Jule

Pourquoi je pense en radiateurs

process
©Le Berlinographe

Troisième soir. Quatrième ouverture du document Word. Troisième soir. Parce que ça ne marche que le soir. Fait chier. Putain ça complique les choses. J’ai cru que c’était une question de temps disponible. Mais ce serait trop simple. Je me fous bien d’avoir trois, quatre heures devant moi, c’est une nuit qu’il me faut. C’est la certitude que je ne ferai rien d’autre. Que je m’y consacre totalement. Que je m’y plie, m’y soumets, esclave de moi-même. Esclave de mon année à mâchouiller mes émotions, à les organiser en chapitres étranges, en verbes à l’infinitif. Esclave de cette année à écrire ce roman dans ma tête. Si le premier m’est tombé dessus en trois heures cumulées, celui-ci a mûri lentement. Le premier était un orage, celui-ci est un fruit. Le premier était un bordel de sensations adolescentes fébrilement alignées en phrases. Celui-ci se veut chocolat de dégustation. Amer à 98 %.

Troisième soir, et mêmes émotions. Connues désormais. Je m’y soumets, avec résignation, et un certain plaisir tout de même. Sadique et masochiste à la fois donc. Cette montée progressive, trois jours que je sais que jeudi soir, j’écris. Parce que vendredi je ne travaille pas. Alors je peux bien me défenestrer trois fois dans la nuit, j’aurai le temps de dormir demain. La journée passe et je me dis que finalement je ne suis obligée de rien, j’écrirais bien si je veux hein. C’est pas parce qu’on a rendez-vous que je lui dois quelque chose, je peux me rhabiller au dernier moment et m’en aller, merde. Sauf qu’au fond je sais très bien que j’ai très envie de me déshabiller, être à nu, à fleur de peau, me lancer dans la nuit. La nuit justement, est tombée depuis longtemps, c’est presque l’heure de renoncer, c’est presque trop tard. D’ailleurs, vu l’heure, si je commence maintenant je n’aurais pas fini avant… fouuu… et demain je serai fatiguée. Toute la magie est là à vrai dire, c’est presque. Et l’envie me démange, elle est trop proche pour l’ignorer, c’est maintenant que tout se joue, mais les dés sont pipés. Je ferme mes mails, je ferme la porte, je monte le chauffage, m’enroule dans ma couverture, à la lueur de deux bougies j’éteins mon ampli, branche mon casque, m’assieds, lance la musique, relis les dernières pages.

Troisième soir. Je jette encore un œil aux bougies, je jette encore les doigts vers mon téléphone, lis un message, mais ne réponds déjà plus. Progressivement je m’enfonce, écris les premiers mots, et ça vient, ça monte, ça vient. Une heure plus tard c’est là, je suis au plus haut, là-haut sur le fil, équilibriste, sans filet, sans rien, nue sur mon fil, balance entre terreur et plaisir, j’écris, lève les yeux, souris toute seule. Je suis partie. Je tremble à peine. Léger, très léger tremblement. Et cette sensation, ces frissons qui se concentrent au fil des minutes, se regroupent, se saluent, complotent en mon sein, dans le creux là entre mes seins, enfin un peu en dessous, l’estomac finalement. Cette même sensation qu’une pilule qui fond, qui crépite, se dilue, explose. Mais parce que le corps est de loin supérieur à ces merdes, cette sensation dure, s’éternise, m’emporte, je surfe sur cette vague qui ne s’arrête plus, dévale la pente, trempée de mots, cours sur le fil, vertigineuse chute libre. Et puis soudain c’est trop. Je ne peux plus écrire. C’est trop, je suis trop proche, je n’ai plus le recul, c’est moi, je me fracasse dans le miroir tendu par mes phrases. Des éclats de verre plein les yeux. Merde je vois plus rien. Je mets un point. Ferme l’écran. En tâtonnant, je retire un par un les morceaux de miroirs brisés, pour peu qu’on soit vendredi prochain –le 13, me voilà bien. Les pose au sol, à peine digérés. Passés au travers de mon corps par deux fois. Ca dure une heure, enfin deux. Ce soir j’ai fini tôt. Surprise, il n’est même pas minuit. Je serai peut-être au lit dans deux heures, et en même temps je ne sais pas.

Troisième soir. Et premier soir où je sais ce que j’aimerais faire pour redescendre. J’aimerais m’appuyer contre le radiateur de quelqu’un d’autre. Dans un autre appartement. A quelques pâtés de maison. Mmmm. Moue dubitative. Mauvais plan ça. Parce qu’on peut pas dire que le radiateur de l’appartement auquel je pense soit très près du sol question rapport à la réalité. Assez ésotérique en fait. Pour peu que j’y aille maintenant je risquerais de prendre appui sur l’épaule de son propriétaire. Mmmm. Et si c’est le cas, je pense que je ne suis pas couchée. C’est bien la peine de finir tôt. Merde.


Passez le Mur #2 – Janvier

A retrouver sur 88.4 FM à Berlin et sur 101.3 FM à Nantes.
Mit Passez le Mur bringt Gramafon FM ein deutsch-französisches Hörerlebnis ins ALEX Radio. Entstanden aus einem Projekt des Deutsch-Französischen Jugendwerks hat es sich das Team des frankophonen Senders zur Aufgabe gemacht, neben Konzertmitschnitten, Interviews und Musik auch das internationale Leben in Berlin zu erkunden. Die deutsch-französische Beziehung steht dabei klar im Fokus – auf unkonventionelle und innovative Weise.


Parce que lundi tout a changé

©Le Berlinographe

Mille phrases me viennent pour commencer ce texte. D’ailleurs cette phrase-là n’est qu’une de ces mille phrases. Tout se mêle. Parce que je suis loin, entre deux eaux. Entre la réalité de mes personnages et ma réalité à moi. Moment terrible de redescente. Alors je vais écrire toutes ces phrases dans le désordre. Thérapie à moi.

L’écriture c’est ma drogue.
C’est ma drogue parce que je monte, je plane, et je redescends. Et la descente est dure.
Mais j’adore ça. Putain qu’est-ce que j’aime ça. D’ailleurs j’en ai les larmes aux yeux. Et d’écrire que j’en ai les larmes aux yeux merde ça me fait pleurer. J’adore ça. J’adore ce processus. Et puis j’adore en parler. Lundi j’en ai parlé à Samuel, c’est un mec que j’ai rencontré. Rien de fou, il s’en va dans quelques semaines à l’autre bout du monde. Juste un mec comme ça. On buvait un verre, enfin plein parce qu’on a bu jusqu’à trois heures du matin, et à un moment je lui parle de ça. De pourquoi je voulais partir loin. Pour écrire un roman. Que pour des trucs courts ça va je gère à Berlin. Mais pas pour un roman. Parce qu’il me faut le temps de monter, de planer, et de redescendre. Et que c’est compliqué de faire ça comme ça dans la journée entre deux rendez-vous ou avant d’aller bosser.

J’adore ça. J’adore quand ça me prend. Mais avec l’âge c’est de moins en moins passionnel. Comme les histoires d’amour j’ai l’impression. A part dans les films ça n’existe plus trop après trente ans les coups de foudre. Quand j’avais vingt ans j’ai rencontré Antoine. On s’est embrassé sur un rempart à Avignon, on a fait l’amour le lendemain sur un matelas par terre, et trois jours après on se disait je t’aime. On fait plus ça après trente ans. C’est con parce que moi j’adore ça. L’écriture c’est pareil. Y a deux ans ça me prenait comme ça. D’un coup j’écrivais. J’étais obligée d’avoir toujours un carnet dans le sac et un stylo. Sinon c’était horrible, j’en pleurais. Tout s’écrivait dans ma tête très très vite. J’adorais raconter ça. J’adorais expliquer comment ça me tombait dessus, comment j’écrivais, vite, vite, très vite. Et puis je fermais le cahier d’un coup. Comme un plaisir interdit. Et je relisais le lendemain. Et c’était comme si je n’avais jamais écrit ça. Comme si c’était quelqu’un d’autre. Beaucoup de copains sont surpris d’apprendre que je ne retouche jamais mes textes (juste les fautes d’orthographe). Que tout sort tout seul. Et puis ça a diminué. Depuis quelques temps, moins d’un an mais quand même, ça ne me tombe plus dessus. Faut du temps. Faut que ça monte. Faut que je me mette en condition. Un peu comme les clubs. Il y eut un temps où j’y allais comme ça. Fraîche, toute mignonne, toute fraîche et saine. J’étais la fille en transe, transpirante, les yeux fermés qui dansaient des heures, et qui pourtant ne fume pas, ne boit pas, ne prend pas de drogues. Et tenait toute la nuit.
Et plus maintenant. Alors je sors moins. Comme j’écris moins. Parce qu’il me faut de l’aide pour entrer dans cette transe.

Et puis lundi tout a changé. Parce que ça fait des semaines que je plonge, dans un abîme qui n’est pas l’habituel songe, non, un abîme inconnu. Qui me stresse. M’angoisse. Pour libérer le mal rien ne vaut du bon chamanisme. Aiguilles tout ça, faire sortir le mauvais esprit. Le maître a dit : « Je peux voir votre langue ? » Puis un silence. Puis : « Moi je ne vais vous demander qu’une chose Jule. A partir d’aujourd’hui, plus d’ecstasys, plus d’MDMA, plus de speed. Le reste je m’en fous, mais ça c’est fini. »
Alors c’est fini. Et putain qu’est-ce que c’est bon. J’entends un rire en moi depuis lundi. Un rire qui dit « hahaha t’as failli partir loin, t’as failli me décevoir Jule, mais c’est bien tu t’es rattrapée à temps ».

Berlin c’est une ville horrible, une ville dangereuse où on coule doucement. On est plein à le dire. Faut partir de Berlin assez souvent pour ne pas couler. On se laisse glisser comme ça. Vrais sables mouvants, et les années passent…
Lundi j’ai arrêté de croire que j’ai plus de valeur en traçant des lignes blanches. Lundi j’ai arrêté de croire que je rends hommage à ma souffrance en passant la nuit au Berghain. Et ma souffrance me rend hommage aujourd’hui. Mercredi j’ai pris mon cahier. Vendredi mon ordi. J’ai créé un nouveau dossier, un nouveau document Word. Et voilà deux soirs que j’écris.

Alors oui, c’est dur. Oh qu’est-ce que c’est dur. Cette montée, qui commence en début d’aprèm quand je décide plus ou moins inconsciemment que ce soir j’écris. Ce moment où je sais qu’il faut y aller. Je mets mon casque, ma playlist « écriture » sur Spotify. J’écoute Soley et Dillon, je garde Archive pour le milieu du roman… Et puis j’y vais. Je pars, loin. Je déconnecte. Enveloppée dans une couverture, le dos au chauffage.
Ce soir j’ai arrêté dès que j’ai senti venir une pause. Parce que malheureusement je ne suis pas libre. C’est déjà dingue que j’y arrive. Sans être partie de Berlin. Dingue que j’arrive à écrire dans mon chez moi. C’est marrant, je me rends compte que néanmoins, j’écris depuis le seul endroit dans mon appartement où je ne suis jamais. Un bout de sol de 40 cm2 au fond à gauche. Un ailleurs quand même.
Mais même si c’est dur, Dieu que c’est bon. De renouer avec ça, avec ce monde-là, avec cette Jule-là. Profonde. Renouer avec ma souffrance.
Le peintre qui me disait un jour « ta souffrance elle sera toujours là, elle te nourrit. T’en fais pas. »

Alors je la caresse, l’approche doucement, l’apprivoise. Sans me faire bouffer.
Le plus dur c’est donc la descente. Quand je ferme le document à contrecœur. Et passe une heure à réintégrer doucement le monde réel. Droguée à l’émotion pour de bon. Je cherche à ressentir du fort pendant cette descente. Je fais des trucs bizarres comme écrire à un ex. Le regrette le lendemain bien sûr, mais tant pis. Autant m’y habituer. Je ne vais pas l’écrire en trois jours ce roman, trois semaines c’est possible à ce rythme. Mais je risque d’en faire des trucs bizarres, des conneries, pour ressentir dans la vraie vie une infime partie de ce que je ressens dans ce monde qui n’existe pas. Quelque part dans mon cœur, mon cerveau, je ne sais pas trop ce qui écrit chez moi. Mon inconscient conscient sûrement. La Jule qui a morflé et qui transforme à travers les documents Word.

Voilà, ça va un peu mieux. Je vais glander sur le net. Voir les nouveautés de la Page Pute de Brain tout ça tout ça. Changer de musique doucement, et aller me coucher peut-être, quand je serai sûre que je n’emporterai pas dans mon lit des bouts de mots qui n’ont rien à y faire.


Parce qu’il y a des silences

Crédit Photo : Chloé Desnoyers
Crédit Photo : Chloé Desnoyers

Il y a des silences qui réveillent. Lire une information au fin fond de sa couette. Sans comprendre.
Il y a des silences qui choquent. Qui vous laissent seuls. Solitude incroyable parmi la foule. Ne plus être Berlinoise, mais Française. Et seule dans ce café bondé.
Il y a des silences qui pleurent. Sans comprendre. Reprendre son vélo. Maison, ordinateur, téléphone, et rester là. Il y a des silences qui durent, et durent longtemps.
Il y a des silences amicaux. Ceux qui ont entendu, comprennent. Posent une main sur la mienne.
Il y a le silence de la nuit. Quand on n’arrive pas à lâcher son écran, ses écrans, quand on n’arrête plus d’actualiser la page.
Il y a le silence des retrouvailles. Une bonne année souhaitée à demi-mot. Il y a le silence autour des tables. Quand on ne rit plus. Parce qu’on en reparle, encore et encore. Silence sédentaire. Installé. Qu’on ne peut ignorer.
Il y a le silence partagé. A deux ou trois.
Il y a le silence de ma main qui se glisse dans celle de Marie. Serrées l’une contre l’autre face aux fleurs. Il y a le silence des larmes. Le silence de Martin, de Cross qui se collent à mon bras, dans mon dos. Câlin silencieux.
Il y a des silences qui durent. Des silences qu’on savoure. Des silences qui réchauffent quand d’autres refroidissent.
Des silences de vie. Pour faire taire un silence de mort.


Du fond du coeur merci.

cri
Plus de travail.
Et une douloureuse envie d’écrire.
Cette sensation d’avoir déconnecté totalement.
De ne plus être là.
Se réveiller sans savoir pourquoi.
S’assoir et attendre quelque chose qui ne vient pas.
Attendre, le visage qui s’obscurcit, les yeux humides.
Et comprendre.
Comprendre que ça doit sortir, je suis au bord de vomir tous ces mots. Nauséeuse, l’imaginaire me rattrape. Il est là ce deuxième roman. Mais je ne peux pas l’écrire. Et ça me rend malade. Parce qu’il faudrait que j’y entre à 100 pourcent. Que je plonge dedans. Et dans un quotidien c’est impossible. Impossible d’écrire à ma table. Dans un café en bas.
Besoin de partir. Urgemment. Le temps de tout sortir, une semaine, deux peut-être. Mais besoin de partir. Vite. Pour écrire, écrire, écrire, dormir un peu, manger, sûrement pas, écrire, tout sortir.

Alors je le demande ici : y aurait-il une cabane ? une chambre ? un bout de canapé ? un endroit quelque part dans le monde, le Brandenbourg, l’Allemagne, l’Europe, où je pourrais venir, pour une semaine ou deux, écrire ? Juste écrire. Deux mètres carré suffiraient. Juste éteindre le téléphone, tout éteindre, enfiler un pull et attacher mes cheveux, lunettes sur le nez, écrire. Sortir d’ici.
L’un d’entre vous saurait-il m’accueillir ?
Du fond du cœur merci.


Passez le Mur #1 – Décembre

Sendung vom 31.12.14
Liebe Freunde, seid bereit für eine Stunde mit Gramofon FM : Passez le mur, l’émission musicale berlinoise en français et en allemand.
A retrouver sur 88.4 FM à Berlin et sur 101.3 FM à Nantes.

Passez le mur, die Musiksendung, wo sich Berlin auf deutsch und französisch hören lässt.

Auf dem Programm : Interviews von Künstler, Entdeckung von neuen Musikern, in Berlin aufgenommene Konzert und viel mehr. Und natürlich die Gelegenheit, dein französisch zu verbessern !

Weitere Infos über Gramofon : www.gramofon.fm


Parce que j’avais oublié

sud oubli
©Le Berlinographe

Je suis rentrée en France, entrée en France, moment délicat où l’on ne sait plus si l’on doit dire entrer ou rentrer, parce qu’on n’habite plus là-bas, mais pas depuis assez longtemps ici pour ne pas pouvoir s’empêcher d’utiliser le « r », un peu perdue en somme, dans l’avion du moins, j’y suis allée en tout cas, en France. J’avais oublié ce que c’était que prendre le train. Pourtant dieu sait –enfin, ceux qui partageaient mon année d’alterné, que j’y ai passé du temps dans les trains. Grande voyageuse. La carte et tout. J’avais oublié ce moment de lâcher prise, quand le train démarre dans une douce chaleur, enlever ses chaussures et s’installer en tailleur dans un fauteuil un peu petit. Le visage tourné vers la fenêtre et les pensées qui dérivent, dérivent et partent loin. Les larmes, les to do list, la musique qui va comme de par hasard parfaitement avec le paysage, les films qu’on se fait, les yeux qui se ferment, les films. Et cette envie d’écrire, cette monstrueuse envie d’écrire quand je suis dans le train. Alors dans ces 35 minutes entre Paris et Marles en Brie où l’on m’attend pour déjeuner, je fais mon film. A mon retour je partirai, tous les weekend je prendrai le train, juste le train, j’irai nulle part, le billet le moins cher, et j’écrirai mon deuxième roman. Oui. C’est décidé. C’est ça que je ferai.

Je suis rentrée dans le Sud. Avec un grand R cette fois, parce que le Sud, mon Sud, cette lumière, le soleil qui brûle mes seins au matin, même un 23 décembre, c’est mon Sud, le mien, à jamais sur ma peau. J’avais oublié ce que c’était que d’ouvrir mes volets au matin, sortir sur ma terrasse, à moitié nue, écarter les bras et fermer les yeux, se laisser tiédir, réchauffer, brûler, câliner par un soleil jamais froid, toujours là, aimant, délicieux amant. Sentir l’odeur des pins. S’asseoir en terrasse face à la mer, ne plus rien voir à cause de la lumière, transpirer sous un pull devenu trop chaud, se laisser bercer par le bruit des vagues, les mots.

Je suis rentrée à Berlin. 31 décembre. J’avais oublié comment les gens sont beaux dans le métro pour nouvel an. Déclinaisons de rouge à lèvres. Haleine de bière mêlée de cigarettes. J’avais oublié cette odeur, la bière mêlée à la cigarette. Et j’avais oublié la magie des feux d’artifice, ces quarante-cinq minutes de pur bonheur où tout explose, explose, explose. Hystérique, un sourire comme à jamais transperçant ma figure, sautant sur place, poussant de drôles de petits cris. Et puis cette peur tout de même rationnelle de voir mes cheveux brûler. Et puis ces inconnus prêts à me serrer contre eux pour me rassurer. Et puis ces amis qui sourient aussi. Tout explose, magie des feux d’artifice. Magie des choses qu’on oublie pour mieux les redécouvrir. Promesse d’une année sans cesse renouvelée. Passionnée. Parce qu’on ne change pas que voulez-vous.


Atmosphère Berlinoise #5 – Janvier

Janvier, nouvelle année, nouvelle atmosphère berlinoise! L’occasion de rentrer en France et de prendre le train (wouh ça faisait longtemps, adieu air france et easyjet, bonjour la sncf). Rencontre avec Julie, la reine des Frenchies de Berlin, puis avec Andreas, sound designer et maître de l’art du voyage sonore, à découvrir absolument, au casque de préférence ^^. La minute Malte, toujours au rendez-vous, et de surprenantes découvertes musicales. Bonne année tout le monde!

Au programme, A l’écoute / Auf dem Programm

Partie 1 : La résolution que tu ne tiendras pas ?
1. Folge : Der gute Vorsatz, an den du dich nie halten wirst ? 
Musique/Musik : Michaël Boumendil (Agence 6ème Son) / SNCF Official Music

Partie 2 : Interview : Julie Kemtchuaing, blogueuse pour diefrenchies
3. Folge : Interview : Julie Kemtchuaing, Bloggerin für diefrenchies
Musique/Musik : France Gall / Ich liebe dich so wie du bist / Das beste auf deutsch – 1998 Extraits/Ausschnitte : « Berlin, l’auberge espagnole » le feuilleton JT du 13h – 8 juin 2012

Partie 3 : Musique du mois : Andreas Miranda
3. Folge : Musik des Monats : Andreas Miranda
Musique/Musik : Extraits du sound journey d’Andreas Miranda dans la St Richard Kirche, enregistré le 29 novembre 2014
Ausschnitte vom Sound Journey von Andreas Miranda vom 29.11.2014 in der St Richard Kirche

Partie 4 : La Minute Malte
4. Folge : Malte’s Minute
Musique/Musik :
– Sido / Mein Block / Maske X – 2005
– FL Studio 9 Remake of Sido’s track « Mein Block » – 2010
– Grand Corps Malade / Les Voyages en Train / Midi 20 – 2006


Pourquoi je cherche un travail

decembre
©Dmitry

CRISTINA
No, I just have to come face to face with the fact that I am not gifted, you know? I-I can appreciate art and I love music, but…it’s sad, really, because I feel like I have a lot to express and I am not gifted.

Ça fait des jours que je cherche cette citation. Vicky Cristina Barcelona. J’ai fini par lire le script pour la trouver. Un peu déçue finalement, je ne m’en souvenais pas comme ça. Ce dont je me souvenais c’est que j’avais 18 ou 19 ans quand j’ai vu ce film au cinéma. Cristina, entourée de deux peintres merveilleux, son appareil argentique dans la main, explique qu’elle a beaucoup à dire mais qu’elle n’a pas de don pour le faire. Dans le noir du cinéma, un an ou deux avant que je me mette à taper dans les murs, j’ai eu les larmes aux yeux. J’ai pleuré dans la lumière blanche de l’écran. Parce qu’à ce moment-là moi j’aurais tout donné pour n’être qu’un dixième de Cristina. Une jolie blonde, sensuelle, magique, photographe en argentique, dans la chaleur de Barcelone. Développer des photos dans le noir –embrasser Maria Elena je l’accorde. C’était avant que je me mette à taper dans les murs, avant que j’écrive pour survivre, tous ces poèmes, toutes ces histoires, mes premières pièces de théâtre, c’était il y a longtemps et pas si longtemps en même temps.

Je cherchais cette citation. Finalement pas tant pour ses mots mais pour ce qu’elle provoque en moi. Ce désespoir de n’être « pas une artiste » à 18 ans, bonne khâgneuse en voie de master, c’est ce cri qui résonne depuis un mois maintenant, bonne serveuse en voie de barmaid. Hier après-midi c’était mon dernier jour au restaurant. J’ai démissionné. Hier soir j’ai trinqué au chômage. Trois vins chauds.

Alors que chacun vogue vers ses propres ambitions : chef d’entreprise, photographe, mère de famille, moi je ne sais plus très bien ce que je fais. Je veux être écrivain. Je ne vois rien d’autre, je ne veux rien d’autre. Je veux partir en Espagne ou en Suède, écrire mes livres, seule avec du vin de noix et mes vinyles d’Archive. Je veux revenir à Berlin profiter des amis, sortir, ouvrir un bar à vin, y mettre mes potes et rire.
Alors j’écris un peu, et je sers beaucoup. Des assiettes dans des restos, des verres dans des bars. A me demander pourquoi déjà ? Ah oui pour avoir du temps, dormir le matin, écrire, partir en vadrouille l’après-midi, travailler le soir et un bout de la nuit. Gagner sa vie pour y arriver. Arriver à quoi déjà ? A être écrivain oui c’est vrai.
Et puis soudain plus rien. Ce matin je ne suis plus serveuse. Quelques semaines d’économies devant moi pour trouver autre chose. Mais pour trouver quoi ?

Parce que je grandis, et, cela te fera sans doute plaisir papa, je réalise que les chances que je vive de cela sont faibles, que dis-je, dérisoires. La poésie en prose n’achète pas des villas en Espagne, des châteaux tout au plus.

La future photographe fait des photos de mariage pour vivre de son art.
Le futur chef d’entreprise monte sa boîte.
La future mère de famille heureuse fait des enfants.
Et l’écrivain ? Supposée faire des traductions ? Des articles bidon ? Des piges ? Courir la ville à la recherche d’articles à vendre ?

Je continuerai à grandir, mûrir -c’est comme ça qu’on dit non?, mais pour l’instant je ne suis pas prête à renoncer à quoi que ce soit. Dans dix ans j’écrirai mon quatrième livre dans un champ de fleurs sauvages à Barcelone. Je le retravaillerai sur une île en Suède. Je fêterai sa sortie dans mon bar à vin berlinois. Avec les copains. Ceux qui ont toujours cru en moi. Avec vous quoi.


Atmosphère Berlinoise #4 – Décembre

Décembre! Hop hop hop, sapins, guirlandes, vin chaud et la nouvelle atmosphère berlinoise : numéro 4 wouh! Ce mois-ci Tetron nous raconte des histoires, Yannis nous parle de la fondation de votre radio préférée, Gramofooooon, et nous parle de Music On The Road, son nouveau projet. Malte vous attend avec trois expressions on ne peut plus berlinoises, et comme d’habitude, de bonnes musiques bien dans l’ambiance… Surprise à la fin de l’émission ^^.

Remerciements / Dank

Un grand merci à Simon Decreuze, Yannis Papé et Johanna Alloin qui ont grandement contribué à la naissance des Atmosphères. 
Ich danke Simon Decreuze, Yannis Papé und Johanna Alloin, ohne die es nie so geworden wäre.
Pour cette quatrième émission je remercie particulièrement Vera, Hannah, Alex, Marjo, Alexandra, Martin, Charley, Yannis, Yves et Malte. Ein besonderer dank geht auch an Vera, Hannah, Alex, Marjo, Alexandra, Martin, Charley, Yannis, Yves und Malte.


Au programme, A l’écoute / Auf dem Programm

Partie 1 : Noël ne serait pas Noël sans… ?
1. Folge : Weihnachten wäre nicht Weihnachten ohne… ? 
Musique/Musik : Raket One / Heilige Weihnachtszeit – 2012

Partie 2 : Musique du mois : Tetron
2. Folge : Musik des Monats : Tetron
Musique/Musik : Extraits du live de Tetron à l’Antje Oeklesund, le 18 octobre 2014
Ausschnitte vom Tetron vom 18.10.2014 im Antje Oeklesund

Partie 3 : Interview : Yannis Papé, fondateur de Gramofon FM
3. Folge : Interview : Yannis Papé, Gründer von Gramofon FM
Extraits/Ausschnitte :
Gramofon On Air #2
Le Dernier Métro – Les Aspirateurs
Dewey Balfa & Robert Jardell: Hippi T’Ayo – 1983

Soutenir Music On The Road : ici
Um Music On The Road zu unterstützen : hier

Partie 4 : La Minute Malte
4. Folge : Malte’s Minute
Musique/Musik :
– Sido / Mein Block / Maske X – 2005
– FL Studio 9 Remake of Sido’s track « Mein Block » – 2010
– Les Minikeums / C’est nonoel


Comment l’instant présent se fait prison

instant-present
Moment présent. Instant présent. Présent. Là. En ce moment. Dans l’instant. Présent. L’instant présent. Le moment dans lequel on est. Celui-là. Celui-là même, comme dirait l’autre, où la jolie fleur n’existe plus dans la pensée, où la jolie n’est plus « jolie », elle est là c’est tout, et soi, et la fleur, et le monde, tout ne fait plus qu’un, la beauté de la fleur, de soi, du monde, on ne la pense plus on la vit toute entière quand on est dans l’instant présent. Merveilleux à pleurer. Instant si fort, inimaginablement prodigieux, où l’on pleure en souriant. Où l’on pleure en souriant.

Moment présent. Où l’on ne fait qu’un avec le monde, où le monde ne fait qu’un avec nous. L’émotion présente. Assourdissante. Si forte, si présente, qu’elle noie le reste dans un brouillard flou, annihile tout, m’ôte de la bouche le moindre mot, la moindre idée, pensée. Ne vis plus que pour elle, à travers elle. En elle.

Moment présent. Emotion présente. Noyée dans l’émotion. Il est venu me chercher à Schlesisches Tor, il m’a empêchée, trois fois, de me faire écraser sur le chemin du restaurant. M’effleurant sans cesse. Et moi les mains dans les poches, le regard vide, dissimulée par mes cheveux que je ne daignais plus ramener en arrière. Je l’écoutais parler sans intérêt, souriais sans les yeux, vide, creuse. Il m’a tenu la porte en entrant, a commandé pour moi. Et c’était fade. Obnubilée par la lumière rouge, le bois de la table, le bois, toujours le bois, et mon verre de vin. Je l’entends parler, je l’entends rire, je vois les étincelles dans ses yeux, et je ne ressens rien. Parce que je suis ailleurs, prisonnière. Mon instant présent n’est pas ce restaurant avec cet homme vraisemblablement fantastique. Mon instant présent, celui qui m’absorbe toute entière, avec lequel je ne fais qu’un, mon présent remonte à vingt ans. Mon dieu vingt ans déjà, et se ranime sous mes yeux dans sa voix, ses yeux à elle, celle qui me manipule, me persécute, me hurle dessus quand personne ne la voit. Celle qui se joue de moi, me vole ma joie, rit de mon désarroi. Et je tremble seule chez moi, et je tremble quand elle entre dans la pièce, quand elle pose ses yeux sur moi, et ma peau mue, je pèle et je saigne, me gratte, mets de l’alcool sur les sillons de mes doigts et j’entends que je n’ai rien. Sie somatisieren. Quelque chose vous stresse ?

Je vis très fort, trop fort c’est sûr, et c’est mon corps tout entier qui se lance dans l’instant présent. Jouir de bonheur, pleurer de simple bien-être, je le connais bien ce sentiment de l’instant présent. Et le voilà qui se retourne, comme le plus beau des cieux, le plus beau des couchers de soleil, de ceux dont les couleurs n’existent pas, dont les couleurs sont des pixels, ces oranges somptueux, ces roses électriques, sur fond bleu fantastique, le plus beau des cieux, devenu soudain orageux. Tempête, ouragan, déchaînements de gris, de sombre, le noir dans toute sa brillance.

Je n’ai rien ressenti quand il est venu me chercher à Schlesiches Tor. Rien ressenti quand il a pris ma main pour traverser la rue. Rien ressenti quand il a effleuré ma joue près de l’eau. Même après trois verres de vin je n’ai rien ressenti. Je ne ressens plus rien. Obsédée par cette douleur au cœur, ce cri que j’entends quelque part en mon sein, la douleur de mes doigts qui saignent seuls comme pour mieux me prévenir.

Obligée de sortir de la salle pour pleurer. Allongée sur mon tapis de sol j’ai senti les larmes couler. Fermez les yeux, entrez en vous, offrez-vous ce moment. Entrer en moi oui, mais je m’y brûle les mains, l’enfer brûle c’est connu. Alors les larmes ont coulé, je suis sortie de la salle pour pleurer. J’ai pris mon carnet, enfermée dans les toilettes du studio j’ai pris mon carnet en pleurant. Parce qu’au fond je ne sais même plus si je me bats contre elle ou contre moi, si cet ici et maintenant est cet ici et maintenant ou ce là-bas il y a vingt ans. Et si je frappe, si je lance mon poing en avant, qu’atteindra-t-il ? Un visage ? Un ventre ? Un souvenir ?

Vivre dans l’instant présent. Quand l’éphémère qui ne l’est plus se fait prison.


La Top Chronique #1

Distillation
Distillation – Illustration de Marine Fargetton

Changement de registre pour une Top Chronique girly publiée sur DieFrenchies et lue en exclu sur Gramofon FM dans le cadre de l’émission live du mardi 4/11 enregistrée au Madame Claude à Berlin.

Mais surtout l’occasion d’une collaboration avec Marine d’Un Printemps pour Marnie, collaboration qui me réjouit fortement! Merci Marine et à très vite!

 


Parce qu’on m’a donné le droit d’être heureuse

je danse
©Le Berlinographe

Fille du soleil, je danserai toute ma vie. Quelque chose comme ça est écrit sur ma peau je crois. Oui, quelque part entre mon aisselle et mes reins. Et me voilà, seule en plein soleil, je danse, oui je danse. Face à ma fenêtre grande ouverte, dans le soleil couchant je danse, mon casque sur mes oreilles, une main tient le fil, l’autre le téléphone, je danse, musique puissante. Je danse car je ne tiens plus en place. Mon cœur bat trop fort, si fort que je marchais en sautillant tout à l’heure dans la rue, comme si chaque battement me propulsait un peu plus haut, rehaussait encore le sourire qui pointait sur mes lèvres. Aura de joie, on m’a souri sur le trottoir.

Micro éteint, je viens de lui montrer ma main rongée d’eczéma, le dermatologue, psychanalyste, excentrique peintre me demande qui m’emmerde de la sorte, pour avoir un eczéma si violent. Je n’ose répondre. Dérape à la place.
-J’ai une question
-Je t’écoute
-Comment vous faites pour créer encore dans la souffrance, comment c’est possible, après une psychanalyse, de créer encore à partir de cette souffrance ? Moi j’ai écrit des textes merveilleux au plus profond du noir, des textes magnifiques, comme j’ai l’impression que je n’en écrirai plus jamais, quand j’étais sur le fil. Mais j’ai pas envie de rester sur le fil, j’ai pas envie de mourir vous savez, et ce que j’écris maintenant c’est merdique. Je tourne en rond, toujours la même histoire, dans ma petite vie presque tranquille. J’ai pas envie de mourir, mais je meurs si je n’écris plus. Ou mal.
-Petite, l’écriture elle est en toi, en toi, et ça tu ne pourras rien y changer. Ta souffrance aussi elle est en toi, elle sera toujours en toi. Mais si t’as envie d’être heureuse en ce moment sois heureuse ! Bon sang sois heureuse ! T’es jeune ! T’écriras plus tard, ou t’écriras autre chose. Tu le sens non que c’est en toi ? Quand t’écris pas t’y penses non ? Ca travaille dans ton corps.
-Oui.
-Alors voilà. C’est là. En toi. Personne ne changera ça, et ceux qui essaient, ceux qui te diront que c’est de la merde, tu les emmerdes tiens, parce que ceux qui te diront ça c’est des vieux cons, des jaloux, parce que toi t’es jeune tiens !

Alors je danse, je danse les yeux fermés je tourne, je tourne, je tourne, le cœur qui bat à toute allure, je danse dans le soleil qui se cache, je danse et je me laisse aller à être heureuse, du moins pour aujourd’hui. Juste aujourd’hui, juste cet après-midi avant que la nuit vienne. Je danse comme j’ai dansé dans la rue en faisant trois détours avant de me trouver devant ma porte, parce que je n’avais pas envie de rentrer chez moi, j’avais envie de rire toute seule dans la rue, dans le soleil qui décline, après un déjeuner magique. Fantastique, il dirait, lui, en me bouffant des yeux. Lui, qui m’attendait l’autre soir à la fin de mon service…


Atmosphère Berlinoise #3 – Novembre

Novembre! Et déjà la troisième atmosphère berlinoise! Ce mois-ci on avale du white Spirit avec Alain Le Cozannet, artiste peintre de Toulon en visite à Berlin où il expose du 31 octobre au 24 janvier à la Galerie ICON. On redécouvre les classiques de la chanson française mais en allemand grâce à Franz Geil and band. Et surtout on continue nos leçons de berlinois avec Malte.

Remerciements / Dank

Un grand merci à Simon Decreuze, Yannis Papé et Johanna Alloin qui ont grandement contribué à la naissance des Atmosphères. 
Ich danke Simon Decreuze, Yannis Papé und Johanna Alloin, ohne die es nie so geworden wäre.
Pour cette deuxième émission je remercie particulièrement Yannis, Marjo, Alex, Lucie, Linda, Jens, Alain, Antoine, La Bigoudène et Malte. Ein besonderer dank geht auch an Yannis, Marjo, Alex, Lucie, Linda, Jens, Alain, Antoine, La Bigoudène und Malte.

Au programme, A l’écoute / Auf dem Programm

Partie 1 : C’est quoi ton plat préféré ?
1. Folge : Was ist dein Lieblingsessen ?
Musique/Musik : Reprise par Franz Geil de Daft Punk / Get Lucky / Random Access Memories – 2013

Partie 2 : Musique du mois : Franz Geil
2. Folge : Musik des Monats : Franz Geil
Musique/Musik : Extraits du live de Franz Geil au Grüner Salon dans le cadre du Festival, le 18 octobre 2014
Ausschnitte vom Franz Geil Live vom 18.10.2014 im Grüner Salon

Plus d’info / Mehr Info :
https://www.facebook.com/franzgeil
https://franzgeil.de

Partie 3 : Interview : Alain Le Cozannet, artiste peintre
3. Folge : Interview : Alain Le Cozannet, Maler
Musique/Musik :
– Archive / Again / You All Look The Same To Me – 2002
– Archive / Lights / Lights – 2006

Exposition à la Galerie ICON du 31.10.2014 au 24.01.2014
Ausstellung in der Galerie ICON vom 31.10.2014 bis 24.01.2015

Plus d’info / Mehr Info :
https://www.alainlecozannet.com

Partie 4 : La Minute Malte
4. Folge : Malte’s Minute
Musique/Musik :
– Sido / Mein Block / Maske X – 2005
– FL Studio 9 Remake of Sido’s track « Mein Block » – 2010
– Raket one / Ick bin jut druff


Parce que sept jours c’est long pour une descente

descente
Il m’aura donc fallu sept jours. Sept jours pour me remettre d’une soirée. Enfin d’une nuit. Enfin d’une soirée, d’une nuit et d’une matinée pour être exacte. Moi qui toute fière de ne plus boire d’alcool (à outrance s’entend) ventais mes désormais absences de gueule de bois… Sept jours. Long.
Samedi. Dimanche. C’était une belle soirée, ma Léa rien qu’à moi pour quelques jours revenue, une belle soirée où la musique est forte et les sourires profonds. Où mes yeux se ferment pour partir, partir loin, trouver un mur, s’y adosser à peine, et se laisser bercer. Où mes doigts bougent seuls, en rythme, comme mes bras, mes jambes, ma tête et mes cheveux, en rythme, où l’on se balade de salle en salle Léa et moi, où l’on ne se quitte plus. Ces soirées qui durent douze heures et plus et qui reprennent une année d’émotions. Colères et déceptions, rires et pleurs, amours, toujours, et grandes déclarations. Ah, ces grandes déclarations, entre la porte et le mur de toilettes noires mais toujours propres. Grand carré gris à About Blank où l’on se cachait d’un admirateur au regard lourd. Placard reclus au Wilde Renate où l’on s’extasiait de la galanterie de l’homme qui nous faisait passer en premier. Alignement de portes dans un couloir argenté au Trésor où je dansais, incapable de m’arrêter, en attendant qu’elle ait fini de pisser. Et où je contemplais mon visage. Avantage de la poudre. Quand l’alcool fait de mon monde un tableau flou, elle éclaire tout, le moindre détail attire mon regard, tout est beau, grand, important. Cinq minutes à me fixer dans le miroir, les pupilles plus noires que jamais, si grandes que je ne vois plus rien du vert de mes yeux. J’adore cet effet-là ma Léa, ces pupilles noires immenses, impression de voir vraiment au fond de soi. Miroir de l’âme pour de bon, j’y plonge, y plonge, y plonge…
Lundi. Je raccompagne Léa à son avion, rentre à la maison ni fatiguée ni reposée, obsédée par le bout de papier plié laissé sur mon bureau. Je le fous au frigo et appelle un des garçons qui viendra chercher ça dans la soirée. La tentation est grande de retrouver ce plaisir de soi, de se savoir vivant. La tentation est bien trop grande pour la garder à la maison.
Mardi. Terrassée. Je repousse mon réveil d’heure en heure jusqu’à sauter sur mon vélo à moitié somnambule. Je m’endors sur le parquet du studio où mon cours de yoga s’achève en une relaxation épuisante.
Mercredi. Je m’autorise le repos jusqu’à quatorze heures, je ne travaille pas ce soir. Passe l’après-midi en quête de réconfort, chocolat chaud sur latte macchiato, heureusement que ces dernières années je m’interdis l’achat de paquets de gâteaux. En rentrant d’un resto entre copines je passe au Späti m’acheter une boîte de Kinder chocolat, plus fort que moi, les déballe un par un en arrivant chez moi, leur trouve un goût sec. Périmés depuis trois mois, tant pis.
Jeudi. On me confirme au travail l’importance du chocolat en descente. Plein de compassions, mes collègues me fournissent toute la soirée en crêpes au chocolat. Ecœurée.
Vendredi. Malade de l’estomac. Forcément.
Samedi. Grand mieux. Sixième jour, il était temps. Après une journée à boire des jus de pommes pressées entre deux petits déjeuner à servir en salle, je prends la route de Friedrichshain dans la nuit fraîche, Rigaer Str, une cour déserte et noire qui fait peur et des amis d’amis qui enchantent mon cœur pendant 40 minutes. Son électro trip hop qui fait du bien. Retour à un état de rêve bien plus sain.
Dimanche. Souriante sous un soleil de plomb, retour à la normale sans montée ni descente, un plat agréable, enviable, trop bon pour être mérité. N s’assoit avec moi en terrasse pour notre première et seule pause d’une journée chargée. Ce samedi-là au Trésor pendant que je me contemplais dans mon miroir, on mettait du GHB dans son verre posé sur l’enceinte. Elle qui ne consomme que du club mate froid, elle qui ne vient que pour son mec, prodigieux DJ qui enchanta notre nuit dans les caves du Trésor. Elle a les larmes aux yeux quand elle m’explique qu’elle ne se souvient de rien. Elle qui s’est toujours souvenue de tout. Disparue du club pendant deux heures environ. Et la descente s’ouvre à nouveau sous nos pieds. Elle se sent déçue. Je me souviens mon agression l’hiver dernier. Mon aussi j’étais déçue. Parce que je m’étais toujours sentie en sécurité dans cette ville. Mais tout peut arriver, tout le temps, et à tout le monde. Pas d’histoire de mérité ou pas mérité, de leçon à retenir ou non. Une histoire de hasard de la vie, d’actions et de conséquences, de risques pris, une histoire de gros cons souvent. Mais une histoire à vivre. Des montées, des descentes, des plats, des accidents. Histoire à vivre.


Comment j’ai retrouvé Mathieu

Mathieu
©Le Berlinographe

Depuis que Léa est partie, je me sens un peu seule. Seule dans ma mélancolie. Dans cet état où le côté sombre de l’âme grignote sur le bien-être quotidien. Ce moment où c’est soudain trop dur, trop fatigant, trop lourd d’être seule dans cette grande ville avec tous ces boulots sur les bras, ces batailles à mener. Y croire, revendiquer, s’affirmer et y croire encore, pour que les autres croient en nous. Léa, ma comédienne de cœur, me manque. Sa voix chaude, ses cheveux courts relevés derrière un foulard noir, son sourire, ses mots doux, nos silences partagés, nos nuits étranges, cette commune longueur d’onde.

Depuis que Léa est partie, je réalise que je manque clairement d’affect. Cette personne qui est là quoiqu’il arrive, qu’on peut appeler quoiqu’il arrive, à qui l’on peut tout dire, ces bras toujours ouverts où pleurer, sourire, se serrer fort. C’était Mathieu qui avait jusqu’alors ce rôle-là dans ma vie, avant que Léa ne débarque sur le fauteuil voisin du mien chez ce coiffeur foireux de Schlesiches Tor. C’était Mathieu qui me serrait dans ses bras, m’ouvrait la porte de chez lui où m’attendait le son rassurant de la télé, le canapé bleu et un chocolat chaud. C’était Mathieu.

Depuis que Léa est partie, je n’ai pas revu Mathieu. Il est devenu le fantôme de mes conversations avec les garçons quand je les croise au restaurant. Personne ne l’a vu, entraperçu peut-être dans la nuit un samedi. Ce fait longtemps qu’il ne répond plus au téléphone. Parfois il débarque comme ça et reste une heure, mais personne ne l’a vu depuis plusieurs mois. Parenthèse de juin où l’on se retrouvait par hasard à moitié nus au Teufelsee, puis plus rien. Quelques respirations éparses entre deux lignes blanches dans la nuit noire, mais rien de plus.

Et puis il y a eu ce message mardi soir. D’un numéro inconnu. Mathieu. Je suis à l’hôpital, tu comptes beaucoup pour moi, j’espère que tu vas bien. J’ai soupiré, profondément. L’hôpital. Je l’ai tant espéré ce message, et redouté à la fois. –Tu veux que je passe demain ? Pur réflexe. Ça me ferait plaisir oui. Tu pourrais m’apporter des bouquins ? J’ai soupiré, profondément. Bien sûr que j’apporterai des bouquins. Je n’avais rien de spécial à la maison, ayant tout rendu à la bibliothèque la semaine passée. J’ai pris Millénium, Marie a soupiré en rigolant. -Millénium ? T’as rien de plus gai pour un mec en désintox ? -Non, pas vraiment.

Alors me voilà dans le métro, ça faisait longtemps, mais en vélo c’est bien trop loin. Mon ventre se noue. Je crois que c’est la première fois que je visite quelqu’un à l’hôpital. Je suis descendue là-haut tout au nord, j’ai pris un bus, et puis voilà. Entrée principale. Information. Bonjour, je cherche la zone 1 du service désintox. -Vous venez visiter qui ? J’ai donné son nom, on m’a répondu que les visites étaient autorisées jusqu’à 18h. J’ai acquiescé, j’avais envie de pleurer. J’ai traversé le rez-de-chaussée, traversé cette petite cour, j’ai rejoint l’autre bâtiment, me suis arrêtée devant les panneaux, dépression à droite, psychiatrie en haut, désintox à gauche. J’ai pris à gauche, et face à moi deux portes, derrière ces deux portes un couloir, des chambres. Mon sac de livres pesait lourd sur mon épaule, je suis restée plantée là à regarder les portes. Je ne savais plus trop quoi faire. Tu comptes beaucoup pour moi. Oui mais non. Oui mais non je ne veux pas être la raison de ta présence ici. Ça ne changera rien. Jamais rien. Parce que l’année dernière, cette nuit-là, cette fameuse nuit, il y avait quelque chose dans mon verre. Alors ça ne compte pas. Magique ou pas, ça ne compte pas. Cette nuit n’a jamais compté, jamais existé crois moi.

Je me suis retournée, besoin d’air, mais il était là devant moi. Un pull bien trop grand, un visage bien trop blanc, une tasse de thé à la main. Même pas eu la force de sourire, moi non plus d’ailleurs. On n’a pas trop parlé, tu m’as emmenée au petit étang au centre du « campus » de l’hôpital. On s’est assis sur un banc, je ne t’ai pas posé de questions, j’avais trop peur des réponses. Tu ne m’as pas posé de questions, toi aussi tu avais sans doute peur des réponses. Alors on a regardé ensemble les feuilles jaunir sous le soleil couchant, les enfants donner à manger aux canards, les abeilles. Je t’ai parlé de Millenium, c’est vrai qu’ils sont gros les livres, mais vraiment sympa. Enfin un peu durs, violents, un peu tristes aussi, mais sympa. Enfin tu me comprends. Je ne suis pas restée longtemps finalement. Je n’aurais pu rester plus. Pour être honnête c’est trop dur. Trop près de moi ce temps où j’ai eu ce choix-là, le choix de la couleur, blanc ou noir, vivre ou mourir, car il arrive un jour où pour certains d’entre nous le choix est là. Je me souviens l’année dernière je t’ai retrouvé dans la cour du restaurant, tu pleurais, ta cigarette brûlant le bout de tes doigts, je t’ai pris dans mes bras et je t’ai dit de choisir. Parce que l’entre deux est bien trop dur. Quoique tu choisiras je serai là. Je n’aurais pu rester plus. Pour être honnête c’est trop dur, trop près de moi ce temps où j’ai eu ce choix-là, et tu as beau tenter le blanc je ne vois que le noir en toi, ton gris me fait du mal, parce que je sais que je ne peux rien, et surtout depuis cette nuit qui n’existe pas je ne peux même plus essayer, je t’ai trahi en un sens cette nuit-là, t’ai donné quelque chose qui n’existera pas. Dans la magie il y a toujours un truc, et le truc ce soir-là était dans mon verre.
Je ne pense pas revenir te voir. Les entre-deux c’est pas ma came. Pour être honnête c’est trop dur. Bien trop dur.


Atmosphère Berlinoise #2 – Octobre

Elle est arrivée! L’Atmosphère Berlinoise d’octobre est lààààà 🙂 Ce mois-ci on continue à apprendre le Berlinois avec la Minute Malte, on partage, au coeur de son studio, les émotions de Stojche, DJ et producteur originaire de Macédoine et installé à Berlin, on parle du monde de la culture avec Alexandra Henn, et bien sûr, ambiance musicale tournée vers la rentrée… Atmosphère Berlinoise vous apprend l’allemand, vous plonge à Berlin, vous donne envie quoi!

Remerciements / Dank

Un grand merci à Simon Decreuze, Yannis Papé et Johanna Alloin qui ont grandement contribué à la naissance des Atmosphères. 
Ich danke Simon Decreuze, Yannis Papé und Johanna Alloin, ohne die es nie so geworden wäre.
Pour cette deuxième émission je remercie particulièrement Erwan, Stojche, Alexandra, Malte, Natalia, Vera, Nevena, La Bigoudène et Alex. Ein besonderer dank geht auch an Erwan, Stojche, Alexandra, Malte, Natalia, Vera, Nevena, La Bigoudène und Alex.


Au programme, A l’écoute / Auf dem Programm

Partie 1 : A quoi tu penses, si je dis « Schulanfang » ?
1. Folge : Woran denkst du, wenn ich « Schulanfang » sage ? 
Musique/Musik : Raket One / Schule / Underground Pop Music – 2013

Plus d’info /  Mehr Info :
C’est quoi alors ce fameux Zuckertüte? –> c’est ici
Zuckertüte?! –> hier

Partie 2 : Le Dj du mois : Stojche Cvetanovski 
2. Folge : DJ des Monats : Stojche Cvetanovski 
Musique/Musik : Revolt

Plus d’info /  Mehr Info :
https://soundcloud.com/stojche
S
tojche am Tresor am Freitag den 17. Oktober, in Lyon (Frankreich), den 15. November

Partie 3 : Interview : Alexandra Henn, Freelance et Assistante Culturelle du BTD de l’Institut Français
3. Folge : Interview : Alexandra Henn, Freelance, Kulturassistentin BDT in Französische Institut
Musique/Musik :
– Premiere Murmuration (first cut) – phase7 performing.arts at Bergen International Festival
-Les Prêtres – Hymne à la joie – Chabada, émission du 16 mai 2011
– Supergrass / Alright / I should coco – 1995

Plus d’info /  Mehr Info :
https://phase7.de/
https://www.institutfrancais.de/

Partie 4 : La Minute Malte
4. Folge : Malte’s Minute
Musique/Musik :
-Sido / Mein Block / Maske X – 2005
-FL Studio 9 Remake of Sido’s track « Mein Block » – 2010


Nuit blanche pour Jungles Urbaines

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J’ai la chance et surtout l’honneur d’être exposée à l’Auberge des Idées de Villejuif à l’occasion de la Nuit Blanche, dans la soirée et la nuit du samedi 4 au dimanche 5 octobre. Photos argentiques de ma capitale adorée et capsule audio me représenteront sur place 🙂

Pour la deuxième année consécutive, La Compagnie de l’Autre Lune s’associe à Génération 2010 pour organiser la Nuit Blanche à l’Auberge des Idées, un café solidaire et culturel. 
Des œuvres, et parfois leurs artistes, seront rassemblés autour du thème « Jungles urbaines ». 

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Infos :

Nuit blanche pour Jungles Urbaines. 
Il serait facile de planter trois arbres, faire chanter un oiseau via une enceinte noix de coco, accrocher aux murs verdis les photos d’une ville en travaux, ses grilles, ses grues, les rugissements d’un marteau piqueur de mots. On pourrait brumiser la foule, climat tropical, faire dans le concept, aligner des hordes de mannequins noir et blanc et une femme en jaune qui tenterait une traversée. Bam ! La ville : jungle urbaine. Ou à l’inverse, exposer l’amazone en chantier. Bam ! La jungle, terre urbaine. Ce serait facile.

Mais à quoi servirait de faire nuit blanche si ce n’est pour courir pour de bon, sauter pour de bon, crier pour de bon, toutes ces choses que le repos ne permet pas, ralentis par une main invisible. Partir, partir à l’aventure, explorer, sans savoir où, ni pourquoi, ni comment, oser. A Villejuif on a prévu de ne planter ni marronniers, ni palmiers pour cette nuit sans lune. Pas question de suivre les sentiers battus, de partir en voyage organisé. No safari. A Villejuif on ouvre les portes aux somnambules, on ne pense plus ses rêves on les vit, pour une nuit sauvage pleine de cris. Nuit blanche pour Jungles Urbaines, état d’esprit.

Editorial de Julie Tirard

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Cette année encore, venez nombreux découvrir les installations, performances, projection et concerts!

– Peintures de Romain Vidal et Eva Kantorowitz
– Installations de Thibault Gayet et Olivier Peyronnet
– Photographies de Julie Tirad, Louise Marquise et Selena Noppi (Berlin)
– Capsule radiophonique de Julie Tirard
– Projection des vidéos artistiques du Festival OZON, présenté l’année dernière par Filip Rutkowski, Agnieszka Piotrowska et Mateusz Ząbek (Katowice)

Et plus encore:
Street art, animations autour du conte et du kamishibai (petit théâtre conté japonais)…
Petite restauration, boissons froides et chaudes.

Site internet : https://www.ville-villejuif.fr/nuit_blanche.html
Adresse : 60 rue Pasteur / Renseignements : 09 54 70 69 54 aubergedesidees@free.fr