Serge

La crise humanitaire des Haïtiens de São Paulo

Ici, des Haïtiens au Acre avant d'être transférés à São Paulo - crédit photo: Luciano Pontes / Secom | wikimedia commons
Ici, des Haïtiens à l’Acre avant d’être transférés à São Paulo – crédit photo: Luciano Pontes / Secom | wikimedia commons

Chers lecteurs, je reviens enfin de mon court séjour dans la capitale économique du Brésil, São Paulo, où j’avais des démarches personnelles à mener. J’en ai profité pour porter un nouveau regard sur ce Brésil et essayer de comprendre ce pays du point de vue « des gens du Sud ». Lors de mes passages au centre de São Paulo ou sur l’Avenida Paulista, deux points incontournables de l’immense métropole, je n’ai pu m’empêcher de constater l’extrême pauvreté dans laquelle vivent nos amis et frères Haïtiens. Si je dis « amis et frères », c’est que j’en connais personnellement beaucoup qui vivent à João Pessoa et j’en compte parmi mes amis. Ce sont les personnes les plus éduquées que j’ai rencontrées de ma vie.

Le gouvernement brésilien est connu pour son ouverture et son grand sens d’humanisme. Dans un effort humanitaire et de partage, le Brésil a décidé d’accorder un visa de permanence à tout Haïtien se trouvant sur son sol. Peu importe le niveau scolaire ou social, tous les Haïtiens peuvent désormais être résidents permanents au Brésil. Combien de gens payeraient cher pour ce privilège?

Mais, le Brésil est-il seulement préparé pour ça?

La conséquence d’une telle mesure de « solidarité panaméricaine » est que la frontière du Brésil dans l’Etat de l’Acre subit une forte affluence d’immigrants haïtiens illégaux à la recherche d’une vie meilleure. Qui pourrait les blâmer? N’est-ce pas dans Les Misérables que l’on lit cette phrase lourde de sens: « Mais monsieur le juge, des hommes qui ont  tout perdu, ça existe »?

Et, ils ont vraiment tout perdu en Haïti. Je me souviendrai toujours de ce que m’a dit un jour le vice-consul du Brésil en RD Congo : « Serge, tout homme a le droit de chercher une vie meilleure, même s’il doit le faire en étant un clandestin… » Il faut du courage pour dire ces mots à un jeune Congolais.

J’imagine donc ce qui anime ces Haïtiens qui viennent par milliers au Brésil, ils voudraient sûrement aller aux Etats-Unis, mais l’oncle Sam a fermé ses portes… Ils se contenteront donc du Brésil, faute de mieux. Mais, le problème c’est qu’ils sont loin de se douter que la vie à São Paulo n’est pas faite pour tout le monde. Un vieux dicton brésilien dit : « O Brasil não é para amadores » [Le Brésil n’est pas fait pour les amateurs]. Il faut une certaine pratique, une manière d’être typique,  um jogo de cintura comme ont dit ici.

Une coïncidence du calendrier a voulu que mon séjour à São Paulo tombe justement pendant la semaine où la mairie de São Paulo communique son refus de recevoir plus d’Haïtiens parce que n’ayant pas les structures nécessaires pour recevoir 1000 immigrés en quinze jours.

J’ai donc vu la détresse de ces hommes et ces femmes de tous âges. Un ami congolais me faisait remarquer qu’un Africain décide d’immigrer à un certain âge, disons jusqu’à ses trente ans parce qu’après, il est difficile de recommencer. « Mais un Haïtien vient au Brésil à cinquante ans, des vieilles dames et des vieux messieurs… » m’a-t-il dit.

Ben oui, puisqu’ils ont tout perdu. Mais, malgré tout, rien ne les prépare à ce qu’ils vont voir une fois arrivés au Brésil et particulièrement à São Paulo. Normalement, quand qu’ils sont transférés de l’Acre vers São Paulo, ils restent dans des pensionnats ou dans une paroisse qui les reçoit par centaines. « La cour de l’église est transformée en un salon de coiffure », disait un reportage de la chaîne de télévision Globo. Les filles étalent leurs vêtements sur les mûrs qui encerclent le bâtiment.

Un homme d’une cinquantaine d’années éclate en sanglots en se rendant compte que sa vie ne changera pas au Brésil. Il vient de voir comment vivent ceux qui sont arrivés avant lui.  La ville de São Paulo est devenue leur tombe. Parce que les Haïtiens de São Paulo ne vivent pas comme des êtres humains, ils ne vivent pas comme vous et moi… ce sont des zombies invisibles. Ils errent la journée sans objectifs précis dans le centre de la ville. Il y a une partie de São Paulo qui s’est transformée en un camp de réfugiés.

Mais alors, quand allons-nous appeler un chat un chat ? La situation des Haïtiens de São Paulo a atteint le stade d’une crise humanitaire. Et de mon humble avis, le Brésil n’est plus en mesure de s’en occuper. Il serait temps, à mon avis, d’impliquer les organismes internationaux compétents.

Ce n’est pas l’idée la plus récente de les envoyer à Curitiba, Florianópolis ou Porto Alegre qui changera radicalement les choses. La situation est grave. Très grave. A mon niveau, je ne peux qu’écrire sur ce que j’ai vu. J’espère que ce texte atteindra les personnes compétentes, celles qui sont capables de faire évoluer la situation, ne serait-ce qu’en informant les Haïtiens qui veulent venir au Brésil, attirés par une promesse de réussite. De toute façon même à Rio de Janeiro, ils dorment dans le métro…

Informons-le ! Qu’ils sachent dans quoi ils se mettent. Que ceux qui pourront aider le fassent chacun à son niveau.

Je répète ce que je sais des Haïtiens en général, même si on ne peut pas généraliser : ce sont les personnes les plus charmantes que j’ai rencontrées. Mais la vie ne les a jamais épargnés…

A São Paulo, la population regarde cette triste situation avec une certaine indifférence. Certains Brésiliens commencent à manifester leur ras-le-bol.

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Les cinq péchés capitaux du Brésil

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Un paysan brésilien – crédit photo: Eduardo Amorim | Flickr.com

Chers amis lecteurs, vous m’avez manqué. Je n’ai pas eu le temps de vous « alimenter » en billets ces dernières semaines pour diverses raisons, mais essentiellement parce que je prépare un petit voyage pour la grande ville de São Paulo. Vous avez également remarqué un changement radical du layout de votre « blog brésilien préféré ». Merci donc à Ziad Maalouf, et à toute l’équipe de RFI-Mondoblog qui ont durement travaillé pour une réforme de notre plateforme. Je ne souhaitais pas voyager sans vous laisser de quoi grignoter… j’ai donc décidé d’expliquer quels sont les cinq péchés capitaux d’un Brésil qui n’avance plus. 

1. Son économie rentière

Le Brésil a longtemps navigué sur les bonnes vagues de ses ressources minières, de son pétrole et de sa diversité biologique. Ce modèle présente malheureusement des limites qui tôt ou tard allaient nous exploser à la figure. Premièrement, la récupération des Etats-Unis qui a attiré les investisseurs vers ce pays laissant le Brésil sans cet avantage concurrentiel qui aura duré, allez, disons, quatre ans (2008/2012).

De plus, lorsque vous avez une élite corrompue, des politiques au service des familles les plus riches de l’agronégoce et pas forcément soucieuses de rééquilibrer la distribution des richesses, comme l’observe le politologue André Singer, la tâche devient vraiment trop difficile :

Le lulisme ne s’est pas montré capable, jusqu’ici, de dépasser l’exploration des brèches existantes dans l’architecture néolibérale. Dans des conditions mondiales favorables, il s’est servi, avec une certaine justesse, des espaces non conflictuels pour améliorer la vie des pauvres. […] Cependant, le pas pour devenir un pays de classe moyenne dépendra d’un autre cadre, avec une autre corrélation de forces.

Cliquez ici (PDF) pour une analyse comparative concernant la politique agricole de la France et du Brésil.

2. Le vote obligatoire

Le vote obligatoire dans un pays comme le Brésil n’a aucun sens. C’est la manière la plus simple d’accroître le taux de corruption, d’impunité et ce sentiment que « les politiciens sont tous les mêmes », à mon avis, le premier pas pour qu’un pays s’autorise toutes les excentricités.

3. Des médias non pluralistes

Si le vote obligatoire n’a aucun sens au Brésil comme je le disais dans le point précédent, c’est aussi parce que le Brésil n’a pas un système médiatique démocratique et pluraliste. Or, la liberté de la presse est au moins aussi essentielle que la démocratie elle-même.

J’aime beaucoup l’analyse de Serge July pour qui « la démocratie dépend du nombre élevé de journaux et autres médias ». Une analyse qu’il tire de chez Tocqueville. C’est cette pluralité qui est le garant d’un vrai débat au sein de la société. Mais surtout, sans cette liberté de la presse et la diversité qui l’accompagne, la population n’a plus les balises nécessaires pour exercer « librement » son devoir de vote.

4. L’éducation à la traîne

Le slogan de campagne de la présidente Dilma Rousseff en 2014 était d’un goût très amer pour tous ceux qui en percevaient le cynisme : « Brésil, une patrie de l’éducation ». Vraiment?

crédit photo: Emilayne Souto pour @cariocaPlus
Crédit photo: Emilayne Souto pour @cariocaPlus

Si c’est le cas, comment se fait-il qu’à l’heure où un consensus sur la nécessité d’une période d’austérité s’installe, ce soit sur le budget de l’éducation qu’on décide de couper 37 % d’investissement?

5. Des partis politiques sans leadership

Il y a non seulement un vide politique depuis le départ de Lula da Silva – que voulez-vous, même dans les meilleures démocraties, les gens veulent des messies – , mais c’est surtout l’incapacité de tous les partis politiques à renouveler leurs cadres.

Jusqu’ici, la formule est de faire du neuf avec les anciens ou les « nouveaux anciens ». Je m’explique. La candidate de la gauche radicale lors de la dernière élection présidentielle était Luciana Genro [vidéo], la fille de Társio Genro, ancien ministre et gouverneur du Rio Grande du Sul, poids lourd du Parti des travailleurs (PT). C’était un peu la « divine comédie » de cette campagne. Dilma Rousseff opposée à la fille de son ami… vous avez dit « tous les mêmes »? 

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Des villes rebelles au Brésil

DECRYPTAGE| Beto Richa, le gouverneur – PSDB, opposition – de l’Etat du Paraná (capitale, Curitiba) n’a pas l’air de se soucier des élections municipales qui pointent leurs nez aussi vite que 2015 s’achève. L’homme a la réputation d’être assez rustique. Ces derniers mois, il s’est constitué une notoriété nationale par sa façon de « tenir tête » aux professeurs du système national de l’éducation publique. Au-delà des récents événements qui ont eu lieu à Curitiba, l’impression générale est que le Brésil est une cocotte-minute prête à exploser à n’importe quel moment.

Un internaute a parfaitement exprimé la tragédie que l’on vit au Brésil depuis le début de l’année : « Quand des manifestants demandent l’intervention militaire de l’armée pour mettre fin à la présidence de Dilma Rousseff, la police les traite avec beaucoup d’éducation; mais quand des professeurs exigent une meilleure éducation pour le pays, ce sont les militaires qui interviennent »

N’y voyez aucun jeu de mots gratuit. Les images des professeurs bastonnés par les forces de l’ordre font froid dans le dos : un jeune homme, le front ouvert par une blessure qui descend jusqu’à son nez, une femme montrant des hématomes le long de son bras, la police est passée par là… C’est le chaos à Curitiba. [photos]

Ces images rappellent évidemment celles que l’on voit sur CNN et même sur d’autres chaînes mondiales qui retransmettent les manifestations de Baltimore en direct. Des images témoignant un malaise beaucoup plus profond qu’on ne le croit : il s’agit probablement de la plus grande crise de la démocratie représentative de l’histoire.

Et l’on ne compte plus les villes rebelles dans le monde. Istanbul, São Paulo, Le Caire, Londres, Durban, Buenos Aires, Hong Kong, Baltimore, New York, Rio, Curitiba, Ouagadougou, et j’en passe. Qu’ont donc toutes ces villes en commun sinon leur constante rébellion face à un pouvoir qui ne les comprend plus, qui communique mais n’entend plus?

Les « villes rebelles » sont désormais un phénomène systémique. Il ne s’agit pas ici d’être pessimiste. Au contraire, il y a de l’espoir dans mes propos. Et même en restant fidèle au « pape » de la Realpolitik, Nicolas Machiavel, l’évidence s’impose. Ne lit-on pas dans Le Prince qu’« il est plus prudent d’être du côté du peuple que de celui des gouvernants » ? Il y est tout simplement question d’arithmétique.

Si les gouvernants détiennent effectivement le pouvoir du fait même de leur capacité à s’organiser (en petit groupe), cela constitue également leur grande faiblesse. Car le peuple étant toujours plus nombreux, il prendra souvent le dessus en cas de grande crise…

livre david harvey
Le livre de David Harvey, « Villes rebelles » traduit en portugais.

Depuis 2013, plusieurs villes brésiliennes ont vu exploser des manifestations de colère de la part des populations. La première moitié de 2015 est déjà la plus trouble depuis une décennie.

C’est surtout en 2013 que ces manifestations ont acquis une dimension qu’on pourrait qualifier de structurelle. Cela est peut-être un effet de la crise économique globale qui n’a vraiment atteint le Brésil qu’en cette année-là justement. Et aussi de ce sentiment général que rien ni personne – en tout cas dans le scénario national – n’est en mesure de nous sortir de cet enfer.

Pour autant, cette situation est loin d’être un problème uniquement brésilien. Je l’ai dit plus haut dans cette note, il suffit de regarder ce qui s’est passé en France avec « la Manif pour tous », en Turquie aussi, à Hong Kong, avec la « révolution des parapluies »

Le géographe marxiste, David Harvey, intellectuel habitué du Brésil revient sur cette tendance dans son ouvrage Rebel Cities dans lequel il voit un fil rouge entre les révoltes urbaines de Londres en 2011 et la crise du capitalisme, dont les conséquences s’abattent sur le Brésil en 2015.

L’auteur y voit également un besoin profond venant des peuples de trouver d’autres manières de vivre collectivement – Urban Commons -, et surtout un besoin nouveau de s’approprier entièrement ces villes qui nous échappent et nous étouffent – The right to the city.

https://rota2014.blogspot.com.br/2015/03/dilma-sob-pressao-das-ruas.html
« Le Brésil montre son vrai visage !!! » – Lors d’une manifestation au Brésil en mars 2015

Les raisons de ces manifestations populaires varient beaucoup. Celui qui prétendrait en expliquer les causes est certainement fou. Mais des pistes existent. On sait ce qu’elles veulent dire… et ce qu’elles ne veulent pas dire… Comme l’a expliqué André Barcinski, un blogueur très connu au Brésil pour le site R7, les manifestants exigeaient moins le départ de Dilma Rousseff par une procédure d’ impeachment qu’une lutte plus acharnée contre la corruption.

Le blogueur analyse des chiffres publiés par Datafolha. Voici les raisons pour lesquelles les gens manifestent au Brésil:

– Contre la perte des droits travaillistes (25 %)

– Augmentation des salaires des professeurs (22 %)

– Pour une réforme politique (20 %)

– En défense de Petrobras (18 %)

Quelques jours plus tard, 47 % d’entre eux demandaient la fin de la corruption au Brésil, et seulement 27 % un impeachment contre Dilma Rousseff. 11 % des manifestants seulement se disaient favorables à une intervention militaire, voire à la fin de la démocratie.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Protesto_no_Congresso_Nacional_do_Brasil,_17_de_junho_de_2013.jpg
Des manifestants se réunissent au Congrès (Brasília 2013) – crédit photo: Valter Campanato/ABr | Wikimedia Commons

C’est par une comparaison assez banale que je voudrais conclure. En fait, les manifestations qui se reproduisent dans le monde ne sont que l’image de nos sociétés dans lesquelles le pouvoir est absolument éloigné du peuple. La politique actuelle ressemble à s’y méprendre au monde du football. Là aussi, des instances du pouvoir complètement débranchées de la base.

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Manny Pacquiao est-il plus influent que Dilma Rousseff ?

Il est une idée reçue (appelons cela comme ça) qui veut que l’Indonésie soit l’une des plus grandes démocraties du monde. Un immense pays qui se distingue en Asie par sa stabilité politique et par l’alternance au pouvoir. Pourtant, ce pays est loin, très loin, de l’idée que je me fais de la démocratie.

Pour s’en convaincre, regardons seulement un cas que je connais assez bien pour l’avoir traité dans un article académique, celui du génocide de 1965 magnifiquement porté sur écran par Joshua Oppenheimer dans un documentaire absolument fascinant… On y comprend assez rapidement que l’Indonésie est en réalité le pays de l’impunité ou de la justice pour certains. Sacrée démocratie en effet !

Oui, je me permets l’emploi de ces superlatifs pour parler de The Act of Killing, sublime fresque cinématographique située entre le fantastique, le moralisme performatif et  le réalisme. Le destin d’Anwar Congo est à découvrir ici :

Mais revenons donc sur le champion philippin Manny Pacquiao… et sur Dilma Rousseff.

Le Brésil et l’Indonésie traversent une période trouble de leur relation. Tout commence avec l’annonce par les médias brésiliens que leur compatriote, Rodrigo Gularte, arrêté pour trafic de drogue en Indonésie sera exécuté : jour et date sont fixés, le pays reste en alerte en attendant une réaction de madame Rousseff. L’occasion pour elle de montrer qu’elle a « la main ferme ».

Dilma Rousseff demande alors au gouvernement indonésien d’épargner la vie de son compatriote. C’est vrai quoi, on n’exécute pas un citoyen brésilien impunément. Quand même.

Eh ben, si. Au diable l’orgueil national des Brésiliens qui se voyaient un peu trop beaux sur la scène internationale. Rodrigo Gularte sera exécuté le 28 avril 2015 non sans avoir laissé une vidéo diffusée par les médias sur lequel on le voit demander pardon à sa mère. Le fils a péché, mais une mère pardonne. Et pourtant, il sera exécuté. Dilma Rousseff, zéro.

Cette semaine, une autre affaire attire mon attention sur Marca.com, un site d’ intox informations sportives en Espagne: Manny Pacquiao, the freak – mais oui, une aberration – demande la clémence du président indonésien en faveur d’une compatriote Mary Jane Veloso elle aussi condamnée à mort. A croire que l’Indonésie veut inventer un nouveau soft power basé sur l’exécution des citoyens étrangers…

Miracle. Le président indonésien promet d’intercéder auprès des autorités judiciaires alors qu’il n’avait pas bronché face aux menaces de Dilma Rousseff de rappeler son ambassadeur. Et bim, une nouvelle claque pour Dilma.

C’est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’un champion de boxe en phase de participer au combat du siècle – à ne pas confondre avec le vrai combat du siècle entre Mohamed Ali et Joe Frasier – intervient publiquement en faveur de la vie d’une femme condamnée à mourir. C’est une sacrée publicité pour l’Indonésie.

C’est donc aussi que la voix de Pacquiao vaut mille fois celle de Dilma Rousseff. Il serait peut-être temps que Forbes revoie sa liste des personnalités les plus influentes du monde.

Il y a des jours où on a franchement envie de faire de la boxe…

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P.S : Mary Jane Veleso a obtenu un sursis ce mardi 28 avril 2015

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Billet actualisé le 28/04/2015 à 16 h1 5 heure de Brasília


La publicité brésilienne, la plus machiste du monde

« Brésil, pays du football », pays du « jogo bonito », un titre bientôt contesté ? Le Brésil affectionne particulièrement les titres pompeux : « Le pays de l’amour »,« Le pays du plus grand carnaval du monde », « Le géant des Brics », et tout récemment, le pays a même gagné l’honneur d’avoir dans son Parlement le plus mauvais député du monde en la personne de Jair Bolsonaro. Peut-on aussi dire que le Brésil est le pays où les spots publicitaires sont les plus machistes au monde ? On en parle.
Cela fait un moment que ce billet est en attente. Mais le sujet est tellement important que je me suis interdit de le ranger parmi « les articles que je n’ai jamais pu écrire par manque de temps ou d’inspiration » – d’ailleurs il faudrait que je pense à rédiger un papier à ce sujet… Donc, voilà que je me décide enfin de donner un petit aperçu de la publicité au pays des cariocas et des gaúchos*.

Le pays de la pub…

Déjà, il faut reconnaître un fait, le Brésil est certainement l’un des meilleurs producteurs de publicité au monde. Quand je dis « meilleurs », vous entendez bien qu’il y a là une dimension perverse assez évidente. L’idée même que l’on puisse songer à classer les meilleures publicités est assez obscène. C’est le cas, par exemple, du marché de la publicité pour produits de luxe visant les enfants

Je parle évidemment de l’effet d’impact. La publicité brésilienne fonctionne comme un électrochoc. Il faut dire que ce n’est pas l’imagination qui manque dans le secteur. Le Gunn Report 2015 place le Brésil parmi les cinq meilleurs pays en ce qui concerne la création publicitaire, derrière la Suède, le Japon, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

… Drôle et efficace…

Il y en a qui sont vraiment très drôles, ainsi,  cette pub du distributeur de combustible, Ipiranga. Drôle et efficace en plus d’être infiniment renouvelable…

Le « pitch » se répète depuis des années, en trente secondes. On voit généralement un homme en voiture qui s’arrête pour demander un renseignement et ça donne des dialogues extrêmement drôles:

– Hey mon gars, où puis-je trouver un café ?

– Là, à la station Ipiranga.

– … et du forfait pour mon téléphone ?

– A la station Ipiranga…

– Une pharmacie, une boulangerie ? La réponse est invariablement la même. Et quand je dis invariable

– Et ce petit garçon très malin, c’est ton fils ?

Après hésitation, « Mon gars, ça, il faudrait poser la question à la station Ipiranga ».

Mais, ailleurs aussi, ils font de la publicité efficace et saine, c’est-à-dire sans culs ni fesses trop dévoilés. Celle-ci par exemple :

En regardant ce spot considéré comme « la meilleure pub au monde », je me suis dit qu’au Brésil, aucune agence « sérieuse » ne la laisserait passer. Quoi ? Une pub de cinq minutes sans une seule paire de fesses? Même pas une allusion? Ce n’est pas sérieux…

… et souvent, très machiste

Pour le reste, le tableau est très sombre. Le Brésil excelle dans la production des publicités machistes. Si l’imagination est débordante, cela va de pair avec un manque de rigueur flagrant dans la régulation des contenus publicitaires.

Les publicités les plus machistes de l’histoire en photos

Regarder la télévision peut parfois être un exercice périlleux surtout si vous avez des enfants chez vous. D’autant plus que les heures de diffusion sont rarement classifiées selon les âges.

Les premiers coupables sont bien les brasseries. il faut parfois bien s’accrocher pour ne pas s’étouffer. L’alcool est constamment mis en scène aux côtés d’une femme, très souvent ne portant qu’un bikini – s’ils sont gentils -, au point où l’on se demande avec raison ce qu’on nous invite à consommer. La femme ou la bière?

La publicité brésilienne est le reflet de ce pays extrêmement machiste. Un paradoxe pour un pays qui a réélu une femme à sa tête en 2014. Cependant, la vie n’est pas toujours facile pour Dilma Rousseff. J’en ai parlé ici.

Peut-on faire plus dégradant pour la femme que ce spot d’Itaipava ? En fait, oui.

Le cas le plus choquant de cette année 2015 en période de Carnaval (on s’en doutait) est à mettre sur le compte d’une affiche publicitaire de chez Skol, rapporte Carta Capital. Créée par l’une des agences publicitaires les plus réputées mondialement [voir le lien du classement plus haut dans le texte], cette pub a dû être retirée puisqu’elle décrivait les Brésiliennes comme des objets sexuels consentants avec une phrase pour le moins troublante : « J’ai oublié le ‘non’ à la maison ». Traduisez : baise-moi !

Carta Capital rappelle également que l’Agence nationale de régulation de la publicité n’a pas dans son règlement un texte clairement prohibitif contre le machisme. Le combat est donc nécessaire. Il faut dire que même lorsque la marque des tongues Havaianas a voulu se refaire une réputation au début des années 90, elle a misé sur le sex appeal, ou la capacité de papillonner d’une carioca à l’autre.

Ce n’est pas un hasard non plus que le concurrent direct des Havaianas sur le marché brésilien se nomme Ipanema. Une référence au célèbre tube de Tom Jobim et Franck Sinatra, A garota de Ipanema.

Les plus grands producteurs de tongues au Brésil ne sont donc pas en reste. Très souvent leurs spots s’accompagnent d’un discours agressif envers les femmes dont la représentation est constamment sexualisée.

Notez tout de même que le philosophe français Jean Baudrillard ne s’était pas trompé dans son livre Le Système des objets en affirmant le « caractère abstrait des objets », soulignant que « leur fonction était relative au sujet ». On peut donc se consoler avec l’idée que des jolies paires de tongues Havaianas puissent également servir à flanquer une bonne raclée à ces publicitaires franchement machistes.

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* Gaúcho, habitant du sud du Brésil

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Au Brésil, le bilan (plutôt) sombre du PT sur la question raciale

Lorsqu’un million de personnes sont descendues dans la rue le 15 mars dernier pour manifester contre le gouvernement de Dilma Rousseff (ou contre la corruption, cela n’est pas trop clair), la question raciale a ressurgi. En chute libre, la gauche au pouvoir a profité de ce remue-ménage médiatique pour instrumentaliser les Afro-Brésiliens. Faute d’un début de mandat positif, le parti au pouvoir veut prendre (politiquement) les Noirs en otage.

La ‘Middle class’ brésilienne dit non au pacte national

Le Brésil a sacrément tremblé le 15 mars 2015. Des centaines des milliers de manifestants se sont rassemblés dans les rues de São Paulo, Rio de Janeiro ou Belo Horizonte avec pour seule motivation « exiger la démission de la présidente Dilma Rousseff », et sinon, « une intervention de qui de droit, c’est-à-dire, le Parlement… ou l’armée ». Si, si. Ils sont encore des millions à demander le retour de la dictature militaire.

Face au Parti des travailleurs, c’est tout ou rien. Ou plutôt, c’est rien ou c’est l’armée. Bon, je ne passerai pas mon temps à essayer des comprendre des hommes et femmes (riches) majoritairement de race blanche se plaindre que la démocratie brésilienne profite enfin aux pauvres.

OK, mon propos est quelque peu réducteur, mais l’analyse tient la route. Il existe bien une haine de classes au Brésil, comme l’écrit un éditorialiste du site gauchiste Carta Capital:

Dévorés par l’ignorance politique propagée par les médias, les manifestants [la « Middle class » brésilienne] vocifèrent leur haine contre le PT, contre les partis politiques et contre la politique elle-même. Ils ne présentent aucune proposition concrète.

En gros, un comportement bonapartiste.

La récupération de la question raciale

Une classe moyenne blanche. C’est donc elle qui était dans la rue le 15 mars dernier. L’occasion rêvée pour le PT de ressortir la question raciale d’une manière assez abjecte et dont la perversité ne m’aura pas échappée.

C’est un RT provenant du compte Twitter officiel de la présidente Dilma Rousseff qui a attiré mon attention.

Constatant que le gros des manifestants était de race blanche, le compte @dilmabr a retweeté une photo (puis l’a retirée) de ces derniers avec le commentaire suivant: « celui qui trouvera un Noir sur cette image gagnera un prix!! ».

Inutile de vous dire que ce commentaire m’a choqué. Je m’explique. Les militants de gauche encouragés par les partis politiques au pouvoir ont essayé de déplacer le débat politique de la question de l’impeachment (et de la corruption) de Dilma Rousseff vers la question raciale. Comment une manifestation contre la corruption au sommet de l’Etat aussi bien qu’à la tête des grandes entreprises a pris soudainement le virage vers le débat du racisme au Brésil ?

On n’a plus voulu savoir quel parti politique était fondamentalement corrompu, moins encore si une procédure d’impeachment était légitime dans ce contexte, ou même sur la légitimité d’une telle manifestation.

Non. La question se limitait désormais à savoir quel parti représentait au mieux les intérêts des Noirs. D’où la photo ci-après, où l’on voit des hommes et des femmes de race blanche manifester alors qu’une famille noire reste sur le bord de la route et regarde impassible le spectacle de la haine de classe

Au diable ! Il s’agit malheureusement d’une sombre manipulation. Les partis de gauche, leurs militants et même les politiques au pouvoir ont honteusement voulu récupérer la question raciale pour en faire leur cheval de bataille. C’est franchement scandaleux!

Qu’ils sachent donc que les Noirs n’appartiennent à aucun parti. Les Noirs ne doivent rien à personne. Ce n’est pas parce que le gouvernement du PT a mis en place des politiques de quotas que les Noirs devront l’appuyer indéfiniment. Sans broncher.

Une telle pensée est odieuse surtout lorsqu’elle tend à les transformer une sorte de faire-valoir idéologique. Au-delà du fait qu’elle infantilise les Afro-Brésiliens.

Qui est le Barack Obama brésilien?

Mais puisqu’il faut parler de cette fameuse question raciale au Brésil, allons-y. En bientôt seize ans de pouvoir, quel homme politique noir a émergé du PT s’imposant comme une alternative politique sur le plan national? Aucun ! Qui est le Barack Obama brésilien? Personne. Non seulement le parti ne renouvelle pas ses cadres, mais en plus, il ne laisse que rarement la place aux Noirs.

https://www.flickr.com/photos/robson_b_sampaio/8193668355/sizes/z/
crédit photo: Robson B Sampaio – Flickr.com

Le PT a certes implanté les politiques de quotas qui ont considérablement augmenté le nombre des Noirs dans les universités fédérales; et elles augmenteront le nombre des Noirs dans l’administration publique, mais politiquement – c’est-à- dire symbolitiquement – le bilan est sombre. Or, ce sont les symboles qui restent.

John Ford l’a bien dit dans le film L’Homme qui tua Liberty Valence, « Si la légende est plus forte que l’histoire, imprimez la légende ».

Joaquim Barbosa a certes été élu président de la Cour suprême de Justice, mais il n’a jamais eu la chance d’être un jour candidat à la présidence de la République. Ni les médias ni les classes moyennes ne l’accepteraient. Le Brésil n’est pas l’Amérique d’Obama.

C’est sur les symboles que le PT aurait dû investir en promouvant un Noir; qui sait, à la présidence du parti ou à la tête du groupe parlementaire présidentiel.

Dommage qu’aucun autre parti politique n’ait fait cet effort-là non plus. Au lieu de cela, ils continuent de s’entretuer pour savoir qui est le légitime défenseur des Afro-Brésiliens. Une vraie politique de caniveau…

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Brésil-Argentine : deux femmes dans la tourmente

Difficile d’être optimiste par les temps qui courent. Le Brésil est dans la tourmente. Ceux qui annonçaient une crise économique de grande envergure pour l’année 2014 se sont trompés d’une année. L’année 2015 est cauchemardesque pour les Brésiliens. Dilma Rousseff réélue en décembre 2014 n’est pas sûre de terminer son mandat tant le mouvement pour un impeachment prend de l’ampleur. Curieusement, une autre « femme du pouvoir », chez nos voisins argentins, Cristina Kirchner affronte une défiance similaire.

Victime du machisme ou incompétente?

Les deux cas sont très différents. Dilma Rousseff affronte les conséquences politiques de la fin du fameux pacte national initié par Lula da Silva qui avait permis à la gauche d’accéder au pouvoir en 2002.

Après avoir sorti de la pauvreté pas moins de 40 millions de Brésiliens; une « Argentine tout entière » (on y arrive… ) , formule-choc utilisée par Rousseff elle-même lors du débat présidentiel fin 2014. Le Parti travailliste (PT) est au plus bas dans les sondages, sa popularité proche du néant. Pire encore, même la sympathie que la présidente inspirait aux « gens du Nordeste » s’évapore au gré des articles publiés jour après jour sur le scandale de Petrobras [VIDEO, ARTE]. Et on ne voit pas la fin du tunnel.

Mais, on se demande si cette hostilité contre Dilma Rousseff est due réellement à son incompétence ou à sa condition de femme. Car, toute personne, saine d’esprit, n’oserait dire que la corruption a commencé sous l’administration Rousseff.

Au contraire, jamais auparavant les organes d’accountability n’avaient eu autant de liberté pour enquêter sur les « dossiers noirs » de l’administration publique et privée.

Dilma Rousseff est constamment insultée, conspuée, humiliée par les médias et sur Internet. Il est évident que son plus grand péché est d’être une femme dans un pays où la femme est avant tout considérée comme un objet de consommation…

Il suffit pour s’en convaincre de regarder les spots publicitaires des boissons alcoolisées dans lesquels la femme est traitée comme un produit de consommation disponible pour assouvir les désirs du mâle fêtard…

La haine contre Dilma Rousseff me rappelle la défiance dont souffre Laurent Blanc au PSG pour le simple fait d’être… français. Il aurait déclaré récemment : « Quoi que je fasse, ça n’ira jamais ». Tout est dit. Dilma Rousseff pourrait aisément paraphraser « Lolo White ».

« Avez-vous été violée ? »

En 2010, un journaliste est allé jusqu’à lui demander en direct si elle avait été effectivement violée pendant la dictature militaire. J’avais trouvé la question d’une extrême violence, madame Rousseff méritait un certain respect et le droit à la discrétion sur sa vie privée. Bref.

Nier la politique distributive de gauche qui a fait le succès de son parti n’y change rien. Son gouvernement très market friendly n’y change rien. Les marchés s’affolent comme s’ils avaient une personnalité démente. Le dollar ne cesse de grimper frôlant les quatre reais (4 R$)… taux record atteint pour la dernière fois en 2002 avant la prise de fonction de Lula. Là encore, les marchés étaient devenus fous… Dictature des marchés ? Mais, non ! mais non ! Ne nous affolons pas.

Le « plan Lévy »…

C’est un peu notre Cro-magnon à nous… plutôt, notre Macron, en pire. Terrorisée par les marchés (toujours eux), Dilma Rousseff a nommé au ministère de la Fazenda – économie – un homme des marchés justement. Joaquim Levy, l’ex-nouveau sauveur du Brésil, market-friendly, adapté, conforme à la « bonne gouvernance » et adepte de l’équilibre budgétaire est sur le point de jeter l’éponge

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Le ministre de l’Economie, Joaquim Levy | wikicommons

L’effet souhaité ne se produit pas. Le dollar monte, monte, et monte encore. L’inflation est quasi incontrôlable. Le prix de l’énergie électrique explose (augmentation des impôts variant de 28 à 32 % selon les Etats) sans explication claire, les aliments sont chers, j’ai failli me suicider lors de mon dernier approvisionnement chez Carrefour… Madame Rousseff, à court d’idées demande au peuple « d’être patient ». Facile à dire quand on est nourrie et logée aux frais de l’Etat. C’est ce qu’on appelle aussi une cure grecque bien rangée.

Le Brésil avance, mais on ne sait vers où. Le parti au pouvoir est divisé, raconte-t-on. Les médias de gauche et de droite se livrent à une guerre idéologique sans merci. Les uns – ceux de droite – appellent à l’impeachment, d’autres – ceux de gauche – dénoncent une tentative de coup d’Etat.

Ce deuxième mandat risque d’être trop long…

La fin des Kirchner en Argentine

Le problème de Kirchner est autre. Ou presque. Je ne suis pas un spécialiste de l’Argentine mais je suis l’affaire Nisman avec intérêt. Cette affaire du nom d’un procureur assassiné est peut-être sur le point d’emporter la présidente de gauche en Argentine.

L’affaire remonte à 1994 avec précisément une enquête sur l’attentat au siège de l’association juive, Amia [cinq points pour comprendre l’affaire]. Le procureur Alberto Nisman qui mène l’enquête y incrimine directement la présidente Kirchner qu’il accuse d’avoir protégé des intérêts iraniens.

Quelques semaines avant sa mort, il avoue à ses proches qu’il ne survivrait pas… Cette affaire qui mixe espionnage, politique, diplomatie et commerce extérieur secoue sérieusement les institutions argentines, mais surtout, montre que l’héritage néfaste de la dictature militaire est loin d’être complètement effacé.

A ce sujet, il est très utile de visionner le film de Juan José Campanella, El secreto de sus ojos, qui traite justement de cette période obscure. Il n’est pas anodin que l’astre du cinéma argentin Ricardo Darín qui tient le rôle principal dans le film demande l’éclairage sur la mort de Nisman jusque-là tenue comme un suicide alors qu’une autre enquête commandée par la famille de l’ex-procureur confirme la thèse de l’assassinat.

Après plus de 20 ans de stabilité politique, force est de constater que la démocratie en Amérique du Sud est encore bien fragile, et qu’il est nécessaire de toujours la renouveler, car rien n’est jamais acquis.

La démocratie en Amérique du Sud se joue peut-être sur le futur politique de ces deux femmes.

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Sensacionalista, le « Gorafi » brésilien

Qui ne connait pas Le Gorafi ? Si vous avez répondu « moi », corrigez vite cette erreur monumentale en cliquant ICI. Sur Internet, il faut souvent trouver LA bonne idée pour vite atteindre le succès, c’est le cas du « youtubeur » passé récemment dans l’Atelier des médias de RFI, analyste décalé de l’actualité dans son « Bonjour tristesse ». Au Brésil aussi, un blog fait sensation et se distingue par son côté irrévérencieux et décalé. Je vous propose de découvrir le blog Sensacionalista – tiens, donc – , l’actualité brésilienne à la sauce satirique.
Ils sont clairement de gauche, et adorent ridiculiser les hommes politiques de droite ainsi que leurs militants, mais tout est fait dans la bonne humeur. L’actualité internationale n’y échappe pas non plus d’ailleurs. Sensacionalista est au diapason avec son époque, ni le Pape François, ni Mark Zuckerberg ni Netflix ne passent entre les mailles des scribes de ce blog satirique.

Le nom du site – sensacionalista – cache un double jeu de mots : à la fois satirique et innovant puisqu’il renvoie à un type de journalisme dit « de caniveau » en même temps qu’il exprime l’idée de quelque chose de … sensationnel.

Sensacionalista est la copie exacte du Gorafi français. Humour, information à contresens et parfois nonsense, analyse à contre-emploi, titres complètement absurdes, mais jamais en économie d’humour, le site fait le bonheur des « facebookeurs » et des « twittos ». Morceaux choisis :

Un terroriste abandonne l’EI après avoir découvert une Campus Party

Bah, oui, parce que c’est bien mieux que 72 vierges dans l’au-delà, un terroriste a abandonné les ceintures truffées de C4 pour une Campus Party Brasil. On raconte que 101 % des 160 000 personnes qui y vont sont… vierges. Mais, « pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt », s’interroge l’ancien terroriste, Muhammad Al Tarado*. Encore un échec pour la CIA, et le Brésil qui devient un acteur clé des résolutions de conflits mondiaux…

Plus de temps sur Whatsapp qu’au volant… pendant qu’ils conduisent

Ça paraît absurde mais si on y pense bien – vraiment bien – ça a du sens. Donc, les brésiliens passeraient plus de temps sur l’application Whatsapp qu’au volant de leur voiture, même quand ils conduisent. C’est à dire que même aux feux rouges, les brésiliens ont les yeux scotchés sur l’écran et les doigts qui tapotent. La grande leçon de l’étude: les brésiliens abandonnent progressivement Facebook pour Whatsapp. Merci qui? Heu, personne en fait…

Facebook ou Faceboo?

En parlant de Facebook, Zuckerberg aurait eu la brillante idée – à une lettre près – de créer un nouveau réseau social pour les gens qui sont déjà décédés. Au lieu de Facebook, ces « nouveaux internautes » pourront s’abonner à Faceboo, explique le site Sensacionalista. N’est-ce pas sensationnel ?

Féministe, végane et mariée avec un concombre

Capture d'écran du site Sensacionalista
Capture d’écran du site Sensacionalista

Une féministe, Julieta Simone – une référence à Simone de Beauvoir? – décide de se marier avec un bout de concombre. Végane, elle pense que cet étrange objet de couleur verte synthétise tout ce dont elle a besoin pour vivre. Suis-je le seul à sentir du piquant dans ce mariage?

Le Pape François et le nouveau Messie

Capture d'écran du site Sensacionalista
Capture d’écran du site Sensacionalista

La réforme de la curie romaine ne fait déjà pas rire les cardinaux de l’Eglise catholique, à cela s’ajoute le nombre incalculable des déclarations polémiques du Pape François. Entre les « Qui suis-je pour juger » en se référant aux homosexuels (pardon, mais vous êtes peut-être le Pape, non?);  les « N’oubliez pas de prier pour moi » ou encore la  » ‘mexicanisation’ de l’Argentine« , François montre qu’il a encore de la ressource. D’où cette dernière sortie médiatique dans laquelle il confirme que le Brésilien Inri Cristo qui se dit l’incarnation de Jésus serait effectivement la deuxième incarnation du Messie telle que prévue dans les saintes Ecritures.

Netflix à bon port…

Capture d'écran du site Sensacionalista
Capture d’écran du site Sensacionalista

Y a-t-il un port près de chez vous ? Sinon, passez votre chemin. Mais si c’est le cas et que vous êtes geek-sériephile, votre rêve le plus fou va enfin se réaliser. Car selon Sensacionalista, Netflix a décidé de lancer un coffret de BVDs avec toute son offre de séries et de films… le tout vous sera livré par container dans votre ville. Imaginez de pouvoir exhiber une collection de toute l’offre de Netflix à vos amis. Eh oui, l’innovation ne s’arrête jamais chez Netflix.

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* Tarado, en argot brésilien veut dire obsédé sexuel…

Retrouvez tous les articles de Sensacionalista

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Brésil, quartier libre

Sept ans, c’est beaucoup. Sept ans que je vis en terra brasilis en toute sécurité et dans l’exercice pleine de mes libertés individuelles. Jamais encore, je n’ai vu personnellement un crime de grande envergure, jamais une arme n’a été pointée sur ma tempe. Pourtant, le ministère des Affaires étrangères de la République française classe le Brésil dans la catégorie « vigilance renforcée, zones déconseillées » des pays à éviter. 

Les classements doivent toujours être relativisés. Qu’il s’agisse des classements des meilleures universités comme celle de Shanghai – mais sur quels critères? – ou le classement des pays les plus riches – mais quelle richesse? – , ou encore le classement des pays libres – quelle liberté d’expression?

Personnellement, je préfère me fier à l’opinion de personnes qui y vivent plutôt qu’à l’évaluation de quelque agence internationale quand bien même ces résultats font l’objet de réelles enquêtes de terrain. Cependant, le quotidien est bien plus complexe qu’une simple carte interactive présentée sur le site des Décodeurs du journal Le Monde.fr.

J’ai déjà écrit sur ce blog qu’au Brésil, quand il s’agit de mort violente, les Noirs mourraient bien plus que les Blancs. Et souvent, ils sont victimes de bavures policières de telle sorte que le Brésil n’est pas très différent des Etats-Unis à l’échelle du rapport race-assassinat-violence policière.

https://pt.wikipedia.org/wiki/Ficheiro:Tropa_de_choque_em_S%C3%A3o_Paulo_1.jpg
La troupe de choc de São Paulo – crédit photo: Gabriel Vinicius C. | wikimedia commons

Les stéréotypes « aidant », la police est plus répressive envers les jeunes des quartiers pauvres – les fameuses favelas – qui arborent leur bermuda, torse nu, s’adonnant à un curieux hobby qui consiste à « envahir » les shoppings centers réservés habituellement à la classe moyenne.

Il y a des signes qui ne trompent pas. Et paradoxalement, il est tout aussi facile de se fondre dans la masse. Je ne me balade jamais en bermuda de peur d’être confondu à un « marginal« .

Je ne sais pas dans quelle mesure, cette précaution est une forme de prudence ou si elle contribue à reproduire des préjugés. Mais, le fait est que cela fonctionne.

Dans certaines villes, comme à João Pessoa, la police n’effectue jamais de contrôles, ce qui n’est pas le cas des autres grandes villes. A Belo Horizonte, par exemple, les Noirs sont systématiquement fouillés… sans discrimination dans cette branche ethnique.

Les dernières statistiques officielles informent que João Pessoa serait la ville la plus violente du Brésil. J’avoue pour ma part ne pas voir cette violence au quotidien. Comme j’ai dit, les statistiques doivent être relativisées. Peut-être qu’elle est effectivement violente proportionnellement au nombre d’habitants : 67 homicides pour 100 000 habitants selon les données officielles.

Ce qui place João Pessoa comme la neuvième ville parmi les plus violentes du monde. Mais encore une fois, cette violence est concentrée dans des quartiers que je ne fréquente pas, la violence urbaine est ghettoïsée. Il y a aussi la question de la proportion comme je l’ai déjà écrit.

Une chose est la violence urbaine réelle, une autre en est l’impression ressentie par les habitants. Or, les statistiques ne montrent pas cette différence.

Comment peut-on comparer la violence urbaine à Rio de Janeiro et João Pessoa ? N’est-ce pas à Rio qu’un hélicoptère de la police civile a été abattu par des trafiquants de drogue ? Alors, oui, croyez aux chiffres que vous voulez…

Il y a aussi la question des journalistes. C’est encore à Rio de Janeiro qu’un journaliste de la chaîne de télévision Band TV a été tué alors qu’il couvrait une manifestation. A bien des égards, le Brésil peut être aussi dangereux pour les journalistes qu’un pays en guerre.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Protesto_SP_(3).jpg
Un photographe est blessé lors d’une manifestation au Brésil | Gianluca Ramalho | wikimedia commons

Je ne veux évidemment pas contredire les statistiques officielles, encore moins décourager les touristes – ça, le ministère français des Affaires étrangères s’en charge déjà très bien – mais il est préférable à mon avis de visiter des villes du Nordeste plutôt que São Paulo ou Rio de Janeiro.

Hélas, je n’ai ni les moyens ni le statut pour lutter contre des statistiques…

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Avez-vous vu « W. » d’Oliver Stone?

Je continue d’essayer de comprendre les événements contemporains malgré le brouillard médiatique qui nous empêche d’y voir clair. Et cette quète m’a mené vers un film méconnu du grand public – eh oui. Je ne sais pas dire pourquoi, mais ce film est difficile à trouver même en streaming. J’ai regardé le « W. » d’Oliver Stone et c’est à peine si je n’en suis pas sorti complètement « stone » tant le burlesque se mêle paisiblement à la tragique réalité que fut l’administrationn Bush.

Oliver Stone a toujours été un cinéaste atypique, complètement en marge de la logique patriotique des studios et parfois complaisante dans leur approche de l’histoire. Certains ont encore en mémoire l’incroyable film à succès portant sur la mort de JFK. D’autres se rappeleront de Platoon, peut-être le meilleur film sur la guerre au Vietnam. Stone porte sur grand écran des faits d’un réalisme absolu comme ces multiples scènes où l’on voit les boys fumer des joints sur le bout des canons de leurs mitraillettes…

C’est qu’Oliver Stone a vu la boucherie de très près. Il y a été au Vietnam, ce qui a forgé son caractère tout comme son anti-militarisme. La guerre n’est jamais que la manisfestion de la bêtise humaine servant aussi à rappeler que les hommes ne sont pas des dieux. On peut le lire dans les mémoires de Eugene Sledge, dont est adapté The Pacific, la série culte de HBO co-produite par Steven Spielberg et Tom Hanks.

Récemment, Oliver Stone a réalisé une contre-histoire de l’Amérique dans un documentaire fleuve de dix épisodes. Au boud de ce marathon, on se rend vite compte que la première puissance mondiale a souvent été gouvernée par des hommes médiocres. Sur la vidéo suivante, on le voit notamment critiquer Hollywood:

Le mandat de Barack Obama touchant bientôt à sa fin sans que ce dernier nous ait legué un grand héritage – loin s’en faut – , il est peut-être temps de commencer à tirer les leçons de histoire récente. Car oui, l’histoire des Etats-Unis nous concerne tous.

Selon ce que l’on peut voir, à cette distance des prochaines élections, l’Amérique peut-être obligée à choisir entre Hillary Clinton et… Jeb Bush. Je vais vous surprendre, mais j’espère que le cadet Bush sera élu à la place de madame Clinton qui représente, à mon humble avis, ce qu’il y a de plus rétrograde dans la classe politique américaine.

Un élément joue en faveur de Jeb Bush. Il marié à une méxicaine et comprend les exigences du monde actuel. C’est peu, oui. Mais, c’est toujours mieux que d’avoir madame Clinton, symbole du nombrilisme washingtonien à la tête de la plus grande armée du monde. N’essentialisons rien pour autant. Etre une démocrate ne fait pas d’Hillary Clinton une bonne politicienne, a priori.

Mais revenons donc à W., le biopic décapant d’Oliver Stone dans lequel Josh Brolin campe l’ami « George ». On découvre ainsi un côté virile jusque là insoupçonné chez l’ancien président.

 Le W. d’Oliver Stone, que l’on peut regarder en streaming gratuit sur ce lien,  est tellement diffcile à trouver que je me suis demandé s’il n’avait pas été en quelque sorte censuré. Cela ne m’étonnerais guère tant le sujet est sensible même dans une démocratie comme les Etats Unis. Chacun sait que même le très grand Martin Scorsese a vu son documentaire sur Bill Clinton être barré par le cercle fermé du couple présidentiel… Hillary sera bientôt en campagne.

Oliver Stone dresse le portrait d’une famille qui se prend pour le coeur de l’Amérique, le père Bush reprochant à son fils « de se comporter comme un Kennedy » – entendez par là un libertin immoral. Énorme !

Il faudra voir aussi la conversation entre W. et le prédisent Chirac à l’apogée de l’imbroglio diplomatique entre la France et les Etats Unis…

Au-delà de cela, les Bushs considèrent le « cas Saddam Hussein » comme une affaire de famille, le fils ayant juré « de venger le père humilié par Clinton mais aussi parce qu’il est faible ». George prend soudainement conscience de sa force et de l’appel divin qui lui réserve un grand destin.

Et la guerre d’Irak dans tout ça? Elle est à la fois la volonté de Dieu, une vengeance familiale et le fait de la cupidité des conseillers qui ne visent que le pétrole. On y apprend même que l’Iran était dans les « dossiers de guerre »…

On y voit surtout un homme qui à quarante ans est en train de rater sa vie. Il rentre en politique par hasard ou par vanité, ce ne sera jamais assez clair. Mais la leçon de ce film, et il y en a, c’est que W. Bush est une force de la nature. S’il désire quelque chose, il l’aura. Bush est un combattant, et son meilleur ennemi, c’est avant tout son père. Leur relation est freudienne. C’est hallucinant !

W. Bush est tellement humilié par son père – qui lui préfère Jeb – qu’il en fait sa force. Cela explique l’incroyable capacité du président à résister à l’impopularité au début de l’engagement en Irak.

Alors que les Oscars sont encore d’actualité en ce mois de fevrier, et que pas plus tard qu’hier je demandais à mes followers quel film amércain avait l’aura de Titanic sur ces dix dernières années, je me risque à dire que l’improbable biopic de Oliver Stone aurait pu tenir ce rang si seulement il avait été diffusé comme il le méritait.

Il est évidemment tard pour se lamenter. Bush est passé, Saddam Hussein aussi, l’Irak ne sera jamais qu’un pays du tiers-monde selon Francis Fukuyama, et Barack Obama termine une présidence sans tambour ni trompette. Reste donc à espérer que les américains choisissent un président décent la prochaine fois…

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Malcolm X sur le banc des accusés: une biographie polémique sème le doute

Tout d’abord, mea culpa car je n’ai évidemment pas lu le livre historique et biographique de Manning Marable sur la vie de Malcolm X. Une oeuvre couronnée du prix Pulitzer (2012). Mon commentaire est donc uniquement basée sur la lecture d’articles de presse sur le livre en question. Je suis assez choqué tant par la démarche politique de l’historien que par quelques failles méthodologiques présentes dans l’ouvrage.

J’ai lu l’autobiographie co-écrite par Malcolm X et Axel Haley mis en cause par Manning Marable dans sa nouvelle biographie. Pour ma part, je considère l’autobiographie de Malcolm X comme une oeuvre majeure de la conscience noire, et bizzarement ce n’est pas la « violence et l’agressivité » contenues dans l’oeuvre qui me fascinent. Loin s’en faut; j’ai été frappé par l’esprit tolérant que l’on découvre au fil des pages de telle manière que la vie de Malcolm X s’apparente à une évolution spirituelle lente, mais rassurante vers le respect et la tolérance de l’autre.

Le scandale sexuel

Sa rupture avec Elijah Muhammad me paraît une évidence tant Malcolm X opère une évolution politique et morale qui finit par le rapprocher des penseurs comme Frantz Fanon ou autres NKrumah. Dans son livre, Manning Marable présente cette rupture comme l’effet d’une jalousie sexuelle… Pourquoi pas? Mais est-ce bien là l’essentiel? 

Selon cet historien métis – c’est important de le souligner – la vie sexuelle de Malcolm X aurait la même importance dans l’héritage politique légué par ce dernier au même titre que son parcours de résistant. Voilà un raccourci dangereux mais qui reste dans l’esprit de notre époque où l’on s’intéresse plus au scandale sexuel qu’à la valeur humaine et politique des individus. La preuve en est faite dans l’affaire DSK et du Carlton transformée en une chronique porno-politique de la France contemporaine … C’est regrettable!

Personnellement, cela ne m’intéresse pas si Malcolm X était homosexuel ou bisexuel, je ne vois pas en quoi cela rajoute ou retranche de la valeur politique de son oeuvre. Il est un fait que les africains sont généralement contre l’homosexualité, ce qui ne fait pas d’eux des homophobes. Je pense qu’il s’agit d’un conditionnement social. Tant et si bien que la plupart d’africains que je connais finit par accepter de vivre en harmonie avec des homosexuels une fois qu’ils sont intégrés dans les sociétés comme le Brésil.

Donc, que les africains ou les noirs en général préfèrent masquer l’homosexualité de Malcolm X ne m’étonne pas. Mais en quoi cela influence notre compréhension du racisme aux Etats Unis? Car c’est bien là que réside l’intérêt de lire Malcolm X.

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Billie Holiday , crédit photo: William P. Gottlieb | wikimedia commons

La démarche de Manning Marable (je le rappelle selon les articles de presse que j’ai lus) consisterait, par exemple , à nous dire que Strange fruit de Billie Holiday est une oeuvre dont la rénommée est construite sur un mythe puisque Lady Day se « shootait »… c’est absurde !

Les archives du FBI

Là où je suis resté le plus dubitatif, c’est quand j’ai lu que le livre de Manning Manable est écrit sur la base de plus de 6000 pages d’archives du FBI.

Excusez-moi, mais j’ai envie de rire. Ok, c’est un grand historien, mais peut-on vraiment considérer les archives du FBI de l’époque Hoover comme des sources historiques crédibles? Chacun sait les pratiques du « bureau » à l’époque de J. E. Hoover, et sinon, on peut voir le film de Clint Eastwood pour s’en convaincre. On sait ce qu’Hoover a inventé et créé sur ses potentiels adversaires – parmi lesquels les Kennedy – , on connait son obssession pour les noirs qui militaient pour les droits civiques. Voir, par exemple, les archives du FBI sur Marcus Garvey.

Il est vrai aussi que Manning Manable critique ces mêmes pratiques de pression exercées par le FBI, mais pourtant, il en fait également l’un des éléments clés de sa biographie. Ce qui est pour moi très grave et, à la limite, détourne l’attention sur l’essentiel; à avoir le symbole de la lutte pour les droits civiques que représente Malcolm X.

Chacun est évidemment libre de prendre pour argent comptant le livre de Manable, mais je conseille aux jeunes noirs et africains de lire l’autobiographie de Malcolm X et de s’informer comme ils peuvent, mais surtout de garder à l’esprit l’essentiel: que Malcolm X a énormement contribué à la construction de l’auto-estime du peuple noir.

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Crédit photo: Marion S. Trikosko | wikimedia commons

Pour finir, un mot sur le faux débat sur la non-violence dans les mouvements de lutte pour l’émancipation. On ne dira pas ici que Gandhi a plus de mérites que le Malcolm X qui révendiquait l’usage de la violence – car après, il a changé – , ou que Fanon est moralement inférieur à Gandhi puisqu’il défendait la nécessité d’une action par les armes (d’où l’influence de Frantz Fanon dans le mouvement d’indépendance en Algérie). La vraie démarche consiste à savoir quelle action est adaptée à tel ou tel contexte politique et social.

Actualisation du billet: J’ai retrouvé un texte du professeur camerounais Achile Mbembe sur le site du Monde diplomatique. A lire ici.

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Huit choses que les Brésiliens ne font qu’au Carnaval

É carnaval ! Cette simple exclamation veut dire en dialecte carioca : « Dieu est mort, tout est permis ».  C’est le carnaval, tout est permis ! Les rois et les dieux sont morts, les interdits sociaux et les tabous n’existent plus. Les hommes peuvent se travestir librement sans craindre un jugement moral de la société, la petite blanche peut coucher avec le beau mec noir de la fac que son père lui défendait de voir en temps normal. Voici une liste non exhaustive des « 8 choses »que les Brésiliens ne font qu’au Carnaval.

Le Carnaval de São Paulo est fini, celui de Rio va gagner en spectacle… et en rondeur. C’est parti pour la liste:

1. Ils font l’amour

C’est curieux comme pendant l’année le ministère de la Santé oublie que les gens font l’amour, qu’ils attrapent le sida et autres MST. Je m’étonne toujours de la quantité de publicités qui encouragent l’usage des préservatifs pendant la période du carnaval. Zéro campagne pendant l’année et hop, une pollution publicitaire sur mon fil d’actualité Facebook en février. Comme si cela pouvait changer les comportements. Faut croire que les Brésiliens ne font l’amour que pendant le carnaval.

2. La petite Blanche te regarde… enfin! 

Tu arrives au Brésil en bon Africain. Ton rêve le plus fou, c’est déguster une petite Blanche. Elle n’a pas les grosses fesses que tu aimais au pays hein (quoique…), mais voilà, elles sont blanches. Donc… Mais malheureusement , tu vas vite découvrir qu’une petite Blanche brésilienne ça ne regarde pas un Noir. C’est une question de standing. Si tu veux ta chance, attends le carnaval quand tout le monde est fou. Même elle. Tu pourras te la faire, et personne ne le lui reprochera : « C’est le carnaval », qu’elle dira… É Carnaval !!!

3. Les ethnies se mélangent

Je n’ai que des amis noirs. Et alors, quoi ? Tu te crois en France ? C’est pas parce que tu fais médecine et que tes collègues sont tous blancs et riches que tu vas te faire un tas d’amis blancs. La démocratie raciale au Brésil, ça n’existe que dans les livres de Gilberto Freyre. Sauf au carnaval où toutes les ethnies se mélangent dans le grand sambodrôme de Niemeyer. C’est un peu comme Disney Land, c’est pas la réalité mais on paye pour voir…

4. La police te laisse tranquille

Si tu es noir – comme moi –  et que tu aimes te balader torse nu dans la rue – comme un de mes potes – , en bermuda qui plus est, tu peux être tranquille. La police va enfin te laisser en paix, tu ne seras pas contrôlé au carrefour comme un malpropre. Ah, oui. Au Brésil, un Noir, torse nu et en bermuda c’est forcément un bandit… dans la tête du policier bien sûr. Mais pendant le carnaval, ça passe. Et tu sais pourquoi ? Eh ben, parce que les petits Blancs sont torse nu eux aussi… Mais attention, cela ne dure QUE trois semaines.

5. Les filles sont vraiment nues

Une légende mondiale dit que les Brésiliennes ne s’habillent que rarement. Eh ben, ça reste une légende. Tu seras surpris de constater en arrivant que les Brésiliennes restent des femmes très pudiques et sensibles. Mais on n’ose pas le leur dire… Pendant l’année, figure-toi que les Brésiliennes s’habillent comme des filles « normales »; c’est à dire comme les Espagnoles, les Allemandes, les Sénégalaises, les Américaines ou les Françaises (euuuuh, non… quand même pas). Bref, le carnaval est l’occasion rêvée de voir quelques bonnes paires de fesses et des poitrines siliconées (et pas qu’à la télé)… alors, viva Rio !!!

6. Ils aiment la samba

Une question que l’on te pose souvent à l’ambassade du Brésil avant ton voyage: vous aimez danser? La samba, ça vous dit? Hum, comme si pendant l’année les Brésiliens mourraient franchement de passion pour la samba. Qu’on ne vous trompe pas. Voici en gros les styles musicaux que les Brésiliens écoutent pendant l’année: rock, sertanejo (espèce de country music avec cheval et bottes de cow-boy et tout… ), MPB et évidemment du funk carioca… Tu sais ce que c’est? Non? Pas grave, regarde ça :

7. La femme «facile»

Tu te dis que tu vas arriver au Brésil et qu’à ta première semaine, tu auras déjà dix noms dans ton compteur. Tu rêves mon grand. Les Brésiliennes aiment les mecs qui parlent… portugais. Bah oui, évidemment ! Alors tu peux commencer à faire le compte; en combien de temps es-tu capable d’apprendre le portugais ? Tu sauras que le meilleur investissement pour se taper une Brésilienne consiste à acheter un dictionnaire de portugais facile. Sinon, tu vas économiser tes « substances »… Mais, pendant le carnaval, tout est possible… Je viens d’acheter mon mini Larousse d’Espagnol. Sait-on jamais ?

8. Les hommes se «travestissent»

https://www.flickr.com/photos/phzioli/3314495035/sizes/z/
Des hommes déguisés en femmes pour le carnaval – Crédit photo : Paulo Henrique Zioli | Flickr.com

Pour conclure cette liste des « 8 choses », c’est une spécialité des Etats du Nord et « Nordeste » brésilien. Le fameux Bloco das virgens Une fête très particulière pendant laquelle hommes et femmes échangent leurs rôles sociaux et surtout leurs vêtements. Je ne saurais vous dire si la tradition va jusque dans les vêtements intimes, mais le résultat visible est assez frappant et peut en étonner plus d’un. Surtout ceux-là qui viennent des pays les plus conservateurs. J’avoue que c’est assez drôle de voir à quoi ressemblent les cuisses de son voisin de palier (voire même, ses petites fesses plutôt raides… ). C’est aussi l’occasion de  savoir si la jeune bombe du coin serait belle même avec une moustache sous le nez…

 


Comment « l’affaire Petrobras » a eu raison de Dilma Rousseff

La stratégie de faire tomber Dilma Rousseff pendant la Coupe du monde a lamentablement échoué. Les brésiliens ont préféré regarder les matchs à s’occuper d’une révolution sans tête ni queue. Celle-ci pouvait attendre, le gouvernement du Parti des travailleurs (PT) n’est-il pas autodestructeur? Le scandale du groupe Petrobras a reveillé les vieux spectres et Dilma Rousseff n’a pas résisté. C’est un vieil habitué des palais qui revient à la tête du Brésil.

Les yeux dans les jumelles…

Janvier 2015. Les cadres du PT ne supportent plus la paranoïa de la présidente Dilma surtout qu’elle est mal canalisée. Voyez bien, pendant que la droite et l’extrême droite se mobilisent pour faire capoter ce deuxième mandat qui commence décidément très mal, Dilma Rousseff a la tête ailleurs.

Plutôt les yeux ailleurs. Elle est concentrée, les globes oculaires dans ces jumelles qu’elle s’est procurées auprès du général des forces armées terrestres. Elle est obssédée par son petit jardin dans l’arrière-cour du Palácio du Planalto, la maison blanche brésilienne. Elle surveille de près les manguiers plantés par l’ancien président Kubitschek. Elle guette le premier venu qui essayerait de voler quelques mangues. Dernièrement, l’une de ses conseillères a été virée illico pour avoir osé cueillir le fruit interdit.

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Navy binoculars – crédit photo: Airman Ricardo J. Reyes | Wikimedia commons

Mais le problème est ailleurs. Les conseillers sont désespérés puisque madame Rousseff « ne pense qu’aux grands arbres ». Et quand on le lui reproche directement, la présidente distribue des coups de pied aux tibias des récalcitrants… souvent, elle préfère frapper du pied sur les portes du palais. D’ailleurs, le personnel l’a surnommé « Rainha Marta« * à cause de son talent avec les deux pieds.

Bref, le problème est encore ailleurs. De toute façon, on sait pertinemment que les présidents ont leurs petits défauts: Kennedy était bien un adepte des partouzes en compagnie de Frank Sinatra, Lyndon Johnson lui aimait déféquer devant son personnel… heu, je m’égare un peu là.

Et puis, des excentricités, le protocole brésilien en a vu. Comme cette fois où, en marge d’une réunion à l’Elysée, Lula a fait demander une tapioca; mais cela reste raisonnable en comparaison avec cette « obssession des arbres » de madame Rousseff.

Encore une fois, la pression était trop forte. Il y a donc ce scandale du groupe Petrobras qui n’en finit pas tremper encore plus les proches du gouvernement dans le déshonneur. Au Brésil, à chaque gouvernement suffit son scandale. Mais, il n’est pas certain qu’une présidente sans charisme survive dans ces eaux troubles.

Les poids lourds du parti se sont lassés de cette « présidente faible » qui ne maîtrise rien de la Real politik, sans jeu de ceinture, elle n’a pas pu empêcher l’incarcération de José Dirceu, ce proche de Lula da Silva dont on dit que c’est lui qui gouverne véritablement le Brésil. Ce faucon a déclaré en privé que « le PT n’a pas un projet politique , mais un plan de pouvoir ».

Une affaire de barbe…

Ce pouvoir se voit aujourd’hui menacé, donc des mesures drastiques s’impsosent. Surtout que de son côté, Aécio Neves a compris qu’au Brésil, l’apparence compte plus que les projets politiques ou les notes « AAA » des agences internationales. Il trimbale désormais sa barbe de trente jours, « lulesque ». Ses électeurs qui démonisent tellement Lula sont choqués, mais ça marche puisqu’Aécio a désormais une tête de président…

https://blogdomagnodantas.blogspot.com.br/2015/01/aecio-neves-adota-barba-em-novo-visual.html
Le nouveau look d’Aécio Neves

… peut-être pas encore finalement.

La machine-PT est en marche. L’idée étant de pousser la présidence à rénoncer d’elle-même parce que la procédure judiciaire est trop compliquée. Voici ce que la loi dispose à ce sujet:

La plainte peut être valable pour crime de droit commun, le crime de la responsabilité, abus de pouvoir, la violation des règles constitutionnelles ou violation des droits en vertu de la Constitution.

Difficile de prouver qu’elle ait eu un vrai rôle dans l’affaire du scandale de Petrobras;  c’est néanmoins la démission de son amie intime Graça Foster qui porte un coup fatal à son image. Mais qu’importe, les cadres demandent sa tête. Lula a même parlé d’un plan au vice-président de la République, Michel Têmer:

– Michel, j’avais confiance en Dilma mais elle me déçoit. Il va falloir que tu la remplaces. Parce qu’elle va rénoncer dans un an. Je compte sur toi, hein. En 2018, je reviens tranquilement, les sondages sont avec moi. Et puis, tu as vu le petit Aécio, il pense vraiment que c’est ma barbe qui a fait avancer ce pays, hein.

– Sim presidente**. De toute façon moi et mon parti, on est toujours là depuis 1994. Nous, vous savez, c’est comme les journalistes. Vous passerez tous et on sera toujours là puisqu’on tient le parlement. La presidence ne nous intéresse pas, on préfère rester dans l’ombre, au PMDB.

Le double jeu de Lula pour remplacer Dilma Rousseff

Le même jour, Lula a pris le soin de téléphoner personnellement Aécio Neves pour le convaincre de ne pas forcer un impeachment au Parlement, il le rassure que Dilma s’en ira (ce qui pour lui reduirait l’humiliation de la défaite subie en 2014) dans un an.

En public, on dira que c’est grâce à Aécio: « Donne-moi une année, Aécio. après tu fais ce que tu veux. Et je ne me représenterai pas en 2018, tu auras ainsi la voie libre. Michel Têmer ne fera pas le poids contre toi« .

Lula connait bien Aécio Neves pour l’avoir rencontré gamin dans les bureaux de son grand-père à Minas Gerais. Ce dernier n’a jamais regardé au-delà de son orgeuil personnel. Il déteste tellement Dilma Rousseff qu’il ne s’imagine pas un instant que Lula et Têmer puissent le piéger. Son parti pourrait bien l’aider, mais ils sont en guerre ouverte depuis des années. Notamment avec le gouverneur de São Paulo qui se voit aussi président…

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P.S: Bien que certaines anecdotes reprises dans ce billet proviennent d’une source sûre? proche d’une personne très proche du PT, ce billet reste une fiction.

* Reine Marta, le surnom de la footballeuse 5 fois ballon d’or féminin FIFA.

** Oui, président, en portugais.


Robert Kidiaba, l’idole d’un club aux supporters racistes?

Cher Roberto,  puisque c’est comme ça qu’on t’appellera bientôt si tu décides, comme on peut le lire dans des médias sérieux, de venir faire un pige de quelques mois à Porto Alegre au sein du club azul de Grêmio. Sais-tu au moins dans quelle galère tu t’enfonces? As-tu été bien conseillé? Je sais bien que les sportifs congolais ne sont pas réputés pour avoir des bons souffleurs de sagesse accrochés à leurs oreilles, mais j’insiste: sais-tu dans quelle galère tu entres?

Tu sais « Roberto », lorsqu’en 2010, ton équipe le TP Mazembe a humilié l’Internacional de Porto Alegre, frère ennemi du Grêmio, on n’imaginait pas que tu deviendrais par la même occasion l’idole d’un des plus grands clubs de football d’Amérique latine (évidemment, après mon eterno Corinthians…).

Les Colorados [à cause de leur uniforme rouge] – oui, c’est comme ça qu’on appelle les supporters d’Internacional – te détestent. Ils te détesteront encore plus si tu décides de signer au Grémio, l’éternel rival. Le frère ennemi donc, comme je le disais.

Et laisse- moi te dire, « Roberto », que tu as choisi le mauvais frère. Dans cette affaire de pige que l’on annonce… que dis-je, que tu annonces toi-même sur Whatsapp, il me semble que ton rêve pourrait vite se transformer en cauchemar.

Car, mon cher compatriote, tu t’apprêtes à signer pour un club dont les supporters sont réputés racistes.

Sais-tu par exemple, qu’ Aranha, gardien de but de Santos, le club formateur de Neymar et Pelé, a connu sur la pelouse du nouveau Arena Grémio, le pire moment de sa carrière, lorsque des supporters l’ont pris à partie à cause de la couleur de sa peau? [VIDEO]

Et laisse-moi te dire, cher « Roberto », qu’Aranha n’est pas plus « clair » que toi. Ou plutôt que toi, tu n’es pas plus « clair » que lui. Certes beaucoup de Noirs ont joué pour Grémio, Ronaldinho est le plus connu des tous, Zé Roberto (tiens, vous portez le même prénom, c’est peut-être un signe du destin) en est un autre. Mais à Porto Alegre, il n’est jamais facile d’être Noir.

Ok, j’apprends aussi que tu aimes beaucoup Gramado, cette petite ville du sud que l’on nomme A Alemanha do Brasil [l’Allemagne du Brésil en portugais], mais tout de même, tu n’auras pas la vie facile là-bas. Quand bien même tu y rencontrerais beaucoup de Congolais; j’en connais personnellement, je pourrais même te les présenter si tu le souhaites.

Voilà, en 2010, tu as ridiculisé le grand Internacional, le club formateur de Pato. A chaque occasion qui se présente, les Colorados souffrent d’entendre leurs rivaux prononcer ton nom : « Kidiaba ». Ce rappel que la défaite en Coupe du monde des clubs fut la plus grande humiliation de l’histoire sportive du Brésil. Enfin, ça, c’était avant le fameux 7-1 importé directement chez nos amis allemands

Mais, ne parlons pas de ce qui pourrait nous faire du mal. La blessure n’ayant toujours pas cicatrisé…

Tu n’as jamais évolué au Brésil, mais ici tout le monde te respecte. Alors pourquoi risquer de briser ce mythe lointain ? Ton nom évoque une danse, celle des fesses – sacrés abdominaux mon cher Kidiaba-, souhaitons qu’il entre un jour dans les dictionnaires du monde entier, un peu comme le verbe « Zlataner« . Les générations futures diront ainsi : « Celui-ci a fait une kidiaba », « celle-là est une spécialiste de la kidiaba ».

Reste « chez nous » Kidiaba. Profite de ta retraite, ne viens pas au Grémio, car ses supporters ne te méritent pas. Encore moins ses dirigeants. Un ancien président du club n’a-t-il pas déclaré que « les chants racistes faisaient partie du folklore du football »? Et tu sais bien que dans le football, les traditions ont la peau dure…

Cher « Roberto », je vais m’arrêter ici, pour te laisser fêter cette belle victoire sur nos frères équato-guinéens avec lesquels je suis solidaire suite à la vague raciste dont ils sont aussi victimes à cause des violences du match contre le Ghana…

De ton côté, pense bien, cher Robert Kidiaba. Ce succès qui est le tien, mérite-t-il d’être confronté à l’implacable racisme d’une bonne partie du public de Grémio?

Et si par hasard tu décidais de venir malgré mes avertissements, rassure-toi, il y a au moins une chose que tu auras le bonheur, j’en suis sûr, de connaitre, la fameuse avalanche des supporters du Grémio. C’est une sorte de danse synchronisée exécutée dans les tribunes que l’ont peut voir chaque fois que cette équipe marque un but… juge plutôt:

Bises…

@sk_serge 

 


J’ai changé d’avis sur la CAN 2015

Non, ce billet n’est pas une traduction de l’article d’Emily Nussbaum (@emilynussbaum) du New Yorker, elle aussi victime de sa propre précipitation – ô vanité – comme moi; ce qui l’avait obligée à se rétracter publiquement et reconnaître la qualité de la série de Steven Soderbergh – The Knick – dans un article qui entrera dans les annales de l’humilité journalistique: I change My mind about « The Knick« . 

Apprentis journalistes, apprentis blogueurs, apprentis sorciers, on vous a dit à l’école de journalisme, du blogging ou de la sorcelerie qu’un vrai professionnel ne change pas d’avis, qu’il ne se trompe jamais. Que se tromper et reconnaître son tort c’est courir le risque de perdre toute crédibilité… balivernes !

Il y a des occasions où changer d’avis vous grandit. C’est comme le disait un poète célèbre pour ses films d’action, Jean-Claude Van Damme: « seuls les idiots ne changent pas ». Et comme je ne suis certainement pas un idiot et que je me noie franchement dans mon intelligence… remarquez, je ne sais pas nager. Bref.

Oui, tout est affaire d’humilité. L’humilité d’un blogueur qui s’acharne contre une Coupe d’Afrique des Nations à laquelle il ne trouve aucune qualité (ça c’est moi);  ou celle d’une journaliste qui s’attaque sans réserve à un chef-d’oeuvre sérielle (ça c’est Emily).

Mais, pour ma défense, je ne suis qu’un pauvre blogueur sans influences…

Je ne me tromperai pas si j’affirmais être l’un des critiques les plus féroces de la CAN 2015 et même de la RD Congo. Mon pays n’a-t-il pas livré le match nul le plus nul de l’histoire des coupes d’Afrique?

Ce dimanche encore j’écrivais ceci sur ma page Facebook:

Encore une fois, je reviens sur cette affaire de calendrier de la ‪#‎CAF‬. Il me semble nécessaire d’ouvrir un débat sur l’organisation de la ‪#‎CAN‬ en juillet. Lors du premier match de la ‪#‎RDC‬, se jouait à la même heure City – Arsenal. Inutile de vous dire quel match j’ai regardé. Aujourd’hui, de nouveau la RDC joue… en Europe, il y a Chelsea – City, Real Madrid C.F.– Real Sociedad… Le football, ce n’est plus une question de patriotisme monsieur ‪#‎Hayatou‬ , alors quand vous mettez votre propre compétition en concurrence avec les meilleurs championats du monde, c’est dire si vous vous fichez du monde. Personnellement, j’aime le beau jeu… je ne regarderai donc pas la ‪#‎CAN2015‬ aujourd’hui.

Bon, voilà. Non seulement j’ai regardé le match, mais en plus j’ai aimé. Je demande publiquement pardon comme Emily. Si elle l’a fait, pourquoi pas moi? Mais, sur cet aspect du calendrier, je signe.

La RD Congo a toujours été un pays atypique. En 1998, au Burkina Faso, nous avions renversé la situation en trois minutes inscrivant 3 buts. Du jamais vu dans le football professionnel. Mais comme le dit un célèbre chanteur congolais JB Mpiana, « RDC eza eloko ya makasi »*.

Les situations impossibles, ça nous connait. Et voici donc que dans une CAN marquée par son austérité, la RDC inscrit 4 buts en 30 minutes. Il y avait 5 % des chances que cela arrive dans cette CAN. Fini aussi, le mythe du sorcier blanc.

Nous sommes en demies finales, Kabila est content, Vital Kamerhe est contrarié et me voici donc reduit à faire l’éloge d’une compétition qui a vécu sa seconde vie dès l’instant où le ghanéen Gyan a inscrit ce but fabuleux contre l’Algérie.

Vivement la suite.

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* La RDC est une affaire  des durs, traduit du lingala.

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Le jour où Mark Zuckerberg a téléphoné à Kabila

Mark Zuckerberg – crédit photo: Jason McELweenie | Flickr.com

Les deux hommes sont très timides. Ils ont tous les deux connu la gloire très jeunes. Kabila avait tout juste vingt-neuf ans lorsqu’il a hérité (à contrecoeur, souligne-t-il) de la présidence de la République démocratique du Congo, Mark Zuckerberg est lui un véritable self-made-man, lui aussi est capable de quelques coups foireux comme son ami congolais. Il suffit pour s’en convaincre de revoir l’électrique biopic fait sur ses débuts par David Fincher, maître américain du polar.

Joseph Kabila a un problème. Il est mal entouré, mal conseillé et doit faire avec son ministre de la Communication Lambert Mende qui prend la grosse tête à force d’engueuler tel ou tel journaliste, lui le pyromane de service de ce « régime finissant », si l’on en croit Ethienne Tshisekedi, lui-même éternel opposant finissant… vous suivez?

Kabila ne sait plus où donner de la tête. Voilà pourquoi il a demandé à ses ministres ce qu’il devait faire pour contrôler les manifestants qui tentent de s’opposer à la modification de la loi électorale. A court d’idées, les ministres Mende et consorts lui ont recommandé la « méthode nord-coréenne » étant donné que la méthode burkinabè à été avortée avant même de naître.

La méthode coréenne est simple. Il se tient pas à carreau le petit peuple? Coupe Internet. Ton oncle veut te faire la peau en « off », tu lui coupes la tête et la donne à manger aux tigres. Les Américains veulent faire un film sur toi? Tu actives tes hackers particuliers et tu pirates un studio hollywoodien… au hasard, Sony Pictures. Bref, la méthode est infaillible.

De son côté donc, Mark Zuckerberg, éminent défenseur des droits de l’homme… que dis-je? Des droits fondamentaux. N’en déplaise à son compère Bill Gates… Zuckerberg, donc, ayant remarqué que l’engrenage de la méthode nord-coréenne était en marche en RDC a décidé d’interpeller directement son copain Kabila. Tout de suite donc, il active son « téléphone bleu »:

– Allô, Joseph, boni yo?*

Akuna matata**, Mark…

Mais, Joseph, que se passe-t-il à Kinshasa, tu as coupé Facebook? Tu me fais ça à moi ? Tu coupes les droits fondamentaux maintenant ?

Apana***, Mark, j’ai pas coupé Facebook. J’ai coupé Internet. Je protège tes intérêts ici moi.

Le Zuckerberg n’en revient pas:

Ya José, je t’ai déjà dit qu’on ne coupe pas Internet, puisque ça coupe Facebook et ton pote Mark, pas content.

– Oh, mon Dieu, ce Lambert, le salaud ! Il m’a eu. II veut ma tête, c’est lui qui manigance tout ça dans mon dos. Comment a-t-il pu couper Facebook ? Je suis très en colère.

Mark Zuckerberg connaît bien son ami, lorsqu’il est en colère ça peut aller dans tous les sens. De plus, si l’on suit la logique de la méthode nord-coréenne, quelqu’un risquerait d’y perdre sa tête à ce petit jeu là.

Ya José, calma-te, calma-te ! Ne vas pas décapiter ton oncle juste parce qu’il a coupé Facebook, Internet on s’en fout [Je lui dis ça, mais je le pense pas, hi hi].

– Ah ça, c’est déjà fait… Lambert n’est pas mon oncle en plus. Et puis mes tigres que le « vieux Kim » m’a envoyés ne s’alimentent plus depuis la « fin tragique de tonton ». Il faut faire quelque chose.

Bah, écoute, si tu tiens vraiment à couper quelque chose, coupe Twitter… ça m’arrangera.

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P.S: Ce texte est une fiction.

* Comment vas-tu? – Mark Zuckerberg parle chinois, lingala, swahili, Kicongo, népalais, grec, etc.

** Il n’y a pas de problèmes, en swahili.

*** Non, en swahili.

 


Aux Oscars, attention à la marche

Je m’égare un peu. Je devrais parler du Brésil, mais les affaires mondiales se bousculent et je me mets au pas. Après, Boko Haram, la CAN 2015 voici donc que je m’attaque aux Oscars. Pour commencer, faut-il voir la cérémonie? Y-a-il vraiment du neuf sous le soleil radieux d’Hollywood? Marion Cotillard est-elle enfin sortie de son hibernation artistique?

Personnellement, je préfère les Bafta. C’est comme pour la musique, j’ai toujours pensé que les anglais avaient un meilleur goût que les américains. J’aime bien aussi la Berlinale pour les vraies découvertes; Cannes parce que c’est Cannes; et même les Golden Globes (ils tendent pourtant à être l’antichambre des Oscars) parce qu’ils regardent aussi la télévision

Bref, je n’aime pas beaucoup les Oscars. L’une des raisons de cela, c’est qu’ils me donnent l’impression que les années ne passent pas et que je perds mon temps. C’est peut être le cas.

Pourtant, il m’arrive de bien rire en regardant les Oscars…

…ou pas.

Franchement, je ne sais pas vous, mais j’en ai plus qu’assez de voir revenir Méryl Streep chaque année, l’éternelle « candidate sérieuse » parmi celles qui peuvent emporter la statuette, comme si Hollywood était incapable de produire d’excellentes actrices.

Ok, je déconne. Petites chutes à part, les studios ont désormais leur championne, Jennifer Lawrence. Une vraie bombe, je l’avoue, mais loin d’avoir le talent d’une Carey Mulligan (une britanique, comme par hasard) joliment snobée par l’Académie.

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L’actrice britanique Carey Mullingan vue dans « Shame », ici à Toronto en 2010. Crédit photo: Mark Kari | Wikimedia Commons

Côté masculin, cette année, pourrait vraiment surprendre. Enfin, quoi, Mark Ruffalo, acteur fabuleux que je suis depuis un moment pourrait être sacré, il est beau comme un dieu. Et alors? Que celui qui n’a jamais désiré Marlon Brando jette la première pierre… pure séduction.

Marlon Brando dans La Poursuite impitoyable
Marlon Brando dans La Poursuite impitoyable

… déjà impérial dans Zodiac avec son gilet façon Frank Bullitt, le beau Ruffalo réaparaît à peine reconnaissable (et donc, moins beau) dans Foxcatcher aux côtés d’un Steve Carrel tout aussi magnifique… messieurs-dames, faites vos yeux !

Je vous dit que l’affaire n’est pas simple. Il y a aussi le retour de Clint Eastwood avec un « film ambigu » (sinon, ce n’est pas du Clint…), American Sniper porté par un Bradley Cooper au sommet confirmant qu’il parle mieux français est un meilleur acteur que « monsieur Angélina Joli »… et dire que ce film a failli être réalisé par Steven Spielberg. Beurk !

C’est qu’il est pas débile le Bradley

…bref.

Les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là. Cette année l’Argentine fait son grand retour grâce à une collaboration Damián Szifron / Petro Almodovar dans Les Nouvaux sauvages. Mais surtout, on retiendra la participation d‘un des meilleurs acteurs vivants, Ricardo Darín. Séduction, séduction. Je vois son nom, je file voir, c’est comme ça depuis 2009. Una pasión

Pourtant, il y aura aussi quelques regrets, comme l’oublie d’un film que j’attendais avec une certaine impatience. On ne verra finalement pas l’équipe de Winter Sleep défiler sur le red carpet, dommage. Cela dit, je me demande s’il arrivera un jour au Brésil. Eh oui, les Oscars, ça sert à ça. Faire qu’un film soit distribué un peu partout dans le monde, même au Brésil. Et pour ça, une nomination suffit.

Jamais deux sans trois. Vous connaissez l’expression. D’abord Cannes, puis une sortie en France. « Timbuktu«  est décidément LE film de l’année peu importe le résultat des Oscars. Et justement, on attent une « troisième sortie » aux Etats Unis et au Brésil (bientôt). Vous savez, les nominations… Les critiques, elles, me font déjà trembler… mayday, mayday !!!

Finalement, si l’on doit retenir une leçon, une seule, de ces Oscars 2015, c’est que comme d’habitude, le cinéma brésilien meurt sur la plage alors que l’Argentine continue de régner en maître absolu sur le septième art sud-américain. Ad vitam aeternam.

 


RDC: le deuxième coup d’Etat blanc de Kabila ne fait plus rire

Il est tout de même consternant de voir un spécialiste de la RD Congo, en l’occurrence, un journaliste de France 24, refuser l’évidence, c’est-à-dire, reconnaître face caméra que la tentative de changement de la loi électorale en RDC est au moins aussi grave que celle qui a causé la chute de Blaise Compaoré; d’autant plus que Kabila n’en est pas à son coup d’essai. Le fils du héros national Laurent Désiré Kabila est passé maître dans l’art du coup d’Etat blanc.

En 2010, rappelez-vous, la loi électorale avait déjà été modifiée, substantiellement, il faut le préciser. Car plus de 100 articles furent changés, notamment celui qui fixait l’organisation de l’élection présidentielle en deux tours si aucun des candidats n’atteignait la majorité des voix, soit 50 % plus une voix.

Dès cette année-là, un peu dans le silence et l’incompréhension générale, puisque c’est ainsi qu’opèrent les voies impénétrables du kabilisme, les élections furent truquées avant même le coup d’envoi.

Et là, je laisse ce débat aux juristes qui sauront mieux que moi établir la légalité d’une telle victoire, même si en 2011 l’opposition « avait marché » et accepté de participer à une élection anti-constitutionnelle, non sans aucune pression de l’Occident, fatigué de « dépenser » de l’argent pour la RDC.

La méthode était innovante. Après tout, Kabila et ses conseillers n’avaient pas touché à la Constitution, mais à la loi électorale. Une démarche a priori sans conséquences, si ce n’est que le prochain président congolais serait élu sans la majorité des voix nécessaires définies par la Constitution…

Le principe démocratique était sacrifié d’avance dans un contexte politique où la vanité de Vital Kamerhe et Ethienne Tshisekedi les empêchait de faire front commun contre Joseph Kabila. Divisée, l’opposition partait tout droit vers sa perte. Kabila réélu avec une trentaine de voix. Sacrée démocratie !

Les observateurs reconnaissaient de « graves problèmes » dans l’organisation des élections, mais rien de déterminant au point que cela justifia l’annulation des résultats. Encore une fois, le fond du problème était ailleurs.

J’écrivais en 2012 dans mon mémoire de recherche que « l’opération de Kabila » consistait en une espèce de coup d’Etat blanc. A l’époque, peu de gens faisaient la même analyse que moi. Or, aujourd’hui, cette thèse tend à être majoritairement admise, d’autant plus qu’elle est à la base des manifestations publiques qui ont débuté à Kinshasa et ailleurs en RD Congo depuis le 19 janvier 2015.

On notera d’ailleurs que les dates festives de nos héros (Lumumba et L.D. Kabila) ont été salies par la mort de près d’une centaine de manifestants dont des étudiants.

Le coup d’Etat blanc est une méthode bonapartiste qui a fait ses preuves, on le sait depuis le 18 Brumaire de Bonaparte écrit par Karl Marx. L’oeuvre est un classique en science politique, mais pas auprès du grand public. Voilà qui est malheureux. Aucune goutte de sang n’est versée, mais le coup asséné à la démocratie est tout aussi fatal. Sauf qu’aujourd’hui du sang vient justement d’être répandu sur Kinshasa.

Tôt ou tard, cette stratégie allait se heurter à une résistance populaire. Mais au Congo, la résistance populaire n’a que peu d’effet, on le sait. C’est pourquoi j’observe avec une certaine jubilation le fait que plusieurs députés et hommes politiques liés à la majorité présidentielle lâchent peu à peu Kabila.

La modification de la loi électorale nous a été fatale en 2010, pas en 2015. Mais, c’est peut-être le moment idéal pour changer les choses. Le Burkina Faso nous a montré que le peuple reste maître de son destin et qu’il peut le revendiquer quand il le désire.

Que ceux qui ont appris les leçons du « pays des hommes intègres » agissent en conséquence.

P.S : Internet est toujours coupé en RDC.

Article initialement publié sur mon blog dédié à la RD Congo

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