Djifa Nami




#MondoChallenge : les dix commandements du féminisme pour jeunes hommes d’aujourd’hui

Voici une petite liste non exhaustive des préceptes de parité que je m’efforce de rappeler au quotidien à mes garçons. Quand je leur ai parlé de cet article, ils n’ont rien trouvé d’extraordinaire et donc ça leur parle. Mais juste après j’ai du les supplier pour sortir les assiettes du lave-vaisselle, et c’est la preuve qu’il y a encore du chemin à faire.




Togo, est-ce la bonne, cette fois ?

Nous revoilà donc dans ce bateau, en quête de lendemains meilleurs, sur ce chemin emprunté maintes fois auparavant. Que d’efforts, que de mots, que d’articles, que de temps, consacrés pour faire entendre l’écho de nos cœurs battants d’espoir, ces dernières décennies. Que de vies perdues, que d’espoirs déçus. Et pourtant, une fois de plus, nous y croyons, en cette victoire, qui va enfin nous libérer. Nous y croyons parce que…


Pour 2017, un régime spécial d’informations

Ça y est, on y est! 2017. Enfin, 2016 est derrière. C’était long, c’était dur, mais Dieu merci ! On s’en est sorti indemne, ou presque. L’année dernière je n’avais aucune résolution particulière, cette année non plus. Enfin, rien qui ne soit irréalisable, du genre abandonner le café, que je reprendrais probablement au bout d’une semaine. Ou faire plus de sport, n’en parlons pas. Non, cette année, je vais faire…


Si MondoTana m’était conté

Il y a presqu’un an, au retour de Dakar, j’étais comme sur un nuage. Je planais comme un oiseau, après la rencontre fabuleuse avec les organisateurs et blogueurs de la plateforme Mondoblog, lors de la formation 2015. Cette année, c’est au tour d’une nouvelle cohorte de jeunes blogueurs de faire cette expérience fantastique, qui va agrandir leur cercle d’amis, que dis-je, leur famille. Au coeur de la capitale Malgache, Antananarivo, Tana pour les intimes, ils vivront, comme nous à Dakar, une expérience qui va les fortifier dans leur résolution, parfois incompris, d’exposer leur quotidien, de dire les choses telles qu’ils les ressentent, de raconter leur vie, bref, de bloguer.

Nul doute, la cinquième formation Mondoblog a surpassé les attentes. Entre nous, il n’y a pas photo (ni vidéo, ni Tweet), comparée à la précédente. Alors que l’année dernière, nous étions en pleine période post attentats du 13 novembre 2015, et que nous devions nous tenir aux instructions de discrétion absolue pour des raisons de sécurité, cette année le reste du monde a enfin pu voir de quel bois on se chauffe sur Mondoblog. En marge du 16e Sommet de la Francophonie, les Mondoblogueurs ont mis leur énergie, leur expertise technologique, et la joie de vivre typique de notre petite famille, au service de la plateforme toute entière.

La formation 2016 a enfin pu donner une visibilité de grande envergure, hautement méritée, à la plateforme et aux divers talents qui s’y retrouvent. Entre la rencontre avec la Secrétaire Générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, et celle avec le Président français, François Hollande, entre le slam de la talentueuse Samantha Tracy et le Mannequin Challenge, les Mondoblogueurs ont sans aucun doute conquis le monde francophone, et au delà. Les  photos sur Instagram, les « live tweet », les « Facebook live », nous ont fait vibrer d’excitation et rendu fiers (et un peu verts d’envie, pour nous autres anciens, avouons-le).

Quel bonheur de participer depuis Washington, parfois en direct, à  tout ce qui s’est fait, s’est dit, s’est tramé, à Tana. Quel plaisir de découvrir les nouvelles voix de la plateforme, en action. Quelle fierté de voir le nombre important de jeunes blogueuses qui portent haut les couleurs de la femme, notamment africaine, dont la dynamique Sonia Guiza. Quelle agréable surprise de constater la vitesse et la dextérité avec lesquelles les impressions et jolis billets, comme celui de Tanguy, étaient partagés, au fur et à mesure des rencontres, nous faisant vivre tous les petits instants de la formation en instantanée.

Quelle satisfaction aussi, de voir les quelques chanceux élus de l’an dernier, Lucrèce, Fotso, Guillaume, Andry et tous les autres, représenter notre groupe d’anciens, si valablement. Quelle joie de se savoir membre d’une communauté qui s’améliore davantage tous les jours, avec des membres de plus en plus engagés. La MondoFamille s’agrandit et cette nouvelle cohorte prouve bien que cette initiative mérite d’être, et qu’elle a de beaux jours devant elle.

Pour terminer, juste quelques petits conseils d’ancienne, aux blogueurs de Tana : préparez-vous à faire face à un gros « syndrome de sevrage ». Même de retour parmi vos proches, vous allez être en manque d’amitié, de convivialité, de fous de rire, et de chaleur humaine, pendant un temps. Dans un an, peut-être que vous aussi vous aurez la nostalgie de cette semaine magique qui aura changé votre vie, ou juste votre vision de la vie.

Vous garderez aussi peut-être à jamais des souvenirs, un peu idéalisés avec le temps, de ce séjour où vous aurez rencontré des gens qui vous comprennent enfin, qui savent d’où vous vient cette frénésie d’écrire sans cesse. Des gens qui ne se posent pas de questions sur le pourquoi du temps dédié à écrire sur un site parmi tant d’autres, des mots que personne ne lira peut-être jamais. Vous aurez côtoyé pendant une semaine, d’autres camarades dans cette lutte pour se faire connaître et reconnaître, pour être lu, partagé, cité, puis vous vous retrouverez à nouveau seul face à votre blog.

Dans un an, ce sera normal de se rendre compte avec un petit pincement au cœur qu’il y a des nouveaux éléments sur la plateforme, encore meilleurs que vous, qui vous font un peu d’ombre, mais ce ne sera que le temps d’un instant. Vous vous rendrez vite compte, que c’est de la richesse que ces éléments apportent, et leur bonheur fera le vôtre, comme cela fut le cas pour nous autres, grâce à vous à Tana. Le perpétuel renouvellement, c’est bien cela qui fait la force notre communauté.

Vous allez avoir le mal de Tana, mais ne vous inquiétez pas, vous vous en remettrez. Car nous sommes maintenant une famille. Sur notre plateforme nous continuerons à nous raconter nos vies, à dénoncer les dures réalités de notre quotidien, à partager nos expériences. N’oubliez pas aussi qu’il y a aussi notre petit monde secret, ce petit groupe virtuel qui nous réunit, nous les anciens et vous les nouveaux, témoins du monde virtuel et réel de Mondoblog (ceux qui savent, savent). Là-bas nous nous retrouverons encore de temps en temps, au gré d’un clic, ou d’un déclic, pour pérenniser cette incroyable aventure humaine. En attendant, bon retour chez vous, et merci de nous avoir fait vivre avec vous vos peripéties à Tana!


Vous aimez les surprises ? Bienvenue en Amérique !

La nuit électorale du 8 novembre 2016, on s’en souviendra longtemps. La surprise de la victoire de Donald Trump a envoyé une onde de choc dans le monde entier. Je suis triste, bien sûr, pour l’occasion manquée d’une première femme présidente aux Etas-Unis. Mais je suis aussi soulagée. Au moins maintenant, les élections sont derrière nous. C’était une épreuve de longue haleine, avec des hauts, des bas, et des bassesses (vous pourrez en revivre certains, si vous en avez le courage, à travers mes quelques billets d’états d’âme). Aujourd’hui c’est une nouvelle ère qui s’ouvre, l’ère Trump.

Donald Trump, président, qui l’aurait cru ? Dur à concevoir après les huit ans de la présidence d’un homme de la classe d’Obama. Je n’en dirai pas plus, pour l’instant. Au lieu de vouloir prédire l’avenir, et de spéculer sur ce que beaucoup escomptent seront des temps difficiles, je vais plutôt retourner en arrière, et refléter sur l’apprentissage que j’ai fait dans cette grande épreuve de la démocratie américaine.

L’Amérique clame la différence, mais veut faire comme tout le monde

C’est vrai, ici tout est différent. La taille des maisons, des voitures, des bouteilles de jus de fruit. Tout est grand, beaucoup de choses sont à l’opposé du reste du monde. On ne compose pas « 00 » pour appeler l’international (011), on ne célèbre pas la fête du travail le 1er mai (premier lundi de septembre). Bref, on aime faire les choses autrement. La diversité et la différence est une richesse, dit-on ici. On y tient à cet exceptionnalisme, soit.

Jusqu’à ce qu’un Donald Tromp réalise que l’Américain est un peu comme Monsieur tout le monde. Quand on lui propose quelque chose de nouveau, a pris réduit, sans aucune garantie de qualité,  il achète. Tant pis pour les conséquences. La surprise du Brexit en Grande Bretagne, Trump l’avait prédit. Brexit, version américaine. La peur des refugiés, il n’y a pas que les Européens qui y ont droit. Trump jusqu’au dernier jour de la campagne s’en est pris aux somaliens. Le barrage à l’immigration dans l’Union européenne, ici on peut en en faire tout un mur. Oui en Amérique c’est souvent différent, mais parfois c’est comme un peu partout ailleurs, la même histoire.

L’Amérique clame l’expérience des grands, et se raconte des petites histoires

Au pays d’Apple, le génie informatique n’est plus à démontrer. Ici l’expérience technologique, et le génie civil et politique ont surpassé bien de pays dans le monde. On aime clamer tout ce qu’on a accompli en moins de 300 ans. Le pays est jeune, mais son expérience énorme. Les américains sont tous fiers de ce grand pays, et de tout ce qu’il a accompli, économiquement, politiquement, culturellement, spirituellement, soit.

Jusqu’à ce qu’un Donald Trump vienne raconter qu’en fait on est pas si grand que ça, et on ne gagne plus beaucoup. Les bonnes affaires c’est lui qui en a la clé. Et on se regarde étonné, puis on se laisse convaincre par ces histoires. Ah oui, c’est vrai qu’on était grand autrefois, on avait de l’expérience, mais maintenant on n’est plus rien devant les chinois. Et c’est aussi la faute aux mexicains. Et on y croit aux bobards, à son « Make America great again ». Bah il le faut, si on veut être encore plus grand. Grand comme quoi ? Comme personne, évidemment, on est diffèrent !

Différence rime avec l’expérience. Et vice versa ?

Ici, quand on connait son affaire, on le fait savoir à qui veut l’entendre. Pas juste quand on est Donald Trump. Les experts à la télévision nous ont fait croire des choses qu’on voulait entendre. L’expérience des sondages, des vétérans de la politique américaine, c’est sacré. Quand on a vécu la Guerre du Vietnam, le Watergate, les années Carter, Reagan, Clinton, et Bush, on on a forcément tout vu. Hélas, le vétéran journaliste n’a que l’expérience du passé, et non du pouvoir sur l’avenir. Les journalistes en herbe et les maîtres des réseaux sociaux vont vite le lui lancer au visage. Moins de 24 heures après les résultats, les partisans du « I told you so » sont là pour nous le rappeler. Les sondages ont eu tout faux, et l’expérience ne fait pas forcément la différence.

Vous ne me croyez pas? Allez demander à Hillary Clinton. Trente ans en politique réduits à néant, ou juste comme un boulet à son coup, et même pas une croix de guerre. Là où l’expérience aurait du lui donner de l’avance, on l’a vu comme un dinosaure politique face à un magnat fou détenteur de la clé du succès économique, le candidat du changement. Hillary a beau chercher les bons angles pour mettre en exergue sa longue carrière politique, rien à faire. Le changement qu’on voulait se trouvait dans la différence, et tant pis pour l’expérience.

Le Nouveau Monde est un monde nouveau

Ce matin du 9 novembre on s’est réveillé, fatigué, déçu, desorienté. Je n’imagine même pas ce qui se passe dans le camp d’Hillary Clinton. En attendant, les mots de consolation, de quoi redonner de l’espoir, on fait quoi ? On va déprimer comme je le prévoyais, on va chercher qui blâmer, on va grincer des dents le jour de l’inauguration. Puis on va s’adapter. Trump est là pour quatre ans, peut être huit. C’est long, mais ce n’est pas le bout du monde. On verra bien.

Ce qui est sûr c’est que l’Amérique a une fois de plus démontré la complexité de son système démocratique exceptionnel. C’est un système qui a fait ses preuves, et doit continuer de donner de l’espoir aux autres pays du monde qui y aspirent. C’est une épreuve qui donne la chance à tous, à ceux qui font du bruit comme à ceux-là de la majorité silencieuse. C’est un moment qui doit aussi faire réfléchir ceux qui pensent que voter, ou non, est un choix, quand ils peuvent le faire librement, contrairement à beaucoup d’autres à travers le monde.

L’Américain n’est pas fou, il sait ce qu’il fait

C’est un peu la folie ce matin, c’est vrai. Mais je me rassure, et je refuse de croire aux scénario-paniques de fin du monde en Amérique. C’est une surprise de taille, mais on s’en remettra. Les grands bouleversements politiques  ce n’est rien de nouveau, c’est là au moins une chose qu’on peut accorder aux vétérans, qui en ont vu d’autres. Mon conjoint me parle souvent d’un voisin de quartier à Lomé, au Togo. C’était un grand amoureux du pays de l’Oncle Sam. Dans toutes les discussions sous l’arbre à palabre, c’était lui qui prenait la défense des Etats-Unis. Quand les uns s’acharnaient sur l’attitude cavalière de perpétuel gendarme du monde, ou quand d’autres les fustigeaient pour le fait de se prendre pour le centre du monde, le voisin lui n’en démordait pas. « L’Amérique est le plus beau du monde », et d’en conclure chaque discussion houleuse avec la même litanie « les américains ne sont pas fous, ils savent ce qu’ils font ».

Aujourd’hui je vais me ranger de l’avis de cet homme sage qui en savait vraissemblablement beaucoup plus qu’on ne voulait le lui concéder. L’Amérique n’est pas un pays de fous, quoiqu’on en dise après l’élection de Donald Trump. C’est un pays unique qui a les mêmes problèmes et les mêmes aspirations que les autres. C’est un pays exceptionel, riche en traditions démocratiques et en surprises.


Donald et le week end épouvantablement horrible, en dix proverbes

« Tout vient à point à qui sait attendre. »

Il y a quelques jours, je publiais un billet désespéré, en imaginant la victoire potentielle de Donald Trump aux élections présidentielles américaines. Depuis, mon espoir s’est ravivé avec les récents événements. Il y a eu d’abord le premier débat, lors duquel Donald Trump a cafouillé dans tous les sens. Il y a eu ensuite eu le scandale des impôts qu’il ne paierait pas. Enfin, le coup de grâce du vendredi : la fameuse vidéo qui a fait le tour du monde. Depuis c’est le chaos dans le camp Trump. Si on en croit les médias, sa campagne est au bord de l’implosion, et les républicains sont en plein « damage control ».  Sa performance au deuxième débat n’a rien fait pour arranger les choses.

Je m’inquiétais donc pour rien. Rien n’est perdu pour Hillary Clinton. Comme quoi, »tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. » C’est un proverbe que j’utilise souvent pour me motiver. Et dans ce cas encore je vais m’y accrocher. Je vais donc continuer à espérer. C’est sûr que du côté de Trump les supporters continuent aussi d’espérer. Pourtant il y a bon nombre d’autres proverbes et dictons qui pourraient leur servir. En voici une dizaine qui, selon moi définissent bien la situation actuelle du candidat Trump.

  1. Le temps passé ne revient plus. C’est vrai, mais les vidéos d’un autre temps peuvent refaire surface.
  2. Il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Très important, même sur Twitter !
  3. Deux avis valent mieux qu’un. Encore mieux, trois avis, ou quatre, ou autant de conseillers qu’il y en a. Mais Donald Trump n’écoute personne, apparemment.
  4. On ne peut empêcher le chien d’aboyer, ni le menteur de mentir. Donald Trump sera toujours Donald Trump. Les excuses, ce n’est pas son fort.
  5. L’argent n’a pas d’odeur. Oui c’est ce qu’on dit, mais ces derniers jours ça doit sentir plutôt aigre au temple du luxe, le Trump Plaza.
  6. C’est au pied du mur que l’on voit le maçon. Trump, le roi de l’immobilier se retrouve devant une tâche immense, colmater l’édifice des républicains qui est en train de s’effriter.
  7. Une de perdue, dix de retrouvées. Oui peut-être, mais quand il s’agit des électrices américaines, « les soccer-moms » avec qui il avait déjà du mal, ce n’est pas gagné, surtout après cette vidéo.
  8. A malin, malin et demi. Ou juste maligne, comme Hillary Clinton qui laisse M. Trump s’enfoncer tout seul.
  9. Un homme avertit en vaut deux. Il y a d’autres vidéos, il paraît. On verra comment il va gérer les prochaines diffusions.
  10. La vie est un éternel recommencement. Vivement les autres vidéos !

Cette petite liste illustre le bourbier dans lequel se trouve le candidat M. Trump, mais elle est loin d’être exhaustive. Il y a d’autres adages qui pourraient y trouver leur place mais on s’arrêtera ici pour l’instant. Il reste encore un mois avant les élections, et le vent pourrait encore tourner. Après tout, « il ne faut pas vendre la peau de l’ours, avant de l’avoir tué ! »


Attention, éléphant droit devant. Sauve qui peut ! 

Ne cherchons plus la petite bête, c’est un éléphant qui est en marche vers la Maison Blanche.

Plus que quelques semaines avant l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Ces derniers jours Donald Trump a le vent en poupe et Hillary Clinton a du plomb dans l’aile. La course pour la Maison Blanche s’accélère et mon rythme cardiaque aussi. C’est vrai, aujourd’hui j’ai peur et j’ai mal partout. Alors que dans un billet récent je laissais encore transpirer mes attentes d’un échec du candidat Trump, aujourd’hui je suis à bout d’espoir, et de force. Après le tango des sondages de l’été qui donnaient pour la plupart Hillary favorite, selon les dernières estimations la musique a encore changé, c’est désormais Trump qui mène la danse. La question que je me pose depuis le début de cette aventure rocambolesque demeure : comment est-ce possible ?

Les dieux américains sont donc tombés sur la tête ? Peut-être. Mais à mon avis les dieux n’ont rien à voir dans cette affaire. C’est bel et bien chez les mortels qu’il faut chercher la réponse. Il y a toutes sortes de gens qui se rassemblent sous l’emblème des républicains, l’éléphant. Il y a les Américains désabusés, ceux qui n’ont plus d’illusions sur les litanies politiques qui ne changent jamais. Une horde de personnes qui a enfin trouvé l’opportunité d’exprimer son ras-le-bol et qui a trouvé en Trump le candidat idéal de contestation. Il y a ceux qui ont aucune excuse, les opportunistes de la trempe de David Duke (longtemps figure de proue du Ku Klux Klan) qui ont aussi trouvé résonance dans les discours controversés de Trump. Il y a bien sûr les indécis, les pseudo-indépendants, qui voteront selon leur humeur du jour, ou sur un coup de tête qui pourrait bien peser dans la balance.

Jusqu’ici les experts nous faisaient croire que le charme de Trump n’opérait que sur l’Amérique dite « profonde ». Ces « blue collars » que les médias aiment à mettre dans le même sac que les « mal-éduqués ». Mais il faut bien se rendre à l’évidence : les fans de Trump sont partout, dans toutes les couches de la société. Certains ouvertement déclarés, d’autres plus discrets, mais on les reconnaît bien à leur mutisme pendant les discussions houleuses au bureau, ou à leurs hochements de tête polis. Puis il y a les autres, les démocrates de #NeverHillary, qui vendraient leur âme au diable plutôt que de donner leur vote à un autre Clinton. Ils voteront Trump en se pinçant le nez de dégoût. C’est donc un gros mélange, un tonneau de poudre de dynamite qui pourrait faire imploser le parti républicain et le reste de l’Amérique avec. Ce sont eux qui détiennent la réponse du mystère de l’ascension de M. Trump, et de notre descente aux enfers.

Je n’exagère pas. Mon désespoir est bien réel, surtout après cette dernière semaine qui n’a pas arrangé les choses pour Hillary. Une remarque maladroite, une maladie mal gérée et les sempiternels emails qui n’ont pas fini de faire couler de l’encre. Hillary Clinton n’a trouvé de répit que dans un repos forcé. Pendant ce temps, Donald Trump s’emparait des ondes comme il sait le faire, il utilise les médias pour se faire de la pub gratuite. Récemment c’était pour son nouvel hôtel à Washington, il en a profité au passage pour essayer de mettre fin, en 10 secondes, à des rumeurs qu’il avait colporté sur la nationalité d’Obama. Aujourd’hui il joue de nouvelles cartes, celle de la pondération, de la conciliation, du charme, du rapprochement, allant jusqu’à se laisser ébouriffer la tignasse ( tignasse sacrée !) sur une chaîne nationale. Bref, M. Tout le Monde, quoi ! Mais quel monde ! Quel monde serait celui d’après le 20 janvier 2017, si Donald Trump était élu?

Jimmy Fallon décoiffe Donald Trump dans son émission « The Tonight Show ».

Pendant la campagne, Donald Trump nous en aura fait voir de toutes les couleurs (de cheveux entre autres), de toutes les formes (de tweets), et de toutes les tailles (de main et autre partie plus privée du corps). On en riait et on en rie toujours un peu, mais maintenant ces rires sont surtout des grincements de dents, accompagnés de grosses sueurs froides. Que deviendrons-nous s’il devenait président ? Où mettre notre cœur le jour où Barack Obama devra lui remettre les clefs de la Maison Blanche ? Que deviendra notre gorge quand nous hurlerons devant nos téléviseurs en voyant Obama et sa famille partir, suivi par celui qui lui aura nié toute légitimité pendant ses deux mandats, admettant seulement il y a quelques jours, et du bout des lèvres, qu’Obama est bien né américain ? Que deviendra notre cuir chevelu quand il faudra nous tirer les cheveux à chaque fois qu’un discours ou une remarque désobligeante de Trump nous les dresseront sur la tête ? Que deviendra notre vésicule biliaire, avec le taux incontrôlé d’acide qui y sera secrété, lorsqu’il faudra subir l’image quotidienne de Trump au journal de 20 heures ? Comment gérer notre tension artérielle, quand on verra Trump se pavaner dans les capitales mondiales en pays conquis ?

Rien qu’à l’idée d’une possible victoire de Donald Trump, je suis déprimée d’avance. Oui, j’en suis malade. C’est aussi le cas pour beaucoup de proches. Certains sont encore dubitatifs et gardent de l’espoir, mais je préfère être réaliste. Le début de l’année prochaine pourrait être dur et il faut se préparer au pire, mentalement et physiquement. Les médecins et les psychiatres auront du pain sur la planche, c’est certain. Heureusement, grâce à Obamacare, un grand nombre d’Américains ont maintenant droit à une meilleure couverture médicale. C’est à croire que Barack Obama savait qu’ils en auraient vraiment besoin après son départ !


Au Pays de l’Emergence, les Fonctionnaires sont des Rois

Finies les vacances! Loin derrière nous les jours de farniente, à se dorer au soleil, ou à passer des heures interminables à jaser sur les réseaux sociaux. Plus qu’un lointain souvenir, mes dix jours passés au pays, au Togo. Cette année c’était des vacances vraiment “last minute, low-key” : zéro préparation, billets pris à deux semaines du départ, un record pour moi qui d’habitude prépare l’été dès février, et les bagages bien en avance.

Ces vacances au pays, en fait c’était un petit coup de tête, un gros coup de cœur, et aussi pour satisfaire quelques envies. Envie de passer du temps avec les parents, de me faire dorloter, de laisser les enfants courir dans tous les sens, sans trop m’en soucier, de revoir les amis, de bien manger. Envies rendues réalisables, grâce en partie à Ethiopian Airlines qui a commencé un vol direct New York-Lomé à un tarif très compétitif. Je me suis donc laissée tenter.

Nous sommes arrivés à Lomé en coup de vent, sans grande pompe. Le vol n’était pas très rempli, et à peine une vingtaine de passagers descendaient sur Lomé (le reste des passagers se rendant à Addis Abeba). Il a fallu ensuite récupérer le visa des enfants que je n’avais pas pris aux Etats-Unis par manque de temps (et un peu aussi du fait du coût conséquent à l’ambassade à Washington, comparé aux frais sur place). Les agents me rappellent que pour les étrangers qui souhaiteraient séjourner pour plus de sept jours au Togo, il faudra aller au service des passeports en ville, pour proroger la validité du visa. On récupère les bagages en un clin d’œil et enfin, on est dehors, accueillis par la brise agréable du mois d’août! Les vacances peuvent commencer.

J’ai les mêmes premières impressions qu’il y a un an. Les sentiment mixtes d’admiration et de déception persistent. Quelques améliorations par-ci, attention, que dis-je! Grande nouveauté, le bel aéroport pimpant neuf! Belle architecture et très spacieux. Vraiment fière de ce pays, on est bien en route 0vers l’émergence 2035! Les routes en chantier, il y en encore, certaines finissant soudainement, suivi d’un bout de terre rouge. Rupture de fonds, peut-être. Qui va s’en plaindre? Il faut un début à toutes choses, et les routes sans fin, vous avez vu ça où? Allez, on s’adapte.

On s’abonne aux deux cartes SIM nécessaires pour jongler avec les deux opérateurs qui monopolisent la communication cellulaire au Togo. On prend patience avec la Wi-Fi. On rentre dans le tourbillon des visites familiales, les cérémonies d’usage, un enterrement, les fiançailles d’un cousin, un mariage, les retrouvailles avec les amis. On oublie le régime pré-vacances et on se réconcilie avec les bons petits plats de maman. Je trouve même un temps pour rencontrer quelques compatriotes blogueurs de la communauté Mondoblog, et faire de nouvelles rencontres prometteuses, dont celle avec la dynamique Aimée Abra Tenu, de l’ONG STEJ.

La première semaine, tout va pour le mieux. L’échéance des sept jours approche, et c’est le moment de se rendre au service des passeports pour proroger le visa des enfants. On arrive et on voit une foule de gens assis dehors sur des bancs, sagement, comme des écoliers en classe, et debout, quelques agents, certains en costumes militaires. On prend place aussi.  Un agent en costume militaire ordonne au groupe de faire face au bureau et de donner dos à la rue, contrairement à ce qu’un certain nombre de personnes faisaient. “Si vous voulez voir ce qui se passe dehors, il faut partir.” Je suis interloquée. Quelques compatriotes protestent sans conviction, certains se marrent, d’autres lui lancent des regards plein de questionnements et de sous-entendus. “Eh, mon frère, on est où là? On attend nos visas, pas un rendez-vous avec le bon dieu!”

On continue de rire quand même, et on roule des yeux. Le militaire s’en fout et récidive. “Formez-moi une seule file devant le guichet, pas un troupeau!”. “Eh, eh, eh” je me dis, “on est au collège ou au camp militaire ici?” J’attends patiemment. Finalement mon tour arrive, je me présente devant le grillage du guichet. Le formulaire est mal rempli selon Mr. l’agent qui m’accueille avec un regard indifférent. L’adresse, ce n’est pas juste “quartier Avedji” comme je l’ai mis. Il faut un repère, et le numéro de téléphone.

Ah oui, pour ceux qui ne le savent pas, chez nous à Lomé, comme dans beaucoup de villes africaines d’ailleurs, donner une adresse, c’est compliqué. Quand vous indiquez votre maison aux visiteurs, assurez-vous d’avoir un point de repère permanent, sinon c’est foutu. Les bars et restaurants, les églises ou les écoles sont populaires pour servir d’indication. Donc forcément, j’utilise  “Bar xx” pour signaler le domicile. Mais Mr. l’agent ne l’entend pas ainsi. “Et le nom du propriétaire de la maison ?” C’est chez nous, même nom que sur le formulaire. Ah, ce n’est pas assez? Mais il n’y a plus de place pour ajouter quoi que ce soit dans l’espace prévu pour l’adresse. On fait comment? Je mets dans un coin de la marge, je corrige quelques trucs et je tends le formulaire. Erreur! Mr. l’agent dit que c’est sale, et il y a trop de ratures. C’est vrai que j’ai une écriture terrible, mais quand même ! Tout ça pour un formulaire qui finira peut-être chez une revendeuse de “botocoin” (beignet) ? Mr. l’agent n’a que faire de mon geste d’énervement. Il faut tout reprendre.

Il faut encore payer 1000 francs CFA (1,5 dollars) pour une nouvelle fiche et recommencer. Je rage, je respire, et je souffle. Je regarde mes deux garçons qui jouent tranquillement avec leur tablette. J’observe les mines résignées de tous ces compatriotes qui, comme moi, sont rentrés chez eux, au pays de leurs parents, mais sont un peu dépassés par ces méthodes d’un autre temps. Je dévisage les quelques occidentaux aux sourires figés et regards lointains, se demandant peut-être sur quelle planète ils ont bien pu atterrir. Je fixe l’agent, le fonctionnaire de l’Etat, sûrement père de famille, avec peut-être une fin de mois difficile, dont le seul pouvoir commence et s’arrête devant ce carré de grillage où il peut faire sa loi sur moi et mes lunettes de soleil.

J’hésite et je pense à mon père qui m’avait proposé de contacter d’avance un proche qui travaille au service des passeports, à qui j’aurai pu faire appel pour essayer d’expédier les choses. Mais j’avais refusé. Je suis à deux doigts de l’appeler. Mais je me rappelle de mes grands chevaux de bonne gouvernance sur lesquels je monte à tout bout de champs. Je me calme. Je donne les 1000 francs CFA et je retourne remplir le formulaire sur mes genoux. Je demande à mon fils d’aller le donner et j’observe de loin. Cette fois c’est bon. Mr. l’agent est content. Il esquisse même un sourire légèrement narquois. “Revenez demain à 15 heures.” Quand on retournera récupérer les passeports, la déférence et moi on est une seule et même personne. Je souris, je salue, je m’incline. J’ai appris la leçon. En fait, je m’en suis rappelée.

Quelle leçon, vous me demanderez? Eh bien la même que nos parents nous ont inculqués depuis tout petits: il faut montrer du respect à nos aînés. Les aînés, ici ce sont nos compatriotes qui contrôlent les services publics, les fonctionnaires. Ceux qui sont restés, par choix ou par manque d’opportunité, quand nous autres avons décidé d’aller tenter notre chance ailleurs. Ceux qui acceptent de servir une foule toujours impatiente, souvent ingrate, qui les montre du doigt dès que rien ne va plus. Ce sont eux nos aînés. C’est par eux que tout passe au pays. Dans le gouvernement, dans les affaires, dans le privé. C’est eux qui font tourner la machine, et sans eux rien ne fonctionne.

Alors, il faut compter avec eux, et il ne faut surtout pas les négliger. Nous autres venant de l’extérieur, nous devons accepter qu’ils ne nous calculent pas, avec nos airs de touristes, nos soupirs excédés, nos habits et accessoires neufs, nos gadgets dernier cri dont pour certains la facture nous attend au retour de vacances. Nous, qui débarquons sur Lomé et dispersons nos euros et dollars, et la vie chère en prend un coup de pouce. Nous qui roulons à toute allure dans nos grosses voitures sur des routes habituées aux motos raccommodées et taxis “troisième main”, et qui nous indignons que les nouvelles routes ne soient pas finies depuis la dernière fois. Nous qui repartons en laissant derrière nous une trainée de poudre d’inflation, et en laissant les gens sur place se débrouiller pour jongler entre dépenses ménagères et frais pour la rentrée scolaire.

Nous pensons que ce monde, celui de nos parents, de nos oncles, de nos cousins, ce monde dont nos aînés de la fonction publique sont les maîtres, nous appartient, pour quelques semaines. Jusqu’au moment où il faut remplir un formulaire, renouveler un passeport, obtenir une carte d’opérateur pour un commerce, établir la nationalité des enfants, demander une copie de diplôme universitaire, traverser la douane à Aflao, Hilla Condji, ou à l’aéroport. C’est alors qu’on comprend, qui est maître de ce monde. On se rend compte alors, que nos aînés, ce sont eux les rois de l’émergence.

Il faut croire que le fonctionnaire émergent lui n’est pas comme celui qui hier demandait carrément, parfois avec un petit sourire d’excuse, qu’on fasse un petit geste pour payer son café ou arrondir sa fin de mois. L’émergent fonctionnaire lui, il fait son travail avec exigence, sans états d’âme. Il est garant de la promesse de lendemains meilleurs. Il montre du zèle parce qu’il sait qu’il y a probablement des milliers d’autres dehors, sur les « zemidjans » (taxi-motos) qui attendent qu’il libère sa chaise. Surtout n’allez pas lui montrer votre pouvoir d’achat, sa conscience n’est pas à vendre. Il n’est pas impressionné par nos dollars ou nos euros. Il ne leur dira pas non, bien sûr.  Mais bon, c’est selon. Il s’en passera aussi bien. Ce qu’il veut avant tout, c’est notre attention. Ce qu’il veut après tout c’est notre égard. Ce qu’il veut surtout c’est notre respect. Eh bien, qu’à cela ne tienne! En ce qui me concerne, il les aura, pendant mes vacances, et au-delà!


Les Malheurs de Koffi

Koffi Olomidé n’est plus à présenter en Afrique. Ces multiples tubes, dont l’un des plus célèbres  « Papa Bonheur » ont fait le tour du Continent. En solo ou accompagné de son fabuleux groupe Quartier Latin, et de ses fameuses danseuses, il a fait le bonheur de bien des foules sur le continent, en concert ou dans l’intimité de leur salon. Seulement voilà, en ce moment, Koffi ne roule pas vraiment dans le bonheur. Cela va plutôt mal pour lui.

A moins d’être enfoui au fin fond d’un bureau, croulant sous la tâche, ou d’être un veinard enclavé en vacances dans quelque paradis perdu, vous aurez sans doute eu vent des dernières frasques de Koffi, à l’aéroport de Nairobi au Kenya. Après l’incident, une fois catapulté chez lui en République Démocratique du Congo, le roi de la rumba congolaise se retrouve aux prises avec la justice. Depuis le scandale la semaine dernière, après le tollé, c’est la consternation générale sur la toile.

Koffi à la voix d’or, le « Grand Mopao » comme il se surnomme, dont les multiples chansons d’amour impossible, mélancolique, ou bafoué, nous ont fait vibré depuis notre adolescence ? Est-ce bien le même qui se retrouve dans ce pétrin? Koffi, le charmeur entouré de ses danseuses dont les déhanchements calculés envoutaient les hommes et enrageaient les femmes, dont les clips défilaient en boucle chez nous ? Comment est-ce possible ? Koffi qui a alimenté nos week-ends et nos fêtes officielles ou improvisées jusqu’au petit matin? Lui qui tenait presqu’un statut de membre de la famille au point que le fils d’une de mes amies l’appelait « Tonton Koffi » ? Qu’est ce qui n’a pas marché ? Koffi, l’amoureux des femmes africaines, Koffi le « tchatcheur » serait donc un batteur de femmes !  Ah Koffi ! Comment as-tu pu en arriver là !?

Beaucoup de gens ne s’en étonnent pas vraiment, à en croire les divers commentaires sur les réseaux sociaux. Après tout, il parait qu’il avait des antécédents. D’autres, comme moi, sont juste perplexes, déçus et attristés de la situation dans laquelle notre idole s’est embourbé. En tant que femme, j’ai bien entendu condamné catégoriquement la scène ignoble de l’aéroport. Impossible d’y trouver des circonstances atténuantes. En plus, au lieu de s’excuser simplement de sa grave erreur et d’essayer de se faire pardonner l’impardonnable, Mr. Olomidé rédicive en se cherchant des excuses.

Ah la la, malheur à lui, et à nous ! Qu’est-qu’on va faire maintenant, de tous ses tubes inoubliables qui nous ramènent à notre jeunesse. Doit-on maintenant l’ignorer dans notre musicothèque ? Dois-je « reshuffle » mon Ipod pour éliminer Fouta Djallon, un de mes tubes préférés ? Ce serait drastique, mais le fait est que je ne pourrais plus l’écouter avec la même sérénité. Je ne pourrai plus y avoir recours dans ces moments d’intense stress où seule la voix de Koffi pourrait me faire voyager dans mes souvenirs, me faire divaguer bien loin des soucis immédiats. Quelques mois à peine après le décès de Papa Wemba, faut-il encore pleurer la chute d’un autre grand artiste du continent ? Ou alors faut-il pardonner et oublier, en sachant bien que « qui vole un œuf, volera un bœuf » et que dans le cas présent, il a peut-être déjà volé quelques bœufs auparavant, à en croire les témoignages d’anciennes danseuses ?

Je crois que c’est encore trop tôt pour prendre une décision radicale. Pour le moment j’ai juste quelques conseils pour Koffi Olomidé. Quelle que soit l’issue de la procédure judiciaire à Kinshasa, il devra demander pardon publiquement à toutes les femmes qu’ils auraient violentées par le passé, et même à toute la gente féminine mondiale pour nous avoir flouées tout ce temps. Ensuite, Koffi devra faire profil bas pour un bout de temps. Il devra se faire tout petit et oublier pour quelques mois, voire une ou deux années.

Il devra profiter du temps loin des projecteurs pour nous concocter un de ces fabuleux morceaux dont il a le secret. Surtout pas un truc recyclé dans le genre de son dernier « Selfie ». Quelque chose de vrai, d’original, du « pur Koffi »  circa 1990, un morceau de tous les temps, en hommage aux femmes. Il pourra s’inspirer de son vieux morceau « Désespoir », au besoin.

Quand il aura fini, il devra donner un concert gratuit au Kenya d’abord, et un peu partout sur le continent où il le pourra. Il devra aussi se faire ambassadeur pour une cause de la femme. On lui laisse le choix, il y en a de toutes sortes, comme par exemple la campagne HeForShe des Nations Unies.  Tout ceci pour vraiment prouver qu’il a compris la leçon. Bref un nouveau départ. Ce ne sera pas facile, mais s’il est sincère il y arrivera. Après tout ça, on réfléchira, et on verra si on pourra lui pardonner.


L’Amérique de nos rêves et l’Amérique de nos désillusions

Elle est belle l’Amérique. Tout le monde le sait. De par le monde, bien de pays lui envie sa place, ouvertement ou secrètement. On lui envie sa grandeur, sa puissance commerciale et financière, son laissez-faire technologique, ses grands espaces, bref, sa belle folie des grandeurs. Combien de gens chez moi au Togo ne rêvent encore d’y arriver un jour. Oui, même si on la critique de temps en temps, on admire cette Amérique de tous les excès, peut-être encore plus, depuis l’élection de Barack Obama.

Il existe une autre Amérique, dont on attend beaucoup parler aussi, mais qu’on apprécie un peu moins au-delà des frontières. Si on admire l’Amérique de la Statue de la Liberté, symbole de l’égalité de tous, on conçoit moins l’Amérique truffée d’armes à feu. Si on s’inspire de la maturité de l’Amérique grand précurseur socio-culturel, on comprend moins l’Amérique encore minée de préjudices raciaux. Toutes ces versions de l’Amériques existent bel et bien aux Etats Unis, et sous d’autres formes encore, certaines merveilleuses, d’autres révoltantes.

Depuis près de vingt ans que je vis aux Etats-Unis, je n’arrive pas encore à cerner tous les aspects de cette Amérique. Je suis bien loin de me considérer comme « intégrée ». Non pas parce que je n’ai pas la nationalité américaine, c’est un choix. Je me sens enrichie de cette culturelle dont j’apprends encore tous les jours, mais j’y adapte mes antécédents culturels acquis au Togo et en France. Je me sens comme chez moi, et mes enfants sont chez eux, mais il me reste encore beaucoup de choses à  appréhender. Il y a encore trop de choses que je ne comprends pas de ce pays.

Je ne comprends rien des motivations de tous ces américains qui sont si adeptes des armes à feu. Je ne comprends pas ce sacro-saint droit au port d’arme, un droit constitutionnel soit, mais à quel prix ! Je ne comprends surtout pas comment tout individu qui le souhaite peut obtenir une licence, acheter un pistolet au supermarché et se promener avec dans la rue. Je peux imaginer les raisons qui ont poussé les Pères-fondateurs à inclure ce droit dans les textes constitutionnels à l’époque. Il me semble pourtant que cet amendement est à la base de bien de tragédies que nous vivons de nos jours. Oui, je l’avoue, je ne suis pas au stade de chauvinisme qui me ferait accepter l’Amérique sous toutes ses formes, sans poser de questions.

C’est clair, je ne suis pas le symbole qu’on recherche si on veut prouver une intégration totalement réussie. Je ne suis pas la seule apparemment. C’est le cas de beaucoup de notre génération d’immigrants. Contrairement à nos ainés qui sont arrivés à tout absorber de la culture d’adoption sans rechigner, notre génération prend ce qui lui plait, s’interroge sur certains concepts complexes, et rejette ce qui ne lui est pas compatible. Ce n’est pas par calcul, c’est un processus qui se fait naturellement. Nous avons aussi la chance de garder un contact constant avec nos pays d’origine, à travers des retours réguliers, et les réseaux sociaux. Nous avons des moyens de comparer, régulièrement, et nous nourrissons, parfois utopiquement, l’espoir d’un retour aux sources, chez nous.

Malheureusement ce n’est pas le cas des afro-américains, ceux descendants d’esclaves. Ils n’ont pas l’option de rentrer, même si certains ont essayé un retour en terre africaine avec un succès parfois mitigé. Ils sont ici chez eux, mais il y en a encore beaucoup qui ont du mal à trouver leur place dans la société américaine. « Comment est-ce possible? » Nous nous demandons.  Ils n’ont pourtant pas connu autre chose, comme nous autres, et ne peuvent pas invoquer de conflit culturel. Toujours est-il que beaucoup se sentent lésés, oubliés. Parfois ils s’en prennent à nous, africains qui arrivent ici, et en peu de temps accèdent à un statut que certains américains noirs n’atteindront peut-être jamais dans leur vie. Et nous y arrivons tout en gardant un œil sur nos pays d’origine.

Certains immigrants n’acceptent pas que les noirs-américains aient du mal à réussir, avec la chance qu’ils ont d’être nés américains. D’aucuns parlent de complaisance de la part de certains noirs qui refusent de travailler et attendent encore allègrement des réparations pour l’esclavage subi par leurs ancêtres. D’autres invoquent du bout des lèvres l’inégalité sociale qui sévit dans beaucoup de milieu à forte concentration noire, et qui réduirait les chances d’avancement. D’autres reconnaissent plus ou moins, que la société américaine n’accorde pas aux américains noirs, les mêmes opportunités qu’aux autres citoyens. Difficile à comprendre, comme tant d’autres choses ici.

Cette semaine la situation est d’autant plus difficile à comprendre du fait des multiples évènements qui sont survenus en 48 heures. Une fois de plus, c’est la consternation générale. Les américains se démènent pour comprendre. Les mouvements de protestation battent les rues, les communiqués et messages fusent sur les réseaux sociaux. Les analystes tournent en boucle à la télévision, les grands journaux partagent les mêmes titres « l’Amérique est en état d’alerte, sous le choc. » On revient aux mêmes conclusions que par le passé : il faut trouver l’harmonie entre les races, il faut réformer la police, il faut corriger le système judiciaire, et il faut limiter les armes à feu. De l’autre côté de l’Atlantique, le Président Obama ne peut que se contenter d’un message enregistré avec un air de père de famille désemparé, fatigué des incessantes frasques de ses enfants. Que faire d’autre en ces cinq mois qui restent, qu’il n’a pas pu faire en presque huit ans ? Que peut-il dire encore, face aux reproches venant tant de ses opposants que de certains de ses supporters qui voyaient en lui le symbole d’une nouvelle ère, d’une Amérique « post tension raciales ».

C’est vrai, on croyait tous que l’élection de Barack Obama était le début d’une nouvelle Amérique. Une Amérique qui pourrait enfin se redéfinir, et annihiler son passé ségrégationniste une fois pour de bon. Malheureusement ce n’est pas encore le cas. Obama a pourtant fait de son mieux, mais ce n’était pas assez. Le pays est toujours en conflit contre lui-même et il n’a pas pu le réconcilier. N’en disconviennent certains de ses détracteurs de l’extrême droite, dont Donald Trump qui a longtemps cherché à lui discréditer sa nationalité américaine, Barack Obama est bien le produit de cette Amérique aux multiples facettes. Il représente bien cette Amérique de plus en plus métissée qui se cherche une nouvelle identité. Cette nouvelle Amérique des mélanges qui coexiste encore avec la vielle Amérique toujours séparée et stratifiée, dans certains coins. Cette nouvelle Amérique qui voudrait enfin passer à autre chose, au lieu de retrouver des séquelles de la ségrégation dans tout acte connoté de tension raciale. Celle qui voudrait oublier son lourd passé mais se le voit rappeler à chaque coin de rue, à chaque coup de force entre policier blanc et jeune noir.

Le visage de père désemparé d’Obama je le comprends, et je ressens les mêmes sentiments d’impuissance et d’inquiétude. En tant que mère de deux garçons, dont l’un entrera bientôt en adolescence, comment ne pas imaginer le pire pour eux plus tard, s’ils étaient un jour confronté à un policier ? Comment faire en sorte qu’ils ne se retrouvent jamais dans une situation où un geste déplacé pourrait leur coûter la vie ? Comment continuer de vivre passivement dans ce pays, sans protester contre toutes ces occasions où la couleur de la peau constitue un stigma ? Comment se résigner à l’idée que ce pays qui nous a tant apporté, offert tant d’opportunités à nous immigrants, continue pourtant de nourrir des vestiges d’intolérance hérités de son passé esclavagiste ?

J’ai beau me dire que mes enfants sont bien éduqués, avec une discipline « à l’Africaine » donc incapables d’arrogance envers les forces de l’ordre. J’ai beau croire qu’ils seraient forcément épargnés tout désagrément. Mais je sais bien que c’est une illusion. A travers les débats divers sur les réseaux sociaux, on retrouve les mêmes illusions. Les débats fustigent justement les allusions au fait que certains des jeunes abattus par la police seraient des voyous et des délinquant ayant refusé d’obéir aux ordres. Soit, certains des victimes de bavures policières sont des jeunes de la rue. Mais pas tous, et rien ne prouve que tous aient été en infraction. A moins d’avoir été présent au moment des faits, telle la jeune femme qui a rediffusé les derniers instants de son conjoint en direct, personne ne sait exactement ce qui a pu entraîner ces policiers à utiliser un tel niveau de force. La seule certitude qui revient à chaque fois c’est la couleur de peau des protagonistes : policier blanc, victime noire.

Alors que Barack Obama se prépare à quitter ses fonctions, voilà le fiasco qui fait tâche sur son bilan, le gros boulet qu’il pensait laisser derrière, mais qui le suivra jusqu’au seuil de la Maison Blanche. A l’heure où l’anxiété nous ronge devant la possibilité d’une prochaine présidence Trump, les derniers évènements nous rappellent que la réalité pourrait être pire d’ici quelques mois. L’Amérique nouvelle,  celle dont on rêvait avec Obama, pourrait bientôt devenir l’Amérique isolationniste et anti-immigrants de Donald Trump. Que feront-nous alors , nous immigrants? Allons-nous plier bagage et rentrer chez nous comme semble le suggérer tant d’articles plus ou moins lucides sur les réseaux sociaux ? Non, probablement pas.

Soyons réalistes, nous sommes ici chez nous, et nous devons participer au débat et au combat pour cette Amérique des mélanges, celles des opportunités pour tous, celle de nos rêves. Une Amérique qui offrirait l’opportunité d’une harmonie sociale,  où chacun, noir, blanc, métisse, ou immigrant, pourrait se comporter sereinement, sans regarder de toutes parts, pour s’assurer de l’œil bienveillant de son voisin. Celle où chacun serait libre de se reconnaître noir-américain, chinois-américain, togolais-américain, sans que cela ne dénote un dessein contre l’intégration ou le désir d’appartenance. Reconnaissons que le combat du mouvement «Black Lives Matter » est aussi le nôtre, et participons-y comme nous le pouvons. Une fois que les émotions se seront apaisées, ne retournons pas tranquillement à nos rêves, en attendant qu’un autre incident vienne nous rappeler nos désillusions.


Le pagne, toute une histoire

Enfin le retour du beau temps ! C’est le moment de ranger les gros pulls et les manteaux, de se libérer des habits noirs au quotidien, et de ressortir les couleurs chatoyantes, les rayures, les petits pois, les dégradés et les bariolés. C’est enfin le moment de retourner à mes jupes et robes africaines, et d’arborer tous les beaux boubous sénégalais dont j’ai rempli ma valise après la formation Mondoblog à Dakar. C’est donc le bon moment pour rendre hommage à la mode africaine, et plus particulièrement au pagne africain, le fameux wax, et ses dérivés.

D’abord, un petit historique sur le wax. Attention, je ne suis ni journaliste, ni historienne, ni anthropologue. Tout ce que je relate ici, je le tiens du lu, du vécu, et de ce que les femmes de ma famille m’ont transmis. Rien ici n’a valeur encyclopédique.

Si on a l’impression que les Africains le portent depuis la nuit des temps, le wax n’est pas issu du continent. Il y serait arrivé au 19ème siècle avec les Néerlandais. Aujourd’hui les Africains sont devenus maîtres dans l’art de porter le wax, à tel point que la compagnie hollandaise qui détient le monopole du marché des pagnes (dont je ne citerai pas le nom ici mais que nous tout connaisseur de pagne reconnaîtra) étudie minutieusement la culture de chaque pays, pour créer des pagnes au goût du jour ou selon les courants culturels du moment.

L’histoire du wax en Afrique remonte donc à longtemps, et il fait maintenant partie intégrante du paysage culturel africain. Les Nana-Benz togolaises, grandes commerçantes de pagnes connues dans toute l’Afrique, ont joué un rôle majeur dans la distribution des pagnes, et dans son établissement en tant que symbole de statut social. Objet indispensable dans les grandes cérémonies, remise de dot, mariage, baptême, enterrement, le wax est incontournable. Chez nous au Togo, dans certaines ethnies, pour les cérémonies funéraires le choix du pagne que portera la famille du défunt est une tâche délicate confiée aux experts. Le pagne est donc un instrument culturel de haute importance.

Au fil des ans, les motifs de pagne ont été baptisés selon les tendances ou même les dictons. Les mamans africaines ont toutes dans leur garde-robe au moins un classique. Ma mère détient encore des pagnes aux noms évocateurs « si tu sors je sors » (pagne au motif d’un oiseau s’envolant de sa cage) ou « mon mari est capable », de grands classiques, baptisés ainsi pour de bonnes raisons. Ce sont bien sûr des moyens subtils de dire des choses, sans les dire à haute voix. Récemment, un article paru sur le site du New York Times est revenu sur les divers sens attribués aux pagnes, notamment sur la valeur politique des versions créées à l’effigie de personnalités publiques. Par exemple, on peut le porter pour montrer son soutien à un candidat d’une élection, mais aussi quand on est contre, en s’assurant que le visage du candidat se retrouve à proximité des muscles fessiers. Personnellement, le tissu «  macaroni » appelé ainsi du fait des cordes entrelacées, reste l’un de mes motifs favoris, quelle que soit la couleur. Dans mon cas il n’y a vraiment aucune métaphore, surtout que je n’aime pas particulièrement les pâtes !

Le pagne n’a pas toujours eu le vent en poupe sur le continent. Il y a quelques décennies, le goût des jeunes a semblé virer vers les vêtements importés, le « tout cousu » comme on les appelle chez nous. A Lomé, les « Igbos », ces grands entrepreneurs nigérians réputés pour leur sens aigu des affaires ont senti la manne commerciale. C’est donc grâce à eux que les friperies (vêtements d’occasion, aussi appelés « abloni » chez nous), nous sont tombées dessus, par cargo, en provenance d’Europe et d’Amérique. Très vite, ils ont envahi le marché de vêtements et accessoires d’occasion, permettant à chacun et chacune de s’habiller avec du prêt-à-porter, à moindre frais. Les jeunes togolais voulant se mettre au diapason avec la mode occidentale ont semblé rejeter le pagne dans la vie quotidienne, le réservant seulement pour les grandes cérémonies.

Pour un temps le pagne a paru perdre de son attrait pour beaucoup. Les commerçants ont crié au désespoir. Les plus pragmatiques, qui voulaient aussi manger une part du gâteau du marché du « tout cousu »,  se sont donc tournés vers l’Est, notamment la Chine et Dubaï. Très vite, on a vu les marchés inondés de vêtements, chaussures, sacs, et autres accessoires, « la rapid-fashion », pas toujours de bonne qualité, mais qui faisait très bien l’affaire. Pour des raisons tant financières que pratiques, beaucoup de jeunes balançaient entre la fripe et le made in China. Pour couronner le tout, les entreprises chinoises ont créé un tissu imitant les motifs de pagne traditionnel, en synthétique (appelé « lezovi » chez nous), qui revenait bien moins cher que le wax. Ceci a sans doute rajouté aux soubresauts du marché du pagne. Le pagne traditionnel, surtout le wax de qualité, n’était plus le premier choix pour beaucoup, pendant un temps. C’est alors, il faut croire, que le Dieu des pagnes a entendu les prières des Nana-Benz, ou que les fabricants de pagne ont trouvé la formule magique.

Depuis quelques années la tendance s’est renversée avec le retour du pagne à grand fracas dans la mode africaine, voire mondiale. Avec la promotion de la culture « nappy »,  et la revendication du « back to basics », les  habits et accessoires en wax, ou dans les dérivés de plus ou moins bonne qualité, sont redevenus essentiels pour les jeunes africains modernes. La diversité dans la qualité et l’innovation dans les motifs permettent une flexibilité à la portée de toutes et de tous. Un nombre considérable de sites et de groupes ont vu naissance sur les réseaux sociaux, en témoignage à ce revirement, y compris la belle initiative Nothing but the Wax.

Au Togo, probablement sous l’influence de la diaspora, les ateliers de couture se sont adaptés pour actualiser les styles, en mélangeant les tissus « occidentaux » au pagne pour des modèles plus dynamiques et pratiques à porter en Occident. Récemment le plus grand fabricant hollandais a introduit des modèles mix-match, très versatiles, au bonheur des dames et des jeunes filles modernes qui s’en donnent à cœur joie. Un clin d’œil au passage à Lucrèce la jeune Mondoblogueuse qui nous en a mis plein la vue à Dakar, avec une véritable démonstration du raffinement discret et authentique d’une jeune fille geek.

A l’étranger aussi le pagne est omniprésent dans les grands espaces urbains, surtout en été. Ici à Washington, les stylistes africains sont en compétition pour rafler la clientèle locale. Je n’ai personnellement jamais utilisé de couturier ici, préférant envoyer mes commandes au pays (j’ai la chance d’avoir une belle-sœur styliste aux doigts fantastiques). Je connais des gens qui n’ont pas la patience d’attendre une commande en provenance du pays. Un véritable marché de vente et de service s’est ouvert ici, comme un peu partout en occident, dans les milieux de grande concentration de ressortissants africains. Peu à peu, on constate une mondialisation du pagne, et même Rihanna et Michelle Obama y ont pris goût!

Sans aucun doute, le pagne africain a de beaux et longs jours devant lui. Que ce soit les modèles traditionnels de chez nous ou ceux remaniés à la mode occidentale, les versions abondent et les inspirations ne manquent pas. Il est définitivement ancré dans la civilisation africaine. Ce qui reste regrettable est qu’aucune entreprise africaine ne soit arrivée à détrôner les fabricants européens pour s’emparer de ce marché colossal. Néanmoins de jeunes talents, telle une amie styliste Nadiaka Togo, se révèlent tous les jours. Il faut espérer que le marché du design reste ancré en Afrique, en attendant que le monopole de fabrication y soit transféré un jour.

S’il y a beaucoup de sujets qui fâchent dans l’héritage post-colonial de l’Afrique, le pagne n’en est pas un. Nous l’avons adopté, et remanié pour en faire notre label. C’est devenu signe de la créativité et de l’élégance africaine. C’est un symbole culturel que les générations futures pourront continuer d’arborer fièrement, et remodeler à leur façon, selon les tendances. Pour ma part, vivement les beaux jours pour que je puisse rendre d’autres hommages, dans les faits.


Drames en Méditerranée : à quand la fin, à qui la faute?

Les images ont défilé sur l’écran, surréelles. Difficile de croire qu’il s’agissait là de scènes réelles, et non tirées d’un film macabre. Le bateau transportant des centaines de migrants africains, chavirant puis basculant, pour se retrouver coque en l’air, avec tous ses occupants jetés à la mer. Les plus chanceux seront secourus; beaucoup d’autres ne s’en sortiront pas. Horreur, incrédulité, tristesse : tels sont les sentiments qui m’animent. Je me suis empressée de me connecter sur les réseaux sociaux pour essayer de comprendre les circonstances, partager quelques articles, en commenter quelques uns, exprimer mon émotion. Puis, je me suis attelée à ces quelques lignes. Là s’arrêtera probablement mon action.

Que faire d’autre que d’assister avec impuissance à cette nouvelle tragédie humaine? Une de plus, de ces tentatives suicidaires qui se déroulent régulièrement en mer Méditerranée. Une fois de plus, on critiquera les armateurs de ces bateaux de la mort, et les passeurs cupides, qui profitent de la détresse des migrants. Les regards accusateurs se tourneront aussi vers les gouvernants de ces pays en guerre ou en crise, incapables de contenir leurs citoyens. Pourtant, chacun de nous y trouverait une part de responsabilité.

Nous, qui agrémentons le mythe de l’immigration comme solution miracle pour échapper aux difficultés socio-économiques du continent africain.

Nous, qui alimentons le rêve de confort et de réussite probable pour tous ceux qui oseraient tenter l’aventure vers l’Ouest.

Nous qui, à chaque retour au pays, accoutrés de nos plus beaux habits et accessoires, certains achetés à crédit juste pour le voyage, dans nos belles voitures, sillonnons les rues en quête de regards admiratifs et envieux.

Nous, qui donnons l’impression à nos compatriotes sur place, que ce sont des biens acquis d’un claquement de doigt, et non par de courbements d’échines, des années de labeur, et d’échanges de coups de poing virtuels avec l’administration dans nos pays d’accueil.

Nous, qui prenons mille et une pauses devant tel ou tel monument et inondons les réseaux sociaux de ces moments éphémères, petites tranches heureuses d’une vie de fins de mois souvent difficiles.

Nous, qui regardons ces scènes d’horreur, tétanisés,  sans savoir quelle direction donner à nos idées et initiatives utopiques.

Nous, qui ne comprenons pas tous ces gens, qui ont sûrement perdu la tête pour entreprendre une telle aventure, sachant les risques, et connaissant pourtant l’issue de nombre de ces voyages.

Nous, qui critiquons les efforts et solutions, aléatoires, soit, qui sont mis en place.

Nous, qui sommes témoins involontaires de ce drame humain, qui attendons qu’un nouvel épisode viennent alimenter l’actualité, et prouver nos arguments, pour que nous puissions en discuter et exprimer encore notre indignation.

Les responsabilités sont donc partagées. Qu’on arrête d’accuser tous ces dirigeants incapables de trouver un remède aux crises économiques et politiques. Qu’on arrête de blâmer le printemps arabe, pour le manque de suite dans les idées des instigateurs qui ont balayé les despotes, laissant derrière un vide aride et des conflits sans fin. Qu’on arrête de critiquer l’ONU et le HCR pour son manque de moyen face à une situation qui leur a échappé depuis bien longtemps. Qu’on arrête de pointer du doigt l’Union Européenne pour son manque d’enthousiasme devant un problème qui reste l’avant-dernier de ses soucis non-grecs. Qu’on arrête enfin de retourner la question dans tous les sens pour trouver une réponse qui finalement n’existe que dans les cœurs de tous ces gens, qui cherchent comme nous autres, une vie meilleure. Tant qu’il y aura des illusions, il y aura des victimes.


Quand immigration rime avec dépression

Souvent dans mes billets j’aime avoir recours à l’humour, et parfois à un peu de dérision. Quel que soit le sujet, il y aura toujours un brin de l’un ou de l’autre, ou des deux. Aujourd’hui dans ce billet, il n’y aura ni humour ni dérision. Parce que le sujet est trop sérieux et grave. J’y parle d’immigration, de stress, de dépression, de suicide. Les seuls sentiments qui m’animent alors que j’écris ce billet, ce sont tristesse et incompréhension.

Il y a quelques jours nous avons appris le décès d’un compatriote togolais au Canada, suite à un suicide. Les versions divergent et les rumeurs abondent autour des circonstances. Ce qui est sûr, c’est qu’un mois à peine après avoir atterri au Québec, avec femme et enfants, notre compatriote a choisi de se donner la mort par pendaison. Je suis triste pour sa famille et je ne comprends pas ce qui a pu pousser un père de famille de deux enfants en bas âge à se donner la mort. Le suicide est souvent un geste incompréhensible pour les proches, et plus encore pour les regards lointains. Plus particulièrement chez nous au Togo, le suicide est un tabou dans nos cultures, connues pour être résilientes et imperturbables face aux vicissitudes de la vie. Rares sont les cas de suicide recensés, et je me demande même s’il existe aucune statistique officielle.

Chez nous au Togo, quand on se donne la mort c’est qu’on est faible de nature ou qu’on a perdu la tête. Notre culture, influencée sans doute aussi par la foi chrétienne, n’accorde aucune circonstance atténuante à quelqu’un qui se donne la mort. Tous les honneurs funéraires en grandes pompes, traditionnels chez nous, lui sont refusés. Les églises lui dénient les rites sacrés et l’enterrement se tient au milieu de la nuit. Je me rappelle vaguement d’une fille au collège qui s’est suicidée à cause d’un chagrin d’amour (selon les rumeurs à l’époque). Je me rappelle aussi de la manière hautaine et presque condamnatoire avec laquelle la chose a été prise dans l’école. Ne parlons même pas de prise en charge psychologique des élèves proches de la défunte. L’attitude générale pouvait se traduire ainsi : elle a choisi de mourir et il fallait vite l’oublier. Le suicide est donc très mal vu chez nous.

Dans le cas de notre compatriote, les togolais n’y sont pas allés de mains mortes. Alors que les compatriotes de la diaspora au Canada ont lancé un appel à contribution pour aider sa famille à faire face aux dépenses funéraires, beaucoup d’autres se sont contentés de porter un jugement sur internet. Sans aucune compassion ni considération pour la famille et les proches du défunt, les gens ont enfoncé les clous de son cercueil avant même que ses funérailles ne soient organisées. Faisant circuler sans pudeur des photos de la famille, d’aucun le traitant de lâche, d’autres se demandant ce qu’il y avait de si mal au Togo pour se suicider au lieu de rentrer au pays. S’appuyant sur la thèse, depuis lors réfutée, que son suicide serait dû à un problème de faux papiers, tous ont critiqué sans pitié le défunt. Tous ont fait abstraction des faits réels, et du fait que ces écrits resteraient à jamais gravés sur la toile, servant de rappel perpétuel à sa femme et à ses enfants. Ces spéculations et rumeurs ont apporté un élément de plus au tragique de cette situation.

C’est donc doublement tragique, et hautement incompréhensible. Était-il malade ? Avait-il de gros problèmes d’argent ? Était-ce dû au stress ? Autant de questions restées sans réponse. Je me suis finalement résolue à une conclusion fataliste typique de chez nous : chacun son destin et il a fait face au sien. Pourtant je ne peux m’empêcher de blâmer l’éternelle poursuite du bonheur en occident, dans laquelle nombre de compatriotes se lancent, envers et contre tout. Il y a quelques temps j’ai publié un billet sur la loterie visa américaine. Un processus périlleux par lequel des milliers de togolais sont arrivés aux Etats-Unis pour s’y construire une nouvelle vie. J’y raconte le périple sous forme de fable mais c’est bien la triste réalité à laquelle beaucoup sont confrontés.

Aujourd’hui la mode est à l’immigration au Canada. Comme notre compatriote défunt, de plus en plus de togolais tentent leur chance pour un visa d’immigration Canadien, qui offrirait avec une quasi-certitude un emploi à l’arrivée. Une offre alléchante pour nombre de gens qui sacrifient biens et vie sociale plus ou moins confortable au pays, pour venir construire une nouvelle vie. Cette transition engendre souvent beaucoup de stress. De nombreux togolais se sont installés au Québec et beaucoup d’autres attendent leurs papiers avec espoir. Il en existe aussi beaucoup qui ont essayé mais en vain. Malgré cela, de nombreux jeunes continuent de chercher à partir par tous les moyens,  ils cherchent aussi la faille dans le système qui puissent leur permettre de partir plus facilement. Bien qu’il y ait un grand nombre d’échecs, ils continuent cette poursuite parce qu’ils refusent de faire face à l’alternative, rester au pays. Rester vivre dans un pays où le chômage des jeunes grimpe à un rythme alarmant, et où la vie quotidienne, pour beaucoup, est une lutte de tous les temps.

Pour ceux-là on peut comprendre le besoin de partir. On comprend peut-être moins le choix de notre compatriote défunt. On dit de lui qu’il était cadre dans une banque, qu’il avait un domicile confortable et une voiture 4×4 (l’ultime signe extérieur de richesse chez nous). Pourquoi vouloir partir au Canada dans ce cas ? La poursuite du bonheur n’est donc pas exclusive aux pauvres sans espoir ? Bien sûr que non. Tous autant que nous sommes, quel que soit l’endroit où nous vivons, nous continuons cette quête qu’on appelle banalement ici « le rêve américain. » Alors pourquoi fustiger cet homme pour avoir recherché un meilleur emploi, un meilleur système de santé, de meilleures routes, de meilleures écoles, plus de sécurité, une meilleure vie, pour lui et sa famille ? Pourquoi pointer du doigt cet homme pour avoir fait le sacrifice d’une vie moyenne au Togo, en quête d’une vie meilleure au Canada? Pourquoi le condamner pour avoir peut-être fléchi sous le poids du stress qu’une telle entreprise comporte ? Personne ne peut le juger. Personne n’a le droit de le critiquer pour avoir eu du mal à faire face aux difficultés de cette nouvelle vie ardemment recherchée. Ce que nous devons faire, c’est joindre nos prières à celles de ses proches, pour le repos de son âme.

Ce que nous devrions faire aussi, c’est parler davantage, et plus ouvertement, de la dépression et des problèmes mentaux. Nous, togolais, africains, devrions arrêter de considérer les troubles psychiques comme des signes de faiblesse ou des maladies honteuses. Nous devrions mieux être éduqués à ces questions pour déceler les signes avant-coureur de stress, de surmenage, et de dépression, en nous ou autour de nous. Savoir reconnaître et accepter ces moments de doutes et de troubles pour mieux les dépasser c’est être plus humain. Seul notre compatriote et peut-être sa femme savent quelle est la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase, et l’aura conduit à ce geste ultime. Que cette tragique expérience ne soit pas qu’une triste affaire d’immigration de plus. Que cet exemple nous sensibilise, afin d’éviter que d’autres familles soient brisées de cette manière, et afin de ne pas remuer le couteau dans la plaie en étalant leur vie sur la place publique. Que cette histoire nous édifie tous et nous serve de leçon de vie, quel que soit le lieu où nous vivons, quelle que soit notre quête d’une vie meilleure.