Fotso Fonkam

Des écoles, c’est tout ?

Au Cameroun, si on demande au ministre de l’Education nationale de faire son bilan avant d’aller finir ses jours à Kondengui, je suis prêt à parier que, tout fier, il citera avec empressement les écoles qu’il a ouvertes dans les coins reculés du pays. Il citera, je n’en doute pas, ces collèges d’enseignement secondaire (CES) de brousse qu’il a transformés en lycées. Et il conclura en disant qu’il a œuvré pour que tous les jeunes Camerounais aient accès à l’éducation. Pourtant, moi je dis que s’il n’a fait que créer des écoles, alors il n’a rien fait, absolument rien fait.

Le constat qu’on peut facilement faire au Cameroun, c’est qu’en effet rares sont les villages dans lesquels on ne trouve pas au moins un établissement scolaire. Pourtant, si on essaie d’évaluer la qualité de l’enseignement dispensé dans ces établissements, eh bien on risque de tomber des nues. Oui parce que, dans la plupart des cas, les conditions de vie dans ces endroits sont telles que même l’enseignant le plus motivé finit par se décourager.

L’année passée, par exemple, j’ai été affecté dans la région du Sud-Cameroun. Inutile de dire que la délégation régionale, faute de « tchoko », m’a envoyé dans un de ces établissements créés pour que les enfants des zones rurales aient accès à l’éducation.

Dans le village où l’établissement est situé, il n’y a pas de maison à louer, pas d’eau potable, pas de marché où se ravitailler, pas de centre de santé, pas d’électricité constante (la lumière revient parfois à 19 heures, et parfois pas), pas de route. La ville la plus proche, qui est en fait un grand village, est à 1500 francs. Et pour y aller, il faut encore être chanceux de voir une moto passer dans le coin. Et s’il pleut, impossible de se déplacer, car la route devient impraticable.

Pourtant, il y a des écoles là-bas, un lycée et une école primaire et maternelle. Rien d’autre.

Un enseignant affecté dans une zone pareille, déshéritée, comment fait-il pour se rendre à l’établissement où il doit enseigner ? Où trouve-t-il la motivation nécessaire pour faire correctement son travail ? Pourquoi devra-t-il être assidu, lui qui dépense près du quart de son salaire chaque mois dans les transports pour aller enseigner, en plus du loyer qu’il paye ailleurs ? Peut-on lui en vouloir de chercher les « réseaux » pour se faire muter ailleurs le plus rapidement possible ?

Nos ministres, qu’on appelle excellence sans qu’ils n’excellent jamais dans aucun domaine, devraient garder à l’esprit que pour que l’enseignement se fasse, il ne suffit pas de créer des écoles. Il faut beaucoup plus que ça : il faut aussi et surtout prendre des mesures pour rendre la vie acceptable à ceux qui vont aller y dispenser le savoir.


Le « maquisard » est en fait un intellectuel !

Je ne sais pas si c’est comme ça ailleurs, mais chez nous au Cameroun il y a des gens, quand ils décident de vous insulter, vous avez envie d’aller vous cacher dans un trou. Et j’ai bien l’impression que cet art insultatoire (oui oui, nous sommes des académiciens chez nous) se transmet même de génération en génération. En même temps, c’est normal hein : quand votre parent en colère vous en balance une, votre premier réflexe c’est de l’enregistrer pour la rebalancer à un ami dans la rue.

À l’époque, les pères de mon quartier, quand ils avaient fini de bien te laver (avec les insultes), t’achevaient en te sortant un « Maquisard ». C’était, pour beaucoup, l’insulte suprême. Tous petits, nous savions qu’un maquisard, c’était un type brutal, barbare, violent… une brute épaisse, un moins que rien. Un type avec tout dans le muscle et rien dans la tête. Eh bah non, on avait tout faux. Tout !

Au Cameroun quand on parle de maquisard, ou bien de maquis – il ne s’agit nullement d’un débit de boissons localement distillées –, le nom qui vient d’abord à l’esprit des uns et des autres, c’est celui de Ruben Um Nyobè qui a vécu dans le maquis et qui n’en est sorti que les pieds devant, en 1958, le 13 septembre plus précisément.

Si on s’en tient à l’idée qu’on a toujours eue du maquis et des maquisards, on pourra déduire que Um Nyobè, qui est l’un des maquisards les plus connus, était un sanguinaire illettré et violent. Et pourtant…

Le 26 septembre dernier, la Fondation Yes Africa a organisé, dans le cadre du programme « Les circuits de la mémoire », l’opération #RememberUmNyobè. Concrètement, il s’agissait de faire un voyage à Eséka pour visiter la tombe de Ruben Um Nyobè. Tout au long du voyage, notre guide, Tata Bergeline Domou alias Kabila nous a entretenus au sujet de cet homme dont beaucoup ne connaissent que le nom. Arrivés sur les lieux, de jeunes historiens ont également parlé de l’homme, de sa vie, de sa mort, de ses actions. Et là, je me suis dit, « Wow ! En fait, le maquisard c’est un intellectuel ! Ils nous ont menti pendant tout ce temps. Ils nous mentent encore… »

La tombe de Ruben Um Nyobè, à Eséka
La tombe de Ruben Um Nyobè, à Eséka

Um Nyobè, ai-je appris, était d’abord enseignant (sorti de l’École normale de Foulassi). Puis, il intègre la fonction publique et travaille même dans un tribunal où il se passionne pour le droit. « Donc, le maquisard, non seulement il enseigne, mais en plus il connait la loi ! » À l’époque où on nous insultait maquisard, on était loin de s’imaginer qu’un maquisard peut avoir un seul diplôme. Pourtant, c’est en 1939 que Um Nyobè a obtenu son baccalauréat.

Après plusieurs actions entreprises pour la libération du Cameroun, parmi lesquelles un réquisitoire contre la France prononcé devant les Nations unies en 1952 et la contribution à la création d’un parti politique (l’UPC), il entre dans le maquis pour échapper à la répression de l’administration coloniale. Là, il continue ses activités dans la clandestinité.

En fin de compte, je commence à me dire que traiter quelqu’un de maquisard, c’est en réalité un compliment. Oui, parce que si celui qui symbolise le maquis, Ruben Um Nyobè, n’est pas un brigand qui règle tous ses problèmes à coups de machette, mais plutôt un homme brillant et cultivé, si le maquisard est un intellectuel altruiste qui se bat pour le bien-être des autres au détriment de son propre confort (le maquis c’est des cachettes dans les forêts, pas un hôtel 5 étoiles), au détriment de sa propre sécurité et de celle de sa famille, eh bien, chacun devrait essayer de devenir maquisard dans ce pays appelé Cameroun.

La statue représentant Ruben Um Nyobè à Eséka.
La statue représentant Ruben Um Nyobè à Eséka. On peut voir la mallette contenant ses écrits qu’il tient dans sa main gauche.

D’ailleurs, au moment de sa mort, Um Nyobè tenait en main, non pas une arme, mais plutôt une mallette qui contenait des documents, et ses écrits. Voilà ce que c’est qu’un maquisard, un type qui fait fonctionner ses méninges. On n’en a plus beaucoup dans notre cher Cameroun. Aujourd’hui, c’est le ventre qu’on fait fonctionner avant tout.

Nous sommes revenus d’Eséka avec une nouvelle vision des choses, mais surtout une nouvelle version, la vraie, de l’histoire de notre pays, de l’histoire d’un homme dont la mémoire doit être restaurée. La bonne nouvelle, c’est que la Fondation Yes Africa ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. #Remember Um Nyobè, ce n’était que la première étape vers la rencontre entre la jeunesse camerounaise et l’histoire de son pays. Vivement la prochaine étape.


Il y a eu la saison 2… #TBC

La saison 2 du blog Contest s’achève ce mois, et je dois avouer que c’est pour moi un soulagement, tant l’aventure a été mouvementée. La saison 2, c’était des hauts et des bas. La saison 2, c’était des moments de joie, mais aussi des instants de doute et de découragement. En fait, depuis le 20 mars dernier (date de début de la saison), il y a eu beaucoup de choses.

Il y a eu les thèmes pourris…

La saison 2 du Blog Contest a commencé avec un thème taillé sur mesure : « Religions monothéistes vs traditions africaines ». Je ne pouvais pas espérer mieux, le thème était en accord avec l’esprit de mon blog (revendiquer, critiquer, dénoncer). Le deuxième mois, le thème sur « Les clés pour un bon leadership » était pas mal. Puis, tout est parti en couille.

Je me suis parfois demandé si les lecteurs ne faisaient pas exprès de nous coller des thèmes pourris difficiles à aborder, ou trop hermétiques. Le phénomène sex-friend, la gestion du bouche-à-oreille, le mensonge… autant de thèmes qui m’ont donné des insomnies et des sueurs froides.

Vous voyez alors le coeur des lecteurs? Repousser les limites de quoi dis donc?
Vous voyez alors le coeur des lecteurs? Repousser les limites de quoi dis donc?

… Et il y a eu des mois sans inspiration

Ok, je l’avoue, tous les thèmes n’étaient pas aussi pourris que je viens de le dire. Je pense que le manque d’inspiration a beaucoup contribué à « pourrir » certains thèmes dans mon esprit – surtout quand je voyais les thèmes intéressants qui étaient délaissés par les votants.

Comme l’a si bien dit un grand penseur challengeur, c’est au blogueur de rendre le thème intéressant parce qu’« il n’y a pas de bon/mauvais thème, il n’y a que de bon/mauvais articles. » Plus facile à dire qu’à faire. Heureusement, Elie nous a fait un cours sur Comment écrire un article (quand on n’est pas inspiré). Le gars était trop inspiré ce jour-là. C’est mon « article de chevet » LOL.

Citation Elie
Parole d’Evangile…

Il y a eu des thèmes trompeurs…

Je me rappelle qu’au mois de mai, pendant le vote, j’avais ouvertement émis le vœu de voir le thème sur les sexfriends (le « tchoukam pass » comme Leyo aime bien l’appeler) remporter le vote, malgré les pressions des autres challengeurs qui préféraient clairement le thème sur « les petits bonheurs du quotidien ». C’est que, vu de loin le thème sur les sex-friends était très intéressant. Vu de loin…

Au moment d’écrire, j’ai eu tous les problèmes de la terre. J’ai changé d’angle d’attaque, écrit à des heures différentes, changé de position, de siège, d’ordinateur, de ville… Rien, pas d’inspiration. Aucun angle d’attaque sérieux. Au finish, pour ce thème qui me semblait si facile, j’ai produit le plus mauvais article de ma saison (j’avais, moi, bâclé les bêtises dis donc).

…Et il y a eu des lecteurs exigeants

Tout le concept du Blog Contest repose sur les lecteurs. Ce sont eux qui proposent et votent pour les thèmes. Et quand les articles sont publiés, ce sont eux qui reviennent faire des commentaires. C’est dire si le lecteur a le pouvoir dans cette affaire.

Les lecteurs du TBC n’avaient pas leur langue dans la poche. Je me rappelle qu’au mois de mai (le fameux mois des sexfriends), Fernanda Edi, experte en lecture, championne en malebouche et jamais contente, a trouvé que tous les articles étaient bâclés à une ou deux exceptions près (elle avait raison pour le mien). Tout au long de la saison, certains lecteurs se sont plaint du style, de l’angle d’attaque, de la longueur, du ton de nos articles : c’était trop solennel, trop sérieux, trop ceci, trop cela (tsuip !).

Capture d'écran
« Là c’est un peu bâclé », dixit Fernanda…

Certains, d’ailleurs, ne se privaient pas d’écrire leurs propres articles #EnMargeDuTBC, histoire de corriger les fautes que nous commettions.

Mais surtout, il y a eu beaucoup de fierté

A la fin de la saison, et après toutes ces péripéties, je ne peux cacher ma fierté. Fierté d’avoir résisté jusqu’à la fin, fierté d’avoir fait partie de l’aventure (ce sont les lecteurs – toujours eux – qui votent pour les nouveaux challengeurs), fierté d’avoir eu des commentaires encourageants sous mes articles…

Cependant, je ne compte pas postuler pour la saison 3. A la fin de cette saison, je crois que je vais quitter le TBC (et cette fois-ci je ne bluffe pas comme je l’ai fait en juin). Je resterai lecteur et commentateur, je publierai peut-être #EnMargeDuTBC, je partagerai certainement les articles des nouveaux challengeurs, mais je suis partisan de la limitation des mandats.

À bientôt donc pour la prochaine saison ; j’ai déjà hâte de « rencontrer » les nouveaux challengeurs (et d’exercer mon pouvoir de lecteur-tout-puissant sur eux).

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Faites un tour sur les blogs des autres challengeurs pour découvrir leurs bilans de la saison 2.

Leyopar

Elsa Diamond

Elieko

Tchoupinov


Le bon samaritain de la gare

Ce matin vers 5 h 30, je revenais du village après une nième réunion de famille (et sans avoir subi un seul contrôle sur la route, soit dit en passant). Arrivés à Tongolo, première escale du bus, mon frère et moi décidons de prendre un taxi avec mes deux neveux âgés d’un peu plus de deux ans.

Alors que je traverse la route pour monter dans le taxi qui vient d’accepter de nous conduire à la chapelle Nsiméyong, je remarque un type qui me suit discrètement, comme s’il voulait me proposer son aide ou quelque chose de ce genre.

Trouvant l’individu suspect, je presse le pas et prends place à l’arrière du véhicule juste à côté de mon frère qui tenait sa fille dans ses bras. Une fois assis, le quidam feint de m’aider à fermer la portière. Je l’arrête d’un geste et je ferme ma portière. « Va faire ton romantisme avec les filles de ton quartier », lui dis-je.

Au moment où le taxi va démarrer, une vieille dame propose une destination qui arrange le taxi. Elle s’installe juste à côté de moi. Entre-temps, le jeune homme qui l’a aidée à porter ses bagages jusqu’au taxi réclame 100 ou 200 francs au taximan, qui ne les a pas. La discussion tourne en rond, la vieille dame peine à s’installer (mon frère et moi ne sommes pas ce qu’on peut appeler des mannequins).

Le reste se passe très vite. Le gentleman de tout à l’heure, très concerné par la discussion entre le chauffeur et le porteur de sac, était resté près de la portière arrière. Rapide comme Lucky Luke, il dégaine un de ses bras et, plus rapide que son ombre et la mienne, m’arrache le smartphone que je tenais pourtant fermement de la main droite (j’en ai encore mal aux doigts).

Crédit photo: androidcentral.com
Je cherche déjà comment acheter un autre Nexus 5 #NexusAddicted – Crédit photo: androidcentral.com

Et tandis qu’Arsène Lupin s’éloigne en courant avec mon Nexus dans la main, mon cerveau analyse rapidement la situation et réalise ce qui est en train de se passer. Je jette presque mon neveu dehors et j’essaie de sortir en vitesse pour me lancer à ses trousses.

Comble de malheur, la vieille dame me barre le chemin. Je fais quand même un plongeon en avant digne de Micheal Phelps, j’atterris non pas dans une piscine, mais sur mon neveu qui pleurait déjà par terre, et essaie de libérer mes jambes restées coincées dans le taxi – Ok, Phelps aurait rougi de honte en voyant ce plongeon.

Quand je parviens à me libérer, en criant de ma plus belle voix « Mon téléphone ! Mon téléphone ! », j’aperçois Arsène Lupin en train de prendre un virage au coin d’une vieille baraque. J’envisage de le rattraper, savourant d’avance la raclée que je vais lui mettre si je l’attrape. Mais mon frère, plus raisonnable, me dit, « Laisse ! Laisse ! Il est déjà parti ».

Mon frère a raison, suivre ce type dans les élobis* d’un quartier que je ne connais pas peut tourner au drame. Ces gars ont généralement des complices qui attendent armés de couteaux qu’un courageux arrive dans leur zone de confort.

Je reviens donc dans le taxi avec les poings qui me démangent. Bizarrement, le type qui réclamait 100 francs n’en veut plus. Même la vieille dame est allée s’asseoir à la cabine. Je reprends ma place à l’arrière en silence et on démarre.

Sur le chemin, je digère lentement mais difficilement, surtout que je ne mets jamais de mot de passe à mes téléphones. Pire, il y avait à peine deux jours que j’avais désactivé l’application Antivol d’Avast, qui permet de verrouiller le smartphone en cas de vol. Mais j’ai espoir: au moment où il changeait de propriétaire, mon téléphone était connecté à Internet, donc il me reste une dernière chance de le bloquer à partir de mon PC.

Je suis arrivé à la maison, et heureusement j’ai pu réactiver AntiTheft d’Avast et j’ai verrouillé le téléphone à distance. Ce type ne vendra pas mon téléphone, c’est certain. Mais je ne le récupérerai probablement jamais.

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Elobi : bidonville, partie insalubre d’un quartier


À ceux qui prétendent assurer notre sécurité

Après les attaques kamikazes que le Cameroun a subies dernièrement à Kolofata puis à Maroua, des mesures ont immédiatement été prises pour renforcer la sécurité dans nos villes, notamment en ce qui concerne le transport interurbain. Il fallait s’y attendre. Pourtant, sur le terrain, il semble que les choses ne soient pas exactement ce qu’on pourrait espérer, malheureusement.

La semaine dernière, alors que je préparais mon voyage pour Bandjoun à l’ouest du pays, j’étais tout excité à l’idée de passer par les détecteurs de métaux – comme dans les films noor – et autres fouilles au corps tel que récemment prescrit par les autorités de la ville de Yaoundé. Je m’attendais tout au moins à trouver un ou deux hommes en tenue, histoire de dissuader quiconque serait tenté de se comporter bizarrement.

À la gare, point de détecteur, ni d’homme en faction. Le long rang qui m’avait laissé supposer une fouille assidue des bagages des voyageurs était en réalité dû à la grande affluence des week-ends d’août. Pendant tout le trajet pas une seule fois notre bus n’a été stoppé ne serait-ce que pour vérifier nos cartes d’identité. En revanche, le chauffeur de notre bus ne se gênait pas pour faire son ramassage en toute quiétude. Notre bus de 70 places devait avoir au moins 90 personnes après quelques kilomètres de route – la cible parfaite pour une attaque terroriste.

A quoi servent donc toutes ces mesures qu’on annonce en grande pompe sur les ondes, et qui sont censées assurer la sécurité des citoyens ? Alors que je m’interrogeais sur Facebook, mon amie Anna Keds a fait une réflexion qui a tout éclairci dans mon esprit : « Ils t’ont dit que c’était une zone à risque pour eux ? », m’a demandé Anna. C’est vrai, ce n’est pas une zone à  risque. Pas encore.

Lors des explosions de Kolofata, Maroua n’était pas une zone à risque, donc rien n’a été fait pour la sécuriser. On connaît le résultat : trois explosions et des dizaines de morts qu’on aurait pu éviter en prenant des mesures à la hauteur de la menace. Ces chers messieurs dans leurs grosses voitures devraient savoir qu’un leader doit pouvoir anticiper, ce que jusqu’ici je ne les ai pas trop vus faire.

La vérité c’est qu’il n’existe aucune rigueur dans les contrôles effectués sur nos routes : une voiture qui passe sera contrôlée ou pas selon l’humeur des patrouilleurs. L’autre vérité c’est que les mbérés placés en route n’ont rien à foutre du degré de dangerosité de la zone dans laquelle ils se trouvent.

La dernière fois que j’ai fait le voyage Maroua – Yaoundé (Boko Haram faisait déjà rage à nos frontières à ce moment-là), j’ai voyagé avec deux Maliens qui ne s’exprimaient en aucune langue intelligible au Cameroun. Ces deux individus n’avaient pas leurs papiers en règle et à chaque contrôle, ils payaient 10.000 francs aux flics. À un niveau, un bon samaritain leur a expliqué qu’ils pouvaient payer beaucoup moins et s’est engagé à les accompagner à chaque arrêt pour négocier.

Au contrôle suivant, les bidasses ont simplement dit au type qui leur tendait 1.500 francs, « Mon frère, donne-nous 10.000 comme tu as donné aux autres contrôles ». Les deux Maliens ne sont pas arrivés à Yaoundé avec nous. À court d’argent, ils ont été débarqués du bus un peu après Bertoua. Une autre fois, sur le même trajet, c’est un Tchadien qui, après avoir épuisé ses sous, s’est retrouvé en train de vendre son téléphone à 2.000 francs pour mouiller la barbe aux policiers.

Le plus important, ce n’est pas de signer des décrets pour interdire x ou bien instaurer y. Si toutes ces autorités ont réellement à cœur d’assurer la sécurité des citoyens, elles devront aussi et surtout veiller à ce que les mesures prises soient effectivement appliquées. Et ce n’est malheureusement pas encore le cas.

P.S. : Demain je repars à Yaoundé, et j’espère vivement que mon bus ne passera pas inaperçu…


Tous des « kongosseurs » devant Dieu et les hommes

L’autre jour, quand j’ai vu ma mère et deux autres femmes (qu’elle ne connaissait même pas) commencer spontanément à chuchoter entre elles à propos de la femme d’un patient qui venait d’être hospitalisé, j’ai eu la réaction que tout Camerounais, et peut-être tout Africain digne de ce nom aurait eue : « Ah, les femmes ! Les femmes ! Le kongossa-là coule seulement dans leurs veines ! » Pourtant, en y réfléchissant bien, je me suis rendu compte que dans cette discipline olympique qu’est le commérage, ce ne sont pas seulement les femmes qui sont les championnes.

En réalité, il suffit que deux personnes se rassemblent pour que, d’une façon où d’une autre, le kongossa commence. Oui, parce qu’il est presque impossible de ne parler que de soi-même, sans citer le nom d’une tierce personne. Généralement, quand deux amies se « gâtent » au quartier, il n’est pas rare d’entendre l’une demander à l’autre de laisser son nom tranquille. En se basant sur ces disputes plus que récurrentes dans nos quartiers, on peut déduire que le simple fait de parler de quelqu’un qui n’est pas présent, de prononcer son nom même, c’est déjà « faire le kongossa sur lui ».

Il suffit que 2 ou 3 soient rassemblés pour que le kongossa s'installe - Crédit photo: afrique-a-velo.jeremiebt.com
Il suffit que 2 ou 3 soient rassemblés pour que le kongossa s’installe – Crédit photo: afrique-a-velo.jeremiebt.com

Cependant, à la différence des kongosseurs amateurs – ceux qui citent les autres sans aucune intention nocive –, les kongosseurs professionnels ne font pas que parler de vous. Ah non ! Eux, ils mal-parlent, mentent parfois, inventent des histoires sur votre compte ou pire encore, disent des vérités que vous ne voulez pas forcément que tout le monde sache. Et c’est parfois à ce niveau que les femmes pourraient surpasser les hommes (je n’ai fait aucune étude hein, je me base juste sur les cas de bagarres et/ou engueulades que j’ai eu à observer. Dans la grande majorité des cas, il s’agissait de querelles entre femmes).

La question que nous nous sommes posée ce mois dans le cadre du Blog Contest, part du thème suivant : « Dire ou laisser dire: la gestion du bouche à oreille ». En français facile, comment réagir au kongossa ? Faut-il kongosser ou bien laisser les gens nous kongosser sans rien dire ? À mon avis, c’est simple : tous, autant que nous sommes, nous kongossons, du moment où nous parlons des autres quand ils sont absents – que ce soit en bien ou en mal. Même si tout dépend de la nature de ce qu’on dit de l’autre, et parfois de la personne à qui on le dit, la vérité reste évidente : on a kongossé que sauf – je challenge d’ailleurs quiconque de me dire qu’il n’a jamais mal-parlé d’un(e) ami(e) en son absence.

Crédit photo: lwn-mag.com
C’est dans le sang – Crédit photo: lwn-mag.com

Tout comme pour un voleur, on ne peut accuser quelqu’un de pratiquer le kongossa que quand la personne avec qui il kongossait vient le trahir. Il y a des gens qui sont ensemble chaque jour et se croient des amis alors que l’un d’eux, chaque fois que c’est possible, prend la peine d’afficher les secrets de l’autre. On fait donc comment ? Eh bah, on laisse dire. D’ailleurs il n’y a rien que nous puissions faire pour empêcher le kongossa, à moins d’apparaître chaque fois que deux personnes s’apprêtent à parler de nous.

En un mot, comment gérer le bouche à oreille, dire ou laisser dire ? Non, dire (parce qu’on ne peut s’en empêcher) ET laisser dire (pare qu’on ne peut l’empêcher). Maintenant, il est temps de faire un tour sur les blogs des autres challengers du Blog Contest pour lire leur part de kongossa :

Leyopar

Elsa Diamond

Elieko

Tchoupin0v


Comment arnaquer un Camerounais sur Facebook en 5 leçons

Les brouteurs… J’en avais beaucoup entendu parler, mais sans jamais vraiment me frotter à eux. Jeudi dernier pourtant, j’ai été abordé sur Facebook par une certaine Celine Perez, nationalité inconnue, vivant et travaillant au Canada selon ses dires, mais actuellement en mission à Londres et qui, toujours selon ses dires, aimerait correspondre avec moi. Je suis un garçon poli, donc j’ai accepté son amitié qui sentait le coup fourré à des kilomètres à la ronde.

Le lendemain cette dernière me faisait sa déclaration, et se disait déjà prête à venir au Cameroun pour me rencontrer et, selon elle, faire sa vie avec moi, si je consentais à participer pour le billet d’avion à hauteur de 150 000 francs CFA.

J’ai trouvé son procédé grossier, alors je me suis dit que je pouvais l’aider en lui proposant ce petit cours pour qu’elle ait plus de succès avec son prochain gibier.

Leçon numéro 1 : Bien choisir sa cible

Il est primordial de soigneusement sélectionner celui qu’on va plumer. A quoi bon essayer de « frapper » quelqu’un (sans le toucher, si possible) qui a les poches vides ? Il n’a rien, ça ne vaut pas la peine.

Voici la veste qui aurait charmé Céline Pérez
La photo charmeuse : D

Sur ce point, je suppose que ma chère Céline a jeté son dévolu sur moi de façon tout à fait fortuite, parce que jusqu’ici je me demande bien ce qui a motivé son choix. Peut-être s’est-elle laissée amadouer par ma photo de profil sur laquelle je porte une veste « près du corps » ? Je ne sais pas. Mais, ce que je sais, c’est qu’elle n’aurait pas dû se fier (uniquement) à l’apparence.

Leçon numéro 2 : Utiliser le bon appât

Pour emballer le gibier, une fois qu’on l’a choisi, il faut utiliser le bon appât. C’est pour cela qu’un minimum de renseignements sur la cible est indispensable. Autrement, on court le risque de se casser la gueule.

Céline Pérez, par exemple, a utilisé le plus mauvais prétexte qui soit pour essayer de me piéger. Si elle avait pris quelques secondes pour se renseigner sur moi à partir de mon compte Facebook dont les informations sont pourtant accessibles à tous, elle aurait compris que je suis marié. Elle aurait même appris que je viens d’avoir un enfant. Et, sachant cela elle n’aurait certainement pas essayé de me proposer le mariage ou bien le viens,on reste [le concubinage] pour m’amadouer.

Leçon numéro 3 : Être patient

Quand on essaie d’arnaquer quelqu’un, il ne faut surtout pas se précipiter. La réussite de l’opération en dépend. En voulant aller très vite en besogne, on court le risque d’alerter son oiseau, d’éveiller son attention, et finalement de le rendre méfiant.

C’est la première erreur que dame Pérez a commise : juste après avoir échangé quelques mots avec moi, elle déclara solennellement qu’elle m’aimait  déjà – vite vite comme ça, la mère ? C’était pour le moins suspect…

Déclaration d'amour fracassante et inattendue
Déclaration d’amour fracassante et inattendue…

La suite ne s’est pas fait attendre : vu la profondeur de son amour pour moi, la belle, pressée de me rencontrer, était prête à venir me retrouver au Cameroun – que ne ferions-nous pas par amour ? À une seule condition : que je contribue à hauteur de 150 000 francs pour le billet d’avion. Ce à quoi j’ai consenti sans trop regimber.

Même si tu étais à Douala je ne t'aurais as envoyé 5000 pour le transport...
Même si tu étais à Douala je ne t’aurais pas envoyé 5.000 francs pour le transport…

Leçon numéro 4 : Rester cohérent

Quand on prépare bien son modèle [son arnaque], on pense à tous les détails longtemps à l’avance. Si possible même, on prévoit des plans B pour se sortir de situations imprévues.

Céline l’ignorait sans doute, car lors de notre première prise de contact, elle m’a dit qu’elle était en mission à Londres. Pourtant, quand, feignant d’avoir mordu à son grossier hameçon, j’accepte de lui envoyer de l’argent pour qu’elle vienne me rejoindre au Cameroun, elle déclare qu’elle se trouve plutôt au Bénin – ma sœur, tu fais les voyages astraux ?

La solution était donc que je lui envoie l’argent par un de ses amis, un certain Mego Abel Wannami Olawale de Porto Novo – pourquoi recevoir les sous par un ami alors que tu es toi-même au Bénin ?

Voilà le vrai nom du malhonnête (enfin, je crois)
Voilà le vrai nom du malhonnête (enfin, je crois)

En plus, je ne sais si c’était pour m’impressionner, elle m’a dit travailler entre Toronto et Londres. Bizarrement, lorsque je commence à m’exprimer en anglais, en prétextant que je veux qu’elle m’aide à améliorer mon niveau dans la langue de Shakespeare, la dame ne répond que par des « Ok », « Cool », « Good » etc (le minimum, quoi). Et quand je la force enfin à faire des phrases, celles-ci sont truffées de fautes inacceptables – tu ne pouvais pas une fois dire que tu vis en France ? Vous aimez entendre hein !

Leçon numéro 5 : Savoir décrocher (avant de se faire prendre)

Un bon frappeur doit savoir quand on l’a démasqué. Mais il semble que certains soient encore plus stupides que ceux qu’ils essaient d’arnaquer.

 C’est exactement ce qui est arrivé à ma chère Céline Perez alias Mego Abel. Malgré les petites réticences dont je faisais preuve (je devais rester crédible moi aussi), et malgré les tests auxquels je l’ai soumise – un texte à traduire (avec l’aimable collaboration de Leyopar : D), les conversations en anglais, des questions sur le Canada et la Grande-Bretagne -, elle n’a pas eu l’impression que le pot aux roses avait été découvert. Pourtant, tous ces indices lui auraient mis la puce à l’oreille et l’auraient fait lâcher l’affaire.

Leçon bonus : Éviter de se faire ridiculiser

Dans une histoire de frappe, si le frappeur perd plus que celui qu’il essaie de frapper, c’est un peu comme s’il se faisait frapper – Je sais, il y a surabondance de « frappe» dans cette seule phrase.

Céline Mégo Abel Pérez (car les deux sont une seule et même personne), je l’espère a tiré des leçons de cette journée.

Juste pour le fun, j’ai décidé de continuer à jouer le jeu. « Je t’envoie l’argent d’ici mardi », lui ai-je dit. Il était tellement convaincu de recevoir cet argent que, devant mon retard à expédier les fonds, il m’a appelé pour s’enquérir de la situation – Je parie que ses potes étaient déjà au bar en train de boire l’argent-là en bières bien glacées.

La première fois, c’est un homme qui imitait mal une voix féminine que j’ai eu au téléphone. J’ai feint de ne pas bien saisir ce qu’il disait, et il a raccroché. Puis, j’ai eu « l’ami » de Céline qui me demandait à quelle heure j’allais envoyer l’argent (Pauv’con!). J’ai dit que je le faisais tout à l’heure. Pour les autres appels, je m’amusais à décrocher et à déposer le téléphone près de la télévision – même le fait d’écouter la CRTV n’a pas découragé le gars-là, je vous jure.

J’ai reçu en tout quatre appels de cet imbécile qui croyait me soutirer de l’argent avec une mise en scène aussi grossière que celle-là. Finalement, je lui ai envoyé un faux numéro de transfert, avant de désactiver la messagerie Facebook pour son compte, tandis qu’il m’envoyait des messages à répétition, me demandant le mot de passe et le nom complet de l’expéditeur.

Tu as déjà vu quoi?
Jusqu’à m’appeler « Chéri » hein! Tu as déjà vu quoi? Sapack [Prostituée]!
Il a fallu que mercredi fatigué de ses appels incessants, je lui dise oha [sans langue de bois] que son modèle était tombé à l’eau pour qu’il me laisse enfin en paix – plus stupide que celui-ci, tu meurs. Ekiéééé!

Et vous, connaissez-vous vraiment vos voisins avez-vous déjà eu affaire à un (e) brouteur (se)?


Allo 117 ?

Depuis que le Cameroun est en guerre contre Boko Haram, la population ne tarit plus d’éloges à l’endroit de nos forces armées qui, soit dit en passant, font de l’excellent boulot du côté de l’extrême-nord du pays. Cependant, nous sommes tellement focalisés sur le bon grain qui combat les terroristes, que nous oublions que l’ivraie est restée avec nous dans les centres-villes.

Tout à l’heure, vers 2h30, je me suis réveillé en sursaut, comme alerté par un sixième sens. Au salon, ma petite sœur, qui s’était réveillée longtemps avant pour lire un peu, me dit d’une voix blanche : « On est en train d’agresser quelqu’un ici en bas ! » Effectivement, en tendant l’oreille, j’entends des cris stridents qui transpercent mon cœur et déchirent la nuit. C’est, tour à tour, une femme et, il me semble, un enfant qui hurlent. Prudemment, j’ouvre la fenêtre et je jette un coup d’œil dehors. Par miracle, Enéo n’a pas coupé le courant et les lampadaires éclairent la rue.

La rue en bas de chez moi est vide. En revanche, je perçois les cris avec plus de clarté, et ces hurlements ne me rappellent pas de bons souvenirs. N’écoutant que mon courage, et me souvenant de la bravoure de nos forces armées, j’attrape immédiatement mon téléphone et je compose le numéro d’urgence de la police, le 117. Ça sonne longuement, mais personne ne prend. Je réessaye. Ça sonne, mais personne ne prend. Je reste donc condamné à écouter, impuissant, les cris d’une concitoyenne qui, pourtant, à le droit d’être protégée par la police de son pays.

Je me souviens qu’il y a un peu plus de cinq ans, je vivais dans un quartier de Yaoundé régulièrement « visité ». Un soir vers 21 heures, des cris provenant on ne sait d’où nous ont donné l’alerte que quelque chose de louche se tramait. Par réflexe, j’ai dégainé mon téléphone et appelé le renfort. Cette fois-là, on a décroché. Après m’avoir fait décrire la situation et localiser notre position, on m’a dit, « Okay, on arrive ne vous inquiétez pas. » Ils ne sont jamais venus.

Qui a dit à nos forces de l’ordre que leur travail se limitait à siscia* les taximen sur les routes pour leur prendre 500 francs? Les agressions se sont multipliées à un rythme inquiétant dans la zone où je vis. Pouvait-il en être autrement avec une police aussi laxiste que celle que nous avons? Je me le demande. D’ailleurs, ce n’est pas un fait nouveau.

Ne sisciayez pas seulement les civils, veniez aussi siscia les braqueurs quand ils nous agressent! - Crédit photo: cameroun24.net
Ne sisciayez pas seulement les civils, venez aussi siscia les braqueurs quand ils nous agressent! – Crédit photo: cameroun24.net

A l’époque où j’étais étudiant à l’École Normale Supérieure de Bambili dans le Nord-Ouest du Cameroun, les braquages, agressions et viols étaient très récurrents. Une nuit, les gars sont arrivés avec le sang à l’œil, et ont commencé à opérer vers 23 heures. À 3 heures du matin, ils n’étaient pas encore partis. Nous avions déjà appelé la police qui s’était plaint de manque de carburant dans les voitures et d’insuffisance d’effectif disponible.

Je me souviens que ce matin-là, après le départ des braqueurs, les étudiants ont engagé un mouvement pour exprimer leur ras-le-bol: il ne se passait pas une semaine sans qu’on ne braque dans une cité. Nous avons donc bloqué la route principale et avons organisé une marche vers Bamenda.

Les cars qui n'ont jamais de carburant, surtout quand on appelle pour un braquage - Crédit photo: Papy Bikanda
9 milliards du budget pour le carburant, pourtant les cars de la police n’ont jamais de carburant, surtout quand on appelle pour un braquage – Crédit photo: Papy Bikanda

En moins de temps qu’il faut pour le dire, Bambili était envahi par les hommes en tenue, lourdement armés qui se sont donné la peine de tabasser et même d’embarquer quelques étudiants. Les jours qui suivaient, quelques policiers patrouillaient dans le village (en réalité, la patrouille consistait à faire le tour des bars de « Three Corners », un carrefour situé à l’entrée de Bambili et très éloigné des résidences qui étaient régulièrement braquées).

C’est triste à dire, mais au Cameroun, nous – le petit peuple – ne sommes pas en sécurité. La police, malgré le budget du Ministère de la Défense (9 milliards alloués au carburant en 2013), n’a jamais de carburant dans ses voitures, ni d’effectif disponible. C’est même possible qu’ils n’aient plus de récepteur pour qu’on les joigne au 117 (surtout si on les appelle pour un vol ou pour un braquage). Après ça, comment le peuple ne se rendra pas justice lui-même?

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Siscia : intimider, exercer abusivement son pouvoir


Laissons-les se représenter !

Ils sont nombreux en Afrique, ces chefs d’État qui croient qu’ils sont nés avec le fauteuil présidentiel collé au cul. Que ce soit au Cameroun, au Togo ou au Burundi, ces hommes que le peuple rejette font semblant d’être sourds et aveugles aux souffrances de tous ces gens qui crient leur ras-le-bol dans les rues. Mais malgré les protestations, ces hommes, censés représenter le peuple, s’accrochent de toutes leurs forces au pouvoir. L’exemple du Burundi le démontre assez : ils ne partiront jamais. Jamais ! C’est à nous, c’est au peuple de les bouter hors de « leurs » palais. Mais pour cela, nous devons utiliser la bonne méthode.

Ne pas mourir « pour rien »

Pour les hommes qui gouvernent l’Afrique noire, le peuple ne vaut pas grand-chose. En conséquence, ils nous traitent comme des moins que rien. À leurs yeux, le peuple n’a aucune dignité, aucun droit, aucune voix. C’est pour cela que toutes les manifestations et contestations organisées ici et là ne mènent généralement pas à grand-chose. Les émeutes de février 2008 au Cameroun n’ont servi à rien, pas plus que les casses en RDC ou bien les récents évènements au Burundi. Et même le Burkina Faso qui s’est débarrassé de Compaoré, se porte-t-il mieux aujourd’hui ? Je n’en suis pas certain.

Les revendications violentes n'apportent rien de bon - Crédit photo: allainjules.com
Les revendications violentes n’apportent rien de bon – Crédit photo: allainjules.com

Dans cette bataille qui oppose un David désarmé à un Goliath qui a toute une armée avec lui, le peuple sortira toujours perdant. Oui, car rien, je dis bien rien ne vaut la vie d’un être humain. Alors, pourquoi aller sacrifier sa vie à 12 ans comme le petit Anselme Sinandaré, devant des soldats prêts à tout, alors qu’il y a d’autres solutions ?

Laissons-les se représenter…

L’opposition africaine ne cessera jamais de me surprendre. Voilà des gens qui se disent leaders de l’opposition, mais qui ne comptent que sur la limitation des mandants pour accéder à la magistrature suprême. Quelle déception ! Quelle gloire, messieurs les z’opposants, comptez-vous tirer d’une victoire obtenue sans aucun péril ?

A qui s'adressait réellement Hollande?
Laissons-les se représenter, et battons-les à leur propre jeu !

La politique, ce n’est pas un jeu des chaises musicales où chacun essaie de s’asseoir à son tour ! Non, le rôle de l’opposition c’est de proposer quelque chose de mieux, de plus avantageux que ce que le régime en place offre. Si l’opposition n’attend que le départ du président pour occuper le siège laissé vacant, quelle assurance le peuple aura que ces opposants seront mieux que celui qu’ils veulent remplacer ? Il est temps d’arrêter d’appeler le peuple dans la rue ! Laissons-les se représenter, autant de fois qu’ils le souhaitent. Et battons-les aux élections.

C’est simple : allons voter

J’ai toujours été impressionné par la promptitude avec laquelle le peuple se jette dans la rue pour casser et brûler le peu d’infrastructures que nos dirigeants ont daigné nous construire. Mais le plus impressionnant, c’est la nonchalance avec laquelle nous nous rendons aux urnes quand arrive le moment des élections. Allons aux urnes et battons-les à plate couture. Pas besoin qu’ils soient vaincus par la Constitution.

C'est timple: allons voter - Crédit photo: lexpress.fr
Au lieu de se précipiter dans la rue, il serait mieux d’aller voter – Crédit photo: lexpress.fr

S’il y a corruption, bourrage d’urnes ou votes multiples, c’est simplement parce que le peuple le permet. Une journée passée à surveiller les urnes et à observer les décomptes de voix n’est-elle pas mieux que tous ces amis, frères, parents ou enfants qui se feront tuer lors des revendications violentes qui, en réalité, ne nous ont jamais rien apporté de bon jusqu’ici ?

Si nous voulons réellement changer l’Afrique, il est impératif de prendre notre destin en main. Un peuple capable de choisir le candidat qui a su le convaincre n’a pas besoin de descendre dans la rue. Un dirigeant qui est vomi par le peuple aura beau se représenter n fois, avec un tout petit peu d’éducation politique, il se fera battre à chaque fois.


En réalité, ce n’est pas la mèche le problème

Depuis quelque temps déjà, le vent de la révolution « nappy » souffle sur les têtes (et dans les cheveux) de nos sœurs africaines. Les nappy, ce sont ces femmes qui ont décidé d’assumer leur identité culturelle en refusant désormais d’utiliser tout artifice ou accessoire qui pourrait les faire ressembler aux individus d’une autre race, ou aire culturelle ou géographique. Comme on peut s’y attendre, la première cible de ces guerrières aux cheveux crépus, ce sont les mèches. Mais la mèche est-elle vraiment le problème ?

Un simple accessoire

La mèche est un accessoire de beauté. On ne saurait, en réalité, lui attribuer toute la responsabilité du rejet culturel qui caractérise la plupart de nos sœurs depuis plusieurs dizaines d’années déjà. Pendant mes brefs séjours dans la zone anglophone du pays, il m’est arrivé de voir des mèches ou greffes carrément hirsutes qui permettaient de donner un aspect locksé aux cheveux. Ce qui pose problème, à mon avis, c’est l’utilisation qui est faite de la mèche.

Certaines mèches permettent de faire des coiffures "africaines" - Crédit photo: naty-ay.fr
Certaines mèches permettent de faire des coiffures « africaines » – Crédit photo: naty-ay.fr

Certaines coiffures féminines et purement africaines nécessitent une chevelure assez longue – les rastas par exemple. D’autres coiffures sont plus belles si la chevelure est d’une certaine taille. Donc, si une demoiselle décide d’utiliser les mèches pour rallonger sa chevelure et faire une de ces coiffures qui nécessitent une longue chevelure, je ne trouve pas de problème, du moment que la coiffure fait ressortir son africanité.

Aliénation culturelle

La mèche devient un problème à la seconde où son utilisation traduit et/ou renforce un certain rejet – parfois inconscient – de la culture africaine. Ce qui arrive généralement chez nous en Afrique c’est que les mèches sont utilisées pour des coiffures ressemblant étrangement aux cheveux européens ou asiatiques ou latino-américains. Les cheveux naturels quant à eux, sont soigneusement enfouis sous l’épaisse crinière qui, pendant des semaines, cachera la vraie nature de la belle.

C’est que, après la colonisation, et avec l’abondance de produits étrangers sur nos chaines de télévision, les standards de la beauté ont progressivement été altérés dans les esprits de nos sœurs – et même de nos frères, malheureusement ! Désormais, on n’est belle que si on a une longue chevelure bien lisse qui nous tombe sur les épaules.

Les standards de beauté ont beaucoup évolué dans nos sociétés - Crédit photo: cindyfashion-coiffure-afro.fr
Les standards de beauté ont beaucoup évolué dans nos sociétés – Crédit photo: cindyfashion-coiffure-afro.fr

Avec le temps l’utilisation des mèches est devenue la référence en termes de beauté, qui associée à d’autres artifices et sacrifices (notamment la dépigmentation volontaire de la peau) traduit ainsi non seulement le désir pour beaucoup d’Africaines à s’identifier à d’autres cultures, mais aussi, et surtout le rejet de tout ce qui fait leur identité.

C’est mieux sans mèche

Je suis convaincu que l’Afrique se porterait beaucoup mieux sans mèche, et que cette course effrénée vers les rajouts capillaires de plus en plus chers ne peut rien nous apporter de bon pour le développement du continent, autant sur le plan culturel que sur le plan économique.

Sans les mèches c'est mieux - Crédit photo: femmesdufaso.blogspot.com -
Sans les mèches c’est mieux – Crédit photo: femmesdufaso.blogspot.com

Les millions de francs dépensés chaque année pour l’achat de mèches brésiliennes ou synthétiques fabriquées ailleurs et importées chez nous ne sont pas un plus pour l’Afrique. D’ailleurs, les mèches synthétiques, dont la durée de vie est limitée, sont un danger pour l’environnement. Et si en plus nos enfants grandissent avec en tête l’idée que leur chevelure est une calamité, alors là, je crois que l’addition est trop salée.

C’est vrai que ce n’est pas la mèche en elle-même, mais plutôt son utilisation qui accentue le problème d’aliénation et de rejet culturel, mais en réalité, on se passerait de cet accessoire inutile qu’on se porterait beaucoup mieux en Afrique.


Pour la peau couleur soleil

Ayanna avait déjà fait le tour des cliniques et des marabouts de Yaoundé et de ses environs. En désespoir de cause elle s’était rabattue sur les églises réveillées. Et, régulièrement, on priait pour elle. On essayait de chasser le démon de la stérilité qui l’habitait, à ce qu’il semblait. En vain. Le démon tenait bon.

Ça faisait presque dix ans, dix longues années qu’Ayanna était mariée, mais ne parvenait pas à enfanter. Au quartier, on l’appelait « la white ». Tous les hommes la regardaient avec envie, et toutes les femmes étaient jalouses de sa peau claire et lisse. Même si, quinze ans plus tôt, elle n’avait pas le même teint, Ayanna était très fière de la peau qu’elle s’était faite. Cette peau lui avait coûté tellement d’efforts ! Mais son objectif était atteint : elle avait la peau de ses rêves. Cependant, un obstacle l’empêchait d’être heureuse : l’enfant. Elle voulait un enfant.

Dans sa belle-famille, elle était la risée. Sa beauté, et surtout sa peau claire, décuplait la méchanceté de ses belles-sœurs et ses coépouses (les femmes de ses beaux-frères) qui s’acharnaient sur elle avec toute l’agressivité, dont elles étaient capables. Ayanna avait donc tout essayé. Tout ! Sans succès.

De plus en plus, sa belle-mère parlait de donner une autre femme à son fils. Il était inadmissible que ce dernier n’ait pas d’héritier. Et si Ayanna était incapable de lui en donner un, il revenait à la mère de celui-ci de s’assurer qu’il aura une descendance. Avec le temps, Ayanna avait vu la détermination de son époux à résister à sa mère s’estomper. Lentement, inexorablement. Désormais, elle avait la certitude que tôt ou tard, elle aurait une coépouse. À moins qu’elle n’enfante avant. C’était sa seule chance. Mais que faire ?

Et puis, un beau jour, belle-maman débarqua du village avec une jeune fille, visiblement enceinte, et vint l’installer chez Ayanna. Inutile de poser des questions : l’enfant était bel et bien de Kémi, le mari d’Ayanna.

Le désespoir d’Ayanna fut immense. Elle crut que son cœur allait lâcher, elle souhaita mourir, elle maudit ses ancêtres à cause de la malédiction qu’ils lui avaient jetée… Pourquoi n’enfantait-elle pas ? Pourquoi ?

Ayanna ne mourut pas, mais elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Négligée, sa belle peau couleur banane commença à s’assombrir lentement. Ayanna qui se négligeait avait arrêté d’utiliser ses crèmes miracle, celles-là mêmes qui pouvaient transformer une négresse en métisse, et même en blonde !

Un jour pourtant, le miracle se fit. Ayanna était enceinte. Quelle joie ! De nouveau, Ayanna marchait la tête haute dans le quartier, défiant ses coépouses et ses belles-sœurs de lui lancer leurs piques empoisonnées, comme avant. Elle reprit du poil de la bête, et cela se fit ressentir sur son teint qui, plus que jamais, brillait comme le soleil au zénith.

Les mois passèrent vite, et ce fut le moment d’accoucher. À l’hôpital, les choses se compliquèrent pour Ayanna : une césarienne s’imposait. On la fit. Mais au moment de recoudre Ayanna, le chirurgien eut tout le mal du monde : la peau ne tenait pas et le fil de suture déchirait facilement la peau, rendant impossible l’opération.

Il fallut, après avoir enlevé les chairs déchirées, recoudre précautionneusement l’abdomen ouvert, pour parvenir à le refermer. Quand elle se réveilla, le chirurgien posa une question à la jeune femme, « Madame, utilisez-vous des produits éclaircissant le teint ? » A sa réponse affirmative, le médecin lui dit que ces produits étaient la cause de tous ses problèmes. Il lui expliqua que ces produits décapaient la peau et qu’ils sont généralement constitués d’hydroquinone, mais aussi de cortisone, un composant qui, chez certaines femmes, entraîne des dysfonctionnements hormonaux et perturbe le cycle menstruel, ce qui rend la grossesse difficile, voire impossible.

Et tandis que de grosses larmes de regret perlaient les yeux d’Ayanna qui venait de réaliser que ses ancêtres n’avaient rien à voir avec sa stérilité, le chirurgien ajouta, en lui montrant son abdomen, que ces lotions, pendant qu’elles détruisent la mélanine, fragilisent et atrophient la peau. En cas d’intervention chirurgicale, les risques sont multipliés, car la peau devient non seulement difficile à recoudre, mais aussi cicatrise difficilement. La guérison de la jeune femme allait donc prendre un certain temps.

Ainsi, Ayanna avait tout perdu, simplement parce qu’elle n’était pas satisfaite de la couleur de sa peau. Elle avait tout perdu, parce qu’elle n’a pas su s’accepter, s’aimer. À cause de cela, son Kémi avait épousé cette gamine de Winta pour qu’elle lui fasse des gosses. À cause de cela, elle a failli rester sur la table d’accouchement, le ventre béant. D’ailleurs, elle n’était pas encore tirée d’affaire. La cicatrisation de sa blessure était encore incertaine, et rien n’indiquait que les fils de suture allaient tenir.

Est-ce que ça en valait la peine ? Ayanna se posait la question dont elle savait la réponse. Elle esquissa avec peine un sourire en voyant son mari entrer. Il portait leur petite fille dans ses bras.


Pleurer ne suffit pas!

J’ai voulu commencer ce billet par une formule de politesse (à la façon de mes frères togolais) de peur que mes émotions, si elles prennent le dessus, ne me fassent apparaître à vos yeux comme un individu dépourvu d’éducation. J’ai essayé, mais je n’ai pas pu retrouver ces formules toutes faites pourtant enfouies dans mon cerveau. J’imagine que les tueries qui ont eu lieu à Garissa au Kenya il y a quelques jours n’ont pas laissé assez d’espace à quoi que ce soit d’autre. Je crois que ces 147 nouvelles victimes, dont le massacre fait suite à d’autres tueries qui, il y a de cela quelques mois, avaient déjà ébranlé l’Afrique, ont eu de quoi occuper mon esprit. Au diable la politesse, allons à l’essentiel !

Ces derniers jours, chaque fois que je tombe sur des posts qui commencent par « JE SUIS… », je me demande ce qui ne va pas avec nous en Afrique. Quand allons-nous comprendre que ces slogans à deux balles que nous aimons bien copier chez les occidentaux ne nous apporterons jamais aucune solution aux problèmes qui sont les nôtres ?

C’est carrément devenu une mode en Afrique ! Au moindre pépin on nous sort la formule magique : « Je suis X, je suis Y, je suis Z » Et on est satisfaits, on pense avoir fait ce qu’il faut. Arrêtons de croire que trois mots, fussent-ils les fameux « Sésame, ouvre-toi », pourront améliorer une quelconque situation chez nous. Si nous avons refusé de faire preuve de créativité, si nous nous contentons de copier ce que le maître fait, au moins copions TOUT ce qu’il fait.

Un "Je suis..." de trop - Photo chipée sur facebook
Un « Je suis… » de trop – Photo chipée sur facebook

En début janvier, après l’attaque du journal satirique Charlie Hebdo, un mouvement de solidarité s’est propagé dans le monde entier, à travers les mots Je suis Charlie. Par la suite, les terroristes qui avaient perpétré l’attaque ont été traqués et abattus. Mais j’ai l’impression que, ici chez nous, nous n’avons vu que ces trois mots, Je suis Charlie en fermant délibérément les yeux sur le reste, notamment sur la mise hors d’état de nuire des coupables.

Pleurons nos morts, c’est indispensable. Après ça, utilisons des slogans périmés si ça nous chante, organisons des marches de protestation si on veut, critiquons même ceux qui ne sont pas X, Y ou Z comme nous, ou bien qui ne marchent pas à nos côtés. Mais quand ce sera fait, prenons des mesures pour que certaines choses ne se répètent pas.

Après les 2000 morts de Baga, l’Afrique tout entière a été Baga ! Tout le monde a été Nigéria. C’était bien beau, mais cela a-t-il empêché que les mêmes terroristes fassent plusieurs centaines de morts à Fotokol peu de temps après ? Certainement pas, car tandis que nous faisions nos belles images pour dire « Je suis Baga » ou bien « Je suis Nigéria » les terroristes s’armaient et préparaient d’autres massacres.

Photo chipée sur facebook
De belles images, mais aucune action efficace – Photo chipée sur facebook

Pourtant, même l’épisode de Fotokol ne nous a pas servi de leçon. La réaction à ces près de 400 morts a été simple, voire simpliste : « Je suis Fotokol » ! Aujourd’hui, d’autres familles sont déchirées, d’autres vies fauchées, d’autres africains massacrés. Et aujourd’hui, on se contente d’être Kenya…

Jusqu’à quand, en Afrique, allons-nous nous voiler la face ? La solution à nos problèmes ne sera jamais contenue dans quelques mots éparpillés dans les réseaux sociaux ou n’importe où ailleurs. C’est important de pleurer ses morts, c’est bien beau de montrer sa sympathie, mais bien plus utile, il faut empêcher que cela se reproduise.


Les z’héros ne sont pas ceux qu’on croit

Chez nous au Cameroun, on a coutume de dire que « chacun ne gratte que l’endroit qui le démange ». Ces derniers jours, j’en ai eu la preuve par 100 (millions). Au moins… Depuis que les obsèques de la regrettée Françoise Foning ont été décrétées officielles par très grand Roi Magellan, souverain de la république du Sommeillistan, j’avoue que je n’ai pas arrêté de me poser des tas de questions. Il semble en effet évident que chez nous, par un décret on peut faire de vous un héros ou bien un maquisard apprenti-sorcier. Mais le plus grave, c’est la façon scandaleuse dont ces z’héros sont célébrés.

Il y a quelques mois, sous l’initiative du blogueur Florian Ngimbis, un groupe de jeunes a fait un pèlerinage sur la tombe de Ruben Um Nyobè dont les combats, bien qu’ils ne soient pas assez mis en lumière par le régime en place, ne sont pas pour autant ignorés par le Camerounais lambda.

Du récit de ce voyage au cœur de l’histoire du Cameroun que le blogueur a publié, l’un des aspects qui m’ont frappé c’est sans doute l’état de négligence dans lequel se trouve la tombe du Mpodol*. Entourée de broussailles désormais trop hautes pour qu’on se rappelle que là gît un grand homme, la sépulture semble oubliée par les autorités qui, lors de la visite, n’ont pourtant pas tardé à rappliquer pour demander des comptes aux visiteurs – donc ils savaient même qu’il y avait un tombeau à cet endroit ? Fallait-il en espérer plus pour l’un de ceux que le Roi a traité dernièrement de « maquisards » en les comparant à Boko Haram ? Certainement pas.

La tombe du Mpodol, envahi par les brouissailles - Crédit photo: kongossa.mondoblog.org
La tombe du Mpodol, envahi par les broussailles – Crédit photo: kongossa.mondoblog.org

Un peu plus récemment, une vieille question refaisait surface chez nous, celle du rapatriement des restes du Président Ahidjo mort et enterré en exil. Et comme d’habitude, les griots ont saturé les ondes pour essayer d’expliquer l’inexplicable et justifier l’injustifiable. Et puis, plus rien. Aucune action entreprise, aucun respect pour la dépouille du premier Président du Cameroun. Pourtant, ce n’était pas un maquisard – du moins, pas à ma connaissance. Alors, pourquoi lui refuser les honneurs dus à son rang, ne serait-ce que pour la fonction qu’il a occupée et qu’il a cédée sans y être forcé ? Question à 100 millions de francs CFA Biya.

On pourrait croire après tout ceci que notre régime ne sait pas honorer ses dignes fils. Et pourtant… Il n’y a pas longtemps, le maire de la Commune Urbaine de Douala Ve a perdu la vie dans un accident de la route. Et c’est là que le régime des flammes a fait ses preuves : obsèques officielles, discours élogieux, la totale, quoi!

Et tandis que les restes du Président Ahidjo pourrissent lentement au Sénégal comme s’il était un vulgaire apatride, tandis que les tombes de nationalistes sont envahies par la broussaille et leurs actions lentement rayées de la mémoire des jeunes Camerounais, tandis que les soldats tombés au front sont enterrés sans que le Chef des Armées ne pointe le bout de son nez royal, le pays dépense des millions pour construire un caveau à leur z’héroine en remerciement de son soutien sans faille à l’Empereur Camerouno-suisse.

Combien ce deuil a-t-il coûté au contribuable gouvernement des flammes ? Voilà une question qui n’aura certainement jamais de réponse. Mais tout Camerounais sait que la facture a été salée. Ce qui est étonnant, paradoxal même, c’est que tous ces millions auraient pu servir à améliorer l’état de la route qui a causé le décès de Mme Foning, et qui chaque jour fait de plus en plus de victimes dans notre pays. Oui, car pendant que des millions sont dilapidés en dépenses futiles, le trou qui a causé l’accident de cette dame est toujours là, sur la route, prêt à boire plus de sang.

Le caveau de Françoise Foning, z'héroïne camerounaise - Photo chipée sur facebook
Le caveau de Françoise Foning, z’héroïne camerounaise – Photo chipée sur facebook

Pendant que des centaines de millions sont dépensés en caveaux luxueux et en frais de ceci ou de cela, les hôpitaux manquent cruellement de matériel de pointe ; et ce sont ces mêmes hôpitaux qui n’ont pas pu soulager Mme Foning et qui l’ont vu mourir avant qu’on ne puisse l’évacuer.

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* Mpodol : porte-parole du peuple. C’était le surnom de Um Nyobè.


La paille que la religion voit dans l’œil des traditions africaines… – #TBC

La dernière fois que je suis allé à l’Église, c’était il y a très très longtemps. Depuis j’ai arrêté, peu convaincu par ce que j’y voyais ou entendais. Mais, quand j’entends les fervents chrétiens me dire avec tout le sérieux dont ils sont capables que les traditions africaines sont des pratiques diaboliques, j’ai bien envie de leur rire au nez. Je le fais très souvent, d’ailleurs. Oui, car en réalité, quand j’essaie de faire la comparaison, je me demande bien où est la différence entre les traditions africaines et les pratiques chrétiennes spécifiquement.

Bon, je vous explique : depuis ce mois, je suis devenu membre de The Blog Contest. C’est un groupe de blogueurs qui chaque 20 du mois, publient des billets sur un thème imposé par leurs lecteurs sur la page Facebook du groupe – abonnez-vous à la page pour proposer et voter pour vos thèmes. La saison 2 commence ce mois et comme vous pouvez vous en douter, le thème imposé est « Religions monothéistes vs traditions africaines ». Précision faite, revenons à nos affaires…

L’un des reproches que la religion fait aux traditions africaines, c’est le l’interaction avec les ancêtres morts. De nos jours c’est assez rare (dans les zones où j’ai vécu, du moins), mais c’est encore possible d’entendre des gens s’adresser aux morts comme s’ils étaient là, avec eux. Généralement, on leur demande d’intercéder pour nous auprès de Si’ (Dieu), on sollicite leur aide, leurs conseils en cas de difficulté. Et ça, la religion en a horreur, paraît-il.

Et pourtant, les chrétiens font exactement la même chose

Certaines religions sont très friandes de prières aux Saints. En cas de problème, on adresse des prières à saint X, à saint Y ou à sainte Z. J’avoue que j’ai de la peine à comprendre ces gens qui affirment que Dieu ne tolère pas qu’on s’adresse aux morts et qui dans la seconde qui suit sont en train de demander de l’aide à un saint qui pourtant est mort depuis belle lurette. D’ailleurs, qui l’a déclaré saint ?

Les Saints, tous morts et certainement ancêtre de certaines personnes, que beaucoup prient - crédit photo: je-n-oeucume-guere.blogspot.com
Les Saints (tous morts) à qui beaucoup de chrétiens adressent des prières et supplications – crédit photo: je-n-oeucume-guere.blogspot.com

Quand j’étais jeune, il y avait dans mon quartier un arbre dont nous raffolions des fruits – On appelait ça le tchanwan. Je me souviens qu’à chaque fois que les grimpeurs descendaient de l’arbre, ils laissaient quelques fruits au pied de l’arbre, en guise d’offrande. J’imagine la colère qu’aurait piquée un fervent chrétien face à cet acte de « sacrifice » ! Mais en même temps, on semble oublier qu’Abraham fit des sacrifices à Dieu lui aussi, de même que plein d’autres personnages de la bible. Maintenant, ce qui change c’est l’autel – les cueilleurs n’offraient pas les tchanwan à l’arbre, mais bel et bien à Dieu.

En Afrique, comme dans la plupart des cultures, il existe un seul Dieu. Dans ma langue par exemple, il y a une seule façon d’appeler l’être suprême. Chez moi, on dit Si’, Dieu. Il n’y a jamais eu un autre terme censé désigner un autre dieu ni même un sous-dieu ou bien une autre entité divine. Ceci vient battre en brèche toutes les accusations de paganisme et d’animisme dont on affuble les pratiques religieuses africaines. Sachez-le, en Afrique nous sommes monothéistes. Comme les chrétiens et les musulmans.

Marabout, prophète, Nkam Si - Crédit photo: dirlaffaire.com
Un Nkam Si‘ notable de Dieu – Crédit photo: dirlaffaire.com

Dans certains esprits, quand on parle d’Afrique, on parle de marabouts, de devins, de diseurs de bonne aventure. Inutile de dire que Dieu réprouve de telles pratiques – dixerunt les chrétiens. Mais j’aimerais savoir, c’est quoi un prophète ? N’est-ce pas un diseur de bonne aventure, un marabout capable de prédire l’avenir et de dévoiler le passé ? Quelle différence y a-t-il entre ces derniers et les devins de mon village ? D’ailleurs, dans ma culture, on les appelle Nkam Si’, c’est-à-dire « notable de Dieu ». Y a-t-il meilleure traduction du terme « prophète » dans son sens biblique ?

Je trouve absurde de diaboliser certaines pratiques religieuses et culturelles africaines, surtout quand c’est fait par les Africains eux-mêmes. Car prétendre que l’Africain ne peut pas louer Dieu à sa manière revient à enlever aux Africains toute possibilité de contact avec Dieu qui pourtant s’est manifesté en Égypte à travers Moïse. Ce serait réducteur, insultant même de penser que seules certaines nations ont la possibilité d’avoir des prophètes, des saints. Dieu n’a pas de couleur, pas de race, pas de tribu ni de pays. En conséquence, chaque peuple a sa façon bien à lui de l’honorer.

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N’oubliez pas de visiter les blogs des autres challengers pour lire leurs articles sur le thème :

Armelle Nyobè

Elsa Amore Diamond

Tening Agnes Diouf

Elieko

TchOupinOv

En bonus, cet article de Thierry Sanzhie Bokally


Non mesdames, ce n’est pas une fête !

Alors qu’on avance dangereusement – je dis bien dangereusement – vers la date du 8 mars, je me demande ce que les femmes vont encore nous sortir cette année. Oui, car je dois vous dire qu’elles nous ont déjà tout montré, celles-là. Tenez, mardi dernier une femme qui essayait de voler un kaba du 8 mars a échappé de justesse à la justice populaire au marché Acacia à Yaoundé (c’est sa victime qui l’a sauvée en la cachant dans sa boutique). Jusqu’aujourd’hui, beaucoup de femmes perçoivent encore la célébration de la journée internationale de la femme comme l’occasion de fêter, de se laisser aller à certains débordements qu’elles reprochent aux hommes la plupart du temps.

La fête du pagne

Quand on parle de 8 mars, dans la tête de nombre de Camerounaises, il s’agit avant tout de pagne. Pour une Camerounaise, la réussite de la célébration de la journée internationale de la femme dépend en grande partie de sa possession ou pas d’une tenue cousue avec le fameux pagne. Posez-leur la question en route, dans les marchés, dans les bureaux, ou bien partout ailleurs où vous les trouverez. Elles vous le diront, le pagne ; le pagne avant tout. Celles qui n’ont pas de pagne se sentent diminuées, moins femmes que les autres.

On reconnaît les vraies femmes à leurs pagnes - Crédit photo: fryou-tables-cuisine-jardin.blogspot.com
On reconnaît les vraies femmes à leurs pagnes – Crédit photo: fryou-tables-cuisine-jardin.blogspot.com

En réalité, le port du pagne n’est pas une mauvaise chose en soi. Ce qui dérange, c’est que le pagne semble plus focaliser l’attention des dames qu’autre chose. Pourtant, il y a des moments où j’aimerais bien que ces dernières n’aient que le pagne en tête. Car elles ont une autre obsession : les hommes.

Tout faire comme les hommes

Ces jours-ci sur les ondes, il n’est pas rare d’entendre les femmes dire, comme s’il s’agissait d’une découverte qu’elles font tous les 8 mars, que ce qu’un homme peut faire, elle peut le faire mieux que lui. Je ne sais pas si je pourrai un jour comprendre cette fixation que les femmes font sur les hommes. Ce qu’elles oublient c’est que les femmes et les hommes ont des problèmes différents, et que ce n’est pas en voulant singer les hommes qu’elles résoudront les leurs.

On n’a jamais vu un petit garçon être excisé ou bien envoyé en mariage à 8 ou 10 ans. En revanche, une petite fille aura beau essayer de pisser debout, elle courra le risque d’être excisée ou bien mariée trop tôt – dans certaines régions du monde, bien entendu.

Crédit phoot: Cameroun24.net
Le paradoxe des femmes – Crédit photo: Cameroun24.net

Je demeure convaincu que les femmes en font plus que les hommes. Et je continue à penser qu’elles devraient se battre pour améliorer leurs conditions de vie, pour avoir des salaires qui correspondent au travail qu’elles abattent (sans le comparer à celui des hommes), pour avoir accès à l’éducation (sans vouloir le faire parce que les garçons le font).

À toujours vouloir faire comme les hommes, chères femmes, vous donnez l’impression que l’homme est votre plafond, et que s’il n’existait pas, vous ne pourriez rien faire de vous-mêmes. Quand vous réclamez le même salaire que l’homme, au lieu de réclamer un salaire qui équivaut à la tâche que vous accomplissez, vous donnez l’impression de ne vous définir qu’en fonction des hommes.

Ce n’est pas une fête !

Une journée internationale n’est pas une fête. Certaines femmes semblent l’oublier. C’est une journée qui devrait symboliser les efforts qui ont été faits par la gent féminine pour améliorer les conditions de vie de celles d’entres elles qui subissent encore certaines injustices dans certaines zones du monde.

Le 8 mars devrait être le jour où les femmes réfléchissent à des projets qui permettront aux jeunes filles de s’instruire. C’est ce jour-là que les dames devraient prendre des initiatives, des engagements pour défendre bec et ongles leurs filles qu’on donne en mariage trop tôt. Le 8 mars devrait être la journée qui permet aux femmes de réfléchir sur leur bien-être, et prendre des résolutions dans ce sens.

Le genre de spéctacle, que je n'espère pas voir cette année - Crédit photo: koaci.com
Ce à quoi elles nous ont habitué depuis plusieurs années – Crédit photo: koaci.com

Cette année, j’attends, j’espère. Mais j’ai le sentiment que, cette année encore, elles voudront imiter les hommes. J’ai bien peur que cette année encore, leur fête se limite à défiler et à boire des bières jusqu’à n’en plus pouvoir – comme les hommes. J’ai le sentiment que demain, le dehors sera plein de pagnes du 8 mars, les bars remplis, les bouteilles vidées. Et je prévois déjà que dès le 9 mars, les choses continueront comme avant, comme si de rien n’était, en attendant la prochaine « fête » du 8 mars.


Atelier de blogging de Bamenda: typologie des participants

L’atelier organisé par l’AFCIG à Bamenda (Cameroun) sur le thème « Blogging for good governance » s’est achevé le 28 février dernier. Après deux jours de formation intense avec des experts dans le domaine, on a pu se rendre compte que les blogueurs et potentiels blogueurs invités à la formation étaient diversifiés – c’est le moins qu’on puisse dire. Voici donc les différentes catégories de blogueurs qui ont assisté à la formation à Bamenda.

Les « (re)twitteurs »

Parmi les blogueurs invités, certains se distinguaient par leur étonnante activité sur Twitter. A peine les formateurs avaient terminé leurs phrases qu’elles apparaissaient sur Twitter. Dans cette liste, on retrouve Désiré Danga (@Desy_gold), Ulrich Tadajeu (@ulrichtadajeu), Fotso Fonkam (@petit_ecolier), René Fabrice (@Ing_Enzo), Lawrence Nkede (@lnkede) et beaucoup d’autres.

Notons qu’une participante, qui n’a pourtant fait son arrivée sur Twitter que pendant la formation, a immédiatement intégré la bande. Elle, c’est Melea Linda (@LindaMelea) qui mériterait un prix pour sa rapidité d’adaptation – aux âmes bien nées…

La team #BamendaByNight

C’est un consortium constitué de ces participants-là qui, au lieu de se reposer à la fin de la formation qui était pourtant intense, ont préféré se balader dans Bamenda pour faire la fête. En tête de liste, on cite un certain Fotso Fonkam qui, aux dires des autres membres de la team, était le guide de la bande. Viennent ensuite Desiré Danga, Ulrich Tadajeu et enfin Lawrence Nkede.

Je dois aussi citer Flavien Kouatcha (@flavienkouatcha) qui, même s’il n’était pas là physiquement, était le membre virtuel de cette team.

Les rumeurs ont couru que la team allait avoir de nouveaux adhérents le samedi soir et que Victor Van R (@victorvanr) voulait postuler. Il ne le fit pas, mais au moins Abongwa Fozo (@BamendaOnline), qui avait rejoint la bande, se fit le meilleur guide qui soit.

Les paparazzis

Voici ceux qui, au lieu d’écouter, passaient le temps à filmer les gens. Ici, on retrouve principalement Desy Danga – le gars-ci est dans tous les groupes hein -, Comfort Mussa (@ComfortMussa) et Ulrich Tadajeu, le spécialiste des selfies.

Les paparazzis en action (Desy Danga et Comfort Musa en train de filmer Chedjou Kamdem)
Les paparazzis en action (Desy Danga et Comfort Musa en train de filmer Chedjou Kamdem)

Mais ici, il y a des membres non invités, ceux qui filmaient de temps en temps. On peut citer Victor Van R., Chedjou Kamdem, Fotso Fonkam. Et beaucoup d’autres moins actifs.

Les bavards

Parmi les participants, certains étaient de ceux qui ne savent pas s’arrêter quand ils prennent la parole. Dans cette catégorie hermétique, on retrouve principalement Ulrich Tadajeu et Meubeukui Paule. De vrais moulins à parole, ceux-là.

Meubeukui Paule, en plein bavardage
Meubeukui Paule, en pleine démonstration de son « savoir-parler » #TalkingMachine (#MachineAParler)

Mais je pense qu’on devrait ajouter René Jackson (@PandaVRJ) à la liste, hein. Lui même-là n’était pas facile quand il prenait la parole. #JeDisCaJeDisRien

Voilà donc quelques participants à ce forum. Heureusement, car c’est grâce à cette diversité que l’échange s’est déroulé dans une ambiance chaleureuse et détendue.


Le vélo, autrement

Mon histoire avec le vélo a commencé il y a très longtemps. À l’époque, j’étais élève en classe de quatrième dans un lycée de Bafoussam, à l’ouest du Cameroun.  Je me souviens que cette année-là, un de mes oncles m’avait promis un vélo si je réussissais au BEPC. Ok, j’avoue, je lui avais un peu forcé la main, mais le résultat était le même : j’allais recevoir un vélo, si je réussissais mon examen.

Pendant les vacances, pas une nuit ne passait sans que je rêve de mon vélo. Je l’imaginais beau, vert, avec des roues noires, toutes neuves. Je m’imaginais parcourant toutes les routes de mon quartier, allant à l’école, faisant tout avec mon vélo. Mais je n’ai jamais eu mon vélo cette année-là, ni les autres d’ailleurs. Mon père ne m’a pas autorisé à présenter l’examen en quatrième car mes notes ne le satisfaisaient pas.

La ville des deux roues

Mon histoire avec le vélo a repris plusieurs années plus tard, après une longue pause. J’étais alors enseignant dans un établissement de la ville de Maroua, à l’extrême nord du Cameroun. Ce qui a tout de suite attiré mon attention en arrivant à Maroua, c’était l’abondance d’engins à deux roues. Partout où j’allais il y avait des vélos et des motos. Même à l’école.

À Maroua, j’ai redécouvert le vélo. Ce n’était pas cet engin à deux roues que seuls les enfants de riches possédaient dans certaines zones du pays. Non, c’était plus que cela.

Égalité des genres

La première fois que j’ai vu certaines de mes élèves de sixième enfourcher leurs montures et pédaler sans peine, j’étais hébété. Jusqu’ici, j’avais vu très, très peu de fillettes ou de demoiselles aller à vélo. D’ailleurs, certaines auraient considéré comme un affront le simple fait de leur proposer de grimper sur un de ces chevaux de fer ! Mais non, à Maroua, les filles, comme les garçons, possédaient leurs vélos, et les utilisaient sans retenue.

Le vélo pour l'égalité des genres - Crédit photo: blogs.worldbank.org
Le vélo pour l’égalité des genres – Crédit photo: blogs.worldbank.org

Je n’oublierai jamais ce 5 octobre, journée mondiale des enseignants, où j’ai vu des collègues – femmes – en tenue et qui, en attendant que le défilé commence, faisaient des tours sur le vélo d’un autre collègue. Nous étions tous ébahis.

À vélo, de 7 à 77 ans

Il y avait des moments où je me demandais de quel bois étaient faits les habitants de Maroua. Et ces interrogations survenaient généralement chaque fois que je voyais passer, pédalant doucement un vélo qui devait être aussi âgé que lui, un vieillard respectable et grave, sa gandoura flottant derrière lui et sa chéchia vissée sur sa tête.

Le vélo, à tout âge - Crédit photo: blog.levelovoyageur.com
Le vélo, à tout âge – Crédit photo: blog.levelovoyageur.com

Parfois aussi, il s’agissait d’une « dada », son foulard sur la tête et une jeune fillette assise en amazone devant elle, entre la selle et le guidon, qui allait au marché son sac de vivres attaché au porte-bagage. Ces scènes, bien que fréquentes, ne manquaient jamais de susciter mon admiration. Oui, car dans une zone où on refusait parfois l’éducation et même la parole aux filles et aux femmes, il existait tout de même un objet qui effaçait non seulement les différences de genre, mais en plus, qui cassait toutes les barrières que la différence d’âge dessait.

Plus de vélo

Aujourd’hui, je ne suis plus à Maroua. Je n’ai pas encore oublié ce que j’y ai appris. D’ailleurs, je compte bien écrire une belle fin à l’histoire de mon vélo, commencée il y a tellement d’années. En attendant, j’ai déjà offert à mon fils son premier vélo –bleu et jaune. Et, qui sait, si un jour j’ai une fille, elle aura certainement le sien, rose et blanc. Vive le vélo.


L’exemple qui vient de Lomé

Quand la blogueuse Danielle Ibohn postait ce billet dans lequel elle critique vertement le manque d’expérience, de professionalisme et de diversité des blogueurs camerounais, elle se doutait bien qu’il créerait la polémique parmi ceux-ci. Sur facebook, sur twitter et dans son blog, les débats on fait rage. Mais quels que soient l’opinion ou les arguments avancés, il est clair que la blogosphère camerounaise peut, et doit même s’améliorer. Sur ce point, je pense que les blogueurs camerounais ont des leçons à prendre des blogueurs togolais.

Je me souviens à quel point j’ai été surpris, en lisant un billet de la blogueuse togolaise Judith Gnamey dans lequel elle racontait sa rencontre avec le candidat à la présidentielle togolaise Alberto Olympio. Ce qui m’avait surpris, c’est que tout était parti d’un tweet dans lequel elle lui demandait de la convaincre de voter pour lui – ce qu’il a essayé de faire pendant leur rencontre. En la lisant, je me suis dit, « Les politiciens togolais sont en avance sur les nôtres… » Je ne croyais pas si bien le dire.

Plus récemment, c’est un billet publié par le blogueur togolais Guillaume Djondo et dans lequel il fait le compte-rendu d’une rencontre entre twittos (donc les blogueurs aussi) togolais à Lomé qui a attiré mon attention. Intrigué, je me suis donc rapproché de lui pour avoir des éclaircissements. On en a discuté, il m’a tout raconté : une fois par mois, les twittos togolais se rassemblent à Lomé pour un échange que j’imagine interactif et constructif. Des exposés sur des thèmes donnés sont présentés et discutés, et les aînés partagent avec les novices leur expérience des réseaux sociaux.

Crédit photo: https://senadjondo.mondoblog.org
Blogueurs togolais lors d’une rencontre. On peut voir, assis aux deux extrêmes, les mondoblogeurs Renaudoss (à gauche) et Guillaume Djondo (à droite) – Crédit photo: senadjondo.mondoblog.org

Et ce n’est pas tout ! En plus de ce rassemblement mensuel, les twittos togolais ont un autre rendez-vous mensuel, cette fois-ci sur twitter, pendant lequel ils discutent d’un thème donné, via un hashtag. Le principe de ces rencontres virtuelles est simple : un thème, un hashtag, une date, une heure… Et la communauté se retrouve pour débattre, apprendre, partager.

Je suis de plus en plus convaincu que les blogueurs camerounais, mieux, les twittos camerounais, devraient prendre exemple sur les togolais. C’est vrai, il y a des formations organisées par Ma Pause Digitale, et les évènements SM4C Cameroon (Social Media for Change), mais on pourrait mieux faire. On pourrait multiplier les rencontres, permettre aux acteurs de la twittosphère de se rencontrer, de se connaître, de partager leurs expériences et leurs astuces avec ceux qui n’en savent pas autant qu’eux.

À l’image du très respecté Aphtal Cissé et des autres grosses pointures du blogging togolais, les blogueurs et blogueuses expérimentés de la Team237 pourraient régulièrement rassembler leurs jeunes frères pour leur permettre d’évoluer, pour les encourager à bloguer utile.

Nous avons également la chance d’avoir un Collectif des Blogueurs Camerounais, qui fait déjà des choses intéressantes (la compagne #StopBokoHaram en est un exemple) et qui pour le moment est présidé par Florian Ngimbis. Mais je pense que ce collectif devrait songer à rassembler les blogueurs de temps en temps, ne serait-ce que pour boire une bonne bière…