Jule


Monplaisir sera le vôtre, garanti!

crédit photo : Julie Tirard
crédit photo : Julie Tirard

Une fois la porte franchie, nous voici arrivés au paradis des gourmands gastronomes. Immédiatement attirés par les couleurs éclatantes des macarons* en vitrines, leur coque fourrée et leur texture moelleuse ravissent nos sens. Et que dire des pralines qui trônent juste au-dessus ! Et ces petits mandorlis, délices de pâte d’amande, et là, des tartelettes aux fruits de saison, souvenirs d’enfance… On ne sait que choisir, on hésite, on avance encore, et voici des quiches, des salades, des sandwiches, on se retourne, chancelant, et l’on vacille pour de bon. Devant nos yeux émerveillés, des étagères de chocolats. Si c’est un rêve qu’on ne nous réveille pas !

Frédéric nous rejoint pour nous porter conseil, et nous voilà portés de surprises en ravissement. Ici le fait-maison est roi, quiches, sandwiches, pralines, macarons, tartelettes, « gâteaux chics », les ingrédients sont bios, de qualité, rigoureusement sélectionnés et transformés dans l’art du savoir-faire de Rebert, auprès duquel Robert et Frédéric se sont formés.

Deux heures passées en terrasse nous montrent que Mon plaisir est partagé : les vegan savourent des boissons au lait de soja bio, les macarons et les mandorlis, sans gluten, sont plébiscités par tous, les enfants se régalent d’un chocolat chaud (fait à partir de copeaux de chocolat) et l’on revient jusqu’à quatre fois par jour pour déguster une tasse de café bio et équitable, venu de la brûlerie allemande Pauli Michels.

Le rêve prendra-t-il fin avec les prix ? Même pas. On compte 1,80€ pour un café, 1,50€ pour une part de cake marbré, 2,80€ pour une tartelette ou encore 3,80€ pour une part de quiche.
Et parce que chez Mon plaisir, les meilleures choses n’ont pas de fin, avec les beaux jours arrivent bientôt les mango lassi, thé glacé, café frappé, limonade et autres plaisirs bio, frais et faits maison. Alors comme Charlie, voyagez de délices en surprises chez Mon plaisir, café-chocolaterie !

*les macarons se déclinent en seize saveurs : caramel beurre salé, cassis, cassis violette, mandarine poivre rose, yuzu (agrume japonais), vanille chocolat blanc, citron vert basilic, citron noisette, framboise litchi, framboise chocolat, chocolat, fruits de la passion chocolat, pistache cerise, campari pamplemousse, café, menthe chocolat.

Prenzlauer Berg
Café-chocolaterie Mon plaisir
Lun-Ven : 8h-19h
Sam : 11h-19h. Fermé le dimanche.
Prix : 1,80€ le café, 1,40€ à 3,90€ la pâtisserie
Pappelallee 9, 10437 Berlin
Tel.: 030 / 47 37 43 41
https://www.monplaisir-chocolaterie.de
U-Bahn : U2 Eberswalder Str.

monplaisir_berlin
crédit photo : Julie Tirard

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Comment j’ai quitté Berlin pour la nuit

les Kneipe berlinois, ces bars du temps du mur
©Le Berlinographe

Quand on vient à Berlin souvent on revient, et quand on y revient on y reste. Nous sommes beaucoup à raconter la même histoire. Et puis tous ceux qui y sont nés et n’en sont jamais partis. Martin, Mathieu, Thomas, Cross ou Max. Trente ans et plus de vie berlinoise. Changements de quartier tout au plus. De Charlottenburg à Wedding. Et encore. Il y a tout ici, la ville, la nature, les lacs, les parcs, les restos chics, les vieux bistrots, rien que tu ne trouverais ailleurs. Berlin, une mère, une sœur, une amie, toujours on y revient. Nous tous on y revient. On s’y pose, s’y repose, on s’y sent bien. On s’y cache, s’y enterre, on s’y noie aussi. Se laisse happer. On fuit parfois. Nous sommes beaucoup à raconter la même histoire. Ici on ne dit pas j’ai besoin de vacances, on dit je dois un peu quitter Berlin. Comme on fait un break, comme on fait une fugue, on doit un peu quitter Berlin, pour retrouver des valeurs, des buts, des choses qui nous tiennent, qui ramassent la flaque qu’on est devenus à errer dans ses rues, ses parcs, ses clubs. Savoir pourquoi déjà on est venu là, pourquoi on fume, pourquoi on boit, à quoi ça sert de passer deux jours à danser, et qu’est-ce qu’on cherche à oublier. Une réalité plus dure que la douce euphorie qui secoue les branches des arbres roses et verts dans ma rue. Le temps passe vite ici. Délicieuse euphorie du présent. Vivre au présent oui. Bien, beau, mais pas suffisant, une bulle de futur, une bulle de passé vient parfois faire du bien. Voilà les pensées qui m’animent ce soir, roulant sur le trottoir en direction des grands immeubles de la Potsdamer Platz. Je rejoins Martin. Ma bulle d’air de ce soir. A défaut de quitter Berlin je quitte mon quartier pour quelques heures. Besoin d’air après la traversée de quelques jours difficiles. Parce qu’il est parfois difficile de quitter Berlin, on finit par s’enraciner, s’ancrer, et ceux qui en auraient le plus besoin sont devenus trop faibles pour s’éclipser. Besoin d’air, oublier un instant ceux que je vois souffrir et qui me font souffrir moi-même. Mathieu, Cross, Max, Thomas, ces Berlinois seuls et solitaires, libres de leur geste mais aveugles dans leur prison enfumée. Libres de leurs gestes mais pas de leurs pensées, seuls et solitaires sous le soleil du printemps. Effrayés par cette lumière, enfermés à six pieds sous terre, en club, pour oublier. J’ai vu Mathieu pour son anniversaire, je suis passée chez lui sans penser l’y trouver. Quatre jours de fête derrière lui, il m’ouvre la porte en caleçon, le regard vide, le ventre creux. Ca t’embête si je fume, ça m’évite de gamberger. Voilà à quoi je pense maintenant que je descends la Straße des 17. Juni, la porte de Brandebourg dans le dos, traverse le Tiergarten. Artère touristique mais douce odeur de terre mouillée. La nuit est tombée, le parc est noir, propice à mon imagination hostile. Qui se cache dans ce parc, la nuit ? Je rejoins Martin, et mes pensées dérivent encore. Je vais mal, et je rejoins Martin. Ni Mathieu, ni A., ni Thomas, je rejoins Martin. Et je me dis que les grands valent mieux que les petits. Les grands comptent plus que les petits. Les grands seront là pour toute une vie. Vrais amis. Dérapage contrôlé. Joli vélo! Je souris, c’est Martin qui me l’a construit, réparé, donné. Qui m’a livré mon nouveau grand ami tout blanc. Je souris, et nous partons à travers Moabit. Une vraie bulle d’air dans mon Berlin. Moabit, quartier où je ne vais jamais c’est vrai, mais surtout une vraie bulle de passé. Tournée des bars est programmée. Je suis Martin de près, nous virons à la recherche d’un signe, d’une lumière où s’arrêter : là ! Vélos accrochés, coudes au bar, premier pfeffi, un, deux, trois, la menthe crisse dans ma gorge, je laisse les pièces sur le comptoir, nous repartons, roulons, j’éclate de rire. Deuxième Kneipe, du bois, des napperons, et des vieux Berlinois au bar, qui nous accueillent chaleureusement, parlent un langage que je ne comprends pas. Du Berlinois. Pfeffi, un, deux, trois, nous repartons. Soyez prudents ! Et nous roulons à nouveau, je n’ai plus froid, je suis Martin sur les trottoirs, dans ces rues que je ne connais pas, croise parfois la Turmstraße mais mes repères s’arrêtent là. Ici, un autre Kneipe, tournoi de fléchettes ce soir, je participe, ne comprend toujours rien à ce qu’on me dit mais continue d’enchaîner les Pfeffi. Bulle d’air mentholé dans ce pays lointain, les Kneipe berlinois, ces bars du temps du mur, où se retrouvent chaque soir ces familles recomposées, parce qu’on choisit ses amis, amis de boisson, amis d’un ancien temps, amis, vieux amis, grands amis. Martin à mes côtés.


Parce que certaines choses ne changent pas

Et puis il y a des choses qui ne changent pas.
©Le Berlinographe

Et puis il y a des choses qui ne changent pas.
Des rencontres sur le chemin. Des cœurs à cœurs, des connexions. Ce garçon-là, un prénom, trois fois vu trois mots échangés et soudain une soirée à deux, et les murs s’effondrent, le temps s’arrête, les heures défilent, assis au comptoir, du vin de miel. Ses mots sont les miens, il lit dans mes silences, relève mes absences, mon regard fuyant… Certaines choses ne changent pas. Quoiqu’en dise ma tête, je tomberai toujours pour celui au cœur sombre, aux blessures ouvertes, au regard franc, à la voix… Cette timidité, ces mots choisis, ces silences, fragiles, joueurs, sur un fil. Je vois Matthieu dans ces yeux bleus. Matthieu, mon doux Matthieu, perdu et cette fois peu de chance de trouver son chemin. Leçon apprise, et pourtant mon cœur faute encore, avec ce garçon-là. Instant perturbant. Trop. Le temps reprend. Trois heures.  Je pose mon verre, détourne mon regard, brise cette connexion en enfilant ma veste. Mon ami blanc m’attend dehors, je file et je fuis, les choses changent-elles vraiment ? Ou les voit-on juste différemment. Réponse assurée qui ne l’est plus. Rien n’est plus rassurant finalement. Alors pour aujourd’hui au moins je reste immobile, recroquevillée sous ma couverture, attends une réponse. Qui est flou finalement ? Mon avenir, mon présent, ou moi, tout simplement ? Moi. Floue. C’est vrai, il y a des choses qui ne changent pas au fond.


Parce que les choses changent

Oui les choses changent. Aveugle, et en mouvement. Instinct devant.
©Le Berlinographe

Les choses changent quand on range quand on mange son spleen qu’on avale qu’on digère qu’on recrache en soupirs, les choses changent et je tangue tu me tiens bois ton vin, vin de noix pain tout mou, comme nos cœurs, malaxés triturés cœurs brisés qu’on recolle pour ces lâches ces menteurs, des sournois profiteurs, tends le bras, lève nos verres, vin de noix, mange ce pain il devient froid. Les choses changent et doivent changer, bougeons les meubles, changeons le pain, boire de ce vin, ce vin de noix, changer d’amis, jaune payant pour blanc gratuit, mon cheval mon doux poney deux frêles roues et mon cœur va plus vite. Les choses changent les rues changent mon dos change mes bras mes muscles changent, des courbatures délices d’un mal qui fait du bien, du vin de noix carbure au vin de noix, les choses changent les soirs aussi, serveuse encore, sourire toujours, je tangue, navigue entre les tables, savoure ce vin de noix et fume au clair de lune. Les gens changent et se révèlent, me réveille au matin et compte les absents, rencontre les présents et change un peu moi-même. Les choses changent les arbres aussi, des feuilles des fleurs tapis de rose sur le goudron doré. Le temps change, six fois dans la journée, fatigue des nerfs changer toujours changer. Les choses changent avancent et sans prévenir me voilà qui bascule sur ce vélo tout blanc sous ces arbres fleuris entre les tables de bois m’accroche à cette guirlande à cette nappe blanche à sa bougie, choc, ouvre les yeux devant la glace, mes cheveux blonds ont disparu, mes cheveux blancs ont disparu, adieu enfance, adieu lumière. Brune. Oui les choses changent. Il faut bien suivre. Aveugle, et en mouvement. Instinct devant.


La Käserie: du fromage, des potes, et encore du fromage

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crédit photo Julie Tirard

« On ne propose que des fromages qui nous plaisent à nous « , m’explique Bastien. Direction la vitrine, voir si nos goûts sont partagés… Morbier, Gruyère, Beaufort, Roquefort, Saint Félicien, Fourme d’Ambert, Chabichou, Tome de vache, Saint Maure, Mont d’or, Raclette, Crottin de Chavignol… Je suis loin des soixante sortes de fromages proposées mais j’arrête la torture. A vous aussi votre petit fromager de quartier vous manque ? Ses conseils, son expertise, son amour du produit ? Raison de plus pour filer droit à la Käserie!

Parce qu’il s’agit bel et bien d’une boutique de fromages, et non d’un hommage aux clichés français. Ni un restaurant de fondue, ni une épicerie fine, on vend du fromage ici, dans une ambiance cosy et berlinoise. Pas question de faire la promotion de notre beau pays mais bien de proposer, dans notre capitale allemande adorée, des fromages de qualité. Fort de sa formation en fromagerie, Romain a su s’entourer d’un réseau de fournisseurs peu présents à Berlin et partageant la même philosophie, qualité et bon produit avant tout. Le résultat, 80% de fromages au lait cru, loin des fromages standardisés des grandes surfaces. Et le goût du fromage d’alpage est au rendez-vous.

Si vous choisissez de rester déguster une planche de fromage pour l’apéro, installez-vous en terrasse ou sur une des banquettes, profitez de la touche « salon » de la déco, amusez-vous avec la carte de France des fromages, et reprenez en chœur les chansons de radio nostalgie en fond sonore. « On a souvent l’impression de recevoir des amis, comme à la maison ». Bastien approuve et renchérit : « on se fait plaisir avant tout ». Et bien les garçons, impression et plaisir partagés, sans aucun doute ! Alors rendez-vous en journée, pour l’apéro, ou lors d’une des soirées spéciales fondue, Mont d’or ou tartiflette. L’ambiance Käserie : du bon fromage et des nouveaux amis !

Prenzlauer Berg
La Käserie
Lychener Strasse 6, 10437 Berlin
T. 030 34 72 34 00
Lun-Jeu : 11h-21h
Ven : 11h-22h
Sam : 10h-22h Fermé le dimanche.
Prix : 8,5€ la planche de fromage (5,5€ la petite), fondue 11€/pers
U-Bahn : U2 Eberswalder Str.

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Parce que pédaler c’est mieux que ramer

et un crétin à moi accroché.
Et un crétin à moi accroché.

Démarrer d’un coup de pied, sentir le vent dans mes cheveux, –le pollen dans mes yeux; filer droit, filer vite, sans crainte, espace pour lui et moi réservé, vibrer, –oui vibrer, merci foutus pavés; vibrer dans l’ivresse de cette liberté, pédaler, pédaler –dérailler; accélérer dans la descente, passage à l’orange obligé, –et se faire insulter, ROOOOOOOT; filer à travers les quartiers, comprendre enfin le sens de ces rues qui se touchent, carte mentale, –et en 3D, vive les montées; noms qui s’expliquent, –KreuzBERG, PrenzlauerBERG, SchöneBERG; tout sauf belle à transpirer sur cette montagne, s’arrêter sous un arbre, se perdre parfois, pour mieux perdre du temps, pour mieux prendre la pluie, et se faire insulter encore, à contre-sens cette fois, oui je sais, pardon, retard, sueur dans les yeux, mollets en feu, et le jean déchiré par le frottement de cette foutue selle en cuir, se traîner jusqu’à ce bar sympa, –finalement y avait pas plus près ?; se battre avec le cadenas enroulé, embrasser l’arbre, –trop court; chercher un poteau libre, s’accrocher à la grille du parc et se faire insulter, –oui ça va je sais; retrouver les copains, trop fatiguée pour danser, trop de verres à refuser, retourner à la grille, trouver la selle trempée, dynamo volée, et un crétin à moi accroché. Rencontrer le crétin, –juste à croquer; l’écouter me complimenter, –super vélo; l’enfourcher, –le vélo; rouler à ses côtés, traverser Friedrichshain, rejoindre Warschauer Str., dérailler, s’arrêter sur le pont, réparer, perdre du temps pour mieux le savourer, Berlin de nuit, l’eau calme de la Spree, vue magnifique et brise d’été, repartir dans un silence gêné, amoureusement gêné, Schlesi, Görli, Kotti, le soupçonner de nous poursuivre moi et mon blanc destrier, de nous séduire, –ici c’est un de mes bars préférés, super cocktails tu veux tester ?; s’arrêter, s’accrocher ensemble, –tu pars je pars avec toi. Et avec toi mon beau vélo. Désolée d’avoir râlé comme ça… Et merci… Attends-moi là je reviens vite.


Pourquoi je les ai mis à nu

amis_courtJe ne sais pas ce qui me fait pleurer. Tout va bien, allongée au bord de la Spree, Hauptbahnhof en vue, ni trop chaud ni trop froid, délicieux mois de mars. Le pollen sans doute, l’arbre qui trône sur la droite, moitié vert moitié mort, et ce jaune qui s’en réchappe. Le pollen oui, sans doute. Et le soleil, son reflet sur l’eau qui m’éclabousse. Je sors mes lunettes sombres, essuie mes larmes, m’éloigne de ces branches malignes, étale ma couverture à nouveau, et sens l’eau ruisseler encore. A chaque clignement mes cils boivent la tasse. Alors je ferme les yeux une fois pour toutes, et dans le ruisseau qui chute entre mes seins, une image. C’est elle oui. C’est vous. Tous les dix, perchés sur mon lit, à moitié nus, me faisant une place, je m’y glisse pour attendre avec vous. Attendre la fin du film. Les dix secondes ultimes de ce plan séquence de quoi, trois minutes c’est ça ? Les dix secondes silencieuses d’un chez-moi vide et plein d’amis, cachés là, derrière le mur, dans mon lit. Trois, deux, un, éclat de rire, on applaudit. On se relève en se frôlant, sans se toucher, sans se crisper, on se regarde dans les yeux, on se  sourit. On rit encore, parce que mince à la fin on est onze dans ce lit, onze copains à moitié nus, sous-vêtements bariolés, à faire un film, mon film, sur l’amitié. Et on refait une prise, on ne sait jamais.
Je vous vois défiler, un par un, et je vous entends rire, murmurer avant de vous lancer. Je quitte la caméra, dernière figurante, cours devant elle, m’arrête devant le lit, relève la tête et ne peux m’empêcher de sourire. Vous êtes si beaux, si drôles mais si beaux, mes doux oiseaux perchés. Je me hisse et me contiens tant bien que mal, je retiens mes bras, me glisse entre vous, au centre du nid, mais de tout mon cœur je vous serre contre moi.
Un film sur l’amitié. Mon amitié à moi. Ma plus grande faiblesse et à jamais ma plus grande force, celle d’aimer à cœur ouvert, sans cadre, sans case, et surtout sans frontière, d’aimer c’est tout, donner et prendre, aider, rire et parler des heures, quelques minutes, une seconde. Me foutre des conventions, des règles, des normes, des conséquences. Sans ambiguïtés et sans sous-entendus, filles et garçons pareils, colocation en sous-vêtements. Sans désir. Dans la plus pure confiance. Amitiés qui ne veulent rien de plus.
Un hymne à l’amitié. Un « idéal », ai-je hier prononcé. Et me voilà devant mon lit en culotte, devant vous dix à moitié nus, peau contre peau, sans gêne et sans tabou, le voilà mon idéal, et en cet instant-là mon film est ma réalité. Douce et belle réalité, dix personnes assez folles pour me faire confiance, me suivre dans ce projet, se mettre à nu, qui croient en moi, croient en mon amitié, en ma façon de les aimer. Voilà d’où viennent mes larmes aujourd’hui. Des larmes de sourires, des larmes d’éclat de rire. Les nôtres résonnent encore en moi. Alors tant pis si j’en perds sur le chemin, des copains qui croient voir autre chose, qui veulent voir autre chose, qui désirent autre chose. Tant pis. Parce qu’avoir dix amis dans son lit qui sourient, ça mérite toutes les prises de tête du monde, tous les malentendus entendus jusqu’à cet instant-ci. Se rhabiller, s’applaudir, sabrer le champagne, trinquer,« A Jule ! », traverser la rue, s’installer dans le Hasenheide Park, s’allonger dans l’herbe, danser, chanter, parler soirée, parler voyage, coiffure, théâtre, vélo, et se goinfrer de nutella. Danser encore, se lancer un ballon, courir, revenir, parler peinture, théâtre, muscu. Ne rien promettre, profiter c’est tout, profiter de nous, dans l’instant immédiat. S’aimer pour ce qu’on est, voilà tout. Revoir le film, encore et encore, en parler toujours, garder ces quelques heures dans notre cœur. Pour toujours.

Merci. Merci, merci, merci. Merci.

Update en ce début du mois d’octobre… là voici

Restons amis from Jule Leberlinographe on Vimeo.


Masaniello, ou la vraie pizza italienne

crédit photo : Julie Tirard
crédit photo : Julie Tirard

On a tous « le meilleur… de Berlin » à côté de chez soi. Pour ma part, je me targue d’avoir le meilleur italien au coin de ma rue. « Mais non ! Le meilleur italien, il est à… » Que nenni ! S’ensuit débat, éclats de voix, etc. Alors quel soulagement quand Gio, Italien de Prenzlauer Berg, me lance avec envie « Ah mais tu habites près du meilleur italien de Berlin » ! Ha, qu’est-ce que je disais ?! Silence parmi mes amis, ni une ni deux, nous partons l’essayer. Démonstration :

1. Italiano, si ! Tous les serveurs sont italiens, et chaque jour familles et groupes d’amis italiens viennent y manger. Gage de qualité sans conteste.

2. Originale, si ! Une longue carte de pizzas variées, cuites au feu de bois, aux ingrédients divers – artichauts, gorgonzola, jambon de Parme, basilic frais… – et traditionnels – bresaola (charcuterie), mozzarella di bufala…

3. Rapporto qualità prezzo, bueno ! De grandes pizzas à la pâte fine et croustillante pour moins de dix euros. Et si vous n’arrivez pas au bout, faites-la empaqueter pour le lendemain.

4. Addizionale : Tournez-vous vers le tableau pour y trouver une offre de plats traditionnels (aubergines, lasagnes, penne…) et chaque vendredi, du poisson frais. Profitez de la terrasse avec les beaux jours, et surtout, n’oubliez pas de commander un expresso, plaisir garanti !

Kreuzberg
Ristorante-Pizzeria Masaniello
Tous les jours : 12h-00h
Prix : 6,00 à 9,50€ la pizza
Hasenheide 20
- 10967 Berlin-Kreuzberg
Tel.: 030 6 92 66 57
https://www.befo.de/masaniello/
U-Bahn : U8/U7 HermannPlatz

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Pourquoi je ris avec un bras endolori

Retour à la maison sous ses rires moqueurs (...) doux moment printanier
©Le Berlinographe

E-mail. Je pars en Afrique le mois prochain. Le genre d’information qui ne peut me laisser de marbre. Surtout au matin. Devant ma tasse de café, un œil ouvert l’autre à moitié collé, du genre à recracher l’intégralité de ma dernière gorgée sur mon clavier. Ce genre de nouvelle.
E-mail. Je dois faire un vaccin. Le genre d’information qui ne peut me laisser de marbre. Surtout le soir, un œil ouvert l’autre à moitié fermé, du genre à m’enterrer sous ma couette en me demandant si la fièvre jaune, au fond, c’est si grave que ça. Non mais au fond ?

Arrivée au centre des médecines tropicales de Friedrichstraße. Remplissez ça. Vous avez votre Ausweis ? Je sors ma carte d’identité. Non non, votre Ausweis ! Je sors mon passeport tout frais. Mais non enfin, votre Impfpass, votre carnet de vaccination ? Ah ! Oui mais non, je ne donne pas dans ce genre de collection… Patientez.
Je patiente. Ecris à Martin qui me rejoint dans une heure, peinture de ma table basse au programme. Sois forte Jule ! Oui… Et avec un peu de chance le médecin sera mignon. Smiley outré de Martin, smiley démoniaque de Jule. Rien de mal à rêver.

Arrivée du médecin. Mignon. Très mignon. Finalement un vaccin, au fond, qu’est-ce que c’est ? Asseyez-vous. Volontiers. Vous avez des allergies ? Aux poils de suricates. Il ne rit pas. Moi non plus. Non mais sérieusement ?! A part ça non, je n’ai pas d’allergie au blanc d’œuf (rapport ?!). Mon voyage en Afrique ? Personnel. Non je ne rejoins personne.  Mais j’aimerais beaucoup avoir quelqu’un à rejoindre… Il ne relève pas. Je ne m’en relève pas non plus. Non mais sérieusement ?! Asseyez-vous là. Volontiers, et si on pouvait arrêter de parler par la même… Relevez votre manche sur l’épaule. Volontiers. Ah. Oui mais non. Mon pull reste bloqué au coude. Ca ne vous gêne pas si je l’enlève? Mon dieu, ce ne sont même plus des perches que je lui tends mais des colonnes grecques. Haussement de sourcil, seringue dans la main droite.  Soit… Un, je regarde fixement le mur, deux, aïe, trois, c’est bon, allez, bon voyage et au revoir. Oui, euh merci. Bon, je me rhabille alors si c’est fini… Retour à l’accueil. Gardez-bien votre pass, voilà votre facture, bon voyage et bonne journée ! Oui merci je… euh… Je m’accroche au comptoir, vague de chaleur, mon sang est en marée haute, mes doigts moites glissent sur le formica… Nicht gut là, nicht gut !

Retour dans le cabinet du médecin. Allongée cette fois, avec mon pull toutefois, verre d’eau dans la main gauche, gâteaux dans la main droite. Prenez votre temps… On ferme à dix-neuf heures ! L’Allemand tente une blague, progrès. Il me sourit. Gagné ! Je m’abstiens de commenter, retiens mes propositions post-dix-neuf heures, mon cerveau embué. Martin est à l’accueil. J’entends son rire. Je vous laisse avec votre ami. Oui, non, « ami » hein, « grand ami », pas petit ! Dieu que le vocabulaire allemand manque de précision ! Martin me remet sur pieds. Retour à la maison sous ses rires moqueurs. Et finalement c’est agréable. Un coca à la main, assis en plein soleil dans mes fauteuils en osier, balcon ensoleillé. Doux moment printanier. Rêver à l’amour, trinquer à l’amitié, rire d’une complicité. Le bras endolori, et savourer.


Parce qu’on a tous nos forces

Rester floue… Moi je ne sais pas rester floue.
©Le Berlinographe

J’ai déplacé mes meubles, acheté une table basse, c’est bon d’être chez soi. J’ai flâné au marché, mangé un falafel, c’est bon d’être chez soi. J’ai ramassé mon cœur, regroupé les morceaux, Berlin les recollera. Confiance en elle, confiance en vous, les filles qui débarquez ce soir, la colle à la main. Alcool à la main. Musique !
Marie parcourt mes vinyles, Léa remplit nos verres. Je caresse le tapis du bout des doigts. Coup d’œil autour de moi. Sentiment rassurant d’un chez-moi qui m’embrasse, me protège, nous réchauffe dans la tempête. Il y a du vent à Berlin. Et du vent sur nos cœurs. C’est bon de vous voir mes belles…

Premier verre. Beatles.
M : Dis-moi Jule, j’aime bien hein, ce n’est pas le problème, mais t’as pas l’impression d’avoir loupé une ou deux décennies dernièrement ? Le tourne-disque, l’appareil argentique, les meubles en osier, le téléphone à cadran…

Coup d’œil autour de moi. Pas faux. Trois gamines dans le grenier de mon père. Je souris. Voilà peut-être la raison de mon bien-être ici. Je peux me blottir contre chaque être immobile, me laisser bercer par leur histoire. Berlin aussi fait cet effet-là.

Deuxième bouteille. Gainsbourg.
L : 2014, année érotique ? On n’est pas trop mal parties jusque-là non ? Je te l’accorde Jule, bien parties mais mal arrivées. Toi et Thomas, moi et Jan…

M : Vous êtes allés trop vite aussi ! Bon je dis ça, mais moi avec Stéphane ça va à deux à l’heure et c’est pas mieux.

L : Venez en soirée avec nous la prochaine fois plutôt que de boire des coca à Prenzlauer Berg. A sportifs sérieux, soirées de vieux !

M : J’ai un semi dans trois semaines ! Et j’ai une vie moi. Qui rentre à pas d’heure restera chômeur !

Certes. Et qui cherche la passion ne trouvera que des cons. On a toutes nos faiblesses.

Cinquième verre. Nina Simone. Non les filles. Pas Nina Simone. Celui-là est à Thomas.
Boby Lapointe.
M : Avaniiiiiie et Framboiiiiiiiseuh sont les mamelles du destin !

L : T’es sérieuse là ?

M : J’écoutais ça dans la voiture de mon père quand on partait l’été dans le Sud ! By the way c’est Jule qui a le vinyle je te signale, je ne fais que savourer ma madeleine !

C’est vrai. Aucune excuse. Boby c’est ma madeleine aussi. Et puis franchement Boby Lapointe c’est un truc de connaisseurs, un truc qui rapproche. Chanter Aragon et Castille à plusieurs en fin de soirée ça crée des liens ! Il a du bobo Léon, en canon, ça vous crée un réseau !

Troisième bouteille. Souchon.
M : C’est Berlin le problème. On cherche des mecs bien, qui ne se droguent pas, alcool et cannabis compris bien sûr, et qui ont un boulot stable. Clairement on s’est plantées d’endroit.

L : On « cherche Jésus en enfer », dixit Cross. Non mais c’est les mecs aussi. Avant trente ans ils veulent juste s’amuser, et après trente ans ils paniquent parce qu’ils se disent que tu vas être la mère de leurs enfants, donc pas intérêt à se planter de fille.

M : Du coup les mecs de plus de trente ans cherchent des filles de moins de trente ans pour un truc pas sérieux. Sauf que nous on veut du sérieux, on a toujours dix ans d’avance sur eux. Ils devraient taper dans les moins de vingt ans !

L : Ou pas.

M : Bref. Ils devraient arrêter de nous faire chier. Faut jouer la distante, mais faut les rassurer, faut leur donner un peu, mais surtout pas trop, faut pas trop en demander, mais être dans le besoin, dépendantes d’eux mais indépendantes sur tout le reste…

L : et surtout rester floues !

Rester floue… Moi je ne sais pas rester floue. Moi je ne peux pas rester floue. Je suis une passionnée, je pense avec mon cœur, suis mon instinct, incapable de mentir ne serait-ce par omission. Je dis tout. Je ressens trop. Tu es beau. Je manque de tes mains. J’adore tes doigts sur ma peau. Ta voix me berce. J’aime te faire rire. J’aime te séduire. J’ai rien sous ma robe. Non je ne ressens pas trop ! Je ressens c’est tout, et c’est beau ce que je ressens. Quand c’est beau avec l’autre ça ne doit pas se taire, ça ne doit pas se cacher. Tu me plais. Je te veux toi et personne d’autre. Ta barbe me pique. Mords-moi. J’ai envie de toi. J’adore avoir envie de toi. Que c’est bon d’aimer ! Que c’est bon de tomber amoureux ! Parler pendant des heures dans les draps, nus dans les draps, découvrir ta musique. Découvrir ton univers, t’initier au mien. Bien sûr que je veux savoir comment s’appelait ton chat ! Tu me fais rire. Pourquoi attendre pour se dire ça ? Qu’est-ce qu’on attend bon sang ? De savoir si c’est la bonne personne ? Si on va avoir mal ? Mais bien sûr qu’on va avoir mal ! Et bien sûr que c’est la bonne ! Parce que c’est la bonne maintenant. Maintenant et pas demain. Profitons, profitons ! Qu’on se quitte dans six mois, trois ans, vingt-cinq ans qu’est-ce que ça change ! On aura mal un jour, oui, peut-être, mais on aura bon maintenant, et demain. Des frissons, des papillons, des étoiles dans les yeux, des rires d’enfants, des orgasmes à en pleurer d’émotions, parce qu’on se laisse aller, parce qu’on tombe amoureux, parce qu’on se fait confiance.
Pour ça je déteste vieillir. Mes amours à vingt ans ne jouaient pas à faire semblant. On s’aimait dans l’instant. C’était bon. Ne me demandez pas de changer ! Je suis une passionnée oui, et fière de l’être. Tant pis si mon cœur doit se briser encore et encore sur vos questions d’ego, sur vos manques de confiance, sur vos doutes cérébraux. Réfléchissez, prenez-vous la tête à deux mains, pendant ce temps moi j’aime. Moi j’aime.

Quatrième bouteille. Asaf Avidan.
Si bon le grave du vinyle sous le diamant. Délicatesse d’une piquante caresse. Ma peau frémit sous les cris. Marie et Léa savourent. Mes belles, mes douces. C’est beau avec vous. Confiance partagée. Et vos lèvres sucrées. Et vos lèvres sucrées.


Pourquoi belle et triste

©Le Berlinographe

Arrivée en avance à l’aéroport. Temps pour un café au soleil. Ciel bleu. Il paraît qu’il fait chaud à Berlin. Retour sous la lumière du printemps. Sourire. Renaissance bienvenue. Je sors mon carnet par réflexe, mon crayon attend entre mes doigts avides. A quelques mètres de moi une femme. La tête entre ses mains, les lèvres bercées par quelques fines larmes. Son sac à ses pieds. Perchée sur son tabouret. Oiseau triste sur sa branche. Je pense à Belle et Triste, librairie à Wedding. Alors à défaut d’être héroïne de roman elle sera mon personnage d’aujourd’hui. Je prends mon crayon pour la consoler. Pourquoi pleures-tu ma douce ? Un amour perdu bien sûr… En fait je sais pourquoi tu pleures. Je l’ai vu ce beau garçon partir, l’ai croisé à vrai dire. Le sac sur l’épaule, le regard fixe, un peu morne, un peu triste oui. Je crois qu’il était triste aussi tu sais. Il marchait droit, ne s’est pas retourné, peut-être par peur de ne plus savoir continuer. Tu as attendu qu’il disparaisse pour libérer tes yeux, tes mains tremblantes, sans un regard autour de toi. Belle et Triste.

Mais sous ma plume, jolie larme, les histoires sont amoureuses. Perchée là sur ta branche, si frêle, si légère, je parie que tu n’as rien mangé. J’ai peur que la brise te renverse, mais ta nuque est droite, ton dos ne courbe pas, tu règnes sur cette table, sur ce hall, sur cet aéroport. Sous ma plume douce enfant, je vois son visage derrière la vitre, il t’observe, il est revenu, ses yeux brillants dans le soleil il te regarde pleurer. Tes larmes le rassurent. Tu l’aimes alors, pour de vrai ? Tes sourires étaient pour lui, pour de vrai ? Tes mots doux dans son oreille ont vraiment existé ? Mais qu’est-ce qu’il fout derrière cette vitre putain ? Qu’est-ce qu’il est en train de faire, à qui ment-il en écrasant ton cœur, en reniant votre lien ?

Soudain tu lèves la tête, je regarde avec toi mais il a disparu. J’attends avec toi, le cœur battant, j’attends de voir sa silhouette à l’autre bout du hall, j’attends son cri, qu’il hurle ton prénom, j’attends ses pas précipités, ses bras qui t’enserrent, sa bouche sur la tienne, ses doigts dans tes cheveux, j’attends son cœur qui bat pour toi, qui bat pour vous deux.
J’entends son cœur qui bat. Mais seul. Dehors. Loin de la vitre. Parce que ma plume ne le fera pas revenir. Trop pure pour ses mensonges, ta vérité est une bien meilleure compagnie. Touché, il ne saura t’aimer s’il ne s’aime pas lui-même. Aimer pour deux, c’est pas du jeu, alors oublie. Les meilleures choses méritent qu’on les savoure, tu me l’as dit toi-même. Coupables à deux d’avoir cru, en deux semaines, construire un amour éternel.

Pleure ma belle, ma douce Jule, pleure, mais très vite souris. Parce qu’il fait chaud à Berlin, je te le garantis.


Pourquoi mon coeur n’est pas libre

Manque de défaillir quand l’avion décolle, rosée du soleil qui se lève...
©Le Berlinographe

J’ai acheté ce foutu billet aller. Départ mercredi. Tegel. 6 h 30. Le ventre noué j’ai fait mon sac, j’ai rangé mon chez-moi, pour rejoindre ton chez-toi. J’ai rangé. Nouée. J’ai pris ma douche, en espérant m’y noyer. J’ai réglé mon réveil, terrifiée. Trois heures de sommeil devant moi. Angoisse de ne pas dormir. Angoisse de ne pas me réveiller. Quel est le pire à vrai dire. 4 heures. Plus l’heure de demander. Traverse la rue, découvre avec délice la lumière du Petit café. Lait chaud, réconfort, mon sac sur l’épaule, me voici sur le quai.  4 h 12. Effarée par le métro blindé. Où vont-ils, d’où viennent-ils tous ces gens ? Il est quatre heures du matin bon sang, et on est mercredi ! Je finis par m’asseoir, soulagée. Je ne sais quelle musique choisir, chose rare à Berlin. Péripétie romantique en capitale électronique, matinée lyrique mais l’acoustique m’endormira. Mes écouteurs demeurent silencieux. Je fixe le vide, les yeux ouverts. Ne pas dormir. Manque de défaillir quand l’avion décolle, rosée du soleil qui se lève, pas le temps d’un soupir. Manque de défaillir quand l’avion se pose. Gris, vert, froid, plat. Drôle de pays dis-moi. Je repère un café, t’y attends. Ouvre mon livre mais ne lis pas vraiment. Le ventre noué, je sens mon sac à mes pieds. Sursaute à chaque ombre qui passe. Vulnérable. Je me sens vulnérable.
Ai quitté ma ville, mon chez-moi, mes repères, ce qui m’attache, me fait tenir debout, pour savoir ce qu’il y a entre nous. Parce qu’il me faut aller au bout, toujours aller au bout. L’amour est une drogue comme les autres. A essayer pour voir. Pour savoir ce qu’on veut, où l’on va, où l’on est prêt à se rendre.
Vulnérable. Dans cette maison blanche et noire qui ne m’inspire pas. Trop obsédée par toi. Trop obsédée par ce qui n’est pas ici. Ce qui est resté là-bas. Tout quitter pour voir, ressentir, savoir ce qu’il y a entre nous. Et entre nous il y a 700 km. 690 km qui m’indiffèrent, j’en conviens, et 10 km qui me déchirent le cœur. Car entre nous il y a Berlin. Or cette foutue capitale a mon cœur. Et dans mon cœur Marie, Mathieu, Léa. Et dans mon cœur Martin, Cross, mon chez-moi. Vulnérable sans eux, vulnérable avec toi. Et la brise sur ma joue n’y change rien. La marée à mes pieds n’y change rien. Le cri des mouettes, les coquillages, les champs de blé. Si tu as peur, que dire de moi ! Seule, si seule dans ce pays gris, vert, froid et plat. Attachée à tes yeux, mon cœur subit le manque. Sans elle je suis perdue, incomplète, sans eux je tangue, tu le vois bien, je ne suis bien qu’allongée contre toi. Or je ne sais vivre à moitié. Je suis montée dans l’avion et j’y remonterai. Billet retour. Serre moi dans tes bras mon amour, mon cœur s’envole déjà.



Parce qu’il est bon d’applaudir

Hangar bordélique aux tapisseries musicales
©Le Berlinographe

Je suis la seule à hocher la tête et je m’en fous. A balancer mon pied et je m’en fous, à bouger, d’avant en arrière, à bouger, au son, au rythme. Au bruit qu’ils font tous les trois ensemble. Au bruit. A quel moment le bruit d’un instrument se fait mélodie, à quel moment le bruit de trois instruments se fait morceau, se fait musique ? Se fait bonheur, bien-être, sensation, se pose dans l’air, volette, m’atteint moi, ma jambe, ma tête, pourquoi moi, pourquoi Léa, et pourquoi pas ce vieux monsieur au béret noir un peu plus loin.

Entente. Voilà ce que m’apprend le concert de jazz de la Konzertflügel ce soir. Entente, prémisse nécessaire à l’harmonie. Voilà ce que j’apprends ce soir. Et voilà qui éclaire mon samedi soir dernier. Si l’entente est nécessaire au partage, le partage n’en découle pas toujours, et l’harmonie non plus. Conséquence. Et de là au déséquilibre il n’y a qu’un son discordant. Un regard qu’on rate, un geste qu’on ne voit pas, occupé à ses notes, aveuglé par ses cordes. Trois merveilleux musiciens ne livrent pas toujours une belle mélodie. Trois amies, belles amies perdent parfois leur sourire. Suffit d’un regard qu’on rate, d’un geste qu’on ne voit pas, d’un chemin qui s’égare. Se sentir seule au fond d’une cave à Neukölln, parce que soudain nous ne parlons plus le même langage Léa et moi. Se sentir seule au Golden Gate parce que Mathieu n’ouvre plus yeux. Se sentir seule sur le canapé d’un Cross qui n’a aucune idée de quoi répondre à une femme agressée. Et puis soudain, un jeudi soir comme les autres devient un jeudi soir merveilleux. Parce que les belles personnes, le bon vin, le bon endroit. Tout s’assemble, tout s’écoute et se répond. Sans vide, sans fausse note, accord parfait. Des trois musiciens, de leur public et leur musique, de Léa et moi, nos chaises disparates, nos verres de vin, et la salle qui nous parle aussi. Surtout la salle. Hangar bordélique aux câbles tendus et lampes de fer, tapisseries musicales, morceaux de piano sur le béton. Alors que tout appelle à la dissonance, le moindre désaccord se fait accord parfait. Du moins pour moi. Si fortement balancée entre ces sons je ne tombe pas de ma chaise, si fortement malmenée par ces sons je souris cependant, les larmes viennent et repartent, je pense à mille choses à la fois, transportée. Premier baiser de Thomas, au bas de mes escaliers, première leçon de piano, l’avion qui décolle et moi dedans, Léa, jolie Léa et sa jambe qui tremble, le bois, le bois de ma table à écrire. Et le son du crayon sur le papier, quatrième musicien dans ma mélodie à moi. Et Léa qui avale une gorgée de son vin, cinquième musicienne de notre groupe. Et la lampe qui grésille, sûrement, et le souffle du chauffage, combien sommes-nous finalement à jouer ce soir, à savourer ce soir, à aimer quelque part, à rougir de plaisir et à fermer les yeux. Vous avez raison d’applaudir, allez-y, allez-y, parce qu’on n’applaudit pas tous les jours. Et parfois on devrait. Applaudir.


Heat & Beat : le burger bar où chiller

crédit photo : Julie Tirard
crédit photo : Julie Tirard

C’est à Neukölln, aux environs de la Pannierstrasse, quartier du döner et du chicken, que le Burger « Heat & Beat » a ouvert en ce début d’année. Ne sachant que choisir, Jakob et Louis me viennent en aide : plutôt sucré-salé avec le « Ostgut » et ses oignons au balsamique ou alors ambiance méditerranéenne avec le « Hirschbar » et ses aubergines ?

Avant que ma salive ne goutte sur le comptoir, je me décide pour le « Casino » avec bacon en extra, et pars m’installer dans l’arrière-salle. Déco soignée, ambiance tamisée, produits de qualité, on est à mille lieues de l’Imbiss classique ! Et si on jouait au jeu des sept différences ?

1. L’ambiance comme à la maison : « tu es chez toi, tu n’as pas envie de cuisiner, tu viens ici et tu sais que tu peux rester aussi longtemps que tu veux », m’explique Jakob.

2. Le concept « Burger-bar » : parce qu’on a la place de venir à plusieurs, parce qu’on a le temps de discuter avant de partir en soirée, et parce que la carte des burgers ressemble presque à une carte de cocktails ! Des ingrédients variés et originaux qui donnent envie de tout tester.

3. Le côté Berlinois-friendly : Jakob et Louis, 100% Berlinois, sont aussi 100% Friendly ! Ils parlent volontiers anglais, allemand, espagnol, et même un peu français, sourire à la clé.

4. Les ingrédients de qualité : une viande de race écossaise tendre, savoureuse, au goût prononcé, des pains à burger originaux et des fruits et légumes frais.

5. L’originalité des recettes : l’« Icon » et ses pommes caramélisées, le « WMF » et sa confiture de cerise, le « Hirschbar » et ses tomates séchées…

6. Les petits plus : tous les burgers peuvent se manger veggie, et le veggie se fait vegan à l’envie. Notre must-have : les frites de patates douces. Un régal.

7. L’ambiance arty : des expositions dans les deux salles qui changent chaque mois, de la bonne musique en fond sonore, et chaque week-end, de 20h à 1h, un DJ joue en live.

Et de 7, trouvées ! Ca tombe bien, mon burger est là. Compte tenu de sa taille, je suis à deux doigts de demander couteau et fourchette, mais Jakob m’arrête : « les burgers sont faits pour être mangés avec les mains ! On fait exprès de couper fin les tomates, oignons et cornichons pour que rien ne tombe du pain, et pour que tu aies bien tous les goûts en même temps, et pas tranche après tranche… ». Et bien surprise, je m’en suis sortie haut la main, le ventre plein, et certaine de revenir dès demain !

Jeu-bonus : saurez-vous reconnaître les anciens clubs cachés dans les noms des burgers ?

Neukölln
Heat & Beat
Lundi au Jeudi : 13h – 00h
Vendredi : 13h – 02h
Samedi : 13h – 01h
Dimanche : 13h – 23h
Prix : 4,50 à 6,20€ le burger
Sonnenallee 67 – 12045 Berlin
U-Bahn : U8 Hermannplatz / U7 Rathaus Neukölln

Et encore plus de bonnes adresses sur vivreaberlin.com


Parce que parfois j’ai besoin d’étiquettes

Et un billet d'avion qui va.
©Le Berlinographe

Ce soir je bois un verre. Avec un mec. Un mec bien. Un beau mec. Marrant. Vraisemblablement intelligent. Ce soir. A retenir. Ce soir. L’incruster dans mon esprit à défaut d’en avoir envie. Parce qu’encore une fois je pense à toi Thomas. Foutu cœur prisonnier. Otage de ton absence. Otage de tes mots, tes bribes de mots.

Moi aussi je pense à toi… Et j’aime ça.

Pas moi ! Je déteste ça. Parce que je hais les entre-deux. Les compromis c’est pas mon truc. Addict à l’extrême oui toujours, il y a des choses qu’on a beau soigner et qui ne passent pas. Et surtout avec toi, surtout au rythme où bat mon cœur quand je suis contre toi.

Qu’est-ce que tu veux Jule ?

Partir d’ici. M’envoler. Sans promesse, sans engagement, sans stress, mais monter dans l’avion. Te chercher, te trouver, t’embrasser à en perdre mon souffle, à en faire exploser mon cœur une fois pour toutes. Ecrire mon foutu deuxième roman face à ta foutue baie vitrée. Partir en virée. Photographier. Sans promesse, sans stress, juste essayer.

Qu’est-ce que tu veux Jule ?

T’oublier. Libère les otages bon sang. Laisse moi partir, pense à moi si ça t’amuse mais d’aussi loin que tu es désormais. Me dire que de toute façon ça n’aurait pas marché. Me dire qu’au fond c’était peut-être pas si beau avec toi. Me dire que… Je sais pas je sais plus.

C’est ça que tu veux ?

Je sais pas je sais plus. Mais je ne veux pas d’entre-deux. Je ne veux plus d’un petit peu. Je veux tout. Ou rien. Plus de doute, et qu’on se mette des étiquettes. Des petites étiquettes comme ça, pour savoir, qui on est l’un pour l’autre. Pour savoir si tu es dans mes moyens. Des étiquettes. Et un billet d’avion qui va.