Nous sommes étranges, nous sommes camerounais!
Ce matin, j’ai repensé à certaines aventures survenues dans mon passé et suite auxquelles j’ai chaque fois adopté un comportement irrationnel. A force de plancher sur le sujet et d’observer autour de moi, je me suis rendu compte que c’était carrément un sport national chez nous au Cameroun. J’ai donc compilé quelques histoires et à travers une série que j’inaugure je vais vous faire découvrir quelques bizarreries camerounaises.
Histoire 1: S’en fout la fumée, s’en fout la mort!
Il ya deux ans, j’accompagne mon ami JBK à Douala, le gars doit faire un voyage en Europe et son avion décolle depuis la cité Sawa. Nous empruntons un car VIP, vous savez, les cars qui sont VIP juste parce qu’ils partent à l’heure, ont des ceintures de sécurité et surtout ne sont pas surchargés comme des boîtes de sardine de Marrakech. Agréable voyage en perspective, car ayant fui la compagnie de mon ami dont la causette en voyage a valeur de soporifique, j’ai eu la chance -beaucoup de calcul en réalité- d’avoir pour voisine une plantureuse demoiselle, parfumée de sensualité, et parée de sex appeal.
Elle s’intéresse au bouquin que je fais semblant de lire. Ce qui dans mon délire érotomane signifie: elle s’intéresse au beau mâle que je (crois) être. Rapide prière de remerciement à Dieu, dont je confirme l’existence et je plonge derrière Alice vers un merveilleux voyage au pays des Merveilles. Sauf que, si Dieu existe, alors le Diable aussi. Il se manifeste entre Boumnyébel et Edéa: de la fumée envahit l’habitacle. Une odeur de caoutchouc brûlé. Le chauffeur gare sa luxueuse antiquité. Faire venir un mécano: une heure et demi d’attente, solution écartée. Continuons! ça arrive souvent, on va gérer. Réponse surréaliste du chauffeur qui propose d’ouvrir les fenêtres (rassurez moi, un bus a des fenêtres?) pour évacuer la fumée. Tous les européens du car descendent et se mettent à faire du stop. Tous les camerounais remontent : 6000F c’est pas 600 hein? Mon ami JBK me questionne du regard. Je jette un coup d’oeil vers ma place: ma délicieuse voisine a choisi de continuer. « Gars! continuons! Il ya un extincteur et pour plus de sécurité installe toi près de la sortie de secours« . Telle fut ma honteuse réponse.
Voilà comment, transformés en fumeurs passifs, au risque de finir comme des singes boucanés, nous avons décidé comme la vingtaine de compatriotes présents de continuer un Voyage vers l’Enfer dans un bus poussif, four crématoire en plein allumage.
Nous sommes arrivés à Douala asphyxiés, puants. JBK a pris son avion, et je suis resté seul à philosopher sur le mince écart qui sépare la bêtise de la folie. Quel fou voyage dans un bus enfumé?Cerise sur le gâteau: ma délicieuse voisine a conclu mon plan drague dans le bus par une phrase sans appel: « Mon ami tu ne vois pas la fumée là? il ne faut pas avaler ça, pardon ne parle plus ». J’ai compris qu’en fait de bouquin, ses seules lectures devaient être des Harlequins et pas ceux de la série blanche. Tromperie sur la marchandise, je me suis tu.
Sérieusement, il ya un virus qui semble nous animer, mes compatriotes et moi. Une sorte de renoncement volontaire, un abandon assumé de la raison, au profit des comportements les plus irrationnels. On vend des fruits et légumes à même le sol, poussiéreux ou boueux, personne ne s’en offusque, on vend la viande dans un concert de mouches qui pondent dessus, pas de réaction; on voit un match à la télé avec deux ralentis en 90 minutes, c’est normal. Pareil pour le courant dont on célèbre le retour sans se demander pourquoi il est parti. Un pays où personne ne vous imposera le port de la ceinture de sécurité, mais où des minables policiers vous font assoir par terre pour défaut de carte d’identité… C’est peut-être ça la fameuse identité camerounaise: On va faire comment?
A suivre dans le prochain billet Histoire 2: Bonnie and Clyde en Chrysler