En interview pour Die Frenchies
Interviewée par Julie des Frenchies de Berlin :
Un petit coup de foudre. Une décharge littéraire. Un amourachement à distance, entre les pixels et les kilomètres. C’est l’effet que m’avait fait le Berlinographe. De retour dans l’existence monochrome et légèrement névrotique parisienne, je scrutais au loin, en filigrane, la blogosphère berlinoise. Au loin et avec défiance, évitant la violence des souvenirs, Berlin c’était quand même ubercool, et je n’avais pas exactement choisi de la quitter; de ces fins de relation nécessiteuses, où il aurait fallu se perdre consciencieusement pour que cela «fonctionne », et où l’on a – malheureusement ou non – à demi joué. Une fin parasitée et précipitée par un environnement laborieusement inutile. Donc scrutage. Et puis il y a eu Jule.
Il y a déjà eu ce nom – on est toujours au moins inconsciemment attiré par ce qui nous ressemble. Il y a eu ce nom, associé à cette chevelure blonde. Curiosité et sourire piqués au vif; l’archétype du féminin moderne surmonté d’un patronyme de conquérant couillu, ça en jette. Et même s’il est de bon ton de feindre l’indifférence face au « trouble dans le genre », trouble en frenchies signifie aussi bien la confusion que le fait d’avoir des ennuis. De l’importance du jeu. Jule semble joueur, et j’aime jouer: en avant la lecture. Dans le premier texte qui me choisissait, Jule épiait un loup. Plus aux aguets que lui ne devait l’être, elle attendait qu’il daigne sortir de son bois. L’acuité de la figure filée m’avait violemment frappée, parce que j’adore cet animal et puis parce qu’à ce moment sûrement, moi aussi j’épiais, avec la patience stupide de l’amoureuse transie, un loup. Le juste de l’image irisée par cette écriture poétique, la tristesse du réel magnifiée par la beauté des formules. De là je dévorais le blog, me baladant entre la froideur de l’asphalte humide, la chaleur des rayons de Friedrichshain, ou la moiteur bariolée des errances claustro au sein des salles du Renate. Et à nouveau, dans le frisson de quelques lignes, je frôlais Berlin.
Dans le Berlinographe, pas vraiment de bonnes adresses veggie ou de conseils pour selfiser au Berghain. Jule prend la température du décor et personnage principal Berlin au gré d’aventures glanées au fil de ses pas. La ville jaspée s’y dévoile subtilement, elle transparaît entre les caractères de récits ou la poésie étreint allègrement le trivial, la légèreté de promenade estivale embrasse la lourdeur industrielle du son de club, la fraîcheur des liqueurs se rompt sur la brûlure du sang. Jule est multiple, cynique, drôle, mélancolique, belle, timide, garce, masculine et maligne. Comme Berlin. Je ne vis plus dans la ville, mais le Berlinographe m’y ramène implacablement, d’une bien belle manière. Dans mon souvenir, comme j’adore me plaindre, Berlin peut être rugueuse, faussement honnête mais vraiment méchante, difficile et froide. Jule, avec son romanesque rythmé et son surprenant phrasé réchauffe ma mémoire, et y substitue une image bien plus exacte que ce que le spleen se plait à me faire croire.
L’intégralité de l’interview est à retrouver sur le site des Frenchies ici