camtel et GSM** utilisée par MTN, Orange et Nexttel. Pour ne pas nous perdre dans les tournures assez complexes de ces deux types de terminologie, retenons juste que la technologie CDMA a un spectre plus large et par conséquent, les communications sont légères et fluides. Tandis que la GSM utilisent un spectre plus réduit. Les communications ici sont alors trop lourdes et par conséquent, lentes. De manière pratique, il n’y a presque pas de différence entre ces deux technologies sur la qualité d’écoute. Mais, avoir à sa disposition un téléphone mobile qui possède les deux options est un atout incomparable et déterminante en marketing. Ce que son partenaire, Camtel, n’avait pas.

L’avantage de la CDMA est qu’elle a la possibilité d’offrir des coûts plus bas sur le marché que la GSM. YooMee facturera à 50Fcfa la minute, en raison de 0,833Fcfa/s, les appels YooMee vers YooMee. Puis, à 85Fcfa en raison de 1,416Fcfa/s les appels YooMee vers d’autres opérateurs. Pour l’abonnement, deux options sont disponibles : le pack « Njoka de 9.900Fcfa avec un crédit d’appel de 19.900Fcfa et le pack Njoka Duo DUAL SIM (CDMA et GSM) de 19.900 avec un crédit d’appel de 19.900Fcfa également. Il est donc convenu de remarquer ici que le téléphone est gratuit.

YooMee Cameroun va également utiliser la 4G LTE de Camtel pour ce qui concerne la connexion internet. Encore l’une des rares possibilités qu’offre la technologie CDMA, c’est d’émettre des appels vocaux en utilisant la 4G LTE. Les offres internet, par contre, jusqu’à présent, restent encore attendues.

Conclusions

A la lumière de tout ce cheminement, le nouvel opérateur qui fera sûrement parler de lui, n’est pas venu faire un défi sur les insuffisances des opérateurs existants. Il mise naturellement sur la plus-value en matière de qualité de l’offre. On aurait même dit qu’il vient simplement prendre la place qui lui est réservée : celle que doit occuper le premier opérateur privé de télécommunication 100% camerounais.

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*Code Division Multiple Access

**Global System for Mobile Communication


Cameroun : quelles leçons tirées de la libération des leaders Anglophones

Les leaders Anglophones incarcérés sont libres. Et comme le disent bien toute la presse camerounaise, c’est un communiqué de la présidence de la république qui livre l’information. Ils ont été arrêtés à la suite de la crise anglophones qui paralysent depuis octobre 2016 les deux régions anglophones du pays. Les marchés, les écoles, les tribunaux, pour ne citer ces activités, fonctionnent au ralenti. L’arrestation des leaders de la crise a donc mis le feu poudre. Depuis cette date, le dialogue entre ces leaders et les autorités a été interrompu malgré quelques tentatives du côté de la diaspora.

Ces leaders anglophones cités nommément dans le communiqué Félix Abdor Nkongo, Fontem Neba, Paul Ayah Abine et bien d’autre avaient été arrêtés pour « hostilité contre la patrie, rébellion ou coactions d’actes terroristes« . Leur procès au tribunal militaire de Yaoundé aurait pu leur coûter la peine capitale. Avec une rentrée scolaire perturbée qui se pointait encore à l’horizon, Il ne restait donc que la solution d’apaisement pour décrisper l’atmosphère. Des débats houleux se sont créés autour de cette crise et ces arrestations. Tandis qu’il y avaient qui souhaitaient la libération des leaders avant le début de tout dialogue, d’autres, les partisans du pouvoir notamment, soutenaient mordicus la condamnation de ces leaders qu’ils considéraient déjà comme des terroristes, ou pire des « sécessionnistes ».

A la suite du communiqué présidentiel, ces partisans viennent tout simplement d’essuyer un échec cuisant. Le chef de l’Etat ne les a pas écouté en cédant plutôt à la pression des anglophones et de la diaspora qui voulaient la libération totale et sans condition des leaders avant la poursuite de tout dialogue. Au delà donc de cet aspect du geste présidentiel, que peut-on retenir comme enseignement ?  Un texte très éloquent de l’écrivain Patrice Nganang, remet les pendules à l’heure. Pour lui, la balle doit être remise au centre pour donner à cette lutte un saut qualitatif et histoire jamais vécu au Cameroun.

Les leaders anglophones au tribunal militaire
Les leaders anglophones au tribunal militaire de Yaoundé lors d’un procès. Crédit photo : Facebook.

Je vous propose de lire aussi ce texte dont voici l’intégralité ci-dessous :

Quelles leçons tirer de la libération des leaders anglophones : Patrice Nganang

La première leçon et la plus grande est que la pression de la rue menée par un leadership incorruptible paye. Elle paye toujours et elle payera toujours. Je peux me tromper, mais historiens aidez-moi, je ne me souviens pas que Paul Biya ait jamais libéré quiconque de ses prisons sans que celui-ci soit condamne au préalable. Au pays on appelle cela « laisser la justice faire son travail ». Voila donc une première, je dirai. Pourquoi donc la justice tyrannique n’a pas « fait son travail » cette fois-ci ? Parce que pendant 224 jours, les Anglophones au Sud-Ouest et au Nord-Ouest, sont demeurés unis dans une action de terrain, de rue, de ratissage, comme notre pays n’en a jamais vue.

Ils ont mis en branle la désobéissance civique la plus longue de ce pays, et cela de manière parfaitement non-violente. Il est a noter que leurs leaders ne sont tombés dans aucun des pièges que le tyran a mis sur leur chemin, à commencer par les concessions de pacotille, ces genres de choses qui auraient fait les Francophones jeter l’éponge, vider les rangs, et signer des motions de soutien. Bien au contraire, les Anglophones ont laissé a la maison ce qu’ils ont de plus précieux : leurs enfants. Ils ont maintenu l’opération Villes mortes et Écoles mortes comme jamais cela n’a eu lieu dans notre pays – a sang pour sang. Les dernières images de Bamenda et de Buea que j’ai vues hier (le 29 août 2017, ndlr) étaient extraordinaires, et c’étaient des maisons en feu, des voitures en feu. Car une action de désobéissance civile se protège évidemment, bien évidemment et cela a eu lieu.

Le tyran a donc plié l’échine, et c’est fondamental. C’est une victoire qui devrait encore plus intensifier le pourrissement, et c’est-a-dire la bataille sur le terrain. Il y a quelques mois je parlais avec un ainé qui me racontait son rêve fou « d’embrasement du pays ». Je n’ai pas voulu éclater de rire, car rien ne peut être plus politiquement bête que cela. Historiquement, et cela depuis 1961, mais surtout a cause de sa proximité avec le géant Nigeria, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ont toujours été l’avant-garde de notre histoire. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’en 1955, c’est a Kumba, et puis a Bamenda que les upecistes s’étaient réfugies, avant de prendre la route du Soudan.

La position des Anglophones par rapport a notre histoire, leur avant-garde, s’est répétée en 1990, avec les marches pour le multipartisme qu’ils ont mis en branle. Mais surtout, c’est fondamental de se rappeler toujours que le lieu ou l’opposition politique est portée dans notre pays est bel est bien dans la zone anglophone – avec le SDF. C’est dire que nous avons a faire ici avec la tête pensante de notre futur, et l’expression de ce futur-la, c’est le fédéralisme. La bataille politique n’a de sens que si elle est organisée, orientée, et tactiquement mise en branle. Les Anglophones, en mettant a plat la zone anglophone, redéfinissent les cartes politiques de notre pays, en leur donnant la coloration qui seule fasse sens – fédérale.

Mais le problème le plus visible chez nous évidemment est celui du leadership. Rien ne peut être atteint sans lui, et tout se perd avec un leadership corrompu. En tyrannie, et cela nous a été enseigné par les prisonniers le plus connus comme Wole Soyinka, mais surtout Nelson Mandela, la survie et même la victoire du prisonnier dépend aussi fondamentalement de l’oppresseur. La libération sans condamnation de Agbor Balla et de ses compagnons les remet donc dans la scène publique, sans les diminuer de leurs droits citoyens. Et cela est important, cela est cardinal. De mon point de vue la condamnation en tyrannie est le handicap qui rend illusoire beaucoup de carrières post-emprisonnement – pensons ici a Marafa -, et fait des ex-prisonniers des laquais de la tyrannie qui les a emprisonnés.

Il nous a ainsi été toujours donne de voir des gens sortir de prison avec dans leurs poches des motions de soutien qu’ils ont écrit en captivité. Ici nous avons bien au contraire un leader qui sort blanchi, et donc prêt a entrer de plein pied dans la bataille qui elle, est bien celle d’un Cameroun nouveau. L’enjeu n’est pas minimal, bien au contraire, car il s’agit de nous tous – et plus seulement des Anglophones. Depuis 1961, depuis 1955, ils ont toujours porté sur leurs frêles épaules la composition même du futur de notre pays. Cela n’a pas change et ne changera pas facilement. Car il s’agit bien de la composition dans les faits, d’un Cameroun dans lequel ce qui a eu lieu n’aura plus jamais place – la marginalisation d’une partie du pays parce qu’elle parle anglais. Seul un Cameroun fédéral rendra telle vision possible, et aujourd’hui il est soudain un peu plus a notre portée.


Le sécessionnisme et la remise en cause de la République du Cameroun

Le sécessionnisme, loin d’être une banalité, n’est pas révolu non plus. Apparu vers les années 1990, il est maintenant d’actualité au Cameroun depuis octobre 2016. Le pays est donc secoué par une crise qui paralyse les deux régions dites anglophones : le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. La genèse de ce malaise remonte dans l’histoire. Celle-ci nous renseigne à suffisance sur la nature des relations que ces populations d’expression anglaise ont toujours entretenu avec leurs frères et sœurs d’expression française. Elles ont toujours été très tendues et marquées par des stigmatisations à la fois anecdotiques et drôles. Cette histoire est donc riche en rapports conflictuels du vivre-ensemble. Du coup, la vision d’unité nationale prônée par Paul Biya est devenue un slogan creux. Il sera donc question ici de répondre à la question de savoir comment l’unité nationale a nourri les élans sécessionnistes.

Les jeunes en première ligne de bataille pour réclamer le retour au fédéralisme ou au sécessionnisme / Crédit photo : Facebook

La dernière actualité sur la crise anglophone depuis octobre 2016

Depuis le déroulement de la crise en octobre 2016, les mouvements de protestations ont été ponctués par les ghost town. Devant l’impasse d’une solution par la négociation, les autorités se sont mises en position de faiblesse face aux leaders anglophones infaillibles. Pour se donner bonne conscience, elles ont trouvé l’astuce magique : mettre ces leaders aux arrêts et les envoyer devant le juge. Quel est l’acte qui leur est reproché ? Hostilité contre la patrie, rébellion ou coaction d’actes terroristes. Pendant que l’opinion nationale et internationale ont les yeux rivés au tribunal militaire de Yaoundé, quelques communiqués provenant de la présidence de la république surgissent incognito comme pour décrisper l’atmosphère.

Il s’avèrerait que face à cet échec des négociations avec les leaders anglophones, le challenge consistait maintenant à déléguer quelques pontes du pouvoir de Yaoundé auprès de la diaspora. C’est ainsi qu’en fin juillet 2017, les communiqués annoncent donc la formation des délégations pour les États-Unis, la Belgique, le Canada, la Grande Bretagne et l’Afrique du Sud.

L’objectif de ces missions kamikazes était d’expliquer la position du gouvernement et convaincre la diaspora de lâcher prise. Il semblerait, selon certaines hypothèses, que cette diaspora était la cheville ouvrière de la crise. L’intention avérée de la délégation gouvernementale était alors de couper l’herbe sous les pieds des manifestants pour faire échouer le ghost town. La décision du gouvernement d’aller dialoguer avec la diaspora n’était pas anodine.

Malheureusement, l’accueil des envoyés spéciaux du gouvernement a été froid. On a alors assisté à une fin de non recevoir émaillée de violences et des échauffourées. A l’occasion, des emblèmes nationaux comme le drapeau camerounais hissé dans les ambassades ont été pris à partie par des flammes. Ces drapeaux brûlés ont carrément été remplacés par ceux dits d’Ambazonie. Certains ont d’ailleurs vite fait de dire que le Cameroun a été attaqué par les « étrangers ». Comment en est-on arrivé à de telles dérives ?

La décentralisation, le fédéralisme, le sécessionnisme et ses acteurs

C’est bien là où nous en sommes aujourd’hui : la haine viscérale. Celle-ci s’est installée au point où on a presque l’impression qu’il existe deux camps. C’est-à-dire deux communautés linguistiques qui se battent et se regardent maintenant en chien de faïence. Il faut qu’on se comprenne très bien. La crise anglophone n’oppose pas deux communautés linguistiques : anglophones et francophones. C’est une crise qui oppose les partisans du fédéralisme contre ceux de la décentralisation d’une part, et les deux derniers contre ceux du sécessionnisme d’autre part. Bien entendu, qu’on soit anglophone ou francophone, c’est possible de se retrouver dans l’un ou l’autre camp.

Cette crise prend sa source en 1961 au moment de la signature des accords de Foumban. Il s’agissait des accords faisant du Cameroun une République Fédérale avec deux États : le Cameroun oriental français et le Cameroun occidental anglais.

Cette distinction avait l’avantage, en son temps, de donner à chaque partie la possibilité d’être administrée selon la forme de gouvernance issue de la culture spécifique de l’État colonial respectif. Ainsi, tandis que le Cameroun oriental français était géré sous le système jacobin, présidentialisme à outrance, le Cameroun occidental anglais fonctionnait selon l’indirect rule, essentiellement parlementariste. Pour que cette cohésion tienne debout, si le président était un francophone (Amadou Ahidjo), alors le vice-président devrait automatiquement être un anglophone (John Ngu Foncha). Ce qui était le cas en 1961 au moment de la signature de ces accords.

Toute rupture de ce contrat poserait problème à long terme. Pourquoi ? A un moment donné, la tyrannie ne pouvait plus supporter ce système fédéraliste. Conçu sur le jacobinisme, le pouvoir de Yaoundé avait du mal à étendre ses tentacules dans les régions anglophones. Il s’avère donc que Amadou Ahidjo, profitant de la supériorité numérique des francophones a organisé le référendum pour supprimer le fédéralisme en 1972.

L’embastillement des anglophones et la loi de la domination de la majorité francophone

Le 3ème et le dernier recensement général de la population du Cameroun par le RGPH a eu lieu en 2005. Selon l’Institut National de la Statistique, la population camerounaise s’est accrue à un rythme annuel de 2,6% entre 2005 et 2010. Le RGPH estime à plus de 23 millions la population camerounais en 2017. La population anglophone représente le 1/6 de la population totale actuelle répartie sur 1/5 du territoire national. Elle est et reste donc minoritaire devant la population francophone. Statistiquement, tout est visiblement établi pour une infériorité numérique de la population anglophone.

C’est un aspect très important qu’on néglige souvent dans l’analyse des relations entretenues par ces deux communautés. Sous le plan macro, la démographie est l’un des fondamentaux de la puissance d’un peuple ou d’une nation. Toute littérature fondée sur une démonstration de la puissance statistique et démographique n’est pas creuse. Il est alors important de souligner qu’une population en situation de supériorité a tendance à adopter des comportements de domination vis-à-vis d’une autre. En retour, celle qui est minoritaire se sentira menacée et trouvera légitime de se défendre. Ainsi, dans la gestion et la gouvernance publique, la supériorité démographique fait des francophones, volontairement ou non, des prioritaires. S’installe donc le sentiment de marginalisation de la population anglophone qui commence en 1972, mais qui prend sa source en 1961.

C’est dans ce contexte que le feu président Ahidjo en profite pour assoir son pouvoir. Il supprime le fédéralisme en 1972 par référendum que d’aucun qualifie de simulacre. En fin limier manipulateur, il a choisi « Unie » à la place de « Fédérale » comme pour dire que dans la République Unie du Cameroun, les anglophones ne perdraient pas leur identité politique et culturelle d’antan. Paul Biya, à son tour, n’est pas allé du dos de la cuillère pour faire pire en 1984. Il enfonce carrément le clou dans la plaie en supprimant le terme « Unie » pour revenir à la République du Cameroun. Ce changement marquait, qu’on le veuille ou pas, le retour à l’État francophone d’avant 1961. Il croyait peut-être jouer au malin en prônant sa politique de l’unité nationale. Et pourtant, c’était là, la goute d’eau qui avait débordé le vase.

L’unité nationale mise à mal par les langues officielles coloniales

Au vue de ce constat sur la supériorité arithmétique, cette domination ne sera pas sans conséquences. Au fait, elle va réguler la vie quotidienne, perturber le vivre-ensemble de ces deux populations.

Nous assistons notamment, au niveau politique, à une inégalité de répartition des prébendes entre la majorité francophone et la minorité anglophone. La ligne politique du « renouveau » du président Biya a pour principale idéologie « l’unité nationale« . Celle-ci a pour point d’encrage la valorisation de la non territorialité des origines ethniques des personnes. En d’autres termes, chaque Camerounais doit se sentir chez lui quelque soit sa ville de résidence. C’est la raison pour laquelle, au niveau de la fonction publique, le personnel de l’État était disséminés à travers tout le territoire national. Belle politique, en somme !

Cette répartition territoriale des fonctionnaires avait donc pour avantage de créer une symbiose entre les camerounais de toutes les origines ethniques et de toutes les tendances culturelles. Cette politique a semblé marché jusqu’au moment où la tendance à la « franconisation » exacerbée de l »administration camerounaise a pris de l’ampleur. Les fonctionnaires francophones, contrairement aux anglophones, affectés dans l’une des deux régions anglophones, ne faisaient aucun effort de s’adapter aux habitudes linguistiques locales. Ce qui n’était pas du goût des paysans anglophones qui ne savaient ni parler, ni lire, ni écrire en français. On a d’ailleurs remarqué, à cet effet, que les fonctionnaires anglophones affectés dans les huit autres régions francophones se débrouillaient à parler français.

Les administrations qui souffraient énormément de ce malaise sont généralement la justice et l’éducation. On assistait à une situation telle que les paysans avaient du mal à s’exprimer devant un juge qui ne savait ni parler ni lire l’anglais. La grève des avocats et des enseignants qui est à l’origine de cette crise a pour principale revendication l’exigence des magistrats et des enseignants anglophones. Cette crise a d’ailleurs permis à l’opinion nationale de constater que l’École Nationale d’Administration et de Magistrature ne comportait pas de section « Common Law ». Autrement dit, les magistrats anglophones recevaient 90% de leurs formations en français. Leur cause a donc été entendue.

Le vent de l’Est au secours du sécessionnisme et des indépendantistes

Pendant les années de braise et à la suite du vent de l’Est, la libéralisation de la scène politique s’imposait. Les partis politiques voient le jour à partir de 1990. Une nouvelle classe politique se met en place. Curieusement, un parti dont la réputation est de prôner la sécession, le Southern Cameroons National Council (SCNC), est créé à Buea en 1993. Paradoxalement, le SCNC avait déclaré ne pas appartenir à un mouvement sécessionniste. Leur objectif, déclare-t-il, est « le « rétablissement du statut d’État et de l’indépendance […] » » du Cameroun. Autrement dit, il réclame le rétablissement de leur droit d’avant les accords de Foumban de 1961. Ce mouvement s’exprime ainsi dans une pétition adressée à Paul Biya publié sur leur page Facebook le 10 février 2012 et intitulée : « Report to Biya Linking SCNC with Boko Haram: SCNC Petition ».

Ce mouvement, malgré sa témérité, reste minoritaire. Les partis d’opposition comme le SDF (Social Democratic Front), né à Bamenda en région anglophone, se montrent virulents sur la scène politique. D’ailleurs, la première élection présidentielle pluraliste depuis l’indépendance de 1993 avait propulsé son leader Ni John Fru Ndi au firmament de la magistrature suprême, selon son état major du QG de campagne. Une victoire qui, une fois revendiquée a été étouffée sur le champ. Son projet politique qui reste le fédéralisme, est incontestablement le plus sollicité par la population. Contrairement aux sécessionnistes qui souhaitent revenir à la situation d’avant 1961, les fédéralistes veulent revivre la situation de 1961-1972. Cependant, avec cette nuance que le nombre d’États fédérés pourraient aller au-delà de deux.

Paul Biya, malgré tout, s’arque-boute sur son « unité nationale

Paul Biya n’entend pas céder à ces pressions et persiste dans sa politique de l’unité nationale. Il reste persuadé de sa logique de l’unité par sa célèbre boutade : »le Cameroun est un et indivisible« . C’était notamment sa réponse donnée à la crise anglophone dans son discours de fin d’année le 31 décembre 2016. Pour lui, la solution reste la décentralisation. C’est un système qui donne une certaine autonomie aux régions. Cela passera notamment par la remise, aux élus locaux, d’une partie du pouvoir central.

Si la crise anglophone a pour objectif de réduire les pouvoirs décisionnels de Yaoundé pour les céder aux élus locaux, il reste fondamental de signaler la mauvaise foi de Yaoundé. Sinon, pourquoi cette décentralisation instituée par la constitution depuis 1996 n’est-elle pas appliquée jusqu’aujourd’hui ? Voici 21 ans déjà que cela dure. Les pourfendeurs de la décentralisation ont donc le droit de penser que la décentralisation est moins contraignante que le fédéralisme. Elle ne peut donc pas être la solution. Cette inertie de Paul Biya durcit le ton des indépendantistes qui ont choisi la violence comme réponse aux envoyés spéciaux de Yaoundé. Ce n’est qu’un secret de polichinelle, l’ONU se serait déjà saisi du dossier. L’assemblée générale des Nations Unies prévue avant la fin de l’année pourrait donc être cruciale.


CAN 2019 : pourquoi insulter Ahmad Ahmad est une bêtise ?

Pour la préparation de la CAN 2019, les réseaux sociaux s’enflamment depuis hier à la suite des déclaration de Ahmad Ahmad président de la Confédération Africaine de Football. En visite au Burkina Faso du 5 au 6 juin dernier, Ahmad Ahmad a été invité, au cours d’une conférence de presse de donner son avis sur le niveau de préparatif de la CAN 2019 au Cameroun. La pression des journalistes fait suite aux conclusions du symposium de Rabat de passer de 16 à 24 équipes pour la phase finale de la CAN à partir de 2019.

Cette décision avait fait jaser l’opinion qui parlait de changement de cahier de charge en cour de compétition. Le Cameroun qui traîne les pieds dans la préparation, ne dispose toujours pas d’un site entièrement à deux ans de la compétition. L’hypothèse du complot de Ahmad Ahmad contre le Cameroun était alors brandi par certains analystes. Du coup, la Toile camerounaise et même africaine s’est enflammée pour dénoncer la cupidité du président Ahmad.

Dans ce méli-mélo et de flou artistique aiguillé par les férus des réseaux sociaux qui crient en balançant Ahmad Ahmad à la vindicte populaire, d’autres analystes proposent la retenue. Parmi eux, le cris d’alarme de Charles Mongue Moyeme me semble plus réaliste. Ce texte est actuellement en circulation sur tous les réseaux sociaux. Même certains sites de presse camerounais s’en sont emparé et s’en délectent au plaisir de leurs lecteurs. Fasciné par la rigueur méthodologique de la démarche, j’ai la faiblesse de tomber sur le charme des arguments amplement développés. Je partage son analyse ci-dessous (les sous-titres sont de moi).

Les mots de Ahmad Ahmad qui met l’huile sur le feu

Si les insultes pouvaient tuer, celles de certains camerounais auraient déjà expédié le président de la CAF dans l’au-delà. Si le mépris pouvait agir dans ce sens, Madagascar serait déjà rayé de la carte du monde par des camerounais. Quelqu’un qui se fait appeler « patriarche » (!) a même déclaré sur Vision 4 TV le 6 août 2017, qu’il n’y a que des idiots qui peuvent aller vivre sur une île, et donc les malgaches sont des idiots. Effroyable !

Beaucoup de ceux qui diabolisent Ahmad Ahmad soi-disant pour sa déclaration au Burkina Faso, ne l’ont même pas écouté. Voici, pour ceux (très nombreux) qui ne l’ont pas suivie, la déclaration du président de la CAF répondant à une interview (bon à savoir) au Burkina Faso :

« 2019, je ne veux pas spéculer. Mais sachez que nous n’attribuerons pas de gré à gré nos compétitions. Il faut qu’il y ait une ouverture d’appel d’offres. Même si on a le rapport que le Cameroun…, même avec le temps imparti, on va ouvrir les appels d’offres, vous avez entendu ? Il y a même 2 pays qui se manifestent déjà : je vois dans l’immédiat il y a l’Algérie, il y a le Maroc qui veulent l’organisation.

Vous me demandez de répondre concrètement d’une situation aujourd’hui qui ne répond pas à la réalité. Moi je dis, là où nous parlons, même une CAN à 4 équipes, le Cameroun n’est pas encore prêt. A 4 équipes, ils ne sont pas encore prêts ! »

L’hypothétique CAN 2019 cristallisent la haine des Camerounais

Ce qui pourrait choquer un camerounais normal (qui n’est ni égoïste, ni fourbe, ni cupide, ni corrompu) dans les propos de Ahmad Ahmad, c’est le manque de diplomatie qu’ils trahissent. Il aurait pu, en effet, s’abstenir d’exprimer aussi crûment son point de vue personnel sur l’état actuel des préparatifs de la CAN 2019 par le Cameroun. Oui, il aurait peut-être dû s’abriter derrière le rapport à venir de la mission d’inspection annoncée au Cameroun pour botter la question en touche.

Mais pour les camerounais, la meilleure manière de lui montrer qu’il a manqué de tact est-elle de proférer des insultes à son encontre et de tenir des propos méprisants vis-à-vis de Madagascar son pays d’origine ? En quoi serions-nous meilleurs que lui alors dans ce cas ?

Si nous étions d’accord que l’avis de notre compatriote Issa Hayatou, président de la CAF au moment où la CAN 2019 était attribuée au Cameroun, n’avait eu aucune influence sur la décision de la CAF en notre faveur, alors nous devons avoir la conviction que l’avis de Ahmad Ahmad n’aura aucune influence sur la décision de la CAF de nous conserver ou non l’organisation de cette CAN.

Diaboliser Ahmad Ahmad, insulter Madagascar, ne servira donc qu’à aiguiser les regards des autres africains et du reste du monde sur notre pays, et, malheureusement, à confirmer la véracité des propos du président de la CAF.

« Même une CAN 2019 à 4 équipes, le Cameroun n’est pas encore prêt »

Stade Amadou Ahidjo-Stade d'entraînement CAN 2019
Stade Amadou Ahidjo considéré comme le stade d’entraînement pour la CAN 2019. Crédit photo : Facebook.

En effet, selon le dossier (précision très importante) que nous avons déposé à la CAF pour que la CAN 2019 soit attribuée à notre pays, nous n’avons aucun site prêt aujourd’hui pour abriter une seule poule de la CAN. Passons-les en revue :

1-SITE DE YAOUNDE

Pas de stade de matchs, puisque le stade Paul Biya d’Olembé qui figure comme tel dans le dossier n’est pas encore construit. Pas besoin donc d’aller plus loin. Il faut signaler que le stade Ahmadou Ahidjo qui a servi pour les matchs de la CAN féminine est considéré comme stade d’entraînement pour la CAN 2019.

2-SITE DE DOUALA

Pas de stade de matchs, le stade de Japoma n’étant pas encore construit. Inutile donc de regarder les autres infrastructures, Douala n’est pas prêt.

2 bis-SITE DE LIMBE

Dans le dossier que détient la CAF, ce site est en réalité un appendice du site de Douala. Il n’est donc pris en compte que si le site de Douala existe, ce qui n’est pas encore le cas.

3-SITE DE BAFOUSSAM

Aucun terrain d’entraînement n’y existe, si nous considérons que le stade des matchs est déjà prêt (!). Pas besoin de rechercher autre chose, Bafoussam n’est donc pas prêt.

4-SITE DE GAROUA

Le stade de matchs n’est pas encore aux normes exigées pour la CAN, et les travaux n’y ont pas encore commencé. Donc Garoua aussi n’est pas prêt.

Conclusion : il faut attendre la mission d’inspection de la CAF

Il est donc clair et évident qu’aucun de nos sites n’est actuellement déjà prêt pour abriter une seule poule de la CAN. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’en 2019 ce sera toujours le cas, et Ahmad Ahmad ne l’a pas dit (ne tronquons pas ses propos). Il est possible qu’à un moment « M-1 » aucun site ne soit prêt, mais qu’au moment « M » tous les sites soient prêts. La mission d’inspection annoncée aura pour but d’établir si cela pourra être le cas au Cameroun pour la CAN 2019, et des méthodes scientifiques existent pour cela.

Ne nous y trompons pas, incendier Ahmad Ahmad et son pays Madagascar n’apportera rien à la construction des infrastructures au Cameroun. Cela contribuera juste à montrer que la vérité et la rigueur nous horripilent, et que nous n’avons pas plus de hauteur que ceux que nous pourfendons.

Par Charles Mongue Mouyeme


Internet au Cameroun : les jongleries des fournisseurs de la 4G (1)

J’aurai dû donner un autre titre à ce billet en posant une question : pourquoi internet est-il devenu, en un laps de temps, le produit phare des opérateurs de la téléphonie mobile ? A cette question, on serait tenté de répondre péremptoirement : parce que internet est le service le plus prisé des Camerounais.

Évidemment, cette réponse n’est pas fausse. Il suffit juste de consulter les statistiques pour s’en convaincre. Le taux de pénétration qui est de 18%, place le Cameroun au 25ème rang africain. Par contre, Le Cameroun est l’un des pays où le taux de progression de la pénétration internet est le plus élevé en Afrique. Il a presque triplé depuis l’évolution spectaculaire de la téléphonie mobile à écran tactile. Par contre, ce qui est intéressant, c’est le taux de progression de 2016 à 2017 qui est de 16,5%. Ce qui place le Cameroun en 3ème position après le Mali et le Lesotho.

Avec un chiffre de 4.305.000 d’internautes, les principaux opérateurs de la téléphonie mobile qui exercent depuis 2000 au Cameroun, trouvent là un terrain très fertile. Je peux citer entre autres, Camtel, opérateur à capitaux publics, Orange, Mtn et Nexttel, opérateurs à capitaux privés. Ce sont les quatre opérateurs de la téléphonie officiellement reconnus au Cameroun, à ne pas confondre avec les fournisseurs d’internet. Ce boom des consommateurs d’internet fait du Cameroun le pays à fort taux de pénétration. Du coup, internet représente des enjeux économiques importants. Les opérateurs qui se sont engouffrés dans cette niche boivent du bon miel en faisant du Cameroun le 2ème pays où le coût d’internet est le plus élevé après le Tchad.

Bien que ce que je vais exposer ici soit aussi observé chez les autres, je me suis contenté de me limiter à deux opérateurs de la téléphonie mobile. Ce sont ces opérateurs que j’ai déjà eus, à maintes reprises, d’observer le mode de fonctionnement relation-client et qualité du service. Il s’agit, bien entendu, de Orange Cameroun et de Mtn Cameroon.

Pourquoi internet est-il devenu, en un laps de temps, le produit phare des opérateurs de la téléphonie mobile ?

Je ne parlerai pas des prouesses technologiques qu’a apporté internet à travers ces opérateurs. Mais, je parlerai plutôt d’une pratique qui passe, jusqu’ici, presque inaperçue chez les consommateurs. Du moins, pour la majorité de ceux qui sont considérés comme des consommateurs réguliers d’internet : la consommation irrégulière et disproportionnée du débit internet.

L’arrivée des téléphones portables (Smartphone, Tablettes) a modifié considérablement les habitudes de communication. A moins de dix ans, les offres de services ont considérablement changé. On est passé d’appels téléphoniques et SMS aux transferts de données digitales. Les données digitales ont donc cet avantage d’effectuer à la fois des appels, des SMS, des Mails, de naviguer sur le net. On peut même dire que cette transition est une révolution de la communication. Car, c’est une transition qui a été brutale et rapide. Elle a transformé, métamorphosé le paysage communicationnel au Cameroun. Elle s’est accompagnée aussi de changements des habitudes et des modes de vie : c’est ce qu’on appelle « changement social ». Il n’y a qu’à voir comment les réseaux sociaux influencent les comportements.

Par ailleurs, si à travers internet on peut émettre des appels téléphoniques, les entreprises de téléphonie mettraient la clé sous le paillasson si elles n’investissaient pas sur internet. Du coup, internet devient le produit le plus sollicité de ces multinationales. Conséquences, les crédits d’appels téléphoniques sont vendus pour avoir un volume précis de navigation internet. Les données digitales prennent donc la place des communications téléphoniques ordinaires. Les opérateurs de la téléphonie trouvent donc là un terrain fertile de manipulation des consommations des données. Comment se manifeste-t-elle ?

Pourquoi Orange et MTN nous jonglent tous les jours avec cette histoire de Giga Data d’internet ?

Il se trouve que le rythme de consommation des volumes des données digitales fournis par les opérateurs n’est pas uniforme. Il va sans dire que scientifiquement, c’est un phénomène qui peut se justifier. Plusieurs raisons peuvent donc expliquer la variation du rythme de consommation du volume de données digitales. On peut citer entre autres : les mises à jour activés et les téléchargements. D’autres raisons, encore plus techniques, existent. Mais, pour ne pas alourdir ce billet, j’ai choisi de me limiter à ces deux-là. Elles sont les plus connues des consommateurs pour la plupart, profanes comme moi.

Les deux raisons citées plus haut comme les causes d’augmentation du débit internet ne sont pas les seules. Les consommateurs ont toujours entendu le discours selon lequel la 4G est plus consommatrice de débit. Il n’est aucunement question ici de démontrer que ces entreprises ont commencé leur jonglerie-là avec l’arrivée des téléphones portables. Il se trouve heureusement que l’un des avantages qu’internet nous a apporté, est justement la possibilité d’observer et d’enregistrer au fur et à mesure l’évolution de sa consommation. Ce qui était pratiquement impossible avec les appels téléphoniques. Même l’accès aux listing des appels n’était pas évident. Internet nous donne alors la possibilité d’observer, dans les moindres détails, l’évolution du débi.

Je suis particulièrement intéressé par le mode de consommation des données digitales pour deux raisons : premièrement, parce que je suis à la quête de l’opérateur qui propose le plus d’avantages afin de rationaliser mes dépenses, et deuxièmement, pour des raisons purement académiques afin de comprendre ce mécanisme trop complexe des « Giga Data ».

Pour ne pas conclure

Si j’ai décidé, après moult réflexions, de qualifier les pratiques de ces opérateurs de « jongleries », c’est après avoir constaté, pendant cinq mois d’observation, que le rythme de débit de la consommation du volume des données digitales était anormal. Ces trois raisons restent toujours les seuls arguments que les agents des SAV donnent aux consommateurs pour justifier la consommation rapide de leur débit. Ce qui est quand même absurde. Généralement, le consommateur ne se reconnaît pas dans ce qu’on lui reproche, à juste titre. D’où l’existence d’une jonglerie qui consiste à jouer à la fois, sur la naïveté, la négligence et l’ignorance des pauvres consommateurs.

A la fin de cette semaine, je vous livrerai ma propre expérience de connexion où je me suis rendu compte de l’existence d’une sorte d’arnaque. Une consommation anormale du débit des volumes d’internet qui frise le ridicule.


Témoignage : le combat de Patricia Bakalack face à la fibromyalgie

La fibromyalgie, la connaissez-vous ? Certainement pas pour beaucoup d’entre-vous. C’est une maladie très méconnue du public. J’en ai entendu parler comme ça en passant sans prêter la moindre attention il y a un an. Le 07 juillet 2017, je venais de la découvrir en vrai. Patricia Bakalack, en souffre depuis 3 mois. Elle a décidé de sortir de sa réserve et de partager sa souffrance et sa nouvelle vie avec la fibromyalgie.

De nombreuses femmes dans le monde souffrent de Fibromyalgie comme Patricia Bakalack, passionnée d’art, de Déco et de la Mode. Elle fait la promotion du savoir faire des artisans africains à travers Yerima Concept créé l’année dernière. La belgo-camerounaise nous livre un vibrant témoignage de ce que vivent les personnes Fibromyalgiques dont 90% sont des femmes. Une maladie encore mal connue qui touche 2% de la la population en Europe, soit 14 millions.

La fibromyalgie
Patricia Bakalack prend du bon temps malgré la présence de la fibromyalgie./Matango Club. crédit photo : Patricia Bakalack

Patricia Bakalack est également une femme pleine de vie et très passionnée d’aventures et de voyages. La fibromyalgie étant une maladie douloureuse en laissant la victime presque immobile, elle va donc laisser Patou, comme je l’appelle affectueusement, presque handicapée. La belle Patou va subitement annuler tous ses projets et ses ambitions. Mais, ce qui est intéressant dans son témoignage, c’est qu’elle a fini par prendre conscience qu’elle doit désormais vivre avec son ce compagnon. Un récit vibrant.

*Les sous-titres sont de moi.

La fibromyalgie : maladie mystérieuse ?

Beaucoup de cas de suicide chez les personnes souffrant de Fibromyalgie, cette maladie qui se caractérise par des douleurs chroniques et diffuses dans tout le corps, et qui oblige à changer complètement son mode de vie et handicape sévèrement les victimes.

Y’a des jours où il m’est arrivé d’avoir tellement mal que je me suis demandée ce que j’avais fais au bon Dieu pour qu’il se détourne ainsi de moi. Au début de cette maladie, j’ai eu par plusieurs fois des envies de suicide parce je me disais que la mort ne pouvait qu’être douce face à d’atroces douleurs qui me clouaient au lit 24/24. Des nuits entières je restais allongée à veiller sur les douleurs et des idées très très noires m’ont traversé l’esprit, j’ai pensé à ma famille, à mes frères et sœurs qui ne se remettraient jamais de mon départ.

Mais croyez-le durant tout le mois de mai ou je faisais mes incessants aller-retour aux urgences, j’y pensais 1 jour sur 3. Et, j’ai beaucoup de chance d’avoir eu auprès de moi des amis fidèles et incroyables qui sont eux aussi devenus ma famille, je les remercie d’être toujours aussi présents et de m’accepter tel que je suis, entière de mes défauts et mes imperfections, j’ai de la chance de les avoir eu à un moment aussi difficile, j’ai juste de la chance de les avoir dans ma vie tout court.

Alors, comment la fibromyalgie évolue t-elle ?

C’est une maladie totalement IMPRÉVISIBLE !!! Je vis en sursit depuis 9 semaines, j’ai annulés tous les voyages pour 2017, moi qui suis passionnée d’aventures et de rencontres, je dois me trouver d’autres hobbys😜. Je passe 90% de mon temps à la maison (raison pour laquelle j’ai refait toute la déco avec l’aide d’amis) allongée plutôt qu’assise. La position debout s’avère parfois impossible. Comment expliquer donc à une personne dans le bus ou le tramway qu’on a l’air bien portante mais on aimerait vraiment qu’elle nous cède sa place parce qu’avec cette douleur dans le dos et les jambes qui ne nous lâche jamais, qu’on ne peut se permettre le luxe de rester debout même pour 10 min de trajet ?

On vit avec de grosses fatigues et des douleurs constantes. On vit au jour le jour, tout est planifié à très court terme. La fatigue, les douleurs, voilà ces mots qui reviennent sans cesse. Sortir de mon lit tous les matins est un vrai CHALLENGE !!! 😓

Au début de la maladie je marchais à 4 pattes dans la maison, il fallait bien coûte que vaille essayer de garder une certaine autonomie. Puis progressivement j’ai commencé à attraper les murs pour me déplacer et aujourd’hui je me lève difficilement de mon lit le matin, mais au moins je marche sur mes deux jambes et ça c’est UNE GRÂCE, GLOIRE À LUI QUI VEILLE 🙏🏾 !!!

Mon refus d’accepter ma nouvelle situation

Début juin, J’étais allée passer le week-end à Lille chez ma sœur. Elle a eu la bonté de partir de Bruxelles afin de venir me chercher pour me ramener à la maison. Faut savoir que le moindre déplacement peut s’avérer dangereux pour moi, je peux me retrouver allongée sur une civière d’ambulance en très peu de temps 😓. J’avais débarqué à Lille à 23 h parce que à 21 h j’allais beaucoup mieux et j’ai donc profité de ces deux heures d’accalmie pour filer en douce de Bruxelles. Sur le chemin du retour donc nous discutions et elle m’a suggéré de me faire une raison, d’essayer d’y voir le message caché derrière cette maladie qui m’est tombée dessus sans crier garde. Je lui ai répondu que je ne voulais pas philosopher, j’étais en colère, très très en colère 😡et je refusais d’être raisonnable.

La fibromyalgie a changé mon quotidien

Pendant les premières semaines de cette maladie je me demandais sans cesse POURQUOI ? POURQUOI MOI ???!! Je me sentais brisée, foutue, j’étais nulle et inutile, même à moi même. J’étais comme un oiseau dont les ailes avaient été tranchées en plein vol. J’avais tant d’ambitions et de passions, tant de rêves à vivre, d’immenses horizons à découvrir, beaucoup de personnes à rencontrer et aimer. Et là tout d’un coup, RIEN ! Mon horizon s’est réduit et obscurcit. Aller faire une course dans la supérette à 100 mètres de mon immeuble se transformait en expédition.

J’enchaînais donc crises après crises, la nuit je m’endormais quelques heures fatiguée d’avoir trop pleuré, et le matin les douleurs me réveillaient en sursaut, lancinants ! Mon médecin traitant était désemparé, il ne savait plus quoi faire pour m’apporter un peu de réconfort. Je le harcelais littéralement, j’étais à son cabinet plusieurs fois par semaine même sans rendez-vous, lui demandant de trouver un médicament à ce mal qui me volait ma vie. À l’écoute de ses nombreux conseils, j’ai compris que je me devais d’être plus forte que ce mal parce que le stress et l’anxiété accroîtraient les crises. Je me suis souvenue des mots plein de sagesse de Martine…

Mes premières prises de conscience

Après m’être longuement documentée sur le sujet, j’ai donc décidé de combattre cette maladie et de continuer de vivre malgré tout. Et ceci a été une décision déterminante, ma première victoire sur la maladie. Mes premières peurs étaient la perte de l’autonomie et de ma féminité. Avant la maladie je préférais porter des chaussures confortables au profit des escarpins 👠. Ma première décision a été de changer cela, de mieux prendre soin de moi et de porter des chaussures hautes quand je ne vais pas bien. La kinésithérapeute, lorsqu’elle me voit débarquer en escarpins 👠elle sait que ça ne va pas du tout ! 😫😫😫

J’avais le sentiment que non seulement cette maladie me volait ma vie, mais mon corps et ma féminité aussi. Depuis lors, je célèbre chaque matin de réveil sans douleurs, j’improvise des fêtes, des sorties, je prends plus de plaisir à la vie aujourd’hui, je m’amuse, je m’éclate, je ne me mets plus jamais en colère, je m’enivre d’amour et de folies. Parce que je ne sais jamais ce que l’heure d’après me réserve. Oui mon répit se compte en heure, je peux être bien le matin à 10 h, balancer des vannes sur facebook, appeler ma folle de copine pour écouter son lot de connerie, puis me retrouver aux urgences à 12 h.

J’ai donc décidé de ne plus faire de cette maladie mon ennemie. Je l’apprivoise chaque jour et bientôt, je sais qu’elle deviendra mon amie 😀. Ceux qui suivent mon journal sur mon compte personnel instagram ont dû voir une amélioration de mon humeur…☺️ je vais donc devoir vivre et négocier avec cette maladie qui fait désormais partie intégrante de moi, jusqu’à ce qu’on lui trouve un traitement…

On peut bien vivre avec la fibromyalgie

Cette vie qui est la mienne est un cadeau 🎁 dont je sais profiter de chaque instant de bonheurs. Je cultive la zen attitude au quotidien et je suis presque toujours de bonne humeur, même quand je vais mal je trouve le moyen de rire. Une journée sans rire est un bonheur perdu, alors je crée autour de moi des occasions même idiotes, de rire 😂 rire de la chance que j’ai d’être en vie 🙌🏽 rire de cette maladie. J’apprécie mieux les petits détails qui font du bien et ferme les yeux sur les mauvais. Grâce à cette maladie je prête mieux attention aux autres, aux personnes qui m’entourent et aux choses et je continue de me considérer comme une privilégiée. Avant cette maladie je n’étais qu’une femme. Aujourd’hui je suis toujours une femme, une femme malade, mais une femme épanouie.

Il y’a une vie après la maladie, ne passons pas à côté de la nôtre, elle est précieuse 🙏🏾❤️🙌🏽❤️⭐️🌺


Qu’est ce qui bloque le renouvellement de la classe politique au Cameroun ?

La classe politique au Cameroun est vieille de plus 60 ans. Une classe politique désigne un ensemble de personnes de la même génération. La plupart des gouvernants sont issus de la génération qui a pris le pouvoir depuis l’indépendance de la République du Cameroun en 1960. L’exemple le plus visible est Paul Biya, le président de la République. Diplômé de de l’Institut des hautes études d’outre-mer, il commence sa carrière en tant que fonctionnaire. Sa carrière politique commence donc véritablement en octobre 1962. C’est l’année où il fut nommé par le feu Amadou Ahidjo comme « Chargé de missions » à la présidence de la république. Paul Biya avait alors 29 ans quand il entre, pour la première fois, au gouvernement.

Après avoir occupé une dizaine de poste dans le gouvernement, c’est en novembre 1982 que Paul Biya prête serment comme président de la République du Cameroun. Il avait alors 49 ans. Aujourd’hui, après 34 ans de pouvoir sans partage et sans limite, Paul Biya ne compte pas abandonner le pouvoir de si tôt. Ses laudateurs disent de lui qu’il est jeune, fort et lucide. Ils n’oublient pas aussi de dire qu’il est beau. Comme lui, on peut citer encore de nombreux barrons du pouvoir politique de sa génération. Force est de constater que les jeunes n’ont jamais été les bienvenus dans les arcanes du pouvoir. Les raisons ? Vous vous en doutez bien : c’est la conservation du pouvoir.

Paul Biya du temps de sa jeunesse, aujourd'hui un vieux routier de la classe politique
Le jeune Paul Biya très tôt introduit dans la classe politique par le poste de chargé de mission à la Présidence de la République/Matango Club

Cette conservation n’est possible qu’à travers le verrouillage du système pour empêcher l’émergence de classes nouvelles. D’un autre côté, c’est la « reproduction sociale« , selon la théorie bourdieusienne, qui gouverne ces principes d’accès au système. Ces principes sont, pour la plupart, gouvernés par des règles généralement subjectives. Quels sont ces mécanismes structurels mis en place pour empêcher cette émergence de la classe politique ?

L’accès à la classe politique des gouvernants par des mécanismes du système politique néocolonial

Théoriquement, on pourrait situer la période de la création de l’administration camerounaise le 15 avril 1957. C’est la date à laquelle le Cameroun acquiert son autonomie interne à travers un décret de la France. André-Marie Mbida, premier ministre, peut alors former son gouvernement le 16 mai 1957. Le 10 mai 2057, il démissionne et son adjoint, Amadou Ahidjo, vice-premier ministre, le remplace. Il forme son gouvernement le 20 février 1958. Lorsque Ahidjo devient président de la république le 1er janvier 1960, il nomme Charles Assale comme premier le 14 mai 1960. Ce sont des cheminement qui montrent bien la période de la création de l’administration camerounaise.

Ces nominations ont été l’oeuvre du Haut Commissaire français Pierre MESSMER. Cela démontre que la classe politique camerounaise a été formée par cooptation. Quelques cicatrices de la colonisation étaient encore présentes puisque ces hommes choisis par la France, sont issus de l’ARCAM, de l’ATCAM et de l’ALCAM. On a donc mis de côté les leaders qui se battaient pour l’indépendance pour prendre curieusement ceux ceux qui étaient contre. La raison simple qu’on peut donner à ce choix c’est que la métropole faisait confiance aux leaders dociles et serviables.

La mission principale de ces hauts dirigeants n’aura donc rien à voir avec le développement. Ce qui est important, c’est la traque et la répression. Ainsi, toutes velléités contestataires seront réprimées. Cette configuration de la classe politique par cooptation va créer une classe de privilégiés qui considère qu’elle sert la métropole qui les protège et les protégera.  Cet esprit de cooptation, de réseautage persiste encore jusqu’à nos jours. Même la présence des élections n’y a rien changé.

L’accès à la classe politique des gouvernants par les mécanismes du système politique électoral

Avec la présence des élections, on aurait pu penser que cette stratégie de cooptation pourrait prendre fin. Avec le retour du multipartisme en 1990, toutes les espoir étaient fondés pour voir enfin la déchéance d’un système croulant sous le poids de la vieillesse. En 1992, a eu lieu la première élection présidentielle sous l’ère du multipartisme. Election la plus mobilisatrice, elle a vu la victoire de Paul Biya (40%) contestée par son challenger historique John Fru Ndi (36%). Cette élection survenait à peine dans un contexte de villes mortes vécues par la population camerounais pendant plusieurs semaines. Le charisme de l’opposant anglophone qui faisait l’unanimité à l’époque commençait à prendre des rides.

Tout comme John Fru Ndi et son parti politique, le SDF, l’opposition toute entière voyait ses scores électorales dégringolés. Cette chute s’observait année après année malgré les dénonciations de fraudes massives. L’entrée à l’Assemblée Nationale de quelques leaders de l’opposition va quand même permettre la modification de la loi. Des organes d’observation, de contrôle et d’organisation des élections fût créés. C’est ainsi qu’on a eu ONEL (2000) et Elecam (2006).  Malgré cela, la bataille a continué jusqu’à la mise en place d’un code électoral en 2012.

Toutes ces batailles visent un objectif majeur : la crédibilité des élections. Cette crédibilité est la résultante d’un code électoral qui garantissent les règles équitables. Pour être fiable et crédible, le code électoral doit respecter certaines normes universelles relevant aussi du bon sens. Ces normes sont longtemps exigées par les partis politiques de l’opposition. Elles sont considérées comme des règles d’équité et d’égalité donnant à tous les candidats les mêmes chances de réussite. Ce sont des règles objectives qui ne prennent pas en compte des prédispositions personnelles et subjectives.

Quelques éléments du code électoral constitués comme blocage à l’émergence d’un nouvelle classe politique

Parmi les normes exigées par les partis de l’opposition, il y a entre autres, les bulletins uniques, le vote biométrique, les procès verbaux de tous les scrutateurs faisant foi et bien sûr, les élections à deux tours.

Les bulletins uniques

L’exigence des bulletins uniques avait été, et l’est encore, une stratégie pour éviter le bourrage des urnes. Celui-ci consiste à un remplissage de l’urne par les bulletins d’un candidat. Ces unes sont mises subrepticement hors des bureaux de vote. Les scrutateurs du candidat susceptible de perdre les élections se livrent à cette pratique. Elle n’est possible que grâce au concours des forces de l’ordre.

Comment les bulletins uniques viendront-ils résoudre les pratiques de bourrage des urnes. Il n’existera qu’un seul bulletin pour tous les candidats au lieu d’un bulletin pour chaque candidat. En d’autres termes, l’électeur aura un bulletin sur lequel est inscrit le nom du candidat. Il n’aura qu’à cocher le nom du choisi dans la liste des candidats qui lui sont proposés. Il est aussi important de préciser l’important de l’économie des coûts des charges. La commission électorale n’aura qu’à imprimer une seule carte à la foi, au lieu d’une carte par candidat.

Le vote biométrique

A la création de la commission électorale (ELECAM) en 2006, il était convenu que l’organisation des élections devait changer. L’un des changements notables était le vote biométrique selon la technologie développée par Coppernic. Beaucoup de pays africains, comme le voisin Nigéria en 2015, ont déjà eu à expérimenter cette technologie. Au Cameroun, le processus du vote biométrique aux élections s’arrête seulement au niveau des inscriptions sur les listes électorales. Il n’existe pas encore de terminaux dans les bureaux de vote. Pourquoi ce processus ne se limite-t-il qu’au niveau des inscriptions ? That is the question.

Les procès verbaux

Les procès verbaux sont dressés par le collège de scrutateurs des partis politiques. Parmi eux, on peut aussi compter un représentant de la commission électoral (Elecam). Le procès verbal est un formulaire où sont dressés les résultats de chaque bureau de vote. Il est signé par les représentant de tous les partis concernés, sans oublier le représentant d’Elecam. Chacun d’eux possède un exemplaire uniforme. En cas de litige, seul le procès verbal du représentant d’Elecam fait foi. Ce que condamnent évidemment les partis politiques de l’opposition.

Le scrutin à deux tours

L’élection à deux tours a toujours été un enjeux politique. Les barrons du pouvoir considèrent que l’acceptation de cette clause tant revendiquée par l’opposition programmera leur mort politique. Ce type d’élection a pour avantage de tisser des alliances au second tour. Autrement dit, le second tour pourrait rallier des forces de changement pour le candidat de l’opposition en position favorable. La question qu’on se pose est celle de savoir comment l’opposition pourrait-elle gagner en situation de fraude massive ? La peur d’une surprise désagréable peut expliquer cette fébrilité.

La proclamation des résultats

Le renouvellement de la classe politique est aussi difficile à travers le processus de déclaration des résultats. En effet, dans les systèmes électoraux fiables, les résultats sont compilés pour être programmés dans les minutes qui suivent. Les gouvernants ont toujours tendance à mettre le système de communication en cause. Système qui empêche et la production des résultats dans les deux heures qui suivent la fermeture des bureaux de vote. Les experts ont pourtant formels : au 21ème siècle, tout est réuni pour proclamer les résultats avant 24 heures.

L’équilibre régional comme mécanisme d’insertion professionnelle dans les fonctions publiques et para-publiques

Le mécanisme d’insertion professionnelle est aussi identique au réseautage. Il est également identique au mode de recrutement de la classe politique. La différence qui réside entre la classe politique et l’insertion professionnelle, c’est le fait de la rendre officielle. Ce qui est mis en exergue ici c’est la « reproduction sociale » comme cité plus haut. C’est un mécanisme fondé sur le recrutement par filiation. Il est pratique pour garantir la conservation des pouvoirs par des groupes claniques ou ethniques. C’est donc la transmission d’un patrimoine d’une génération à l’autre. Si Bourdieu parle du patrimoine familiale, peut-on extrapoler cette analyse sur le cas du Cameroun ?

Quelques personnes de la génération des années pré et post indépendance sont même encore au pouvoir. Ici, le patrimoine est essentiellement politique. Comment l’insertion professionnelle conférera-elle à l’individu d’une génération d’hériter du pouvoir politique ? Les gouvernants ont mis en place un mécanisme appelé « équilibre régional ». Elle consiste à recruter le personnel de la fonction publique et des entreprises publiques et para-publiques des candidats en fonction de leur origine ethnique.

Ainsi, des quotas sont attribués aux dix régions du pays. Le décret N° 82/407 du 7 septembre 1982 donne le pouvoir au ministre de la fonction publique de définir les quotas par région. Ces quotas sont contenus exactement dans l’article 2 de l’arrêté N° 10467 du 4 octobre 1982. Il a été actualisé le 20 août 1992. L’arrêté du premier ministre N° 2000/696/Pm du 13 septembre 2000 vient davantage le renforcer.

Des élections équitables sont-elles alors la seule voie possible pour renouveler le personnel politique camerounais ?

En filigrane, cette question renvoie à une autre : les partis politiques doivent-ils, malgré tout, aller aux élections ? Une autre question qui fait l’objet de polémique chez les analystes est celle de savoir si une loi électorale doit ou non être le résultat d’un rapport de force. Beaucoup répondront, sans hésiter, par l’affirmative. L’argument avancé ici est celle d’affirmer mordicus qu’il est possible à l’opposition de gagner, même avec un mauvais code électoral. Pour cela, il ne suffit pas de participer simplement au vote, il faut trouver des stratégies pour contourner les défaillances de la loi. C’est justement là où réside le challenge pour les échéances de 2018.

A ce niveau encore, les positions sont divisées. Il y en a qui pensent justement que le moment est venu de renouveler l’expérience foireuse de la coalition de 2004. C’est l’année à laquelle l’opposition avait tenté de faire une coalition des partis politiques. Le retrait du SDF (Social Democratic Front) a été vécu comme une douche froide. Ce parti, le leader de l’opposition depuis toujours, voit d’un mauvais œil une coalition construite sans l’avoir désigné comme capitaine du bateau. Cette position du SDF de 2004 n’a pas changé jusqu’aujourd’hui. Ses cadres estiment qu’en tant que parti politique de l’opposition de premier rang, John Fru Ndi doit conduire la coalition.

Alors, comment démontrer qu’une fausse équation mathématique peut donner un bon résultat ? Si tel est le cas, il ne faut donc pas être surpris de voir les candidats déchus des élections crier à la fraude. C’est d’ailleurs l’un des sport favori pour les perdants.


Élections : et si la France inspirait le Cameroun ?

La France politique vient de vivre en l’espace d’un mois deux grands événements majeurs de son histoire : les élections présidentielles et législatives. Le monde entier, et plus particulièrement le Cameroun, a été subjugué par cette frénésie chère aux grandes démocraties. En dehors du réglage et de l’organisation, ces démocraties suscitent également quelques appréciations. Malgré les défauts qu’elles peuvent avoir, elles réussissent surtout à faire ressortir une aspiration populaire. Même si les démocraties sont diverses et ne se ressemblent pas, ce qui reste important, c’est cette qualité.

Elections législatives en France
Résultats des élections législatives en France. Matango Club. Crédit photo : L’internaute

Les trois leçons des élections en France

Ces victoires en l’espace de quelques semaines ont permis d’avoir trois enseignements.

Primo : le plébiscite de Macron

Ces élections renforcent l’absolu pouvoir du président de la république Emmanuel Macron. L’élection présidentielle du 7 mai 2017 a consacré la victoire d’un candidat âgé de 39 ans. Quant aux législatives du 18 juin 2017, le mouvement du président Macron dénommé La République en Marche a battu les records de l’espérance. Sur les 577 sièges de l’assemblée nationale, le LREM s’en sort avec 308 députés.

Deuzio : la fin du classique

Ces élections confirment davantage la dégringolade, pour ne pas dire, la fin d’un cycle pour les partis politiques classiques. Ainsi, la montée des mouvements comme la République En Marche (LREM) et la France Insoumise ne signe-t-elle pas la mort du parti socialiste et du parti Républicain ? C’est certainement l’oeuvre d’Emmanuel Macron dont la mission est de mettre en cause le système partisan. Puisque c’est sous son règne qu’il est possible de voir dans le même gouvernement « des socialistes, des Républicains, des centristes, côte à côte et non plus face à face » dixit France Culture.

Les partis tels que le Parti socialiste et les Républicains ont eu des sueurs froides. Le premier avec 29 députés (son pire score depuis l’avènement de la 5eme république) et le second, avec à peine 113 députés, très loin des 223 de la dernière législature, se considèrent désormais comme des parias de la république en France.

Tertio : la montée de la jeunesse

La surprise vient surtout des élus âgé de moins de 30 ans. Ainsi, depuis 1958 où le record a été battu avec 10 députés jeunes, la Ve République enregistre 28 députés vingtenaires. La LREM, encore elle, rafle 18 sièges sur 28 élus. Il faut préciser que 756 candidats de moins de 30 ans étaient en lice. Sans oublier que 5 candidats étaient âgés de 18 ans.

Pour aller plus loin dans l’analyse, les électeurs peuvent opter pour la jeunesse quelque soit le parti. L’exemple de la 10e circonscription du Pas-de-Calais est parlant. Ainsi, celui qui est désormais considéré comme le plus jeune députéLudovic Pajot, affrontait Mme Deschanel, candidate de LREM. Ce jeune de 23 ans était pourtant le candidat du Front National (FN). Même si cette circonscription est le bastion du FN, il n’en demeure pas moins vrai que le peuple est capable de faire confiance à la jeunesse quelque soit son bord idéologique.

L’âge électoral : 18 ans en France, 20 ans au Cameroun

Il ne s’agit pas ici de faire une comparaison les deux pays sur le mode de gestion politique. L’objectif ici est de mettre en évidence les cadres environnementaux et réglementaires qui pourraient inciter les jeunes. Quelques analystes ont déjà fait cette remarque selon laquelle les jeunes camerounais s’engagent moins en politique. Les raisons de ce désengagement sont multiples. Mais, l’une d’elle qui revient plus dans les critiques est bel bien la gérontocratie. C’est la perpétuation de la vieille garde aux affaires. Elle consiste à embrigader les jeunes en les renfermant dans le carcan des faire-valoir.

En jetant un coup d’œil sur les textes, notamment la loi électorale (N° 2012/001 Du 19 avril 2012), tandis que l’âge électoral est fixé à 20 ans, en France on vote à partir de 18 ans. Pendant ce temps, la majorité pénale est fixée paradoxalement à 18 ans et celle civile reste encore maintenu à 21 ans. Autrement dit, à 18 ans, un jeune est pénalement condamnable alors qu’il ne peut pas encore choisir ses dirigeants. Cette majorité électorale était fixée à 21 ans depuis l’indépendance. Et ce n’est qu’à la révision constitutionnelle du 16 décembre 1991 qu’elle a été revue à la baisse. Ce débat sur l’âge électoral ne date pas d’aujourd’hui.

L’émergence d’une nouvelle classe d’homme politique

Ce blocage au niveau de l’âge électoral n’est pas le seul handicap pour l’émergence d’une nouvelle classe politique. L’on a depuis longtemps décrié cette main mise de la vieille garde politique. En effet, depuis l’avènement des indépendances en Afrique, les nouveaux dirigeants étaient des jeunes. Il était convenu qu’après le départ des colons, les pays devraient être confiés aux jeunes administrateurs coloniaux de l’époque. De même que les premiers dirigeants, certains vieux présidents actuels ont été dans les arcanes du pouvoir étant très jeunes (entre 25 et 40 ans). Paradoxalement, il devient presque difficile voire impossible aujourd’hui de s’engager trop jeune au Cameroun.

En plus de cette caporalisation de la vieille garde au niveau du pouvoir, les partis politiques ne sont pas en reste. Depuis les années 1990 où le multipartisme a été légalisé après son interdiction en 1966, les partis politiques sont dans la même logique. La plupart qui sont entrés dans l’arène politique grâce à cette loi, garde jusqu’aujourd’hui le leadership vieux de plus de 26 ans. Même si le contexte avec la France ne peut pas s’identifié avec le Cameroun, ne peut-on pas s’interroger sur la nécessité du renouvellement de cette classe politique ?

Quel sens donner à l’abstention aux élections en France ?

Que peut_on dire du taux impressionnant de l’abstention qui devient l’une des formes les plus affinées d’expression politique en démocratie ? Au delà de la victoire de la LREM on peut observer une population indécise. Le taux d’abstention qui est au dessus de la moyenne (57,4%) révèle la désaffection de la population vis à vis du politique. C’est le taux record jamais réalisé depuis 1958. On peut ici se prononcer sur la fin de la cinquième république. La LREM est un mouvement qui peut prendre fin à tout moment car il n’est encré sur aucune idéologie véritable mis à part l’hyper utilisation du marketing politique.

Ramené à notre contexte, c’est à dire celui du Cameroun, il y’a lieu de se demander si la démocratie revêt les mêmes vertus dans tous les pays où elle est choisie comme modèle de gouvernance politique ? Ce taux d’abstention observé en France, est vu au Cameroun sous un autre angle. La désaffection proviendrait non pas du taux d’abstention, mais du taux du refus d’inscription sur les listes électorales.

Qu’est ce qui bloque le renouvellement politique au Cameroun ? Est ce la jeunesse de notre État ou l’immaturité de notre citoyenneté ? Rendez-vous dans le prochain billet pour tenter de répondre à cette question.

Ce billet a été rédigé avec le concours du juriste Laurent Dubois Njikam à qui je transmet mes remerciements.


Trafic d’enfants : Mme Kileba retrouve ses enfants après 20 ans de recherche

L’histoire remonte en mai 2014 quand je suis au parfum d’une histoire de trafic d’enfants par Christiane Oto, présidente d’une association La Perche. Puis, en novembre 2014, je suis invité à une conférence avec pour objet « trafic d’enfants ». C’est donc l’association Cameroon Ô’Bosso qui m’invite à une projection de vidéo. Celle-ci met à nu le phénomène de trafic d’enfants qui défraie la chronique depuis belle lurette. A la suite de la vidéo, quelques témoignages des victimes qui sont venues relatés les faits. C’est au cours de cette projection que je découvre que le trafic d’enfants est un phénomène courant. Je veux dire, un commerce juteux.

Mais, le cas le plus frappant est celui de Madame Kileba qui était à la recherche de ses deux enfants depuis 1997. J’étais scandalisé. Je ne m’en revenais pas de savoir qu’un phénomène aussi gravissime ne fait jamais la une de l’actualité. Heureusement, les réseaux sociaux sont là pour nous plonger dans la nasse du trafic d’enfants. Un collectif, à l’occasion, a été mis sur pieds. Son objectif est d’être un réseau d’alerte systématique de vol de bébé.

Ce jeudi 8 mai est un jour mémorable. Un grand jour. Les fruits de la lutte acharnée contre le trafic d’enfants est déjà visible. Etant sur le coup de l’émotion, je vous laisse découvrir l’extase qu’a laissé échappé mon frère et ami journaliste Gérard Philippe Kuissu que j’ai eu l’occasion de connaître à travers ce combat. Ces écrits, comme un compte rendu, relate bien l’émotion qui nous domine en ce moment. Lisez plutôt :

Le fils de Mme Kileba retrouvé après une campagne contre le trafic d'enfants
Madame Kileba à la droite de son flis, sa mère adoptive à sa gauche et Me Tchakounté à l’extrême-gauche. Il a été retrouvé grâce à une campagne contre le trafic d’enfants/ Matango Club/Crédit photo : Facebook Gérard Philippe Kuissu

Il y a des joies qu’on n’étouffe pas. Et l’affaire Kileba en est une. 20 ans après que ses deux enfants aient disparus comme des épingles, elle retrouve l’un deux.

Bref rappel des faits sur le trafic d’enfants :

Il y a 20 ans, Dame Kileba est atteinte de tuberculose. Pour se soigner et afin de ne pas contaminer ses deux jeunes enfants, elle les laisse dans un orphelinat. Et leur rends visite régulièrement. La suite c’est qu’un matin, elle découvre que ces deux enfants n’y sont plus. Catastrophe.

Elle cherche, cogne aux portes. Va au ministère des affaires sociales, écrits aux évêques, aux ministres, au SED, aux généraux, au DGSN, au PM… Rien. Une trentaine de correspondances, même aux instances nationales et internationales. Rien.

Elle sera interdite d’accès à l’orphelinat comme une malpropre. Elle sera insultée et vilipendée par les cadres du Ministère des affaires sociales. Ce ministère et de nombreux cadres seraient impliqués dans le trafic d’enfants et de bébé en particulier. De grosses familles à Yaoundé sont impliquées dans cette barbarie pestilentielle qu’est le trafic d’enfants.

Comment SOS Enfants Volés voit le jour

De guerre lasse, Madame Kileba eu l’idée géniale de se tourner vers une autre dame au grand cœur, KAH WALLA, présidente d’honneur de l’association Cameroon Ô’Bosso et présidente du parti politique Cameroon People Party (CPP). La Présidente l’écoute. Et décide d’agir.

En manager et fin tacticienne, elle avait compris avant nous tous l’importance et le poids de ce combat qui va durer trois ans. Son association Cameroun Ô’Bosso va prendre le dossier et réunir une cinquantaine d’associations de la société civile et des personnalités. Le TRIBUNAL ARTICLE 53 que je dirige est de la partie. C’est comme cela que je suis au commencement de l’affaire ! Un vaste et colossal travail sera fait. Lobbying, communication, marches, conférences de presse, distributions de dépliants, confection d’un documentaire. La présentation du documentaire sera même interdite par les autorités.

Les témoignages édifiants de trafic d’enfants

Durant les rencontres, les témoignages sont émouvants. Ils vous arrachent des larmes, vous enragent… Des verrous vont sauter, le collectif SOS Enfants Volés met à nu le trafic d’enfants et on dénombre des centaines de cas par an passé sous silence. L’impunité règne en maître. La mafia tourne, le business marche sur les larmes des familles.

Je me souviens encore du témoignage d’une dame : « Je vis au Gabon avec mon Mari et j’ai un enfant de 2 ans et je suis venu au Cameroun accouché. Mais on m’a volé un enfant… Que vais-je dire à mon mari, à ma famille ? Je rentre avec un bébé… Depuis 6 mois, je cherche, je me bats… ». Elle fondit en larmes.

Et un autre témoignage d’un homme qui disait : « ce qui me fait mal c’est que depuis que j’ai déclaré à la police la disparition de mon enfant, personne ne m’a jamais demandé quoi que ce soit. La police n’est jamais venu me voir, ou me convoquer… ».

Les âmes de bonne volonté se joignent au combat

La Ministre des affaires sociales reçoit le collectif. Des avocats, des experts entrent dans le jeu. Le Collectif, Me Tchakounté Charlotte, et d’autres vont mettre en marche une machine puissante. Celle-ci va de plaidoiries en plaidoiries engranger des victoires. Il sera établi que les enfants avaient été volés, leurs traces retrouvés.

Des négociations sont faites. Les enfants ne savent pas qu’ils ne sont pas avec leur mère biologique. Aujourd’hui, l’aîné, le garçon a retrouvé sa mère biologique en compagnie de sa mère adoptive et des membres du collectif dont Me Tchakounté.

Au moment de cette victoire, après 3 ans d’âpres combats pour nous et 20 ans pour Mme Kileba, il faut souligner que c’est une victoire de la société civile.

Je vous passe les détails sur les menaces, les intimidations.
Je vous passe les détails sur les scandales découverts.
Je vous passe les détails sur la condescendance, l’immoralité, le vice, les insultes des fonctionnaires qui volent deux enfants et maltraitent, animalisent la mère biologique.
Un crève cœur.

Et le combat continue…

Une insensibilité à la douleur d’autrui que l’on ne retrouve que chez les animaux sauvages. La patience et le courage du collectif ont payé. Mais aussi j’ai une pensé émue pour Georges Ekona et tout son staff qui n’ont ménagé aucun effort pour cette cause.

Je suis hyper admiratif de leurs efforts. Et, il me souvient que moi-même incarcéré au SED, il n’avait pas attendu ma famille ou l’argent pour intenter une action judiciaire pour moi. Il est juriste, il a fait ce qu’il avait à faire.

Comment ne pas saluer l’action de cette dame, Me Tchakounté, qui s’est investie pieds et mains liés dans cette cause, celle qui de mon point de vue a donné une dimension de force et de percussion au Collectif.

Au moment de partager cette joie, je salue le courage de Mme Kileba qui a crut jusqu’au bout. 20 ans pour revoir ses enfants dans la ville de Yaoundé. Elle retrouve donc son aîné, en attendant que la fille, la cadette et sa famille d’accueil soit préparées pour cette rencontre.

Happy end ?

Pas seulement. C’est la victoire d’une société civile que l’on qualifie d’inexistante. Moi je dis ESPOIR, PATIENCE, PERSÉVÉRANCE, et… union dans l’action. Une démonstration pratique pour la jeunesse : les vraies victoires se construisent dans la durée avec la sueur et/ou le sang.


L’Eglise catholique au cœur des arcanes du pouvoir politique au Cameroun

Au Cameroun, l’Eglise catholique a toujours entretenu des relations avec la politique. Ces relations peuvent être tantôt dites de proximité ou celles dites d’éloignement. Elles peuvent aussi être plus ou moins douteuses. A la lumière des analyses, elles sont devenues de plus en plus floues. Elles sont alors devenues plus que douteuses. Hier, on assistait à un mariage presque parfait.

C’est l’actualité dramatique en cours qui fait l’objet de ce billet. Ce drame vient encore raviver les débats sur les rapports que l’Eglise catholique entretient avec la politique. La mort « suspect » d’un prélat le 31 mai 2017 est la preuve que ses relations à l’Etat camerounais ont changé.

Rapports entre l’Eglise catholique et la politique pendant la période pré-coloniale selon Louis-Paul Ngongo

Dans un ouvrage intitulé « Histoire des forces religieuses au Cameroun » paru en 1982, la sentence de Louis-Paul Ngongo est sans équivoque : « Aucune religion formelle ne saurait s’installer dans l’apolitisme« . A la lecture de cet ouvrage, qui relate l’histoire de l’implantation et des forces des églises au Cameroun de 1916 à 1955, il apparaît qu’il a existé une fragile « collision généralisée et permanente entre les principaux acteurs de la colonisation, les administrateurs et les missionnaires« . Une collision qui laissait voir un antagonisme dans la philosophie et la vision de la cité.

Pour cet historien, la religion a eu comme principal adversaire à son expansion, l’administration coloniale. Pourquoi ces deux instances s’affrontaient-elles alors qu’elles étaient chargées d’une même mission ? Le conflit entre l’administration coloniale et les missionnaires résidait sur le fondement de chacune de ces instances. Pour Louis-Paul Ngongo, « Toutes les religions visent à transformer les mentalités, à orienter la société selon ses principes doctrinaux« . C’est la raison pour laquelle les administrateurs et les missionnaires étaient toujours divisés sur le droit matrimonial et la politique de l’éducation.

L’antagonisme sur le régime matrimonial était le plus criard. Pendant que les missionnaires étaient contre le mariage polygamique, l’administrateur coloniale le célébrait à l’état civil. Le désaccord sur la politique de l’éducation était essentiellement lié au contenu des enseignements. L’introduction des leçon comme « La Morale » a été l’une des pomme de discorde entre l’Eglise et l’administration.

Ce conflit sur les principes des règles de gestion des populations était déjà perceptible avant l’indépendance. Si l’on considère que l’Eglise catholique s’immisçait ne serait que dans ces deux secteurs de la vie des populations, il était donc indiscutable qu’elle ne pouvait ne pas s’ingérer dans la gestion de la cité, et donc, de la politique.

Rapports entre l’Eglise et la politique dans la période post-coloniale à l’ère du mono-partisme selon Jean-François Bayart

Dans son article « La fonction politique des Églises au Cameroun » paru en 1973 dans la Revue française de science politique, Jean-François Bayart ne contestera pas les conclusions de Louis-Paul Ngongo. Au contraire, le spécialiste Français des politiques africaines donnera une autre dimension politique à l’Eglise. Le président de la république Amadou Ahidjo, en interdisant le multipartisme en 1966, six ans après l’indépendance, privait alors la population d’instances d’expression et de revendications. Par conséquent, l’Eglise et plus particulièrement l’Eglise catholique, deviendra le « lieu d’expression de divers intérêts catégoriels« .

Contrairement à Louis-Paul Ngongo, Jean-François Bayart place l’Eglise au cœur même des arcanes du pouvoir politique. Elle ne sera plus réduit aux fonctions doctrinales ou à la gestion de la cité. Mais, elle sera le porte-parole des opprimés. Dans un contexte de mono-partisme, elle jouera presque le rôle de parti d’opposition. Et c’est en cela que Jean-François Bayart affirme, à juste titre que « les responsables religieux effectuent des interventions personnelles afin de protéger les populations de mesures arbitraires« . Il devient donc claire que l’Eglise catholique avait une certaine autorité voire une autorité certaine pour intervenir sur les décisions politiques.

Deux exemples de succès démontrent cette influence forte de l’Eglise catholique. Mgr Ndongmo intervenait et réussissait toujours à faire annuler les décisions extrajudiciaires. Tandis que Mgr Jean Zoa, par contre, était intervenu dans l’Affaire du Train en 1962 révélée dans « Les Carnets secrets de la décolonisation ». L’Eglise catholique était alors indubitablement un contre-pouvoir en l’absence des partis politiques de l’opposition.

Les rapports incestueux entre l’Eglise catholique et la politique depuis l’indépendance selon Alain Blaise Ngono

Les relations douteuses de l’Eglise catholique avec le politique a toujours, de tout temps, existé. En dehors de la prise de position contre l’injustice, l’Eglise a aussi brillé par des prises de positions maniérées et alambiquées. La lettre pastorale des évêques du Cameroun à l’issu de l’élection présidentielle de 2011 en dit long. L’Eglise prend les devants de la scène pour exhorter les acteurs à prendre leurs responsabilités. Mais, pour Alain Blaise Ngono, dans un article fort intéressant sur l’historiographie de la communication épiscopale, montre bien la face cachée de l’épiscopat camerounais.

Pour cet auteur, l’Eglise catholique constitue un « Indéfectible soutien aux forts« . Elle incite, par conséquent, aux pauvres à se soumettre en acceptant des « compromis et compromissions ». Ces fameux appels à la paix et à l’unité nationale ne peuvent cacher qu’un dessein : donner la caution morale à la tyrannie. C’est pour ça qu’elle « persiste manifestement à induire ses propres fidèles en erreur en tentant d’anesthésier les aspirations de liberté, justice et prospérité pour les enrégimenter dans un système politique illégitime et structurellement inégalitaire, injuste et malfaisant ». Cette posture existe depuis l’indépendance et demeure jusqu’à nos jours.

Le scandale de trop qui vient ébranler les rapports incestueux entre l’Eglise et le pouvoir politique

La communauté de l’Eglise catholique est en émoi. En effet, depuis le 31 mai 2017, le Cameroun a encore enregistré un décès « suspect » d’un prélat. Il s’agit de Monseigneur Jean-Marie Benoit Bala, archevêque de Bafia. Selon les premières indications trouvées sur le terrain, sa voiture a été retrouvée garée sur le pont sur la Sanaga à Ebebda. Une phrase laconique était rédigée sur une feuille blanche avec une en-tête « Archidiocèse de Bafia » et portant la mention manuscrite « Je suis dans l’eau ». Après une fouille de plus 48 heures, il a été retrouvé mort le 02 juin 2017 à Tsang, un village sis à 7 km du pont, par des pêcheurs au large de Monatélé.

Cette nouvelle n’a pas manqué de susciter des indignations face à ce qu’on pourrait appeler « série de scandales ». Les observateurs font d’ailleurs remarquer qu’en dehors de l’Eglise catholique, aucune obédience n’a connu un tel scandale. En plus de ça, ils font aussi la précision selon laquelle les meurtres suspects des prélats commencent en 1982. C’est donc sur l’ère Biya que ces crimes deviennent de plus en plus récurrents et inquiétants. D’où la question banale : pourquoi les religieux catholiques sont-ils les seules victimes ?

La thèse du suicide, en vogue depuis lors, s’est dissipée petit à petit. Du coup, le vieux démon des meurtres suspects des prélats catholiques au Cameroun refait surface. A l’occasion, les statistiques présentant une liste non exhaustive des prêtres décédés dans des conditions encore non élucidées sont remises au grand jour. On apprend donc, en tout que, après Mgr Bala, cela fait 17 morts déjà enregistrés. Les premiers prélats assassinés, en 1982, étaient Mgr Jean Kounou et l’Abbé Materne Bikoa. Et depuis cette date, les enquêtes sur les meurtres des prélats ont connu des succès mitigés.

Rapports entre l’Eglise catholique et la politique pendant la période post-coloniale à l’ère de Biya et du multipartisme

A l’ère du multipartisme, il devient évident que ces rapports devraient prendre une autre allure. Les partis politiques commencent donc, en 1991, à jouer leur rôle de contestation du pouvoir. La question fondamentale qui reste à se poser est donc la suivante : quel rôle va finalement jouer l’église. Plus que par le passé, l’Eglise catholique n’a aucunement perdu sa place d’influence à l’ère de Biya. Elle est même devenue de plus en plus forte au point d’intégrer certaines institutions clés de la république.Ainsi, l’Eglise se met donc à jouer un rôle trouble. Elle est accusée de soutenir le régime dictature qui opprime le peuple.

Après avoir anéanti les partis politiques, la presse privée, dernier rempart de la contestation, était visée. Mgr Joseph Befe Ateba est nommé au poste de président du Conseil National de la Communication (CNC). Il a pour mission de mater contrôler la presse qui est désormais le seul opposant réel au régime. Monseigneur Watio est nommé à Elecam (Elections Cameroon). A travers lui, l’église catholique donne sa caution aux divers tripatouillages des élections au Cameroun. Ces deux nominations ne peuvent, sans aucun doute, être acceptées sans l’accord de la hiérarchie de l’église catholique.

Dans un tel contexte de contestation de l’ordre, l’Eglise catholique se trouve dans l’étau. Comment, en même temps, jouer le rôle de la paix en exigeant la justice sociale à un pouvoir politique qui la tient en haleine ? Équation difficile à résoudre. Elle va donc se mêler dans le jeu des intérêts troubles. Ce qui ne plaît pas au pouvoir politique.


Pourquoi le jeune Macron fascine tant les Camerounais ?

La victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle en France le 7 mai 2017 ne se limite pas seulement à un simple événement politique. Depuis la campagne du premier tour jusqu’à la fin du second tour, le couple Macron n’a suscité que des débat passionnés. Ces débats tournent autour de la jeunesse d’Emmanuel à la vieillesse de Brigitte, du soutien du capitalisme financier à sa politique d’ouverture qui cadre mal avec l’expansionnisme africain cher à la France.

A vrai dire, les Camerounais n’ont véritablement commencé à entendre parler de Macron que lors de sa visite en Algérie. Les propos tenus à Alger le 15 février 2017 sur la colonisation par le candidat à la présidentielle français d’alors n’avait pas laissé les Camerounais indifférents. Tandis que les uns étaient satisfaits de la pertinence de ces propos, d’autres scrutaient déjà sur sa personnalité. Ces derniers s’interrogeaient justement sur la sincérité et la bonne foi d’un Blanc qui subitement découvrait que la colonisation « était un crime contre l’humanité« . Du coup, Macron a commencé à intéresser les Camerounais de tout bord. Il devient curieux de bien comprendre cet intérêt. Autrement dit, pourquoi Macron suscite-t-il autant de polémiques, de haine, de jalousie, mais aussi d’admiration ?

Parce que Macron arrive dans un contexte où la côte de l’extrême-droite monte dans les grandes puissances du monde

Le couple Macron au sommet du G7
Le couple Macron au sommet du G7 à Sicile en Italie. Source photo : Wikipédia/ Matango Club

C’est avec ces critiques acerbes que les débats ont véritablement eu lieu sur la personnalité de Macron. Tout allait dans tous les sens. Le couple Macron a été décrypté afin de comprendre la logique qui gouvernait ce jeunot et qui faisait fasciné la France et le monde. Pour avoir suivi de bout en bout les campagnes électorales de Mittérant, Chirac, Sarkozy et Hollande, la candidature de Macron a été celle qui a suscité le plus de polémiques. Pourquoi ?

L’élection présidentielle en France se déroule dans un contexte où les réseaux sociaux ont une ampleur exponentielle. C’est un contexte où toute idée novatrice, de changement, voire révolutionnaire, attire plus l’attention. Avec cet interview d’Alger, l’opinion se rendait alors subitement compte que Macron venait pour casser les habitudes. Le ton était donc donné et le discours de la rupture semblait, a priori, claire.

Ce contexte est aussi marqué par l’effervescence du discours droitiste le plus dur dans le monde. Les peuples des grandes démocraties et des grandes puissances du monde sont dans le doute. Rien d’autres que les difficultés économiques, la montée du terrorisme et l’insécurité suffisent à susciter ces doutes. Ces peuples sont donc en colère contre leurs gouvernances incapables de protéger le pays contre ces vents de turbulences.

Les idéologies d’extrême droite jettent l’opprobre sur les politiques d’immigration. Ces turbulences, considérées comme externes, n’ont alors qu’une seule origine : les étrangers. Ceux-ci, en plus de profiter du peu d’emplois qui existent, sont les principaux indexés dans les attentats. Les nationalistes et anti-mondialistes trouvent donc un terrain fertile. C’est ainsi qu’on pourrait expliquer les victoires de Trump aux Etats-Unis et de May en Angleterre. Ces deux chefs d’Etats apparaissent comme des hommes de rupture avec l’ordre établi.

Parce que Macron est une marionnette qui entre dans l’histoire grâce à un complot des puissances capitalistes ?

On aurait pu penser que la poussée de l’extrême-droite suffisait pour barrer la voie à Macron. Que nenni. La nouvelle coqueluche de la classe politique française a justement surfé sur la rupture. Comment ? En France, l’on a eu l’instinct de présenter un homme pas si neuf mais jeune, à l’ascension récente, pas définitivement encarté à gauche ou à droite. Sa figure était au moins acceptable pour éviter que les peurs ne fassent basculer la France vers l’extrême-droite.

D’un autre côté, Macron a eu à bénéficier de l’instrumentalisation de la justice contre Fillon. L’histoire retient quand même que, jamais auparavant la justice française ne s’était déployée dans les affaires politiques avec autant de ferveur pendant les périodes électorales. Elle s’est aussi fait aider par un matraquage médiatique à nulle autre pareil. Pourtant, à cette période justement, Fillon faisait plus de 20% dans les sondages.

Sans doute que l’alternance gauche droite portait déjà ses fruits. Mais, la fissure de la gauche et les problèmes judiciaires de Fillon présageait quand même un terrain fertile pour Macron. C’est la raison pour laquelle, en janvier 2017, un article de BFMTV, appelait cela l’alignement des planètes. C’est un doux euphémisme pour décrire ce qui arrive à Macron comme quelque chose qui a été planifiée.

Parce que le jeunot Macron est une personnalité atypique surtout dans sa vie privée que professionnelle

Par son âge qui le rend exceptionnel

Élu à l’âge de 39 ans, Macron est sans contestation le plus jeune président français de l’histoire. Sa candidature à la présidentielle ne pouvait donc pas laisser les Camerounais indifférents. Les commentaires allaient donc dans tous les sens. Pendant que les autres spéculaient sur sa jeunesse et sa non maîtrise de la chose politique, les autres voyaient en lui un homme prodige. Les détracteur de Macron ironisaient même sur une éventuelle rencontre entre lui et le dinosaure Paul Biya. Les commentaires tournaient autour de la posture du jeunot devant un vieux administrateur colonial de la politique africaine. En tous les cas, si rencontre il y a, Macron n’aura qu’à se rappeler de la célèbre phrase qui a fait pouffer de rire Hollande au palais de l’Unité à Yaoundé : « ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut ».

Par son courage légendaire

Les Camerounais ont l’habitude de se vanter devant les filles pour leur « faux » courage. Ils continuent d’être ahuri devant le « vrai » courage de Macron. Ils n’arrivent toujours pas à digérer qu’un garçonnet de 15 ans puisse draguer et convaincre son professeur de 39 ans de devenir sa copine. D’ailleurs, qui a même fait le premier pas entre les deux, Emmanuel ou Brigitte ? Il serait intéressant au moins de le savoir. Les Camerounais n’arrivent pas à imaginer qu’en France, une adulte puisse avoir pour copain un adolescent, j’allais dire, un mineur. Des comportements qui sont pourtant interdits par la loi française (?).

Au fait, moi-même, j’aimerai en savoir un peu plus sur ce détail de la vie de Macron et ce que dit la loi en France. Pourtant, ici au Cameroun, une telle relation est vite perçue comme anormale. Elle reste pratiquement moins condamnée par les juges. Pourtant, les adultes hommes étaient interdit d’avoir des relations sexuelles avec une mineure. Si ce détail a échappé aux juges français, il n’a pas échappé aux Camerounais.

Il faut tout simplement dire que Macron a réussi, non seulement à détourner les juges, mais a réussi là où les Camerounais échouent souvent. Il a refusé de jouer les seconds rôle dans cette relation controversée en épousant une femme plus mature que lui. De plus, il a refusé de considérer que les femmes âgées représentent des vaches à lait. D’où le nom de « gigolo » que la société attribue aux hommes perfides et avares. Du moins, Macron a appris aux Camerounais à savoir à quoi peut servir une mémé.

Par le charisme de Brigitte

Brigitte Macron a été dans toutes les lèvres des femmes. Oui, qu’est-ce que les femmes n’ont pas dis ? C’est le kongossa dans toute sa pestilence : Brigitte est trop vielle ; C’est plutôt Trump qui mérite Brigitte ; etc. On a même assisté à un échange entre Macron et Trump où Mélania devenait Madame Macron et Brigitte devenait Madame Trump. Les Camerounaises trouvent que cette combinaison formerait un couple parfait.

Ce qui est intéressant ici, c’est que, pour une fois, les Camerounaises ont beaucoup appris de Brigitte. Elles ont enfin compris qu’il ne sert à rien de tromper les dragueurs sur leur âge réel. Les filles ont cette mauvaise habitude ici de paraître jeune en mentant sur leur âge. Ça fait partie de leur charme. Elles pensent naïvement que les hommes préfèrent les jeunes filles encore resplendissantes. Peut-être ont-elles raison. Mais, ce qui est important, c’est le fait qu’elles soient déjà conscientes que l’âge peut présenter des avantages dans une relation amoureuse. Il ne sera donc plus question de « couper » son âge pour épater un probable prétendant.

Par le choix vestimentaire de Brigitte

Le monde a été fasciné par cet ensemble vestimentaire de Brigitte lors de l’investiture de son mari. Brigitte portait un petit tailleur de couleur bleue conçu par Louis Vuitton. Elle avait été très appréciée notamment par les Camerounaises malgré la taille trop courte de la jupe. En fait, la comparaison faite par les Occidentaux entre la tenue de Brigitte, de Mélania et de Jacqueline Kennedy en 1961 n’avait pas ému du tout.

Le pire est pourtant venu de la tenue noir de Brigitte lors du dernier sommet du G7 en Sicile en Italie. On a vite fait de mettre cette fois-ci la comparaison sur la table. Brigitte a été « hué » par les internautes camerounaises face à Mélania qu’elles trouvaient superbe. Evidemment, la taille des tenues de Brigitte (au dessus des genoux) n’est pas très appréciée. Du coup, les détracteurs de Brigitte sortent alors de leurs petits trous pour lancer comme un cri de victoire : « vous voyez alors comment les vieilles femmes sont ? Au lieu de porter les habits dignes des femmes de son âge, elle fait comme si elle voulait encore impressionné son mari. Elle ne s’est pas encore débarrasser de sa garde robe d’ado ? C’est toujours l’amour comme ça lààà ».

Par sa conception de la famille

Pour le commun des mortels, Macron doit être un psychopathe. Comment un jeune homme à la fleur de l’âge, qui a gravit les échelon au plan professionnel et est finalement devenu président de la république peut-il refuser d’avoir des enfants ? Sacrilège ! Ici au Cameroun, il sera très difficile d’amener les gens à concevoir cela. De manière instinctive, à moins qu’un homme soit infertile, avoir un enfant est une exigence de la société. Ce n’est pas (encore) une affaire personnelle.

Les plus doué comprendront que, pour atteindre ses objectifs professionnels, Macron s’est certainement donné une discipline dans sa vie. Cette discipline passe aussi par des sacrifices que l’on se donne soi-même comme le choix de ne pas enfanter. Dans ce cas, la victoire de Macron serait donc évidente. Cette règle de la vie n’est pas compréhensible pour un Africain qui considère que l’enfant est une richesse plus qu’un diplôme ou une carrière professionnelle ou politique.

Ainsi, pour le nouveau président français, la famille prend donc un autre sens. Macron considère les enfants et les petits-enfants de sa femme comme les siens. Cette parenté peut même s’étendre et ainsi, elle devient alors sociale et non plus seulement biologique. Ça rejoint donc largement la notion de la parenté en Afrique où, en plus des enfants, les enfants des oncles et des tantes font partie de la famille. Pourquoi ce comportement de Macron choque-t-il les Africains et les Camerounais en particulier ? Les détracteurs sont allés même plus loin en insinuant que Macron ne pouvait être qu’homosexuel. Heureusement que nous en sommes encore qu’aux hypothèses.

Tout compte fait, Macron reste, néanmoins, pour le Camerounais que je suis, un véritable énigme

Le nouveau président français est plus qu’un énigme. C’est un personnage atypique qui ne laisse personne sur la bonne piste de sa personnalité. La France en Marche ! a révéler pas mal de subtilité dans sa vision. Ni de droite, ni de gauche encore moins du centre, l’orientation idéologico-politique de Macron est, comme il le dit lui-même, une rupture. Mais, la nomination de son tout premier gouvernement avec le maintient de certains ministres issu du gouvernement de Hollande laisse perplexe. Ses visites à Berlin pour consolider le couple Franco-Allemand et à Gao pour consolider la coopération militaire africaine si chère à la France ne viennent-elles pas conforter le statu-quo ?

En tous les cas, en Afrique, personne ne doute un seul instant, même avec le FN au pouvoir, que la France changera un jour sa politique avec le vieux continent. L’arrivée de Macron à l’Elysée n’est donc pas un mystère, bien qu’elle soit un événement. L’euphorie de la victoire de Macron n’est qu’un vent de l’histoire. Au Cameroun, difficile de considérer une victoire comme le fruit d’un travail bien accompli. Malheureusement. Quand quelqu’un réussit dans la vie, les raisons sont vite trouvées : « il est homosexuel ; c’est la secte Franc-Maçonnerie qui est derrière cette victoire ». Par contre, si Macron avait échoué, on connaît le refrain : « il croyait qu’on peut sortir de nulle part et devenir président ? ». Bonjour les railleries et les moqueries.

En conclusions

Le président Macron inspire les Camerounais. On peut encore discuter sur le caractère exceptionnel de la carrière du jeune président français sans toutefois nier cette évidence. Le phénomène Macron a déjà envahi les réseaux sociaux où beaucoup rêve du renouvellement de la classe politique. Le parti politique de l’opposition la plus en vue en ce moment, le SDF, reste inféodé par les dinosaures depuis 27 ans déjà. Ainsi, les critiques formulées au RDPC, parti au pouvoir, pour le statu-quo l’indépendance, est adressées aussi aux leaders de l’opposition.

Pour finir, j’aimerai quand même savoir quelque chose. Une certaine intrique circule sur les réseaux sociaux camerounais sur le séjour des premières dames françaises à l’Elysée. Les polémiques n’arrêtaient pas de circuler sur les épouses de Sarkozy et de Hollande. Pour Sarkozy, celle qui était entrée à l’Elysée n’est plus celle qui était sortie. Par contre, pour Hollande, la compagne a déserté les lieux laissant ainsi son compagnon qui a fini par quitter l’Elysée seul. Qu’en sera-t-il pour Macron ? Wait ans see!